LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits des programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et ceux du compte d'affectation spéciale «  Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 46 ter (nouveau)

Intégration de la nouvelle indemnité de sujétion spécifique de certains personnels de la police et de la gendarmerie nationales dans le calcul de leur pension de retraite

Le présent article, introduit par amendement du Gouvernement et retenu par lui dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, vise à intégrer la nouvelle indemnité de sujétion spécifique de certains personnels de la police et de la gendarmerie nationales dans le calcul de leur pension de retraite.

Le protocole du 2 mars 2022 pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale et le protocole du 9 mars 2022 pour la modernisation des ressources humaines de la gendarmerie nationale ont notamment prévu la création une indemnité de sujétion spécifique pour les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et les personnels civils et des corps militaires de soutien de la gendarmerie nationale. Cette indemnité s'appliquera à compter du 1 er juillet 2023.

Le présent article déroge aux articles L15 et L61 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui posent le principe de la seule prise en compte du traitement ou de la solde dans le calcul de la pension de retraite et dans son financement (cotisations retraite). Il prévoit que les personnels concernés admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1 er juillet 2023 bénéficient d'un complément de retraite au titre de l'indemnité de sujétion spécifique qu'ils ont éventuellement perçue au cours de leur carrière. En outre, en conséquence, il prévoit que l'indemnité sera soumise à cotisation dans des conditions fixées par décret.

Cet article résulte directement des protocoles de mars 2022 et s'insère dans le cadre des financements annoncés par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI), adoptée par le Sénat en première lecture en octobre 2022.

La commission des finances propose l'adoption de cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA MISE EN PLACE D'UNE INDEMNITÉ DE SUJÉTION SPÉCIFIQUE AU BÉNÉFICE DE CERTAINS PERSONNELS DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE NATIONALES

Dans la continuité du Beauvau de la sécurité, et dans le cadre de la préparation de la présentation du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI), ont été conclus :

- le 2 mars 2022, le protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale ;

- le 9 mars 2022, le protocole pour la modernisation des ressources humaines de la gendarmerie nationale.

Ces deux protocoles comportent de nombreuses mesures, dont une partie relève de mesures indemnitaires visant à valoriser certaines fonctions, notamment l'engagement sur la voie publique, la prise de responsabilité ou encore le travail en horaires décalés. Le coût global de ces protocoles est, de 2022 à 2027, de 783 millions d'euros pour la police nationale et de 700 millions d'euros pour la gendarmerie nationale.

Ces protocoles prévoient en particulier une indemnité de sujétion spécifique pour, d'une part, les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et, d'autre part, les personnels civils et des corps militaires de soutien de la gendarmerie nationale.

A. UNE INDEMNITÉ APPLICABLE À COMPTER DU 1ER JUILLET 2023, AU PROFIT DES PERSONNELS ADMINISTRATIFS, TECHNIQUES ET SPÉCIALISÉS DE LA POLICE NATIONALE ET DES PERSONNELS CIVILS ET DES CORPS MILITAIRES DE SOUTIEN DE LA GENDARMERIE NATIONALE

La nouvelle indemnité s'appliquera à tous les personnels de ces corps, du seul fait de leur appartenance à la police ou à la gendarmerie nationales . Elle vise, selon le Gouvernement et les représentants syndicaux, à matérialiser l'appartenance à part entière de ces personnels à la police ou à la gendarmerie nationale . Elle rétribue, en outre, le risqué lié à l'exercice des fonctions . Plusieurs personnels des corps administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale ont en effet été blessés ou tués à l'occasion de l'exercice de leur fonction 46 ( * ) .

Cette indemnité sera mise en place à compter du 1 er juillet 2023 et verra son montant progressivement augmenter. Elle sera, pour chaque personnel, de 120 euros au 1 er juillet 2023 , de 160 euros au 1 er juillet 2025 et s'établira finalement à 200 euros à compter du 1 er juillet 2027 . Le protocole de la police nationale précise que « les travaux ayant été conduits sur une hypothèse de taux de cotisation au titre de la pension civile 47 ( * ) de 20 %, le montant du gain brut devra être ajusté en cas de modification à la hausse de ce taux pour que les agents ne soient pas perdants ».

B. UNE PRIME QUI, EN TANT QUE TELLE, N'EST À CE JOUR PAS INTÉGRÉE DANS LE CALCUL DES PENSIONS DE RETRAITE

Les protocoles conclus le 2 mars 2022 (police nationale) et le 9 mars 2022 (gendarmerie nationale) prévoient la prise en compte de cette nouvelle indemnité dans le calcul de la pension de retraite des personnels en bénéficiant.

Toutefois, en l'état du droit, une telle prise en compte n'est pas possible. L'article L15 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose en effet que le montant de la pension liquidée est calculé sur la base du « traitement ou [de] la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite (...) ». Par principe, les primes et indemnités ne sont donc pas prises en compte dans le calcul de la pension , sauf disposition législative contraire. De même, l'article L61 du même code prévoit que la couverture des charges résultant, pour l'État, de la constitution et du service des pensions est assurée par « 1° Une contribution employeur à la charge de l'État, assise sur les sommes payées aux agents visés à l'article L. 2 à titre de traitement ou de solde, à l'exclusion d'indemnités de toute nature (...) ; 2° Une cotisation à la charge des agents visés à l'article L. 2, assise sur les sommes payées à ces agents à titre de traitement ou de solde, à l'exclusion d'indemnités de toute nature (...) ».

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA PRISE EN COMPTE DE L'INDEMNITÉ DE SUJÉTION SPÉCIFIQUE AU TITRE DU CALCUL DES PENSIONS DE RETRAITE

Conformément à ce qui indiqué dans les protocoles conclus le 2 mars 2022 (police nationale) et le 9 mars 2022 (gendarmerie nationale), le présent article, introduit par amendement du Gouvernement et retenu par lui dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, vise à assurer la prise en compte dans le calcul de la pension de retraite de l'indemnité de sujétion spécifique.

Le présent article déroge ainsi explicitement, en son premier alinéa, aux articles L15 et L61 du code des pensions civiles et militaires de retraite , qui posent le principe que seul le traitement ou la solde, à l'exclusion des primes et indemnités, sont pris en compte dans le calcul de la pension liquidée et dans les modalités de son financement (cotisations retraite) 48 ( * ) .

Il définit ensuite, toujours en son premier alinéa , les catégories de personnels concernés par cette prise en compte de l'indemnité dans le calcul de la pension de retraite ; elles correspondent à l'ensemble des bénéficiaires de cette indemnité. Sont ainsi concernés :

- d'une part, les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et personnels civils de la gendarmerie nationale ;

- d'autre part, les personnels militaires visés au 2° de l'article L. 4145-1 du code de la défense, à savoir les officiers du corps technique et administratif et les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale.

Il prévoit également que l'indemnité de sujétion spécifique est prise en compte dans le calcul de la pension de retraite à compter du 1 er juillet 2023, soit à la date de création de la prime.

Le présent article dispose ensuite, en son deuxième alinéa , que les personnels concernés admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1 er juillet 2023 et titulaires d'une pension servie en application du code des pensions civiles et militaires de retraite bénéficient d'un complément de retraite au titre de l'indemnité de sujétion spécifique qu'ils ont éventuellement perçue au cours de leur carrière . Seules les années de services accomplies dans la police et la gendarmerie nationales entrent en compte pour le calcul de cette majoration de pension ( dernier alinéa de l'article ). Les conditions de jouissance et de réversion de ce complément sont identiques à celles de la pension elle-même ( troisième alinéa de l'article ).

Enfin, le présent article prévoit, en son premier alinéa , que l'indemnité de sujétion spécifique est soumise à cotisation dans des conditions fixées par décret , ce qui constitue la conséquence logique de sa prise en compte dans le calcul de la pension de retraite.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DE L'ENGAGEMENT PRIS PAR LE GOUVERNEMENT DANS LES PROTOCOLES DE MARS 2022 ET DES FINANCEMENTS DE LA LOPMI

Le rapporteur spécial comprend le souhait du Gouvernement et des représentants du personnel, manifestés dans le cadre des protocoles de mars 2022, de valoriser la fonction des personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et des personnels civils et des corps militaires de soutien de la gendarmerie nationale. Plusieurs arguments justifient la création d'une indemnité de sujétion spécifique à leur bénéfice et sa prise en compte, via le présent article, dans le calcul de la pension de retraite.

En premier lieu, alors que plusieurs indemnités sont créées ou revalorisées au profit des personnels actifs des deux forces par les protocoles de mars 2022, cette mesure matérialise l'appartenance pleine et entière de ces personnels à la police ou à la gendarmerie nationale . En outre, les années passées ont montré qu'ils étaient exposés à un véritable risque dans l'exercice de leurs fonctions 49 ( * ) .

En deuxième lieu, ces personnels seront amenés dans les années à venir, conformément aux orientations de la LOPMI, à occuper davantage de postes administratifs et de soutien et à effectuer davantage de tâches de support afin de permettre aux personnels actifs qui en sont chargés aujourd'hui de retrouver leurs fonctions opérationnelles et d'être davantage présents sur la voie publique.

En dernier lieu, la création de l'indemnité et sa prise en compte dans le calcul de la pension liquidée résultent directement des protocoles de mars 2022, lesquels sont intégrés dans la future LOPMI, que le Sénat a adoptée en première lecture en octobre 2022.

Le rapporteur spécial tient néanmoins à rappeler , comme il l'a souvent fait, y compris dans le présent rapport, que ce type de mesures catégorielles présente un coût élevé . Pour mémoire, le coût des mesures catégorielles des deux protocoles atteindra 121 millions d'euros en 2023 pour les deux forces et environ 220 millions d'euros annuellement à compter de 2024. Il en résulte une hausse des dépenses de personnel qui, trop souvent, se fait au détriment des dépenses de fonctionnement et d'investissement , qui conditionnent pourtant le caractère opérationnel de la police et de la gendarmerie nationale.

En outre, le rapporteur spécial regrette que le coût exact de la mesure portée par le présent article, introduit par amendement du Gouvernement, ne soit pas évalué par ce dernier.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.


* 43 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 44 Audition du 22 septembre 2021 sur le projet de loi de finances pour 2022.

* 45 Voir supra .

* 46 Notamment : double assassinat du 31 juin 2016 à Magnanville visant un couple de fonctionnaires de police, dont l'un était agent administratif de la police nationale ; attentat de la préfecture de police de Paris faisant quatre victimes, dont un agent administratif de la police nationale ; assassinat du 23 avril 2021 à Rambouillet d'un agent administratif de la police nationale.

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