DEUXIÈME PARTIE
LES CRÉDITS DE LA MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES »

Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023 s'élèvent à 4 280,9 millions d'euros en AE et 4 268,9 millions d'euros en CP soit une baisse de 12,9 % en AE et une hausse de 0,46 % en CP par rapport à la LFI 2022.

Évolution LFI 2022 / PLF 2023 des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir du PLF 2023

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 119 « CONCOURS FINANCIERS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LEURS GROUPEMENTS »

Le programme 119 comporte deux objectifs principaux :

- accompagner, via des dotations d'investissement, les projets des territoires dans une logique d'effet de levier ;

- compenser, à travers les dotations de décentralisation, les charges transférées aux collectivités dans le cadre de la décentralisation (ou les pertes de produit fiscal induites par des réformes des impôts locaux).

Entre la LFI 2022 et le PLF 2023, les crédits du programme 119 ont enregistré une baisse de 13,5 % en AE et de 1 % en CP soit respectivement 628,3 millions d'euros en AE et 40 millions d'euros en CP .

Évolution LFI 2022 / PLF 2023 des crédits du programme 119

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir du PLF 2023

A. L'ÉVOLUTION DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT (ACTIONS 1 ET 3) : UNE BAISSE NOTABLE DES AE EN RAISON DE LA SUPPRESSION DE PLUSIEURS DISPOSITIFS EXCEPTIONNELS

1. Les dotations de soutien aux projets des communes et de leurs groupements
a) Des dotations en baisse en AE sous l'effet de la non reconduction de l'abondement exceptionnel de la DSIL et de l'engagement total des AE prévues pour le plan « Marseille en grand » en 2022

Les dotations à destination du bloc communal, portées par l'action 1, enregistrent une baisse de 22,9 % en AE soit 550 millions d'euros et une hausse de 4,2 % en CP soit 69,2 millions d'euros en CP.

Évolution LFI 2022 / PLF 2023 des dotations de l'action 1 du programme 119

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir du PLF 2023

(1) Une baisse des AE portée par trois dotations

a) Les crédits de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) s'établissent, en PLF 2023, à 570 millions d'euros ce qui correspond à son niveau habituel depuis 2018. La diminution constatée entre la LFI 2022 et le PLF 2023 résulte de la majoration exceptionnelle, en LFI 2022 de 303 millions d'euros en AE.

Cet abondement provenait de crédits européens (FEDER 3 ( * ) ) dont l'union européenne n'avait pas demandé la restitution. Il a permis de soutenir en particulier les collectivités bénéficiaires du programme « Action coeur de ville 4 ( * ) ».

Cet abondement en AE avait alors été accompagné d'un abondement à hauteur de 14 millions d'euros en CP par rapport à la LFI 2021 afin de répondre à la montée en charge des projets financés par la DSIL depuis 2016 et de prendre en compte l'augmentation des AE due à l'abondement exceptionnel.

À l'inverse des AE, les CP de la DSIL enregistrent une nouvelle hausse qui s'établit, en 2023, à 37 millions d'euros soit 6,8 %. Comme les années précédentes ce niveau de CP a pour objectif de répondre à l'avancement des projets.

Cette dotation vise à financer des projets s'inscrivant dans les grandes priorités d'investissement fixées à l'article L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales (CGCT) (transition énergétique, mise aux normes et sécurisation des équipements publics, développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou de la construction de logements, développement du numérique et de la téléphonie mobile...) ainsi que des investissements s'inscrivant dans le cadre des contrats de ruralité. Pour la première fois, les dotations de soutien à l'investissement local sont intégrées dans le budget vert de l'État, avec un objectif de financement de projets concourant à la transition écologique à hauteur de 25 % des enveloppes des dotations. Seule la DSIL sera concernée pour l'année 2023. Le périmètre des dotations concernées et la part de ces projets sera amenée à progresser au cours du quinquennat.

b) La dotation du plan « Marseille en grand » n'enregistre aucune ouverture d'AE en PLF 2023 , l'intégralité des AE consacrées à ce programme, soit 254 millions d'euros, ayant été ouverte en LFI 2022. Ce plan a pour objectif de financer la rénovation de 174 écoles de la ville de Marseille. Il traduit l'engagement de l'État dans le plan « Marseille en grand » annoncé par le président de la République le 2 septembre 2021. Le montant en AE ouvertes en 2022 correspond à la subvention de l'État au profit de la société chargée du pilotage et de la réalisation des opérations. En revanche, les CP augmentent entre la LFI 2022 et le PLF 2023 passant de 6 millions d'euros à 30 millions d'euros. Les CP décaissés en 2022 avaient vocation à financer la mise en place de la société et son fonctionnement ainsi que les premières études prévisionnelles associées aux travaux de rénovation. Le niveau d'ouverture en PLF 2023 a été déterminé au regard du rythme d'avancement des travaux et de l'échéancier transmis par la société publique locale d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN) chargée de la mise en oeuvre des rénovations.

c) La dotation fonctionnelle des élus d'un montant de 3 millions d'euros en LFI 2022 et en PLF 2023 est transformée, en 2023, en majoration du prélèvement sur recettes (PSR) « Dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux » (DPEL). La transformation de cette dotation en PSR a pour objectif une simplification des modalités de versement qui nécessitent, en l'état actuel, la création de milliers d'engagements juridiques. Le versement de cette dotation devrait ainsi être facilité, à coût constant pour l'État, et sans impact sur les montants versés aux communes, le barème de la compensation n'étant pas modifié (cf. commentaire de l'article 13 du PLF). Cette dotation permet la compensation aux communes de moins de 3 500 habitants des montants engagés pour souscrire l'assurance obligatoire destinée à couvrir les coûts engendrés par l'octroi de la protection fonctionnelle.

(2) À l'inverse, la dotation forfaitaire titres sécurisés et la dotation biodiversité enregistrent une hausse en AE et en CP

a) Les crédits de la dotation forfaitaire titres sécurisés (DTS) augmentent de 3 millions d'euros en AE et en CP passant de 49 millions d'euros à 52 millions d'euros après une première hausse de 3 millions d'euros intervenue en LFI 2022. La loi de finances rectificatives du 16 aout 2022 a prévu un abondement exceptionnel de 10 millions d'euros en AE et CP afin de couvrir l'installation de nouveaux dispositifs de recueil de demandes de titres pour les communes devant faire face à la hausse d'activité entre le 1 er avril et le 31 juillet 2022. La hausse de 3 millions d'euros en PLF 2023 vise à pérenniser une partie de ces nouvelles stations.

b) La dotation de biodiversité est portée à 30 millions d'euros en AE et CP soit une hausse de 5,7 millions d'euros . Cette dotation instituée par l'article 256 de la loi de finance pour 2019 5 ( * ) est destinée aux communes dont une part importante du territoire est classée en site Natura 2000. Elle a été transformée, en LFI 2020, en « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité ». En 2022, son champ a été étendu. Portée à 24,3 millions d'euros, elle a été renommée « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales ».

Elle vise à aider les communes supportant des charges supplémentaires afin de préserver la biodiversité de leur territoire et contribue au verdissement des concours financiers de l'État aux collectivités.

Cette nouvelle augmentation permet de porter à 4 euros l'attribution estimée par habitant pour la part « parc naturel régional » tout en tenant compte de l'augmentation du nombre de communes éligibles à cette fraction et en renforçant également les autres fractions de la dotation (cf. commentaire de l'article 46 rattaché).

(3) Les autres dotations restent stables en AE

a) Les CP de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) enregistrent une nouvelle hausse de 4 millions d'euros , les AE restant stables à 1 046 millions d'euros depuis 2018 , afin de couvrir les engagements en cours revus légèrement à la hausse pour s'ajuster au cycle des investissements et au niveau des AE. Cette dotation vise à subventionner des projets d'investissement portés par des communes et groupements de communes situés essentiellement en milieu rural, selon des priorités définies par une commission d'élus, qui dispose en outre de pouvoirs consultatifs sur les projets pour lesquels le préfet propose une subvention d'un montant supérieur à 100 000 euros.

b) La dotation politique de la ville (DPV) reste stable en AE mais diminue de 3 millions d'euros en CP passant ainsi de 133 à 130 millions d'euros afin de tenir compte de la légère diminution des engagements liée au ralentissement de l'investissement des collectivités au plus fort de la crise sanitaire.

Cette dotation permet de financer des projets d'investissement de communes défavorisées et présentant des dysfonctionnements urbains. Comme pour la DETR et la DSIL, la hausse des CP permet de tenir compte du niveau des AE.

Les autres dotations de l'action 1 en faveur du bloc communal (l'IRPM 6 ( * ) et la dotation communale) restent stables en AE et CP par rapport à la LFI 2022.

b) ...mais une relative stabilité sur la période 2019-2023

Sur la période 2019-2023, ces dotations sont restées stables en AE. Les seules variations enregistrées, avant les abondements exceptionnels intervenus en 2022, concernaient :

- la hausse de 5 à 10 millions d'euros de la dotation biodiversité à compter de 2020 ;

- la création de la dotation de protection fonctionnelle élu local en 2020 pour 3 millions d'euros ;

- l'abondement de 6 millions d'euros de la dotation forfaitaire titres sécurisés (DTS) afin de couvrir le coût du déploiement de nouvelles stations d'enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité dans les communes.

Évolution des AE des dotations du bloc communal 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir du PLF 2023

En CP, l'évolution a été un peu plus dynamique en raison de la majoration progressive, sur la période, de la DETR, de la DPV et de la DSIL pour ajuster le niveau de CP ouverts au rythme réel de décaissement.

Évolution des CP des dotations du bloc communal 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir du PLF 2023

c) Le poids de la DETR et de la DSIL dans le total des dotations au bloc communal et l'analyse de leur exécution

Au sein des dotations destinées au bloc communal, la DETR et la DSIL représentent respectivement 56,5 % et 30,7 % des AE soit 87,2 % des dotations d'investissement allouées au bloc communal.

Répartition des dotations du bloc communal en AE en 2023

Source : commission des finances du Sénat à partir du PLF 2023

Le taux de consommation de ces deux dotations entre 2019 et 2021 est proche ou atteint 100 % des crédits disponibles.

Exécution de la DETR et de la DSIL entre 2019 et 2021

Source : commission des finances du Sénat à partir des PAP, RAP et des réponses aux questionnaires budgétaires

Cependant , en 2020, les CP de la DSIL n'ont été consommés qu'à hauteur de 87 % des crédits disponibles laissant un solde de 64,2 millions d'euros qui a permis d'opérer des fongibilités entre dotations. Ainsi,

- 18,5 millions d'euros ont permis d'abonder les CP de la DETR (sur les 19,8 millions d'euros d'abondement de cette dotation) ;

- 8,9 millions d'euros ont permis une fongibilité vers la DSID ;

- 9,5 millions d'euros ont été alloués à la DSIL exceptionnelle créée en LFR 3 en 2020 qui prévoyait 1 milliard d'AE mais aucun CP au titre de 2020. Face aux premiers besoins, cette fongibilité a permis une consommation de CP dès la fin de l'exercice 2020 ;

- plus de 27 millions d'euros ont été dépensés pour le remboursement de masques.

Par ailleurs, la consommation de 2021 s'élève à 98 % des crédits disponibles et ce malgré la persistance des contraintes liées à la crise sanitaire au cours de cette année et les engagements de dotations supplémentaires liés au plan de relance (DSIL exceptionnelle et DSID rénovation thermique).

Qu'il s'agisse des dotations classiques ou d'abondements exceptionnels, les niveaux d'engagement des AE et de consommation de CP mettent en exergue deux phénomènes :

- la bonne gestion par les collectivités des crédits alloués pour des opérations matures ;

- le besoin important de financement des investissements par les collectivités et subséquemment l'utilité de ces dotations dans un contexte de très fort dynamisme des projets d'investissement dans les territoires .

À cet égard, et comme les rapporteurs spéciaux l'ont mentionné dans leur rapport sur les dotations d'investissements aux collectivités territoriales 7 ( * ) , nul doute que des enveloppes bien plus élevées de dotations de l'État seraient également consommées dans leur intégralité.

La consommation arrêtée au 31 août 2022 (chiffre des deuxièmes comptes rendus de gestion), est supérieure aux taux de consommation de l'année précédente à la même date.

Ainsi, concernant la DETR , le taux de consommation des AE, de 86 %, est supérieur à celui de l'année dernière à cette même date (80,6 %). Les CP ont été délégués aux préfectures pour un montant total de 720 millions d'euros. Avec une consommation de 511,3 millions d'euros, le taux de consommation des crédits délégués est de 71 % (contre 74 % à la même date en 2021).

Concernant la DSIL, le taux de consommation des AE, de 87%, est nettement supérieur à celui de 2021 à la même date (65 %). Le taux de consommation des CP qui s'établit à 50 % des crédits disponibles est sensiblement équivalent à celui de 2021 (51,4 %).

2. La dotation de soutien aux projets des départements : une dotation en baisse apparente mais stable depuis 2019

Depuis la LFI 2019, l'action 3 porte la seule dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) créée en remplacement de la dotation générale d'équipement (DGE). Le fonds exceptionnel de soutien aux régions, créé en 2017 au titre de la compétence «développement économique» n'avait qu'une durée de deux ans et n'est donc plus doté à partir de cette même année 2019.

Jusqu'à la LFI 2021, la DSID était composée de deux parts :

- la première part (77 %) était répartie en enveloppes régionales, sur la base de la population municipale des régions et de la population des communes situées en dehors des unités urbaines ou dans de petites unités urbaines. Le préfet de région attribuait ces crédits sous forme de subventions d'investissement dans les domaines jugés prioritaires au niveau local ;

- la deuxième part (23 %) était répartie au bénéfice des départements, proportionnellement à l'insuffisance de leur potentiel fiscal. Les crédits alloués au titre de cette fraction abondent directement la section d'investissement du budget des départements et restent libres d'emploi.

Pour rappel, la loi de finances pour 2022 a basculé la deuxième part dite « de péréquation » dans la première part dite « projets », afin que l'intégralité de l'enveloppe soit attribuée sur appel à projets par le préfet de région dans le but d'améliorer le ciblage de la dotation et son effet de levier sur les investissements structurants .

Les CP ouverts pour 2023 s'élèvent à 163,4 millions d'euros soit une hausse de 9,8 millions d'euros par rapport à la LFI 2022 compte tenu de la fusion des deux parts de la dotation et de la montée en puissance des crédits correspondant à l'ancienne part « péréquation » dont les AE ont été précédemment engagées et qui nécessitent désormais des CP pour procéder aux décaissements en fonction du rythme d'avancement des travaux.

Les AE s'élèvent à 212 millions d'euros soit le même montant qu'en LFI 2020 et 2021 mais une diminution de 20 millions d'euros par rapport à la LFI 2022 dont le niveau avait été exceptionnellement majoré de 20 millions d'euros afin d'améliorer l'attractivité du département de la Seine-Saint-Denis et de renforcer la qualité de vie de ses habitants conformément à l'engagement pris par le Gouvernent en octobre 2019. Ces crédits supplémentaires ont été attribués sous la forme d'une dotation pour soutenir des investissements portés par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

Aussi, à périmètre constant, cette dotation reste stable.


* 3 Le fonds européen de développement régional (FEDER) intervient dans le cadre de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale. Il a pour vocation de renforcer la cohésion économique et sociale dans l'Union européenne en corrigeant les déséquilibres entre ses régions. En France, pour la période 2014-2020, le FEDER représente 8,4 milliards d'euros consacrés à l'objectif « investissement pour la croissance et l'emploi », en vue de consolider le marché du travail et les économies régionales. Il faut ajouter à cela 1,1 milliard d'euros sont consacrés à l'objectif « coopération territoriale européenne », qui vise à soutenir la cohésion dans l'Union européenne grâce à la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale.

* 4 Lors de la première Conférence nationale des territoires en juillet 2017, le Président de la République avait exprimé la nécessité de lancer un programme de grande ampleur pour le développement des villes moyennes. Le Programme Action Coeur de Ville a été annoncé par le Premier ministre en décembre 2017 et a été lancé en avril 2018 après sélection de 222 villes éligibles. Il vise à accompagner les villes moyennes notamment afin de rénover l'habitat, favoriser le retour des commerces et services, améliorer l'accessibilité et la mobilité ou encore valoriser les espaces urbains. Le programme s'attache aussi à favoriser l'innovation et les démarches smart city (villes intelligentes) . Le 8 juillet, le premier ministre a annoncé la prolongation jusqu'en 2026 du programme Action Coeur de ville qui devait prendre fin en 2022, pour permettre aux équipes élues l'année dernière de porter les projets jusqu'à la fin de la mandature.

* 5 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018.

* 6 Indemnité de responsabilité due aux régisseurs de police municipale.

* 7 Entre contraintes budgétaires et priorités de l'État : quel rôle des dotations d'investissement pour les collectivités territoriales ? Rapport d'information n° 806 (2021-2022) du 20 juillet 2022 - par MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL

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