C. VERS UNE RÉÉVALUATION DU FINANCEMENT DE L'ÉTAT ?

Comme indiqué plus haut, pour la première fois depuis 2012, le solde technique annuel du CAS « Pensions » devrait être négatif en 2022 (- 200 millions d'euros) puis en 2023 (-800 millions d'euros). Ce solde est inférieur à celui observé fin 2020 : 1,26 milliard d'euros. Il convient de rappeler à ce stade que l'exercice 2022 devait initialement coïncider avec une progression du stade cumulé . Cette perspective a été remise en question par la revalorisation de 4 % des pensions au 1 er juillet dernier, que n'a pas compensé la progression concomitante des cotisations permise par la revalorisation de la valeur du point d'indice de la fonction publique.

La dégradation du solde en 2022 est principalement liée au programme 741, dont le solde devrait atteindre - 224,06 millions d'euros.

Plusieurs facteurs expliquent cette dégradation :

- la réévaluation des pensions de 4 % au 1 er juillet qui contribue à majorer les dépenses du programme de 1,09 milliard d'euros ;

- un nombre plus important de départs qu'initialement envisagés : 58 000 départs sont prévus pour les civils et 13 400 pour les militaires contre, respectivement, 55 000 et 11 500 retenus en loi de finances pour 2022 ;

- la revalorisation du point de la fonction publique de 3,5 % au 1 er juillet qui conduit à une augmentation des pensions liquidées après cette date, le surcoût pouvant être estimé à 10 millions d'euros.

La crise sanitaire ne tempère que faiblement cette progression des dépenses. L'impact budgétaire de la surmortalité constatée entre janvier et mai 2022 est ainsi estimé par le Service des retraites de l'Etat à 12 millions d'euros.

1. Un solde cumulé qui reste positif

La contrainte organique d'équilibre du CAS a conduit à l'élaboration de l'indicateur comptable, dénommé « solde cumulé », qui doit être positif à tout instant. Ce solde cumulé agrège les soldes annuels du compte depuis sa création.

Le solde cumulé du CAS depuis sa création devrait s'élever, dans ces conditions en 2023, à 8,5 milliards d'euros, soit 1,5 mois de prestations. Cet excédent technique ne constitue cependant pas des réserves et est reversé au budget de l'État. Il ne se traduit pas, en effet, par une immobilisation de trésorerie sur un compte de l'État. Il n'ouvre pas droit, en outre, à la consommation de crédits budgétaires supplémentaires par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Il n'existe pas, dans ces conditions, de réserves destinées à faire face à la progression attendue des dépenses.

Évolution du solde cumulé du CAS Pensions depuis 2006

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Le CAS avait bénéficié jusqu'en 2020 de majorations de recettes importantes, en raison notamment de la mise en oeuvre du rapprochement du taux de cotisation salariale avec celui du régime général à partir de 2018, de la revalorisation du point fonction publique en 2016 et 2017 ou de la mise en place du protocole d'accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) entre 2016 et 2021 qui a permis également de majorer les recettes du CAS. Le CAS avait, par ailleurs, bénéficié, s'agissant des dépenses, d'une faible inflation sur la période 2013-2018 qui a limité les revalorisations des pensions puis une revalorisation maîtrisée des pensions en 2019, une revalorisation différenciée (selon le niveau de pension) en 2020 et une faible inflation en 2021 qui a limité le niveau des revalorisations.

En dépit de cette perspective négative, la direction du budget estime qu'il n'est pas souhaitable de modifier, par à-coups, le niveau des taux de contribution au CAS Pensions . Il s'agit, selon elle, de ne pas perturber les signaux donnés aux employeurs quant aux conséquences financières de long terme des recrutements d'agents titulaires. Il n'en demeure pas moins qu'en l'absence de réforme, une augmentation apparaît inéluctable à l'horizon 2025, exercice au cours duquel le solde cumulé devrait être négatif (-0,2 milliard d'euros).

2. Une augmentation inéluctable de la contribution de l'État, qu'il conviendra de rendre plus lisible

L'étude d'impact du projet de loi instaurant un système universel des retraites, présentée en février 2020, indiquait, que dans le cadre de la réforme, la contribution de l'État au système de retraite serait intégralement maintenue en 2025, avant d'évoluer « selon la nature et la dynamique des dépenses qu'elle vise à couvrir » et d'intégrer les conséquences financières de la suppression des régimes spéciaux et de certaines catégories actives. Les cotisations d'équilibre devaient ainsi être « remplacées par des transferts », sans plus de détail. Le taux global de cotisation retraite devait, par ailleurs, atteindre 28,12 %, avec une part employeur fixée à 60 % et une part salariale à 40 %. Le taux de cotisation salariale aurait ainsi été fixé à 11,25 % et le taux de cotisation employeur à 16,67 %. La rapporteure spéciale rappelle qu'en moyenne, sur la période récente, une hausse de 0,1 point du taux de cotisation salariale équivaut à des recettes supplémentaires à hauteur de 60 millions d'euros.

L'abandon de la réforme n'exclut pas de renforcer la lisibilité du système. Aux taux de contribution employeurs actuels succéderait un taux de cotisation patronale doublé d'une subvention d'équilibre dédiée au CAS Pensions, à l'image de ce qui est opéré au sein de la mission Régimes sociaux et de retraite. Un tel dispositif permettrait de faciliter la comparaison des données entre les retraites du régime général et celles versées par l'État, avec les précautions d'usage habituelles (différence d'assiette de cotisation notamment).

La rapporteure spéciale note que le Conseil d'orientation des retraites a, dans son rapport de septembre 2022, un exercice de normalisation destiné à comparer les taux de prélèvement d'équilibre, corrigés de la prise en compte des déséquilibres démographiques. Cette entreprise permet de relativiser l'écart entre les taux de cotisation pratiqués dans le secteur public et le secteur privé. Un alignement des taux légaux affichés n'aurait par ailleurs pas de sens, sauf à décider tout à la fois d'une baisse conséquente des pensions servies ou d'un relèvement de l'âge de liquidation pour les seuls fonctionnaires.

Taux de cotisation légaux et taux de prélèvement d'équilibre en 2020

Population affiliée

Taux légaux de cotisation (salarié et employeurs)

Taux de prélèvement d'équilibre corrigé du ratio démographique

Salariés du secteur privé et artisans/commerçants

27,7 % / 24,75 %

23,9 %

Fonctionnaire de l'État (civils)

90,4 %

23,7 %

Fonctionnaires de l'État (militaires)

142,2 %

24,1 %

Fonctionnaires territoriaux et hospitaliers

46,8 %

28,3 %

Professionnels libéraux (hors avocats)

19,9 %

12,7 %

Non-salariés agricoles

18,9 %

13,5 %

Tous régimes

27,5 %

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport annuel de septembre 2022

3. Une opportunité pour la création de réserves

La perspective d'un solde cumulé négatif en 2025 et la nécessaire remontée des taux de contribution qu'elle induit incite à s'interroger sur l'essence même de cet indicateur comptable. La rapporteure spéciale insiste sur le fait qu'il relève avant tout d'une fiction, tant il ne permet pas de faire face aux aléas (crise sanitaire, inflation) auxquels peut faire face le régime des retraites de la fonction publique d'Etat.

Dans ces conditions, elle souhaite que la réévaluation inévitable des taux et l'amélioration attendue à cette occasion du solde technique conduisent à l'abandon de cette fiction comptable et débouchent sur la création de véritables réserves, appelées à être gérées par le Fonds de réserve des retraites (FRR).

Créé en 2001, le FRR n'est aujourd'hui plus abondé. Le FRR participe au financement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) à hauteur de 2,1 milliards d'euros par an (1,45 milliard d'euros à partir de 2025) et finance ainsi une partie de la dette de la CNAV et du FSV. Le niveau de son actif net était estimé à 26 milliards d'euros fin 2021 (valeur comptable). L'affectation des réserves du régime de la fonction publique au FRR permettrait de pouvoir bénéficier des bons résultats de celui-ci en matière de valorisation des actifs. La performance annualisée de l'actif du FRR s'élève en effet à 4,7 % depuis 2010.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

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