B. ...MALGRÉ LA SUPPRESSION DE PLUSIEURS DÉPENSES INEFFICIENTES ET LES DIFFÉRENTES RÉFORMES

Dans ce contexte, gouvernement et législateur ont tenté de rationaliser les dépenses fiscales et notamment celles applicables à l'outre-mer. Ainsi, récemment, les réformes de 2019 ont notamment concerné :

- la suppression du dispositif de la TVA non perçue récupérable 34 ( * ) (ce qui représente une économie d'environ 100 millions d'euros) rattachée au programme 138 ;

- la réfaction de la réduction d'impôt sur le revenu spécifique pour les contribuables résidant dans les DOM 35 ( * ) (ce qui représente une économie d'environ 70 36 ( * ) millions d'euros) rattachée au programme 123 ;

- la diminution du régime classique de défiscalisation prévu aux articles 199 undecies B et C du CGI au profit d'un crédit d'impôt en faveur de l'investissement dans les DROM (article 244 quater W du CGI) ce qui a diminué la dépense fiscale de 700 millions d'euros à 377 millions d'euros et a augmenté parallèlement le crédit d'impôt qui atteint un niveau de 150 millions d'euros en 2021.

De surcroit, la loi de finances pour 2020 37 ( * ) a supprimé deux dispositifs non chiffrables :

- dépense fiscale n°170308 : exclusion temporaire du revenu imposable des bénéfices provenant de l'exploitation de terrains auparavant non cultivés affectés à des cultures agréées pour la détermination du revenu imposable afférent aux exploitations agricoles situées dans les DOM ;

- dépense fiscale n°710106 : exonérations de TVA relatives à la mise en valeur agricole de terres dans les DOM.

Enfin, la LFI 2022 a acté la suppression de l'exonération des bénéfices réinvestis dans l'entreprise pour les sociétés de recherche et d'exploitation minière dans les départements d'outre-mer, cette dépense fiscale apparaissant comme obsolète et sans objet depuis l'extinction de son fait générateur en 2001.

C. POUR AUTANT, LES DÉPENSES FISCALES REPRÉSENTENT UN OUTIL INDISPENSABLE ET DANS BIEN DES CAS À L'EFFICACITÉ AVÉRÉE

Malgré les critiques récurrentes, les rapporteurs spéciaux estiment que ces dépenses représentent un outil essentiel pour contribuer à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et la métropole. À ce titre, elles sont considérées par le droit de l'Union européenne comme des aides à finalité régionale, placées sous le régime du règlement général d'exemption par catégorie 38 ( * ) , car considérées comme de faible ampleur sur la concurrence et de nature à compenser les surcoûts liés à cette situation géographique particulière.

Elles ont un effet incitatif notamment sur la construction de logements qui même si elle n'est pas totalement ciblée géographiquement comme le souhaiterait la Cour des comptes répond à un besoin prégnant, dans la mesure où le déficit de logements concerne la quasi intégralité des territoires d'outre-mer.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux rappellent que certaines dépenses fiscales permettent un certain ciblage géographique des constructions et rénovations. Ainsi, le bénéfice du crédit d'impôt en faveur du logement social dans les départements d'outre-mer est conditionné au financement de l'investissement à hauteur de 5 % minimum par la LBU. Les services préfectoraux de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) instruisent d'ores et déjà la pertinence du projet de construction de logements pour le territoire dans le cadre de l'attribution de la LBU.

En outre, s'agissant de la localisation des investissements consistant en la rénovation de logements sociaux, le législateur a d'ores et déjà désigné dans la loi les quartiers ou territoires dans lesquels les rénovations sont prioritaires. Ainsi, le bénéfice du crédit d'impôt prévu au 4 du I de l'article 244 quater X du CGI en faveur de la rénovation ou de la réhabilitation des logements sociaux de plus de vingt ans est circonscrit aux logements situés dans les quartiers du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) 39 ( * ) ou dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) 40 ( * ) des départements d'outre-mer. De la même manière, le bénéfice de la réduction d'impôt prévue au VI bis de l'article 199 undecies C du CGI est restreint aux immeubles situés dans certaines communes ou territoires expressément visés par la loi 41 ( * ) . Ces dispositions visent à dynamiser la réhabilitation du parc social vieillissant dans certaines zones ciblées, afin de répondre aux besoins locaux et à l'enjeu prioritaire de réhabilitation du parc ancien dans certains territoires.

De surcroit, les rapporteurs spéciaux soulignent que la rareté du foncier, élément transversal à tous les territoires d'outre-mer, explique également l'absence de constructions dans certaines régions et il leur semble illusoire de penser qu'un pilotage au niveau central, par une rebudgétisation, serait plus performant sur le plan du déploiement géographique.

Hors dépenses fiscales relatives au logement, elles permettent un maintien du pouvoir d'achat des ultramarins et contribuent aux tentatives de réalignement des niveaux de vie avec la métropole. C'est notamment le cas des exonérations ou des taux réduits de TVA.

Elles concourent, enfin, à l'amélioration de la compétitivité des entreprises ultramarines dans un marché plus contraint qu'en métropole et favorisent l'investissement privé.

Les dépenses fiscales ont, enfin, une portée politique dont il ne faudrait pas négliger l'impact en termes de climat social dans les territoires d'outre-mer.


* 34 Article 17 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 35 Article 15 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 36 Chiffrage direction du budget. Celui de la DGOM s'établit à 55 millions d'euros.

* 37 Article 29 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 38 Règlement d'exemption n° 651/2014 de la commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (RGEC).

* 39 Quartiers mentionnés au II de l'article 9-1 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

* 40 Quartiers mentionnés à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 41 Immeubles situés sur l'île de Tahiti, dans les communes de Nouméa, Dumbéa, Païta, Le Mont-Dore, Voh, Koné et Pouembout et à Saint-Martin.

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