LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 15 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livres et industries culturelles » et Compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial de la mission « Médias, livres et industries culturelles » . - Le PLF prévoit 705 millions d'euros en CP au titre de la mission « Médias, Livre et industries culturelles », soit une progression de 4 %. Sur la seule partie presse et médias, financée à hauteur de 371 millions d'euros en CP, la hausse est d'environ 6 %. Le secteur semble donc plutôt favorisé. J'aurai toutefois quelques commentaires.

D'abord, un mot sur l'Agence France-Presse (AFP), dont la situation semble se régulariser. En effet, l'Agence obtient des ressources relativement importantes pour les vidéos et les équilibres se mettent en place.

Ensuite, en ce qui concerne les aides à la presse, qui représentent 197 millions d'euros, j'observe une absence de volonté de changement, alors qu'on évoque régulièrement une réforme ambitieuse et qu'on nous explique qu'il faut modifier le système, dans une période où la presse papier est en difficulté. À titre d'exemple, l'aide pour le transport postal reste inchangée, ce qui parait absurde et pose question quant à l'empreinte carbone.

J'observe enfin que certains ne réussissent à survivre que grâce à ce système d'aide et notamment via les aides consacrées au pluralisme.

Cette question est devenue un tabou et, depuis des décennies, ces aides sont considérées comme une nécessité absolue. J'ajoute que certains hebdomadaires ou magazines n'en reçoivent pas alors qu'ils ne paraissent pas moins éligibles que d'autres... Ainsi, le budget reste globalement correct mais les réformes et les aides aux mutations de la presse demeurent très insuffisantes. On continue de croire que le journal papier représente la presse quand bien même nombre d'organes connaissent de graves difficultés parce qu'ils n'ont pas abordé la révolution numérique à temps.

De la même manière, il faudrait conduire une analyse poussée des crédits dédiés à l'expression radiophonique. Tout cela manque de modernité, de vigueur et de réforme et on ne parvient pas à sortir du même système d'aide, l'État s'étant transformé en une sorte d'immense guichet.

En ce qui concerne le programme « Livre et industrie culturelle », l'action « Livre et lecture » représente 304 millions d'euros en AE. Cependant, je rappelle que nous n'avons pas de vision globale des crédits dédiés à la lecture, qui sont répartis sur plusieurs programmes budgétaires

Globalement, les bibliothèques considèrent qu'elles sont revenues à un meilleur équilibre que pendant les années de confinement, en termes de fréquentation et d'équipement.

Cependant, j'avais déjà signalé le problème de la BnF, qui s'aggrave. En effet, plus des deux tiers des montants dédiés à l'action « Livre et lecture », soit 232 millions d'euros, financent la BnF. Il s'agit bien sûr d'un monument en soi, ce qui coûte cher. Ainsi, des travaux nécessaires et considérables de réaménagement et de modernisation sont déjà engagés. À ce titre, nous avons reçu ses responsables, qui cherchent à trouver des mécènes et des crédits hors budget de l'État, ce qui semble très difficile. Afin de rationaliser les dépenses de personnel, a également été mis en place un nouveau système de lecture offrant moins de possibilités d'obtenir rapidement les ouvrages, alors que la BnF était l'exemple type de la grande bibliothèque où les chercheurs ont accès à tous les documents. Si cet équipement reste l'un des meilleurs, il doit aujourd'hui être complété par la construction d'un nouveau pôle de conservation des collections, qui sera situé à Amiens, puisqu'on ne parvient plus à conserver la totalité des documents. La BnF est bien gérée mais ses responsables considèrent que les prévisions faites lors de sa création ont été sous estimées. En effet, chacun prévoyait que tout serait rapidement numérisé, qu'il y aurait beaucoup moins de livres, de journaux ou d'archives papier, mais ce n'est pas le cas. La BnF fait donc face à de vrais défis mais l'on peut comprendre que les autres équipements dédis à la lecture, notamment en province, ne soient pas satisfaits de cette répartition des fonds.

J'en viens au Centre national musique (CNM), dont les crédits s'élèvent à 28 millions d'euros. Le centre doit bénéficier des ressources issues de la vente des billets mais les publics reviennent moins qu'on ne l'imaginait. Les responsables du Centre prévoient une impasse de financement de 10 millions d'euros en 2023 mais pensent pouvoir faire face en ayant recours à des redéploiements de crédits budgétaires. Cependant, à partir de 2024, ils ne pourront plus s'en sortir et demandent donc une réforme. Nous les reverrons en 2023.

Quant au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), il perçoit 710 millions d'euros grâce à la taxe sur les plateformes numériques. Mais la dépense fiscale explose et devrait atteindre 587 millions d'euros en 2023. Je note que dans le cadre du projet France 2030, 350 millions d'euros seront dédiés vers le cinéma, ces crédits étant appelés à être complétés par une intervention des collectivités territoriales et du secteur privé, afin de parvenir à un financement total de 2 milliards d'euros, ce qui représente une somme considérable. Je finirai en donnant l'exemple des aides attribués à la réalisation de la série Lupin ; est-ce à l'argent public de financer une série diffusée sur Netflix ?

Pour conclure sur cette mission, je propose un vote positif sur ces crédits.

J'en viens à présent à l'audiovisuel public et souhaiterais commencer par rappeler qu'en juin 2022, nous avons présenté avec M. Hugonet un rapport d'information consacré à sa réforme.

Pendant la campagne présidentielle, le candidat Président de la République a annoncé la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Nous en avons pris acte mais il faut à présent trouver des solutions pour définir un nouveau financement. Les présidents de chaines s'étaient dits prêts à l'accepter si on leur garantit constitutionnellement leurs crédits, ce qui n'est évidemment pas possible.

Le Gouvernement aura recours, dans un premier temps, à une fraction du produit de la TVA et la dotation accordée aux sociétés de l'audiovisuel public passera de 3,7 milliards d'euros à 3,8 milliards d'euros cette année, ce qui représente une augmentation de 3 %, qui prend en compte l'inflation.

Depuis 2017, une réforme de l'audiovisuel public doit avoir lieu. Il s'agirait dans un premier temps de délimiter le périmètre, avant de débattre des missions du service public et de les définir. Alors, nous pourrions évaluer la masse financière nécessaire. Pourtant, rien n'a été fait et la ministre annonce des consultations qui doivent se tenir jusqu'en avril... On nous parle d'un texte depuis cinq ans et Franck Riester en avait porté un, qu'il avait présenté à l'Assemblée nationale mais pas au Sénat. Nous avons également demandé à la ministre si des propositions seraient faites lors du débat budgétaire mais ce ne sera pas le cas, leur objectif demeurant pour l'instant de stabiliser ce budget à hauteur de 3,8 milliards d'euros. Ainsi, les contrats d'objectifs et de moyens (COM) qui seront conclus dans les semaines seront élaborés sans directive du Gouvernement quant à ce que devraient être l'audiovisuel public et sa réforme.

Si Radio France comme France Médias Monde ont plutôt bien conduit leurs réformes, les navires amiraux tels que France Télévisions considèrent qu'il faut les laisser décider seuls des réformes à mener. J'évoquerai à titre d'exemple les filiales créées par France Télévisions sur le cinéma, l'une au sein de France 2 et l'autre au sein de France 3, chacune comptant quelques agents. La simple fusion de ces deux entités semble compliquée et il faudrait leur laisser deux à trois ans pour y parvenir.

Je m'avoue assez désabusé sur ces questions de réforme annoncée qui n'a jamais lieu. Je me sens donc partagé quant à l'avis à donner sur les crédits du compte de concours financiers (CCF). D'un côté, il faut bien que l'audiovisuel public vive et je serais donc tenté de me dire favorable, à condition que l'État s'engage à réformer. D'un autre côté, je serais tenté d'exercer une certaine pression. Pour résumer, je ne suis pas enthousiaste et ne formulerai pas un oui clair et massif.

M. Jean-Raymond Hugonet , rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » . - Le budget 2023 est forcément un budget de statu quo et de transition puisque le Président de la République a dynamité la contribution à l'audiovisuel public. Je souligne toutefois que je n'ai vu personne, ni à Paris ni sur le territoire national, manifester pour payer sa redevance de 138 euros...

Demain, je proposerai à la commission de la culture un avis favorable sur les crédits du CCF. D'abord, parce qu'il n'y a pas eu de remise en cause de l'existence de ce CCF, même si la source de financement a changé. Le problème qui se pose relève d'une question de technique et de législation fiscale. En effet, des entreprises qui n'étaient pas assujetties à la TVA le sont maintenant et pour d'autres il s'agit du contraire.

De plus, la taxe sur les salaires implique une charge très importante, qui représente 42,6 millions d'euros pour toutes les structures de l'audiovisuel public. Enfin, la question de la compensation de l'inflation et du niveau de cette compensation se pose, mais cela touche l'ensemble du budget 2023.

En ce qui concerne la partie des taxes sur les salaires et la TVA, des équilibres ont été trouvés et le Gouvernement s'est montré assez magnanime ; le compte y est. En revanche, l'évaluation de l'inflation semble insuffisante. A ce bémol près, il s'agit d'un budget qui s'inscrit dans la continuité, malgré la légère augmentation de 3 %, qui s'explique en raison des problèmes fiscaux posés.

Les cinq structures de l'audiovisuel public se retrouvent dans le vide, puisqu'on leur demande une projection alors qu'elles n'ont aucune visibilité en l'absence de réforme. Ainsi, nous prévoyons qu'il y aura début décembre un avenant aux COM pour 2023, qui là aussi relève du bricolage. Cependant, nous aurons d'autres occasions de mettre la pression sur le Gouvernement pour qu'une réforme voie le jour. Si l'année prochaine il n'y a toujours pas de réforme, nous préconiserons un avis différent mais il serait mal venu aujourd'hui, alors que ces structures sont dans l'incertitude, que le Sénat envoie un signe négatif. De plus, le rapport que nous avons remis conjointement au moins de juin a acté certaines choses, notamment le rapprochement entre les structures de l'audiovisuel public. Le moment où chacun aura compris l'importance de ces sujets se rapproche.

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Je ne comprends pas que le Gouvernement ne veuille pas faire de réforme. En effet, nous ne pourrons avoir recours au financement par les parts de TVA que jusqu'en 2024. Il faut donc que quelque chose advienne !

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je voudrais évoquer la question du financement du cinéma français, qui semble relativement préoccupante. En effet, la dépense fiscale est élevée et différents acteurs tels que les collectivités ou le secteur privé doivent participer. Il faudrait s'interroger sur ce modèle au regard des évolutions du cinéma.

Par ailleurs, je voulais poser une question à laquelle Roger Karoutchi a répondu, sur les perspectives de réforme de l'audiovisuel public. Celle-ci est donc remise à une date butoir de 2025 et je suis assez inquiet. De plus, la manière dont il a été mis fin à la redevance audiovisuelle et aux engagements pris, y compris devant la représentation nationale, ne semble pas très convenable.

M. Michel Canévet . - Monsieur Karoutchi, vous évoquiez la révolution numérique de la presse et l'impact carbone de la distribution journaux. Dans votre esprit, faudrait-il supprimer totalement le support papier ? Cela serait à mon avis regrettable. D'abord parce que certains de nos concitoyens aiment l'utiliser. Par ailleurs, en Bretagne, les journaux sont récupérés par les écoles, qui collectent ainsi de l'argent, avant d'être transformés en ouate de cellulose, qui sert d'isolant thermique pour nos habitations. Je ne voudrais pas que cette filière économique soit mise en péril...

M. Jean-Claude Requier . - Ma question concerne la publicité sur France Télévisions. Normalement, après 20 heures, il ne devrait pas y en avoir. Cependant, après le journal télévisé, on assiste à quarante-cinq minutes de petits bouts de séquences entrecoupés par des parrainages publicitaires et cette plage s'étend de plus en plus. Comme cela est-il permis ?

M. Jérôme Bascher . - Quel est le manque à gagner entrainé par l'absence de publicité sur les chaînes publiques ?

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - D'abord, en ce qui concerne la réforme de l'audiovisuel, je n'y crois plus. Rien ne sera fait et, comme en 2024 nous ne pourrons plus avoir recours à la TVA, nous bricolerons ! La réforme ne semble se profiler nulle part, ni dans les chaînes ni au Gouvernement. En effet, personne ne veut se poser la question du périmètre de l'audiovisuel public, car elle pourrait avoir des conséquences et remettre en cause les missions comme le nombre de chaînes.

Je ne suis pas favorable à la disparition du support papier. Toutefois, les jeunes n'achètent plus de journaux et lisent la presse sur leur téléphone. Mais les aides à la presse visent principalement la presse papier et très peu le numérique.

Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la publicité a été supprimée après 20 heures sur les chaînes publiques : l'objectif était que les programmes puissent commencer à 20 h 30. Mais aujourd'hui, ils commencent à 21h10 voire plus tard ! Comme la loi permet des parrainages publicitaires, les chaines enchaînent la diffusion de petits programmes courts parrainés par des annonceurs et les films ne commencent qu'après ; c'est pourquoi nous avons proposé avec Jean-Raymond Hugonet de supprimer tout parrainage publicitaire après 20 h 30. Le service public ne doit pas dépendre de l'audimat et donc de la publicité. Pour France Télévisions, les recettes publicitaires s'élèvent à 381 millions d'euros dont 97 millions d'euros au titre des parrainages ; pour Radio France, les recettes publicitaires s'élèvent à 60 millions, dont 6 millions au titre de parrainages, c'est considérable. Si nous avions procédé à une réforme de l'audiovisuel public en redéfinissant le périmètre des missions, nous n'en serions pas là.

J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et un avis de sagesse positive pour l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles ». Elle a également décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

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