PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET
INDUSTRIES CULTURELLES » : UNE SORTIE DE CRISE QUI INVITE À RÉEXAMINER LES DISPOSITIFS EXISTANTS

Pilotée par le ministère de la culture, la mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général cible le développement et le pluralisme des médias, l'appui au secteur du livre et de la lecture, le soutien à l'industrie musicale et la protection des oeuvres sur internet.

Elle est composée de deux programmes :

- le programme 180 « Presse et médias », qui vise à renforcer la vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias, notamment au niveau local 1 ( * ) . Le programme 180 représente 52,6 % des crédits de paiement de la mission ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles », consacré à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et l'élargissement de la diffusion des oeuvres. Si l'État n'a pas vocation à se substituer aux acteurs privés du secteur culturel, il agit néanmoins afin d'assurer certains équilibres, tant en matière de diversité que d'accès à l'offre. 47,4 % des crédits de la mission sont affectés au programme 334.

Plus de 53 % des dépenses de la mission relèvent du titre 6 « dépenses d'intervention » (94 % des crédits de paiement du programme 180). La mission ne comporte pas de dépenses de personnel de titre 2 puisque toutes les dépenses de personnel du ministère de la culture sont inscrites dans le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » rattaché à la mission « Culture ».

Le présent projet de loi de finances prévoit au titre de cette mission 702,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 704,9 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une progression par rapport à la loi de finances pour 2022 : + 0,6 % en AE et + 4,4 % en CP.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Médias, Livre
et industries culturelles » par programme entre 2019 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Note de lecture : La progression des crédits observée en exécution 2020 tient aux mesures adoptées à l'occasion des collectifs budgétaires en vue de lutter contre les incidences de la crise sanitaire.

La progression des crédits est plus marquée s'agissant du programme 180 « Presse et médias » que celle du programme 334 « Livre et industries culturelles ».

Corrigée de l'hypothèse d'inflation prévue en projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (4,3 %), les crédits en volume régressent de 3,5 % en AE et progressent de 0,1 % en CP.

É volution des crédits de paiement de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » à périmètre courant

(en euros)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

Programme 180 : Presse et médias

350 759 363

371 009 279

+ 5,77 %

Programme 334 : Livre et industries culturelles

324 388 626

33 851 042

+ 2,92 %

Total

675 147 989

704 860 321

+ 4,40 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La progression attendue en 2023 devrait se poursuivre à un niveau moindre au cours des deux exercices suivants, au regard de la trajectoire présentée dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.

Trajectoire prévisionnelle des crédits de paiement
de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » entre 2023 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Par ailleurs, 2023 devrait constituer s'agissant du soutien aux filières visées par la mission, un retour à la normale budgétaire, après deux exercices marqués par la mise en oeuvre du plan de relance . La mission budgétaire dédiée à celui-ci a en effet prévu, via le programme 363 « Compétitivité », 587 millions d'euros (AE=CP) répartis sur 2021 et 2022 afin de répondre aux défis posés par la crise sanitaire à l'ensemble du secteur :

- 210 millions d'euros destinés à la filière musicale ;

- 210 millions d'euros pour la filière presse ;

- 165 millions d'euros pour le secteur du cinéma ;

- 53 millions d'euros en CP pour la filière livre ;

- 19 millions d'euros en CP en faveur des industries culturelles.

Répartition des crédits du Plan de relance par secteur

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

I. LE PROGRAMME « PRESSE ET MÉDIAS » : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS DE 6 % DONT LA PERTINENCE N'APPARAÎT PAS JUSTIFIÉE

Le présent projet de loi de finances prévoit de porter les crédits du programme 180 « Presse et médias » à 372 millions d'euros en AE et 371 millions d'euros en CP, soit une progression de respectivement 6,1 % et 5,8 % par rapport à la loi de finances pour 2022.

Corrigée de l'hypothèse d'inflation prévue en projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (4,3 %), la progression des crédits en volume atteint 1,7 % en AE et 1,4 % en CP.

Trois des cinq actions du programme (relations financières avec l'Agence France Presse, soutien aux médias locaux de proximité et Compagnie internationale de radio et de télévision - CIRT) devraient bénéficier en 2023 d'une dotation équivalente à celle adoptée pour l'exercice précédent. Elles n'appellent pas de remarque particulière. Le redressement de l'Agence France Presse avait donné lieu à un examen approfondi du rapporteur spécial à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2022.

Répartition des crédits de paiement par action
au sein du programme 180 « Presse et médias »

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La progression des crédits vise donc les aides à la presse, dotées de 17,3 millions d'euros supplémentaires en CP et le soutien à l'expression radiophonique : 2,9 millions d'euros supplémentaires en CP.

Évolution des crédits du programme 180 « Presse et médias »
de 2022 à 2023

(en euros)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

Action 01 : Relations financières avec l'AFP

AE

134 976 239

134 976 239

-

CP

134 976 239

134 976 239

-

Action 02 : Aides à la presse

AE

179 186 325

197 542 361

+ 10,2 %

CP

179 186 325

196 502 241

+ 9,7 %

Action 05 : Soutien aux médias de proximité

AE

1 831 660

1 831 660

-

CP

1 831 660

1 831 660

-

Action 06 : Soutien à l'expression radiophonique locale

AE

33 098 639

36 032 069

+ 8,9 %

CP

33 098 639

36 032 069

+ 8,9 %

Action 07 : Compagnie internationale de radio et de télévision

AE

1 666 500

1 666 500

-

CP

1 666 500

1 666 500

-

Programme 180 : Presse et médias

AE

350 759 363

372 049 399

+ 6,2 %

CP

350 759 363

371 009 279

+ 5,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

A. UNE RÉFORME DES AIDES À LA PRESSE COUTEUSE ET INACHEVÉE

L'action n° 2 du programme 180 recense trois types d'aides à la presse : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation du secteur.

Répartition des crédits de paiement par sous-action
au sein de l'action 02 « Aides à la presse »

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le montant total des aides à la presse devrait atteindre 197,5 millions d'euros en AE et 196,5 millions en CP en 2023.

Montant des aides à la presse prévues en 2023 au sein du programme 180

(en CP, en euros)

Action

Montant

Sous-action 01 « Aides à la diffusion »

118 993 939

Aide au portage de la presse

Aide à l'exemplaire posté

35 100 000

72 206 036

Exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse

11 687 903

Sous-action 02 « Aides au pluralisme »

23 225 000

Aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires

14 355 000

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

Aide au pluralisme des titres ultramarins

2 000 000

Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale

1 470 000

Aide aux services de presse en ligne

4 000 000

Sous-action 03 « Aides à la modernisation »

54 283 302

Aide à la modernisation de la distribution de la presse

27 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

6 000 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

15 433 302

Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse

5 000 000

Total

196 502 241

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Une progression du montant dédié des aides à la presse qui répond à la sous-estimation affichée en 2022 des effets de la réforme des aides à la diffusion

Ce montant est en nette progression par rapport à 2022 : + 10,2 % en AE et + 9,6 % en CP. Cette augmentation constitue le prolongement logique, dans un premier temps de la réforme des aides à la distribution, intervenue en projet de loi de finances pour 2022. Celle-ci a débouché sur la mise en oeuvre d'une nouvelle aide à l'exemplaire à double barème : l'un concernant les exemplaires postés et l'autre pour les exemplaires portés. Le rapporteur spécial avait alors noté que les crédits avaient été manifestement sous-évalués, le ministère de la culture annonçant une régularisation en fin d'exercice.

Le volet dédié aux exemplaires postés est destiné aux éditeurs des publications d'information politique et générale (IPG) et quotidiens à faibles ressources publicitaires ou à faibles ressources de petites annonces (QFRP/QFRA), d'une périodicité au maximum hebdomadaire. La loi de finances prévoyait pour 2022 une dotation de 62,3 millions d'euros, cette somme correspondant à 11/12 e de la totalité du coût estimé. Une régularisation était attendue 2023, elle se traduit dans le projet de loi de finances par une progression des crédits de 10,1 millions d'euros. Afin d'encourager le portage, le montant de l'aide à l'exemplaire devrait diminuer à compter du 1 er janvier 2024 , sauf pour les exemplaires distribués dans les communes situées dans les zones dites peu denses.

Le second volet vise les titres portés par un réseau ou par une composante d'un réseau ayant conclu une convention-cadre avec la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et qui seront donc éligibles au dispositif. Un montant incitatif est mis en place pour les publications IPG hebdomadaires afin de les inciter à recourir à ce dispositif. Les crédits prévus pour 2022 - 23,5 millions d'euros - étaient, là encore, sous-évalués, le ministère de la culture tablant sur une régularisation en 2023 une fois les données relatives aux volumes portés en 2022 connus. Le projet de loi de finances prévoit ainsi une majoration des crédits de l'ordre de 12,6 millions d'euros (AE=CP).

La direction générale des médias et des industries culturelles table sur une diminution des crédits dédiés à ces deux aides à compter du prochain exercice. Le montant devrait ainsi être ramené à 79 millions d'euros en 2026, contre 107,4 millions d'euros en 2023.

Le rapporteur spécial s'était interrogé, dans son rapport de contrôle sur les aides à la presse 2 ( * ) , sur la poursuite d'un soutien à fonds perdus au transport postal , alors même que la digitalisation de la presse, la rapidité de la diffusion de l'information comme le coût écologique de la distribution rendent ce mode de distribution en large partie obsolète. La grille tarifaire prévue par la réforme couvre la période 2022-2026. Il apparaît opportun qu'il s'agisse de la dernière période couverte et que les financements publics soient totalement orientés à cette date vers la modernisation du secteur.

La volonté de valoriser le portage apparaît logique même s'il convient de garder en mémoire l'échec des dernières réformes de l'aide au portage. Les éditeurs de s QFRP et des QFRPA bénéficient, quant à eux, de tarifs postaux si avantageux qu'ils n'ont aucun intérêt à recourir au portage. Le changement de grille tarifaire postale peut cependant inciter à ce changement de modèle. Par ailleurs, les réseaux de la presse quotidienne régionale (PQR) restent très réticents à s'ouvrir au portage multi-titres par peur de la concurrence. La prise en compte de l'ouverture des réseaux dans l'attribution de la partie portage de l'aide unique devrait permettre de tempérer cette réserve. Il appartient également aux acteurs de ce secteur de prendre conscience du potentiel dont dispose ce type de réseau à l'heure du développement massif de la livraison de petits colis à domicile. Les réseaux de portage ne sauraient en effet servir uniquement de biais pour la livraison de journaux. L'extension des réseaux de portage à d'autres livraisons permettrait de les valoriser. Elle faciliterait de la sorte un désengagement progressif de l'État dans le soutien au portage.

2. Une réforme incomplète des aides à la presse

Pour le rapporteur spécial, la distribution ne peut cependant constituer le seul prisme en vue d'une réforme des aides à la presse. L a corrélation entre la nature actuelle des aides et leur modalités d'attribution d'un côté et les défis posés en termes industriels par la mutation de l'accès à l'information et les conséquences de celle-ci sur la vie de titres de presse de l'autre doivent servir de points cardinaux à une réforme d'ampleur du régime d'aides.

La grille d'analyse sous-jacente à la maquette budgétaire tend en effet à souligner une inadéquation entre les enjeux actuels et les réponses, pour parties dépassées qui y sont apportées au plan financier. L'aide à la presse doit aujourd'hui être conçue comme une aide à l'investissement et non plus comme un soutien à des titres fragiles, n'ayant pas pu ou su procéder à une révision de leurs modèles ou comme un appui à des messageries qui ne peuvent rien face à la diminution inexorable du lectorat « papier ». Il s'agit de passer d'une logique de rafistolage à celle d'un accompagnement rationnel.

Le rapporteur spécial plaide ainsi pour la refonte de l'ensemble des aides (distribution, pluralisme, modernisation) versées actuellement à plusieurs acteurs de la filière en une aide unique au titre, évolutive en fonction de son degré de digitalisation, de sa participation à la connaissance et au savoir - la question de la pertinence du critère IPG est notamment posée - et de son accès aux ressources publicitaires.

Au-delà de l'aide à la distribution et à la modernisation, la question des aides au pluralisme doit être posée. Le dispositif profite de fait à quatre quotidiens (La Croix, L'Humanité, Libération et L'Opinion) sans qu'une réflexion ne soit lancée sur la structure même de ces groupes de presse. L'angle de la faiblesse des ressources publicitaires ne peut servir de seul motif à l'attribution d'une subvention . Une analyse des groupes sur lesquels certains de ces titres peuvent s'appuyer par ailleurs doit également servir de critère en vue de l'attribution de fonds publics. Le même raisonnement s'applique aux publications autres que quotidiennes concernées par ces aides. De fait, il pourrait être opportun, dans un contexte de concentration des médias, de procéder à une réorientation des aides au pluralisme, désormais conçues comme un soutien à l'indépendance , visant presse écrite et médias tout en ligne. La notion d'indépendance serait dès lors un critère de majoration de l'aide unique au titre.

3. Une dépense fiscale à réévaluer

La loi de finances pour 2023 prévoit une dépense fiscale en faveur de la presse de l'ordre de 174 millions d'euros.

Dépenses fiscales en faveur de la presse

(en millions d'euros)

Type de dépenses

Chiffrage 2021

Chiffrage 2022

Chiffrage 2023

Taux de TVA de 2,10 % applicable aux publications de presse

145

155

160

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

1

1

1

Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse

< 0,5

< 0,5

< 0,5

Réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

-

< 0,5

< 0,5

Crédit d'impôt sur le revenu au titre du premier abonnement

-

3

3

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de diffuseurs de presse spécialisée

5

3

5

Exonération de cotisation foncière des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de diffuseurs de presse spécialisée

5

5

5

Total

156

168

174

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Plusieurs dispositifs interrogent.

Réévalués afin d'aider à faire face à la crise de la filière, les deux dispositifs visant la souscription au capital de sociétés de presse peinent ainsi à prouver leur efficacité 3 ( * ) . Ce qui interroge sur les mesures adoptées en loi de finances pour 2021. La loi de finances pour 2021 prévoit en effet de doubler les plafonds applicables pour les versements des particuliers au capital d'entreprises de presse effectués à partir du 1 er janvier 2021 4 ( * ) . Cette amélioration du dispositif n'a pas suscité une adhésion massive : seuls 2 148 ménages l'ont utilisé en 2021. La loi de finances pour 2021 a également rétabli le principe d'une réduction d'impôt équivalant à 25 % du montant d'une souscription au capital d'une société de presse, qui interviendrait entre le 1 er janvier 2021 et le 31 décembre 2024 5 ( * ) . Ce dispositif n'avait pas été prorogé au-delà de 2013 : seules 18 entreprises avaient à l'époque bénéficié de cette réduction, le montant de la dépense fiscale étant estimé à 1 million d'euros. Là encore, la réactivation du dispositif s'avère être un échec : aucune entreprise n'a été concernée par la réouverture du dispositif en 2021.

Le crédit d'impôt sur le premier abonnement d'une durée d'un an minimum à une publication ou à un service de presse en ligne qui présente le caractère de presse d'information politique et générale (IPG ), instauré en troisième loi de finances rectificative pour 2020 6 ( * ) , suscite également un doute. Ce dispositif devait permettre d'augmenter le lectorat et faciliter ainsi un redémarrage du marché publicitaire tout en garantissant un flux de trésorerie pour les entreprises de presse. Le dispositif avait été modifié lors des débats à l'initiative du Sénat afin de le rendre plus attractif en supprimant plafond et condition de revenus tout en ramenant la prise en charge à 30 % du montant de l'abonnement, contre 50 %. Il était initialement accordé une fois pour un même foyer fiscal jusqu'au 31 décembre 2022. Le coût de la dépense fiscale en année pleine était alors évalué à 60 millions d'euros. Elle constituait un des éléments clés du plan d'aide à la filière. Reste que ce crédit d'impôt a été déclaré conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État par la Commission européenne le 16 avril 2021 7 ( * ) et n'a donc pu entrer en vigueur que le 9 mai suivant 8 ( * ) . S'il a logiquement été prorogé d'un an en loi de finances pour 2022, il a cependant été encadré par une condition de ressources et soumis à une nouvelle validation de la Commission européenne, repoussant son entrée en vigueur au 13 juin dernier 9 ( * ) . Cette condition de ressources et ce retard dans la mise en oeuvre ont fragilisé la portée d'un mécanisme remis en cause par les éditeurs eux-mêmes. Ceux-ci contestent en effet la charge administrative qu'il génère pour eux (obligation de contrôle d'une absence d'abonnement préalable à un titre IPG dans les trois années précédentes et émission de reçus fiscaux) comme son inadéquation , compte-tenu de la durée minimale de douze mois aux offres sans engagement, notamment en ligne , qui peuvent séduire un nouveau lectorat. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que la dépense fiscale ne soit in fine estimée qu'à 3 millions d'euros pour les exercices 2022 et 2023, loin des ambitions initiales. Le projet de loi de finances pour 2023 tel que modifié à l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, prévoit d'ailleurs la suppression du crédit d'impôt dès la fin du présent exercice.

Le dispositif prévu par l'amendement dit « Charb », non couvert par le programme 180 tend également à montre ses limites, s'agissant de la presse imprimée. La loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a en effet élargi le régime fiscal du mécénat prévu à l'article 200 du code général des impôts aux associations oeuvrant pour le pluralisme de la presse. Cet article ouvre la possibilité pour des fonds de dotation de soutenir des associations ou fondations agissant dans le soutien du pluralisme de la presse. Les organismes éligibles sont les associations d'intérêt général, les fonds de dotation d'intérêt général qui exercent des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse et les fonds de dotation qui financent des associations d'intérêt général en faveur du pluralisme de la presse.

Deux associations gèrent les dons effectués dans ce cadre :

- Presse et Pluralisme, pour les publications, créée en décembre 2007, à l'initiative des principaux syndicats de la presse française imprimée. Elle a pour objet d'oeuvrer en faveur du pluralisme de la presse payante en France ;

- J'aime l'info, pour les sites de presse en ligne, créée en 2011.

En 2021, Presse et Pluralisme a enregistré 2,5 millions d'euros de dons en faveur de 47 médias, contre 3 millions d'euros de dons pour 48 bénéficiaires en 2020. A l'inverse, J'aime l'info a collecté 3,7 millions d'euros de dons en faveur de 91 médias, contre 2 millions d'euros et 88 bénéficiaires en 2020.

4. La fin de la mise en oeuvre du Plan de relance

Le programme 363 - Compétitivité de la mission Plan de relance -prévoyait, sur la période 2021-2022, 140 millions d'euros (AE=CP), afin de financer trois priorités :

- un plan pour accompagner la transition écologique du secteur de la presse et les changements de pratique dans l'imprimerie (47 millions d'euros) ;

- la majoration des crédits alloués au Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) afin d'améliorer la compétitivité et l'attractivité du secteur (45 millions d'euros) ;

- un soutien aux marchands de journaux sur le territoire et la mise en place d'un fonds pour la résorption de la précarité dans ce secteur d'activité (48 millions d'euros).

Ces crédits s'intégraient dans le plan de filière de 377 millions d'euros sur deux ans présenté par le Président de la République le 27 août 2020. Cette somme couvrait les nouvelles lignes budgétaires créées en loi de finances pour 2021, et une partie les crédits dégagés en troisième loi de finances rectificative pour 2020. Elle intégrait également la dépense fiscale liée à la création de l'impôt au titre d'un premier abonnement.

Le rapporteur spécial avait émis des doutes sur le contenu et le coût du plan de filière.

22 % des crédits dédiés à la presse ont ainsi été fléchés vers un plan réseau imprimerie (PRIM) destiné à accélérer le départ de 1 553 salariés du secteur de l'imprimerie, soit près de 60 % des effectifs actuels. Or le PRIM relève avant tout d'un gigantesque plan social ciblant les imprimeries et ne correspond pas véritablement à l'objectif de rebond affiché.

S'agissant de la majoration des crédits du FSDP destinée à favoriser l'accompagnement de la transition vers le numérique des principaux acteurs de la filière, en particulier les éditeurs, le rapporteur spécial rappelle qu'il n'appartient pas à l'État de se substituer aux éditeurs dans la définition d'une offre numérique ou du choix d'un support et de financer ainsi l'intégralité du processus de digitalisation de la presse, sauf à créer une distorsion de concurrence avec d'autres secteurs. L'accompagnement doit donc prendre en compte le degré de digitalisation déjà existant pour chaque titre et être modulé en fonction de celui-ci.

Par ailleurs, l'ouverture de nouvelles lignes de crédits en faveur de la transition numérique ne saurait occulter la mise en place d'autres instruments juridiques en vue de renforcer les ressources des médias de presse écri t e présents sur internet (kiosques numériques, droits voisins, publicité numérique). L'aide budgétaire ne peut constituer la seule réponse au défi de la digitalisation.

Le plan de filière couvrait par ailleurs les crédits dédiés à la restructuration de Presstalis et son remplacement par France Messagerie (140 millions d'euros AE = CP prévus par la troisième loi de finances rectificative pour 2020).


* 1 L'audiovisuel public fait l'objet d'un compte de concours financiers (cf infra).

* 2 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances n° 692 (2020-2021) - 16 juin 2021.

* 3 Articles 199 terdecies-0 et 220 undecies du code général des impôts.

* 4 Article 114 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 5 Article 147 de la loi n° 2020-1721 de finances pour 2021.

* 6 Article 2 de la loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 7 Décision n°SA59065.

* 8 Décret n°2021-560 du 7 mai 2021 fixant la date d'entrée en vigueur du crédit d''impôt sur le revenu pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale instauré par l'article 2 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 9 Décret n° 2022-879 du 10 juin 2022 fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au crédit d'impôt sur le revenu pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale issues de l'article 78 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

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