II. LES DIRECTIONS DE LA MISSION POURSUIVENT LES CHANTIERS ENTAMÉS SOUS LE QUINQUENNAT PRÉCÉDENT

Les rapporteurs spéciaux ont pu constater lors de leurs auditions que le principal mot d'ordre pour les administrations de la mission était de poursuivre les chantiers entamés ces cinq dernières années . Ces chantiers dits de transformation, s'ils ont pu être retardés par les effets de la crise sanitaire, n'ont pas été abandonnés et bénéficient, pour certains d'entre eux, notamment dans le domaine informatique, de crédits supplémentaires.

Dans l'ensemble, les rapporteurs spéciaux sont favorables aux réformes menées par ces directions : la plupart d'entre elles devraient aboutir entre 2023 et 2025. Au regard des gains de productivité attendus, les calendriers doivent impérativement être tenus pour faire des administrations du ministère de l'économie et des finances des administrations encore plus modernes et efficaces, au service des usagers. C'est d'ailleurs une fois ces chantiers terminés que la trajectoire des crédits et des emplois pourra être pleinement actualisée.

A. L'ADAPTATION DU RÉSEAU DE LA DGFIP ET DE LA DOUANE, DEUX CHANTIERS DISTINCTS QUI SE POURSUIVENT À DES RYTHMES DIFFÉRENTS

1. Pour la DGFiP, la poursuite d'une triple réforme de son réseau
a) Les trois volets du plan de réorganisation territoriale de la DGFiP

La transformation du réseau de la DGFiP fait partie des éléments jugés prioritaires dans le cadre du plan de transformation ministériel. Elle comprend la mise en place du « nouveau réseau de proximité » (NRP) et la délocalisation de certains services des métropoles vers les villes moyennes .

Le déploiement progressif, d'ici à 2022, du réseau des 1 200 conseillers aux décideurs locaux , qui ont vocation à devenir les interlocuteurs privilégiés des ordonnateurs des collectivités territoriales, s'inscrit en parallèle du NRP. La cible ne sera toutefois pas atteinte, après une montée en charge plus lente que prévue : 447 conseillers aux décideurs locaux sont entrés en fonction en 2021, ils devraient être environ 800 en 2022 et 1 013 à la fin de l'année 2023 4 ( * ) .

L'enquête menée par la DGFiP a démontré un haut niveau de satisfaction des élus locaux sur les prestations effectuées en 2021 par les conseillers aux décideurs locaux , avec un taux de satisfaction qui s'établirait à 87 %. Parmi les sollicitations de prestations en 2021, 82 % concernaient du conseil budgétaire et comptable, 52 % du conseil en matière de recettes, 44 % du conseil financier et du conseil en matière de dépenses, 37 % du conseil en réingénierie des processus, 34 % du conseil fiscal, 25 % du conseil économique et patrimonial et 19 % d'autres prestations 5 ( * ) .

Au-delà du niveau de satisfaction et de la progression du nombre de conseillers aux élus locaux, les rapporteurs spéciaux soulignent qu' une attention particulière doit être portée à leur répartition sur le territoire, afin que les communes rurales , souvent les moins à même de disposer d'une expertise technique en interne, puissent aisément recourir à ces conseillers.

b) Le nouveau réseau de proximité : un déploiement qui devrait finalement s'achever à la fin de l'année 2023, après un premier report

La rationalisation du réseau territorial de la DGFiP, par le biais de fusions ou de suppressions, est en oeuvre depuis plusieurs années : le réseau déconcentré de l'administration fiscale a connu une perte de ses emprises de près de 20 % entre 2015 et 2021 .

La méthode retenue a toutefois fait l'objet d'une inflexion en 2019, après plusieurs années de critiques de la part des élus locaux, des agents de l'administration, de la Cour des comptes et des parlementaires, notamment de la commission des finances. Ils estimaient que les suppressions et les fusions étaient faites « à vue », sans vision de long terme, au gré des résistances rencontrées sur place et sans projection sur les besoins et les effectifs.

Un processus de concertation a donc été lancé au début du mois de juin 2019 afin de définir, dans chaque département et par le biais d'une contractualisation, la nouvelle carte des implantations territoriales de la DGFiP. Réunissant les élus locaux, les directeurs départementaux des finances publiques et les préfets, il a mené à la mise en place du « nouveau réseau de proximité » (NRP), qui doit répondre à un double-objectif : poursuivre la rationalisation du réseau de la DGFiP, dont les métiers évoluent fortement, et renforcer la proximité de ces services publics. Le NRP ne se traduit pas pour autant par une interruption des fermetures de trésoreries ou de services d'impôt aux particuliers : le but n'est pas de préserver le réseau des sites permanents en l'état, mais de multiplier les points de contact à l'échelle d'un département .

Dans le cas du NRP, une charte est signée avec chaque département : elle décrit les services présents, y compris les conseillers aux décideurs locaux, les modalités de présence, l'offre de service, la contribution de la DGFiP au fonctionnement des accueils de proximité. Elle entérine également l' instauration d'un comité de suivi présidé par le directeur départemental des finances publiques et chargé de suivre la bonne application de ces dispositions.

Le déploiement du NRP, trois ans après le lancement de cette nouvelle approche, progresse, même s'il a fallu du temps pour que se concrétisent ses premiers apports et que le rythme est plus lent : au 13 juillet 2022, 47 chartes ont été signées avec des présidents de conseils départementaux , 617 avec des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale et 72 avec des communes ou associations locales de maires 6 ( * ) . Ainsi, selon les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, la finalisation du NRP est désormais prévue pour la fin de l'année 2023 .

Le Gouvernement cible une augmentation des « points de contact mobiles » de 30 % , avec un accès à un accueil de proximité à moins de 30 minutes dans l'ensemble des cantons. Selon les données transmises aux rapporteurs spéciaux par le ministre de la transformation et de la fonction publiques, M. Stanislas Guérini, 92 % de la population française se situe désormais à moins de 20 minutes d'un accueil de proximité et 98 % à moins de 30 minutes .

D'après le sous-indicateur de performance dédié à cet objectif, la DGFiP devrait attendre, d'ici la fin de l'année 2023 , l'objectif qu'elle s'était fixée d'augmenter de 30 % le nombre de communes dans lesquelles elle dispose d'un accueil de proximité par rapport à 2019, soit 2 570 communes . En tenant compte des relocalisations de services (cf. infra ), la DGFiP serait même présente dans 2 844 communes à la fin de l'année 2022, sans compter la nouvelle vague de labellisation de maisons France Services qui devrait intervenir au mois d'octobre . Le déploiement des points de contact s'accompagne en outre de la mise à disposition, en ligne, d'une carte interactive , avec plus de 15 000 points de contact déjà géo-localisés.

Il faut toutefois bien distinguer ce que recouvrent ces points de contact, entre le passage d'un bus itinérant ou la tenue d'une permanence une demi-journée par semaine. Les rapporteurs spéciaux ont eu l'occasion ces dernières années de rappeler que les objectifs d'accueil ne pouvaient pas être seulement quantitatifs, en affichant des points sur la carte : la qualité du service doit être préservée, et conciliée à un maillage fin du territoire.

Certains de nos concitoyens sont en effet dans l'incapacité d'effectuer leurs démarches par internet et les services sont difficilement joignables par téléphone : dans ce contexte, il faut conserver un accueil physique des contribuables. Dans une étude commandée en octobre 2019 par le ministère de l'économie et des finances à BVA sur la perception du nouveau réseau de proximité par les habitants d'unités urbaines de moins de 35 000 habitants, les personnes de plus de 65 ans indiquaient ainsi que passer par internet était pour eux beaucoup plus difficile et ne constituait donc pas leur mode de contact privilégié.

De ce point de vue, il semble peut-être plus prometteur de garantir, y compris par un rehaussement de son effort humain et financier, la proximité des services publics par la participation de la DGFiP au réseau des Maisons France Services (MFS), que ce soit par une présence effective ou par des activités de formation à destination des animateurs de ces maisons, afin qu'ils puissent répondre aux interrogations les plus simples des contribuables, ou tout du moins les orienter. Comme le précise la Charte nationale d'engagement France Services, le rôle de ces maisons est d'assurer « une information de premier niveau en matière de fiscalité des particuliers » et d'orienter les usagers vers les interlocuteurs compétents, qui pourront ensuite recourir à des référents locaux, qui tiendront lieu de back office .

c) La relocalisation des services publics : un calendrier publié tardivement

Auparavant dénommée « démétropolisation », la relocalisation de certains services publics des métropoles vers les territoires périurbains et ruraux a été inscrite comme un objectif prioritaire à l'issue du quatrième comité interministériel de la transformation publique, le 15 novembre 2019 7 ( * ) . Si l'ensemble des administrations de l'État sont concernées, la DGFiP devrait être le contributeur le plus important à ce processus : 2 542 agents seront concernés, sur un objectif total de 6 000 emplois d'État transférés.

Après un appel à candidatures lancé au mois d'octobre 2019, 50 premières villes ont été choisies au mois de septembre 2020, puis 16 autres au mois de décembre , sur plus de 408 candidatures. Trois critères ont conduit à leur sélection : la capacité immobilière de la ville, l'existence de compétences métiers et la situation géographique (bassin d'emploi dynamique, proximité avec le service de la métropole dont l'activité est transférée) 8 ( * ) .

Le calendrier a donc finalement été publié et finalisé au début de l'année 2021 : les transferts sont effectués par étape et regroupements successifs, parfois sur deux à trois ans, et peuvent évoluer au cours du temps. Alors que, l'an dernier, la DGFiP annonçait le déménagement de 25 services et de 905 effectifs, en prévisionnel, ce sont finalement 1 200 personnels qui seraient concernés d'ici la fin de l'année 2022 , sur 47 nouveaux services créés et installés dans 44 communes . Après quelques délais dans la mise en oeuvre de la relocalisation des services publics, le déploiement s'avère finalement plus dynamique qu'anticipé - les efforts de la DGFiP en ce sens devant être salués.

Calendrier du programme de « relocalisation »
des services de la DGFiP

* le nombre de services concernés n'est pas définitif

** le nombre de services n'est pas encore connu

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux 9 ( * )

Par ailleurs, et contrairement aux inquiétudes qu'avait pu susciter la réforme, y compris de la part des rapporteurs spéciaux, il n'a pas encore été trop difficile de trouver les agents nécessaires pour occuper ces postes . Le taux de vacance serait de 8 %, la DGFiP pouvait s'appuyer sur des demandes de mutation, sur les sorties d'école et sur le recrutement de contractuels.

Les dispositifs visant à encourager la mobilité des agents

De nouveaux outils ont été développés au sein de l'administration pour encourager les mobilités et accompagner la transformation du réseau et des métiers.

Peuvent tout d'abord être distingués les dispositifs indemnitaires :

- la prise en charge des frais de changement de résidence (1986) ;

- l'accompagnement indemnitaire de la mobilité consécutive à une opération de restructuration (2019). Il vient en complément de la prime de restructuration (2008), de l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint, fixé forfaitairement à 7 000 euros (2008) et du complément indemnitaire d'accompagnement (2014) ;

- l'indemnité d'accompagnement à la mobilité fonctionnelle (2019), versée à l'issue d'une formation professionnelle ;

- le bénéfice de l'ancien emploi (2019). Si un fonctionnaire perd son emploi fonctionnel du fait d'une nouvelle organisation des services et est nommé sur un nouvel emploi fonctionnel, il conserve, s'il y a intérêt et pendant cinq ans, le bénéfice des dispositions régissant leur ancien emploi et l'ensemble des primes et indemnités y afférant ;

- les indemnités de départ de la fonction publique : indemnité de départ volontaire (2008) ou rupture conventionnelle (2019) ;

- les indemnités visant à accompagner et encourager la mobilité des agents publics dans certains territoires ou pour pourvoir certains emplois : indemnité temporaire de mobilité (mobilité fonctionnelle ou géographique), primes d'attractivité et de fidélisation territoriales.

Parmi les autres dispositifs, se trouvent un accompagnement RH des agents touchés par les restructurations (priorité de mutation ou de détachement, droit à l'accompagnement personnalité, formation professionnelle, congé de transition professionnelle), ainsi qu'une amélioration de l'information des agents (amélioration de l'espace « Place de l'emploi public » pour donner davantage de visibilité à l'ensemble des offres à pourvoir dans la fonction publique).

Dans ce contexte, et de manière globale sur le projet NRP, la DGFiP a bénéficié d'un cofinancement à hauteur de 50 % du Fonds pour l'accompagnement interministériel RH, soit 10,3 millions d'euros en 2021 . Dans le cadre de la réintégration des crédits du Fonds au sein du programme 148, la DGFiP a continué à bénéficier d'un cofinancement, qui devrait s'élever à 12,7 millions d'euros en 2022 .

Source : réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Parmi les principaux services concernés par la relocalisation figurent la mise en place d'antennes de services d'impôt pour les entreprises, de centres d'appels mais également une vingtaine de services d'appui à la publicité foncière, qui traiteront à distance une partie de l'activité des services de publicité foncière des grandes villes afin de les désengorger. La création de centres d'accueil téléphonique est tout à fait bienvenue pour pallier les effets de la dématérialisation croissante des démarches sur certains publics vulnérables ou dont la situation ne correspond pas aux situations les plus communes.

2. Pour la Douane, au-delà de ses bureaux, une réflexion à mener sur ses emprises immobilières dédiées au logement des agents

Au sein de la DGDDI, la réorganisation du réseau se traduit d'abord par un basculement géographique : alors que des emprises régulières sont allégées dans les départements de l'est et du sud de la France, d'autres structures sont créées au nord de la France, afin d'adapter aux conséquences du Brexit le réseau douanier dans les Hauts-de-France, en Normandie et en Bretagne-Pays de la Loire. Pour citer la directrice des douanes lors de son audition, les Hauts-de-France sont devenus la nouvelle frontière « physique » de la France et, plus généralement, de l'Union européenne.

La Douane a également entamé une réflexion sur l'établissement public administratif de la « Masse des douanes » , qui a pour mission principale de pourvoir au logement des agents de la DGDDI. Il a fait l'objet d'importantes critiques de la Cour des comptes, qui a qualifié le parc immobilier de vétuste et de peu adapté aux besoins des agents, avec un taux de vacance bien plus élevé que dans le parc immobilier social national 10 ( * ) .

Or, comme le soulignaient les rapporteurs spéciaux dans leurs travaux de contrôle sur la Douane face au trafic de stupéfiants 11 ( * ) , une rationalisation des emprises de la Masse des douanes ainsi qu'une révision de la politique de logement de la Douane devraient permettre de dégager des économies supplémentaires sur le fonctionnement de la DGDDI , économies qui pourraient être redéployées au profit de l'acquisition de matériels de pointe et de la modernisation des systèmes d'information de la Douane. En effet, si la Douane veut s'affirmer pleinement comme l'administration de la frontière et des marchandises, comme elle le défend dans le cadre de sa stratégie 2022-2025, elle doit disposer d'équipements techniques performants et adaptés au contrôle de flux de plus en plus importants et d'une frontière qui est désormais autant terrestre que maritime, aérienne et numérique .


* 4 D'après les données transmises en réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

* 5 Ibid. Le total dépasse 100 puisqu'une demande de prestations peut porter sur plusieurs objets.

* 6 Selon les données transmises dans le questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

* 7 Il reprenait un engagement du président de la République au mois d'avril 2019, à l'issue des conclusions du grand débat national.

* 8 Selon les informations transmises dans le dossier de presse du ministère de l'économie, des finances et de la relance sur la relocalisation des services des finances publiques dans les territoires , 30 septembre 2020.

* 9 Le nombre de services total indiqué sur le graphique est supérieur au nombre de villes sélectionnées puisque certaines d'entre elles accueillent plusieurs services.

* 10 Rapport de la Cour des comptes sur « La direction générale des douanes et des droits indirects. Exercices 2013-2019. Un recentrage nécessaire » (septembre 2020).

* 11 Rapport d'information de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN, fait au nom de la commission des finances n° 45 (2022-2023) - 12 octobre 2022.

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