III. LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UTILISER LA BAISSE DÉMOGRAPHIQUE POUR POURSUIVRE LE RENFORCEMENT DU PREMIER DEGRÉ

Le rapporteur spécial souligne depuis des années la nécessité de construire la politique de la mission « Enseignement scolaire » en anticipant les grandes évolutions démographiques en cours .

Il se félicite donc que, pour la première fois, le Gouvernement ait mis en avant l'argument démographique dans la préparation du budget 2023 13 ( * ) , qui rejoint la recommandation émise par le rapporteur spécial l'année précédente de tirer profit des évolutions de la population scolarisée afin d'améliorer la qualité de l'enseignement et d'aligner les taux d'encadrement avec la moyenne européenne.

1. A la rentrée 2023, la baisse du nombre d'élèves concernera l'ensemble des niveaux

Après une hausse continue de 2011 à 2016, les effectifs en élémentaire diminuent de plus en plus fortement à chaque rentrée depuis 2017 . Les élèves entrés à l'école primaire à la rentrée 2022 sont beaucoup moins nombreux que ceux qui ont quitté le premier degré pour entrer dans le secondaire 14 ( * ) . Le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré diminue de 49 700 élèves à la rentrée 2022, soit une baisse de 1,2 % par rapport à la rentrée précédente, puis de 62 800 élèves à la rentrée 2023 (- 1,5 %).

Le nombre total d'élèves dans le premier degré, en incluant le préélémentaire, s'établit à 6,46 millions à la rentrée 2022 . Il devrait poursuivre sa baisse aux rentrées suivantes, passant de 6 370 800 élèves à la rentrée 2023 à 6 166 200 à la rentrée 2026.

La baisse du nombre d'élèves est encore plus accentuée dans le milieu rural, où il a diminué de 11,8 % en maternelle et de 5,3 % dans le primaire, que dans les villes, où la chute est limitée à 7,8 % en maternelle et 0,8 % en primaire. C'est en éducation prioritaire que la chute est la plus limitée, ces classes accueillant donc proportionnellement de plus en plus d'élèves. Le nombre d'élèves en primaire en éducation prioritaire est resté stable depuis 2015.

Évolution du nombre d'élèves dans le premier degré public

Source : commission des finances d'après la DEPP

Si ces évolutions ne concernent pour l'instant le second degré que dans une moindre mesure, elles s'y étendront à partir de 2024 ( 23 000 élèves en moins en 2024 et autant en 2025 ) 15 ( * ) . A partir de 2026, la chute démographique atteindra également le lycée, pour lequel le pic du nombre d'élève est atteint à la rentrée 2022.

Évolution du nombre d'élèves dans le second degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

2. Approfondir l'amélioration du taux d'encadrement dans le premier degré

Ces évolutions démographiques ont en effet un corollaire positif, à savoir l'amélioration du taux d'encadrement.

a) Un nombre moyen d'enfants par classe toujours trop élevé

La France se caractérise toujours par un nombre d'enfants par classe nettement supérieur à la moyenne européenne, particulièrement dans le premier degré. Dans le premier degré, la France présente le taux le plus fort au sein de l'Union européenne avec près de 19 élèves par enseignant dans l'élémentaire et plus de 23 élèves par enseignant dans le préélémentaire . Si les personnels auxiliaires sont comptabilisés en plus des enseignants (Atsem dans le cas français), comme le fait l'OCDE, le taux d'encadrement descend à 16 élèves par personnel en France et à 12 élèves en moyenne dans l'Union européenne. Dans le premier cycle du secondaire en France, le taux d'encadrement est meilleur que dans le premier degré et s'élève à 14 élèves par enseignant . Il reste cependant plus élevé que dans tous les autres pays, sauf aux Pays-Bas (16) et au Royaume-Uni (15).

Nombre moyen d'élèves par enseignant et par niveau en 2018

1 er degré Second degré

Source : État de l'école 2021, DEPP

Seule exception, dans le second cycle du secondaire, lycées professionnels, généraux et technologiques confondus, le taux d'encadrement en France, à 11 élèves par enseignant est meilleur que celui de la moyenne UE-28 (12) et surtout que celui des Pays-Bas (18) et du Royaume-Uni (17).

Dans les petites écoles rurales, la question n'est pas tant celle du taux d'encadrement qu'au contraire celle d'un nombre d'élèves trop faible . Le Gouvernement mène actuellement une politique de non fermeture des classes en zone rurale sans l'accord du maire. En conséquence, en dehors des mesures de dédoublement de l'éducation prioritaire, le nombre de classes en école rurale n'a diminué que de 1,6 % en primaire en 6 ans, contre une diminution du nombre d'élèves de 5,3 %.

Évolutions démographiques dans le premier degré entre 2015 et 2021

Nombre d'élèves

Nombre de classes

2015

2021

Évolution
en %

2015

2021

Évolution
en %

Préélémentaire

Éducation prioritaire

467 551

439 296

- 6,0%

20 032

22 058

10,1%

Public rural hors EP

653 280

576 339

- 11,8%

27 726

26 200

- 5,5%

Public urbain hors EP

1 122 030

1 034 050

- 7,8%

43 658

43 294

- 0,8%

Élémentaire

Éducation prioritaire

691 238

691 040

0,0%

30 410

41 467

36,4%

Public rural hors EP

1 109 618

1 051 343

- 5,3%

49 152

48 375

- 1,6%

Public urbain hors EP

1 788 813

1 775 089

- 0,8%

73 305

75 606

3,1%

Source : DEPP

Si le rapporteur spécial ne peut qu'approuver l'attention portée aux petites communes rurales, le coût de cette mesure lui semble difficilement soutenable . La faible densité d'élèves par établissement scolaire constitue un facteur de coûts de structure supplémentaires en France. La France compte 61 000 établissements scolaires pour 12 millions d'élèves, soit 197 élèves par établissement en moyenne, contre 32 238 établissements scolaires pour 8,38 millions d'élèves en Allemagne, soit 257 élèves par établissement en moyenne . Cette faible densité d'élèves par établissement entraîne des coûts d'entretien, de maintenance, de personnel et de gardiennage plus élevés.

b) Approfondir les évolutions en cours pour poursuivre la diminution du taux d'encadrement et accompagner la baisse démographique

Le dossier de presse du ministère de l'Education nationale pour le PLF 2023 indique que « le Gouvernement fait le choix de préserver l'emploi enseignant en utilisant cette baisse démographique en faveur de redéploiements pour améliorer le taux d'encadrement dans le premier degré et poursuivre les politiques prioritaires dans le second degré ».

Cela fait écho aux recommandations émises de longue date par le rapporteur spécial, qui indiquait par exemple dans le rapport budgétaire pour le PLF 2022 que « l a baisse des effectifs constitue en effet selon le rapporteur spécial l'occasion de poursuivre la transformation du système scolaire français. Par un effet mécanique, la réduction du nombre d'élèves entraînera une baisse du taux d'encadrement qui est de nature à améliorer le suivi des élèves , dans le prolongement des dédoublements de classe déjà mis en oeuvre ».

(1) Une nette amélioration dans le premier degré, liée tant à la démographie qu'à plusieurs mesures mises en place au cours du précédent quinquennat

Si, comme indiqué plus haut, la France accuse encore un retard certain sur les autres membres de l'Union européenne en matière de nombre d'élèves par classe dans le premier degré, la tendance est très largement à la baisse depuis plusieurs années, ce dont se félicite le rapporteur spécial.

Pendant plusieurs décennies, l'accent a été mis en France sur le second degré, ce qui s'est traduit par une baisse concomitante de la dépense intérieure d'éducation en faveur du premier degré . Celle-ci est cependant repartie à la hausse depuis 2015 pour atteindre 2 % du PIB en 2020, mais reste largement inférieure à la dépense d'éducation pour le second degré, qui se situe à 2,6 % en 2020, après un sommet à 3,3 % du PIB dans les années 1990.

Évolution de la dépense intérieure d'éducation par niveau

(en pourcentage du PIB en euros 2020)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Cette dynamique de renforcement de la dépense dans le premier degré se traduit par une diminution continue du taux d'encadrement, qui s'est réduit au cours des dix dernières années de près de 9 % dans le préélémentaire et de 7 % dans le primaire.

Évolution des effectifs par classe dans le premier degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

Cette diminution est certes liée à la baisse de la démographie des élèves, mais elle résulte essentiellement de deux mesures prises en faveur du premier degré au cours du précédent quinquennat.

Concernant l'éducation prioritaire, on peut voir sur le graphique ci-dessus qu'elle connait désormais un nombre moyen d'élèves par classe très inférieur (16,7 dans le primaire et 19,9 en maternelle) à celui dans l'enseignement hors REP (respectivement 22,7 et 21,7 enfants par classe en moyenne).

La principale cause de cette réduction est le mouvement de dédoublement progressif des classes de CP et de CE1 mis en oeuvre à partir de la rentrée 2017 dans le réseau d'éducation prioritaire (REP) et le réseau renforcé (REP+) avec pour objectif d'atteindre pour chacune un maximum de 12 élèves. Cette mesure s'est traduite par la création de 10 800 classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, soit environ 300 000 élèves.

L'impact du dédoublement sur le niveau des élèves

Les premières évaluations menées par la DEPP 16 ( * ) montraient que, antérieurement au dédoublement, en CE1, 40 % des élèves de REP+ étaient en très grande difficulté en mathématiques et en français. Grâce au dédoublement, cette proportion serait abaissée de 7,8 % pour le français et de 12,5 % en mathématiques. En CE1, en 2019, en français, les écarts de performances entre les élèves dans et hors éducation prioritaire diminuent dans tous les domaines.

Selon les évaluations les plus récentes 17 ( * ) , les résultats sont positifs en CP : le dédoublement correspond à une diminution de 16 % en français et de 38 % en mathématiques de l'écart observé en début de CP entre le groupe REP+ et le groupe hors éducation prioritaire. Ainsi, en français, les REP+ rattrapent leur retard initial entre le début du CP et la fin du CE1 par rapport aux élèves d'un niveau proche de REP+ pour arriver à des performances similaires à ces derniers. La DEPP indique ainsi que « les progressions sont un peu plus fortes en REP+, ce qui peut être interprété comme un effet favorable de la réduction de la taille des classes ».

L'effet est en revanche moins significatif en CE1 en français : la proportion d'élèves en difficulté en REP + passe de 22,4 % en début de CP à 21,5 % en fin de CP mais remonte à 22,3 % en fin de CE1. Il est en revanche important en mathématiques : la proportion d'élèves en difficulté en REP+ passe de 21,4 % en début de CP à 18,5 % en fin de CP, 18,5 % en début de CE1 et enfin en fin de CE1.

Le rapporteur spécial sera attentif aux nouvelles évaluations qui seront rendues. Il est nécessaire de s'assurer que les cohortes suivantes confirment les premiers résultats positifs de la rentrée 2021.

Le dédoublement a ensuite été étendu en classe de grande section de maternelle à compter de la rentrée 2020 et concernait près de 75 % des classes de grande section, ayant nécessité le recrutement de 1 900 ETP supplémentaires. 1 670 emplois seront consacrés à la poursuite du dédoublement en 2022. Les grandes sections en secteur prioritaire ne seront toutefois intégralement dédoublées qu'en 2023, pour l'ensemble des 150 000 élèves concernés et 6 000 emplois supplémentaires.

Autre mesure ayant contribué à la réduction du taux d'encadrement, hors éducation prioritaire, le plafonnement à 24 élèves dans les classes de CP et de CE1 à compter de la rentrée 2020 se poursuit. 2 660 emplois y sont dédiés pour le seul enseignement public. Ainsi, la part des classes à 24 élèves pour les niveaux de grande section, de CP et de CE1 atteint 95 % à la rentrée 2022 (contre 86 % à la rentrée 2021). La mesure a donc presque atteint son plein effet en 2022, sa complète mise en oeuvre ne nécessite pas de moyen supplémentaire en 2023.

(2) Des efforts qui doivent être étendus au collège

Le rapporteur spécial se félicite de la dynamique à l'oeuvre de réduction du taux d'encadrement dans le premier degré , qui doit être approfondie mais surtout étendue au secondaire et surtout au collège.

Si le taux d'encadrement dans le second degré en France se situe dans la moyenne européenne, il dissimule en réalité de grandes disparités de moyens entre le collège et le lycée , encore accentuées par la réforme du lycée général qui a favorisé les très petits effectifs pour certaines spécialités, et par la très grande spécialisation de certains enseignements dans les lycées professionnels. Pour 100 élèves, 118 heures d'enseignement en collège sont mobilisées, contre 126 heures en lycée et près du double en lycée professionnel. L'encadrement en collège doit désormais faire l'objet d'une attention particulière , alors qu'il va commencer à être touché par l'arrivée en 6 e des cohortes les moins nombreuses après le pic de naissances de 2010.

Nombre d'heures d'enseignement par élève dans le second degré

2010

2015

2020

Collège

1,23

1,20

1,18

Lycée général et technologique

1,38

1,30

1,26

Lycée professionnel

2,09

2,11

2,17

Source : commission des finances d'après la DEPP


* 13 Dossier de presse du ministère de l'Education nationale.

* 14 DEPP note 22.11.

* 15 DEPP note 22.12.

* 16 Dédoublement des classes de CP en éducation prioritaire renforcée : première évaluation, étude de la DEPP, janvier 2019.

* 17 Impact de la réduction de la taille des classes de CP et CE1, DEPP, octobre 2021.

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