B. L'INTÉGRATION BIENVENUE DES PRÊTS DANS LE PÉRIMÈTRE DU NOUVEAU COMPTE « PRÊTS ET AVANCES AUX DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS »

L'article 24 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 82 ( * ) prévoit l'unification du régime des comptes de concours financiers, qui relevaient auparavant de deux catégories : les comptes d'avances et les comptes de prêts. Il définit les CCF, qui retracent les prêts et avances consentis par l'État, lesquels sont accordés pour une durée déterminée. Pour les prêts comme pour les avances, le taux ne peut être inférieur aux obligations du Trésor à même échéance.

Sur ce fondement, le V de l'article 46 de la loi de finances pour 2006 83 ( * ) avait prévu l'ouverture, dans les écritures du Trésor, d'un CCF intitulé « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

A la différence du CCF « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », créé par le même article, le V de l'article 46 excluait donc expressément la possibilité d'accorder des prêts aux services de l'État et organismes gérant des services publics.

Selon le recueil des normes comptables de l'État, et plus précisément la partie normative de sa règle n° 7, la durée des avances est fixée à deux ans maximum, renouvelable une fois sur autorisation expresse, tandis que sur une durée supérieure à quatre ans, l'État doit consentir un prêt.

Or, si le CCF « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » visait originellement à apporter un soutien ponctuel à la trésorerie de certains opérateurs - d'où son intitulé -, de nombreuses avances octroyées lors des exercices précédents avaient des durées excédant très largement les deux et quatre ans.

À titre d'exemple, les avances aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité (programme 826) versées en 2020 et 2021 avaient une durée maximale de dix ans tandis celles réservées à Île-de-France Mobilités à la suite des conséquences de l'épidémie de covid-19 (programme 827) ont été octroyées pour une durée maximale de 16 ans.

Au total, en 2021 84 ( * ) comme en 2022, plus de 95 % des avances avaient une maturité résiduelle supérieure à cinq ans 85 ( * ) . Il s'agit pour la majorité d'avances accordées à des exploitants d'aéroports entre 2020 et 2022.

Le rapporteur spécial avait, dès l'examen de la loi de finances pour 2021, remarqué cette disjonction s'agissant du programme 826 et observé que l'on « s'éloign[ait] un peu plus de l'esprit de ce dispositif » 86 ( * ) . Constatant le manque de réaction du Gouvernement, il réaffirmait, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, que « le caractère répété des avances revient également à contourner cette limitation. Dans ces situations, l'octroi d'une avance s'éloigne de l'esprit du dispositif, supposé ne servir que de relais de trésorerie temporaire pour les organismes bénéficiaires » 1 .

Tenant compte du décalage croissant entre l'intitulé du compte et son contenu réel, l'article 19 du PLF modifie ainsi le V de l'article 46 de la loi de finances pour 2006 et remplace le compte « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » par un compte renommé « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

En conséquence, il précise que ce compte retrace, entre autres, le versement et le remboursement des prêts et avances du Trésor octroyées à d'autres services de l'État ou organismes gérant des services publics.

243 avances accordées à partir de crédits ouverts sur les programmes 824, 826 et 827 seraient ainsi requalifiées en prêts.

Le rapporteur spécial ne peut que se réjouir de voir le Gouvernement tirer les conclusions qui s'imposent des observations qu'il avait formulées 87 ( * ) .

Une telle adaptation est particulièrement nécessaire pour des raisons de clarté et de transparence de l'information du Parlement. L'importance des montants des nombreux prêts consentis aux exploitants d'aéroports en réaction à la crise sanitaire, ainsi que les lenteurs dont peut faire preuve la Commission européenne dans ses versement aux opérateurs de l'État rendaient d'autant plus indispensable cette évolution.


* 82 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 83 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 84 Rapport spécial n° 163 (2021-2022) de M. Jérôme Bascher sur la loi de finances pour 2022, annexe n° 13 « Engagements financiers de l'État » au rapport général.

* 85 Réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial. Ce chiffre est établi avant modification du périmètre du compte de concours financiers, qui ne serait juridiquement effective qu'en cas d'adoption du projet loi de finances pour 2023.

* 86 Rapport spécial n° 138 (2020-2021) de M. Jérôme Bascher sur la loi de finances pour 2021, annexe n° 13 « Engagements financiers de l'État » au rapport général.

* 87 La Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire de 2021 sur la loi de finances pour 2020, avait d'ailleurs également mis en avant les anomalies du compte de concours financier. Voir note d'exécution budgétaire, Compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », Cour des comptes, 2021.

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