LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

SUR LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

La mission a été modifiée par un amendement du Gouvernement ouvrant 100 millions d'euros sur le programme 114 « Appels en garantie de l'État ».

Cet amendement vise à faire porter par ce programme les dépenses budgétaires découlant de la mise en jeu des garanties octroyées par l'État dans le cadre de la création d'un fonds chargé d'apporter une garantie publique pour les garanties exigées par un fournisseur en vue de la souscription d'un contrat de fourniture de gaz ou d'électricité et pour les contrats d'affacturage et risques d'assurance-crédit liés à ces mêmes contrats.

Les crédits du programme 114 passeraient ainsi de 2,48 milliards d'euros à 2,58 milliards d'euros, et ceux de la mission de 60,19 milliards d'euros à 60,29 milliards d'euros.

SUR LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS »

En conséquence, un amendement du Gouvernement a été adopté ouvrant 20 millions d'euros supplémentaires sur le programme 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » du compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». Ces 20 millions d'euros serviraient à doter le fonds en question. L'amorçage serait fait sous forme d'avance qui sera remboursée par les primes ou cotisations versées par les établissements de crédit, les entreprises d'assurance ou les sociétés de financement et perçues par le fonds en contrepartie du risque pris. Les crédits du programme passeraient donc de 208,8 millions d'euros à 228,8 millions d'euros.

Par ailleurs, pour répondre à l'augmentation à hauteur de 256,6 millions d'euros en 2023 du montant prévisionnel de recours aux avances du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », un amendement du Gouvernement a été adopté ouvrant 58,2 millions d'euros supplémentaires sur le programme 824 « Prêts et avances à des services de l'État ». Les crédits du programme passeraient donc de 198,4 millions d'euros à 256,6 millions d'euros.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 10 novembre 2022, sous la présidence de Mme Christine Lavarde, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État » et les comptes de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux ».

Mme Christine Lavarde , président . - Nous examinons la mission « Engagements financiers de l'État », et les comptes de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux ».

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » . - La charge de la dette étant en forte augmentation, les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État  » et des comptes spéciaux rattachés sont ceux qui augmentent le plus. C'est par eux que je commencerai puisqu'ils me donnent la rare occasion d'accorder un satisfecit au Gouvernement.

Depuis la crise de la dette grecque, nous accordions des prêts à la Grèce et elle nous versait des charges d'intérêts que nous lui rétrocédions, ce qui revenait à lui accorder un prêt à taux zéro. C'est une bonne nouvelle, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce » sera clôturé au 31 décembre 2022.

Le compte de concours financiers (CCF) « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » est renommé « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». Cela fait deux ans que j'ai mis en évidence le décalage entre l'ancienne appellation et l'octroi de nombreuses avances qui s'apparentaient à des prêts. Je me félicite de ce changement de sémantique.

En ce qui concerne les crédits de la mission, le seul point positif est l'ouverture en loi de finances des crédits au titre de la contribution française au capital du mécanisme européen de stabilité (MES) dans le cadre du programme 336. En revanche, je le dénonçais déjà l'année dernière et je le dénonce encore aujourd'hui très fortement, les modalités de calcul de la dette Covid mélangent capital et charges d'intérêt et donc l'isolement budgétaire à travers le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » n'a aucun sens. Il s'agit d'un programme d'affichage sans justification budgétaire, que l'Agence France Trésor gère d'ailleurs avec l'ensemble de la dette.

Autre artifice comptable, la reprise de la dette de SNCF Réseau, qui ne figure pas parmi les crédits dévolus à la charge de la dette alors qu'elle le devrait. Or les charges d'intérêt s'élèveront à près de 1 milliard d'euros en 2023 - avec Emmanuel Macron, le milliard est devenu l'unité de compte monétaire ! -, précisément 900 millions d'euros.

Je souhaite ici établir une comparaison avec le budget général. Les dépenses du budget général se situent à hauteur de 443,9 milliards d'euros, dont 27,3 milliards d'euros pour les dépenses d'investissement et 416,6 milliards d'euros pour les dépenses de fonctionnement, ce qui correspond à un déficit primaire, c'est-à-dire le déficit budgétaire retraité des intérêts de la dette, de 108,6 milliards d'euros. L'amortissement de la dette à moyen et long termes, en remboursement du capital, s'élève à 155,5 milliards d'euros. Les émissions de dettes à moyen et long termes à 270 milliards d'euros. Nous qui avons géré des collectivités, nous savons que notre dette doit correspondre exactement aux dépenses d'investissements réalisés, or nous voyons ici que nos émissions de dettes, qui pour une part significative viennent amortir une dette déjà émise, vont représenter l'équivalent de dix fois ce que nous investissons !

Avant, plus on s'endettait, moins on payait cher : la théorie de l'évaporation suit celle du ruissellement. La corrélation négative entre la charge de la dette et l'endettement effectif a évolué. Exposée aux mouvements de l'inflation, la charge de la dette a diminué de 25,8 % entre 2012 et 2020, mais elle augmente de 45,5 % de 2020 à 2023. Il s'agit d'une explosion inattendue. J'attire votre attention sur la hausse tout aussi impressionnante des taux d'intérêt, au cours des six derniers mois : jamais ils n'ont tant augmenté en si peu de temps, il s'agit d'une hausse historique. L'État prévoit une stabilisation l'année prochaine, une hypothèse à laquelle je ne crois pas trop.

En 2021, la charge de la dette s'élevait à 36,3 milliards d'euros. Plusieurs effets se sont conjugués pour aboutir à une charge de la dette de 49,4 milliards d'euros en 2022 : l'effet volume, provenant du déficit supplémentaire, de 1,3 milliard, l'effet taux de - 300 millions d'euros, l'effet inflation - 10 % de la dette environ sont indexés sur l'inflation - de 12 milliards d'euros, et un effet calendaire. L'effet inflation est massif en 2022 en raison de la hausse de la provision pour indexation du capital des titres indexés, mais sera plus favorable en 2023 (-2,2 milliards d'euros) en raison d'une inflation moins forte qu'en 2022, l'effet taux devenant défavorable. Il s'ajoutera à l'effet volume dont l'augmentation (+1,5 milliard d'euros) indique l'absence d'effort accompli sur la maîtrise de la dépense publique par le Gouvernement.

Malgré la volatilité du contexte, nous pouvons miser sur une décélération de l'inflation en 2023, si la récession que nous pressentons se confirme. Il en a toujours été ainsi dans l'histoire économique.

Grosso modo , tous ces crédits sont très évaluatifs. Si les taux remontaient de 10 %, si l'inflation s'accélérait, la France honorerait de toute façon ses engagements.

J'évoquerai maintenant un sujet dont nous avons beaucoup entendu parler cette année : la hausse des crédits des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATi) et des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'indice des prix de la zone euro (OAT€I). De nombreux acheteurs de notre dette ont besoin d'être couverts par l'inflation. La Caisse des dépôts et des consignations est l'un des plus grands propriétaires d'OATi, les intérêts des livrets A sont en partie indexés sur l'inflation. Les OATi offrent une excellente gestion de l'actif et du passif. Le programme, qui porte la réputation d'être trop cher, s'avère utile et neutre sur le long terme. Ainsi, son impact budgétaire est longtemps resté neutre de 1999 à 2013, mais il a généré beaucoup de recettes entre 2013 et 2021, jusqu'à ce que l'inflation nous fasse revenir, cette année, au point zéro.

Un dernier sujet, les prêts garantis par l'État (PGE), pose un problème. Avec la loi d'écoulement, le remboursement aura lieu avec deux ans de décalage par rapport à la première échéance. Or en cas de défaut de paiement, les autres échéances sont payées par la garantie d'État. Le calibrage opéré en loi de finances pour 2022 s'est avéré large. Sur les 3,5 milliards d'euros votés, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoit d'annuler 2 milliards d'euros. La somme de 2 milliards est conséquente et nous sommes dans le flou en ce qui concerne cette opération. Il n'est pas interdit de penser qu'à hauteur de 2,48 milliards d'euros pour 2023, le budget se révèle, a contrario , trop optimiste. Aussi, nous avons beaucoup de doutes, et je souhaiterais examiner le calibrage du PGE pour 2023 jusqu'au dernier moment.

À ce stade, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - La provision chiffrée en milliards d'euros n'a rien de neutre dans le jeu d'écriture, au moment où le ministre de l'économie demande au Parlement de faire des économies. Et comme le ministre est attentif à l'euro près, il y a même là quelque chose de paradoxal.

M. Patrice Joly . - Le montant de dette à rembourser est sous-estimé. Il reste une part d'incertitude, notamment sur les prévisions de taux et les risques de sinistralité liés aux PGE. Se pose une nouvelle fois la question du désarmement fiscal, que notre groupe a dénoncée cette année. Nous constatons une absence de remise en cause des choix fiscaux par le Gouvernement, ce qui fragilise la situation financière de notre pays.

Certains économistes questionnent la stratégie d'endettement du Gouvernement. Si l'État avait su faire des choix plus judicieux et adaptés, notamment en matière de performance énergétique, il ne se trouverait pas dans cette fragilité financière. C'est paradoxal, mais aujourd'hui, la dette peut être facteur de sécurité budgétaire. Encore convient-il d'avoir une stratégie au regard des besoins d'investissements.

Le rapporteur spécial partage-t-il mon point de vue sur l'absence de vision en matière d'endettement de la part du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi . - M. Joly veut simplement casser le thermomètre, réviser la gestion de la dette publique, or elle atteint les 3 000 milliards d'euros. D'année en année, on regarde le même tableau et j'entends les mêmes choses, que le gouvernement soit de gauche ou macroniste, et on accumule la dette.

Le rôle du Parlement porte historiquement sur l'impôt, le contrôle des finances. Qu'attend donc le Parlement pour prendre une initiative forte afin de réduire la dette ? Alors que la Cour des comptes publie des rapports et que le Parlement débat du budget, il ne se passe rien. Pourquoi ne disons-nous pas : « Stop, nous refusons de continuer à valider le budget, sans propositions offensives concernant la réduction de la dette ! » Klaxonnons, car nous allons dans le mur !

Mme Christine Lavarde , président . - Nous aurons l'occasion de revenir sur le cadre général du PLF lors de la discussion générale.

M. Vincent Segouin . - Le budget est aussi une question de confiance. Or, à un moment, tout peut basculer. En témoigne le Royaume-Uni avec le Brexit. Certains veulent plus d'impôts, mais la France détient le record absolu du taux de prélèvement ! Quand serons-nous unis pour demander une diminution de nos dépenses ? Devenons raisonnables, nous vivons au-dessus de nos moyens. Comment arrêter ce système, cette folie meurtrière du recours à la dette ? La charge de la dette va dépasser le budget de la défense !

M. Michel Canévet . - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation très pédagogique des conséquences de la dette. Nous avons longuement évoqué la dette et les PGE, mais la mission des engagements financiers de l'État ne se limite pas là. Quel est l'impact de la dette des organismes rattachés à l'État ?

M. Vincent Capo-Canellas . - À propos des PGE, sait-on où nous en sommes par rapport au stock de prêts déjà remboursés par les entreprises en 2022 ? A-t-on établi des prévisions sur les remboursements de 2023 ? Nous gardons en effet à l'esprit une conjonction défavorable, un contexte de quasi-récession.

M. Christian Bilhac . - C'est l'investissement qui trace la voie de l'avenir. Or ici on ne prépare pas l'avenir. En tant que paysan, j'ai appris qu'il convient de dépenser moins que ce qu'on gagne et de toujours mettre une petite part de côté. L'État n'a toujours pas compris cela. Il va falloir supprimer la moitié des ministères non régaliens et tous les doublons de la haute administration, rationaliser le service public au bénéfice des collectivités locales, qui gèrent mieux que l'État.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - Monsieur Bilhac, les dépenses du budget général s'élèvent à 444 milliards d'euros, financées par un déficit de 159 milliards d'euros, dont le financement nécessite lui-même des émissions de dettes de moyen et long terme de 270 milliards d'euros - qui vient également amortir les dettes précédentes - contre 260 milliards l'an passé. Les émissions de dette représentent donc l'équivalent de plus de la moitié des dépenses. Sans la dette, le budget devient impossible. C'est, pour citer Audiard, une « béchamel infernale ».

Monsieur Capo-Canellas, en 2022, la règle 80/20 s'est appliquée aux PGE : l'enveloppe a été répartie à hauteur de 80 % vers les grosses entreprises et à 20 % vers les moyennes et petites entreprises. Ainsi, le risque de non-remboursement vient principalement des grandes entreprises. Les trésoreries sont abondantes en 2022 malgré l'inflation, nombre d'entreprises ont remboursé leur prêt par anticipation : le risque anticipé a diminué par rapport à la prévision de défaillance initiale, passée de 5,1 % à 4,6 %. Mais c'est sans compter l'année prochaine avec le retour des cotisations Urssaf, le remboursement du PGE, et l'explosion du surcoût énergétique. Dans un contexte si volatile, les prévisions ne semblent toutefois pas si mauvaises. Bien malin celui qui saurait avancer de meilleures prévisions !

Monsieur Canévet, la dette de la SNCF reprise par l'État est gérée par l'Agence France Trésor. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est, elle aussi, gérée par l'Agence France Trésor. D'ailleurs, oui, monsieur Joly, la France a une stratégie de gestion de dette, car elle gère sa dette avec prudence. Avec la Cades, nous faisons de la dette sociale et dans d'autres devises, ce qui permet de diversifier le marché de la dette.

Nous avons la dette la plus liquide au monde, monsieur Karoutchi. C'est notre force. Les marchés étrangers sont toujours intéressés par la dette française, liquide, bien remboursée. La France est la mieux armée. Par comparaison, un exemple : l'Allemagne, après un premier déboire, a raté une émission de dette en octobre dernier. Elle voulait placer 4 milliards de dettes et a dû se contenter de 1,8 milliard à cause de ses taux trop bas. C'est la dette américaine qui est aujourd'hui la dette de référence. Je souligne une nouvelle fois l'excellente gestion de la dette par l'Agence France Trésor.

C'est la remontée des taux qui coûte cher au pays en 2022, mais ce sera pire en 2024 et, si la tendance se confirme, dans trois ou quatre ans, cette mission sera le premier budget, devant celui de l'éducation nationale !

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

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