EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Thierry Cozic et Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » (et article 43) et le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Thierry Cozic et Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux sur la mission « Économie » et sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Thierry Cozic , rapporteur spécial sur la mission « Économie » et sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - Comme vous le savez sans doute, l'examen des crédits de la mission « Économie » est marqué cette année par un amendement du Gouvernement intégré au texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, qui augmente de 4 milliards d'euros les crédits initialement demandés pour 2023. Cette hausse doit financer des aides exceptionnelles aux entreprises pour le paiement de leurs factures de gaz et d'électricité l'année prochaine.

Mais avant d'aborder ce sujet, nous vous proposons d'analyser les crédits initialement demandés pour 2023, qui financent les différentes politiques de la mission.

Par rapport à 2022, les crédits initialement demandés augmentent de 3,3 % en autorisations d'engagement, tandis que les crédits de paiement baissent de 3,2 %. Néanmoins, la mission connait en réalité d'importantes évolutions de périmètre pour 2023.

D'une part le programme 367 « Financement du compte d'affectation spéciale “Participations financières de l'État” », n'est pas abondé cette année, alors qu'il l'était de 748 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2022. D'autre part, la mission connaît plusieurs transferts de crédits rattachés auparavant à d'autres missions, pour un solde cumulé entrant d'environ 335 millions d'euros.

Finalement, à périmètre constant, hors programme 367, les autorisations d'engagement augmentent d'environ 520 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit une hausse de 20 %) et d'environ 280 millions d'euros en crédits de paiement (soit une hausse de 8,5 %).

Comme l'année dernière, l'essentiel des crédits se trouve concentré sur les grandes administrations économiques de la mission et sur trois dispositifs. Tout d'abord, les compensations au groupe La Poste au titre de ses différentes missions de service public. Ensuite, la compensation carbone des sites électro-intensifs, dont le coût augmente d'ailleurs très significativement par rapport à 2022, de 512 millions d'euros. Enfin, le plan France Très haut débit.

Nous souhaitons, en premier lieu, évoquer la situation des administrations et des opérateurs de la mission. Globalement, leurs emplois et moyens sont préservés pour 2023, comme l'année dernière, après plusieurs années de baisse.

S'agissant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous sommes satisfaits de constater qu'après avoir été réduits d'un quart en quinze ans, ses effectifs augmentent légèrement cette année. Comme nous l'indiquions dans notre rapport de contrôle présenté il y a un peu plus d'un mois sur le sujet, une légère hausse des effectifs était indispensable au bon accomplissement des missions de cette administration, sur l'ensemble du territoire. En 2023, le plafond d'emplois augmente de 13 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Il nous faudra rester vigilants quant à l'effectivité de cette hausse en cours d'exécution et aux évolutions les années suivantes.

Les effectifs de la direction générale du Trésor (DGT) augmentent également légèrement, pour la première fois depuis 2015, hors présidence française de l'Union européenne. Le plafond d'emplois augmente ainsi de 18 ETPT, tandis que son réseau à l'étranger est préservé pour la deuxième année consécutive. Sur ce sujet, nous avions constaté dans notre rapport du printemps 2021 que les fortes baisses d'effectifs ne pouvaient continuer sans mettre en danger la diplomatie économique.

Par ailleurs, la mission est marquée cette année par l'intégration d'un nouvel opérateur, désormais rattaché exclusivement au ministère de l'économie et des finances. Il s'agit d'Atout France, l'opérateur de l'État en charge du développement touristique de la France. Il en résulte un transfert entrant de crédits dédiés à la dotation versée à cet opérateur (pour environ 30 millions d'euros) et de crédits destinés à développer le tourisme en France.

En outre, en 2023, un effort financier est déployé en faveur des exportations et de l'internationalisation des entreprises via la hausse des subventions de Business France et de Bpifrance Assurance Export, respectivement de 16 millions d'euros et de 28 millions d'euros.

Plusieurs autres administrations ou opérateurs connaissent une légère hausse ou une stabilisation de leurs moyens. Les crédits de l'Insee sont ainsi en légère hausse et ses effectifs se stabilisent cette année, après plusieurs années de baisse. De même, les effectifs de la direction générale des entreprises, de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et de l'Autorité de la concurrence augmentent très légèrement. Enfin, les effectifs de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) restent quasi-stables.

À l'inverse, deux opérateurs voient leurs moyens être contraints. Les recettes propres de l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) restent plafonnées à 94 millions d'euros, comme en 2022. Ce plafond, s'il permet de contraindre l'INPI à utiliser sa trésorerie à court terme, n'apparaît pas viable à moyen terme. En outre, la Banque de France voit sa dotation se réduire de 17 millions d'euros.

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale sur la mission « Économie » et sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - Nous souhaitons tout d'abord aborder les compensations financées par la mission « Économie » et versées à La Poste au titre de ses différentes missions de service public.

Trois compensations sont pérennisées pour 2023.

En premier lieu, la compensation pour financer le transport postal de la presse par La Poste est maintenue et sera de 40 millions d'euros en 2023. De même, la dotation pour le service postal universel sur l'ensemble du territoire national ne connait pas de modification et sera de 500 à 520 millions d'euros en 2023. Enfin, comme l'année dernière, une dotation au fonds postal national de péréquation territoriale est prévue pour la mission d'aménagement et de développement du territoire de La Poste, qui consiste à maintenir des points de contact dans l'ensemble du pays. Cette dotation devait initialement être maintenue à 74 millions d'euros.

Néanmoins, la réforme proposée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2023 aboutit à une baisse du produit de l'abattement sur celle-ci dont bénéficie par ailleurs le fonds de péréquation. En conséquence, le Gouvernement a intégré au texte transmis par l'Assemblée nationale une hausse complémentaire de 31 millions d'euros de la compensation.

Surtout, en 2023, une nouvelle compensation au groupe La Poste intègre la mission « Économie ». En effet, la Banque postale est chargée par la loi d'une mission d'intérêt général d'accessibilité bancaire. Elle se matérialise par l'obligation pour cet établissement d'ouvrir gratuitement à toute personne qui le demande un Livret A fonctionnant comme un quasi-compte courant. Cette mission vise un objectif d'insertion bancaire et sociale en permettant aux personnes dont les besoins spécifiques ne sont pas couverts par les autres dispositifs d'avoir accès à un support bancaire simple dont le mode de fonctionnement est adapté à leurs besoins : montant minimum des retraits faible et absence de moyens de paiement notamment.

En 2021, la Banque postale recensait environ 1 million de clients relevant de la mission d'accessibilité bancaire. Cette mission représente un coût pour la Banque postale, qui s'explique par la consommation accrue de services de guichet liée, d'une part, à l'absence de moyens de paiement associés à ce type de livrets A et, d'autre part, au besoin d'un accompagnement humain renforcé.

En contrepartie de cette mission d'intérêt général, la Banque postale reçoit donc une compensation. Celle-ci est jusqu'ici débudgétisée : c'est le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations qui en assume la charge. Cette compensation suit une trajectoire dégressive pour inciter la Banque postale à assurer l'efficience de sa mission : d'un montant de 338 millions d'euros en 2021, elle sera de 303 millions en 2023 et s'établira à 252 millions d'euros en 2026.

L'article 43 du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit la budgétisation de cette compensation au sein du budget général de l'État, et plus précisément de la mission « Économie ».

Cette réforme nous apparaît opportune pour plusieurs raisons.

Premièrement, elle soulage le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations d'une charge importante qui ne rentre pas dans le cadre de sa mission principale, le financement du logement social. Deuxièmement, la budgétisation de la compensation met en cohérence l'objectif du dispositif, une mission d'intérêt général, et le financeur, l'État. Elle offre en outre une plus grande portée au vote des crédits par le Parlement. Troisièmement, nous observons qu'en principe, la réforme sera globalement neutre pour l'État d'un point de vue budgétaire ; en effet, l'État pourra prélever le surplus de fonds propres que génèrera le fonds d'épargne à la suite de cette réforme. Nous resterons toutefois particulièrement vigilants quant à l'effectivité de la neutralité budgétaire de cette réforme.

Nous proposerons l'adoption de l'article 43 sans modification.

Outre ces sujets de compensation au groupe La Poste, nous avons également souhaité centrer une partie de nos travaux sur le plan France Très haut débit (FTHD).

Le programme 343 porte en effet une part substantielle de la participation de l'État au financement du plan, qui devrait s'élever au total à 3,64 milliards d'euros d'ici fin 2023. Ce plan vise à contribuer à atteindre l'objectif d'une couverture intégrale du territoire en fibre optique à l'horizon 2025 en subventionnant les réseaux d'initiative publique (RIP), qui sont mis en oeuvre dans les zones dans lesquelles le déploiement n'est pas rentable pour les opérateurs. Les RIP sont des réseaux de très haut débit mis en place dans le cadre de projets des collectivités territoriales, qui doivent s'associer à l'échelle départementale pour bénéficier d'un soutien de l'État, via le FTHD.

Il ressort de notre analyse que ce plan a eu des conséquences très positives sur les déploiements du très haut débit dans les zones concernées. La dynamique est forte avec près de 1 500 000 nouvelles prises de fibre optique déployées sur le premier semestre 2022 dans les RIP, soit 64 % des déploiements sur l'ensemble du territoire sur la période.

Mais nous tenons à évoquer plusieurs points d'alerte s'agissant du déploiement de la fibre optique dans les autres zones.

Tout d'abord, contrairement à ce que l'on pense parfois, les difficultés d'accès à la fibre optique ne concernent pas uniquement les territoires ruraux. Dans les zones très denses, où le déploiement relève de l'initiative des opérateurs, le rythme insuffisant constaté ces derniers semestres perdure. En outre, il existe une forte disparité dans l'avancement du déploiement dans ces zones.

Par ailleurs, dans les zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii), dans lesquels les opérateurs privés ont pris des engagements de déploiement vis-à-vis de l'État, ces derniers ne sont pas atteints. De plus, la dynamique de déploiement des opérateurs ralentit dans ces zones.

Enfin, nos inquiétudes portent également sur les zones d'appel à manifestation d'engagement local (Amel), dans lesquelles les opérateurs ont également pris des engagements de déploiement, sur le modèle des zones Amii. À ce jour, seulement un tiers des locaux à rendre raccordables en zone Amel l'a été et le respect des échéances prévues dans chacun des cas n'apparaît pas assuré, loin de là.

Nous considérons, dans ces conditions, que l'Autorité de régulation (Arcep) doit impérativement se saisir de son pouvoir de sanction, afin de contraindre les opérateurs à atteindre leurs objectifs en zones Amii et en zones Amel. Comme nous l'indiquions déjà l'année dernière, l'Arcep ne doit pas attendre d'être saisie par les collectivités elles-mêmes pour agir. Celles-ci ne sont pas vraiment en position de force vis-à-vis des opérateurs pour lancer une procédure de sanction de la part de l'Arcep.

Par ailleurs, alors que les réseaux sont aujourd'hui en phase de déploiement, il nous apparaît nécessaire d'anticiper les coûts liés à l'entretien des réseaux, ainsi qu'à la réalisation des raccordements complexes.

Le financement de ces raccordements complexes doit permettre de sécuriser l'éligibilité de tous nos concitoyens à la fibre. C'est l'alerte que nous avions lancée l'année dernière. Le Gouvernement a annoncé en fin d'année dernière la mobilisation de 150 millions d'euros de crédits pour financer ces raccordements complexes, dont 89 millions d'euros en 2022. La seconde tranche de ce plan est prévue dans le présent budget pour 2023, pour 61 millions d'euros. L'appel à projets correspondant a été lancé en avril 2022.

Si nous nous satisfaisons de l'ouverture de crédits d'un montant identique à ce que nous avions proposé par amendement l'année dernière, nous serons vigilants quant aux résultats obtenus et sur le fait de savoir si ce montant sera suffisant.

Nous souhaitons également aborder un troisième sujet, que nous connaissons bien au Sénat : le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac). Alors que les difficultés touchent de plein fouet l'économie de nos territoires, l'artisanat et le commerce, nous proposons un amendement n° 1 visant à rétablir, au sein de la mission, le Fisac, pour un montant de 30 millions d'euros.

Face à la situation actuelle, il me semble qu'il faut nettement distinguer ce qui relève des dispositifs d'urgence pour sauver les entreprises, notamment en matière énergétique, et les outils d'intervention qui permettent d'aider spécifiquement à la création, à la transmission, au maintien ou à la modernisation des entreprises et des commerces dans les territoires les plus fragiles.

Le Fisac doit permettre aux commerces des territoires d'être préservés et surtout de se moderniser en développant de nouveaux outils. Je pense notamment aux artisans qui pourraient renforcer leur recours aux dispositifs numériques.

Nous voudrions par ailleurs évoquer le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés ».

En 2023, les crédits de ce compte s'établissent à 275 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 495 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits financent notamment les prêts du fonds de développement économique et social (FDES), pour 75 millions d'euros en 2023, auxquels s'ajouteront des reports de crédits.

Sur ce sujet du FDES, nous souhaiterions d'ailleurs que les conséquences de la prolongation de l'encadrement temporaire des aides d'État pour 2023, résultant de la décision de la Commission européenne du 28 octobre 2022, soient tirées, s'agissant du dispositif des prêts bonifiés. En effet, la décision de la Commission européenne ouvre la porte à la prolongation en 2023 du dispositif des prêts bonifiés au bénéfice des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) touchées par les conséquences économiques de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. En l'état, le projet annuel de performance du programme 877 correspondant ne prévoit pas la prolongation du dispositif, alors que des crédits non consommés demeurent. Ils étaient de 158 millions d'euros à l'été 2022, sur les 500 millions d'euros de dotation initiale. Nous encourageons donc le Gouvernement à prolonger l'application de ces prêts bonifiés en 2023 en utilisant les crédits non consommés en 2022, sans qu'il n'y ait besoin d'adopter un amendement.

M. Thierry Cozic , rapporteur spécial . - En effet, nous voudrions également vous faire part de notre proposition de prolonger, par un amendement n° 2, les prêts participatifs au profit des petites entreprises. Ce dispositif, financé par le FDES et donc par le compte de concours financiers, avait été mis en place à l'initiative du Sénat lors de la crise sanitaire ; il a été prolongé plusieurs fois, notamment à notre initiative et à celle du rapporteur général.

Le prêt participatif est un moyen de financement intermédiaire entre le prêt à long terme et la prise de participation. Ce dispositif offre des possibilités de prêts aux entreprises de moins de 50 salariés qui rencontrent des difficultés de financement, qui n'ont pas obtenu un prêt garanti par l'État à hauteur d'un montant suffisant pour financer leur exploitation et enfin, qui justifient de perspectives réelles de redressement.

La loi borne aujourd'hui ces prêts à la fin de l'année 2022. Or ils restent utiles dans un contexte d'accès au crédit pouvant rester très contraint pour les petites entreprises. En 2021, environ 19 millions d'euros ont ainsi été octroyés au titre de ces prêts participatifs selon les documents budgétaires.

Notre amendement n° 2 propose donc de prolonger le dispositif jusqu'au 31 décembre 2023. Cette prolongation pourra être financée par les crédits dont il est déjà prévu l'ouverture au profit du FDES pour l'année 2023.

Pour finir sur le sujet du compte de concours financiers, nous soulignons la nécessité de le dépoussiérer en amorçant la suppression des programmes dont l'existence n'apparaît plus justifiée.

Le programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran » en est un parfait exemple. Ce programme a été créé par la loi de finances pour 2018 dans le but de permettre à l'État d'accorder des prêts à Bpifrance pour financer le dispositif que cet établissement était en train de mettre en place pour soutenir les entreprises françaises souhaitant exporter leurs produits en Iran. Toutefois, l'entrée en vigueur de sanctions économiques américaines contre l'Iran à compter du mois de novembre 2018 a conduit Bpifrance à suspendre le projet, son directeur général estimant que les conditions n'étaient plus réunies pour le mettre en oeuvre. En conséquence, le programme 868 n'a jamais connu de consommation de crédits depuis sa création.

Nous vous proposons donc, par un amendement n° 3, de supprimer ce programme. En outre, j'invite le Gouvernement à enclencher la suppression du programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État », dont l'utilisation est presque nulle : 50 000 euros sont ouverts annuellement depuis 2019, ce qui est trop faible pour justifier son maintien. À défaut, j'estime qu'il reviendra au Parlement d'être à l'initiative de sa suppression au profit d'autres instruments budgétaires plus proportionnés.

Enfin, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement rehaussant de 4 milliards d'euros les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Cette hausse vise à financer une partie des deux dispositifs d'aides aux entreprises en matière énergétique pour 2023, confirmés par le Gouvernement le 27 octobre dernier, pour un coût total de 7 milliards d'euros.

S'agissant des factures d'électricité, un guichet d'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz a été ouvert à l'été 2022. En 2023, ce guichet sera maintenu pour les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises. Les très petites entreprises (TPE) et les PME se verront quant à elles appliquer, comme les collectivités, un nouveau dispositif d'« amortisseur électricité ». Celui-ci se matérialisera par une aide forfaitaire sur 25 % de la consommation, permettant de compenser l'écart entre le prix plancher de 325 euros par mégawattheure et un prix plafond de 800 euros par mégawattheure.

S'agissant des factures de gaz, le guichet d'aide ouvert à l'été 2022 restera ouvert pour 2023 pour l'ensemble des types d'entreprises.

Dans ce contexte, une hausse de 3 milliards d'euros des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » vise à financer la mise en place de « l'amortisseur électricité ».

La hausse des crédits de la mission « Économie » de 4 milliards d'euros vise, quant à elle, à financer le guichet d'aides pour le paiement des factures d'électricité et de gaz des entreprises. Selon les informations disponibles, cette somme s'ajoute aux 3 milliards d'euros dont était déjà doté le guichet en 2022. Les rapporteurs spéciaux, qui sont favorables à ces aides, ne peuvent toutefois que constater qu'au 4 novembre de cette année, sur les 6 milliards d'euros ouverts sur le programme 134 en 2022, seul 1,44 milliard d'euros a été consommé, soit moins d'un quart. Le projet de loi de finances rectificative pour 2022, que nous allons prochainement examiner, prévoit d'ailleurs l'annulation de 245 millions d'euros en crédits de paiement.

Ces éléments laissent transparaître un enjeu quant au rythme de décaissement des aides, probablement du fait de critères d'éligibilité trop stricts ou complexes par rapport à l'ambition financière du dispositif. De nouveaux critères d'éligibilité simplifiés devraient être prochainement publiés selon le Gouvernement. C'est un enjeu fort pour l'effectivité des aides annoncées.

En conclusion, nous sommes favorables à l'adoption des crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de l'amendement n° 1 relatif au rétablissement du Fisac.

Nous serons également favorables à l'adoption de l'article 43 rattaché, sans modification.

Par ailleurs, nous vous proposerons un amendement n° 2 portant article additionnel après l'article 43, afin de permettre la prolongation en 2023 des prêts participatifs pour les petites entreprises.

Enfin, nous sommes favorables à l'adoption des crédits du compte de concours financiers, sous réserve de l'adoption de l'amendement n° 3 supprimant le programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran ».

M. Serge Babary , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de la mission « Économie » . - La commission des affaires économiques n'a pas encore examiné officiellement, pour avis, les crédits de cette mission, mais je vais tenter de vous livrer en quelques mots le sentiment général qui se dégage du travail déjà réalisé au sujet des crédits concernant le commerce et la consommation, et notamment des auditions conduites jusqu'à présent. Je note tout d'abord que la stabilité apparente des crédits de cette mission masque en réalité, dans le détail, une augmentation forte liée à la compensation carbone et à la rebudgétisation de prestations réalisées par la Banque postale, et une diminution forte liée à l'absence d'abondement du programme 367 qui permet d'alimenter le compte de l'État actionnaire.

En tout état de cause, le commerce et l'artisanat continuent d'être les parents pauvres de cette mission : il n'y a quasiment plus aucun crédit à ce sujet, le Gouvernement ayant fait le choix de s'en remettre essentiellement à 1'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour développer l'activité commerciale dans nos territoires. J'ai donc fait le choix de me pencher plus particulièrement sur l'inadéquation entre les missions et les effectifs de la DGCCRF, et sur le mouvement consumériste.

Rarement une administration n'aura vu, en quelques années, ses missions et ses outils se développer à un tel rythme. Les lois relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets étendent le champ de son contrôle : allégations environnementales à vérifier, garanties sur les biens et services numériques, contrôle des prix de référence en cas de promotion, encadrement du démarchage téléphonique, contrôle des relations commerciales et de l'application de pénalités logistiques sont autant de nouvelles tâches qu'elle doit réaliser. On aurait donc pu imaginer qu'en parallèle, le Gouvernement lui octroierait les moyens nécessaires pour absorber une telle hausse de sa charge de travail.

Or, ainsi que l'a montré le contrôle budgétaire des rapporteurs spéciaux en septembre, ainsi qu'un rapport de la commission des affaires économiques publié au mois de juin et qui concernait alors le sujet spécifique de l'information aux consommateurs, les effectifs ont fondu en dix ans. Il existe un vrai effet ciseaux dont les victimes principales, au-delà des agents de la DGCCRF, sont les consommateurs et les PME.

Pour la première fois, en 2023, il semblerait que l'hémorragie cesse ; mais les 50 équivalents temps plein (ETP) prévus ne sont que l'épaisseur du trait, eu égard à l'ampleur de la réduction d'effectifs en une décennie, et ils seront bien insuffisants pour absorber toutes ces nouvelles missions. Certes, le transfert de la police sanitaire des aliments vers le ministère de l'agriculture va permettre de redéployer certains effectifs vers ces missions, mais là aussi le diable se cache dans les détails.

Puisque 60 emplois sont transférés, mais que seule une vingtaine d'agents se portent volontaires, une quarantaine de personnes se retrouveront au-dessus du plafond d'emplois en 2023. Autrement dit, afin de respecter ce plafond, il y a tout à craindre que la DGCCRF soit contrainte de baisser le nombre de places ouvertes à son concours de septembre 2023, alors que 150 départs en retraite sont attendus.

Il nous paraît donc nécessaire, pour ne pas dire d'une impérieuse urgence, d'augmenter les moyens de la DGCCRF en la matière ! C'est le sens d'un amendement que je présenterai à mes collègues de la commission des affaires économiques, et dont l'adoption conditionnera la validation, pour nous, de ces crédits.

Par ailleurs, j'ai souhaité examiner les subventions publiques réparties par l'État entre les associations de défense des consommateurs. Ces dernières sont au nombre de 15, ce qui morcelle souvent inutilement le mouvement consumériste. En tout état de cause, il sera nécessaire de redéfinir et clarifier les critères à l'aune desquels sont réparties ces subventions, et de porter une attention particulière à la situation de l'Institut national de la consommation, qui est aujourd'hui déficitaire en raison de la baisse des ventes en kiosque de son magazine 60 millions de consommateurs .

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je salue la qualité du rapport présenté par nos deux rapporteurs spéciaux et souscris aux propos qu'ils ont tenus sur les effectifs de la DGCCRF, car je considère que nous devons éviter d'émettre des demandes contradictoires. J'ai entendu également les propos de notre rapporteur pour avis qui a décrit toutes les nouvelles missions qui incombent aux services de la DGCCRF, mais je pense que la réorganisation entreprise constitue déjà un début de réponse aux problèmes pointés par le précédent rapport. Toutefois nous devons rester vigilants car les chiffres peuvent masquer certains déséquilibres.

S'agissant des amendements, je ne suis pas favorable à la restauration du Fisac dans ces conditions, car il existe des dispositifs existants, comme les contrats de ruralité portés par l'ANCT, ou encore le programme « Petites villes de demain », qui peuvent concourir à la vitalité économique et de commerce dans les territoires.

À l'inverse, je suis favorable à l'amendement portant article additionnel après l'article 43 qui correspond à un dispositif que la commission des finances a porté, dans la droite ligne de sa philosophie.

Enfin, j'opterai pour une attitude d'abstention vis-à-vis de la suppression du programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran », car je considère que ce sujet mérite une expression publique des ministres. Il en va même, pour les programmes qui connaissent une très faible consommation des crédits, comme le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État ».

M. Michel Canévet . - Je partage l'avis du rapporteur général sur la question du Fisac aujourd'hui : il n'est pas pertinent de le rétablir. L'action en direction des commerçants et des artisans doit relever davantage d'une action régionale en lien avec les EPCI que nationale.

S'agissant de la DGCCRF, je m'interroge sur la répartition des effectifs. Je me réjouis que les recommandations de nos rapporteurs aient été suivies d'effets. Le transfert de 60 ETPT vers la direction générale de l'alimentation (DGAL) correspond finalement à moins d'un ETPT par département, ce qui paraît très faible. Quelles en seront les modalités ?

J'ai également noté qu'une partie des postes créés était justifiée par la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques à Paris : ces jeux nécessitent-ils qu'il y ait de la part DGCCRF des moyens supplémentaires ?

Enfin, si le remplacement des agences de La Poste par des agences postales ne pose pas de problème de principe, la compensation financière versée aux collectivités gérant ces agences postales n'est pas à la hauteur du coût des dépenses engendrées. Peut-on envisager d'augmenter ces compensations ?

M. Rémi Féraud . - Je souhaite avoir l'avis des rapporteurs sur le transfert de la compétence « tourisme » de la mission « Action extérieure de l'État » vers la mission « Économie ». De plus, savent-ils pourquoi le plan « Destination France », doté de plus de 5 millions d'euros, est resté attaché la mission « Action extérieure de l'État » ? S'agit-il d'une ambition plus forte pour le tourisme de la part du Gouvernement ou au contraire d'une volonté de réduire les crédits ?

Mme Isabelle Briquet . - Les rapporteurs connaissent-ils la date d'achèvement envisagée du plan France Très haut débit et du déploiement de la fibre ? Les objectifs sont aujourd'hui loin d'être atteints, en zones Amii comme Amel.

M. Patrice Joly . - S'agissant de l'accessibilité bancaire, je souhaite évoquer également l'accessibilité au numéraire, au regard de la disparition progressive des distributeurs automatiques de billets (DAB). En effet, ne faudrait-il pas reconnaître l'existence d'un service répondant à une mission particulière d'intérêt général pour garantir le maillage du territoire en DAB ? Des transporteurs de fonds prennent le relais des banques, mais en faisant payer très cher aux collectivités l'installation et l'entretien.

Deuxièmement, les rapporteurs ont-ils des informations sur les contentieux engagés par l'État et les collectivités locales dans le cadre du déploiement de la fibre ?

Enfin, je déplore que le Fisac ait été supprimé. Ce dispositif était particulièrement utile au niveau local. De même, comment certains départements pourraient-ils ne pas se sentir abandonnés lorsqu'ils ne comptent plus qu'une poignée d'agents de la DGCCRF et de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ?

M. Christian Bilhac . - Les écarts entre les besoins des territoires et les crédits accordés sont énormes. S'agissant de La Poste, l'Arcep estimait que l'accomplissement de sa mission de service public d'aménagement du territoire coûtait entre 230 et 240 millions d'euros. Or l'État ne lui accorde que 74 millions d'euros. On est loin du compte ! De même pour la presse, avec 40 millions d'euros accordés contre 500 millions d'euros de besoins chiffrés. Les maires se plaignent de La Poste, mais celle-ci n'a peut-être pas les moyens d'assurer ses missions.

M. Marc Laménie . - Je souhaite connaître l'avis des rapporteurs sur l'évolution de la participation financière de l'État au groupe La Poste. Je partage leur constat : on compte de moins de moins d'agents de l'État sur le terrain pour accompagner les entreprises. Il en est de même pour les chambres consulaires qui voient leurs effectifs et leurs ressources décliner. Par ailleurs, quelles sont vos analyses sur l'évolution du nombre d'intervenants en matière de financement sur le sujet du très haut débit ?

M. Vincent Segouin . - Au vu de la dégradation du service de La Poste, je souhaiterais savoir si la dotation d'équilibre versée pour service rendu que celle-ci perçoit est bien justifiée si l'on pense à la nullité du service, qui ne cesse de se dégrader !

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale . - S'agissant du Fisac, je souhaite éclaircir un point à la suite de l'intervention du rapporteur général. Premièrement le dispositif « Petites villes de demain » ne répond pas suffisamment spécifiquement, loin de là, aux besoins d'aide du commerce et de l'artisanat ; il en va de même pour les contrats de ruralité. Le secteur du commerce et de l'artisanat sera aussi touché par la suppression des exonérations d'impôt dans les ZRR annoncée pour le 31 décembre 2023. Le Fisac était ainsi le seul à pouvoir réellement financer un certain nombre d'actions territoriales : aider le dernier commerce ou café de la commune à se maintenir, faciliter la transmission d'un local commercial ou d'un hôtel, soutenir la mise aux normes des stations-services dans les zones rurales, etc. Aucun dispositif régional ou national ne le relaye, et avec la fin des avantages fiscaux des ZRR, on s'apprête à dégrader encore la situation pour les commerces et l'artisanat dans les zones rurales.

En ce qui concerne la compensation par La Poste des collectivités, il faut savoir que les investissements des collectivités pour maintenir une agence postale ne sont pas compensés à leur juste hauteur. Elles ne pourront bientôt plus assurer ce service de proximité. Mais la situation est complexe, car la Poste fait face à la concurrence d'Amazon pour la distribution de colis. L'entreprise doit assurer des fonctions de service public de plus en plus étendues et le service se dégrade. Elle est victime de critiques, mais le bureau de poste est souvent le dernier service qui reste. Les DAB ferment. Le service proposé par les transporteurs de fonds est onéreux, les communes n'ont pas toujours les moyens de le financer. Finalement, les populations rurales se sentent de plus en plus isolées.

M. Thierry Cozic , rapporteur spécial . - S'agissant de la DGCCRF, je ne serais pas favorable à une forte hausse des effectifs pour 2023. En effet, nous avons souhaité fixer, dans notre rapport, un objectif d'effectif socle par département, que nous avons chiffré à sept ; nous souhaitons que la hausse se fasse progressivement. L'objectif étant également de ménager une respiration salvatrice pour cette administration, qui a connu de nombreuses réformes ces dernières années, et de préserver le sens du travail pour les agents. La ministre compétente a d'ailleurs exprimé son intérêt s'agissant des conclusions du rapport.

Pour répondre à la question sur le transfert de la police sanitaire des aliments vers le ministère de l'agriculture, le transfert prévu concerne 60 ETP de la DGCCRF vers la DGAL, tandis que 90 postes supplémentaires seront créés dans cette dernière direction générale, pour un total de 150 ETP. Le problème est que ce type de transfert ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut aussi noter que la sécurité alimentaire ne représente qu'une petite partie des missions de la DGCCRF et qu'elle n'occupe à temps plein des agents que dans un nombre très limité de cas.

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale . - Enfin, s'agissant de la DGCCRF, 84 ETP doivent être créés pour répondre aux nouvelles missions concernant les Jeux Olympiques et Paralympiques et le handicap.

Nous n'avons pas de réponse précise à apporter à la question du transfert de la compétence « tourisme » de la mission « Action extérieure de l'État » vers la mission « Économie », en dehors d'une volonté claire de Bercy de récupérer cette compétence, qui faisait l'objet d'une cotutelle avec le ministère des affaires étrangères depuis l'époque où Laurent Fabius était ministre des affaires étrangères ; mais le programme « Destination France » est resté attaché au ministère des affaires étrangères en raison de sa nature internationale.

Enfin, s'agissant du Plan Très haut débit, il existe effectivement un problème d'atteinte des objectifs : les cartes de l'Arcep sont d'ailleurs parfois trompeuses, car il suffit dans certains cas qu'une seule maison soit couverte pour que tout le bourg soit considéré comme l'étant aussi... Il existe aussi un problème d'entretien des réseaux de plus en plus prégnant, à mesure qu'il se développe.

Par ailleurs, face aux retards constatés, les collectivités ont pendant longtemps eu peur de saisir l'Arcep en raison des chantages menés par les opérateurs, mais cette situation devrait changer. Enfin, je ne peux que souscrire aux propos de M. Bilhac sur la sous-compensation des missions d'aménagement du territoire.

Article 27 (État B)

M. Claude Raynal , président . - L'amendement n o 1 vise à rétablir les crédits du Fisac à hauteur de 30 millions d'euros.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Économie ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 43

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 43.

Après l'article 43

L'amendement n° 2 est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de son article additionnel après l'article 43.

Article 29 (État D)

M. Claude Raynal , président . - Nous passons au vote sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Thierry Cozic , rapporteur spécial. - Le programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran » a été créé par la loi de finances pour 2018 au sein du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », mais ce compte n'a jamais servi, comme nous l'a confirmé Bpifrance. Le but de l'amendement est donc de le supprimer pour dépoussiérer le compte de concours financier et d'inciter au passage le Gouvernement à rationaliser à l'avenir l'utilisation de l'ensemble de ses programmes.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je m'abstiens.

L'amendement n° 3 est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », ainsi modifiés.

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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses votes.

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