II. UNE MODERNISATION À POURSUIVRE, DES ENJEUX DE RESSOURCES HUMAINES RÉAFFIRMÉS ET UNE DETTE CONSIDÉRABLE QUI DEVRAIT COMMENCER SON LENT REFLUX

A. ALORS QUE LA DGAC S'APPRÊTE À RELANCER LES NÉGOCIATIONS D'UN NOUVEAU PROTOCOLE SOCIAL, ELLE DOIT DÉJÀ ANTICIPER UN MUR DE DÉPARTS À LA RETRAITE DE CONTRÔLEURS

1. Une trajectoire pluriannuelle anticipée des effectifs pour répondre à l'enjeu du mur de départs à la retraite des ICNA

En 2022 , du fait de la baisse de trafic due à la crise, le schéma d'emplois de la DGAC avait été fixé à - 72 ETP en raison d'une réduction des recrutements d'ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) qui s'est manifestée par la passage de quatre promotions en 2020, à deux en 2021 puis à l'équivalent d'une seule en 2022.

Le total des flux prévus au 31 décembre 2022 devrait s'élever à 362 ETP en entrées et 434 ETP en sorties. Les corps techniques, et les ICNA en premier lieu (avec - 57 ETP), ont été les effectifs les plus affectés par le schéma d'emploi négatif de l'année 2022. La synthèse des mouvements d'effectifs prévisionnels pour 2022 est décrite dans le tableau ci-après.

Mouvements prévisionnels d'effectifs en 2022

(en ETP)

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

En 2022, la DGAC a engagé une réorganisation de ses fonctions supports fondée sur une logique de mutualisation et devant générer des gains de productivité. En 2022 c'est la catégorie des ouvriers qui a été la plus concernée par les effets de cette réorganisation.

Pour 2023 , le projet de loi de finances prévoit un plafond d'emploi de la DGAC 35 ( * ) de 10 421 ETPT , en baisse de 30 ETPT par rapport à 2022 pour un schéma d'emplois nul en ETP . La baisse du plafond d'emploi constatée en 2023 s'explique par l'extension en année pleine de l'application du schéma d'emploi 2022.

Les emplois rémunérés de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) sont fixés à 931 ETPT dont 791 sous plafond, contre 795 en 2021, et 140 hors plafond. Comme en 2022, le schéma d'emplois de l'ENAC est négatif de 4 ETP en 2022.

Détail du schéma d'emplois 2023 de la DGAC

Départ

Arrivées

Schéma d'emploi

Administratifs/cadres

87

92

+5

ICNA

85

92

+7

IESSA-TSEAC

125

122

-3

Ouvriers

21

12

-9

Total

318

318

0

Source : réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Ce retour à une logique de stabilisation des effectifs répond à la reprise du trafic aérien et au besoin de recruter de nouveaux ICNA (+ 7 ETP attendus en 2023). Ainsi, trois nouvelles promotions d'ICNA doivent-elles être recrutées en 2023. Dans la mesure où la formation des contrôleurs aériens s'étale sur cinq années , il est indispensable d'anticiper les besoins et les recrutements pour ne pas se retrouver en situation de manque de capacités.

Dans son rapport précité de 2018, le rapporteur spécial avait notamment mis en exergue cet enjeu et les répercussions particulièrement dommageables sur les retards du déficit de capacité de la DSNA . Or, les projections laissent présager de nombreux départs à la retraite à la fin de la décennie 2030. Aussi, pour disposer des capacités suffisantes afin de parvenir à faire passer le trafic aérien à cet horizon, la DGAC a-t-elle pu négocier avec la direction du budget une trajectoire pluriannuelle d'évolution de ses effectifs compatible avec cet enjeu. Le nombre de nouvelles promotions d'ICNA a ainsi vocation à progresser de trois à cinq par an afin de répondre à cet enjeu. Cette trajectoire prévisionnelle aura vocation à être ajustée en fonction notamment de l'affinement des prévisions de trafic. Considérant que l'anticipation en la matière est absolument incontournable, le rapporteur spécial se félicite qu'un tel programme de moyen - long terme ait pu être défini .

La poursuite de la réorganisation des fonctions supports devrait quant à elle se traduire par une nouvelle baisse des effectifs de la catégorie des ouvriers (- 9 ETP attendus).

2. Contrairement aux précédents, le nouveau protocole social ne devra pas aboutir à un accord « donnant - perdant »

En 2023, la masse salariale de la DGAC, le principal poste de dépenses du budget annexe, devrait progresser de 57 millions d'euros et 6,1 % par rapport à 2022 et s'établir à 988 millions d'euros .

Les dépenses de personnel représentent au total, une fois incluses les cotisations sociales employeurs, les prestations sociales et l'action sociale, un montant de 1 282 millions d'euros, en hausse de 68 millions d'euros et 5,6 % par rapport à 2022. Cette augmentation s'explique principalement par la revalorisation du point d'indice, les mesures catégorielles décidées suite au mouvement de grève des contrôleurs aériens du mois de septembre 2022 ainsi que par les sommes provisionnées pour financer le futur protocole social.

Au cours des dernières années, le rapporteur spécial s'est penché sur l'application par la DGAC du protocole social 2016-2019 signé le 19 juillet 2016 36 ( * ) . La vocation d'origine de ces protocoles repose sur une logique de « donnant - donnant ». Ainsi, l'un des principaux objets de cet accord était de permettre une plus grande flexibilité des horaires des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) pour une meilleure adaptation des tours de services à un trafic de plus en plus concentré sur les périodes de pointe . Cette exigence de flexibilité prend aujourd'hui plus d'acuité encore en raison des évolutions du trafic constatées en sortie de crise. Ce trafic se trouve être beaucoup plus fluctuant avec une accentuation des creux et des pointes , exigeant une agilité accrue des capacités de contrôle aérien.

En contrepartie des efforts demandés au personnel, des mesures catégorielles avaient été prévues pour un montant prévisionnel de 55 millions d'euros. Sur cette enveloppe, 15 millions d'euros devaient être consacrés aux expérimentations de nouvelles organisations du temps de travail des contrôleurs aériens.

Coût du protocole social 2016-2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

D'après les éléments transmis par la DGAC au rapporteur spécial, le coût global du protocole 2016-2019 s'est finalement établi à 47,5 millions d'euros, une somme qui reste très significativement supérieure au coût de 27,4 millions d'euros correspondant aux mesures sociales du précédent protocole prévu sur la période 2013-2015.

Les conséquences de la crise sanitaire sur le trafic aérien avaient conduit la DGAC à suspendre les négociations du nouveau protocole social, initialement prévu sur la période 2020-2024 . Au début de l'année 2023, la DGAC a prévu de relancer les négociations avec les partenaires sociaux pour définir le cadre d'un nouveau protocole social .

Le rapporteur spécial suivra avec attention le résultat de ces négociations . Au regard du coût du dernier protocole social et de ses résultats modestes en matière de performance, le rapporteur spécial ne manque pas de s'interroger sur l'efficacité de ce type de contractualisation. Selon lui, la logique initiale de « gagnant - gagnant » a été largement dévoyée et le résultat effectif a bien plus des airs de « gagnant - perdant » au détriment de la performance du contrôle aérien et in fine , de la compétitivité du transport aérien qui finance les services de la navigation aérienne. Le futur protocole doit cette fois se traduire par de véritables gains de productivité qui permettent de rendre plus efficientes les prestations délivrées par la DSNA.

Le 17 septembre 2021, la Cour des comptes avait publié un rapport 37 ( * ) particulièrement critique concernant la pratique des protocoles sociaux de la DGAC . Elle recommandait notamment de « redéfinir le contenu des protocoles sociaux afin qu'ils ne se soldent pas par l'octroi continu d'avantages catégoriels supplémentaires » . Le rapporteur spécial partage largement ce point de vue .


* 35 Plus de 70 % des agents de la DGAC appartiennent à la filière technique et opérationnelle : ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne (IESSA) et techniciens des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC). La DGAC comprend également, entre autres, des adjoints d'administration, des ouvriers d'État ou bien encore des ingénieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (IEEAC).

* 36 Ce protocole avait été signé par quatre organisations syndicales représentatives (UNSA-DD, SNCTA, SPAC-CFDT et FEETS-FO) représentant 72 % des personnels de la DGAC.

* 37 Consacré à « la politique RH de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ».

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