BUDGET ANNEXE
« CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS »

La direction générale de l'aviation civile (DGAC) , administration centrale de l'État, joue un triple rôle de prestataire de service , de prescripteur de règles et de régulateur du transport aérien en France :

- elle assure les services de la circulation aérienne auprès des compagnies aériennes, au moyen de ses centres de contrôle en route et de ses tours de contrôle ;

- elle veille au maintien de la sécurité et de la sûreté du transport aérien en assurant la surveillance des industriels, des opérateurs et des personnels navigants ;

- elle est le régulateur économique et social du secteur aérien (compagnies aériennes, industries aéronautiques et aéroports sous réserve des missions exercées par l'autorité de régulation des transports) ;

- elle lutte contre les nuisances , en particulier sonores et atmosphériques , générées par le transport aérien ;

- elle élabore et défend les positions de la France dans les instances internationales qui traitent de l'aviation civile ;

- elle favorise le développement de l'aviation légère.

C'est la mission « Contrôle et exploitation aériens » qui retrace, dans le cadre du présent budget annexe, dit « BACEA », les activités de production de biens et de prestation de services de la DGAC .

I. DANS LE SILLAGE DE LA REPRISE DU TRAFIC AÉRIEN, LES RECETTES DU BUDGET ANNEXE DEVRAIENT SE REDRESSER

Les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) dépendent du trafic aérien au départ et à l'arrivée des aéroports français mais également du trafic qui survole notre territoire. L'équilibre du budget annexe a ainsi été sérieusement ébranlé par la crise sans précédent traversée par le transport aérien à partir de 2020. Alors que la mobilité aérienne est en passe de revenir à des niveaux proches de ce qu'elle était en 2019, à la faveur d'une hausse sensible de ses recettes, le BACEA anticipe l'amorce d'une trajectoire de désendettement en 2023 .

A. APRÈS DES ANNÉES DE MISE À L'ÉPREUVE, LE SECTEUR AÉRIEN APPERÇOIT ENFIN LA SORTIE DU TUNNEL

1. En 2022, puis en 2023, le trafic aérien devrait se rapprocher de ses niveaux de 2019
a) En 2021, le trafic aérien restait très affecté par la crise

Après une décennie de croissance rapide, le transport aérien a subi, à partir de 2020, la pire crise de son histoire. Avec une baisse de 69,7 % en passagers kilomètres transportés (PKT), l'année 2020 a été la pire année de du transport aérien en Europe.

Évolution du trafic aérien (2010-2020)

(en passager kilomètres transportés ou PKT)

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial d'après les données de l'organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et de l'association du transport aérien international (IATA)

Après une chute inédite en 2020, le trafic aérien européen en 2021 est resté inférieur de plus de 60 % à son niveau de 2019.

Évolution du trafic aérien par rapport au même mois en 2019
(février 2020 - juin 2022)

(en PKT)

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

En France, après une diminution de 70 % en 2020, le trafic aérien en 2021 est demeuré inférieur de 61 % à son niveau de 2019, les vols domestiques ayant nettement mieux résisté (- 41 %) que les vols internationaux.

Comparaison des données de trafic et de taux de remplissage en France
entre l'année de référence 2019 et les années 2020 et 2021

Part du trafic 2019

Trafic 2020/2019

Trafic 2021/2019

Taux remplissage 2019

Taux remplissage 2021

Total

30%

39%

82%

67%

Domestique

18,1%

45%

59%

80%

71%

Europe

54,1%

27%

37%

81%

68%

Afrique

11,2%

32%

41%

80%

66%

Amérique

9,1%

22%

28%

88%

61%

Asie

7,5%

23%

19%

83%

52%

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

b) Une nette reprise en 2022 et un retour au niveau de trafic de 2019 escompté d'ici 2024

En 2022, le secteur aérien amorce une véritable tendance vers un retour à la normale , sans atteindre encore néanmoins les niveaux atteints de 2019. En Europe, en juin 2022, le trafic, perturbé par le variant omicron en début d'année, avait atteint 79 % de son niveau de 2019.

Cependant, cette forte reprise du trafic s'est accompagnée de sérieux problèmes d'organisation, les gestionnaires d'aéroport, les assistants, les compagnies aériennes étant notamment confrontés à des difficultés de recrutement sur l'ensemble de la chaîne. Cette situation s'est traduite par de nombreux retards et annulations de vols. Si la France n'a pas échappé complètement à ce phénomène elle a néanmoins été nettement moins touchée que ses voisins européens.

Au premier semestre 2022 le trafic de passagers au départ de la France a augmenté de 190 % par rapport à celui de 2021, soit une augmentation de plus de 31 millions de passagers.

En France, pour l'année 2022 , après un été très soutenu, la DGAC maintient une prévision de trafic à 80 % de son niveau de 2019 . En cohérence avec le scénario médian des prévisions d'Eurocontrol, elle estime qu' en 2023 le trafic pourrait atteindre 95 % du niveau de 2019, le retour à la situation d'avant crise n'intervenant qu'en 2024.

Hypothèses d'évolution du trafic aérien réalisées en juin 2022 par Eurocontrol selon trois scénarios (haut, bas et médian)

(en millions de vols et % du trafic 2019)

Source : site internet d'Eurocontrol

Alors que dans un contexte de réduction drastique du trafic et de plus forte résilience des vols domestiques le pavillon français avait vu ses parts de marchés progresser fortement en 2021, celles-ci reviennent en 2022 à des pourcentages plus proches de leurs niveaux antérieurs. Ainsi, au cours du premier semestre 2022, la part du pavillon français en termes de passagers transportés diminue-t-elle de 15,8 points pour s'établir 42,4 %. Même constat s'agissant des PKT, où la part du pavillon français représente 57,3 %, en baisse de 11 points.

A long terme, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) anticipe désormais une croissance annuelle du trafic de 3,6 % par an en moyenne entre d'ici 2050 14 ( * ) , dont 3 % pour l'Europe.

2. Si sa situation s'améliore, le pavillon français est désormais exposé à la crise des prix de l'énergie

Le cumul des résultats nets des 17 compagnies françaises exploitant des appareils de plus de 20 places en 2021 fait apparaître une perte de 1,9 milliard d'euros (dont 1,7 milliard d'euros pour Air France) contre 5,5 milliards d'euros en 2020.

Encore convalescentes et pas tout à fait sortie des répercussions de la pandémie de Covid 19, les compagnies, comme de nombreux autres secteurs, se trouvent désormais confrontées aux conséquences de la crise des prix de l'énergie et de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Les prix des billets d'avion ont connu une hausse sensible en 2022. Selon l'indice des prix du transport aérien de passager 15 ( * ) , en septembre 2022, en glissement annuel, l'évolution des prix des billets d'avion au départ de la France atteignait 20,4 %. Si les grandes compagnies avaient des politiques de couverture leur permettant d'être moins exposées aux variations des prix de l'énergie à court terme, toutes ne disposaient pas de telles politiques et une crise des prix prolongée finirait par se diffuser au sein de l'ensemble de la filière.

S'agissant du groupe Air-France, l'État actionnaire était intervenu dès 2020 pour lui octroyer des avances en compte courant d'actionnaire à hauteur de 3 milliards d'euros ainsi que des garanties de prêts (à 90 %) pour 4 milliards d'euros, un soutien assorti de contreparties en matières environnementale et de compétitivité.

En raison des difficultés du groupe, en avril 2021, l'État a participé, à hauteur de 593 millions d'euros, à une augmentation de capital de 1,036 milliard d'euros et a procédé à la conversion en quasi-fonds propres du prêt d'actionnaire accordé en 2020 (3 milliards d'euros).

En décembre 2021, Air France a ainsi pu rembourser 500 millions d'euros de son prêt de 4 milliards d'euros garanti par l'État.

En 2022, le groupe a poursuivi ses efforts pour renforcer sa trésorerie et ses capitaux propres en procédant, en juin, à une augmentation de capital de 2,256 milliards d'euros, dont 1,7 milliard d'euros a été consacré au remboursement de sa dette.

Les contreparties pour Air France en termes de compétitivité
et d'engagements environnementaux : l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan de transformation, de rebond et de transition écologique

Les soutiens publics en faveur d'Air France-KLM étaient conditionnés au respect de contreparties , en particulier s'agissant d'Air France.

Alors que la santé économique et financière de l'entreprise était fragile depuis de nombreuses années, sa direction s'est engagée à accélérer la mise en oeuvre du plan de transformation , destiné à améliorer la compétitivité du groupe, qu'elle avait annoncé au mois de novembre 2019.

Ce plan visait à doubler le bénéfice d'exploitation d'Air France-KLM d'ici à 2024 pour atteindre une marge opérationnelle de 7 % à 8 %, contre 4,8 % en 2019 (et 2,1 % seulement pour Air France).

Le volet social du programme de transformation n'était pas le moins profond. Le groupe a annoncé début juillet 2020 la suppression de 7 580 emplois d'ici fin 2022 pour Air France (16 % des effectifs) et sa filiale Hop ! (40 % des effectifs).

L'entreprise doit aussi réaliser d'importants efforts en matière environnementale , dans le but de réduire de 50 % les émissions de CO 2 de ses vols métropolitains à la fin de l'année 2024 .

Air-France s'est engagée à une restructuration complète de son réseau domestique d'ici 2023 . Aussi, avant que cette disposition soit adoptée dans le cadre de l'article 145 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, Air France s'était-elle engagée à réduire ses vols intérieurs dès lors qu'il existe une alternative ferroviaire de moins de deux heures et demie.

L'entreprise va également devoir accélérer le renouvellement de sa flotte au profit d'aéronefs moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Sur le long courrier, les Airbus A340 vont progressivement cesser d'être utilisés alors que vont être livrés des A350 qui consomment 25 % de carburant de moins. Sur le moyen-courrier, des Airbus A220 doivent remplacer des A318-319.

Enfin, la compagnie s'est vue fixer l'objectif d'une utilisation de 2 % de biocarburants à l'horizon 2025.

Source : commission des finances du Sénat

Dans le paysage de sortie de crise du transport aérien, les transporteurs à bas coût (TBC) ou « low-cost » , tirent indiscutablement leur épingle du jeu . D'après la note d'analyse d'août 2022 de la DGAC, en 2021 leur part de marché en France s'est élevée à 40 % du trafic soit 4 points de plus qu'en 2019 . Cette évolution s'explique par la plus grande agilité opérationnelle dont ont pu faire preuve ces compagnies pendant la crise mais aussi par leur plus faible exposition aux vols internationaux longs courriers qui ont été les plus affectés par les restrictions sanitaires et l'effondrement du trafic.

Sur le segment intérieur en métropole , le gain de parts de marchés des TBC est particulièrement significatif en 2021 puisqu'elles progressent de 14 points par rapport à 2019 pour s'élever à 42 % . Sur les vols internationaux, les TBC captent désormais plus de 50 % du trafic au départ de la France à destination du Portugal (73 %), de l'Espagne (69 %), de l'Italie (62 %) ou encore de la Grèce (53 %).

3. La transition écologique du transport aérien est soutenue par le plan de relance et le plan France 2030
a) Efficacement soutenue par les pouvoirs publics, l'industrie aéronautique est en phase de reprise accélérée

Au plus fort de la crise, les compagnies aériennes avaient dû décaler ou même annuler des prises de livraison d'appareils. Les commandes à l'industrie aéronautique en France s'étaient ainsi effondrées de 55 % à 28,2 milliards d'euros en 2020. Pour tenir compte de ces diminutions de commandes, les cadences de production des avionneurs avaient alors été drastiquement réduites .

Au-delà des grands donneurs d'ordre que sont Airbus, Safran ou Dassault, la France est le seul pays au monde avec les États-Unis à disposer d'une industrie complète de constructeurs et d'équipementiers, maîtrisant l'ensemble des compétences nécessaires à la conception et la construction d'un aéronef. Le risque était grand que l'intégrité de la supply chain soit menacée par la crise du transport aérien. Plusieurs dizaines de milliers d'emplois étaient menacés dans un secteur hautement stratégique et pourvoyeur d'excédent commercial pour le France.

Dans son rapport d'information sur le soutien public à la filière aéronautique publié en février 2022 à l'occasion de la présentation par la Cour des comptes d'une enquête commandée par la commission des finances du Sénat en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances 16 ( * ) , le rapporteur spécial a dressé un bilan des concours exceptionnels apportés par les autorités publiques au secteur aéronautique pour l'aider à faire face à ce choc inédit.

Pour éviter une catastrophe, les pouvoirs publics ont déployé, en concertation avec l'ensemble des acteurs de la filière, des mesures de soutien . Les entreprises du secteur ont pu bénéficier des mesures transversales ouvertes à l'ensemble du tissu économique. En plus de ces mesures, des dispositifs spécifiquement dédiés à la filière aéronautique ont été mis en place. Les acteurs de la filière aéronautique ont très massivement recouru à ces dispositifs (prêts garantis par l'État, activité partielle de droit commun, activité partielle de longue durée, reports de prélèvements sociaux et fiscaux, etc .).

Ainsi, en mai 2021, les trois-quarts des entreprises du secteur avaient-elles recouru à un prêt garanti par l'État (PGE), pour un total avoisinant les 700 millions d'euros . Le recours aux PGE a été beaucoup plus systématique dans la filière aéronautique que pour les autres segments de l'économie nationale. Par ailleurs, ce dispositif a été spécifiquement adapté à la filière avec la création d'un « PGE aéronautique » aux conditions plus souples que celles du droit commun.

Le dispositif d' activité partielle a aussi été très massivement utilisé par le secteur, davantage que pour l'ensemble de l'industrie, pour des indemnisations qui avaient atteint 316 millions d'euros à la fin du mois d'août 2021. La filière aéronautique a également été l'une des plus concernées par le dispositif d' activité partielle de longue durée (APLD), pour un total de 7,4 millions d'heures indemnisées et plus de 110 millions d'euros à la fin du mois d'août 2021.

Le rapporteur spécial salue l'effort de concertation 17 ( * ) qui a présidé à la conception du plan de soutien spécifique au secteur présenté par l'État en juin 2020. Selon l'évaluation réalisée par la Cour des comptes, ce plan comportait 8,1 milliards d'euros dédiés à l'industrie aéronautique (7,2 milliards d'euros, soit 89 %, auraient déjà été engagés à la fin de l'année 2021), 5,3 milliards d'euros au titre de mesures de soutien conjoncturel et 2,8 milliards d'euros consacrés aux enjeux de la transformation structurelle de la filière.

Les mesures ciblées sur le seul secteur aéronautique ont pris différentes formes :

- un soutien renforcé aux exportations déployé par Bpifrance assurance export ;

- une accélération des commandes publiques , civiles mais surtout militaires, pour près de 830 millions d'euros ;

- des financements renforcés en faveur de la recherche dans le cadre du conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) portées à 1,5 milliard d'euros pour la période 2020-2022 et pilotées par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ;

- un fonds de modernisation et de diversification de 300 millions d'euros piloté par la direction générale des entreprises (DGE) ;

- un fonds de consolidation de la filière dans lequel l'État, via l'agence des participations de l'État (APE) et Bpifrance, a investi 200 millions d'euros.

L'efficacité des mesures de soutien peut notamment s'observer à l'aune des effets contenus de la crise sur l'emploi . En juin 2021, l'emploi dans le secteur aéronautique se situait à 92 % de son niveau de 2019, soit une baisse d'environ 8 points (pour une diminution globale de chiffre d'affaires de 30 % en 2020).

Ainsi, si l'industrie aéronautique a été plus exposée que les autres secteurs de l'économie, en France, l'emploi semble avoir été plus efficacement protégé qu'ailleurs si l'on en juge par les licenciements plus nombreux à l'étranger s'agissant des entreprises internationalisées. Le nombre de plans de sauvegarde de l'emploi ainsi que leur volume ont pu être contenus. Les conséquences sociales de la crise ont principalement affecté l'emploi temporaire (intérim et contrats à durée déterminée). Elles ont également davantage concerné les PME qui ont subi une baisse de l'emploi hors intérim d'environ 16 % , soit deux fois plus forte que pour l'ensemble de la filière.

Les chiffres de l'année 2021 démontrent une réelle reprise économique du secteur . Les commandes sont en forte augmentation et ont atteint un montant total supérieur à 50 milliards d'euros, en hausse de 68 % par rapport à 2020. Ce niveau reste néanmoins inférieur à celui de 2019 (62 milliards d'euros). Il permet pourtant au secteur d'être le plus important contributeur positif au solde commercial français, puisqu'il a dégagé à lui seul un solde commercial excédentaire de près de 20 milliards d'euros en 2021. Toujours en 2021, les sociétés adhérentes du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, le GIFAS, ont enregistré un chiffre d'affaires de 55,2 milliards d'euros, en hausse de 7,2 % par rapport à 2020.

b) Le plan de relance a amplifié les soutiens publics à la décarbonation du secteur aérien

Le système de soutien de l'État à la R&D de l'industrie aéronautique repose principalement sur les aides sectorielles prévues par le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et qui sont gérées par la DGAC. En 2018 et 2019, le montant de ces aides s'était élevé à 135 millions d'euros par an.

Pour faire face à l'effondrement des commandes du secteur aéronautique provoqué par la crise, le plan de relance aéronautique annoncé par le Gouvernement le 9 juin 2020 a porté ce budget de soutien à la R&D de la filière aéronautique à 1,5 milliard d'euros sur trois ans, dont 300 millions d'euros en 2020, 1 014 millions d'euros en 2021 et 186 millions d'euros en 2022 . L'ensemble des autorisations d'engagement (AE) prévues ont bien été consommées selon le calendrier décrit dans le graphique ci-après.

Consommation des AE relatives au plan de soutien à la R&D aéronautique portées directement par le programme 190 ou transférées
vers ce programme depuis l'action 08 du programme 362
de la mission « Plan de relance »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Cette aide, sous forme de subventions directes , soutient les projets de la filière aéronautique correspondant à la feuille de route technologique que l'État fixe avec les industriels français dans une démarche partenariale au sein du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) .

L'ambition majeure de ce plan est de préparer la rupture environnementale de l'aviation tout en confortant et en transformant la majeure partie des capacités de toutes les composantes de la filière, pour :

- maîtriser dans moins d'une décennie l'intégration dans les aéronefs des technologies de rupture à même d'assurer la transition écologique du secteur . Il s'agit en particulier d'utiliser de nouvelles sources d'énergie vertes mais également de réduire massivement la consommation de carburant et la pollution émise par les avions . L'annonce la plus ambitieuse et emblématique faite en ce sens est le lancement par Airbus d'un programme visant à concevoir un avion utilisant exclusivement l'hydrogène à l'horizon 2035 ;

- gagner fortement en efficacité , ce qui rendra possible l'introduction de ces appareils verts à des coûts soutenables pour le marché .

Par ailleurs il est prévu de soutenir les projets destinés à produire , à l'échelle industrielle, des carburants durables (biocarburants avancés ou carburants synthétiques) destinés principalement à l'aéronautique. L'objectif est de permettre leur incorporation aux carburants aéronautiques de nature fossile à raison de 2 % en 2025 et de 5 % en 2030 . Ce soutien aux projets de production de carburants durables doit s'élever à 400 millions d'euros sur les années 2021 et 2022.

À la fin du mois de juillet 2022 , sur l'entièreté du périmètre du volet R&D du plan de soutien à l'aéronautique, 230 projets 18 ( * ) avaient été conventionnés représentant un total d'investissements de plus de 3 milliards d'euros . Le nombre de projets conventionnés est ainsi supérieur à l'objectif initial de 200 qui était poursuivi par la DGAC.

Si les AE du plan de soutien ont d'ores et déjà toutes été consommées, les derniers CP quant-à-eux continueront d'être décaissés en 2023, pour 494 millions d'euros , puis finalement en 2024, pour 26 millions d'euros . Le rythme de consommation prévisionnel des CP est présenté dans le graphique ci-après.

Consommation prévisionnelle des CP relatifs au plan d'aide
à la R&D aéronautique (2020-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

c) Le volet aéronautique du plan France 2030 prend le relais du plan de relance aéronautique
(1) Le volet aéronautique du plan France 2030 est doté de 1,2 milliard d'euros

Le plan de relance aéronautique ne suffit pas à la réalisation des ambitions technologiques de la filière établies dans une perspective décennale avec pour objectif l'entrée en service des premiers appareils bas carbone à l'horizon 2030. Pour y parvenir, des investissements massifs en recherche technologique, de l'ordre de 6 milliards d'euros, devront être déployés d'ici 2030.

Comme il a pu le souligner dans son rapport d'information de février 2022 précité, compte-tenu des investissements considérables qu'induit la transition écologique de la filière aéronautique, le rapporteur spécial est convaincu qu'une inscription des concours publics dans le temps long est nécessaire . Au regard de l'ampleur de la transformation à accomplir et des enjeux en présence, il considère que ces financements devront s'établir à un niveau nettement plus élevé que les montants qui y étaient consacrés jusqu'en 2019 .

Le 7 octobre 2021, le Président de la république avait annoncé un plan d'investissement à horizon 2030, baptisé « France 2030 » qui comportait notamment un volet aéronautique. En loi de finances initiale pour 2022, 1,2 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (AE) ont ainsi été ouvertes au titre de ce volet aéronautique sur le nouveau programme 424 « Financement des investissements stratégiques » de la mission « Investissements d'avenir » rebaptisée « Investir pour la France de 2030 ».

L'enveloppe de 1,2 milliard d'euros dédiée au volet aéronautique de plan France 2030 est répartie de la façon suivante :

- 800 millions d'euros ont vocation à alimenter la feuille de route partenariale du CORAC ;

- et 400 millions d'euros doivent être consacrés aux acteurs émergents de la filière aéronautique.

Répartition des financements du volet aéronautique
du plan d'investissement France 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

(2) Un volet CORAC doté de 800 millions d'euros et piloté par la DGAC

Pour le volet CORAC de l'enveloppe, opéré par la DGAC, les crédits déployés ont vocation à poursuivre la dynamique de recherche engagée dans le cadre du plan de relance aéronautique dans la perspective :

- d'avancer de quinze ans la mise en service d'un avion régional ou court et moyen-courrier bas carbone afin de positionner l'Europe et la France en leaders mondiaux sur ce marché ;

- de soutenir des démonstrateurs d'aéronefs répondant à des ambitions de ruptures technologiques majeures telles que l'ultra sobriété, la propulsion hydrogène ou l'hybridation électrique ;

- de soutenir la chaine d'approvisionnement aéronautique nationale pour assurer sa compétitivité et consolider les parts de marchés de l'industrie nationale dans les futurs programmes d'aéronefs à horizon 2030-2035.

En gestion, ces crédits seront transférés vers le programme 190 pour être mobilisés dans le cadre des programmes CORAC pilotés par la DGAC. En 2022, 300 millions d'euros de crédits doivent ainsi être transférés pour un décaissement de 75 millions d'euros de CP . En 2023 , le transfert doit également s'établir à 300 millions d'euros tandis que les 200 millions d'euros restants seront mobilisés en 2024 . Les crédits de paiements ont quant à eux vocation à être décaissés progressivement jusqu'en 2027.

Calendrier de transfert des crédits de l'enveloppe CORAC
vers le programme 190

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2022, concernant le CORAC, en additionnant les financements issus du plan de relance et du programme d'investissement France 2030, le total des crédits disponibles, devrait ainsi s'élever à 486 millions d'euros en AE et 520 millions d'euros en CP .

(3) Un volet « acteurs émergents » doté de 400 millions d'euros qui a commencé à être déployé à travers un premier appel à projet

Le volet « acteurs émergents » de l'enveloppe aéronautique du plan France 2030 vise quant à lui à accélérer le développement et le passage à l'échelle industrielle de solutions technologiques nouvelles, voire de rupture, sur les marchés de l'aéronef bas carbone et de la production de carburants d'aviation durables (CAD) par l'accompagnement de projets portés par de nouveaux acteurs innovants.

Dans le cadre de ce volet, un premier appel à projets (AAP) intitulé « Produire en France des aéronefs bas carbone », doté de 100 millions d'euros et opéré par Bpifrance, a été lancé en avril 2022. Cet APP vise à soutenir des innovations susceptibles d'alimenter rapidement le marché de l'aviation bas carbone (hors production de CAD), comme les avions légers électriques ou hybrides. Cet AAP concerne prioritairement les projets permettant un passage à l'échelle industrielle rapide en vue d'une production et d'une commercialisation à grande échelle d'ici 2030. Le calendrier de l'AAP prévoit la sélection d'une première vague de projets lauréats d'ici la fin de l'année 2022.

L'enveloppe résiduelle de 300 millions d'euros n'est pas encore allouée à ce jour. Ces crédits pourraient notamment être mobilisés pour amplifier le soutien de l'État à l'émergence d'une filière française de production de carburants d'aviation durables (CAD), dans le prolongement de l'appel à projet en cours lancé dans le cadre du PIA 4 et portant sur des démonstrateurs et des études préindustrielles.

(4) Dans le phasage des orientations technologiques de la décarbonation du transport aérien il est nécessaire à court terme de prioriser la voie des carburants d'aviation durables

Comme il a pu le signaler dans son rapport d'information de février 2022 précité, le rapporteur spécial insiste sur la nécessité d'ajuster de la façon la plus pragmatique et la plus efficace possible le phasage des choix des grandes orientations technologiques visant à aboutir à une décarbonation du secteur aérien.

Un défi aussi considérable que le développement de l'avion à hydrogène , véritable révolution qui implique notamment de revoir radicalement l'architecture des aéronefs, induit le choix d'une technologie de rupture et placera la France parmi les prescripteurs d'une nouvelle norme à l'échelle mondiale . Aujourd'hui, sur ce projet de propulsion hydrogène, la France et l'Europe sont sans doute pionnières, mais pourront difficilement prendre le risque de l'isolement. Compte-tenu des enjeux considérables d'une telle option stratégique, notamment en matière d'investissements, un tel choix suppose des étapes de validations intermédiaires.

Le rapporteur spécial considère qu' à court et moyen-terme, le développement de l'usage des carburants d'aviation durables (CAD) est une option technologiquement réaliste . Elle doit en effet permettre d'obtenir des résultats rapides en termes de réduction des émissions sans exiger pour autant d'investissements massifs dans les infrastructures d'approvisionnement. Inversement, l'option de l'hydrogène induit une transformation profonde du modèle et des infrastructures aéroportuaires.

La temporalité la plus adaptée pourrait conduire à privilégier les CAD à court et moyen-terme , puis , lorsque l'hypothèse apparaîtra réglementairement et technologiquement mature, d'envisager la faisabilité de l'avion à hydrogène.

Cependant, alors qu'ils constituent le meilleur levier pour avancer à court et moyen terme sur la voie de la décarbonation du transport aérien, le rapporteur spécial ne cache pas sa vive préoccupation face au déficit de capacité de production de CAD en France . Malgré les déclarations de bonnes intentions, depuis qu'une feuille de route nationale a été définie en 2020 puis un appel à projet en 2021, la situation n'a que très peu évolué et il n'existe toujours pas à ce jour de filière mature de production de masse . En 2024, la production de biocarburants aériens en France ne devrait représenter que 300 000 tonnes essentiellement fournies par le site de Grandpuits. En France, la production de carburants de synthèse 19 ( * ) n'en est encore qu'au stade de la recherche . Aussi, du fait de ce déficit de production, les carburants d'aviation durables sont à ce jour, selon les catégories, 3 à 10 fois plus chers que le kérosène classique .

Sur ce sujet déterminant pour la transition écologique du transport aérien, le rapporteur spécial considère que le statu quo n'est plus tenable . Il est urgent que l'ensemble des acteurs (énergéticiens, compagnies, aéroports, État, etc ) se réunissent pour partager les enjeux et les raisons des blocages actuels afin de fixer des orientations stratégiques, un plan d'action fait d'engagements réciproques et un calendrier de développement de la filière qui fasse l'objet d'un suivi régulier pour s'assurer de sa mise en oeuvre effective. Des dispositifs de soutien public complémentaire , d'une part, s'agissant de l'amont, pour amorcer le développement de la filière , et, d'autre part, s'agissant de l'aval, pour promouvoir la consommation des carburants d'aviation durables, pourraient s'avérer nécessaires pour sortir de l'impasse.

Alors que certains pays tels que les États-Unis ont déjà pris une longueur d'avance dans ce domaine, la compétitivité du pavillon français et notre souveraineté industrielle exigent que nous soyons au rendez-vous de la production de masse des carburants d'aviation durables.

4. Après la pandémie de Covid 19, l'équilibre économique des lignes d'aménagement du territoire (LAT) est mis à mal par la crise des prix de l'énergie

Les liaisons aériennes d'aménagement du territoire (LAT) sont essentielles au maintien de la connectivité, au désenclavement ainsi qu'au développement économique de certains territoires. En 2022, l'État finance l'exploitation de dix LAT en métropole, deux liaisons en Guyane ainsi que la desserte internationale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il participe également au financement de la desserte européenne de Strasbourg. Son intervention s'inscrit dans le cadre de conventions pluriannuelles de délégation de service public (DSP).

S'agissant de l'exploitation des LAT de métropole, la charge de la compensation financière est partagée entre l'État et les collectivités locales concernées. Le taux d'intervention de l'État est déterminé en fonction du degré d'enclavement de la destination et ne peut dépasser un pourcentage des recettes commerciales fixé entre 50 % et 80 %, selon l'enclavement du territoire desservi. En 2022, les financements consacrés par l'État à ces liaisons représentent environ 20 millions d'euros .

Le soutien financier des LAT par l'État en 2022

(en millions d'euros)

Liaison

Soutien financier de l'État en 2022

Aurillac - Paris

2,74

Brive - Paris

1,41

Castres - Paris

1,00

La Rochelle - Poitiers - Lyon

0,67

Le Puy - Paris

0,60

Limoges - Lyon

0,81

Limoges - Paris

0,71

Quimper - Paris

1,12

Rodez - Paris

1,32

Tarbes- Paris

0,77

Guyane

1,50

Saint-Pierre-et-Miquelon

3,22

Strasbourg - Amsterdam

2,80

Strasbourg - Madrid

1,56

Strasbourg - Munich

0,70

Total

20,93

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

En augmentation tendancielle jusqu'en 2010, les crédits consacrés aux LAT métropolitaines ont ensuite été progressivement réduits pour passer sous les 5 millions d'euros en 2017 et en 2018. L'objectif était alors de limiter la participation financière de l'État à quatre liaisons desservant des territoires particulièrement enclavés (Aurillac-Paris, Brive-Paris, Le Puy-Paris et Rodez-Paris), les autres liaisons sous délégation de service public devant être intégralement prises en charge par les collectivités territoriales.

En 2019, le Gouvernement a engagé une nouvelle politique de soutien aux LAT en s'appuyant sur les propositions et recommandations issues des Assises du transport aérien. 15 millions d'euros supplémentaires ont été alloués dès 2019 pour assurer le financement des liaisons existantes.

En 2020 puis en 2021, les répercussions de la pandémie de Covid-19 ont fragilisé le modèle économique des LAT . Des concertations entre les collectivités, l'État et les transporteurs ont permis d'ajuster les programmes de vols. Les accords ont notamment porté sur des réductions du nombre de rotations, sur l'exploitation d'appareils de moindre capacité ou, pour deux liaisons, sur l'attribution d'une surcompensation exceptionnelle.

En 2021, le premier renouvellement de DSP sur les liaisons métropolitaines depuis le début de la crise sanitaire a concerné la liaison Paris-Brive. La compensation demandée a significativement augmenté compte tenu de l'impact de la crise sur la demande et de la situation économique des transporteurs. En outre, l'État a augmenté sa contribution de 250 000 euros pour éviter la suppression de la ligne La Rochelle-Poitiers-Lyon, en complément d'un apport des collectivités à hauteur de 500 000 euros. En 2022, la DSP de la liaison Paris-Tarbes a été renouvelée et les services ont débuté en juillet. L'État y contribue pour les trois premières années. Par ailleurs, le renouvellement de la convention de DSP sur la ligne Le Puy-Paris est en cours.

Alors que la sortie de crise permettait de s'orienter vers un retour progressif aux programmes de vols nominaux, la hausse des coûts du carburant bouleverse de nouveau l'équilibre économique des LAT . Les transporteurs évaluent le surcoût à plusieurs centaines de milliers d'euros pour l'année d'exploitation en cours et sollicitent de l'État et des collectivités une augmentation de leurs compensations financières. Dans ce contexte le risque que ne surviennent des résiliations de conventions n'est pas exclu .

Le soutien financier des LAT par l'État en 2023

(en millions d'euros)

Liaison

Soutien financier de l'État en 2023

Aurillac - Paris

2,4

Brive - Paris

2,17

Castres - Paris

1,30

La Rochelle - Poitiers - Lyon

0,62

Le Puy - Paris

0,82

Limoges - Lyon

0,89

Limoges - Paris

0,85

Quimper - Paris

1,07

Rodez - Paris

1,46

Tarbes - Paris

1,65

Guyane

1,50

Saint-Pierre-et-Miquelon

3,37

Strasbourg - Amsterdam

4,85

Strasbourg - Madrid

1,95

Strasbourg - Munich

1,10

Total

26,03

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire


* 14 Les prévisions étaient de 4,2 % par an avant la crise.

* 15 En ligne sur le site internet du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

* 16 Soutien public à la filière aéronautique : des aides d'urgence efficaces, une transformation à accélérer, rapport d'information de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances n° 538 (2021-2022), 23 février 2022.

* 17 Le GIFAS ayant été associé à l'élaboration du plan.

* 18 Concernant plus de 170 équipementiers, ETI et PME et 34 organismes de recherche.

* 19 Aussi appelés e-fuel ou power-to-liquid.

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