PROGRAMME 159
« EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE
ET MÉTÉOROLOGIE »

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » regroupe les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertises pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Céréma), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.

I. CONFORMÉMENT AUX RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL DANS SON RAPPORT DE CONTRÔLE PUBLIÉ EN 2021, LES MOYENS DE MÉTÉO FRANCE SE STABILISENT

Météo-France est un établissement public administratif sous tutelle du ministère chargé des transports. Ses missions sont précisées dans son décret de création n° 93-861 du 18 juin 1993. Le service météorologique national (SMN) français surveille les conditions météorologiques, les prévoit et diffuse les informations qui s'y rapportent. Il doit aussi conserver la mémoire des climats passés et prévoir les climats futurs. Pour cela il combine plusieurs métiers : l'observation qui constitue la base de la météorologie, la recherche, la prévision du temps ou encore l'expertise climatique qui tend à prendre une part de plus en plus essentielle dans les activités et les responsabilités de Météo-France.

La sensibilité des missions de Météo-France se trouve renforcée par les conséquences des dérèglements climatiques et la prévalence accrue de phénomènes météorologiques extrêmes toujours plus violents et localisés. Au premier rang de ces missions figure la sécurité météorologique des personnes et des biens symbolisée par la carte de vigilance de Météo-France. L'opérateur joue également un rôle hautement stratégique dans son appui aux forces armées. Il est en outre le prestataire de services météo exclusif à l'aviation civile en France et assume des missions de formation, de recherche et de simulation climatique à l'échelle de la planète.

En juillet 2021, le conseil d'administration de Météo-France a adopté un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) qui doit couvrir la période 2022-2026 .

1. Alors qu'il devait profiter d'un allègement de la pression budgétaire qui s'exerçait sur lui depuis dix ans, Météo-France est rattrapé par la crise des prix de l'électricité

En 2022 la subvention pour charges de service public (SCSP) versée par l'État à Météo-France au titre de l'action 13 « Météorologie » du programme 159 devrait représenter 44 % de ses recettes . En retraitant la subvention destinée à la contribution de la France à l'organisation EUMETSAT qui ne fait que transiter par le budget de l'opérateur, cette dotation compte même pour plus de 50 % de ses ressources. Cette subvention correspond à la compensation des missions de service public de Météo-France :

- la fourniture d'informations nécessaires à assurer la sécurité météorologique des personnes et des biens dans un contexte où le territoire est de plus en plus régulièrement frappé par des phénomènes météorologiques extrêmes ;

- un travail de recherche pour améliorer les modèles de prévision et mieux appréhender le changement climatique, ses conséquences et les moyens de s'y adapter ;

- le soutien aux forces armées, notamment sur des théâtres d'opérations extérieures.

Après une décennie de diminution ininterrompue (- 17 % entre 2013 et 2022), la subvention pour charges de service public (SCSP) de Météo France doit se stabiliser en 2023 . La hausse constatée de 4 %, qui porte la subvention à 181,8 millions d'euros , doit être relativisée puisqu'elle doit servir à compenser, à hauteur de 5,9 millions d'euros, l'effet de la revalorisation du point d'indice. En neutralisant cette compensation, la SCSP historique de l'opérateur atteindrait 175,8 millions d'euros, soit une quasi stabilité par rapport à l'exercice 2022.

Évolution de la SCSP entre 2012 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial se félicite de cette inflexion nécessaire dont il avait souligné le caractère absolument incontournable dans son rapport du 22 septembre 2021 « temps instable sur Météo-France : quand le refroidissement budgétaire se confronte au réchauffement climatique » 1 ( * ) . Compte-tenu de l'exacerbation des enjeux liés à la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes en lien avec les dérèglements climatiques et pour pouvoir mettre en oeuvre le nouveau contrat d'objectifs et de performance, le rapporteur spécial avait en effet émis la recommandation d'assouplir la contrainte budgétaire qui pesait depuis de nombreuses années sur l'opérateur en lui garantissant une stabilisation de ses moyens et de ses effectifs .

En 2023, la SCSP de Météo-France doit être complétée par une dotation de 15,3 millions d'euros consacrée au financement des supercalculateurs mis en service en 2021. Entre 2019 et 2022, le niveau de cette dotation annuelle était encadré par le contrat budgétaire qu'avait signé l'établissement avec la direction du budget. Dans son rapport de 2021 précité, le rapporteur spécial avait recommandé d'augmenter significativement cette dotation en 2023. Aussi constate-t-il avec satisfaction la hausse prévue par le présent projet de loi de finances qui est conforme aux projections de dépenses qui avaient été actualisées en début d'année 2022.

Évolution de la dotation complémentaire dédiée au financement
du supercalculateur 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cependant, depuis l'été 2022, l'équilibre financier des nouveaux supercalculateurs, très gourmands en énergie, a été complètement bouleversé par la crise des prix de l'électricité. L'opérateur estime que le surcoût pourrait dépasser les 7 millions d'euros en 2023 . Des négociations sont actuellement en cours entre Météo-France et la direction du budget pour trouver des solutions de financements à ce surcroît de dépenses imprévu.

Alors que la décision a été prise de prolonger d'un an, jusqu'en 2026, l'utilisation des supercalculateurs actuels , leur coût restant à financer jusqu'à cette date s'élève à plus de 85 millions d'euros et devrait se répartir tel que décrit dans le graphique ci-après.

Dépenses prévisionnelles liées aux capacités de calcul de l'établissement
entre 2019 et 2031

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses récurrentes liées aux nouveaux supercalculateurs s'élèvent en moyenne à environ 23 millions d'euros par an . Pour couvrir les dépenses liées à l'exploitation des nouveaux supercalculateurs, l'opérateur évalue le montant des subventions de l'État nécessaires à 9,3 millions d'euros en 2024 puis 15 millions d'euros en 2025 du fait des premières dépenses liées au nouveau projet d'accroissement de la puissance de calcul prévu à horizon 2026 (voir infra ).

Afin d' éviter tout effet d'éviction sur les dépenses d'investissements « hors calcul » de l'opérateur, le rapporteur spécial rappelle qu'il est nécessaire que l'État lui garantisse l'attribution de dotations suffisantes pour sécuriser le financement de ses supercalculateurs.

Dans son rapport du 22 septembre 2021 précité, le rapporteur spécial a souligné l'effet ciseaux budgétaire du développement de l'ouverture des données publiques pour Météo-France. Au regard des perspectives de développement du volume de données mises en ligne, les coûts supplémentaires induits sont estimés par l'opérateur à environ 0,6 million d'euros annuels et 6 ETP . Les baisses de recettes résultant de l'extinction des redevances de réutilisation sont quant à elles estimées à environ 1,4 million d'euros . Le cumul des pertes de recettes et des hausses de dépenses pourrait ainsi dépasser les 2 millions d'euros à horizon 2025 .

En outre, 1,8 milliard d'euros de dépenses d'investissement sont nécessaires pour moderniser l'infrastructure informatique permettant de mettre en ligne, d'ici 2026, un volume de données 10 fois plus important qu'aujourd'hui.

Sans ressources complémentaires, Météo-France aura le plus grand mal à supporter ces coûts . Aussi, sans solution de financement, le niveau de service tendra à se dégrader , une saturation de la bande passante conduisant à des plantages et des temps de téléchargement rallongés.

Le 26 mai 2021, devant la commission des finances du Sénat , le Gouvernement, par la voix de sa ministre de la Transition écologique , avait alors ouvert la porte à une compensation financière au moins partielle des coûts induits par les développements de l'open data . Comme il l'a écrit dans son rapport précité, le rapporteur spécial plaide pour que l'État compense une partie de ces coûts . Le présent projet de loi de finances prévoit 2 ETP supplémentaires pour répondre à cet enjeu. Si ce premier signe est positif, il est loin de couvrir l'intégralité des besoins.

En plus des crédits relevant du programme 159, Météo-France doit également bénéficier en 2023, à l'instar des années précédentes, de 3,9 millions d'euros attribués par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) à partir des crédits du programme 181 « Prévention des risques » pour participer à l'entretien du réseau d'observation hydrométéorologique.

Une subvention accordée par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et portée par le programme 193 « Recherche spatiale » transite par le budget de Météo-France. Elle correspond à la part principale de la contribution de la France à l'organisme européen EUMETSAT. Neutre pour le budget de Météo-France par lequel elle ne fait que transiter, elle devrait s'élever à 66 millions d'euros en 2023.

2. Des recettes commerciales stables à ce jour mais menacées par la concurrence à moyen-terme

Météo-France est le prestataire exclusif de l'assistance météorologique pour la navigation dans l'espace aérien français. La redevance versée par direction générale de l'aviation civile (DGAC) au titre des services météorologiques rendus à la navigation aérienne représente près du quart des ressources de Météo-France. Stable en euros courants depuis 2012, elle s'élève à 85,55 millions d'euros . Cette stabilité en euros courants signifie que cette ressource se dévalue chaque année du niveau de l'inflation . Ce phénomène est d'autant plus prononcé dans le contexte actuel d'évolution des prix.

Comme il l'a souligné dans son rapport précédemment cité, le rapporteur spécial estime que cette situation n'est pas satisfaisante et qu'il conviendrait de s'assurer que le montant de la redevance , figé depuis dix ans, couvre bien les coûts des prestations délivrés à la navigation aérienne. S'il s'avérait que ce n'est plus le cas, notamment car ces services se sont perfectionnés et même si dans le même temps des gains de productivité significatifs ont été réalisés, il conviendrait de réévaluer à la hausse le montant versé par la DGAC à l'opérateur.

Pour compenser la diminution de sa SCSP, l'opérateur était incité à dynamiser ses ressources propres pourtant naturellement tirées vers le bas par le déclin des services audiotel. Les efforts entrepris ont commencé à porter leurs fruits à compter de 2017 , année à partir de laquelle la trajectoire baissière a été enrayée. Depuis, ces recettes ont tendance à se stabiliser à un niveau légèrement supérieur à trente millions d'euros . Elles ont connu une chute en 2020 en raison des répercussions de la crise sanitaire. Elles représentent environ 8 % du total des ressources de l'opérateur.

En 2021 et 2022 les recettes commerciales de Météo-France ont été tirées vers le haut par les versements résultant du contrat signé avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) portant sur des études en vue de l'implantation de champs d'éoliennes au large. Cet effet doit s'estomper en 2023.

Évolution des recettes commerciales de Météo-France de 2012 à 2023

(en millions d'euros)

Source : Météo-France

Il y a encore dix ans, les services audiotel 2 ( * ) de Météo-France représentaient une part significative de ses recettes commerciales . La désuétude progressive de ces services a entraîné l'érosion régulière des ressources qu'ils généraient. Depuis 2012, ces ressources se sont rétractées de l'ordre de douze millions d'euros. Ce phénomène est la principale explication de la contraction des recettes commerciales constatée entre 2012 et 2016. En 2022 , elles devraient s'établir à 1,2 million d'euros contre 13 millions d'euros en 2012 .

Évolution des différentes composantes des recettes commerciales
de Météo-France (2012-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

L'ambition de reconquête de ses ressources commerciales par Météo-France a principalement porté sur le segment des professionnels dont les produits ont progressé de plus de 40 % entre 2016 et 2022. Ces dernières années, le dynamisme des recettes commerciales professionnelles a été porté par plusieurs contrats majeurs pour l'opérateur et notamment celui conclu avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) portant sur des études d'évaluation des risques météorologiques dans le cadre de l'implantation d'éoliennes au large. Les secteurs de l'aéronautique commerciale, des transports et des médias sont également porteurs. Compte-tenu notamment de l'émergence des enjeux liés au changement climatique et du fait que toujours plus d'activités présentent des « météo-sensibilités » fortes, de nouvelles perspectives doivent être explorées par l'opérateur.

Les recettes publicitaires , stimulées par la monétisation du site internet et de l'application mobile Météo-France, ont également participé à redresser le niveau de ses recettes commerciales. Entre 2015 et 2019 , à la veille de la crise, les recettes publicitaires ont progressé de près de 40 %. Après deux années marquées par les conséquences de la crise, les recettes publicitaires devraient retrouver en 2022 un niveau proche de celui qui avait été constaté en 2019 .

Du fait notamment de moyens et d'effectifs contraints , et malgré les opportunités évidentes en la matière, l'établissement prévoit une stabilité de ses recettes commerciales dans les prochaines années. Les nouvelles marges de manoeuvre à attendre du côté de ces ressources semblent contraintes même si les futurs services d'adaptation au changement climatique développés par l'opérateur pourraient les dynamiser.

Dans son rapport précité, le rapporteur spécial a également souligné la très vive concurrence à laquelle Météo-France devra faire face dans un avenir proche , notamment du fait du positionnement de géants du numérique sur le marché des services météorologiques. Le rapporteur spécial souligne que ces phénomènes pourraient conduire à une réduction notable des parts de marchés et des recettes commerciales de l'opérateur à moyen-terme. Pour rester dans la course, l'établissement doit absolument se positionner de façon très ambitieuse sur les technologies d'intelligence artificielle (IA).

3. Pour la première fois depuis 10 ans, les effectifs de Météo-France ne diminueront pas en 2023

Après une décrue constante depuis 10 ans (- 11 % entre 2013 et 2022), en raison des réductions d'effectifs, les charges de personnel de Météo-France devraient augmenter de 3 % et 8 millions d'euros en 2023, essentiellement du fait du relèvement du point d'indice de la fonction publique.

Évolution de la masse salariale de Météo-France de 2012 à 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

En 2023, le plafond d'emplois de Météo-France a fait l'objet d'un recalibrage technique conduisant à son augmentation de 10 ETPT . Ces 10 ETPT supplémentaires s'expliquent par une requalification de 10 emplois en cours qui étaient jusqu'alors comptabilisés dans l'enveloppe hors plafond.

Cette évolution, demandée par la direction du budget à Météo-France, s'appuie sur l'interprétation de la circulaire du 11 juillet 2010 qui encadre le recours aux contrats à durée déterminée (CDD) comptabilisés dans les effectifs hors plafond des opérateurs. La direction du budget considère que ces effectifs hors plafond ne peuvent concerner des contrats signés avec des personnes publiques sans mise en concurrence, c'est-à-dire des contrats dits en « quasi-régie » ou « in house ».

Évolution du plafond d'emplois de Météo-France de 2012 à 2023

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les schémas d'emplois successifs demandés à l'établissement Météo-France ont été très exigeants ces dernières années . En moyenne, entre 2012 et 2022, l'établissement devait supprimer 78 ETP par an. Le contrat budgétaire 2018-2022 prévoyait un objectif de réduction cumulée des effectifs de Météo-France de 475 ETP sur la période, soit une moyenne annuelle de 95 suppressions. Le graphique ci-après expose les schémas d'emplois appliqués à Météo-France depuis 2012.

Schéma d'emplois notifié et réalisé depuis 2012

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

Dans son rapport cité supra , le rapporteur spécial avait alerté sur le fait que le schéma d'emplois prévu par le contrat budgétaire en 2022 ne pourrait pas être réalisé . Il était devenu irréaliste et dangereux du fait de retard pris dans certaines opérations d'automatisation. Pour cette raison, le rapporteur spécial avait émis la recommandation d'ajuster le schéma d'emplois prévu en 2022 en conséquence.

Lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2022, il avait accueilli favorablement l'assouplissement indispensable du schéma d'emploi prévisionnel de Météo-France. Néanmoins, cet assouplissement devait à l'origine être rattrapé en 2023 ce qui aurait conduit, dans l'hypothèse d'une stabilisation du schéma d'emploi structurel, à une suppression de 35 ETP . Dans son rapport budgétaire portant sur le projet de loi de finances initiale pour 2022, le rapporteur avait rappelé sa ferme conviction quant à l'absolue nécessité de stabiliser les effectifs de l'opérateur sur la période du nouveau COP.

Le rapporteur spécial est satisfait de constater qu'en 2023, pour la première fois depuis plus de dix ans, et conformément au signal d'alerte qu'il avait tiré dans son rapport précité, le schéma d'emploi de Météo-France sera positif à hauteur de 6 ETP .

Du fait notamment du recalibrage du plafond d'emploi présenté supra, les effectifs hors plafond autorisés pour Météo-France en 2023 se replient de 5 ETP pour s'établir à 100 ETP.

Évolution du nombre d'emplois hors plafond de Météo-France
(2012-2023)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Historiquement, les emplois hors plafond concernent principalement les activités de recherche de l'établissement. Aujourd'hui, les appels d'offre de recherche sont de plus en plus nombreux et, pour y répondre, Météo-France a besoin de pouvoir recruter des contrats à durée déterminée (CDD). Pour préserver les capacités de l'établissement à contracter avec des institutions au titre de projets temporaires sur lesquels il peut apporter une vraie plus-value mais aussi et surtout pour qu'il puisse répondre aux appels d'offre de recherche qui constituent un enjeu absolument crucial pour son avenir, il apparaît nécessaire d'autoriser à Météo-France un contingent suffisant d'emplois hors plafond pour notamment concrétiser les ambitions de son COP .

4. En 2022, Météo-France a achevé la profonde restructuration de son réseau territorial tandis que le dispositif de départs volontaires qui l'accompagne, systématiquement sous-évalué, pèse toujours plus lourdement sur le budget de l'opérateur

Depuis plus de dix ans , Météo-France a entrepris une profonde restructuration de son réseau territorial . Cette évolution, réalisée dans le cadre d'évolutions scientifiques et techniques et pour accroître l'efficience de l'opérateur, a accompagné le mouvement de réduction de ses moyens financiers et humains.

Conduite entre 2012 et 2016 , une première phase de restructuration s'est traduite par la fermeture des anciens centres départementaux mais aussi par celle de près de 70 % des centres de rattachement aéronautique (CRA) qui sont passés de 41 en 2011 à 13. En 2022 , Météo-France dispose de 39 implantations territoriales en métropole 3 ( * ) contre 115 en 2011 , soit une réduction des deux tiers en dix ans .

Pour accompagner les transformations de l'établissement et tout particulièrement la restructuration de son réseau territorial, deux dispositifs de départ volontaire sont proposés aux agents de Météo-France. L'indemnité de départ volontaire (IDV) 4 ( * ) est proposée pendant quatre années, entre le 1 er janvier 2019 et le 31 décembre 2022. La rupture conventionnelle 5 ( * ) offre quant à elle une perspective de départ anticipé accompagné d'une indemnité pour les agents inéligibles au dispositif d'IDV.

Ces deux dispositifs rencontrent un succès qui dépasse largement les prévisions qui avaient été réalisées initialement, tout particulièrement s'agissant de l'IDV. Comme en 2021, en 2022 le coût du dispositif avait été sous-estimé d'environ 1 million d'euros et il devrait s'établir, selon les dernières prévisions, à 4,9 millions d'euros. Du fait de l'extinction prochaine du dispositif au 31 décembre 2022, 123 nouvelles demandes ont été enregistrées pour 2023 , année où le coût du dispositif devrait ainsi bondir à près de 12,5 millions d'euros , soit un quasi doublement par rapport à la prévision initiale et une majoration de 3,5 millions d'euros des dépenses assumées par l'opérateur au titre de cette indemnité. Le coût de ce dispositif est couvert à 50 % par une subvention du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH).

Coût constaté ou prévisionnel des dispositifs d'IDV
et de rupture conventionnelle (2019-2023)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

5. Le futur projet de développement de la puissance de calcul de Météo-France coûtera près de 350 millions d'euros
a) Des dépenses d'investissement « hors calcul » à préserver impérativement

En 2022, les dépenses d'investissement de Météo-France devraient s'établir à un peu plus de 20 millions d'euros dont plus de 20 % dédiés aux supercalculateurs.

Évolution des dépenses d'investissement (2012-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

D'après le budget prévisionnel de l'opérateur, les dépenses d'investissement devraient s'établir à 26 millions d'euros en 2022 dont 12 millions d'euros consacrés au calcul intensif.

Les dépenses relatives aux capacités de calcul intensif représentent une part significative du total des dépenses d'investissement . À chaque renouvellement des supercalculateurs, des dépenses d'investissement conséquentes sont engagées. On l'observe notamment sur les exercices 2019 et 2020 au cours desquels elles ont représenté respectivement 38 et 27 % des dépenses d'investissement totales.

Néanmoins, les dépenses d'investissement de Météo-France ne se limitent pas au calcul intensif. Tout aussi fondamentales, les autres dépenses d'investissement de l'opérateur ne doivent en aucun cas être mésestimées et servir de variable d'ajustement . Depuis 2012, elles sont relativement stables et oscillent entre 15 et 18 millions d'euros .

Les dépenses d'investissement « hors calcul » concernent aujourd'hui essentiellement les opérations de modernisation , de jouvence et de maintenance des infrastructures techniques .

Le rapporteur spécial considère que le niveau de ces dépenses apparaît dimensionné au minimum pour préserver la qualité des infrastructures techniques de l'opérateur et que sa remise en cause pourrait nuire à la qualité des services rendus . Aussi, dans son rapport précité de septembre 2021, le rapporteur spécial a-t-il recommandé de maintenir le montant d'investissements « hors calcul » à son niveau actuel pour ne pas dégrader l'état des infrastructures techniques et les capacités opérationnelles de Météo-France. Pour 2023, il regrette ainsi de constater que le montant prévisionnel des investissements hors calcul diminuerait à son plus bas niveau depuis plus de 10 ans, à environ 14 millions d'euros .

b) Le projet d'une nouvelle multiplication par six de la puissance de calcul de Météo-France en 2026 coûtera près de 350 millions d'euros, un montant 2,4 fois plus élevé que le coût des supercalculateurs actuels

Le projet « calcul 2020 » devait permettre à Météo-France de multiplier par cinq sa puissance de calcul intensif. L'objectif a été rempli puisqu'après la bascule de la production opérationnelle sur ses deux nouveaux supercalculateurs au mois de février 2021 , la capacité de calcul du SMN français a été multipliée par 5,5 . Le coût total du projet « Calcul 2020 » atteint 142 millions d'euros sur la période 2019-2026 . Il inclut le paiement de la redevance à la société ATOS pour les supercalculateurs, le coût de leur consommation électrique , ainsi que les dépenses connexes nécessaires au fonctionnement et à l'exploitation des données produites.

La course à la puissance de calcul continue de battre son plein entre services météorologiques. Les capacités de calcul intensif ont des traductions très concrètes sur la performance des modèles de prévision numérique du temps (PNT), elles sont incontournables pour permettre une prévision plus fine des phénomènes météorologiques extrêmes.

Ainsi, et alors même que les nouveaux supercalculateurs n'étaient pas encore pleinement opérationnels, Météo-France avait d'ores et déjà engagé une réflexion avec ses tutelles sur les besoins de renouvellement de sa capacité de calcul intensif à horizon 2025. Finalement, l'opérateur et ses tutelles ont décidé de repousser d'une année ce renouvellement et de prolonger l'utilisation de ses supercalculateurs actuels jusqu'en 2026.

Compte-tenu des évolutions technologiques, le coût de cet investissement devrait plus que doubler par rapport à celui du plan « calcul 2020 ». Le nouveau projet pourrait ainsi coûter près de 350 millions d'euros .

Comparaison du coût total de financement des supercalculateurs et des futurs supercalculateurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Une étude de la société Citizing de septembre 2021 portant sur « l'évaluation socioéconomique du renouvellement des supercalculateurs de Météo-France en 2025 » estime cependant qu'une nouvelle multiplication par six de la puissance de calcul pourrait générer des gains socio-économiques de l'ordre de 1,4 milliard d'euros pour une valeur actuelle nette d'environ 1,1 milliard d'euros, soit un retour sur investissement proche de cinq euros pour un euro investi.

Le rapporteur spécial estime que la perspective du renouvellement de la capacité de calcul de Météo-France à horizon 2026 est essentielle pour que l'opérateur français conserve son positionnement de référence au niveau international et améliore ses capacités de prévision des phénomènes météorologiques extrêmes .

Principaux gains attendus d'une multiplication par six de la puissance de calcul de Météo-France à horizon 2026

- Une amélioration significative de la prévision des phénomènes météorologiques dangereux jusque 4 jours d'échéance, en particulier les évènements méditerranéens de pluie intense.

- Une augmentation de 20 % du nombre de vigilance orange ou rouge anticipée avec un préavis d'au moins 6 heures.

- En Outre-Mer, une prévision plus fiable de la sévérité des cyclones tropicaux, avec une meilleure estimation de l'intensité probable du cyclone tropical prévu, ainsi que de l'intensité du scénario le plus pessimiste. Également de meilleures prévisions des évènements de pluie intense et crues qui affectent régulièrement ces territoires.

- Pour le secteur aérien : un saut significatif dans la qualité des prévisions aux échéances de la prévision immédiate (c'est-à-dire jusque 6 heures d'échéance), pour optimiser la gestion du trafic aérien, ainsi que les décisions « courantes » de gestion des aéroports.

- Pour nos forces armées : un apport est attendu en termes de prévision des vents dans les zones avec une topographie complexe et de représentation des aérosols pour les théâtres d'opérations extérieures impactant la visibilité dans les basses couches de l'atmosphère.

- Des prévisions affinées pour les risques côtiers de submersion marine et les avalanches en montagne, grâce à des modèles plus détaillés prévoyant l'évolution du manteau neigeux ou encore des vagues et les surcotes.

- Pour ce qui concerne le climat et les simulations climatiques, il sera possible d'estimer de façon plus précise l'évolution de la fréquence et la sévérité des évènements extrêmes, avec une fiabilité suffisante pour les évènements rares, typiquement ceux qui ne se produisent actuellement qu'une fois tous les 10 ans.

Source : Météo-France


* 1 Rapport d'information n° 840 (2020-2021) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 septembre 2021.

* 2 Le numéro de téléphone payant d'information météorologique.

* 3 Tous types confondus.

* 4 Régie par le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008.

* 5 Institué à titre expérimental pendant cinq ans par la loi de transformation de la fonction publique n° 2019-828 du 6 août 2019 et précisé par le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019.

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