Rapport général n° 115 (2022-2023) de Mme Christine LAVARDE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 11a
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
(Programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 181 « Prévention des risques », 174 « Énergie, climat et après-mines », 345 « Service public de l'énergie »,
217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires »)

Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

I. EN 2023, DES CRÉDITS EN AUGMENTATION, APRÈS UNE GESTION BOULEVERSÉE EN 2022

A. LA MISSION A CONNU DES MODIFICATIONS IMPORTANTES EN GESTION

Dans le champ des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, les crédits s'élèvent à 23 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE ; + 6,7 milliards) et 21,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP ; + 5,8 milliards) .

La mission a fait l'objet d'ouvertures importantes de crédits en 2022 . Près de 3 milliards d'euros ont été ouverts en AE et en CP sur le programme 345 pour financer la première phase de la remise sur le carburant introduite à partir du mois d'avril, et la première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 6,4 milliards d'euros en AE et 6,0 milliards d'euros en CP sur le périmètre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » couvert dans le rapport. Le second projet de loi de finances rectificative, encore en cours de discussion et après première lecture par l'Assemblée nationale, a ouvert 2,3 milliards d'euros en AE et 1,8 milliard d'euros en CP sur la mission.

Au cours de l'examen du PLF pour 2023 , 3 milliards d'euros en AE et en CP ont été ouverts sur le programme 345 pour financer les boucliers tarifaires, et 500 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP ont été inscrits sur le programme 380, notamment pour renforcer les financements en faveur de la biodiversité.

Évolution des crédits à périmètre constant (hors programme 380)
entre 2022 et le PLF 2023 en milliards d'euros

Source : commission des finances du Sénat

B. UNE STABILISATION DES EFFECTIFS DE LA MISSION

Le schéma d'emplois ministériels du présent projet de loi de finances prévoit une stabilisation des effectifs (0 ETP), tandis que celui de l'année dernière était négatif (- 224 ETP). La légère diminution du plafond d'emploi total entre 2022 et 2023 correspond à des transferts entre les ministères et les opérateurs.

Évolution du nombre d'ETPT sous plafond du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, du Ministère de la transition énergétique et du secrétariat d'État chargé de la mer

Source : commission des finances du Sénat

Comme en 2022, les opérateurs de la mission voient une augmentation de leurs effectifs. Cette augmentation est portée principalement par l'Office français de la biodiversité et l'Agence de la transition énergétique (ADEME).

II. LA POLITIQUE DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ : UN RENFORCEMENT DES MOYENS EN 2023

A. UNE HAUSSE DE 30,4 MILLIONS D'EUROS DES CRÉDITS DU PROGRAMME 113 « PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ »

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit pour le programme une dotation de 274,5 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de 30,4 millions d'euros en AE et en CP par rapport à 2022 , ce qui représente une hausse de 12,5 %.

Les crédits consacrés aux aires protégées sur le programme 113 restent stables en 2023 . Les crédits de paiement inscrits sur le présent projet de loi de finances sont de 7,65 millions d'euros pour les parcs naturels régionaux, et de 26,8 millions d'euros pour les réserves naturelles nationales. Même en incluant les crédits qui seront déployés dans le cadre du fonds vert, les moyens actuels paraissent ainsi difficilement compatibles avec les objectifs de la stratégie nationale des aires protégées (SNAP).

Le financement de la biodiversité est en effet complété par des crédits issus du programme 380 . 150 millions d'euros en autorisations d'engagement sont ouverts pour l'accompagnement de la Stratégie nationale biodiversité 2030, et la politique de la biodiversité devra bénéficier d'une part des 500 millions d'euros supplémentaires adoptés par l'Assemblée nationale sur le fonds vert. Le programme 380 prend ainsi le relais de l'action 02 « Biodiversité, lutte contre l'artificialisation » du plan de relance. Si la poursuite de mesures en faveur de la biodiversité est la bienvenue, l'inscription de ces crédits dans le programme 380 plutôt que dans le programme 113 complexifie le financement des politiques de l'eau et de la biodiversité .

B. EN 2023, LES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ SONT PRÉSERVÉS, MAIS LE FINANCEMENT DES AGENCES DE L'EAU SOULÈVE DES QUESTIONS

Le plafond d'emplois des agences de l'eau est fixé pour 2023 à 1 497 ETPT, au même niveau qu'en 2022 et 2021 . Aussi, les effectifs des agences sont préservés, contrairement aux années précédentes : le schéma d'emplois s'élevait à - 39 ETP entre 2020 et 2021 et à - 43 ETP entre 2019 et 2020.

La subvention à l'Office français de la biodiversité est en hausse de 25 millions d'euros . Sur cette somme, 5 millions d'euros sont prévus pour financer la revalorisation du point d'indice, décidée à l'été 2022. Le reste a vocation à réduire le déficit de l'opérateur, et à assurer le financement de ses missions dans le cadre de son contrat d'objectif et de performance 2021-2025. Le plafond d'emplois de l'Office a été relevé de 84 ETP .

Le rapporteur spécial salue la préservation des moyens de l'OFB. La politique en faveur de la biodiversité n'est pas une politique mineure au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Elle présente des enjeux structurants, au même titre que la lutte contre le changement climatique .

Le 14 novembre 2022, la Première Ministre a annoncé un « renforcement » de 100 millions d'euros des moyens des agences de l'eau, pour améliorer la performance des réseaux d'irrigation. Or, il ne s'agit pas d'une véritable enveloppe complémentaire, mais d'une « autorisation » des agences à prélever sur leur trésorerie. En conséquence, cette présentation est trompeuse, alors que dans le contexte des sécheresses qui sont vouées à devenir de plus en plus fréquentes, la gestion de l'eau doit faire l'objet d'une véritable réflexion sur son financement .

III. LE PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES » CONTINUE SA MONTÉE EN CHARGE

A. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PRÉVENTION DES RISQUES SONT STABLES

Les crédits inscrits sur le programme 181 pour la prévention des risques naturels et technologiques sont quasiment stables entre 2022 et 2023 . Le déploiement des plans de prévention des risques naturels (PPRN) se poursuit : selon les dernières données disponibles, 15 077 communes sont désormais couvertes par un PPRN, tandis qu'elles étaient moins de 14 000 en 2021.

Après un abondement exceptionnel du fonds « Barnier » à la suite des inondations d'octobre 2020 dans les Alpes- Maritimes, le niveau des crédits attribués au fonds revient au niveau antérieur de 200 millions d'euros .

Le plafond d'emplois autorisé de l'ASN pour 2023 est de 457 ETPT, contre 445 ETPT en LFI pour 2022 . Hors transferts, l'ASN a obtenu la création de 6 ETPT pour 2023 . L'ASN a fait part, à plusieurs reprises, de ses besoins accrus en matière de moyens humains et financiers. En effet, l'ASN fait face à une charge plus lourde, compte tenu du renforcement de la sûreté du parc nucléaire français et du vieillissement des centrales nucléaires. L'année 2022 a été également marquée par le phénomène de la corrosion sous contrainte (CSC), qui a été identifiée sur le parc nucléaire français en octobre 2021.

Les crédits ouverts sur le programme 181 ne permettent pas d'avoir une vue d'ensemble de la politique de la prévention des risques . En effet, des financements sont également inscrits sur le programme 181 pour la lutte contre le recul du trait de côte, la prévention des inondations, des incendies, des cyclones et des risques émergents de montagne. La prise en compte de ces nouveaux risques, qui ne sont pas toujours couverts par le fonds Barnier, doit être saluée, mais leur inscription sur le programme 380 plutôt que sur le programme 181 interroge .

B. L'ADEME VOIT SES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS RENFORCÉS DANS LE CADRE DE L'EXTENSION DE SES MISSIONS (M. JEAN-FRANÇOIS HUSSON, RAPPORTEUR GÉNÉRAL 1 ( * ) )

Une subvention de 700,0 millions d'euros en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2023 , soit une augmentation de 101,7 millions d'euros par rapport à la dotation proposée en 2022. Le plan de relance et la désignation de l'ADEME comme opérateur de France 2023 a en effet conduit à un élargissement important de ses missions de l'ADEME mesures du plan de relance ont conduit à une augmentation très significative des budgets incitatifs de l'ADEME, et la désignation de l'ADEME comme opérateur de France 2030 a conduit à un élargissement de ses missions.

En conséquence, le plafond d'emploi de l'ADEME sera relevé de 90 ETP en 2023, dont 65 ETP relèvent de France 2030. Le rehaussement du plafond d'emploi était nécessaire, dans la mesure où en 2022, l'ADEME avait été contrainte de recruter des intérimaires pour faire face à l'élargissement de ses missions.

IV. LE PROGRAMME 380 : UN RECYCLAGE DES CRÉDITS DU PLAN DE RELANCE

Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » est un nouveau programme de la mission Écologie, développement et mobilité durables, inscrit dans le projet de loi de finances pour 2023. Il est doté de 1,5 milliard d'euros en AE et 375 millions d'euros en CP, complétés à l'Assemblée nationale par une enveloppe de 500 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP .

La répartition des crédits au sein des trois actions du programme n'est pas détaillée dans les documents budgétaires . La justification qui a été donnée au rapporteur spécial est que préciser la répartition des financements aurait pour conséquence de limiter le choix des collectivités territoriales dans les politiques menées. Toutefois, le financement de nombreuses politiques du fonds a été détaillé après coup dans la presse ou en audition devant le Parlement.

Il s'agit d'une première indication que la gestion du fonds vert ne sera en réalité pas entièrement « à la main » des collectivités territoriales. À ce stade, la mise en oeuvre des politiques menées dans le cadre du fonds vert ne semble pas différente de celle qu'elle était dans le cadre du plan de relance ou d'autres programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En effet, de nombreuses politiques menées dans le cadre du programme 380 sont des continuations des dispositifs du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Le fonds friches est directement tiré du plan de relance, tout comme les crédits consacrés à la rénovation thermique des bâtiments, les politiques de soutien au tri à la source et à la valorisation des bio-déchets, la prévention des risques et l'appui aux politiques de la biodiversité.

Le rapporteur spécial ne conteste pas l'utilité de pérenniser certaines mesures du plan de relance, dont certaines comme le fonds friches ont fait leurs preuves. Toutefois, il souligne que présenter ces crédits comme nouveaux et gérés de manière entièrement décentralisée est trompeur . La création du « fonds vert » semble davantage relever de l'effet d'annonce que de la volonté de mettre en place une nouvelle méthode de politiques publiques .

L'amendement n° 3106 du Gouvernement, considéré comme adopté par l'Assemblée, a abondé le fonds vert de 500 millions d'euros en AE supplémentaires. Cette mesure est présentée comme une « compensation » du projet de suppression de la CVAE, ce qui est très critiquable : elle revient en réalité à priver les collectivités du libre emploi d'une ressource fiscale qu'elles auraient dû percevoir, dans la mesure où la gestion du vert ne sera pas entièrement décentralisée .

V. LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET LA MISE EN oeUVRE DU BOUCLIER TARIFAIRE ONT BOULEVERSÉ LE MÉCANISME DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE ET LE PROGRAMME 345 QUI MANQUE SINGULIÈREMENT DE LISIBILITÉ AU DÉTRIMENT DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE

A. SES HABITUELLES DÉPENSES DE COMPENSATIONS DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE SE SONT MUÉES, POUR L'ÉTAT, EN PRÈS DE 40 MILLIARDS D'EUROS DE RECETTES EXCEPTIONNELLES

La flambée inédite des prix de l'énergie a bouleversé l'équilibre des compensations des charges de service public de l'énergie (CSPE). En raison de l'augmentation considérable des prix de l'électricité sur les marchés de gros européens, les mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) se sont mués en dispositif de prélèvement automatique des revenus exceptionnels des producteurs . Dit autrement, les compensations habituellement versées par l'État aux opérateurs se sont muées en recettes exceptionnelles . Ce phénomène, déjà annoncé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en octobre 2021, s'est révélé dans toute son ampleur dans les deux délibérations qu'elle a rendues exceptionnellement en 2022. Certains postes de charges demeurant positifs, comme par exemple la péréquation au profit des zones non interconnectées (ZNI), le solde des CSPE en 2023 devrait être négatif à hauteur de 35,7 milliards d'euros en 2023. Toutefois, d'après la CRE ce sont bien 38,9 milliards d'euros de recettes exceptionnelles que l'État pourrait percevoir en 2023 .

Recettes exceptionnelles attendues par l'État en 2023 au titre des CSPE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Le soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale, habituellement l'action la plus dotée du programme (entre 5 et 6 milliards d'euros depuis 2019) ne se voit allouer aucun crédit en 2023 dans la mesure où la hausse inédite des prix de l'électricité conduit les producteurs à être au contraire redevables de sommes considérables à l'État, à hauteur de 37 milliards d'euros. La production d'électricité éolienne terrestre contribuerait à elle seule à hauteur de 65 %, soit plus de 24 milliards d'euros, de ces recettes exceptionnelles.

Pour tenir compte de la réévaluation des charges de service public de l'énergie réalisée par la CRE en novembre 2022, le rapporteur spécial propose un amendement de diminution de crédits de 253,6 millions d'euros portant sur les mécanismes de soutien à la production de biométhane ainsi qu'à la cogénération.

Les charges prévisionnelles pour 2023 au titre des ZNI , restent en revanche nettement positives et elles sont même en augmentation de 15 % pour s'établir à 2,5 milliards d'euros . Cette évolution s'explique par le développement de nouvelles installations renouvelables sur ces territoires mais également par la hausse des surcoûts de la production réalisée à partir d'énergie fossile en raison de la hausse très sensible des prix des combustibles ainsi que de celui de la tonne de CO 2 . En effet, une part importante de l'électricité produite en ZNI reste dépendante de source d'énergies fossiles .

B. UN MANQUE DE LISIBILITÉ MANIFESTE DE LA PRÉSENTATION DES CRÉDITS RELATIFS AU BOUCLIER TARIFAIRE QUI AFFAIBLIT L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE

Pour soutenir certains consommateurs, des « boucliers tarifaires » sur le gaz et l'électricité ont été adoptés en loi de finances initiale pour 2022. L'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 a prévu que l'État compense le coût de ces mesures aux fournisseurs de gaz et d'électricité via le système des charges de service public de l'énergie (CSPE). Pour suivre ces compensations, une nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » a été ajoutée à la maquette du programme 345. L'évaluation prévisionnelle des compensations dues au titre des boucliers pour 2023 est de 20 milliards d'euros pour le gaz et de 25 milliards d'euros pour l'électricité . En outre, 2 milliards d'euros devraient être dus aux fournisseurs en 2023 au titre du bouclier sur l'électricité de 2022 . Le niveau prévisionnel des compensations dues par l'État en 2023 au titre des dispositifs de boucliers atteint ainsi environ 47 milliards d'euros .

Montant prévisionnel de compensations financières dues aux fournisseurs en 2023 au titre des mécanismes de boucliers tarifaires

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Du fait du mécanisme de gestion des charges de service public de l'énergie, les recettes exceptionnelles dues par les producteurs d'EnR, qui transitent par les fournisseurs, au premier rang desquels EDF et sa filiale EDF obligation d'achat, viennent elle-même couvrir en partie les compensations dues par l'État aux fournisseurs. Ces phénomènes de compensation expliquent que seul un coût prévisionnel net de 9 milliards d'euros ait été inscrit en crédits budgétaires sur l'action 17 plutôt que le coût prévisionnel brut réel de 47 milliards d'euros.

Détermination des montants inscrits en crédits à l'action 17 du programme 345

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les informations portées sur le projet annuel de performance pour décrire les modalités de calcul des montants de crédits inscrits à l'action 17 manquent très singulièrement de clarté et ne permettent pas d'éclairer suffisamment le législateur . La portée de l'autorisation parlementaire s'en trouve affectée , ce qui est regrettable s'agissant de dispositifs si majeurs et qui portent de tels enjeux financiers.

VI. LE PROGRAMME 174 : UNE EXÉCUTION 2022 BOULEVERSÉE ET DES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES QUI CONDUISENT À SUBVENTIONNER LES INDUSTRIES DE NOS RIVAUX ÉCONOMIQUES

Au cours de la gestion 2022 les crédits du programme 174 ont été bouleversés par différentes mesures prises notamment pour répondre aux conséquences de la crise de l'énergie. La première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert des crédits pour 5,7 milliards d'euros en AE et 5,3 milliards d'euros en CP. Nettement supérieures au total des crédits inscrits en loi de finances initiale, ces ouvertures ont servi à financer la prolongation de la remise sur les carburants, une majoration des crédits du dispositif MaprimRénov, une augmentation des crédits consacrés au bonus écologique ou encore une aide exceptionnelle pour le fioul domestique. Pour l'exercice 2022, les crédits disponibles sur le programme 174 atteignent ainsi des niveaux exceptionnels .

Évolution des AE du programme 174 en cours de gestion 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le dispositif de chèque énergie a lui aussi été transformé par la crise . Il a été utilisé comme un levier pour atténuer le choc de la crise des prix sur les ménages les plus fragiles. Ainsi, un chèque exceptionnel de 100 euros a-t-il été versé à la fin de l'année 2021 pour un coût de 600 millions d'euros. Au total, au titre de la campagne 2021 , le coût du chèque énergie a ainsi dépassé 1,4 milliard d'euros . En outre, la première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 230 millions d'euros pour une aide en faveur des consommateurs de fioul domestique. Elle prend la forme d'un chèque énergie exceptionnel. Par ailleurs, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 actuellement en discussion prévoit d'ouvrir de nouveaux crédits pour attribuer un chèque énergie exceptionnel et élargi pour un coût de 1,8 milliard d'euros . Cette mesure exceptionnelle doit viser 12 millions de ménages. Pour la campagne 2022 , le coût total du dispositif de chèque énergie devrait ainsi avoisiner les 2,9 milliards d'euros . En 2023 , les crédits dévolus au dispositif du chèque énergie sont prévus à hauteur de 899 millions d'euros en AE et 795 millions d'euros en CP .

En 2023, le dispositif MaPrimeRénov' est prévu pour être doté de 2,45 milliards d'euros en AE, et 2,3 milliards d'euros en CP . Malgré le nombre élevé de demandes, le bilan de la prime de transition énergétique est décevant. D'après un rapport de la Cour des comptes publié en mars 2022, seuls 2 100 logements en 2021 sont sortis du statut de « passoire thermique » (étiquette « F » et « G »), sur un objectif de 80 000. À l'heure actuelle, le dispositif ne favorise pas suffisamment les rénovations globales et multi-gestes. Il doit également faire l'objet d'un meilleur suivi. Pour cette raison, le rapporteur spécial présente un amendement visant à créer un nouvel indicateur de performance.

Plus de 80 % des véhicules électriques achetés en France sont importés . Au cours des neufs premiers mois de l'année 2022, les bonus écologiques alloués pour l'achat de véhicules produits en France ne représentent qu'à peine un cinquième du total . Alors que la Chine domine plus de 50 % de la chaîne de valeur des voitures électriques et que la France et l'Europe ont accumulé un retard conséquent en la matière, les aides à l'acquisition de véhicules propres conduisent actuellement principalement à subventionner des industries étrangères . Cette tendance risque de s'amplifier dans les années à venir avec la menace d'une arrivée massive sur le marché européen de véhicules électriques à bas coûts vendus par des constructeurs chinois. Alors que les États-Unis viennent de mettre en place un dispositif de protection très robuste , l'Europe ne dispose toujours pas d'un mécanisme efficace garantissant a minima que le principe de réciprocité soit respecté par ses principaux concurrents. Des concurrents économiques qui peuvent par ailleurs également être des rivaux géopolitiques. Si une filière souveraine française et européenne semble en voie de construction, il lui faudra du temps pour rattraper son retard et être compétitive. En attendant son émergence et la mise en oeuvre d'une véritable préférence européenne, il convient de contenir les aides à l'acquisition de véhicules propres en les ciblant sur les plus modestes.

Pour ces raisons, le rapporteur spécial présente un amendement de diminution des crédits de 500 millions d'euros qui vise d'une part les dépenses allouées au dispositif de « leasing social » et, d'autre part, ceux dédiés au bonus et à la prime à la conversion. En l'état actuel, ces crédits publics reviendraient largement à subventionner des producteurs et industries étrangères qui ne respectent pas toujours, loin de là, le principe de réciprocité.

VII. LE RAPPORTEUR SPÉCIAL POURSUIT SES TRAVAUX DE CONTRÔLE SUR UN SUJET SENSIBLE ET D'ACTUALITÉ : L'INDEMNISATION DU RISQUE RETRAIT - GONFLEMENT DES ARGILES

En 2022, le rapporteur spécial a entamé une mission de contrôle sur le risque retrait-gonflement des argiles (RGA), en pleine recrudescence du fait des dérèglements climatiques , d'une sensibilité exacerbée du fait de ses conséquences humaines et dont les conditions d'indemnisation, qui à ce jour ne satisfont personne , sont fortement remises en cause. Du fait de ses caractéristiques particulières et de sa cinétique longue, son appartenance actuelle au régime d'indemnisation des catastrophes naturelles est questionnée . Le système actuel n'est clairement pas satisfaisant , notamment s'agissant de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle mais aussi des expertises d'assurance qui conduisent à un taux très significatif de dossiers rejetés. Le rapporteur spécial présentera ses conclusions en 2023.

Réunie le mercredi 16 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par ses amendements, de même que l'adoption d'un amendement modifiant les indicateurs de performance mentionnés à l'état G. Elle a proposé d'adopter, sans modification, les articles 42 bis , 42 ter et 42 quater , ainsi que les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

Au 10 octobre 2022, date limite fixée par la LOLF, 77 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues au rapporteur spécial .

PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

I. TOUS LES PROGRAMMES DE LA MISSION (HORS TRANSPORTS) CONNAISSENT UNE AUGMENTATION DE LEURS CRÉDITS PAR RAPPORT À LA LFI 2022 ; LES CREDITS DE LA MISSION OUVERTS POUR 2023 SONT CEPENDANT INFERIEURS AU RÉALISÉ 2022

1. Une augmentation des crédits en 2023 portée principalement par les programmes 174, 345 et 380

Le projet de loi de finances pour 2023 propose, pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables », 28,49 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 27,39 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) , contre 21,62 milliards d'euros en AE et 21,30 milliards d'euros en CP en 2022. Les montants augmentent de 31,8 % en AE et 28,6 % en CP.

Le présent rapport porte sur les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors dépenses relatives aux transports, à l'information géographique et à la météorologie 2 ( * ) , soit 79,2 % des CP de la mission en 2023. Ce périmètre recoupe :

- le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », qui soutient les actions destinées à mettre en oeuvre la politique de l'eau et à préserver la biodiversité ;

- le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » , qui rassemble les ressources consacrées au pilotage de la politique énergétique, à la gestion économique et sociale de l'après-mines, à la lutte contre le changement climatique et la pollution de l'air, à l'accompagnement de la transition énergétique ( chèque énergie, prime de rénovation énergétique , aides à l'acquisition de véhicules propres ) ;

- le programme 181 « Prévention des risques » , qui regroupe les crédits employés dans la lutte contre les risques naturels, technologiques et hydrauliques, ainsi que les moyens alloués à l'ADEME, au renforcement de la sûreté nucléaire, et depuis l'année dernière, au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds « Barnier ») ;

- le programme 345 « Service public de l'énergie » , qui regroupe les charges de service public de l'énergie, auparavant inscrites sur le CAS « Transition énergétique » ;

- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » , programme support de la mission, qui assure le fonctionnement général des services et porte la masse salariale du ministère de la transition écologique et depuis 2018, du ministère de la cohésion des territoires ainsi que du secrétariat d'État chargé de la mer ;

- le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », inscrit pour la première fois en projet de loi de finances, qui vise à financer des politiques en lien avec la transition écologique menée par les collectivités territoriales.

Enfin, le champ de l'analyse porte également sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACE) ».

Le projet de loi de finances pour 2023 propose, pour les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » examinés par le rapporteur spécial, une augmentation des AE de 41,4 % et des CP de 36,5 % à périmètre courant par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

21,7 milliards d'euros sont en effet demandés en 2023 en CP et 23,0 milliards d'euros en AE , contre respectivement 15,9 milliards d'euros de CP et 16,3 milliards d'euros d'AE en 2022.

Programmes

LFI 2022

PLF pour 2023

Évolution PLF 2023/ LFI 2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

113 - Paysages, eau et biodiversité

244,1

244,1

274,5

274,5

+ 12,5 %

+ 12,5 %

174 - Énergie, climat et après-mines

3620,2

3197,3

5089,7

4860,6

+ 40,6 %

+ 52,0 %

181 - Prévention des risques

1 065,6

1 072,2

1 141,5

1 143,2

+ 7,2 %

+ 6,6 %

217 - Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables

2 874,2

2 916,8

3 004,5

3 021,6

+ 4,5 %

+ 3,6 %

345 - Service public de l'énergie

8 449,3

8 449,3

12 000,0

12 000,0

+ 42,0 %

+ 42,0 %

380 - Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires

-

-

1 500,0

375,0

-

-

Total

16 253,4

15 879,7

22 981,2

21 674,9

+ 41,4 %

+ 36,5 %

Les programmes 113, 174, 181, 317, et 345 n'ont fait l'objet d'aucune mesure de périmètre dans le projet de loi de finances pour 2023. À périmètre constant, et hors programme 380, le budget des programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » examinés par le rapporteur spécial s'élève à 21,5 milliards d'euros en AE et 21,3 milliards d'euros en CP.

Évolution des crédits à périmètre constant (hors programme 380)
entre la LFI 2022 et le PLF 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses du ministère de la transition écologique au questionnaire du rapporteur spécial

Corrigée de l'inflation, la variation des crédits est de 26,5 % en AE et de 28,4 % en CP.

La forte augmentation des AE et des CP de la mission (hors transports) s'explique essentiellement par trois facteurs :

- la création du programme 380, doté de 1,5 milliard d'euros en AE 3 ( * ) et 375 millions d'euros en CP ;

- la progression de 3,55 milliards d'euros des crédits du programme 345, pour atteindre 12 milliards d'euros. Ces crédits supplémentaires sont destinés au financement des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs (« boucliers tarifaires ») ;

- le montant inscrit sur le programme 174 est en hausse de 1,66 milliard d'euros en raison des moyens supplémentaires accordés au dispositif « Ma Prime Renov' », et au renforcement de la prime à la conversion et des dotations allouées au bonus automobile.

Les autres programmes examinés par le rapporteur spécial voient également leurs crédits augmenter en 2023 :

- le programme 113 gagne 30,4 millions d'euros en CP par rapport à 2022, qui s'explique principalement par la hausse de la subvention à l'Office français de la biodiversité ;

- le programme 217 connaît une augmentation de 104,8 millions d'euros, qui découle en partie des mesures de revalorisation salariale ;

- les crédits inscrits sur le programme 181 progressent de 71 millions d'euros, qui correspondent presque intégralement à la hausse de la subvention à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Le dynamisme des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » montre que la mission reste encore le principal vecteur des politiques de transition énergétique et écologique.

À cet égard, la multiplication récente des dispositifs de concertation et de planification sur l'écologie et l'énergie interroge . Le 20 octobre 2022, le Gouvernement a annoncé le lancement d'une concertation nationale sur le mix énergétique. En parallèle, la Commission nationale du débat public mène un débat sur la relance du nucléaire, qui fait suite à onze débats publics sur la question du nucléaire ayant eu lieu depuis 2004. Le volet « climat et biodiversité » du Conseil national de la refondation a été présenté le vendredi 21 octobre. Il a donné le coup d'envoi du programme de planification écologique « France nation verte », qui doit également laisser une place importante à la concertation.

Enfin, le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a fait l'objet d'ouverture de crédits sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, il n'y aurait pas de superposition des fonctions entre le SGPE et le Commissariat général au développement durable (CGDD). Le CGDD reste chargé du suivi pour le MTE de l'élaboration et du suivi de la stratégie de développement durable, tandis que le SGPE a une vocation de coordination interministérielle.

Pour autant, l'inflation des structures de concertation et de planification nuit à la lisibilité de la stratégie de transition écologique et énergétique . Il est bien entendu nécessaire de faire participer les citoyens à ces politiques, mais dans le même temps, il convient de limiter le développement des structures ad hoc .

2. Des ouvertures de crédits exceptionnelles en cours de gestion 2022

La mise en oeuvre de mesures exceptionnelles destinées à protéger certains de nos concitoyens des conséquences de la crise des prix de l'énergie a conduit à ouvrir, en cours de gestion, des crédits pour une ampleur inédite sur la mission .

Ainsi, le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance a ouvert 2 990 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 345 « Service public de l'énergie » afin de financer la première phase de la remise sur le carburant introduite à partir du mois d'avril.

Ensuite la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a ouvert 6,4 milliards d'euros en AE et 6,0 milliards d'euros en CP sur le périmètre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » couvert par le présent rapport.

Les principaux programmes concernés sont le programme 174 (5,7 milliards d'euros en AE et 5,3 milliards d'euros en CP) et, dans une moindre mesure le programme 345 (700 millions d'euros en AE et en CP).

Avec le premier PLFR pour 2022 , les crédits disponibles sur le programme 174 ont des niveaux exceptionnels de 9,4 milliards d'euros en AE et de 8,7 milliards d'euros en CP .

Dans le second 2PLFR pour 2022, après première lecture par l'Assemblée nationale, 2,27 milliards en AE et 1,76 milliards en CP ont été ouverts sur les programmes examinés dans ce rapport . La quasi-intégralité des crédits a été ouverte sur le programme 217, le portant à 11,4 milliards d'euros en AE et 10,2 milliards d'euros en CP . Le descriptif des mesures concernées est présenté infra dans les développements consacrés à ces deux programmes.

Évolution des crédits à périmètre constant (hors programme 380)
entre 2022 et le PLF 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

II. LES EFFECTIFS DE LA MISSION SONT À NOUVEAU STABILISÉS EN 2023

1. Les effectifs du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires sont pratiquement stabilisés, tandis que ceux des opérateurs sont en augmentation

Les dépenses « support » du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT), du ministère de la transition énergétique et du secrétariat d'État chargé de la mer sont retracées dans le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la présente mission.

Les effectifs de ces trois ministères sont portés en quasi-totalité sur le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie et de la mobilité durables », à l'exception des effectifs de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), portés par le programme 181 « Prévention des risques ».

En 2023, le plafond d'emplois de la mission s'élèverait à 35 619 ETPT, contre 35 669 ETPT en LFI pour 2022. Le schéma d'emploi du programme 217 est nul en 2023, alors qu'il est prévu une diminution de 211 ETPT en 2022, et que le schéma d'emplois était de - 745 ETPT en 2021. L'ASN a obtenu la création de 6 ETPT pour 2023.

Évolution du nombre d'ETPT sous plafond des MTE/MCTRCT
et ministère de la mer

Source : commission des finances du Sénat

Concernant le seul programme 217, le plafond d'emplois demandé s'élève à 35 162 ETPT, contre 35 224 ETPT en LFI 2022 .

Il n'est prévu aucune suppression ni création d'emplois sur le programme 217 en 2023. La différence entre le plafond d'emplois en LFI pour 2022 et le plafond d'emplois demandé pour 2023 s'explique par des mesures de transferts, et les effets en année pleine du schéma d'emplois 2022, et en année courante du schéma d'emplois 2023.

Solde du schéma d'emplois du programme 217

2021

2022 4 ( * )

2023

Cat. A

- 32

+ 38

0

Cat. B

- 414

- 39

0

Cat. C

- 299

- 210

0

Total

- 745

- 211

0

Note : les chiffres en 2022 sont les prévisions au 1 er juillet 2022.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

D'après les informations communiquées par le ministère de la transition écologique, les prévisions de départ à la retraite s'établissent à 1 333 ETPT.

Le programme 217 bénéficie de 3 021,6 millions d'euros en CP pour 2023, contre 2 916,8 millions d'euros en 2022, ce qui représente une augmentation de 3,6 %.

Sur les 104,8 millions d'euros de CP supplémentaires, 96,5 millions d'euros relèvent du titre 2. L'impact de la revalorisation du point d'indice de 3,5 % le 1 er juillet 2022 s'élève à 71,8 millions d'euros , et les mesures de périmètre et de transfert s'établissent à 1,24 millions d'euros. En outre, les personnels relevant du programme 217 bénéficieront en 2023 d'une enveloppe catégorielle commune fixée à 8 millions d'euros , qui est notamment destinée à financer la revalorisation des régimes indemnitaires des personnels ministériels.

Le montant inscrit en PLF inclut une enveloppe de 18,8 millions d'euros qui devait être reconduite jusqu'en 2027 afin de permettre le versement de la deuxième part des indemnités de sujétions spéciales de 2020 dans le cadre de la bascule des corps techniques au régime indemnitaire commun des fonctionnaires d'État.

Toutefois, le second PLFR pour 2022 a prévu une ouverture de crédits pour l'intégralité de somme à couvrir. En effet, le Gouvernement a pris la décision de procéder au paiement du solde en fin de gestion en raison de l'inflation. En conséquence, l'amendement de crédits n° 3106, adopté à l'Assemblée nationale, retranche de 18,8 millions d'euros du projet de loi de finances rectificative.

Les opérateurs de la mission continuent de voir leurs effectifs augmenter . Le plafond d'emploi des opérateurs de la mission (hors transports) s'élève à 7 068 ETPT contre 6 890 ETPT en 2022. Parmi les ETPT supplémentaires, 69 proviennent du transfert des personnels des laboratoires d'hydrobiologie du programme 217 vers l'office français de la biodiversité.

Plafond des ETPT des opérateurs de la mission
Écologie, développement et mobilités durables (hors transports)

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Programme 113

5 351

5 258

5 180

5 145

5 086

5 131

5 216

Agences de l'eau

1 668

1 620

1 576

1 536

1 497

1 497

1 497

OFB (ex AFB + ONCFS)

1 513

1 471

1 443

2 659

2 638

2 643

2 727

1 227

1 227

1 216

CERL

140

140

140

140

140

140

140

Parcs nationaux

795

792

797

802

803

843

843

EPMP

8

8

8

8

8

8

9

Programme 174

475

465

455

438

424

398

399

ANGDM

145

141

137

131

125

122

118

ANDRA

314

308

302

291

283

260

265

CITEPA

16

16

16

16

16

16

16

Programme 181

1 443

1 416

1 389

1 356

1 352

1 361

1 453

INERIS

533

522

511

498

485

485

487

ADEME

910

894

878

858

867

876

966

Total

7 269

7 139

7 024

6 939

6 862

6 890

7 068

Plafond des ETPT des autorités administratives indépendantes rattachées à la mission Écologie, développement et mobilités durables (hors transports)

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Total programme 217

170

173

175

176

175

175

177

Commission nationale du débat public

9

10

10

10

9

9

11

Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

12

12

12

12

11

11

11

Commission de régulation de l'énergie

149

151

153

154

155

155

155

Autorité de sûreté nucléaire (programme 181)

422

427

432

440

444

445

457

Total

592

600

607

616

619

620

634

2. Hors dépenses de personnel, les crédits du programme support connaissent une augmentation significative en AE

Hors titre 2, le programme 217 assure le financement des activités « soutien » (systèmes d'information, fonctions juridiques et d'expertise, moyens de fonctionnement, actions à l'international, formation, action sociale, prévention des risques professionnels) nécessaires à la mise en oeuvre des politiques portées par la mission.

Le programme 217 hors titre 2 est doté de 221,6 millions d'euros en AE et de 238,7 millions d'euros en CP , ce qui représente une augmentation de 35,15 millions d'euros en AE et 9,72 millions d'euros en CP par rapport à 2022.

La hausse est essentiellement le fait de la sous-action 3 ( cf. infra ). Cependant, la sous-action 4 qui finance le fonctionnement des infrastructures informatiques et les systèmes d'information des activités support voit ses CP stabilisés, et connaît une augmentation de 4 millions d'euros en AE, qui sont prévus pour être investis dans le service d'hébergement applicatif.

La sous-action 3, portant les dépenses d'immobilier de l'administration centrale, du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) au sein du MTE, du MCTRCT et du ministère de la mer, voit ses AE augmenter de 25 millions d'euros entre 2022 et 2023. La hausse des AE provient essentiellement les postes « Énergie et fluides » et « Autres dépenses », comme l'indique le tableau suivant. Les « autres dépenses » concernent le renouvellement de marché étant arrivés à termes.

Postes de dépenses de la sous-action
« dépenses d'immobilier de l'administration centrale »

(en millions d'euros)

Poste de dépenses

LFI 2022

PLF 2023

AE

CP

AE

CP

Loyers marchands (parc loué)

19,6

55,9

19,0

56,8

Entretien courant

1,2

1,2

1,6

1,6

Entretien lourd

3,4

3,4

3,8

4,0

Investissement - rénovation

2,8

2,8

3,2

3,2

Énergie et fluides

1,3

2,6

14,2

4,2

Autres dépenses

7,3

12,3

17,5

12,5

Total

35,6

78,1

59,3

82,3

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Il est prévu que 38,8 millions d'euros en AE soient ouverts en 2024 sur le programme 217 pour financer la réfection de la façade de la tour Séquoia.

Il faut également relever que les ministères de la Transition écologique et de la cohésion des territoires présenteront conjointement avec la direction de l'immobilier de l'État le plan stratégique pour la transition environnementale de l'immobilier l'État lors de la séance du Conseil de l'immobilier de l'État du 17 novembre 2022.

Le Crédit-Bail Immobilier de la tour Séquoia

Dans le cadre de l'opération immobilière dite « Arche-esplanade », le ministère a cherché à réduire ses implantations immobilières et les contrats de location. Les services du secrétariat général et des diverses directions générales, initialement logés dans cinq immeubles ont été regroupés dans deux immeubles de grande hauteur, la paroi sud de l'Arche (et ses accessoires) et la tour Séquoia.

Concernant la tour Séquoia, le 31 décembre 2012, l'État a pris à bail locatif la tour Séquoia, puis a cherché les moyens de l'acquérir sans avoir à débourser en une seule fois le coût de l'acquisition. C'est pourquoi, en lien avec la direction de l'immobilier de l'État (DIE), la solution du crédit-bail immobilier a été retenue. À l'issue de la consultation menée pour recruter le partenaire de cette opération, le groupement constitué de la Banque Postale Crédit Entreprises et de la Deutsche PFANDBRIEFBANK AG a été retenu avec une créance partagée à part égale à hauteur de 50 %.

La tour a été acquise par ce groupement le 30 juin 2015, en lien avec l'État futur acquéreur, pour 440 564 201 euros, accompagné d'un reversement de TVA de 9 732 452 euros. Le même jour, un crédit-bail immobilier a été signé entre l'État et son partenaire financier ; l'État devenant crédit preneur avec la quasi-totalité des droits et obligations du propriétaire, le crédit bailleur ayant uniquement comme rôle d'assurer le financement de l'investissement. Le montant de l'investissement couvert par le crédit-bail est de 450 296 653 euros, montant auquel il faut ajouter 28 829 349 euros de frais d'acquisition et 650 000 euros de frais de dossier. Le montant total à rembourser est donc de 479,776 millions d'euros.

Le crédit-bail, qui doit se terminer le 31 janvier 2033, a été conclu avec un taux de crédit de 1,23 %, accompagné de marge de crédit et de marge de swap de 0,65 %, soit un taux margé de 1,88 %. Il prévoit un taux de progressivité annuelle du montant des loyers de 1,5 % par an. À ce titre, le loyer pour 2022 (de novembre à novembre) est de 31,840 euros. En tenant compte de l'intérêt, des frais de gestion et des frais d'assurance, le montant total du loyer s'élève à 572 483 349,69 euros. En ne tenant pas compte de l'échéance de la fin du présent mois, il reste donc 349 115 341,92 euros à régler (intérêt, frais de gestion, frais d'assurance compris).

Le bail prévoit, en son article A12, un prix de cession à son expiration de 1 euro. Il prévoit également une levée par anticipation de l'option d'achat après une période de location de 5 ans. Dans ce cadre, la valeur d'achat correspondrait à la somme du montant de l'investissement non encore amorti, des éventuels coûts de débouclage du taux fixe et de 0,3 % du montant non amorti multiplié par la durée résiduelle du crédit-bail. Il prévoit enfin que si l'État ne lève pas l'option d'achat, l'immeuble revient de droit au crédit bailleur. Par ailleurs, le crédit preneur peut demander la résiliation du crédit-bail après une période de cinq ans, mais contre paiement d'une indemnité similaire à celle de la levée anticipée de l'option d'achat.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE
LE FINANCEMENT DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES

I. LA POLITIQUE DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ : UN NOUVEAU RENFORCEMENT DES MOYENS EN 2023

A. UNE AUGMENTATION DE 30,4 MILLIONS D'EUROS DES CRÉDITS DU PROGRAMME 113 « PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ »

Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » met en oeuvre :

- la politique de l'eau , qui prend appui sur les dispositifs de la directive cadre eau (DCE) du 23 octobre 2000 et fixe des objectifs de protection et de restauration de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques ;

- la politique relative au littoral et au milieu marin , principalement par la mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) du 17 juin 2008 qui vise à réaliser ou maintenir un bon état écologique des eaux marines ;

- la politique relative à la biodiversité , qui vise à une meilleure connaissance de la biodiversité, la protection des espèces animales, la protection des espaces naturels, via les aires protégées (parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles nationales, régionales, Natura 2000), la trame verte et bleue, etc .

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit pour le programme une dotation de 274,49 millions d'euros en AE et de 274,51 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 30,4 millions d'euros en AE et en CP par rapport à 2022, ce qui représente une hausse de 12,5 %.

Cette augmentation résulte pour l'essentiel de la progression de l'action 07 « Gestion des milieux et biodiversité », qui gagne 25,4 millions d'euros en AE et 26,5 millions d'euros en CP. L'action comprend désormais 94,2 % des crédits du programme.

L'action 02, « Logistique, formation et contentieux », voit ses crédits quasiment doubler pour atteindre 9,9 millions d'euros, tandis que l'action 01, « Sites, paysages, publicités », passe de 6,5 à 5,9 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits du programme 113 entre 2022 et 2022

(en millions d'euros)

Programme 113 - Paysages, eau et biodiversité

LFI 2022

PLF pour 2023

Évolution PLF 2023/ LFI 2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Sites, paysages, publicité

6,5

6,5

5,7

5,9

- 12,3 %

- 9,7 %

Action 02 - Logistique, formation et contentieux

5,4

5,4

11,2

9,9

+ 107,4 %

+ 84,3 %

Action 07 - Gestion des milieux et biodiversité

232,2

232,2

257,6

258,7

+ 11,0 %

+ 11,4 %

Total

244,1

244,1

274,5

274,5

+ 12,5 %

+ 12,5 %

Source : réponse de la DGALN au questionnaire du rapporteur spécial

Cette augmentation de moyens doit notamment permettre de répondre aux engagements présidentiels (à travers le renforcement de la politique interministérielle de la forêt) et mettre en oeuvre les plans et stratégies nationales et européennes dans le domaine de l'eau et la biodiversité.

Cette hausse des crédits financera les mesures suivantes :

- la subvention à l'Office français de la biodiversité (OFB) qui augmente de 25 millions d'euros ;

- 2,5 millions d'euros pour l'Office national des forêts (ONF), afin de renforcer la politique interministérielle de la forêt au service de la transition écologique via un accroissement conséquent des moyens dédiés aux Missions d'Intérêt Général (MIG) biodiversité. L'année dernière, 2,3 millions d'euros supplémentaires avaient été accordés à l'ONF pour les MIB biodiversité ;

- 2 millions d'euros sont consacrés au plan national espèces menacées, à la surveillance terrestre et au Conservatoire de botanique national ;

- 1,6 million d'euros sont fléchés dans la mise en oeuvre du programme LIFE, instrument financier européen de soutien aux projets dans les domaines de l'environnement et du climat.

Le programme 113 connaît également un transfert de crédits :

- 3,6 millions d'euros sont transférés dans le programme 113 depuis les programmes 354 et 217 dans le cadre du transfert des effectifs des laboratoires d'hydrobiologie des DREAL à l'OFB.

B. LA NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES : UN FINANCEMENT COMPLEXE, ET DES MOYENS QUI RESTENT EN DEÇA DES OBJECTIFS

Compte tenu des négociations internationales devant être menées à court et moyen terme, notre pays se doit de consacrer les moyens nécessaires à la protection de la biodiversité, enjeu jusqu'alors relégué au second plan derrière l'enjeu non moins important du réchauffement climatique .

Ainsi, le Président de la République a décidé d'accroître la part des espaces naturels protégés, avec un objectif de 30 % d'aires protégées , dont un tiers sous protection forte d'ici la fin de l'année 2022 (soit 10 %) . Ces objectifs sont au coeur de la nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées 2030, publiée en janvier 2021. Cet objectif implique la création de nouvelles aires protégées et le renforcement de la gestion des aires déjà existantes.

Une hausse des moyens humains des parcs nationaux a été engagée (+ 20 ETPT) en 2022. Pour la concrétiser, l'article 180 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », a permis d'augmenter le plafond de la contribution de l'OFB aux parcs nationaux, le faisant passer de 68,5 millions d'euros à 69,7 millions d'euros. Cette hausse finance à la fois l'augmentation des ETP de 2022 et celle de 2021, opérée en gestion.

Le plan de relance a également permis de renforcer les moyens à destination des aires protégées. L'une des actions du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » recouvre les activités en faveur de la reconquête de la biodiversité sur les territoires et de la lutte contre l'artificialisation des sols. Dans ce cadre, 60 millions d'euros d'AE ont été alloués à la réalisation d'opérations de restauration et d'infrastructures dans les aires protégées , dont 19 millions d'euros à destination de l'OF. 44,2 millions d'euros de CP ont été votés en 2021 et 2022 sur ce volet.

Les crédits restants du plan de relance sont prévus pour être consommés en 2023. Ils ont vocation à assurer le paiement des projets déjà engagés, comme la rénovation des refuges du parc national de Vanoise, ainsi que les aménagements pour l'accueil du public dans le parc amazonien de Guyane.

Le fonds pour l'accélération de la transition écologique des collectivités territoriales (programme 380) prend le relais des crédits du plan de relance. Il est prévu que 50 millions d'euros en AE soient fléchés pour la mise en oeuvre de la Stratégie nationale pour les aires protégées .

L'inscription de cette politique dans le programme 380 n'est pas d'ailleurs sans soulever plusieurs questions. La politique des aires protégées relève exactement du champ du programme 113, et les crédits correspondants auraient pu être inscrits sur celui-ci.

Lors la gestion du plan de relance, la frontière entre crédits réguliers et soutien ponctuel était déjà poreuse. La rénovation du patrimoine bâti des parcs nationaux accueillant du public peut être financée aussi bien par le plan de relance que par des crédits d'investissement versés depuis le programme 113. La direction de l'eau et de la biodiversité avait posé le principe d'une absence de cofinancement par le plan de relance et le programme 113 afin d'éviter le risque de double financement . Une méthode similaire devrait être retenue pour la gestion des crédits du programme 380 et du programme 113 .

Les crédits consacrés aux aires protégées sur le programme 113 restent stables en 2023 . Les crédits de paiement inscrits sur le présent projet de loi de finances sont de 7,65 millions d'euros pour les parcs naturels régionaux, et de 26,8 millions d'euros pour les réserves naturelles nationales.

Il faut toutefois mentionner l'impact de la revalorisation du point d'indice sur le budget des Parcs naturels régionaux (PNR). Le coût de la mesure est évalué à 5 millions d'euros pour la Fédération des Parcs naturels régionaux de France, alors que la subvention de l'État aux PNR est limitée (7,65 millions d'euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2023). Aucune compensation n'est aujourd'hui prévue pour aider les PNR à faire face à ces coûts .

À ce titre, le rapporteur spécial a pu constater, lors d'un rapport de contrôle sur le financement des aires protégées, les difficultés rencontrées par certaines structures gestionnaires d'aires protégées, compte tenu des moyens, en particulier humains, qui leur sont actuellement dévolus .

Les moyens actuels paraissent ainsi difficilement compatibles avec les objectifs de la stratégie nationale des aires protégées (SNAP). Or, le décalage entre les ambitions affichées et les moyens alloués apparaît problématique, d'autant plus lorsqu'il retentit sur la qualité de la protection. Plusieurs pistes d'évolution des modes de financement actuels ont été dégagées à l'occasion de ce rapport , dont les principales recommandations figurent dans l'encadré ci-dessous :

Recommandations du rapporteur spécial dans son rapport de contrôle
sur le financement des aires protégées

Axe 1 : Donner plus de visibilité aux structures gestionnaires d'aires protégées sur leurs financements

- Recommandation n° 1 : mettre en place des contrats d'objectifs et de performance pluriannuels permettant d'assurer une visibilité des engagements financiers de l'État et des opérateurs en faveur des aires protégées sur plusieurs années, afin que les structures gestionnaires appuient leur développement sur une programmation financière pluriannuelle sécurisée.

- Recommandation n° 2 : organiser régulièrement des conférences de financeurs, à l'échelle nationale mais également au niveau territorial, par exemple à l'échelon régional, afin de mieux mobiliser et articuler les financements locaux, nationaux et européens disponibles.

- Recommandation n° 3 : poursuivre la dynamique de mutualisations engagée, en particulier entre l'Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux qui lui sont rattachés, et en faire un des objectifs prioritaires de la nouvelle convention de rattachement, afin de rationaliser certains coûts.

Axe 2 : Optimiser les ressources existantes et mettre en place une fiscalité d'incitation à la protection de la biodiversité

- Recommandation n° 4 : isoler les recettes et dépenses liées aux espaces naturels sensibles au sein d'un budget annexe aux comptes des collectivités concernées, afin de valoriser leur action en faveur de la biodiversité et des espaces naturels.

- Recommandation n° 5 : modifier les critères d'éligibilité des communes couvertes par un site Natura 2000 à la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et augmenter en conséquence le montant de crédits alloués à la dotation afin de mieux compenser les contraintes financières liées à cet outil.

- Recommandation n° 6 : mettre en place une modalité d'appui aux gestionnaires d'aires protégées visant à leur permettre de faire face aux obligations d'avances de trésorerie liées au décalage entre la consommation et le versement des fonds européens, par exemple via la création d'un fonds dédié, afin de faciliter la mobilisation des fonds européens.

Axe 3 : Diversifier les ressources des structures gestionnaires d'aires protégées

- Recommandation n° 7 : engager un développement ciblé du mécénat afin de diversifier le financement des aires protégées, notamment via le mécénat de compétences et le mécénat en « nature » (dons en nature sans contrepartie).

- Recommandation n° 8 : mettre en place une contribution obligatoire au financement des aires protégées due par les organisateurs d'activités économiques au sein de ces espaces.

- Recommandation n° 9 : éviter la mise en place d'une nouvelle fiscalité affectée à la biodiversité, peu adaptée au contexte économique et risquant d'accroître la dépendance du financement des aires protégées à la poursuite d'atteintes à la nature.

Source : rapport d'information de Mme Christine Lavarde, fait au nom de la commission des finances n° 859 (2020-2021) - 29 septembre 2021

L'analyse des besoins des structures pour atteindre les objectifs fixés par la nouvelle stratégie est seulement en cours de réalisation : les pistes d'amélioration en matière budgétaire et fiscale passent avant tout par la réalisation d'un « diagnostic du financement des aires protégées ».

C. EN 2023, LES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ SONT PRESERVES

1. Les agences de l'eau : une stabilisation des effectifs entre 2022 et 2023

La loi de finances pour 2020 a transféré aux agences de l'eau le recouvrement des redevances cynégétiques, jusqu'alors perçues auprès des titulaires du permis de chasser par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) . Il s'agissait de diversifier les redevances des agences de l'eau et d'élargir ces ressources à des contributions dans le champ des atteintes à la biodiversité, dans la perspective de conforter le rôle des agences comme opérateurs principaux du financement des politiques de l'eau et de la biodiversité .

Pour tenir compte de ces nouvelles ressources, le plafond global des redevances perçues par les agences de l'eau a été augmenté en conséquence de 51,62 millions d'euros (qui correspondent au montant des redevances cynégétiques et du droit de timbre au titre de l'année 2019), passant ainsi de 2,105 à 2,157 milliards d'euros.

La loi de finances pour 2021 a intégré dans le plafond de redevances affectées aux agences de l'eau la part de redevances pour pollutions diffuses reversée à l'OFB , au titre du financement du volet national du programme « Ecophyto » (montant plafonné à 41 millions d'euros par an par le V de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement). Le plafond de redevances affectées atteint ainsi 2,197 milliards d'euros , et reste maintenu au même niveau en 2023 .

Les 11 èmes programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau 2019-2024, adoptés à l'automne 2018, ont fait l'objet d'une révision de leurs dépenses par un arrêté du 24 juin 2022. Le plafond pluriannuel des autorisations d'engagement des agences de l'eau sur les cinq ans est désormais fixé à 12,595 milliards d'euros, hors contributions aux autres opérateurs de l'eau et de la biodiversité, et hors plan de relance. Cette révision intègre 100 millions d'euros dont ont bénéficié les agences de l'eau dans le cadre du plan de résilience.

Montant pluriannuel des dépenses du
11 e programme d'intervention des agences de l'eau

(en millions d'euros)

Domaine 0 : Dépenses propres des Agences de l'eau

1 086

Domaine 1 : Actions de connaissance, de planification et de gouvernance

966

Domaine 2 : Mesures générales de gestion de l'eau

4 265

Domaine 3 : Mes générales de gestion de l'eau et de la biodiversité

5 364

Primes versées pour la réalisation d'actions ou de travaux d'intérêts communs au bassin ou au groupement de bassins 5 ( * )

914

Total

12 595

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les agences de l'eau ont été par ailleurs activement mobilisées sur la mise en oeuvre du plan de relance . Elles bénéficient de 260 millions d'euros sur la période 2021-2022, dont 250 millions d'euros pour le soutien et la modernisation des réseaux d'eau et d'assainissement en France métropolitaine, et 10 millions d'euros pour des actions de restauration écologique.

Le plafond d'emplois des agences de l'eau est fixé pour 2023 à 1 497 ETPT, au même niveau qu'en 2022 et 2021. Autrement dit, les effectifs des agences sont préservés, contrairement aux années précédentes : le schéma d'emplois s'élevait à - 39 ETP entre 2020 et 2021 et à - 43 ETP entre 2019 et 2020.

2. Un plafond d'emplois préservé pour l'Office français de la biodiversité

L'année 2022 a constitué la troisième année d'existence de l'Office français de la biodiversité (OFB), qui fusionne l'Agence française de la biodiversité (AFB) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Les missions confiées au nouvel établissement ont pour objectif général la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité terrestre, aquatique et marine, ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau .

En 2022, l'établissement a disposé d'un financement global de 502,9 millions d'euros, réparti comme illustré dans le graphique ci-dessous . En 2021, le financement global s'élevait à 462, millions d'euros, et il était de 424,2 millions d'euros en 2020.

Recettes de l'OFB en 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Les contributions des agences de l'eau restent le principal moyen de financement de l'OFB (382,9 millions d'euros), ces contributions intégrant la somme des anciennes contributions à l'AFB et à l'ONCFS, augmentées de 10 millions d'euros par rapport à l'année précédente.

La création de l'OFB à compter du 1 er janvier 2020 s'est accompagnée de la mise en place d'une subvention du programme 113 qui en 2022 était de 53 millions d'euros, et elle est prévue pour être de 79 millions d'euros en 2023. Cette augmentation est la plus importante depuis la création de l'OFB.

Évolution de la subvention du programme 113 à l'OFB depuis sa création

(en millions d'euros)

2020

2021

2022

2023 (PLF)

Évolution 2022/2023

AE

41,4

51,2

53,2

78,8

+ 48,1 %

CP

41,5

51,3

53,2

79,0

+ 48,5 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Hors transferts, la hausse de la subvention à l'OFB est de 25 millions d'euros . Sur cette somme, 5 millions d'euros sont prévus pour financer la revalorisation du point d'indice, décidée à l'été 2022. Le reste a vocation à réduire le déficit de l'opérateur, et à assurer le financement de ses missions dans le cadre de son contrat d'objectif et de performance 2021-2025.

Le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'OFB

Le contrat d'objectif et de performance de l'office français de la biodiversité s'articule autour de quatre orientations stratégiques, adoptées en conseil d'administration le 30 juin 2021 :

- concourir à la transition écologique ;

- agir dans les territoires ;

- avancer avec l'ensemble des partenaires ;

- bâtir une culture d'établissement, partager une vision commune.

Avec la perspective d'une finalisation et d'une approbation d'ici la fin de l'année, les travaux d'élaboration du COP de l'établissement permettront de fixer le cap en matière de déclinaison prioritaire des missions de l'établissement pour les quatre années à venir, de consolider la lisibilité de son action vis-à-vis des partenaires ainsi qu'en interne, et développer auprès des agents de l'établissement d'une vision commune du sens, des priorités et des modalités d'exercice de leurs missions.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La trésorerie de l'OFB s'établirait à 72 millions d'euros à la fin de l'année 2022. Une partie de la trésorerie de l'office sera ainsi également mise à contribution pour compenser l'élargissement de ses missions.

L'OFB participe également au plan de relance, et bénéficie à ce titre de 85 millions d'euros alloués de façon pluriannuelle sur les années 2021 à 2023 (avec des engagements sur 2021 et 2022, et des paiements jusqu'en 2023) pour des actions en matière :

- de projets eau-assainissement en outre-mer (47 millions d'euros) ;

- de restauration écologique (19 millions d'euros) et de gestion des aires protégées (19 millions d'euros).

Le budget initial 2022, rectifié en cours d'année, comprend un total de dépenses de 539,1 millions d'euros en crédits de paiement , dont 49 % de dépenses d'intervention.

Répartition des dépenses de l'OFB en en 2021 et en 2022

Montant de CP exécutés en 2021

Montant de CP prévus en 2022 au budget rectificatif n°2

Millions d'euros

Pourcentage

Millions d'euros

Pourcentage

Appui à la mise en oeuvre des politiques de l'eau et de la biodiversité

165,6

36,0 %

212,7

39,5 %

Gestion des espaces naturels et des espèces

12,4

2,7 %

21,5

4,0 %

Police de l'environnement et police sanitaire

4,4

1,0 %

9,0

1,7 %

Formation et mobilisation des citoyens et des parties prenantes

13,8

3,0 %

18,0

3,3 %

Connaissance et expertise

37,1

8,1 %

34,9

6,5 %

Soutien et management

226,7 (dont 188 de personnels)

49,3 %

243,1 (dont 194,3 de personnel)

45,1 %

Total

460

100,0 %

539,1

100,0 %

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

S'agissant des moyens humains, l'opérateur connaît une augmentation de son plafond d'emploi de 2 643 ETPT à 2 727 ETPT entre 2022 et 2023.

Emplois sous plafond de l'OFB

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

PLF 2023
(hors transferts)

Emplois sous plafond

2 659

2 638

2 643

2 727

2658

69 ETPT proviennent des transferts des activités des laboratoires d'hydrobiologie depuis le programme 217 .

Les 15 ETPT restants correspondent à des créations d'emplois , nécessaires pour la mise en oeuvre du contrat d'objectifs et de performance 2021-2025, ainsi que par la création d'une nouvelle équipe au sein de la brigade mobile d'intervention dédiée aux grands prédateurs.

Le rapporteur spécial salue le renforcement des moyens de l'OFB. La politique en faveur de la biodiversité n'est pas une politique mineure au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durable ». Elle présente des enjeux structurants, au même titre que la lutte contre le réchauffement climatique.

II. LE PROGRAMME 181 CONTINUE SA MONTÉE EN CHARGE EN 2023

Évolution des crédits du programme 181 « Prévention des risques »
entre 2022 et 2023

(en millions d'euros)

Programme 181 - Prévention des risques

LFI 2022

PLF pour 2023

Évolution PLF 2023/ LFI 2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Prévention des risques technologiques et des pollutions

61,4

63,3

60,8

62,7

- 1,0 %

- 0,9 %

Action 09 - Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

63,6

68,3

66,9

71,6

+ 5,2 %

+ 4,9 %

Action 10 - Prévention des risques naturels et hydrauliques

37,2

37,2

37,5

37,5

+ 0,9 %

+ 0,9 %

Action 11 - Gestion de l'après-mine et travaux de mise en sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites

40,3

40,3

41,3

41,3

+ 2,4 %

+ 2,4 %

Action 12 - Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

598,3

598,3

700,0

700,0

+ 17,0 %

+ 17,0 %

Action 13 - Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS)

29,8

29,8

30,1

30,1

+ 0,8 %

+ 0,8 %

Action 14 - Fonds de prévention des risques naturels majeurs

235,0

235,0

205,0

200,0

- 12,8 %

- 14,9 %

Total

1065,6

1072,2

1141,5

1143,2

+ 7,1 %

+ 6,6 %

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les crédits prévus pour le programme 181 « Prévention des risques » en 2023 augmentent en AE (+7,1 %, soit + 75,9 millions d'euros) et en CP (+ 6,6 %, soit + 71 millions d'euros).

A. RISQUES NATURELS ET TECHNOLOGIQUES : DES MOYENS BUDGÉTAIRES STABILISÉS

1. Une stabilité des crédits alloués à la prévention des risques technologiques

En 2023, l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » voit ses crédits quasiment stabilisés par rapport à 2022. Les crédits étaient déjà stables entre 2021 et 2022.

La finalité de cette action consiste à assurer la prévention des risques technologiques et des pollutions, à maîtriser les effets des processus industriels, des produits et des déchets sur l'environnement et la santé, et à mettre en oeuvre la feuille de route économie circulaire.

Cette politique de prévention s'opère par le biais des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Créés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, à la suite de la catastrophe AZF, ils prévoient des mesures visant à réduire les risques associés à la présence de sites industriels à hauts risques (classés Seveso seuil haut) pour les riverains.

Ces plans permettent d'agir sur l'urbanisation autour des installations présentant les plus grands risques (installations Seveso seuil haut) et de corriger, au besoin, par des mesures foncières d'expropriation ou de délaissement, de travaux sur les biens d'habitation des situations d'exposition au risque des populations. Des mesures supplémentaires de réduction du risque à la source sur les sites industriels, allant au-delà des exigences réglementaires, peuvent également être prescrites lorsque leur mise en oeuvre est moins coûteuse que les mesures foncières qu'elles permettent d'éviter.

Enfin, des mesures alternatives aux mesures foncières peuvent être prescrites par arrêté préfectoral après l'approbation du PPRT. Ces mesures concernent uniquement les biens autres que les logements, dès lors qu'elles apportent une amélioration substantielle de la protection des populations et que leur coût est inférieur aux mesures foncières qu'elles permettent d'éviter. Ces mesures peuvent notamment porter sur les activités économiques.

En août 2022, 379 PPRT ont été approuvés sur les 383 PPRT prescrits. Seuls 4 PPRT restent donc à approuver. D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, il s'agit des PPRT les plus complexes, présentant des enjeux techniques, économiques et sociaux importants qui nécessitent une longue concertation de l'ensemble des acteurs concernés.

Quinze ans après la catastrophe de l'usine AZF et l'adoption de la loi « risques » de 2003, la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans se poursuit.

Bilan des PPRT

Un bilan de l'avancement de la mise en oeuvre des 383 PPRT approuvés entre 2007 et 2022 peut être effectué :

- sur les 99 logements et 71 activités faisant l'objet d'une expropriation (pour un montant de financement de l'État estimé à 130 millions d'euros), 54 logements (42 %) et 18 activités (25 %) ont été expropriés. 117 logements (soit 48 % des 244 concernés) et 54 activités (soit 28 % des 194 activités) ont été délaissés ;

- 12 mesures alternatives ont été prescrites ou sont à l'étude, pour un montant de financement de l'État estimé à ce stade à 3,3 millions d'euros ;

- 24 mesures supplémentaires ont été réalisées ou sont à l'étude, pour un montant de financement de l'État estimé à 138 millions d'euros ;

- 89 PPRT prescrivent des travaux de protection face aux risques technologiques à près de 15 730 logements. Au 1 er août 2022, environ 5 170 logements (33 %) ont fait l'objet d'un diagnostic de travaux ; les travaux ont été réalisés pour 2 581 d'entre eux (16 % des logements soumis à travaux, représentant 50 % des logements diagnostiqués).

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ainsi, entre 2009 et 2021, 269 millions d'euros d'AE ont été engagées par l'État et 160 millions d'euros de CP ont été consommés pour la mise en oeuvre des mesures prescrites par les PPRT (mesures foncières, supplémentaires et alternatives) et l'accompagnement des riverains dans la réalisation de travaux sur l'habitat de protection face aux risques technologiques.

2. La prévention des risques naturels et hydrauliques : la mise en oeuvre des plans de prévention des risques naturels se poursuit

Les AE et les CP inscrits sur l'action 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques », 37,5 millions d'euros, sont également quasiment stables entre 2022 et 2023.

La prévention des risques naturels et hydrauliques, visant à assurer la protection des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles telles les inondations, les mouvements de terrains, les séismes, ou les submersions marines, est mise en oeuvre par les plans de prévention des risques naturels (PPRN), les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI), outils de contractualisation entre l'État et les collectivités permettant de promouvoir une gestion des risques d'inondation, ou encore le plan séisme Antilles . Cette politique de prévention revêt un caractère crucial dans un contexte de dérèglement climatique.

Le PPRN, annexé au plan local d'urbanisme ou à la carte communale, a pour objet de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques et de réduire la vulnérabilité des populations et des biens, à travers des mesures d'interdiction ou d'adaptation des constructions nouvelles ou existantes . Il peut concerner un aléa particulier, comme par exemple, le risque inondation, ou plusieurs selon les caractéristiques du territoire.

Concrètement, un plan de prévention des risques délimite les zones concernées par le risque sur le territoire, sur la base d'un aléa de référence, par exemple pour les crues des rivières, la crue centennale, ou si elle est plus élevée, la plus haute crue connue, et définit une réglementation pour chaque zone.

L'objectif visé lors de la mise en place des PPRN conduisait à ce que 12 500 communes soient couvertes par un PPRN approuvé, couvrant les territoires à forts enjeux. Cet objectif a pour la première été fois été dépassé : fin août 2022, 15 077 communes sont couvertures par un PPRN opposable, et 2 173 communes relèvent d'un PPRN prescrit 6 ( * ) .

Évolution du nombre de communes couvertes
par un PPRN ou assimilés jusqu'au 31 décembre 2021

Note : la nette croissance des PPRN approuvés en 2021 résulte de la mise à jour retardée d'une application interne à la DGPR.

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, 76 % des communes couvertes par un PPRN approuvé le sont pour l'aléa inondation (65 %) ou pour l'aléa mouvement de terrain ou retrait-gonflement des argiles (11 %).

3. Après l'abondement exceptionnel du fonds « Barnier » à la suite des inondations d'octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes, le niveau des crédits attribués au fonds revient au niveau antérieur

Dans le PLF pour 2023, les crédits de l'action 14 sont ramenés à 205 millions d'euros en AE et 200 millions d'euros en CP , en diminution de 30 millions d'euros en AE et 35 millions en CP par rapport à 2022.

La loi de finances pour 2021 a intégré le budget du Fonds de prévention des risques naturels majeurs au programme 181 « Prévention des risques ». Jusqu'à cette intégration, le FPRNM était financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles représentant elle-même une « sur-prime » de 12 % ou 6 % selon qu'il s'agit d'un contrat habitation ou automobile.

Or, si le montant annuel prélevé via les compagnies d'assurance est de l'ordre de 210 millions d'euros en augmentation tendancielle, seuls 137 millions d'euros étaient reversés au fonds, soit 65 % des recettes (131,5 millions d'euros après prélèvement pour frais de gestion), l'écart étant reversé au budget général, dévoyant le financement de la prévention des risques naturels par les assurés au profit du budget de l'État.

Avec la budgétisation du fonds, le prélèvement affecté directement au FPRNM a été supprimé et remplacé par un prélèvement annuel d'un taux identique au profit du budget général de l'État . Les ressources du fonds, désormais intégré sous forme d'une action spécifique au programme 181 « Prévention des risques », sont passées à cette occasion de 131,5 millions d'euros à 205 millions d'euros en 2021.

Le plafonnement des recettes du fonds réalisé par l'article 44 de la loi de finances pour 2018 ne posait jusqu'alors pas de souci majeur, car la situation budgétaire du fonds était favorable . Au regard des montants de dépenses du fonds, qui évoluent à la hausse d'année en année, la question de la soutenabilité du fonds se posait : la budgétisation du fonds est ainsi bienvenue. De plus , cette budgétisation du fonds permet désormais au Parlement de se prononcer sur les moyens budgétaires qui lui sont alloués .

Les interventions du fonds « Barnier »

Le FPRNM permet différents types d'interventions.

Les mesures d'acquisition de biens d'habitation ou de petites entreprises , à l'amiable ou par expropriation, permettent des délocalisations des populations gravement menacées ou dont le bien a été sinistré, sans prise en compte du risque dans le montant de l'acquisition.

Les mesures de réduction de la vulnérabilité face aux risques peuvent bénéficier à des collectivités locales en particulier pour leurs études, travaux et équipements sur les territoires dotés de plans de prévention des risques naturels (PPRN). Cette mesure est la plus utilisée du FPRNM et représente plus de 50 % du montant des délégations effectuées ces dernières années. Elle permet notamment le financement des programmes d'action de prévention des inondations (PAPI), des opérations contractualisées dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) et d'une partie du plan séisme Antilles (PSA).

Le FPRNM vient également en soutien, sous conditions, à des mesures de réduction de la vulnérabilité au bâti pour les particuliers (habitations) et les petites entreprises .

Les mesures au bénéfice de l'État concernent les études et travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les submersions marines et les dépenses liées à l'élaboration des PPRN, à l'information préventive et la mise en oeuvre de la directive inondation. In fine, l'acquisition de ces connaissances est indispensable en termes de prévention et partagée avec l'ensemble des parties prenantes.

Un taux maximal de subvention ou d'indemnité est fixé pour la plupart des mesures. Certaines mesures sont plafonnées dans leur montant global et dans la durée.

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Ainsi, les crédits alloués au fonds en 2021 s'élevaient à 205 millions d'euros, en AE et en CP . Toutefois, 50 millions d'euros d'AE supplémentaires ont été budgétés pour faire face aux suites de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes d'octobre 2020 . Par ailleurs, il a été décidé de créer une dotation supplémentaire en AE afin de couvrir les opérations ayant déjà fait l'objet d'une délégation de crédits aux services déconcentrés par arrêté interministériel, mais n'ayant pas encore été concrétisée par un acte valant engagement de l'État. Ainsi, une dotation de 160 millions d'euros d'AE complémentaires a été votée en loi de finances pour 2021 . Au total, les AE prévues en loi de finances initiale pour 2021 pour le fonds « Barnier » s'élevaient à 415 millions d'euros .

La LFI pour 2022 a attribué 235 millions d'euros à l'action 14 du programme 181 en AE et en CP. 30 millions d'euros sont consacrés aux suites de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes.

Le PLF pour 2023 ne comprend plus de crédits pour les suites de la tempête Alex, ce qui explique la diminution des AE et CP par rapport à 2022.

Répartition de l'intervention 7 ( * ) du FPRNM par type de risque de 2018 à 2021

(en euros)

2018

2019

2020

2021

Mouvement de terrain

23 442 702

23 224 055

23 154 638

42 589 189

Inondation

91 764 300

115 545 310

199 018 714

221 340 561

Autres dont multirisques

4 752 513

3 488 787

5 813 017

9 878 070

Submersion marine

18 476 246

14 531 322

7 318 856

25 778 988

Incendie de forêt

358 400

340 000

500 000

410 869

Avalanche

130 525

357 734

571 853

466 539

Cavité souterraine

1 111 221

5 035 715

3 743 314

4 878 413

Séisme

34 152 490

40 002 825

24 186 768

33 401 153

TOTAL

174 188 397

202 525 748

264 307 160

338 743 781

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

B. UN NOUVEAU RENFORCEMENT DES MOYENS DE L'AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE (ASN)

Le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est assuré par l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) , autorité administrative indépendante financée à titre principal par le programme 181 « Prévention des risques » 8 ( * ) , qui bénéficie d'un appui technique assuré par l'institut de sûreté nucléaire et de radioprotection (IRSN) financé par le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables ». D'autres charges relatives au fonctionnement de l'ASN sont intégrées dans les programmes supports des ministères économiques et financiers (programme 218), du ministère de la transition écologique (programme 217), et du secrétariat général du Gouvernement (programme 354).

L'action 9 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » du programme 181 « Prévention des risques » porte les effectifs et les crédits de personnel de l'ASN ainsi que les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention engagées au titre de la réalisation des cinq missions fondamentales de l'ASN : la réglementation, la délivrance des décisions individuelles, le contrôle, l'information du public et l'assistance au Gouvernement en cas de situation d'urgence.

La dotation proposée sur l'action 09 du programme 181 pour l'année 2023 s'élève à 66,9 millions d'euros en AE et 71,6 millions d'euros en CP . Les AE ont augmenté de 5,2 % par rapport à 2022 (63,6 millions d'euros), et les CP de 4,8 % par rapport à 2022 (68,3 millions d'euros).

La hausse de CP découle principalement de l'augmentation des crédits de personnel, en raison de l'évolution du schéma d'emplois et de la revalorisation du point d'indice. 200 000 euros seront consacrés au renforcement de la résilience de son organisation, à la simplification des démarches et à l'amélioration des services rendus aux usagers.

Évolution des moyens budgétaires de l'ASN financés
par le programme 181 entre 2015 et 2023

(en millions d'euros)

Note : la diminution de 41,7 % des AE entre 2021 et 2022 s'explique par un abondement exceptionnel en 2021 (47 millions d'euros), afin d'opérer la signature d'un nouveau bail pour les sièges centraux de l'ASN, le précédent bail arrivant à échéance en février 2022.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le présent projet de loi de finances s'inscrit donc dans la continuité d'un renforcement des moyens de l'ASN.

Le plafond d'emplois autorisé de l'ASN pour 2023 est de 457 ETPT, contre 445 ETPT en LFI pour 2022 . Hors transferts, l'ASN a obtenu la création de 6 ETPT pour 2023.

L'ASN a fait part, à plusieurs reprises, de ses besoins accrus en matière de moyens humains et financiers. En effet, l'ASN fait face à une charge plus lourde, compte tenu du renforcement de la sûreté du parc nucléaire français, du vieillissement des centrales nucléaires et de l'instruction de la demande de prolongation de leur fonctionnement, de la mise en fonctionnement du réacteur EPR sur le site de Flamanville, du développement du projet CIGEO et de la montée en puissance de la problématique du démantèlement. L'année 2022 a été également marquée par le phénomène de la corrosion sous contrainte (CSC), qui a été identifiée sur le parc nucléaire français en octobre 2021. La CSC a conduit à la fermeture de 12 réacteurs sur 56, et a remis en avant la problématique de la sûreté nucléaire.

L'ASN considère que ses effectifs restent encore insuffisants pour pleinement faire face aux enjeux. Elle a réclamé 15 agents supplémentaires pour le triennal 2018-2020, à hauteur de 5 ETP chaque année. Ceux-ci ne lui ont été que partiellement accordés, avec 11 ETP supplémentaires (2 ETP en 2018, 2 en 2019 et 7 en 2020, dont 5 par amendement parlementaire).

Pour le triennal 2021-2023, l'ASN demande la création de 8 ETP, dont 3 en 2021 et 2022 et 2 en 2023 . Pour 2021, l'ASN a obtenu la création de 2 ETP supplémentaires, lorsqu'elle en demandait 3. En 2022, elle obtient un complément de 2 ETP, lorsqu'elle en demandait 3.

Pour le quinquennal 2023-2027, l'ASN a demandé la création de 21 ETP, dont 12 ETP sur la période 2023-2024. Dans les arbitrages rendus par le Gouvernement, l'ASN a obtenu la création de 14 ETP .

Demande de l'ASN

Trajectoire prévisionnelle

2023

6

6

2024

6

3

2025

2

3

2026

2

1

2027

5

0

C. L'ADEME VOIT UN RENFORCEMENT DE SES MOYENS DANS LE CADRE DE FRANCE 2030

La partie du rapport relative à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, aussi appelée Agence de la transition écologique, est rédigée au nom de Jean-François Husson, Rapporteur général de la commission des finances

1. Une subvention en hausse, en raison de l'élargissement des missions de l'ADEME dans le cadre du plan de relance et de France 2030
a) La subvention à l'ADEME sur le programme 181

La loi de finances initiale pour 2018 a opéré une rebudgétisation totale du financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui prend également le nom d'«Agence de la transition écologique », auparavant financée par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), emportant la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181.

L'ADEME mène des politiques de natures diverses. Elle poursuit notamment des actions dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux en matière de chaleur renouvelable, d'économie circulaire, de mobilité durable, d'amélioration de la qualité de l'air, la résorption des décharges littorales et la reconversion des friches polluées, d'accompagnement des entreprises et des territoires, et enfin d'adaptation au changement climatique. En 2023 seront lancés de nouveaux programmes d'économie d'énergie pour les entreprises.

Une subvention de 700,0 millions d'euros en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2023 , soit une augmentation de 101,7 millions d'euros par rapport à la dotation proposée en 2022. La subvention pour charges de service public de l'ADEME est prévue pour augmenter les années à venir. Cette hausse de la subvention a vocation à prendre en compte l'élargissement des missions de l'Agence dans le cadre du plan de relance et de France 2030.

Évolution de la subvention
pour charge de service public de l'ADEME

( en millions d'euros )

2022

2023

2024

2025

2026

2027

577

700

820

830

880

900

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

b) L'ADEME et le plan de relance

En 2023, l'agence est financée pour 175 millions d'euros en CP par des crédits issus du plan de relance, sur le programme 362 « Écologie » .

Le fonds de décarbonation de l'industrie est en tête des financements, avec 110 millions d'euros en CP, suivi par les mesures en faveur de la mobilité, pour un montant de 64,2 millions d'euros en CP. De manière résiduelle, le fonds économie circulaire et déchets est abondé de près de 1 million d'euros.

L'ADEME et « France relance »

Le plan de relance mobilise l'ADEME, vers des dispositifs existants qui nécessitent d'être renforcés ou bien pour mettre en oeuvre de nouveaux soutiens vers les entreprises et les territoires. Les actions définies dans le plan France Relance sont les suivantes :

- en renforçant les moyens relatifs au fonds économie circulaire pour la mise en oeuvre de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC) et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ;

- en complétant les autorisations d'engagement dédiées à l'hydrogène faible en carbone afin d'accompagner le développement des écosystèmes de mobilité hydrogène (production, distribution d'H2 et véhicules) ;

- en poursuivant les actions du fonds décarbonation de l'industrie, d'une part sur le volet chaleur bas carbone pour les entreprises et d'autre part, sur la mise en oeuvre de projets de transformation des procédés au service de la décarbonation et d'investissements dans l'efficacité énergétique ;

- en accompagnant les acteurs du tourisme durable, les TPE/PME engagées dans la transition écologique ou dans des démarches d'écoconception, la réalisation de diagnostics carbone et sol dans l'agriculture, le recyclage des friches industrielles ou minières.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le budget initial de l'ADEME au titre du plan de relance était de 1,3 milliard d'euros . Cette enveloppe a été portée à 1,6 milliard d'euros en 2022. Sur cette somme, le taux d'engagement des fonds était de 63 %, ce qui représente 1 milliard d'euros. Il est prévu que 500 millions d'euros soient engagés avant la fin de l'année 2022, ce qui porterait le taux d'engagement à 93,8 %.

En montant, les aides du plan de relances opérées par l'ADEME se sont concentrées sur les grandes et les petites entreprises.

Répartition des aides du plan de relance opérée
par l'ADEME par type de bénéficiaire

(en millions d'euros )

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

c) L'ADEME et France 2030

L'ADEME est opérateur France 2030, et à ce titre, les investissements d'avenir viennent abonder le budget de l'ADEME de 2,986 milliards d'euros en AE . Ces montants font partie d'une enveloppe prévisionnelle de globale de 9 milliards d'euros, qui est pensée pour être engagée sur cinq ans . Le financement de l'ADEME par l'État pour les actions du plan de relance et de France 2030 est organisé par des conventions dédiées.

L'ADEME et le plan « France 2030 »

L'ADEME a été désignée par l'État comme opérateur de France 2030, et elle est dotée à ce titre d'un budget d'environ 9 milliards d'euros pour une durée de cinq ans. L'objectif est que l'ADEME bénéficie d'un champ d'action large sur l'ensemble de la chaine de la transition écologique, du soutien aux innovations de rupture jusqu'à la massification et l'industrialisation de solutions disposant d'une maturité suffisante.

Dans ce cadre, trois appels à projets notamment sont déjà ouverts et opérés par l'ADEME :

- le « développement de briques technologiques et démonstrateurs pour les systèmes énergétiques », qui a pour objectif de promouvoir le développement de technologie et d'actions de démonstration de grande ampleur dans les domaines du photovoltaïque, de l'éolien flottant et des réseaux énergétiques ;

- le « développement de briques technologiques par des PME pour les systèmes énergétique », qui vise à soutenir les PME dans un objectif de structuration des filières de production des énergies renouvelables ;

- l' « aide à l'investissement de l'offre industrielle des énergies renouvelables », qui vise à développer les capacités industrielles dans les énergies renouvelables en accompagnant l'industrialisation de la production et l'assemblage des composants.

Source : commission des finances

Au sein des ressources provenant des investissements, 1,95 milliard d'euros en AE sont consacrés au soutien à la transition énergétique et écologique dans l'industrie . Dans la continuité des dispositifs conduits lors du plan de relance, le fonds économie circulaire est doté de 200 millions d'euros en AE. Les investissements dans les énergies renouvelables s'élèvent à 296 millions d'euros en AE, et dans l'hydrogène à 185 millions d'euros.

Le graphique suivant, fourni par l'ADEME, présente la répartition des engagements de l'ADEME depuis 2009.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

2. Une revalorisation du plafond d'emplois de l'Agence en cohérence avec la mobilisation de l'ADEME dans le cadre du plan « France 2030 »

Selon les prévisions transmises par l'ADEME, la trésorerie (hors Investissements d'Avenir) de l'agence devrait s'établir à 355,3 millions d'euros , et son fonds de roulement devrait être de 292,7 millions d'euros. Une partie de la trésorerie de l'ADEME est prévue pour alimenter le budget incitatif de l'Agence. Sa trésorerie devrait ainsi s'établir à 198,1 millions d'euros à la fin de l'année 2023, et son fonds de roulement à 169,8 millions d'euros.

Le plafond d'emploi de l'ADEME sera relevé de 90 ETPT en 2023, dont 65 ETPT correspondent à la nomination de l'ADEME comme opérateur de France 2023, et 25 ETPT visant à prendre en compte d'une manière plus générale l'élargissement des missions de l'ADEME . Cette hausse des effectifs s'inscrit dans la continuité de l'année dernière, où le schéma d'emploi de l'Agence était positif de 9 ETPT. En conséquence, les dépenses de personnels sont prévues pour être de 98,6 millions d'euros en 2023, en augmentation de 12,7 % par rapport à 2022 (86,6 millions d'euros).

Cette hausse du plafond d'emploi de l'ADEME fait suite à plusieurs années où le schéma d'emplois de l'Agence était négatif. Or, l'ADEME s'était vue confiée des missions nouvelles dans le cadre du plan de relance . Ainsi, pour faire face à l'extension de ses missions, l'ADEME a recruté environ 120 intérimaires à la fin du premier trimestre 2021, financés par les frais de gestion du plan de relance. Toutefois le coût unitaire d'un intérimaire est plus élevé qu'un CDD (de 10 % à 20 %) et la durée de leur mission est limitée à 18 mois.

Il était prévu que les intérimaires recrutés quittent l'ADEME à l'été 2022, donc il était aussi à craindre une perte de compétence. L'Agence a cependant indiqué au rapporteur général que 42 % des intérimaires étaient passés en CDI.

3. Une stabilisation des crédits du fonds « chaleur »

Grâce au fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable, pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.

Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides (contrat de projets État-région par exemple) ; les installations biomasses de grande taille dans le secteur agricole et tertiaire, dans le cadre d'appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).

Les soutiens apportés par le fonds visent à atteindre les objectifs fixés tant par la loi que par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) d'avril 2020 :

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que 38 % de la consommation finale de chaleur devra être d'origine renouvelable en 2030 et entend multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur ;

- la PPE confirme cet engagement, avec un objectif d'augmentation de la consommation de chaleur renouvelable de 25 % en 2023 et de hausse de 40 % à 60 % en 2028 par rapport à 2016.

Entre 2009 et 2021, 2,89 milliards d'euros ont été engagés pour soutenir près de 6 566 opérations d'investissement.

Évolution des montants engagés (exécution) par le fonds « chaleur » de l'ADEME

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Fonds « chaleur »

168

263

249

231

206

165

216

213

197

259

295

349

349

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Le budget du Fonds Chaleur adopté initialement pour 2022 était de 370 millions d'euros, en hausse de 6 % par rapport à 2021 . En mars 2022, dans le cadre du plan de résilience pour faire face aux conséquences de la crise en Ukraine, le fonds a été abondé de 150 millions d'euros supplémentaires pour atteindre 520 millions d'euros. La rehausse du fonds chaleur a conduit à des recrutements en intérim pour 18 mois.

Le rythme des projets, même avec l'abondement supplémentaire, n'est toutefois pas suffisant pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui nécessiterait au minimum 3 TWh supplémentaires par an générés par le Fonds chaleur, en plus des presque 3 ou 4 TWh par an actuellement générés . Il est estimé que l'atteinte de ces objectifs supposerait une augmentation du budget du fonds chaleur de 100 millions d'euros par an durant les cinq prochaines années.

L'objectif en 2023 est de porter le niveau des engagements du fonds chaleur à 520 millions d'euros en AE, équivalent à celui prévu pour 2022. Il est prévu qu'en 2023 le fonds chaleur soit également doté de 520 millions d'euros en AE .

En 2023, l'ADEME prévoit de lancer les actions de la feuille de route nationale sur la géothermie, qui vise à accélérer le déploiement de la géothermie de surface ainsi que de la géothermie profonde.

4. Un fonds « économie circulaire » abondé de crédits supplémentaires dans le contexte de la fin du plan de relance

Le fonds « économie circulaire » vise à accompagner la politique des pouvoirs publics et à contribuer à l'atteinte des objectifs fixés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en réduisant significativement la part des déchets enfouis, en développant la réincorporation des matières recyclées, le recyclage, et en accompagnant la mise en oeuvre par les collectivités d'une tarification incitative . Il vise également à développer la méthanisation, ainsi que le soutien aux projets basés sur l'économie circulaire.

Pour 2021 et 2022, le niveau d'engagement du fonds est abondé par les crédits du plan de relance d'un montant global de 501,4 millions d'euros (221,8 millions d'euros en 2021, et 279,6 millions d'euros en 2022).

Le dispositif de soutien a été adapté au budget alloué et à ce contexte exceptionnel notamment par une augmentation de l'intensité des soutiens aux investissements : par exemple, les taux d'aide maximum sont calés sur les taux maximum permis par le droit européen ou encore, les plafonds d'aide sont supprimés.

Il est prévu en 2023 que 210 millions d'euros soient consacrés au fonds d'économie circulaire, ce qui représente une augmentation de 46 millions d'euros par rapport aux financements du fonds en 2022 . Toutefois, cette augmentation de crédits vient essentiellement compenser la fin du plan de relance. Par ailleurs, d'autres crédits consacrés à l'économie circulaire seront ouverts dans le cadre de France 2030, et au sein du nouveau programme 380.

Financements du fonds économie circulaire

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

2023

Fonds Économie circulaire

164,0

164,0

163,0

164,0

210,0

Plan de relance, volet économie circulaire

-

16,0

221,8

279,6

1,0

Total

164,0

180,0

384,8

443,6

211,0

Note : les valeurs pour 2022 et 2023 sont prévisionnelles.

Source : commission des finances

III. LE PROGRAMME 380 : UN RECYCLAGE DES CRÉDITS DU PLAN DE RELANCE

Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » est un nouveau programme de la mission Écologie, développement et mobilité durables, inscrit dans le projet de loi de finances pour 2023 . La création du programme, qui est aussi appelé « Fonds vert », a été annoncée le 27 août 2022, et il a été placé sous la responsabilité de la directrice générale de l'aménagement, du logement et de la nature.

Pour 2023, il est doté de 1,5 milliard d'euros en AE et 375 millions d'euros en CP , et il comporte trois actions. Il est prévu que les fonds soient engagés sur quatre ans.

AE et CP du programme 380 dans le PLF pour 2023

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de
paiement

01 - Performance environnementale

505,0

126,25

02 - Adaptation des territoires au changement climatique

525,0

131,25

03 - Amélioration du cadre de vie

470,0

117,5

Total

1 500,0

375,0

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'Assemblée nationale a adopté l'amendement n° 3106, qui majore les crédits du fonds vert de 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 125 millions d'euros en crédits de paiement. Ces sommes ont notamment vocations à financer des politiques en faveur de la biodiversité.

Les mesures présentes au sein du fonds vert sont détaillées de la manière suivante.

L'action 01, « Performance environnementale », a vocation à financer la rénovation des bâtiments publics des collectivités territoriales, le soutien au tri à la source et à la valorisation des déchets, et la rénovation des parcs de luminaires d'éclairage publique.

L'action 02, « Adaptation des territoires au changement climatique », vise surtout à financer des politiques de prévention des risques. Elle comprend la lutte contre l'érosion côtière, la prévention des incendies, le renforcement de la protection contre les vents cycloniques, la prévention des inondations et l'appui aux collectivités de montagne soumises à des risques émergents (crues, avalanches, chutes de blocs). Elle doit également financer des politiques de renaturation des villes.

Enfin, l'action 03, « Amélioration du cadre de vie », comprend des politiques de natures diverses. Elle doit permettre l'accompagnement du déploiement de zones à faibles émissions mobilité, de prendre des mesures de reconquête des friches, de favoriser la restructuration des locaux d'activité, et de mettre en oeuvre la Stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB).

Les crédits du programme 380 sont présentés comme entièrement nouveaux, à l'exception du fonds friche, et leur gestion est censée être presque décentralisée. Selon les informations transmises au rapporteur spécial, c'est cette gestion spécifique, « à la main des collectivités territoriales », qui a justifié l'inscription de ces crédits dans un programme nouveau , plutôt que dans les programmes existants de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Toutefois, ces deux affirmations peuvent être mises en doute au regard des informations disponibles. La majorité des politiques présentées dans le fonds vert sont en réalité des reprises de mesures du plan de relance, et non pas uniquement le fonds friches. Les indications disponibles aujourd'hui montrent que, pour une grande partie, la gestion des crédits ne sera pas réellement décentralisée .

A. UNE GRANDE PARTIE DES CRÉDITS DU FONDS VERT NE FERA PAS L'OBJET D'UNE VÉRITABLE GESTION DÉCENTRALISÉE

1. Le financement des mesures du fonds vert a été annoncé au compte-goutte dans la presse, ce qui pose un problème d'information au Parlement, et met en doute le caractère décentralisé de la gestion des crédits

La répartition des crédits au sein de ces différentes actions n'est pas détaillée dans les documents budgétaires , à l'exception du fonds de renaturation des villes, qui est doté de 500 millions d'euros en AE sur cinq ans.

La justification qui a été donnée au rapporteur spécial est que les trois actions seraient entièrement fongibles , et dès lors préciser la répartition des financements aurait pour conséquence de limiter le choix des collectivités territoriales dans les politiques menées. Toutefois, le financement de nombreuses politiques du fonds a été détaillé après coup dans la presse ou en audition devant le Parlement .

Le président de la République a annoncé le 17 octobre 2022 que 150 millions en AE du fonds seront fléchés vers l'accompagnement du déploiement des zones à faibles émissions .

Le ministre de la transition écologique et des territoires a déclaré devant les députés lors d'une audition le 13 septembre dernier que le fonds friches serait abondé de 350 millions d'euros . Fin octobre, il a également indiqué que 100 millions d'euros en AE seront consacrés à la prévention des incendies .

Enfin, la secrétaire d'État à l'écologie a indiqué au début du mois d'octobre que la Stratégie nationale biodiversité bénéficiera de 150 millions d'euros en AE , qui seront répartis de la manière suivante :

- 50 millions d'euros pour la mise en oeuvre de la Stratégie nationale pour les aires protégées ;

- 15 millions pour la protection des insectes pollinisateurs ;

- 10 millions d'euros en faveur de la conservation et la restauration d'espèces menacées ;

- 20 millions d'euros dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ;

- 20 millions d'euros pour la dépollution ;

- 35 millions d'euros pour la résorption des principaux obstacles aux continuités écologiques.

Toutes ces estimations auraient dû figurer dans le projet annuel de performance . La distillation au compte-goutte des sommes consacrées au fonds d'accélération à la transition écologique des territoires ne permet pas une information adéquate du Parlement en vue de l'examen du projet de loi de finances.

En outre, il faut relever que certaines de ces annonces sont difficilement conciliables avec les chiffres inscrits dans le projet de loi de finances . Le fonds de renaturation des villes, dont le montant est de 400 millions d'euros en AE sur quatre ans, et les montants accordés pour la prévention contre les incendies, 100 millions d'euros en AE sur quatre ans, ne laissent pratiquement plus de marge pour les autres politiques de l'action 02.

En réalité, ces annonces ont vraisemblablement été faites en incluant la rallonge de 500 millions d'euros pour le fonds verts annoncée le 11 octobre 2022, ce qui vient encore davantage brouiller les prévisions budgétaires.

Enfin, le détail du financement des politiques vient mettre en doute la justification initiale du peu d'informations présentes dans le projet annuel de performance, qui est d'éviter de limiter le choix des collectivités territoriales dans les politiques menées. Il s'agit d'une première indication que la gestion des crédits du fonds verts ne sera en réalité pas entièrement à la main des collectivités territoriales.

2. De nombreuses politiques du fonds vert ne seront pas « à la main » des collectivités territoriales

Durant son audition du 13 septembre dernier, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a déclaré que le fonds vert devait, sauf exceptions, faire l'objet d'une gestion entièrement décentralisée . Le ministre a également annoncé que les crédits du fonds ne seront pas distribués par appels à projets, et que la méthode d'attribution des fonds n'était pas encore tranchée.

Dans son discours à la 32 ème Convention des intercommunalités de France du 7 octobre, Élisabeth Borne a réaffirmé que les financements ne seront pas distribués par appel à projets, et a précisé que le fonds sera entièrement délégué aux préfets . Le fonds devra permettre de financer des projets identifiés par les CRTE. Elle a ajouté que le fonds inclura une « offre d'ingénierie nouvelle pour accompagner les collectivités dans la transition écologique, qui devra être articulée avec l'offre d'ingénierie des autres partenaires, comme le Céréma, l'ADEME ou la Banque des territoires . »

Ce mode de répartition « décentralisé » des crédits est utilisé comme justification pour la création d'un nouveau programme au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables, plutôt que de l'ajout de crédits aux programmes existants. Toutefois, cette justification est problématique à plusieurs égards .

Premièrement, il apparaît que le fonds friches continuera, comme c'était le cas dans le cadre du plan de relance, de faire l'objet d'une gestion par appels à projets pilotés par l'ADEME et par le préfet de région .

Deuxièmement, la mise en oeuvre des politiques menées dans le cadre du fonds vert ne semble pas différente de celle qu'elles étaient dans le cadre du plan de relance ou d'autres programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » .

Les crédits attribués à la Stratégie nationale biodiversité (SNB) 2030 sont pilotés par l'État, et relèvent du champ du programme 113 . La présence de crédits d'intervention territoriaux dans la SNB 2030 ne justifie pas à elle-seule son rattachement au programme 380, dans la mesure où la gestion de ces crédits restera pour sa majeure part centralisée.

De plus, il est peu probable que l'ensemble des politiques mentionnées à l'action 02, « adaptation des territoires au changement climatique » fassent l'objet d'une gestion nouvelle des crédits. Il s'agit essentiellement de politiques de prévention des risques, dont le caractère systémique suppose déjà une coordination entre les collectivités territoriales et les services et opérateurs de l'État . Mis à part le fonds de renaturation des villes, ces crédits auraient pu être inscrits dans le programme 181 .

Les mesures relatives au tri des déchets étaient opérées par l'ADEME dans le plan de relance, et l'Agence continuera de piloter cette politique dans le cadre du fonds vert.

Ainsi, l'inscription de ces dispositifs dans le programme 380 plutôt que dans les programmes existants de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » interroge. Il apparaît que, à l'instar de la mission « plan de relance » en 2021 et 2022, certaines politiques ont été incluses dans le programme 380 davantage dans le but de provoquer un effet d'annonce que pour des raisons de pilotage budgétaire .

La création de ce programme masque également le fait que la gestion de ces crédits restera majoritairement à la main de l'État, dans la continuité des dispositifs qui ont été conduits dans le cadre du plan de relance ou qui sont opérés dans le reste de la mission Écologie, développement et mobilité durables .

B. LES CRÉDITS DU FONDS VERT SONT EN MAJORITÉ ISSUS DU PLAN DE RELANCE

À l'exception du fonds friches, les crédits du « fonds vert » sont présentés comme des crédits nouveaux . Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires déclarait ainsi, devant les députés lors de son audition à la commission des lois du 14 septembre 2022 : « vous ne trouverez pas plus de 350 millions d'euros dans le budget 2022 qui correspondent aux objets qui sont finançables dans ce fonds . »

En réalité, de nombreuses politiques menées dans le cadre du programme 380 sont des continuations des dispositifs du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance », même si les dénominations varient . Le tableau suivant récapitule les différentes politiques qui prolongent de manière manifeste des mesures du plan de relance.

Recoupement des politiques menées au sein
du programme 380 et du programme 362

Programme 380

Programme 362

Rénovation thermique des bâtiments publics

Sous-action consacrée à la rénovation des bâtiments publics des collectivités au sein de l'action 01 « Rénovation énergétique » ainsi que l'action 09 « Dotation régionale d'investissement »

Reconquête des friches

« fonds friche » dans la sous-action « Densification et renouvellement urbain » au sein de l'action 02

Appui à la Stratégie nationale biodiversité 2030

Politiques en faveur de la biodiversité dans la sous-action « Biodiversité, prévention des risques et résilience » au sein de l'action 02

Restructuration des locaux d'activité

Fonds de restructuration des locaux d'activité au sein de l'action 02

Recul du trait de côte et renforcement de la protection des bâtiments des collectivités d'outre-mer contre les vents cycloniques

Lutte contre l'érosion du littoral, gestion du trait de côte, et renforcement des bâtiments publics au risque cyclonique au sein de l'action 02

Soutien au tri à la source et valorisation des bio-déchets

Sous-action consacrée au développement du tri et à la valorisation des déchets au sein de l'action 04 « Économie circulaire et circuits courts »

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial ne conteste pas l'utilité de pérenniser un certain nombre de politiques de transition écologique menées dans le cadre du plan de relance. Toutefois, présenter ces crédits comme nouveaux sur le seul fondement qu'ils devaient disparaître avec le plan de relance est trompeur. L'ensemble des politiques citées ne représentent pas davantage des crédits nouveaux que le fonds friches .

1. Le fonds friches

Le programme 380 reprend le fonds friches , qui relevait de l'action 02 « Biodiversité et lutte contre l'artificialisation » du programme 362. Le Président de la République avait annoncé la pérennisation du fonds le 7 septembre 2021 .

Le fonds friches a vocation à financer des opérations de recyclage de friches ou de fonciers déjà artificialisés. Le recyclage des friches engendre en effet des surcoûts par rapport aux constructions sur terrain non bâti, notamment en raison des travaux de restructuration lourde et de dépollution nécessaires. Le fonds friches doit permettre de construire de nouveaux logements et locaux d'activité, sans faire progresser l'artificialisation nette .

Ce fonds avait été initialement doté de 300 millions d'euros en AE dans la mission « Plan de relance » de la loi de finances initiale pour 2021. Dans le budget pour 2022, le fonds friches a été reconduit avec
350 millions d'euros supplémentaires, et il a bénéficié d'une rallonge de 100 millions d'euros au début de l'année 2022.

Au total, 750 millions d'euros ont été engagés dans le cadre du plan de relance, qui ont vocation à financer 1 382 projets lauréats . Ces sommes doivent permettre de recycler 3 375 hectares de friches pour la fin de l'année 2024.

Bilan du fonds friches en 2021 et 2022

Nombres de lauréats

Subventions attribuées (en millions d'euros)

Surface de friches recyclées (en hectares)

2021

AAP régionaux

132

579

2 500

AAP ADEME

999

45,5

1 016

Total

1 118

624,5

2 666

2022

AAP régionaux

245

100

613

AAP ADEME

21

21,5

93

Total

264

121,5

675

Note : le total des surfaces de friches recyclées est retraité des dossiers communs à l'ADEME et aux AAP régionaux.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Pour éviter les effets d'aubaine, le fonds friches s'adresse aux projets d'aménagements de friches dont les bilans économiques restent déficitaires après prise en compte de toutes les autres subventions publiques, et malgré la recherche de l'optimisation de tous les autres leviers d'équilibre. En outre, il concerne des projets suffisamment matures pour entrer en phase opérationnelle dans les deux à venir.

Les financements accordés au fonds friches dans le cadre du fonds vert, 350 millions d'euros sur quatre ans (soit 87,5 millions d'euros par an), sont nettement inférieurs à ceux du plan de relance . Cette moindre ambition se traduit dans les objectifs de performance : la cible de surface de friches recyclées grâce au fonds est de 1 000 hectares en 2023 et les années suivantes, alors que l'objectif était de 3 000 hectares par an dans le plan de relance .

Les financements du fonds friches sont répartis par des appels à projet menés par l'ADEME ou par les préfets de régions . Les appels à projets de l'ADEME concernent la reconversion des friches polluées issues d'anciens sites industriels ICPE ou sites miniers. Les projets menés par les préfets de région visent à favoriser la production de logement, la relance de la construction au sein des projets d'aménagement urbain.

Il apparaît à ce stade que la gestion du fonds friches sera identique à ce qu'elle était durant le plan de relance.

2. La rénovation thermique des bâtiments des collectivités territoriales

La politique de rénovation énergétique des collectivités territoriales s'inscrit dans le prolongement de l'action 01 et de l'action 09 du programme 362 du plan de relance .

Une dotation de 600 millions d'euros a été accordée aux régions dans le cadre de l'accord de méthode signé entre les régions et l'État en juillet 2020, qui devrait majoritairement servir à la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Dans la loi de finances initiale pour 2021, 324 millions d'euros ont été ouverts. Sur cette somme, 148 millions d'euros ont été consommés en 2021, ce qui représente un taux d'exécution inférieur à 50 % .

Les départements et les communes ont bénéficié en 2021 d'une enveloppe de 950 millions d'euros en AE et de 416 millions en CP pour la rénovation thermique de leurs bâtiments. Si la quasi-totalité des AE a été engagée, en revanche les crédits ont été très faiblement consommés
(92 millions d'euros en CP, soit un taux d'exécution de 22 %), ce qui s'explique par les retards de mise en oeuvre des appels à projet
.

Des données précises sur l'efficacité énergétique des opérations de rénovation thermique des bâtiments des collectivités territoriales, engagées durant le plan de relance, ne sont pas encore disponibles .

Les projets de rénovation des départements et des communes ont été soumis à un processus de sélection organisé par l'État, contrairement à ceux des régions. La circulaire n° 6220/SG du 23 octobre 2020 sur la territorialisation du plan de relance indique en effet que les conditions d'éligibilité des dossiers et les priorités de financement pour les bâtiments départementaux et communaux sont fixées au niveau national . Les préfets de régions définissent ensuite des règles particulières applicables aux territoires .

3. Des mesures qui s'inscrivent dans la continuité des politiques menées au cours du plan de relance

La politique de restructuration des locaux d'activité prend la suite du « fonds de restructuration des locaux d'activité », mis en place dans le cadre du plan « France Relance », afin de soutenir le tissu économique des territoires . Le fonds a vocation à prendre une charge une partie des déficits d'opérations de restructuration immobilière, afin de permettre l'installation de nouvelles activités.

Le dispositif de « soutien au tri à la source et valorisation des bio-déchets » se trouve dans le prolongement des mesures de l'action 04 du programme 362, qui comprenait notamment le développement du tri, la valorisation des déchets et la production d'énergie à partir de combustibles solides de récupération. Durant le plan de relance, le dispositif était mené par l'ADEME, qui continuera à l'opérer dans le cadre du fonds vert .

Les crédits inscrits pour la mise en oeuvre de la SNB 2030 prennent la suite d'une partie des crédits de l'action 02 « biodiversité et lutte contre l'artificialisation » du programme 362 :

- 135 millions d'euros avaient été engagés pour la réalisation de chantiers d'adaptation et de restauration écologique ainsi que d'actions en faveur de la continuité écologique . Par exemple, en 2021, l'Office français de la biodiversité avait lancé les « Atlas de la biodiversité communale » et « MobBiodiv Restauration » visant à soutenir des actions en faveur de la restauration d'écosystèmes terrestres et continentaux ;

- 65 millions d'euros ont également été engagés dans le cadre du plan de relance pour la réalisation d'opérations de restauration de mise en place d'infrastructures dans les aires protégées . Le plan de relance, autant que le fonds vert, participent à la nouvelle stratégie pour les aires protégées à horizon 2030.

Concernant l'action 02 « Adaptation des territoires au changement climatique » 40 millions d'euros étaient déjà consacrés à la protection du littoral, la lutte contre son érosion et la gestion du trait de côte, et 50 millions d'euros au renforcement de la résilience des bâtiments publics au risque sismique dans les Antilles ainsi qu'au risque cyclonique .

4. Quelques mesures nouvelles, mais qui ne justifient pas à elles seules la création d'un nouveau programme

Certaines des mesures présentes dans le fonds n'ont pas d'équivalent dans le plan de relance, ou dans des mesures déjà conduites par les programmes existants de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Le fonds de renaturation des villes a été annoncé en juin 2022, pour un montant de 500 millions d'euros sur cinq ans . Le fonds vise à financer des programmes de végétalisation des villes, afin notamment de lutter contre le phénomène d'îlots de chaleur urbains. Il doit également financer des dispositifs de restauration de la biodiversité et de lutte contre les inondations.

Le programme sera géré avec l'appui du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), l'ADEME, et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La gestion du fonds de renaturation des villes n'est pas encore précisément détaillée. Il est prévu que le fonds de renaturation des villes fasse l'objet d'annonces lors du prochain Congrès des maires, du 22 au 24 novembre 2022.

Le programme 380 doit également permettre de financer des mesures de rénovation de l'éclairage public , qui visent à la fois à lutter contre la pollution lumineuse et à gagner en efficience énergétique.

Enfin, le fonds d'accélération de la transition énergétique a vocation à financer des mesures de prévention des risques émergents en montagne . Ce sont des risques liés au changement climatique : la fonte des glaciers conduit à une augmentation du nombre d'avalanches, de coulée de boue ainsi que des chutes de blocs.

Le rapporteur spécial partage les objectifs de ces politiques. Les risques en montagne vont fortement s'accentuer avec le réchauffement climatique, et la pollution lumineuse contribue à la perte de biodiversité. Toutefois, elles ne justifient pas à elles seules la création d'un nouveau programme, présenté comme un fonds d'investissement à la main des collectivités territoriales .

TROISIÈME PARTIE
SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE
ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

I. LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET LES MESURES DE SOUTIEN PUBLIC AUX CONSOMMATEURS FINALS ONT PROFONDÉMENT BOULEVERSÉ LE SYSTÈME DE COMPENSATION DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE

A. LES MÉCANISMES DE SOUTIEN PUBLIC À LA PRODUCTION D'ÉNERGIES RENOUVELABLES VONT RAPPORTER PRÈS DE 40 MILLIARDS D'EUROS À L'ÉTAT EN 2023, DES SOMMES AFFECTÉES AU FINANCEMENT DU BOUCLIER TARIFAIRE

Les charges de service public de l'énergie correspondent aux dépenses de l'État qui compensent les obligations de service public assignées aux entreprises du secteur de l'électricité et du gaz par le code de l'énergie. Alors qu'elles étaient financées jusqu'en 2015 par l'ancienne contribution au service public de l'électricité via un circuit « extrabudgétaire » , elles sont retracées dans le budget de l'État depuis 2016. Jusqu'en 2020, les charges de service public de l'énergie étaient partagées entre le programme 345 « Service public de l'énergie » et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique ». Ce dernier a été supprimé par la loi de finances pour 2020 à compter du 1 er janvier 2021. Aussi, depuis cette date, le programme 345 retrace l'ensemble de ces dépenses.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) est chargée d' évaluer chaque année le montant des charges de service public de l'énergie (CSPE) 9 ( * ) . En pratique, et habituellement, en accomplissant cette mission, elle déterminait la grande majorité des crédits du programme 345 « Service public de l'énergie ».

La flambée inédite des prix de l'énergie que nous vivons depuis l'automne 2021 a complètement bouleversé le fonctionnement habituel de la compensation des CSPE . En raison notamment de l'augmentation considérable des prix de l'électricité sur les marchés de gros européens, les habituels mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) se sont mués en dispositif de prélèvement automatique de revenus exceptionnels directement liés à la hausse des prix, anticipant ainsi largement la contribution européenne sur la rente inframarginale des producteurs d'électricité que l'article 4 duovicies du présent projet de loi de finances entend par ailleurs transposer. Dit autrement, les compensations habituellement versées par l'État aux opérateurs se sont muées en recettes publiques exceptionnelles .

Ce phénomène , déjà annoncé dans la délibération n° 2021-314 de la Commission de régulation de l'énergie du 7 octobre 2021 portant communication sur l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour l'année 2022, s'est révélé dans toute son ampleur dans les deux délibérations qu'a rendues exceptionnellement la CRE en 2022 au titre de l'évaluation des CSPE. En effet, après avoir publié une première délibération, comme habituellement, au mois de juillet 2022 10 ( * ) , elle a produit une nouvelle délibération de « réévaluation » des CSPE pour 2023 au début du mois de novembre 11 ( * ) . Cette délibération de réévaluation est prescriptive et pas seulement informative comme l'était la délibération du mois d'octobre 2021. Les CSPE ainsi réévaluée par la CRE doivent être notifiées aux opérateurs d'ici le 31 décembre 2022 .

Sans tenir compte des dispositifs de boucliers tarifaires qui seront décrits infra, sur le périmètre traditionnel des CSPE , la délibération évalue les CSPE pour 2023 à un montant négatif de 35,7 milliards d'euros (contre un montant négatif de 12,2 milliards d'euros dans sa délibération de juillet).

Ce niveau de CSPE se décompose entre un montant négatif à hauteur de 16,5 milliards d'euros au titre de l'année 2023 , un montant négatif de 17,3 milliards d'euros au titre de la révision des CSPE de l'année 2022 et enfin d'un montant négatif de 1,9 milliard d'euros au titre de la révision des CSPE de l'année 2021.

Évaluation des CSPE pour 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

La réévaluation des CSPE au titre de l'année 2023 par la délibération de la CRE du mois de novembre fait état d'un montant négatif de 16,5 milliards d'euros et se décompose comme l'illustre le graphique ci-après.

Évaluation des CSPE au titre de l'année 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Si l'on exclut les postes pour lesquels les CSPE réévaluées resteraient positives en 2023 12 ( * ) , les recettes exceptionnelles attendues par l'État en 2023 et qu'il mobilise pour couvrir une partie des coûts budgétaires bruts des dispositifs de boucliers tarifaires sont évaluées par la CRE à 38,9 milliards d'euros dont 19,2 milliards au titre de l'année 2023, 17,8 milliards d'euros au titre de la révision des CSPE de l'année 2022 et enfin 2,0 milliards d'euros au titre de la révision des CSPE de l'année 2021.

Recettes exceptionnelles attendues par l'État en 2023 au titre des CSPE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Par postes, ces recettes exceptionnelles se décomposent ainsi :

Recettes exceptionnelles attendues par l'État en 2023 au titre des CSPE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

B. PROFONDÉMENT TRANSFORMÉ PAR LA CRISE DE L'ÉNERGIE ET LES BOUCLIERS TARIFAIRES, LE PROGRAMME 345 EST MOINS LISIBLE

Crédits inscrits au programme 345 « Service public de l'énergie »
en 2022 et en 2023 (CP)

(en millions d'euros)


2022
(LFI)

2023
(LFI)

Variation 2022-2023

09- Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale

4 738,4

0

- 100 %

10- Soutien à l'injection de biométhane

712,9

34,3

- 95,2 %

11- Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain

2 163,6

2 478,1

+ 14,5 %

12- Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

646,1

376,7

- 41,7 %

13- Soutien aux effacements de consommation

40,0

72,0

+ 80,0 %

14- Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité énergétique

30,9

43,9

+ 42,1 %

15- Frais divers

117,5

73,3

- 37,6 %

17-Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs

-

8 921,6

-

18-Soutien hydrogène

-

0

-

Total programme

8 449,4

12 000,0

+ 42,0 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2023

Il est à noter qu' au cours de la gestion 2022, 2 990 millions d'euros en AE et en CP avaient été ajoutés au programme 345 , par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, pour financer la première phase de la remise sur les carburants mise en oeuvre à compter du mois d'avril. Le coût de la prolongation et de l'amplification de la mesure à compter du mois d'août a ensuite été inscrit sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

En outre, la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a inscrit 700 millions d'euros de crédits supplémentaires sur le programme 345 afin de financer le mécanisme de constitution des stocks de sécurité de gaz naturel pour les opérateurs prévu, en application d'un règlement européen 13 ( * ) , par l'article 23 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Le périmètre du programme 345 évolue sensiblement en 2023, principalement à travers la création de la nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » , dotée de 9 milliards d'euros et dédiée à retracer les crédits nécessaires pour compenser les charges de service public de l'énergie assumées par les fournisseurs au titre des mesures dites de « bouclier tarifaire ».

Par ailleurs, et même si elle ne se voit pas allouer de crédits au titre de 2023, le présent projet de loi de finances introduit dans le programme 345 une nouvelle action 18 « Soutien hydrogène » qui aura vocation à compter de 2024 à apporter un soutien au développement de la filière hydrogène à travers des appels d'offres.

Les crédits du programme 345 « Service public de l'énergie » évoluent ainsi de 8 449,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) prévus en loi de finances initiale pour 2022 à 12 000 millions d'euros en 2023 (AE=CP), soit une progression de 42 % .

À périmètre constant , sans l'adjonction de la nouvelle action 17, les crédits budgétaires inscrits au programme en 2023 se seraient élevés à 3 078,4 millions d'euros, en diminution de 64 % par rapport à 2022.

En 2023, l'architecture ainsi que les crédits inscrits sur le programme sont complètement bouleversés par les conséquences de la flambée des prix de l'énergie et des boucliers tarifaires mis en oeuvre par les autorités publiques pour venir en aide à certains consommateurs finals d'énergie :

- ainsi, le soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale , habituellement l'action la plus dotée du programme (entre 5 et 6 milliards d'euros depuis 2019) ne se voit allouer aucun crédit en 2023 dans la mesure où la hausse inédite des prix de l'électricité conduit les producteurs à être au contraire redevables de sommes considérables à l'État ;

- pour les mêmes raisons, le soutien à l'injection de biométhane , après avoir progressé de 169,2 millions d'euros en 2022, se replie de 678,6 millions d'euros à 34,3 millions d'euros (- 95 %) ;

- la solidarité avec les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain doit quant à elle disposer d'une allocation de crédits majorés de 15 % à 2 478,1 millions d'euros ;

- le soutien à la cogénération baisse également dans des proportions significatives (269 millions d'euros et 42 %) pour s'établir à 376,7 millions d'euros ;

- le soutien aux effacements de consommation continue lui de progresser (de 32 millions d'euros) et doit s'établir à 72 millions d'euros.

1. Aucun crédit n'est prévu en 2023 en faveur du soutien aux énergies renouvelables électriques dans la mesure où, en raison du niveau extrêmement élevé des prix de l'électricité, les producteurs sont redevables de sommes considérables à l'État

Les dépenses de soutien aux énergies renouvelables (EnR) électriques continentales portées par l'action 09 « Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale » du programme 345 consistent, habituellement, à compenser les fournisseurs d'électricité pour les surcoûts engendrés pour eux par les contrats d'obligation d'achat et de complément de rémunération qu'ils sont tenus de conclure avec les producteurs d'énergies renouvelables.

Les dispositifs de soutien public à la production d'EnR ont vocation à donner de la visibilité aux producteurs afin d'assurer la rentabilité de leurs projets et de déclencher la décision d'investir. En période « normale » , avant la survenue de la crise des prix de l'énergie, les revenus garantis par les contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération étaient inférieurs aux prix de marché et les compensations versées par l'État au titre des charges de service public de l'énergie pour soutenir la production d'EnR en métropole évoluaient chaque année entre 5 et 6 milliards d'euros .

Toutefois, depuis le début de la crise des prix de l'énergie, les prix de l'électricité ont atteint des niveaux inédits, très supérieurs aux rémunérations garanties par les dispositifs de soutien public, si bien que ces rémunérations garanties se sont transformées en rémunérations plafonnées qui, pour toutes les installations concernées par ces mécanismes, se traduisent par un prélèvement mécanique des revenus excédentaires qui auraient été perçus par les producteurs du fait de la flambée des prix de l'électricité.

De plus, et parce que les cahiers des charges de certains anciens contrats de complément de rémunération prévoyaient des dispositifs de plafonnement des sommes reversées à l'État en cas de prix de marché supérieurs aux niveau de rémunération de référence déterminé dans les contrats, l'article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit une remise en cause partielle de ces mécanismes de plafonnement avec un objectif de recettes supplémentaires pour l'État de 4,5 milliards d'euros au titre des années 2022 et 2023. D'après des informations transmises par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), l'arrêté nécessaire à la mise en oeuvre de ce déplafonnement doit être prochainement soumis pour avis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Toutefois, et parce que le contexte d'inflation pouvait également inversement bouleverser l'équilibre économique de nouvelles installations sur le point d'être mises en service et conduire à l'abandon de certains projets au détriment de nos objectifs de développement des capacités de production d'EnR, un mécanisme de soutien exceptionnel a été récemment accordé à certaines installations nouvelles confrontées à une hausse très sensible de leurs coûts de construction qui remettait en cause leur plan d'affaires au risque de mettre en péril des investissements dans de nouveaux projets énergétiques pour des volumes estimés entre 5 et 6 GW en matière d'énergie éolienne et entre 6 et 7 GW pour l'énergie photovoltaïque. Pour compenser les surcoûts constatés, un certain nombre de projets éoliens et solaires sur le point d'être lancés seront ainsi autorisés à vendre directement leur production électrique sur le marché pendant une durée de 18 mois . Les revenus de marchés perçus au titre de ce mécanisme exceptionnel ne sont donc pas intégrés dans le calcul de la contribution.

Pour 2023, aucun crédit budgétaire n'est ainsi inscrit à l'action 09 et les recettes attendues par l'État au titre des mécanismes de soutien public à la production d'énergies renouvelables, estimées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération du 3 novembre dernier sont présentées dans le graphique ci-après.

Charges de service public de l'énergie prévisionnelles relatives aux dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable en 2023 évaluées par la CRE dans sa délibération du 3 novembre 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Pour 2023, ces recettes représentent presque 37 milliards d'euros dont 18,6 milliards d'euros au titre de l'exercice 2023, 16,6 milliards d'euros au titre de la régularisation des surcompensations versées aux fournisseurs pour 2022 et 1,8 milliard d'euros au titre de la régularisation pour 2021.

La production d'électricité éolienne terrestre contribuerait à elle seule à hauteur de 65 % (plus de 24 milliards d'euros ) des 37 milliards d'euros de recettes prévisionnelles attendues par l'État.

Répartition des charges de service public de l'énergie prévisionnelles relatives aux dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Les recettes attendues du fait des CSPE réévaluées par la CRE au seul titre de l'année 2023 s'élèvent donc à 18,6 milliards d'euros et se décomposent comme illustré dans le graphique ci-après.

Répartition des charges de service public de l'énergie prévisionnelles relatives aux dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable
au titre de l'année 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Pour rappel, il est considéré qu'en moyenne, une hausse des prix de gros de 1 euro par mégawattheure sur le marché de l'électricité européen se traduit par une baisse des compensations de charges de service public de l'électricité prises en charge par l'État supérieure à 50 millions d'euros .

Alors qu' avant la crise actuelle, la moyenne de prix s'établissait autour de 50 euros par mégawattheure (MWh) et que le précédent record historique était de 93 euros par MWh lors de la crise financière de 2008, les prix de gros à douze mois ont tutoyé les 1 200 euros en août 2022 avant de fluctuer entre 500 et 600 euros . Ponctuellement, les prix spot de l'électricité sur le marché de gros ont même dépassé les 3 000 euros au cours de l'été 2022 au coeur de la hausse fulgurante qui s'est manifestée à partir du mois de juin.

Évolution des prix de l'électricité pour le consommateur final en moyenne

Source : rapport annuel de l'ACER et CEER d'octobre 2022

L'année 2022 doit être celle des premières mises en service de parcs éoliens en mer . Lauréat de l'appel d'offre attribué en 2012, le parc situé au large de Saint-Nazaire doit être mis en service à la fin de l'année 2022 14 ( * ) pour une puissance de 480 MW.

De nouvelles mises en service de parcs éoliens en mer doivent intervenir en 2023 au large de Saint-Brieuc et de Fécamp pour des puissances de 500 MW chacun. Des parcs pilotes éoliens en mer flottants doivent également entrer en service en 2023 pour une puissance de 83,5 MW. En 2023, selon les prévisions de la CRE, la filière éolienne en mer devrait ainsi pouvoir produire 2,7 TWh contre seulement 0,5 TWh en 2022.

État des lieux et perspectives du solaire photovoltaïque et de l'éolien

Au 31 décembre 2021, la puissance du parc solaire photovoltaïque atteint 13,5 GW. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe un objectif de 20,1 GW en 2023 et une fourchette comprise entre 35,1 et 44 GW en 2028.

En 2022, la PPE prévoit l'attribution d'appels d'offres à hauteur de 1 850 MW pour le photovoltaïque au sol, 900 MW pour le photovoltaïque sur bâtiment, 140 MW pour le photovoltaïque innovant et 150 MW pour les installations photovoltaïques en autoconsommation. Un volume de 750 MW par arrêté tarifaire pour les projets photovoltaïques de moins de 500 kW est également attendu.

En ce qui concerne l'éolien terrestre, le parc français atteint une puissance de 18,8 GW au 31 décembre 2021, dont 1 GW raccordé au cours de l'année 2021. La PPE fixe un objectif de 24,1 GW en 2023 et une fourchette de 33,2 à 34,7 GW en 2028. Ces objectifs correspondraient à un parc de 14 200 à 15 500 éoliennes (contre environ 8 000 fin 2018).

En 2022, la PPE prévoit l'ouverture d'appels d'offres à hauteur de 1 850 MW. Un volume additionnel de 800 MW de nouveaux contrats par arrêté tarifaire est également attendu.

La capacité installée de l'éolien terrestre devrait ainsi atteindre 20,6 GW fin 2022 et 23 GW fin 2023.

La PPE fixe un calendrier ambitieux pour le développement des parcs éoliens en mer, avec le lancement de six appels d'offres entre 2019 et 2023 pour une puissance installée de 4,4 GW (éolien flottantet éolien posé) puis l'attribution de 1 GW par an entre 2024 et 2028.

Source : projet annuel de performances pour 2023

Prévu par l'article 225 de la loi de finances initiale pour 2021, un mécanisme devait prévoir de réviser à la baisse les tarifs d'achat de contrats de soutien à la production d'électricité photovoltaïque signés entre 2006 et 2011. Les textes règlementaires attendus (un décret et un arrêté) ont été publiés le 27 octobre 2021 ainsi que, dans la foulée, la délibération de la CRE déterminant les lignes directrices relatives à la procédure de révision destinée à préserver la viabilité économique des producteurs dite « clause de sauvegarde ». Les tarifs révisés ont été notifiés aux installations concernées en fin d'année 2021. Celles-ci pouvaient, dans un délai de trois mois recourir au dispositif d'appel suspensif dit de la « clause de sauvegarde ».

Alors que 359 des 436 installations concernées par des baisses de tarif ont choisi de recourir à la clause de sauvegarde , l'instruction de certains dossiers semble très complexe et il apparaît très peu probable que les gains attendus par l'État du fait de ce dispositif soient atteints . Ce constat va dans le sens des doutes que le rapporteur spécial avait formulé dans son rapport du 29 septembre 2021 intitulé « lumière sur la révision des contrats photovoltaïques » 15 ( * ) .

Par ailleurs, sur ce dossier, le rapporteur spécial a deux inquiétudes . Premièrement, compte-tenu de la complexité des dossiers, il n'apparait à ce jour pas garanti que la CRE puisse respecter le délai d'instruction de 16 mois au terme duquel le nouveau tarif réduit s'appliquerait aux producteurs même si leur situation individuelle n'avait pas encore pu être expertisée. Deuxièmement, elle a noté que la CRE avait adopté en juin dernier, sans réelle concertation cette fois, une nouvelle version des lignes directrices qui fondent le mécanisme de la clause de sauvegarde. Ces nouvelles lignes directrices sont contestées par la filière qui a engagé un contentieux pour les annuler.

2. Les crédits budgétaires dédiés à soutenir l'injection de biométhane diminuent de 95 % en raison de la hausse des prix du gaz

En matière de gaz naturel, le biométhane constitue la principale source d'énergie renouvelable, raison pour laquelle l'État soutient financièrement son injection dans les réseaux de transport et de distribution de gaz naturel 16 ( * ) .

Évolution du coût budgétaire des soutiens
à l'injection du biométhane (2018-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les crédits consacrés au soutien public à cette filière avaient considérablement augmenté depuis 2018, faisant craindre un emballement comparable à la situation observée à la fin de la première décennie des années 2000 concernant les contrats d'obligation d'achat d'électricité d'origine photovoltaïque. Dès 2018, la CRE avait alerté l'État sur les niveaux excessifs de rentabilité de la filière mais ce n'est qu'à la fin de l'année 2020 que celui-ci est intervenu. L'arrêté du 23 novembre 2020 a ainsi révisé le dispositif de soutien au biométhane afin de tenir compte de la maturité atteinte par la filière et de l'évolution des coûts de production. Ce décret réduit le tarif d'achat, prévoit sa dégressivité trimestrielle et renforce les conditions d'accès aux contrats. Ces évolutions doivent limiter la rémunération moyenne des capitaux investis à environ 7 %.

Toutefois, pour tenir compte de l'inflation des coûts de construction pour les nouvelles installations, le tarif d'achat de biométhane a été revalorisé par l'arrêté du 20 septembre 2022 . Avec une indexation sur l'inflation observée au moment de la signature du contrat d'achat, cet arrêté doit permettre de préserver l'équilibre économique des nouveaux projets d'installations.

Parallèlement, un dispositif de soutien de type obligation d'achat mais accordé par appel d'offres , destiné à soutenir les projets de toute taille, a été mis en place en 2022 . Le premier appel d'offres a été lancé à la fin du mois d'avril 2022 avec une date limite de remise des offres en décembre 2022 pour la contractualisation d'une capacité de production cumulée de 500 GWh par an. Il sera suivi de deux autres appels d'offres en 2023 portant chacun sur la contractualisation d'une capacité de production cumulée de 550 GWh par an.

En 2023, la hausse des prix du gaz se traduit par une réduction de 95 % des crédits budgétaires affectés au soutien à l'injection de biométhane. 34,4 millions d'euros restent néanmoins inscrits à l'action 10 « Soutien à l'injection de biométhane ».

Dans sa délibération du 3 novembre dernier, la CRE a réévalué le niveau des charges liées au soutien à l'injection de biométhane. Celui-ci s'établit désormais à un niveau négatif de 756,1 millions d'euros .

Aussi, le rapporteur spécial présente-t-il un amendement visant à annuler les 34 millions d'euros de crédits qui ont été inscrits à l'action 10 « Soutien à l'injection de biométhane ».

3. La péréquation tarifaire en faveur des consommateurs des zones non interconnectées (ZNI) doit progresser de près de 15 %

Les coûts de production d'électricité en Corse ainsi que dans les départements, régions et territoires d'outre-mer sont sensiblement supérieurs à ceux de la métropole continentale. Aussi, au nom de la solidarité nationale, les consommateurs de ces zones non interconnectées (ZNI) bénéficient d'une péréquation tarifaire : les surcoûts des opérateurs historiques des ZNI - EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI), Électricité de Mayotte (EDM) et Eau et Électricité de Wallis-et-Futuna (EEWF) - font l'objet d'une compensation par l'État.

En 2023, cette péréquation tarifaire, retracée par l'action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain » du programme 345, devrait s'élever à 2 478,1 millions d'euros, en hausse de près de 15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Évolution du coût budgétaire de la péréquation tarifaire en faveur des consommateurs des ZNI (2017-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'augmentation des charges prévisionnelles pour 2023 au titre des ZNI s'explique par le développement de nouvelles installations renouvelables sur ces territoires mais également par la hausse des surcoûts de la production réalisée à partir d'énergie fossile en raison de la hausse très sensible des prix des combustibles ainsi que de celui de la tonne de CO 2 . En effet, une part importante de l'électricité produite en ZNI reste dépendante de source d'énergies fossiles.

Sur l'enveloppe de 2 478,1 millions d'euros prévue par l'action 11 « Soutien dans les ZNI », 748,3 millions d'euros sont consacrés au soutien à la transition énergétique dans les ZNI.

Les 1 729,8 millions d'euros restants représentent la part dévolue à la production non renouvelable de la péréquation tarifaire :

- les surcoûts de production d'électricité supportés par l'opérateur historique pour l'électricité produite par les installations qu'il exploite et qui fonctionnent à partir d'énergies fossiles ;

- les surcoûts d'achat d'électricité produite à partir d'énergies fossiles supportés par l'opérateur historique.

4. En phase d'extinction, le soutien à la cogénération baisse de 42 % sous l'effet de la crise des prix de l'énergie

La cogénération correspond à la production combinée de chaleur et d'électricité par des installations fonctionnant au gaz naturel 17 ( * ) . Pour la soutenir, l'État obligeait EDF et les entreprises locales de distribution d'électricité (ELD) à conclure des contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération avec les installations de cogénération à haute performance énergétique de moins de 12 MW. En contrepartie, il compense aux distributeurs d'électricité l'intégralité des surcoûts générés par ces mécanismes de soutien.

Conformément à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le dispositif de soutien à la cogénération a été abrogé à compter du 23 février 2021 en application d'un décret du 21 août 2020. Depuis cette date, les installations de cogénération à partir de gaz naturel ne sont plus éligibles à un soutien et aucune nouvelle demande de contrat ne peut donc être acceptée. Dans la mesure où les producteurs disposent d'un délai de deux ans pour mettre en service leur installation, plus aucune nouvelle centrale ne sera soutenue à compter du début de l'année 2023. L es contrats en cours ne sont pas impactés par cette abrogation.

La capacité installée en cogénération poursuit sa diminution . Elle devrait s'élever à 2,4 GW en 2023 alors qu'elle atteignait 2,7 GW en 2020. Cette année, les prévisions de mises en service ont été revues à la baisse à la suite de l'arrêt de certains projets, notamment en raison de la hausse des prix du gaz. Les installations de cogénération devraient produire 4,7 TWh en 2023 . Cette production est en forte baisse par rapport à celle prévue en 2022 (6,0 TWh) et elle s'inscrit dans une tendance de diminution constante, comme en témoignent les niveaux de production qui avaient été atteints en 2021 (6,4 TWh), en 2020 (7,2 TWh).

La diminution de production attendue explique la baisse significative des crédits prévus en 2023 à l'action 12 « Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques ». 376,7 millions d'euros sont ainsi inscrits à l'action 12 au titre du soutien public à la cogénération, soit une diminution de 42 % (et 269,4 millions d'euros) par rapport au montant prévu en loi de finances initiale pour 2022. En outre, dans sa délibération de réévaluation des CSPE du 3 novembre dernier, la CRE a révisé à la baisse l'évaluation du soutien à la cogénération qui fera l'objet de notifications aux producteurs d'ici la fin de l'année. Elle évalue désormais les dépenses publiques nécessaires en 2023 à 157,5 millions d'euros, soit 219,2 millions d'euros de moins que le montant inscrit dans le présent projet de loi de finances.

Pour cette raison, le rapporteur spécial présente un amendement pour diminuer les crédits de l'action 12 du programme 345 à hauteur de ce montant.

C. UN MANQUE DE LISIBILITÉ MANIFESTE DE LA PRÉSENTATION DES CRÉDITS RELATIFS AU BOUCLIER TARIFAIRE

Pour soutenir certains consommateurs finals face à la crise des prix de l'énergie, des dispositifs dits de « boucliers tarifaires » sur les prix du gaz et de l'électricité ont été adoptés par le Parlement en loi de finances initiale pour 2022.

L'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 a prévu que l'État compense le coût de ces mesures aux fournisseurs de gaz et d'électricité. Ce même article a également prévu que ces compensations soient intégrées dans le dispositif des charges de service public de l'énergie (CSPE) qui ont ainsi vu leur périmètre s'élargir à compter de 2022.

Aussi, pour suivre les crédits budgétaires dédiés à ces compensations des charges de service public liées à la mise en oeuvre des dispositifs de boucliers tarifaires, une nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » a-t-elle été ajoutée à la maquette du programme 345. Elle se décompose en deux sous-actions dont la première (17.01 « Mesures à destination des consommateurs d'électricité ») retrace les compensations dues au titre du bouclier sur l'électricité et la deuxième (17.02 « Mesures à destination des consommateurs de gaz ») celles dues au titre du bouclier sur le gaz.

Sans un prolongement des boucliers tarifaires mis en place pour 2022, les prix de l'énergie pour les particuliers seraient amenés à plus que doubler en 2023 . Aussi, en septembre dernier, le Gouvernement avait-il pris l'engagement de contenir en 2023 l'augmentation des prix de l'électricité et du gaz à 15 % pour les ménages, les copropriétés, les logements sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes. Son coût, extrêmement dépendant de l'évolution des prix de l'énergie en 2023, était estimé alors à au moins 45 milliards d'euros pour les finances publiques : 34 milliards d'euros pour le bouclier « électricité » et 11 milliards d'euros pour son homologue « gaz ». Depuis, dans ses estimations les plus actualisées, la DGEC a revu à la hausse le coût potentiel du bouclier « gaz » qui pourrait dépasser les 20 milliards d'euros pour un coût global du dispositif qui serait alors réévalué à 55 milliards d'euros .

Coûts globaux 18 ( * ) prévisionnels des dispositifs de bouclier tarifaire
pour 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la DGEC

Les mécanismes des boucliers « nouvelle formule » pour 2023 ne figuraient pas dans le projet de loi initial . Ils figurent désormais dans les dispositions proposées à l'article additionnel 42 ter issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Les dispositions proposées sont proches de celles prévues à l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 et visent à contenir l'évolution des tarifs réglementés de vente de gaz et d'électricité et à prévoir les compensations des fournisseurs au titre des charges de service public de l'énergie (CSPE).

D'après les informations obtenues par le rapporteur spécial, la révision actualisée du coût des compensations dues par l'État aux fournisseurs en raison des dispositifs de bouclier tarifaire pour 2023 devrait ainsi représenter 20 milliards d'euros pour le gaz et 25 milliards d'euros pour l'électricité . Concernant le bouclier sur l'électricité, il convient d'ajouter une baisse de recettes de 10 milliards d'euros pour parvenir au coût total du dispositif. En effet, l'article 6 du présent projet de loi de finances prévoit de reconduire en 2023 la réduction des tarifs de l'accise sur l'électricité (l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ou TICFE) à leur minimum autorisé par le droit de l'Union européenne.

Par ailleurs, et après le versement d'une avance de 131 millions d'euros en 2022 due aux fournisseurs de moins d'1 million de clients, un peu plus de 2 milliards d'euros devraient être dus aux fournisseurs en 2023 au titre des compensations liées au bouclier tarifaire sur l'électricité de 2022 . Ces deux milliards d'euros supplémentaires portent ainsi le niveau prévisionnel des compensations dues par l'État en 2023 au titre des dispositifs de boucliers tarifaires à environ 47 milliards d'euros .

Montant prévisionnel de compensations financières dues aux fournisseurs en 2023 au titre des mécanismes de boucliers tarifaires

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Du fait du mécanisme de gestion des charges de service public de l'énergie, les recettes exceptionnelles dues par les producteurs d'EnR (qui sont précisées supra ) en raison des conséquences de la crise des prix de l'énergie, qui transitent par les fournisseurs, au premier rang desquels EDF et sa filiale EDF obligation d'achat, viennent elle-même compenser les compensations de charges de service public de l'énergie dues par l'État aux fournisseurs au titre des mécanismes de boucliers tarifaires.

Ces phénomènes de compensation expliquent que seul un coût prévisionnel net de 9 milliards d'euros ait été inscrit en crédits budgétaires sur l'action 17 du programme 345 plutôt que le coût prévisionnel brut réel de 47 milliards d'euros des dispositifs de boucliers tarifaires.

Comme précisé infra , le dispositif dit d' « amortisseur » destiné à soutenir des entités qui n'entrent pas dans le dispositif de bouclier tarifaire, telles que les petites et moyennes entreprises (PME), les collectivités territoriales ou encore les associations devrait conduire à majorer de 3 milliards d'euros les compensations aux fournisseurs dues au titre des charges de service public de l'énergie.

Détermination des montants inscrits en crédits
à l'action 17 du programme 345

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les informations portées sur le projet annuel de performance pour décrire les modalités de calcul des montants de crédits inscrits à l'action 17 manquent très singulièrement de clarté et ne permettent pas d'éclairer suffisamment le législateur. La portée de l'autorisation parlementaire s'en trouve affectée, ce qui est regrettable s'agissant de dispositifs si majeurs et qui portent de tels enjeux financiers .

II. LE PROGRAMME 174 « ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES » : UNE EXÉCUTION 2022 BOULEVERSÉE ET UNE PROGRESSION DE 50 % DES CRÉDITS DE PAIEMENTS OUVERTS EN 2023

Le coeur du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est constitué par les aides versées aux ménages pour les accompagner dans la transition énergétique :

- le chèque énergie ;

- la prime à la transition énergétique « MaPrimeRenov » ;

- les aides à l'acquisition de véhicules propres .

Les autres dépenses du programme concernent notamment :

- l'accompagnement de l'après-mines, centré sur la gestion des garanties sociales et la reconversion économique des bassins miniers ;

- les activités permettant la promotion de la lutte contre l'effet de serre et le changement climatique ainsi que l'amélioration de la qualité de l'air.

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, les crédits du programme 174 progressent de 1 469,5 millions d'euros en AE (+ 41 %) et de 1 663,2 millions d'euros en CP (+ 52 %) pour s'établir respectivement à 5 089,7 millions d'euros et 4 860,6 millions d'euros. Cette progression s'explique principalement par l'augmentation des crédits inscrits en faveur des aides à l'acquisition de véhicules propres et du dispositif « MaPrimeRenov » .

Crédits inscrits au programme 174 « Énergie, climat et après-mines »
en 2023 (CP)

(en millions d'euros)

2022 (LFI)

2023 (PLF)

Variation

LFI 2022-PLF 2023

01- Politique de l'énergie

112,0

141,4

+ 26,3 %

02- Accompagnement transition énergétique

2 227,5

3 095,5

+ 39,0 %

03- Aides à l'acquisition de véhicules propres

506

1 295,4

+ 156,0 %

04- Gestion économique et sociale de l'après-mines

302,8

270,3

- 10,7 %

05- Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l'air

47,7

56,7

+ 18,9 %

06- Soutien

1,4

1,4

-

Total programme

3 197,4

4 860,6

+ 52,0 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Au cours de la gestion 2022 les crédits du programme 174 ont été bouleversés par différentes mesures prises notamment pour répondre aux conséquences de la crise de l'énergie.

Ainsi la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a-t-elle ouvert sur le programme 174 des crédits supplémentaires à hauteur de 5,7 milliards d'euros en AE et 5,3 milliards d'euros en CP . Ces ouvertures de crédits, nettement supérieures au total des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2022 doivent notamment servir à financer la prolongation et l'amplification de la remise sur les carburants (pour 4,6 milliards d'euros), une majoration des crédits du dispositif MaprimRénov (pour 400 millions d'euros d'AE), une augmentation des crédits consacrés au bonus pour l'acquisition de véhicules propres (pour 400 millions d'euros), une aide exceptionnelle destinée aux foyers qui se chauffent au moyen de fioul domestique (pour 230 millions d'euros), une aide dédiée aux petites stations-services (pour 15 millions d'euros) ou encore un renforcement des aides à l'acquisition de vélos (pour 5 millions d'euros).

Avec le premier PLFR pour 2022 , les crédits disponibles sur le programme 174 ont atteint des niveaux exceptionnels de 9,4 milliards d'euros en AE et de 8,7 milliards d'euros en CP .

Évolution des AE du programme 174 en cours de gestion 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des CP du programme 174 en cours de gestion 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le second PLFR pour 2022 a également ouvert un nombre important de crédits sur le programme 174 : 2,0 milliards d'euros en AE, et 1,5 milliard d'euros en CP . Parmi ces ouvertures, la prolongation de la remise carburant est évaluée à 440 millions d'euros en AE et 60 millions d'euros en CP ; le coût du chèque énergie serait de 1,4 milliards d'euros ; et le reste des crédits devrait financer MaPrimeRénov' .

En outre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement sur le second PLFR un amendement n° 605 qui ouvre 230 millions d'euros en AE et CP pour aider les ménages se chauffant au bois, et un amendement n° 434 , qui renforce MaPrimeRénov' de 29 millions d'euros en AE et en CP, dans l'objectif de favoriser les travaux de rénovation globale.

A. ALORS QUE LE CHÈQUE ÉNERGIE A ÉTÉ L'UN DES LEVIERS POUR ACCOMPAGNER LES MÉNAGES MODESTES FACE À LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉNERGIE, « MAPRIMRENOV' » NE RÉPOND QU'IMPARFAITEMENT À L'ENJEU DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

1. Le chèque énergie a été l'un des outils mobilisés pour soutenir les ménages les plus modestes dans le contexte actuel de crise des prix de l'énergie
a) Entre chèque énergie traditionnel et chèques exceptionnels

Le chèque énergie est un titre spécial de paiement conçu pour aider les ménages les plus modestes à payer leurs factures d'énergie. Il a été instauré par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte 19 ( * ) pour remplacer les tarifs sociaux de l'énergie, à savoir le tarif de première nécessité pour l'électricité (TPN) et le tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz naturel.

Après une phase d'expérimentation, le chèque énergie a été généralisé sur tout le territoire national à compter du 1 er janvier 2018. Il est envoyé automatiquement aux ménages qui sont à jour de leurs obligations fiscales, sans qu'aucune démarche ne soit nécessaire.

Il permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d'énergie, quel que soit leur moyen de chauffage (électricité, gaz, fioul, bois, etc. ). Ils peuvent également l'utiliser pour financer des travaux de rénovation énergétique dans leur logement.

L'aide moyenne est d'environ 150 euros. Son montant, calculé en fonction du revenu fiscal de référence et de la situation familiale (évaluée en fonction du nombre d'unités de consommation 20 ( * ) ) varie de 48 à 277 euros .

Barème du chèque énergie

(en euros)

RFR/UC<5 600

5 600<RFR/UC<6 700

6 700<RFR/UC<7 700

7 700<RFR/UC<10 700

1 UC

194

146

98

48

1 <UC<2

240

176

113

63

2 UC ou +

277

202

126

76

Source : article 2 de l'arrête du 24 février 2021 modifiant le seuil d'éligibilité au chèque énergie et instituant un plafond aux frais de gestion pouvant être déduits de l'aide spécifique

En raison des conséquences de la hausse des prix du gaz sur les factures des ménages, un chèque énergie exceptionnel de 100 euros a été distribué à tous les bénéficiaires du dispositif à la fin de l'année 2021 . Les 600 millions d'euros de crédits nécessaires pour couvrir le coût de cette mesure avaient été adoptés par le Parlement dans le cadre de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021. Au total, au titre de la campagne 2021 , le coût du chèque énergie a ainsi dépassé 1,4 milliard d'euros .

Au titre de la campagne 2022, environ 5,8 millions de ménages bénéficient du dispositif de chèque énergie dans sa version classique.

En outre, à la suite du vote par le Parlement, dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022 de 230 millions d'euros de crédits dédiés à une aide en faveur des consommateurs de fioul domestique, un chèque énergie exceptionnel , étendu jusqu'au cinquième décile de revenus, de 100 euros ou de 200 euros 21 ( * ) est adressé aux ménages se chauffant au fioul depuis le début du mois de novembre 2022. Le régime de ce dispositif a été défini par le décret n° 2022-1407 du 5 novembre 2022 relatif au chèque énergie pour les ménages chauffés au fioul domestique

Par ailleurs, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 actuellement en discussion prévoit d'ouvrir de nouveaux crédits pour attribuer un chèque énergie exceptionnel et élargi pour un coût de 1,8 milliard d'euros . Cette mesure exceptionnelle doit viser 12 millions de ménages 22 ( * ) , soit un périmètre deux fois plus étendu que celui du chèque énergie classique. Les 5,8 millions de ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie recevraient une aide complémentaire de 200 euros tandis que les autres se verraient allouer 100 euros.

En intégrant ces deux mesures exceptionnelles, au titre de la campagne 2022, le coût total du dispositif de chèque énergie devrait avoisiner les 2,9 milliards d'euros .

En 2023 , les crédits dévolus au dispositif du chèque énergie sont prévus à hauteur de 899 millions d'euros en AE et 795 millions d'euros en CP , en baisse de respectivement 2,4 % et 0,6 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finance initiale pour 2022.

Pour la campagne 2022, il a été fait l'hypothèse d'un taux d'usage global de 87,5 % se répartissant en 77,5 % consommés en 2022 et 10 % en 2023 et sur la campagne 2023 une hypothèse d'un taux d'usage global identique de 88 % se répartissant là aussi en 78 % consommés en 2023 et 10 % en 2024.

Si le taux d'usage du chèque énergie progresse d'année en année (78,4 % en 2018, 80,4 % en 2019, 81,3 % en 2020 et 81,5 % en 2021), le rapporteur spécial note qu'il demeure néanmoins systématiquement inférieur aux objectifs affichés.

Taux d'usage du chèque énergie : comparaison entre les objectifs et la réalisation (2018-2021)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Aussi, même si, s'agissant de la campagne 2022, et d'après les éléments transmis par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), il semble que le taux d'usage est en avance de 6 points par rapport à la même date de la campagne 2021 (75,9 % le 7 septembre 2022 soit 4,4 millions de chèques), l e rapporteur spécial considère que les objectifs volontaristes affichés une nouvelle fois pour 2023 sont probablement excessivement optimistes .

Pour remédier au problème du non-recours , l'administration a développé , en 2021, les possibilités d'opter pour la pré-affectation du chèque énergie. Cette pré-affectation permet de déduire automatiquement le chèque du montant de sa facture d'énergie de façon pérenne, sans démarches supplémentaires à accomplir les années suivant la demande initiale. Cette mesure a pour objet de traiter les deux principales raisons du non-recours, à savoir la perte du chèque énergie (environ 30 % des cas de non-recours) et le simple oubli de l'utiliser (environ 10 % des cas). Ainsi, près de 1,2 million de bénéficiaires ont vu leurs chèques énergie pré-affectés en 2021, contre 800 000 pour la campagne 2020. Cependant, cette mesure n'a pas eu l'effet escompté sur le taux d'usage dans la mesure où l'administration a constaté qu'il existait une forte corrélation entre l'usage effectif du chèque énergie pour une année donnée et les demandes de pré-affectation.

b) Au-delà du chèque énergie, une série de mesures ont été prises ou sont en discussion pour accompagner les ménages face à la crise des prix de l'énergie

À compter de l'automne 2021, la crise des prix de l'énergie a conduit les pouvoirs publics à prendre une série de mesures destinées à protéger les ménages des conséquences sur leur pouvoir d'achat de cette flambée des prix.

La loi de finances initiale pour 2022 a ainsi établi le régime législatif encadrant les mesures dites de « bouclier tarifaire » pour le gaz et pour l'électricité , dispositif prorogé par l'article 42 ter du présent projet de loi de finances. ( Cf. I.C de la troisième partie du présent rapport )

Comme évoqué supra , le dispositif habituel de chèque énergie a été renforcé en 2021 par une aide exceptionnelle de 100 euros (pour un coût de 600 millions d'euros) et le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 actuellement en discussion propose un chèque exceptionnel élargi qui pourrait être versé à 12 millions de ménages d'ici la fin de l'année 2022 (pour un coût de 1,8 milliard d'euros).

La première loi de finances rectificative pour 2022 a quant à elle prévue une aide exceptionnelle de 230 millions d'euros pour les foyers qui se chauffent au fioul domestique . Cette aide, qui prend la forme elle aussi d'un chèque énergie exceptionnel, est distribuée depuis le début du mois de novembre.

Enfin, dans le cadre de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 , un amendement a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale pour instaurer une aide de 230 millions d'euros en faveur des foyers qui se chauffent au bois .

À ce stade, parmi l'ensemble des modes de chauffage, les différents dispositifs adaptés ou en discussion ne prévoient pas de mesures de soutien spécifique pour les foyers qui se chauffent au gaz propane distribué en bouteilles ou en citernes dans environ 25 000 communes rurales non connectées au réseau de gaz naturel, le prix du gaz propane ayant certes moins augmenté que celui des autres énergies. Cependant il apparaît qu' à ce stade , notamment car la hausse des coûts de production a pu être intégrée par la filière plutôt que répercutée sur les consommateurs, l'évolution du prix du gaz propane demeure nettement plus contenue que celui des autres sources d'énergies . D'après la filière, entre 2021 et 2022, la hausse des prix du gaz propane livré aux consommateurs ne dépasse pas 6 % . Si l'écart de prix structurel entre le fioul domestique et le gaz propane est une question qui mérite d'être posée, elle ne constitue pas un phénomène conjoncturel lié à la crise des prix de l'énergie et une aide ponctuelle ne semblerait pas de nature à régler la problématique.

2. Le bilan de « MaPrimeRénov' » montre que le dispositif est centré sur le soutien au pouvoir d'achat au détriment de l'efficacité énergétique
a) La prime de transition énergétique a fait l'objet d'un déploiement de crédits important

La loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la prime de transition énergétique en remplacement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et des aides « Habiter mieux agilité » de l'Agence nationale de l'Habitat (ANAH).

En 2020, cette prime, dénommée « MaPrimeRénov' » et dont les crédits sont prévus sur le présent programme, était ciblée sur les ménages les plus modestes. Elle permet le versement de l'aide de façon contemporaine à la réalisation des travaux , contrairement au CITE, versé l'année suivant leur paiement, limitant ainsi le reste à charge des ménages. Seuls les propriétaires occupant leur logement à titre de résidence principale y sont éligibles.

Depuis le 1 er janvier 2021, les propriétaires occupants aux revenus intermédiaires et supérieurs ont été intégrés au dispositif MaPrimeRénov'. La loi de finances pour 2021 prévoyait donc 740 millions d'euros de crédits budgétaires en 2021 pour la prime de transition énergétique sur le programme 174, contre 390 millions d'euros prévus en loi de finances pour 2020 23 ( * ) .

La loi de finances pour 2021 avait également introduit un bonus lorsque les travaux permettent de sortir le logement du statut de passoire énergétique (étiquette énergie F ou G), et un autre lorsque les travaux permettent d'atteindre un niveau « basse consommation » (étiquette énergie A ou B).

Afin d'accélérer et amplifier la dynamique de rénovation énergétique des logements privés, la mission « Plan de relance » prévoyait en 2021 2 milliards d'euros d'AE sur deux ans sur l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 et 1 115 millions d'euros de crédits de paiement pour 2021 .

Le plan de relance a en effet ouvert la prime de transition énergétique à tous les propriétaires (bailleurs ou occupants). Celle-ci est modulée selon les revenus des bénéficiaires mais tous les ménages y auront accès, quels que soient leurs revenus.

Sur ces 2 milliards d'euros, 1,44 milliard d'euros d'AE étaient prévus pour l'extension de « MaPrimeRénov' » aux propriétaires occupants des 9 e et 10 e déciles de revenus, aux propriétaires bailleurs et pour le nouveau forfait relatif à la rénovation globale.

Dans la loi de finances initiale pour 2022, 1,7 milliard d'euros d'AE étaient demandés pour la prime de transition énergétique sur le programme 174, et 1,390 milliard d'euros de CP . Sur le plan de relance, 565,6 millions d'euros de CP ont été ouverts. L'extinction du crédit d'impôt pour la transition énergétique est venue abonder une partie des crédits du plan de relance. La première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 400 millions d'euros en AE sur le programme 174 pour MaPrimeRénov'.

En 2023, le dispositif MaPrimeRénov' est prévu pour être doté de
2,45 milliards d'euros en AE, et 2,3 milliards d'euros en CP
.

Crédits consacrés à la prime de transition
énergétique en loi de finances initiale

(en millions d'euros)

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 174

390

390

740

740

1 700

1 390

2 450

2 300

Programme 362

-

-

2 000

1 115

0

565,6

0

0

Total

390

390

2 740

1 855

1 700

1 855,6

2 450

2 300

Source : commission des finances

D'après les informations transmises par la direction générale de l'énergie et du climat, 300 millions d'euros en AE et 170 millions d'euros en CP ont été redéployés du programme 362 vers le programme 174 . Les crédits toujours inscrits sur le plan de relance concernent « MaPrimeRénov' copro », qui est un dispositif distinct.

Ce redéploiement est une nouvelle illustration de la complexité du pilotage des crédits de MaPrimeRénov' entre le plan de relance et la mission Écologie, développement et mobilité durables, comme le relevait déjà la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire des crédits de la mission 2021 : « l'articulation concrète entre les crédits communs et ceux du Plan de relance n'est pas claire ».

b) Le bilan de la prime de rénovation énergétique la positionne davantage comme une mesure de soutien au pouvoir d'achat que comme un véritable dispositif de transition énergétique

Le dispositif continue de faire l'objet d'un nombre élevé de demandes. 416 000 primes ont ainsi été attribuées entre janvier et août 2022. Sur la même période en 2021, 479 450 dossiers de propriétaires occupants et propriétaires bailleurs ont été déposés auprès de l'ANAH, et près de 410 000 dossiers ont abouti à l'attribution d'une prime.

Ces chiffres montrent un intérêt indéniable des propriétaires pour la prime de transition énergétique , et ils sont souvent mis en avant dans la communication du dispositif. Toutefois, ils renseignent peu sur l'efficacité réelle de la prime en termes de gains énergétiques .

Premièrement, l'exécution des crédits du dispositif est restée nettement en deçà des prévisions . En 2021, sur 1,855 milliard d'euros ouverts en CP, 1,298 milliard ont été consommés, ce qui représente un taux d'exécution de 70 %. La sous-exécution des crédits concerne en particulier les crédits inscrits sur le plan de relance.

Crédits ouverts et consommés en 2021 sur le dispositif de la prime
de transition énergétique (en CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En parallèle de cette sous-exécution, l'indicateur de performance « Nombre de logements sortis du statut de « passoire thermique » grâce à MaPrimeRénov' », rattaché au programme 362, montre des résultats inquiétants.

Le projet annuel de performances de la mission « Plan de relance » annexé au projet de loi de finances pour 2022, fixait une cible de sortie de logements privés du statut de « passoire thermique » (étiquettes F ou G) de 80 000 logements en 2021 et de 20 000 logements en 2022.

Or, d'après les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2023, seuls 2 100 logements sont sortis du statut de passoire thermique en 2021, ce qui est très loin de l'objectif des 80 000 logements . La cible de 80 000 logements n'est plus mentionnée, la cible de 20 000 logements en 2022 est maintenue, et la cible pour 2023 a été abaissée à 15 000 logements.

Il est indiqué dans le projet annuel de performance du plan de relance pour 2023 qu'une « redéfinition et une simplification du suivi et de l'obtention du « bonus passoire » est actuellement en cours d'étude afin d'assurer l'atteinte des objectifs », sans précisions sur les pistes qui sont à l'étude.

Ces données se rapprochent de ce que la Cour des comptes soulignait, dans un rapport publié en 2022 : sur 80 000 logements ayant fait l'objet d'une aide en 2021, seuls 2 500 sont passés à une classe énergétique supérieure .

Ces chiffres doivent être considérés en parallèle avec l'audit flash qu'a rendu la Cour des comptes sur la prime de transition énergétique en septembre 2021. La Cour relève que 86 % des travaux entrepris sont
« mono-gestes »,
c'est-à-dire ne résultent qu'en une seule opération de rénovation . Il s'agit dans 72 % des cas d'un changement de chauffage, et dans les cas restants d'un renforcement de l'isolation . Le rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance d'octobre 2021 (« Rapport Coeuré ») évalue les rénovations globales à 0,1 % des travaux soutenus par le dispositif .

La Cour a répété cette observation dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022 : « on observe que les consommateurs sollicitent essentiellement des aides en faveur de gestes isolés de rénovation, en l'absence d'un plan d'ensemble visant l'atteinte d'une haute performance énergétique . »

Or, les travaux de rénovation « mono-gestes » ne sont souvent pas suffisants pour faire monter un logement d'une ou plusieurs classes énergétiques supérieures .

Le Rapport Coeuré a présenté une première évaluation des gains énergétique permis par la prime de transition énergétique. Le gain énergétique des travaux validés durant le premier semestre 2021 est estimé à 1,7 TWh/an pour des travaux représentants représentant 3 milliards d'euros, et un montant des primes estimé à 860 millions d'euros. Ce gain représente 0,4 % de la consommation énergétique des résidences principales en France en 2019, ce qui est un rythme insuffisant dans un objectif de transition énergétique .

En effet, les travaux de rénovation énergétique « mono-gestes » ont peu d'effets sur la réduction de la consommation énergétique du bâtiment. Massifier les aides à la rénovation énergétique, sans évaluer précisément la nature et l'efficacité des travaux, est davantage une mesure de pouvoir d'achat qu'une véritable mesure de transition énergétique .

Il ne faut toutefois pas négliger les contraintes que présentent les travaux de rénovation globale. Ils sont plus intrusifs pour les ménages, qui peuvent renoncer face à l'ampleur et la difficulté des travaux à mener. De plus, les rénovations globales en copropriété nécessitent un vote du syndicat de copropriété, qui peut être difficile à obtenir.

Une première solution consiste à accélérer le déploiement des solutions d'accompagnement des ménages dans leurs travaux de rénovation. L'Agence nationale de l'habitat a souligné qu'elle souhaitait renforcer cet aspect de ses missions.

Une autre voie intéressante serait de mettre l'accent sur les « rénovations multi-gestes ». Ce type de rénovation consiste à conditionner des majorations de prime à la conduite d'un ou plusieurs travaux de rénovations supplémentaires après la mise en oeuvre de premiers travaux. De cette manière, les ménages sont incités de manière progressive à la réalisation de travaux, ce qui rend le processus plus facilement acceptable qu'une rénovation globale qui s'étalerait sur plusieurs mois.

Enfin, la politique de rénovation énergétique des bâtiments suppose un réseau suffisant d'artisans compétents dans ce domaine . La massification des aides pose en effet le risque que se développe en parallèle une filière de « l'escroquerie » à la rénovation thermique des bâtiments, à l'instar de ce qui s'est produit pour l'installation de panneaux photovoltaïques .

c) Il est nécessaire que des indicateurs assurent le suivi de l'efficacité énergétique des rénovations permises par MaPrimeRénov'

Quelles que soient les pistes d'amélioration retenues, il est indispensable de renforcer le suivi de l'efficacité des rénovations permises par la prime de transition énergétique . Dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022, la Cour des comptes déplore
qu' « au regard de ces montants, la mesure de l'efficacité des financements pour l'atteinte des objectifs de performance énergétique est particulièrement complexe et, en l'état des données disponibles, quasiment hors d'accès ».

Elle ajoute que la mesure de l'efficacité des dispositifs de rénovation énergétique se fonde davantage sur la mesure du nombre de logements rénovés et des subventions accordées, plutôt que sur les gains énergétiques, et les émissions de gaz à effet de serre évitées.

Il existe dans le projet annuel de performance de la mission « Plan de relance » un indicateur nommé « Nombre de logements sortis du statut de « passoire thermique » grâce à MaPrimeRénov' ». Il est déterminé à partir du nombre de dossiers propriétaires occupants de tous les déciles qui se sont vus accorder après audit le confirmant le forfait MaPrimeRénov' de sortie du statut de « passoire thermique », pour les dossiers déposés durant l'année de référence.

Le « forfait de sortie du statut de passoire thermique » est un bonus qui est attribué aux ménages qui ont effectué des travaux de rénovation ayant permis de faire sortir un logement de la catégorie « F » ou « G ». Le bonus est de 1 500 euros pour les ménages aux revenus modestes, et il est de 500 euros pour les ménages qui appartiennent aux plus hauts déciles de revenus.

Cet indicateur est voué à disparaître avec la mission « plan de relance ». Or, il était utile pour assurer le suivi de MaPrimeRénov', et en l'occurrence pour identifier ces faiblesses et prôner une amélioration du dispositif. En conséquence, il est nécessaire d'introduire un nouvel indicateur de performance , sur le suivi des rénovations performantes permises par la prime de transition énergétique, rattaché au programme 174.

B. FAUTE DE DISPOSER D'UNE VÉRITABLE INDUSTRIE DE PRODUCTION DE VÉHICULES PROPRES SUR LE TERRITOIRE NATIONAL, LES AIDES PUBLIQUES SUBVENTIONNENT MAJORITAIREMENT DES VÉHICULES PRODUITS À L'ÉTRANGER

1. 1,3 milliard d'euros de crédits sont proposés en 2023 au titre des dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres

Les crédits relatifs aux aides « historiques » à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO 2 (« bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO 2 (prime à la conversion) 24 ( * ) sont suivis à l'action 03 « Aides à l'acquisition de véhicules propres ». À ces aides historiques sont venus s'ajouter de nouveaux dispositifs particuliers tels que des aides à l'acquisition de véhicules lourds propres ou les aides à l'acquisition de vélos. Par ailleurs, un dispositif de « leasing social » destiné à aider les ménages modestes à acquérir un véhicule électrique est toujours en cours de conception.

En 2021 et en 2022 une partie des crédits consacrés à ces deux dispositifs étaient retracés au sein de l'action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » de la mission « Plan de relance ». En 2023, il a été mis un terme à cette situation qui nuisait à la lisibilité et au suivi de ces crédits.

L'ensemble des crédits relatifs aux aides à l'acquisition de véhicules propres sont désormais retracés sur le programme 174.

Les crédits proposés pour 2023 au titre des aides à l'acquisition de véhicules propres atteignent 1 295 millions d'euros , soit une hausse de plus de 30 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2022.

Néanmoins la première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 400 millions d'euros de crédits supplémentaires dédiés aux aides à l'acquisition de véhicules propres et plus précisément pour le dispositif du bonus écologique en raison du succès du bonus mais surtout de la décision du Gouvernement de reporter de six mois la baisse de 1 000 euros du montant de cette aide qui était initialement prévue le 1 er juillet 2022. Cette même loi a également ouvert 5 millions d'euros supplémentaires pour renforcer les aides à l'acquisition de vélos .

Aussi, si l'on compare le total des crédits ouverts au cours de la gestion 2022 au titre des aides à l'acquisition de véhicules propres avec les crédits inscrits pour 2023, on constate une diminution d'environ 100 millions d'euros (7 %).

Évolution des crédits (CP) consacrés aux aides à l'acquisition de véhicules propres (missions « Écologie » et « Plan de relance »)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2023, les crédits dont l'ouverture est proposée dans le présent projet de loi de finances auraient vocation à se répartir comme le décrit le graphique ci-après.

Répartition prévisionnelle des crédits de l'action 03 en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la DGEC

D'après cette répartition prévisionnelle, les montants prévus pour le bonus écologique augmenteraient de 26 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2022 et sans tenir compte de la dotation de crédits complémentaires de 400 millions d'euros intervenue en cours d'année. Les montants alloués au titre de la prime à la conversion seraient également en forte hausse, puisqu'ils progresseraient de 15 %.

Évolution des montants consacrés aux bonus et prime à la conversion
(2017-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

D'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, au premier semestre 2022, 170 000 bonus ont été attribués 25 ( * ) pour 613 millions d'euros .

Au cours des sept premiers mois de l'année, 52 000 primes à la conversion ont été distribuées pour 143 millions d'euros .

Nombre de bonus et de primes à la conversion distribués (2018-2021)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

À l'automne 2022, le Président de la République a confirmé son engagement à instaurer un dispositif dit de « leasing social » pour mettre en place un dispositif de soutien à la location longue durée de véhicules électriques. L'objectif du dispositif est de diminuer le coût d'usage d'un véhicule pour les ménages sous condition de ressources, avec un loyer n'excédant pas 100 euros par mois pour la location d'un véhicule électrique.

Ce nouveau dispositif pourrait intervenir en complément des dispositifs déjà existants du bonus écologique et de la prime à la conversion auxquels sont éligibles les véhicules pris en location pour des contrats d'au moins deux ans.

Les discussions interministérielles et avec les professionnels du secteur sont en cours et le dispositif, qui présente de nombreuses difficultés, ne sera pas mis en oeuvre avant au mieux plusieurs mois . Par ailleurs, comme souligné infra , compte tenu des prix actuels des véhicules électriques et du retard industriel de la France et de l'Europe en la matière, ce mécanisme pourrait conduire à subventionner des véhicules produits à l'étranger, et notamment en Chine, au détriment de notre souveraineté industrielle.

À la suite de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2022 qui a abondé de 5 millions d'euros le programme 174 pour soutenir l'usage du vélo par les ménages, la prime à la conversion pour l'acquisition d'un vélo à assistance électrique a été doublée pour les ménages les plus modestes et les personnes en situation de handicap du 15 août au 31 décembre 2022. Par ailleurs, la mise au rebut d'un véhicule polluant donne droit à l'attribution d'une prime à la conversion pour l'achat d'un vélo. Dans le cadre du plan vélo annoncé en septembre 2022, le Gouvernement a pris l'engagement du prolongement de ces mesures au-delà de l'année 2022.

La transition écologique du parc de véhicules doit notamment aller de pair avec le développement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE M) pour lesquelles le Gouvernement a annoncé au mois d'octobre dernier que des contrôles automatiques seraient mis en place à partir du second semestre de l'année 2024.

À ce jour, onze agglomérations ont créé des ZFE M en France et d'ici 2025, les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants devront en avoir créées elles-aussi. Au sein de ces zones, la circulation de certains véhicules, en fonction des catégories de vignettes Crit'Air, sera progressivement restreinte. En outre, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a prévu que la circulation des véhicules dotés de vignettes Crit'Air 3 26 ( * ) soit interdite dans les métropoles qui dépassent les normes de qualité de l'air définies par les normes européennes.

Les zones à faibles émissions mobilité (ZFE M)

Afin de lutter contre la pollution de l'air par le dioxyde d'azote et les particules fines, les lois d'orientation des mobilités (2019) et climat et résilience (2021) fixent un cadre et des obligations pour la mise en place de zones à faibles émissions mobilité (ZFE M).

Une ZFE M se caractérise par une zone comportant des voies routières où la circulation des véhicules les plus polluants est restreinte de manière pérenne, selon les modalités spécifiques définies par la collectivité. L'objectif est de réduire les émissions de polluants atmosphériques, principalement les oxydes d'azote et les particules fines, afin d'améliorer la qualité de l'air et la qualité de vie.

Le périmètre des ZFE M et les restrictions associées sont décidés par les agglomérations, après la tenue d'une concertation sur leur territoire.

La loi impose la mise en place d'une ZFE M dès maintenant pour 10 métropoles tout en leur laissant le choix de ses modalités.

En outre, les métropoles qui dépassent les normes de qualité de l'air fixées au niveau européen doivent respecter un calendrier progressif d'interdiction de circulation pour les automobilistes : Crit'Air 5 au 1 er janvier 2023, Crit'Air 4 au 1 er janvier 2024, et Crit'Air 3 au 1 er janvier 2025.

Enfin, d'ici 2025, les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants devront avoir mis en place une ZFE M.

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

2. Compte-tenu des réalités actuelles de la chaîne de valeur des véhicules électriques, et faute de réels mécanismes de préférence européenne, le renforcement des aides publiques à l'acquisition de véhicules propres conduira à subventionner nos concurrents économiques qui, eux, protègent jalousement leurs marchés

Aujourd'hui, plus de 80 % des véhicules électriques achetés en France sont importés . Au cours des neufs premiers mois de l'année 2022, les bonus écologiques alloués pour l'achat de véhicules produits en France ne représentent qu'à peine 140 millions d'euros soit moins d'un cinquième du total. Dans les vingt véhicules les plus vendus en France au cours des neufs premiers mois de l'année et ayant bénéficié de 324 millions d'euros de bonus, seuls cinq étaient produits en France et ont bénéficié de bonus pour un montant de 16 millions d'euros.

Aujourd'hui, la Chine domine une très grande partie de la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques , de l'extraction des métaux 27 ( * ) nécessaires à la production même des batteries et des moteurs. À ce jour, les entreprises chinoises maîtrisent d'ores et déjà 50 % de la valeur totale d'un véhicule électrique et 75 % de la chaîne de valeur des batteries électriques. La Chine produit aussi 80 % des aimants entrant dans les moteurs électriques et 90 % de l'ensemble des moteurs électriques.

Par ailleurs, ses constructeurs , très représentés au dernier mondial de l'automobile à Paris, s'apprêtent à inonder le marché européen de leurs véhicules électriques dont les prix défient toute concurrence et face auxquels les véhicules actuellement produits en Europe ne seront absolument pas en mesure de rivaliser. Les constructeurs chinois ont pu prendre une telle avance sur les européens car ils ont décidé de faire l'impasse sur la production de véhicules thermiques pour immédiatement tout miser sur les véhicules électriques et leur potentiel d'exportation, notamment vers les pays de l'Union européenne.

Attribuer massivement des subventions à des véhicules produits à l'étranger et notamment en Chine à un moment où l'on doit à tout prix relocaliser des usines et développer une filière souveraine de production de véhicules électriques est une erreur . Une erreur qui risque de tuer dans l'oeuf la constitution de cette filière d'excellence si déterminante pour notre souveraineté et le rattrapage du retard considérable que nous avons accumulé par rapport à nos principaux concurrents économiques. Une telle perspective nous placerait structurellement sous une dépendance inacceptable de rivaux économiques voire géopolitiques qui auraient ainsi entre les mains un levier essentiel de l'avenir de notre transition écologique , un enjeu souverain s'il en est.

En août 2022, les États-Unis ont su mettre en place des dispositifs de protection très robustes qui leur permettent de soutenir efficacement le développement d'une filière souveraine de production de véhicules électriques. Ils réservent ainsi les aides publiques (très généreuses par ailleurs) aux seuls véhicules assemblés sur le territoire national , y compris s'agissant du lieu d'assemblage de la batterie ainsi que du lieu d'extraction des métaux rares qui ont servi à sa production. Ce coup de semonce américain , vivement critiqué par l'exécutif européen, pourrait être salutaire et le rapporteur spécial espère qu'il produira l'électrochoc dont l'Union européenne et la France avaient tant besoin .

De son côté, la Chine ne se plie pas aux règles de réciprocité et le degré d'ouverture de ses marchés est inversement proportionnel à celui qui a cours en Europe. Pour nous prémunir du risque de subventionner massivement, dans les années à venir, la production de véhicules électriques chinois il faut absolument établir une vraie règle de réciprocité stricte dans ce domaine et exiger que les conditions d'importation des véhicules en provenance de Chine soient aussi contraignantes que celles qui sont appliquées aux véhicules européens exportés en Chine.

Le rapporteur spécial ne peut se résoudre à cette forme de désarmement de souveraineté sur l'industrie des véhicules électriques. Il appelle à une prise de conscience et à un véritable sursaut . Alors que depuis des années la filière de production du véhicule électrique française et européenne se fait distancer et voit grandir la menace existentielle de la concurrence chinoise, nous continuons à regarder ailleurs . Il n'est plus temps de tergiverser et il est nécessaire de prendre des orientations stratégiques ambitieuses et résolument volontaristes.

Pour ces raisons, le rapporteur spécial présente un amendement de diminution des crédits de l'action 03 du programme 174. Cette réduction de crédits de 500 millions d'euros vise à la fois les crédits alloués au dispositif de « leasing social » ainsi que ceux dédiés au bonus et à la prime à la conversion . En l'état actuel, ces crédits publics reviendraient largement à subventionner des producteurs et industries étrangères qui ne respectent pas toujours, loin de là, le principe de réciprocité.

Cet amendement ne vise pas tant à supprimer des crédits qu'à les décaler dans le temps . Ces montants devront être rétablis dans quelques années lorsque une part significative de véhicules éligibles seront produits en Europe et singulièrement en France , que l'Europe aura rattrapé une part de son retard sur ses concurrents dans la chaîne de valeur des véhicules électriques et surtout lorsque la promesse faite par le Président de la République d'instaurer un mécanisme de préférence européenne dans l'achat des véhicules électriques, sur le modèle mis en oeuvre par les États-Unis, aura pu être tenue.

Le rapporteur spécial appelle ainsi de ses voeux à ce que les ambitions volontaristes affichées par le Président de la République de créer une filière souveraine de production de véhicules électriques (avec un million de véhicules produits sur le territoire national en 2027 puis 2 millions en 2030) se réalisent . Cependant, avant que la filière ne se développe et pour ne pas risquer de l'affaiblir un peu plus en subventionnant ses concurrents étrangers, amplifiant ainsi les effets de la concurrence déloyale qui a cours aujourd'hui, il convient de s'assurer qu'un mécanisme de préférence efficace sur les aides versées et financées par le contribuable français soit mis en oeuvre .

Cet amendement n'entend en aucune mesure affaiblir la transition écologique du parc de véhicule mais tout au contraire, il entend garantir que la France et l'Europe puissent conduire cette transition de façon souveraine sans se rendre dépendants de nos principaux rivaux économiques.

III. LES CRÉDITS DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACÉ) » N'ÉVOLUERONT QU'À LA MARGE EN 2023

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE FACÉ PERMET LE FINANCEMENT « PÉRÉQUÉ » D'AIDES À L'ÉLECTRIFICATION RURALE

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité - AODÉ (communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats d'électrification) pour le financement des travaux d'électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage 28 ( * ) .

Le CAS FACÉ, dont notre ancien collègue Jacques Genest a montré dans un rapport 29 ( * ) très documenté présenté à la commission des finances du Sénat le 15 février 2017 combien il demeurait un outil essentiel au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural, permet de verser des aides aux AODÉ afin de financer 30 ( * ) :

- des travaux d' électrification rurale 31 ( * ) ;

- des opérations de maîtrise de la demande d'électricité ;

- des opérations de production d'électricité par des énergies renouvelables 32 ( * ) ;

- des installations de production de proximité dans les zones non interconnectées (ZNI) 33 ( * ) .

Ces aides sont réparties par département sous forme de dotations affectées à l'électrification rurale, selon des critères précisés par voie d'arrêté, par le ministre chargé de l'énergie et après avis du conseil du FACÉ. Cette répartition se fonde sur les évaluations des besoins en travaux d'électrification rurale par département réalisées tous les deux ans. Une fois les dotations réparties par département, elles sont versées aux AODÉ sur la base des projets de travaux présentés.

Le regroupement des AODÉ , et donc de la maîtrise d'ouvrage, au niveau départemental , a été encouragé par le législateur 34 ( * ) . Les modalités de versement des aides du FACÉ incluent depuis 2013 un dispositif financier d'incitation au regroupement à l'échelle départementale 35 ( * ) .

Le financement du CAS FACÉ repose sur des contributions dues par les gestionnaires de réseaux de distribution 36 ( * ) et assises sur le nombre de kilowattheures (kWh) distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension l'année précédant celle du versement de la contribution.

Ce mode de financement permet une péréquation entre les territoires urbains et ruraux au profit de ces derniers. En effet, le taux de contribution est différent selon que les communes sont urbaines ou rurales : il doit être compris entre 0,03 et 0,05 centime d'euro par kilowattheure pour les communes dont la population est inférieure à 2 000 habitants et entre 0,15 et 0,25 centime d'euro par kilowattheure pour les autres communes. Ces taux sont fixés annuellement par un arrêté des ministères chargés du budget et de l'énergie et ajustés afin de correspondre aux prévisions de dépenses et assurer l'équilibre du CAS.

Pour l'année 2022, l'arrêté du 20 septembre 2022 37 ( * ) a fixé le taux de contribution à :

- 0,180 100 centime d'euro par kilowattheure pour les communes urbaines ;

- 0,036 000 centime d'euro par kilowattheure pour les communes rurales.

B. LE MONTANT DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES PRÉVUS POUR LE CAS FACÉ SE MAINTIENT À 360 MILLIONS D'EUROS SANS QUE L'ON SOIT EN MESURE D'ESTIMER SI CETTE DOTATION CORRESPOND RÉELLEMENT AUX BESOINS

Depuis 2018 le montant de crédits ouverts en loi de finances sur le CAS est stable à 360 millions d'euros. En 2023, 2 millions d'euros supplémentaires sont imputés sur le programme 794 et un montant identique est retiré du programme 793.

Les crédits du CAS par programme en 2023

(en euros et en %)

Programme

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

Variation 2023/2022

(en %)

793 « Électrification rurale »

AE

335 028 924

353 500 000

351 500 000

- 0,6 %

CP

342 205 609

353 500 000

351 500 000

- 0,6 %

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

AE

601 268

6 500 000

8 500 000

+ 30,8 %

CP

2 546 262

6 500 000

8 500 000

+ 30,8 %

Total

AE

335 630 193

360 000 000

360 000 000

-

CP

344 751 870

360 000 000

360 000 000

-

Source : projet annuel de performances du CAS-FACÉ annexé au projet de loi de finances pour 2023

Le compte d'affectation spéciale étant équilibré par construction, le taux des contributions dues par les gestionnaires de réseau (voir supra ) devrait être identique en 2023 à celui de 2022.

Le CAS FACÉ se compose de deux programmes , qui se décomposent en actions qui correspondent aux différents types de travaux financés :

- 97,6 % de ses crédits sont portés par le programme 793 « Électrification rurale », doté de 351,5 millions d'euros en 2023, 2 millions d'euros de moins qu'en 2022.

Ce programme correspond aux aides en faveur du renforcement des réseaux 38 ( * ) . 48,4 % des crédits (170 millions d'euros) du programme sont consacrés au renforcement des réseaux et 28,4 % (100 millions d'euros) à leur sécurisation ;

- 2,4 % des crédits du compte sont retracés au sein du programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les ZNI, déclarations d'utilité publique et intempéries », doté en 2023 de 8,5 millions d'euros , soit 2 millions d'euros en plus qu'en 2022.

Le programme 794 porte les aides à la production d'électricité à partir de sources renouvelables dans les sites isolés, à la production à partir d'installations de proximité dans les zones non interconnectées ainsi qu'aux opérations de maîtrise de la demande en énergie.

Les crédits relatifs à la production de proximité dans les ZNI 39 ( * ) représentent 35,3 % de la dotation du programme, soit 3 millions d'euros.

En 2023, les deux millions d'euros supplémentaires alloués au programme 794 conduisent à doubler, en les portant à 2 millions d'euros chacun, les montants consacrés à la transition énergétique et aux appels à projet innovants en ZNI .

Dans un rapport du 6 septembre 2022 sur le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale, la Cour des comptes a porté un jugement sévère sur le CAS FACÉ . La Cour estime que la gestion des aides est défaillante et qu'il n'est pas possible actuellement d'évaluer leur efficacité . Selon elle, la répartition des aides est réalisée sur la base de donnés déclaratives peu fiables et des erreurs manifestes de traitement de fichiers se traduisent par des « répartitions incohérentes des droits à subvention » .

Alors que certains maîtres d'ouvrage rencontrent des difficultés à établir des programmations pluriannuelles robustes, la Cour des comptes considère que les contrôles trop rares ne permettent pas de disposer d'une évaluation fiable de l'efficience des concours apportés par le CAS FACÉ. Par ailleurs, la Cour des comptes constate que « la mise en service de la nouvelle application de gestion du Facé est au regard ces insuffisances très décevante , en dépit des importants retards et surcoûts constatés » . La Cour note également qu'aucun critère ne permet de juger si les montants alloués au Facé en loi de finances sont adaptés aux besoins des communes. Elle souligne que du fait de l'inflation, et en raison de la stabilité de l'enveloppe budgétaire, la capacité du Facé à contribuer au financement des travaux d'électrification s'érode progressivement. Au regard des enjeux, la Cour des comptes estime que les crédits affectés au Facé apparaissent insuffisants .

C. APRÈS DES RETARDS CONSTATÉS EN 2021, LES 50 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS PRÉVUS PAR LE PLAN DE RELANCE DEVRAIENT ÊTRE ENGAGÉS D'ICI AU 31 DÉCEMBRE 2022

En complément des moyens portés par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACE), le plan de relance a alloué 50 millions d'euros en faveur de la résilience des réseaux électriques dans les zones rurales.

Ces aides complémentaires visent des projets favorisant la transition énergétique associant digital et technologies récentes, ainsi que des projets habituellement financés par les actions 10 « Intempéries » et 11 « Sécurisation de fils nus » du programme 793 « Électrification rurale » du CAS FACE.

Le recensement des projets susceptibles d'être subventionnés (à un taux de 80 %) a été réalisé via un appel à manifestation d'intérêt lancé à la fin de l'année 2020. Pour les volets « intempéries » et « sécurisation des fils nus » , la sélection des projets a été effectuée sur la base des critères déterminés par un arrêté du 17 avril 2021. 35 millions d'euros ont ainsi pu être alloués suite à cette première phase. Cependant, des problèmes techniques liés au Système d'information Facé n'avaient pas permis d'engager la totalité des crédits au cours de l'exercice 2021.

Concernant le volet « transition énergétique », la procédure a été retardée . La sélection des projets a finalement été réalisée en 2022 sur la base d'un arrêté du 15 mars 2022. Les projets soutenus visent en particulier à réguler l'éclairage public dans un objectif de réduction de la consommation électrique. D'après le projet annuel de performance 2023 du programme 362, l'intégralité des 50 millions d'euros de crédits du plan de relance devrait ainsi avoir été engagée au 31 décembre 2022 .

La réalisation des projets sélectionnés et donc la consommation des crédits de paiement doit s'étaler jusqu'en 2024 voire en 2025 .

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

À la suite de la première délibération à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, plusieurs amendements qui sont venus modifier les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et les emplois qui lui sont dévolus ainsi que deux amendements qui ont créé de nouveaux indicateurs de performance qui seront retracés dans les projets et rapports annuels de performance.

L'amendement n° 3106 , déposé par le Gouvernement, ouvre 3 milliards d'euros de crédits nouveaux (AE=CP) sur le programme 345 « Service public de l'énergie » afin de financer les compensations dues aux fournisseurs d'électricité dans le cadre du dispositif dit d' « amortisseur » dont l'instauration est prévue par l'article 42 ter du même projet de loi de finances (voir commentaire infra ).

Cet amendement ouvre également 500 millions d'euros d'AE et 125 millions d'euros de CP sur le nouveau programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » au titre du nouveau « fonds vert ».

Parmi les 500 millions d'euros en AE supplémentaires venant abonder le fonds vert, il est prévu qu'au moins 300 millions soient attribués en compensation de la fin de la CVAE . Cette annonce est problématique car elle revient à priver les collectivités du libre emploi d'une ressource fiscale qu'elles auraient dû percevoir , dans la mesure où la gestion du vert ne sera pas entièrement décentralisée. Ces crédits supplémentaires ne permettent donc pas de respecter l'objectif de compensation à l'euro près de la fin de la CVAE .

Enfin il procède aussi à une minoration de 18,8 millions d'euros des crédits du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » afin de prendre en compte de l'accélération du règlement des indemnités dues aux personnels techniques ayant adhéré au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP). Ces indemnités seront intégralement versées en gestion 2022, au lieu d'un règlement étalé jusqu'en 2027.

L'amendement n° 2347 , déposé par des députés du groupe Renaissance conduit à majorer à hauteur de 2 millions d'euros (AE=CP) l'action 05 du programme 174 dans le but d'augmenter d'autant les financements dévolus au fonctionnement du réseau des associations chargées de la surveillance de la qualité de l'air (AASQA).

L'amendement n° 2360 , déposé par des députés du groupe Renaissance prévoit d'augmenter de 1,2 million d'euros les crédits de l'action 03 du programme 174 dans le but de renforcer les aides à l'acquisition de vélos déjà existantes .

L'amendement n° 3271 , déposé par le Gouvernement, procède à l'annulation des gages de crédits des amendements n° 2347 et n° 2360.

Les amendements n° 1511 et n° 1512 créent deux nouveaux indicateurs de performance au sein de l'objectif de « Réduction des émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs » prévu pour le programme 174. Ces indicateurs devraient suivre, d'une part, le « nombre d'infrastructures de recharge installées dans les locaux à usage d'habitation » et, d'autre part, le « nombre de contribuables ayant bénéficié d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l'acquisition et la pose d'un système de charge pour véhicule électrique » .

Au total, le périmètre des programmes examinés dans ce rapport connait une hausse de 3,48 milliards d'euros en AE et de 3,11 milliards d'euros en CP .

Évolution des crédits à périmètre constant (hors programme 380)
entre 2022 et le PLF 2023 après modifications de l'Assemblée nationale

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 42 bis (nouveau)

Intégration des coûts d'investissement de certains projets d'import d'électricité en zones non interconnectées (ZNI) au dispositif d'obligation de charges de service public de l'énergie

. Le présent article prévoit d'intégrer au périmètre des obligations de charges de service public de l'énergie (CSPE) compensées par l'État, les investissements en faveur de certains projets d'imports d'électricité dans les zones non interconnectées (ZNI) alors qu'en droit existant seuls les investissements dans les projets de production d'énergie ou pour les études en vue de la réalisation de tels projets d'approvisionnement sont intégrés.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES OBLIGATIONS DE CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE

Les obligations de service public qui reposent sur les entreprises des secteurs de l'électricité et du gaz en vertu du code de l'énergie entrainent pour elles des charges qui sont compensées par l'État via des crédits budgétaires inscrits sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En matière d' électricité , les charges de service public se trouvent définies aux articles L. 121-7, L. 121-8 et L. 121-8-1 du code de l'énergie . Elles se composent des surcoûts générés par les mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) ainsi qu'à la cogénération, des surcoûts liés à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (ZNI), des surcoûts liés à certains dispositifs sociaux bénéficiant aux ménages en situation de précarité et des surcoûts liés au soutien à l'effacement.

En application de l'article L. 121-9 du code de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) est chargée de l'évaluation annuelle des charges de service public de l'énergie. Les articles R. 121-25 et suivants du code de l'énergie précisent quant à eux la définition des charges de service public de l'énergie. Enfin, les articles R. 121-30 et suivants du code de l'énergie définissent les modalités d'évaluation des charges de service public de l'énergie par la CRE.

B. LES OBLIGATIONS DE CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE DANS LES ZONES NON INTERCONNECTÉES (ZNI)

Les zones non interconnectées (ZNI) sont des territoires qui ne sont pas connectés au réseau d'électricité continental (ou de façon limitée dans le cas de la Corse) et voient leur approvisionnement en électricité spécifiquement contraint.

Carte des ZNI

Source : Commission de régulation de l'énergie

Les caractéristiques climatiques et géographiques spécifiques des ZNI ainsi que la petite taille de leurs systèmes électriques créent de fortes contraintes pour le mix énergétique, la gestion du réseau électrique et l'approvisionnement. Ces contraintes imposent de recourir à des solutions technologiques adaptées qui entraînent des coûts de production significativement plus élevés qu'en métropole. D'après les données de la CRE, ces coûts atteignaient 271 euros par mégawattheure (MWh) en moyenne en 2021. Ces coûts sont par ailleurs très variables selon les territoires en fonction des caractéristiques du parc de production et du réseau.

Moyenne des coûts de production d'électricité en ZNI (2021)

Source : Commission de régulation de l'énergie

En vertu du principe de péréquation à l'échelle nationale, les consommateurs paient un niveau de facture d'électricité identique à celui de la France continentale. Les surcoûts générés par cette péréquation pour les fournisseurs sont compensés en vertu du mécanisme des charges de service public de l'énergie.

En matière d'électricité, le périmètre des charges de service public de l'énergie en ZNI qui ouvrent droit à compensation de l'État est précisé au 2° de l'article L. 121-7 du code de l'énergie .

Celles-ci comprennent :

- les surcoûts de production d'électricité supportés dans les territoires concernés par l'opérateur historique pour l'électricité produite par les installations qu'il exploite ;

- les surcoûts des ouvrages de stockage d'électricité gérés par le gestionnaire du système électrique ;

- les surcoûts d'achat d'électricité supportés dans les territoires concernés ;

- les coûts supportés en raison de la mise en oeuvre d'actions de maîtrise de la demande portant sur les consommations d'électricité (MDE) par les fournisseurs d'électricité ;

- et enfin les coûts des études supportés par un producteur ou un fournisseur en vue de la réalisation de projets d'approvisionnement électrique identifiés dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et ce, même si le projet n'est pas mené à son terme.

Ces derniers coûts, portés par le e) du 2° de l'article L. 121-7 du code de l'énergie se limitent ainsi aux seules études en vue de la réalisation de projets d'imports d'énergie en ZNI et non aux dépenses d'investissement relatives à la mise en oeuvre concrète de ces projets. C'est cette lacune que le présent article entend combler pour certains projets spécifiques.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INTÉGRATION DANS LE PÉRIMÈTRE DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE DES INVESTISSEMENTS EN FAVEUR DE CERTAINS PROJETS D'IMPORTS D'ÉLECTRICITÉ DANS LES ZNI

Le présent article additionnel, issu d'un amendement déposé par Laurent Marcangeli et certain de ses collègues députés, a été retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Il prévoit d' intégrer au périmètre des obligations de charges de service public de l'énergie (CSPE) compensées par l'État, les investissements en faveur de certains projets d'imports d'électricité dans les ZNI alors qu'en droit existant seuls les investissements dans les projets de production d'énergie ou pour les études en vue de la réalisation de tels projets d'approvisionnement sont intégrés . Pour ce faire, il modifie l'article L. 121-7 du code de l'énergie qui liste les charges imputables aux missions de service public de l'énergie en matière d'électricité. Plus précisément, il modifie le 2° de cet article qui est spécifiquement consacré aux charges imputables au service public de l'énergie en matière d'électricité dans les seules ZNI.

Ainsi, le 1° du présent article 42 bis ajoute un f) au 2° de l'article L. 121-7 du code de l'énergie. Ce f) prévoit que les coûts qui sont liés à « la réalisation de projets d'approvisionnement en électricité reconnus comme des projets d'intérêt public et nécessaires à la sécurité d'approvisionnement , supportés en phase de développement et de construction par un producteur, un fournisseur ou le gestionnaire de réseau » qui doivent se traduire par des surcoûts, sont reconnus comme des charges de service public de l'énergie et ce, « même si le projet n'est pas mené à son terme » . La CRE est chargée de contrôler et d'évaluer les coûts qui seront amenés à être compensés par l'État.

Le même 1° prévoit un encadrement strict de cette extension du périmètre des charges de service public de l'énergie en ZNI. Premièrement, les charges pouvant être compensées pour un même projet doivent être limitées par un plafond . Deuxièmement, la liste des projets d'approvisionnements qui pourront voir leurs coûts compensés au titre de l'extension prévue par le présent article, ainsi que les plafonds de compensation pour chaque projet devront être définies par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et du budget, après avis de la CRE.

Le 2° du présent article modifie quant à lui le deuxième alinéa du e) de l'article L. 121-7 du code de l'énergie pour préciser que les conditions de rémunération du capital immobilisé dans les moyens d'approvisionnement sont comprises dans les charges à compenser , au même titre que la rémunération des investissements dans les projets de production, de stockage ou encore de maîtrise de la demande.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXTENSION NÉCESSAIRE ET STRICTEMENT LIMITÉE DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE

Comme l'indique son objet, le présent article concerne tout particulièrement les opérations de renouvellement et d'augmentation de la puissance de l'interconnexion dite SACOI (pour Sardaigne-Corse-Italie), l'une des deux interconnexions électriques de la Corse 40 ( * ) . Ce projet est développé par l'entreprise EDF en partenariat avec le gestionnaire de réseau de transport d'électricité italien TERNA. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de Corse prévoit par ailleurs cette opération afin de porter la capacité de la liaison SACOI à 100 mégawatt (MW).

Ce projet, qui passe notamment par le renouvellement de la station de conversion de Lucciana, est déterminant s'agissant de la sécurité d'approvisionnement électrique de la Corse . Il a d'ailleurs été qualifié de projet d'intérêt commun au sens du règlement européen n° 347/2013 du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes.

Compte-tenu des risques inhérents à un projet d'une telle envergure il apparaît nécessaire que la rémunération du capital investi par EDF soit garantie sur le long terme. C'est une condition de l'aboutissement de cette opération.

Les dispositions du présent article qui visent à intégrer dans le périmètre des charges de service public en ZNI les coûts d'investissement dans des opérations d'approvisionnement d'électricité apparaissent ainsi légitimes , d'autant plus que le dispositif est très strictement circonscrit .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 42 ter (nouveau)

Prorogation du « bouclier tarifaire » sur l'électricité et le gaz et instauration d'un « amortisseur » pour soutenir certains consommateurs finals d'électricité

. Cet article introduit par un amendement du Gouvernement vise à proroger les dispositifs de boucliers tarifaires pour les prix du gaz et de l'électricité et à créer un mécanisme dit d' « amortisseur » destiné à soutenir des consommateurs finals d'électricité qui ne sont pas éligibles au dispositif de « bouclier ».

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DES « BOUCLIERS TARIFAIRES » SUR LE GAZ ET L'ÉLECTRICITÉ ONT ÉTÉ INSTAURÉS EN 2022 POUR RÉPONDRE AUX CONSÉQUENCES DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE SUR CERTAINS CONSOMMATEURS FINALS

A. LA HAUSSE DU PRIX DU GAZ A CONDUIT À LA MISE EN PLACE D'UN BOUCLIER TARIFAIRE, QUI A ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDU À L'ENSEMBLE DES CONTRATS DE FOURNITURE POUR LES CLIENTS RÉSIDENTIELS JUSQU'À LA FIN DE L'ANNÉE 2022

1. La hausse du prix du gaz en 2021 a conduit à geler par décret les tarifs réglementés de vente de gaz toutes taxes comprises jusqu'au 30 juin 2022

Les prix de gros européens du gaz naturel ont augmenté à partir du printemps 2021, et de façon plus importante et rapide à compter du mois de juillet. Ces niveaux de prix inédits en Europe découlaient de plusieurs facteurs :

- d'une part, une demande importante , dans un contexte de reprise économique au niveau mondial, de niveaux bas de stockages européens en gaz en raison d'un hiver 2020-2021 rigoureux 41 ( * ) et d'une croissance de la consommation de gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie supérieure à la croissance de la production mondiale, limitant les quantités livrées sur les marchés européens ;

- d'autre part, une offre contrainte , en raison de la saturation des capacités de production en Algérie et en Norvège, d'une tendance décroissante de la production de gaz naturel dans l'Union européenne, avec notamment l'arrêt progressif de l'exploitant du champ de Groningue aux Pays-Bas, et d'exportations de gaz russe vers l'Union européenne restant inférieures aux niveaux observés par le passé, notamment en 2019.

Or, cette hausse des prix de gros du gaz impacte directement les coûts d'achat du gaz des fournisseurs , qui sont strictement reflétés dans l'évolution des tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz.

Les tarifs réglementés de vente de gaz

Les TRV de gaz sont encadrés par les articles L. 445-1 à L. 445-4 et R. 445-1 à R. 445-7 du code de l'énergie.

Aux termes de l'article L. 445-3, « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts [...] ». L'article R. 445-2 du code de l'énergie précise que « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel couvrent les coûts d'approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement. Ils comportent une part variable liée à la consommation effective et une part forfaitaire calculée à partir des coûts fixes de fourniture du gaz naturel [...] ».

Une formule tarifaire traduit la totalité des coûts d'approvisionnement en gaz naturel pour chaque fournisseur (article R. 445-3 du code de l'énergie). La formule tarifaire et les coûts hors approvisionnement permettent de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci. Les coûts hors approvisionnement comprennent notamment :

- les coûts d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel et, le cas échéant, des réseaux de distribution publique de gaz naturel, résultant de l'application des tarifs d'utilisation des infrastructures de gaz fixés par la Commission de régulation de l'énergie ;

- les coûts d'utilisation des stockages de gaz naturel ;

- les coûts de commercialisation des services fournis (marketing, gestion de clientèle, etc.), y compris une marge commerciale raisonnable.

Aux termes de l'article R. 445-4 du code de l'énergie, un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie « fixe, à l'issue de l'analyse détaillée remise par celle-ci, [...] au plus tard le 1 er juillet, les barèmes des tarifs réglementés à partir, le cas échéant, des propositions du fournisseur, ainsi que la formule tarifaire des TRV pour les 12 mois suivants, reflétant l'évolution des coûts d'approvisionnement à un pas de temps mensuel ou trimestriel . »

L'article R. 445-5 du code de l'énergie prévoit que « le fournisseur modifie, selon une fréquence définie par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie et au maximum une fois par mois, jusqu'à l'intervention d'un nouvel arrêté tarifaire pris en application de l'article R. 445-4, les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d'approvisionnement en gaz naturel, telles qu'elles résultent de l'application de sa formule tarifaire ». L'évolution mensuelle des TRV de gaz naturel reflète donc les variations de la composante « approvisionnement » seulement, à l'exception du mois de juillet où l'évolution des TRV intègre aussi la révision des coûts hors approvisionnement.

Source : commission des finances

Le TRV de gaz d'Engie évolue depuis 2013 mensuellement sur la base d'une formule qui repose principalement sur l'évolution des prix de gros du gaz, mensuels et trimestriels. La France important 99 % du gaz naturel qu'elle consomme, elle est exposée aux variations des prix du gaz sur les marchés européens et mondiaux.

Les consommateurs aux TRV de gaz ont ainsi été directement exposés aux hausses très fortes : entre juin et octobre 2021, le TRV de gaz moyen a augmenté de près de 44 %.

Ces tarifs réglementés de vente de gaz naturel concernent en juin 2022 un consommateur de gaz particulier sur trois : 2,8 millions de consommateurs résidentiels, sur un total de 10,5 millions de consommateurs de gaz, dont 2,6 millions auprès d'Engie et 200 000 auprès d'une entreprise locale de distribution. Les consommateurs qui disposent d'offres indexées aux TRV de gaz subissaient également cette augmentation massive et brutale des TRV (soit 1,5 million de clients résidentiels supplémentaires). Seuls les clients en offre à prix fixe n'étaient pas concernés par ces augmentations.

Les TRV de gaz naturel ne sont plus commercialisés depuis la fin de l'année 2019, mais leurs modalités de détermination restent applicables jusqu'au 1 er juillet 2023 pour les ménages

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (LEC) met fin aux tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz naturel, pour toutes les catégories de consommateurs, en plusieurs étapes :

- les consommateurs professionnels ne peuvent plus bénéficier des TRV de gaz depuis le 1 er décembre 2020 ;

- les consommateurs résidentiels ainsi que les syndicats de copropriétés et les propriétaires uniques d'immeuble à usage unique d'habitation dont la consommation annuelle est inférieure à 150 MWh devront, eux, opter pour une offre de marché d'ici le 1 er juillet 2023.

Les TRV de gaz ne sont plus commercialisés depuis le 8 décembre 2019. Néanmoins, pour les contrats en cours d'exécution à la date de publication de la LEC et jusqu'aux échéances mentionnées ci-dessus, les dispositions du code de l'énergie relatives au mode de construction et aux missions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) abrogées par la LEC restent applicables dans leur rédaction antérieure à cette loi.

Source : commission des finances

Compte tenu de la hausse des coûts d'approvisionnement, Engie a soumis à la CRE le 5 octobre 2021 son projet de barèmes de TRV de gaz naturel pour le 1 er novembre 2021.

Dans le contexte de hausse des prix de gros du gaz précédemment décrit, ces barèmes prévoyaient , en suivant l'application de la formule tarifaire définie par l'arrêté du 28 juin 2021, une hausse moyenne des tarifs, hors taxe de vente de gaz naturel, de 17,20 euros du MWh au 1 er novembre 2021, soit une augmentation de 21,2 % hors taxes (+ 19,5 % toutes taxes comprises) par rapport au niveau fixé au 1 er octobre 2021. Une nouvelle hausse de 15 à 20 % aurait dû avoir lieu en décembre 2021.

Augmentation des TRV de gaz naturel entre juillet et novembre 2021 (sans bouclier tarifaire)

Source : commission des finances

Le code de l'énergie prévoit une procédure spéciale pour la modification des barèmes des tarifs réglementés par le fournisseur, en cas d'augmentation exceptionnelle des prix du marché du gaz naturel ou des produits pétroliers, sur le dernier mois ou sur une période cumulée de trois mois. Le fournisseur ne peut en effet appliquer la modification avant l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de la saisine de la Commission de régulation de l'énergie. Lorsque l'augmentation exceptionnelle précitée se produit, le Premier ministre peut, avant l'expiration de ce délai de vingt jours et après avis de la Commission de régulation de l'énergie, s'opposer par décret à la proposition et fixer de nouveaux barèmes (article R. 445-5 du code de l'énergie)

Le décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021, relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis par Engie et faisant application du dernier alinéa de l'article R. 445-5 du code de l'énergie, fait ainsi opposition à la proposition de barème pour les TRV de gaz naturel en distribution publique pour le mois de novembre 2021 , présentée par la société Engie.

En conséquence, il prévoit de geler ces TRV toutes taxes comprises du 1 er novembre 2021 jusqu'au 30 juin 2022 à leur niveau en vigueur au 1 er octobre 2021 et détermine les modalités de rattrapage des montants non couverts (cf. infra ).

Ce gel protège donc les consommateurs des hausses de TRV qui auraient eu lieu en décembre 2021 et au premier semestre 2022.

Le bouclier tarifaire sur le gaz, initialement réservé aux clients résidentiels individuels bénéficiant des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg), a par la suite été étendu aux personnes habitant des logements d'habitation en copropriété chauffés au gaz et ne bénéficiant pas des TRVg par décret du 9 avril 2022 42 ( * ) .

2. Afin d'accompagner les fournisseurs dans la mise en oeuvre du bouclier tarifaire, la loi de finances initiale pour 2022 a prévu les conditions dans lesquelles les pertes de recettes qu'ils supportent sont rattrapées à l'issue du blocage tarifaire

a) Les pertes de recettes supportées par les fournisseurs durant la période de gel tarifaire devaient faire l'objet d'un « rattrapage » sur les factures des ménages, qui devait être initialement facilité par une baisse de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN)

Pendant la période de « gel » des TRVg, Engie, tout comme les fournisseurs d'offres de marché indexées aux TRV, s'approvisionnent sur les marché de gros à des prix élevés sans pouvoir répercuter ces prix sur leurs clients, générant pour eux un manque à gagner financier important.

Le cinquième alinéa de l'article R. 445-5 du code de l'énergie prévoit que le décret d'opposition aux TRVg précise les modalités et le calendrier, qui ne peut excéder un an à compter de son entrée en vigueur, de remise à niveau des tarifs par rapport à la formule tarifaire et de répercussion des montants non perçus durant la période considérée .

Le mécanisme d'opposition aux barèmes des TRV de gaz naturel prévoit donc une remise à niveau des tarifs à compter du 1 er juillet 2022 (article 3 du décret précité) et un rattrapage complet des sommes non perçues pendant le gel tarifaire . Les montants non perçus constatés entre le 1 er novembre 2021 et le 30 juin 2022 doivent être couverts dans le délai maximum d'un an sans pouvoir aller au-delà du 30 juin 2023, date de fin des TRVg.

L'article 2 du décret d'opposition précité prévoit les modalités d'évolution de la part variable du barème TRV de gaz, en indiquant qu'elle évoluera en application d'une formule d'indexation basée notamment sur les évolutions de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et de la TVA applicable aux consommations de gaz naturel.

Cette indexation visait à permettre aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre une baisse de ces taxes dans l'hypothèse où les conditions de marché créeraient un risque que le rattrapage tarifaire, via les factures des ménages, ne puisse être réalisé dans les délais prévus .

L'article 39 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ouvre ainsi la possibilité pour le Gouvernement de minorer le taux de TICGN sous certaines conditions : le Gouvernement pourrait minorer le tarif de la TICGN par décret à 1,08 euro par mégawattheure (contre un tarif normal de 8,45 euros du MWh), si les coûts d'approvisionnement en gaz naturel au titre d'un mois donné de 2022 excédaient ceux d'octobre 2021. Il est précisé que cette réduction de taxe ne concerne que les consommations réalisées par les ménages.

b) Une prolongation du bouclier tarifaire tout au long de l'année 2022 qui apparaissait très probable dès l'automne 2021 et qui a nécessité l'adoption de nouvelles modalités de rattrapage en seconde partie de la loi de finances pour 2022

Lors d'une intervention télévisée le 21 octobre 2021, le Premier ministre a annoncé le gel du prix du gaz pour toute l'année 2022 , au motif que la baisse du prix du gaz, initialement prévue à partir d'avril, interviendrait finalement plus lentement que prévu.

L'article 181 de la LFI pour 2022 traduit cette annonce et prévoit de nouvelles modalités de rattrapage des sommes non perçues par les fournisseurs durant la période de gel tarifaire.

Ainsi, le I de l'article 181 inscrit dans la loi le principe du blocage des TRVg à leur niveau toutes taxes comprises en vigueur au 31 octobre 2021 à compter du 1 er novembre et jusqu'au 30 juin 2022. Il complète le dispositif de gel des TRV initié par le décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 précité en encadrant l'évolution de tous les TRV de gaz, y compris ceux proposés par les entreprises locales de distribution (ELD), jusqu'au 30 juin 2022, pour qu'ils n'excèdent pas leur niveau en vigueur au 31 octobre 2021 ou le niveau des TRVg d'Engie pour ceux qui leur sont inférieurs.

Le I prévoit également que le gel des TRV de gaz, prévu jusqu'au 30 juin 2022, pourra être prolongé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie à une date comprise entre le 30 avril et le
31 décembre 2022. L'arrêté du 25 juin 2022 modifiant la date de fin de gel des tarifs réglementés de vente du gaz naturel prolonge ainsi ce gel et reporte sa date de fin au 31 décembre 2022.

Le II prévoit le calendrier et les modalités de rattrapage des sommes non perçues pendant le gel tarifaire. Ainsi, à compter de la date de fin du gel tarifaire, les TRV sont remis à niveau. Toutefois, par dérogation, ces tarifs intégreront alors, à compter de la date de fin du gel tarifaire et pour une période ne pouvant excéder un an ni aller au-delà du 30 juin 2023 (soit la date de fin des TRV de gaz) une composante de rattrapage , définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, permettant de couvrir les pertes de recettes supportées par les fournisseurs de gaz naturel fournissant aux TRV de gaz.

Afin de conserver l'objectif du dispositif de protection des consommateurs, ce rattrapage est encadré de façon à ce que le niveau du tarif au terme de la période de gel, comprenant la composante de rattrapage, n'excède pas le niveau du TRV appliqué en octobre 2021.

Compte tenu du caractère contraint du calendrier de rattrapage et des incertitudes sur les niveaux de prix du gaz, le III de l'article dispose que les pertes des fournisseurs commercialisant au TRVg, réellement constatées et supportées entre le 1 er novembre 2021 et la date de fin du gel tarifaire , constituent des charges imputables aux obligations de service public au sens des articles L. 121-35 et L. 121-36 du code de l'énergie.

Ces pertes de recettes sont calculées comme étant la différence entre les revenus provenant de l'application des tarifs réglementés qui auraient été appliqués en l'absence du gel et les revenus provenant de l'application des tarifs gelés.

Ces charges, diminuées des recettes supplémentaires perçues dans le cadre du rattrapage précédemment mentionné, seront donc compensées par l'État 43 ( * ) , dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés et tels qu'approuvés par la Commission de régulation de l'énergie lors de l'établissement de la formule tarifaire .

La prolongation du gel des TRVg jusqu'à la fin de l'année 2022 annoncée dès l'automne par le Gouvernement ne laissait donc plus que six mois (du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023) aux fournisseurs pour « rattraper » les recettes non perçues pendant la période de gel. La compensation directe par le budget général de l'État entend éviter une flambée des factures de gaz des ménages à la fin du bouclier tarifaire.

Le deuxième alinéa du III met en place un système d'acompte pour certains fournisseurs : les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 300 000 clients sont concernés par le gel des TRV et qui ont déclaré avant le 10 janvier 2022 à la Commission de régulation de l'énergie leurs pertes de recettes constatées sur 2021 et leurs pertes de recettes prévisionnelles jusqu'à la fin de la période de gel tarifaire. Les pertes constatées sur 2021 ont fait l'objet d'un acompte sur les compensations de charges de ces fournisseurs. Il est tenu compte de cet acompte dans le calcul des charges compensées par l'État.

Le IV de l'article 181 prévoit que cette couverture des pertes réellement constatées le cas échéant au terme de la période de rattrapage et le dispositif d'acompte bénéficient, dans les mêmes conditions, aux fournisseurs qui proposent des offres indexées aux TRV de gaz , pour leurs clients correspondant au périmètre des clients éligibles au TRV de gaz, sous réserve qu'ils appliquent effectivement le gel des tarifs et le dispositif de rattrapage. Cela permet ainsi de protéger aussi ces consommateurs des prix hauts du gaz sur les marchés 44 ( * ) .

Pour les mêmes clients dont l'offre de fourniture arrive à échéance pendant la période de gel des TRV de gaz, les fournisseurs qui leur proposeraient une offre compétitive indexée au TRV de gaz pourront également bénéficier du dispositif de compensation, afin de les protéger contre les prix très hauts du gaz sur les marchés ( 3 ème alinéa du IV ).

3. La première loi de finances rectificative pour 2022 a étendu le bouclier tarifaire à tous les types de contrat, et non plus seulement aux contrats TRVg et indexés sur les TRVg

L'article 37 de la première loi de finances rectificative pour 2022 a prolongé le blocage des TRVg à leur niveau d'octobre 2021 jusqu'au 31 décembre 2022.

Cet article a fait évoluer le périmètre des offres concernées par les compensations des pertes de recettes subies par les fournisseurs, entre le 1 er septembre et le 31 décembre 2022.

Avant l'article 37, la compensation aux fournisseurs n'était prévue que pour les contrats TRVg et indexés sur les TRVg. Compte tenu des prix élevés du gaz sur le marché mondial, les clients disposant de contrats à prix fixes arrivant à échéance pouvaient être incités à basculer sur un contrat TRVg dans le contexte du bouclier, plutôt que d'opter pour une offre à prix fixe reflétant le cours du gaz en 2022. De plus, il était nécessaire d'anticiper sur la fin des TRVg, programmée le 30 juin 2023.

Le dispositif a donc étendu la couverture des fournisseurs pour les pertes à tous les types de contrats conclus à partir du 1 er septembre 2022.

L'article 37 prévoit ainsi un nouveau mécanisme de calcul des pertes de recettes qui a vocation à s'appliquer pour les offres de marché. Les pertes sont calculées en fonction d'un terme unique calculé comme la différence entre le TRVg non gelé et le TRVg avec le bouclier tarifaire qui doit être appliqué aux volumes livrés aux clients. Cette compensation est réalisée dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés.

En parallèle, le mécanisme de calcul prévu à l'article 181 de la loi de finances pour 2022 continue de s'appliquer pour les offres aux tarifs réglementés. Le maintien de ce mécanisme de calcul vise à répondre aux cas particuliers induits par les entreprises locales de distribution et à veiller à ce que la compensation des fournisseurs concernés soit la plus juste possible.

Le dernier alinéa du III de l'article 37 prévoit l'obligation pour les fournisseurs de répercuter à leurs clients les montants de la compensation .

Le IV met en place un système d'acompte pour certains fournisseurs et de déclaration des pertes pour tous les fournisseurs de gaz concernés par la compensation. Ainsi, les fournisseurs de gaz naturel devaient déclarer à la CRE avant le 1 er octobre 2022 leurs pertes constatées entre le 1 er juillet 2022 et le 31 août 2022 au titre de l'article 181 de la LFI pour 2022 et leurs pertes de recettes prévisionnelles entre le 1 er septembre et le 31 décembre 2022. Ces déclarations font l'objet d'une certification par leur commissaire aux comptes ou, le cas échéant, par leur comptable public.

Pour les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 500 000 clients sont concernés par le gel des TRV, ces pertes font l'objet d'un acompte versé au plus tard le 30 novembre 2022 45 ( * ) . Pour les autres, elles sont intégrées aux charges de service public à compenser en 2023, qui sont budgétées sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

4. La hausse des prix du gaz a été amplifiée en 2022 avec la guerre en Ukraine

Les anticipations de prix par les acteurs du marché prévoyaient que les prix de gros sur les produits futurs retrouvent des niveaux plus modérés, tout en restant élevés, à partir du deuxième trimestre 2022, avant de revenir à un niveau normal en 2023.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 et le conflit qui s'en est suivi ont bouleversé ces prévisions : le prix sur le cours spot européen de référence pour le gaz (TTF néerlandais) est passé de 73 euros le MWh le 13 février 2022 à 193 euros le MWh le 27 févier, avant de décroître légèrement et de se maintenir à un niveau très élevé (175 euros le MWh le 3 juillet 2022, contre 40 euros le MWh le 25 juillet 2021).

Or, l'Union européenne importe environ 155 milliards de mètres cubes de gaz russe chaque année, soit 40 % de sa consommation (le gaz russe représente 18 % des importations françaises de gaz). Dans le contexte du conflit russo-ukrainien, Gazprom a considérablement réduit ses exportations de gaz vers l'Union européenne via le pipeline Nord Stream 1, impactant les importations françaises et allemandes : la France ne reçoit plus de gaz russe par gazoduc depuis la mi-juin dernier. L'augmentation considérable des prix du gaz sur le marché de gros européen découle ainsi principalement de la réduction des livraisons de gaz russe.

Ainsi, la Commission de régulation de l'énergie, dans une délibération du 22 juin 2022 indique qu'en l'absence de prolongation du gel tarifaire à compter du 1 er juillet 2022, les TRVg augmenteraient de 51,31 % hors taxes par rapport aux tarifs gelés à leur niveau d'octobre 2021.

Fin septembre 2022, les prix du gaz s'élevaient à 102,18 euros/MWh (PEG M+1), contre 47,58 euros/MWh en 2021. Après avoir connu un pic au mois d'août 46 ( * ) , provoqué par les annonces fin août de la maintenance sur Nordstream 1, les prix sont redescendus en septembre et en octobre, mais restent nettement plus élevés qu'en 2021.

B. EN 2022, UN BOUCLIER TARIFAIRE A PERMIS DE LIMITER À 4 % LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ POUR LES CLIENTS RÉSIDENTIELS ET NON RÉSIDENTIELS ÉLIGIBLES AUX TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE D'ÉLECTRICITÉ (TRVE)

Face à l'emballement des prix de l'énergie constaté à partir du deuxième semestre de l'année 2021, le Gouvernement a annoncé à l'automne de cette même année vouloir mettre en place un bouclier tarifaire concernant les prix du gaz et de l'électricité. S'agissant de l'électricité, l'objectif était notamment de contenir la hausse des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) à 4 % pour l'année 2022. Pour ce faire, le Gouvernement avait envisagé de minorer les tarifs de l'accise sur l'électricité . Le coût de cette minoration avait été estimé à 4 milliards d'euros puis à 5,9 milliards d'euros au cours de l'examen de la loi de finances initiale pour 2022, à mesure que les prix de gros de l'électricité continuaient leur inédite ascension.

L'article 29 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a ainsi prévu que les tarifs de l'accise sur l'électricité pourraient être minorés en 2023 de façon à ce que l'augmentation moyenne du TRVe 2023 pour les consommateurs résidentiels en France continentale métropolitaine soit plafonnée à 4 %.

Cependant, compte-tenu de la prolongation inexorable de l'augmentation des prix de gros de l'électricité en fin d'année 2021, il est vite apparu que, même en réduisant les tarifs de l'accise à leur niveau minimum autorisé par l'Union européenne, l'objectif d'un plafonnement à 4 % des TRVe ne pourrait être atteint .

Le coût du volet fiscal du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité a ainsi dû être réévalué à 8 milliards d'euros et d'autres mécanismes complémentaires ont été déployés. Ainsi, le Parlement a adopté l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 , complété en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale par un dispositif permettant de rendre effectif le plafonnement à 4 % de la hausse des TRVe en 2023. Cet article prévoit ainsi que, par dérogation aux dispositions prévues au code de l'énergie, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie peuvent s'opposer aux propositions de TRVe de la CRE si ces dernières se traduisaient par une augmentation supérieure à 4 %, lesdits tarifs étant alors fixés par arrêté conjoint des deux ministres . L'article 181 prévoit aussi un dispositif d'accompagnement financier destiné aux fournisseurs d'électricité, activable dès 2022 et destiné à compenser les conséquences financières pour les fournisseurs du blocage par arrêté ministériel de la hausse des TRVe. Ces pertes de recettes subies entre février 2022 et février 2023 par les fournisseurs constituent des charges imputables aux obligations de service public ouvrant droit à compensation de l'État via le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Les dispositions de l'article 181 et les compensations prévues pour les fournisseurs d'électricité ont permis d'étendre le bénéfice du plafonnement des TRVe à l'ensemble des consommateurs éligibles aux TRVe . Cependant, la rédaction du VII de l'article 181 limitait ces compensations aux seuls clients « résidentiels » (c'est-à-dire les ménages), excluant ainsi les clients non résidentiels éligibles aux TRVe, c'est-à-dire les consommateurs finals non domestiques (des entreprises ou des collectivités) dont le compteur électrique affiche une puissance inférieure à 36 kilovoltampère (kVA) qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros. Il s'agit notamment de très petites entreprises (TPE) et de petites communes.

Dans sa délibération n° 2022-08 du 18 janvier 2022 47 ( * ) , la Commission de régulation de l'énergie (CRE) avait ainsi fixé la hausse des TRVe au 1 er février 2022 à 36,5 % . En application des dispositions de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022, le Gouvernement s'est opposé à cette hausse pour la contenir à 4 % par des arrêtés du 28 janvier 2022 . Ces arrêtés ont concerné l'ensemble des clients bénéficiant des TRVe et pas uniquement les seuls clients résidentiels bénéficiant du « tarif bleu » comme cela avait été envisagé à l'origine et comme le prévoyait le dispositif de compensation prévu à l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022.

Le décret n° 2022-84 du 28 janvier 2022 relatif à la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité prévue à l'article 29 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a quant à lui prévu de réduire à leur niveau minimum autorisé par le droit dérivé de l'Union européenne l'ensemble des tarifs de l'accise.

À travers la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité, le volet fiscal du bouclier tarifaire sur l'électricité aurait permis de limiter de 15 points, soit à environ 20 %, la hausse des TRVe . Le reste de l'effort financier , pour atteindre le plafonnement de 4 %, doit être réalisé via les autres volets du dispositif , notamment des crédits budgétaires ouverts, pour compenser financièrement les fournisseurs d'électricité au titre du mécanisme des charges de service public de l'énergie (CSPE), sur la nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » du programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ainsi que l'augmentation de 20 térawattheures du volume d'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh) qui repose sur EDF pour un coût évalué à au moins 8 milliards d'euros.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION : LA DÉFINITION DU RÉGIME DES « BOUCLIERS TARIFAIRES » POUR 2023 ET L'INSTAURATION D'UN MÉCANISME D' « AMORTISSEUR » DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

A. UNE EXTENSION DU BOUCLIER TARIFAIRE GAZ, ET SON ADAPTATION À LA FIN DES TRV DE GAZ LE 30 JUIN 2023

1. Le bouclier tarifaire est prolongé jusqu'au 30 juin 2023 dans des conditions similaires à celles prévues par la première loi de finances rectificative pour 2022

Le A du II du présent article prolonge le blocage des TRVg à leur niveau d'octobre 2021 majoré de 15 % du 1 er janvier 2023 au 31 août 2023.

Il précise que le niveau auquel sont fixés les tarifs réglementés peut être modifié par arrêté, sans pouvoir être inférieur à ce niveau ni excéder celui qui résulterait de l'application du L. 445-3 du code de l'énergie, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 précitée.

Afin d'assurer en toute transparence le calcul des pertes et des compensations des fournisseurs, la Commission de régulation de l'énergie continuera à rendre publics les TRV de gaz tels qu'ils auraient dû évoluer selon la formule tarifaire applicable au 1 er septembre 2023 (sans le gel - II du présent article). Ces tarifs sont par ailleurs utilisés comme référence de marché par certains fournisseurs pour leurs offres aux clients non éligibles aux TRV de gaz . La procédure est identique à celle du V de l'article 37 de la première loi de finances rectificative pour 2022.

D'après le B du II , les pertes de recettes supportées par les fournisseurs de gaz naturel pour leurs offres aux TRVg, et pour leurs offres de marché à raison de prix de fourniture réduits, constituent des charges imputables aux obligations de service public . L'article L. 121-35 du code de l'énergie énonce que ces charges font l'objet d'une compensation par l'État.

Ensuite, le présent article définit comment la perte de recettes doit être calculée selon que les offres sont aux TRVg ou qu'elles correspondent au marché .

Pour les offres au TRVg, le C du II dispose que les pertes correspondent à l'écart entre les revenus effectifs avec le bouclier tarifaire, et les revenus qui auraient été tirés des TRVg en l'absence de bouclier tarifaire. La formule de calcul est similaire à celle du III de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022.

Pour les offres de marché, les pertes sont calculées par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux volumes livrés aux consommateurs finals . Le montant unitaire est égal à la différence, en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés d'Engie qui auraient été appliqués en l'absence de gel, et le prix moyen hors taxes du TRVg moyen gelé . Ce mode de calcul a été introduit par le troisième alinéa du III. de l'article 37 de la première loi de finances rectificative pour 2022.

Le VI du présent article précise que les charges imputables aux obligations de service public des fournisseurs de gaz proposant des tarifs réglementés sont diminuées ou augmentées des recettes supplémentaires perçues ou des pertes de recettes constatées pour la fourniture de leurs clients aux TRVg . Cette mesure s'applique du 1 er janvier 2022 jusqu'à la fin des TRVg, le 30 juin 2023.

2. À partir du 1er juillet 2023, le mécanisme du bouclier tarifaire est adapté à la fin des tarifs réglementés de vente du gaz

Le A du III du présent article prévoit qu'une « mesure d'aide » visant à prolonger le bouclier à partir du 1 er juillet 2023 et jusqu'au 31 décembre 2023 peut être instaurée par décret . Le B précise que l'aide est versée aux fournisseurs de gaz naturel, et qu'elle vise à compenser leurs pertes de recettes sur la période ( C du III ). La mise en place d'une nouvelle mesure d'aide, plutôt que la continuation des mesures précédentes, est justifiée par la fin des TRVg.

Il est en effet prévu que les TRVg prennent fin le 30 juin 2023 . Or, les deux mécanismes de calcul des pertes des recettes employés dans le cadre du bouclier tarifaire se fondent sur les TRVg. En conséquence, il était nécessaire de donner une nouvelle définition des pertes de recettes pour les fournisseurs de gaz, ainsi que de la compensation afférente .

C'est l'objet du D du présent article , qui décrit le mécanisme de calcul applicable à partir du 1 er juillet 2023 . Les pertes de recettes sont calculées pour chaque mois par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux volumes livrés sur cette période, et le montant unitaire est égal à la différence entre une référence de prix du gaz sur les marchés représentative des coûts d'approvisionnement des fournisseurs pour leurs offres de marché, et un prix du gaz au-delà duquel s'applique l'aide . Ces deux « prix cibles » remplacent la référence à la TRVg utilisée dans les précédents mécanismes de calcul.

Le deuxième alinéa du D prévoit ainsi que la « référence de prix du gaz sur les marchés » est définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie. La CRE est tenue de remettre sa proposition avant le 31 janvier 2023.

Le prix au-delà duquel l'aide s'applique est déterminé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget, et l'article précise que son niveau ne peut être inférieur au prix de la part de gaz dans les TRVg d'Engie en vigueur au 1 er janvier 2023 .

3. Les fournisseurs de gaz devront répercuter sur leurs clients les compensations prévues en 2023

L'article 42 ter ne change pas le périmètre des clients concernés par le bouclier tarifaire, mais il apporte une clarification en listant explicitement les destinataires. Les aides s'appliquent ainsi pour les volumes versés aux « consommateurs finals domestiques, aux propriétaires uniques d'un immeuble à usage principal d'habitation et aux syndicats de copropriétaires d'un tel immeuble ».

Le IV du présent article dispose que les fournisseurs de gaz répercutent sur leurs clients la totalité des montants des compensations prévues durant l'année 2023 .

La Commission de régulation de l'énergie s'assure de la bonne application de ces dispositions dans le cadre de ses missions de surveillance du marché de détail, et une majoration de 10 % peut être appliquée, en cas de manquement délibéré, aux montants de la compensation indûment versés aux fournisseurs. Cette majoration est déduite des charges imputables aux missions de service public compensées aux fournisseurs.

Le A et B du V du présent article prévoient que les fournisseurs de gaz déclarent à la CRE avant le 10 janvier 2023 leurs pertes de recettes prévisionnelles du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023, et au plus trente jours après l'entrée en vigueur de l'arrêté conjoint qui définit la référence du prix du gaz sur les marchés pour les pertes de recettes prévues entre le 1 er juillet au 31 décembre 2023.

Une délibération de la CRE évalue ensuite le montant de ces pertes, qui doivent être intégrées aux charges à compenser pour l'année 2023, sous formes d'acomptes mensuels. Ainsi, pour 2023, et contrairement à 2022, l'ensemble des fournisseurs de gaz relève de la procédure de l'acompte
(V du présent article).

En effet, l'article 37 du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoit que, pour les pertes de recettes subies entre le 1 er juillet 2022 et le 31 décembre 2022, seuls relèvent de la procédure de l'acompte les fournisseurs de gaz dont moins de 500 000 clients sont concernés par le bouclier tarifaire , tandis que les compensations de charges des autres fournisseurs sont intégrées dans les charges à compenser sur le programme 345 dans le projet de loi de finances pour 2023.

Cette distinction était prévue dans le projet de loi de finances rectificative au motif que les fournisseurs dont moins de 500 000 clients sont également ceux qui ont le plus de difficultés à supporter l'avance de trésorerie. Avec l'augmentation de la compensation induite par le bouclier tarifaire, il a été estimé que l'avance de trésorerie requise mettrait en difficultés même les fournisseurs les plus importants , ce qui explique qu'aux termes du présent article, l'ensemble des fournisseurs relève désormais de la procédure de l'acompte.

B. LES SOUTIENS AUX CONSOMMATEURS FINALS D'ÉLECTRICITÉ : LES NOUVELLES DISPOSITIONS DU BOUCLIER TARIFAIRE ET L'INSTAURATION D'UN MÉCANISME D'« AMORTISSEUR »

1. Des ajustements à la marge du bouclier tarifaire pour 2022 pour traduire son extension aux petits consommateurs finals non résidentiels éligibles aux TRVe

Le VII du présent article 42 ter apporte des ajustements au dispositif de compensation des fournisseurs d'électricité qui assurent des charges de service public de l'énergie au titre du bouclier tarifaire sur l'électricité en vigueur pour l'année 2022 . Pour ce faire, il apporte une série de modifications à l'article 181 de la loi de finances pour 2022 .

Ces ajustements visent à acter l'extension du bouclier tarifaire aux consommateurs finals non résidentiels définis à l'article L. 337-7 du code de l'énergie 48 ( * ) .

Le 1° du VII supprime ainsi les références au tarif bleu et aux « consommateurs résidentiels » qui figuraient au premier alinéa du VII de l'article 181.

Le du même VII propose une nouvelle rédaction du VIII de l'article 181 de la loi de finances pour 2022 qui porte sur la compensation due aux entreprises locales de distribution (ELD) définies à l'article L. 111-54 du code de l'énergie pour leurs offres aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) ainsi qu'aux autres fournisseurs pour leurs offres de marché. Cette nouvelle rédaction vise là encore à étendre le droit à compensation aux offres des fournisseurs destinées aux petits consommateurs finals non résidentiels .

Les entreprises locales de distribution (ELD)

Les entreprises locales de distribution (ELD) sont des entreprises ou régies, appelées aussi distributeur non nationalisé, qui assurent la distribution et/ou la fourniture d'électricité ou de gaz sur un territoire déterminé, non desservi par Enedis ou GRDF.

Source : commission de régulation de l'énergie (CRE)

Ainsi, la nouvelle rédaction du VIII de l'article 181 prévoit-elle que les pertes de recettes des fournisseurs sont calculées en prenant en compte les volumes d'électricité vendue suivants :

- s'agissant des ELD , les volumes livrés au titre de leurs offres aux TRVe, mais pas seulement aux seuls « clients résidentiels » comme le prévoit la rédaction actuelle du VIII de l'article 181 ;

- s'agissant des autres fournisseurs d'électricité, les volumes livrés au titre de leurs offres de marché destinées non seulement aux consommateurs finals résidentiels (la rédaction actuelle du VIII de l'article 181 restreint le périmètre aux « clients résidentiels ») mais également aux petits consommateurs finals non résidentiels .

Le dernier alinéa de la nouvelle rédaction du VIII de l'article 181 proposée par le 2° du VII du présent article 42 ter ajuste la formule de calcul des pertes à compenser aux fournisseurs pour entériner, là encore, l'extension du dispositif aux petits consommateurs finals non résidentiels . Pour ce faire, elle supprime notamment les références au tarif bleu et aux « consommateurs résidentiels ». En effet, la rédaction actuelle prévoit que « le montant unitaire est calculé comme la différence , en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs dits « bleus » aux clients résidentiels en France métropolitaine continentale qui auraient été appliqués » en l'absence de plafonnement à 4 % de la hausse des TRVe décidée par l'État « et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs dits « bleus » aux clients résidentiels en France métropolitaine continentale effectivement appliqués » en application du plafonnement à 4 % .

La rédaction proposée prévoit que « le montant unitaire est calculé, d'une part, pour les consommateurs finals résidentiels et, d'autre part, pour les consommateurs finals non résidentiels , définis à l'article R. 337-18 du même code, comme la différence , en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité proposés par la Commission de régulation de l'énergie en 2022 et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité effectivement appliqués entre le 1 er février 2022 et la première évolution des tarifs réglementés de vente d'électricité en 2023 » .

Le du VII du présent article 42 ter modifie quant à lui le IX du même article 181 et toujours dans le même but, celui de traduire l'extension du bouclier aux petits consommateurs finals non résidentiels en procédant exactement aux mêmes modifications que celles présentées supra au dernier alinéa de la nouvelle rédaction proposée du VIII de l'article 181.

2. La mise en place d'un nouveau dispositif de bouclier tarifaire pour 2023 qui reprend les modalités prévues pour le bouclier 2022 en plafonnant la hausse des prix de l'électricité des consommateurs finals, résidentiels et non résidentiels, éligibles aux TRVe

Le VIII du présent article 42 ter définit quant à lui le régime législatif du nouveau bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité proposé pour l'année 2023 . À la différence près que le plafonnement de la hausse des prix est fixé à 15 % plutôt qu'à 4 %, ce régime est très similaire à celui qui avait été prévu pour l'année 2022 par les dispositions de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022.

a) La prochaine évolution des TRVe au 1er février 2023 pourra être limitée à 15 % par arrêté ministériel

Le premier alinéa du A de ce VIII est ainsi très similaire à la rédaction du VI de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022.

Il prévoit ainsi qu' en 2023 , par dérogation aux articles L. 337-4 à L. 337-9 du code de l'énergie qui définissent les conditions de fixation des TRVe par la CRE, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie pourront s'opposer aux évolutions des TRVe proposées par la CRE si ces dernières se traduisaient par une augmentation supérieure à 15 %. Lesdits tarifs seraient alors fixés par arrêté conjoint des deux ministres à un niveau de tarif inférieur « pour une partie de la consommation des clients » . Cette précision est une nouveauté par rapport au bouclier prévu pour l'année 2022. Le même A prévoit ainsi que le niveau de tarif applicable pourra alors être déterminé par la somme de deux composantes :

- 95 % du tarif prévu par l'arrêté ministériel ;

- 5 % du tarif qui aurait été appliqué en l'absence de dispositif de bouclier.

Aussi, à la différence du mécanisme mis en place en 2022, la réduction de la hausse des tarifs d'électricité des consommateurs finals ne s'appliquerait réellement que sur 95 % de leur consommation d'électricité. Les 5 % restants seraient facturés au tarif déterminé par la CRE dans les conditions habituelles prévues par le code de l'énergie.

b) Le tarif de cession d'électricité d'EDF aux ELD pourra être déterminé par arrêté ministériel à un niveau inférieur à la proposition de la CRE

Les tarifs de cession d'électricité aux entreprises locales de distribution (ELD)

En application de l'article L. 337-10 du code de l'énergie, les entreprises locales de distribution (ELD) peuvent s'approvisionner auprès d'EDF au tarif de cession pour la fourniture de leurs clients aux tarifs réglementés de vente et, dans le cas où les ELD desservent moins de 100 000 clients, pour l'approvisionnement des pertes d'électricité des réseaux qu'elles exploitent. En application de ce même article, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a pour mission de proposer les tarifs de cession aux ministres chargés de l'énergie et de l'économie.

Il est prévu que les tarifs de cession fassent l'objet d'un examen au moins une fois par an et que les propositions de tarifs réglementés de vente de l'électricité faites par la Commission de régulation de l'énergie en application de l'article L. 337-4 du code de l'énergie sont accompagnées d'une proposition de tarifs de cession.

Source : commission des finances du Sénat

Les quatrième et cinquième alinéas du A du VIII reprennent quant à eux les dispositions qui étaient prévues aux deux dernières phrases du VI de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 en permettant , par dérogation aux articles L. 337-10 à L. 337-12 du code de l'énergie, aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie de s'opposer à la proposition de la CRE s'agissant de la fixation des tarifs de cession aux ELD . Lesdits tarifs pourront alors être fixés par arrêté conjoint des ministres à un niveau inférieur.

c) Les pertes de recettes des fournisseurs dues au mécanisme de bouclier tarifaire pour 2023 constituent des charges de service public de l'énergie compensées par l'État

Le B du VIII dresse la liste des pertes de recettes des fournisseurs d'électricité liées au dispositif de bouclier tarifaire pour l'année 2023 qui constituent des charges de service public de l'énergie au sens de l'article L. 121-6 du code de l'énergie et ouvrent ainsi le droit à des compensations de l'État via les crédits ouverts sur l'action 17 du programme 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Les pertes de recettes intégrées au dispositif de CSPE sont ainsi :

- celles de l'entreprise EDF au titre, d'une part, de ses offres aux TRVe et, d'autre part, de ses ventes au tarif de cession aux ELD ;

- celles des ELD au titre de leurs offres au TRVe à la condition que l'approvisionnement de ces offres ne provienne pas ou ne provienne que partiellement d'électricité acquise auprès d'EDF au tarif de cession , plafonné par arrêté selon les dispositions du A du VIII (voir supra ) ;

- enfin, celles des autres fournisseurs d'électricité pour leurs offres de marché destinées aux consommateurs finals résidentiels ou non résidentiels au sens du 2° de l'article L. 337-7 du code de l'énergie 49 ( * ) .

d) Les pertes de recettes des fournisseurs se calculent comme le manque à gagner entre les prix tels qu'ils auraient été fixés sans le mécanisme du bouclier et les prix tels qu'ils résultent effectivement du dispositif

Le dernier alinéa du B du VIII vient préciser que « ces pertes de recettes sont compensées par l'État » .

Les C et D du VIII du présent article 42 ter définissent les différents types de pertes de recettes qui constituent des CSPE en application des dispositions portées par le B du même VIII (voir supra ).

i. Les pertes de recettes d'EDF

Le C définit les deux types de pertes de recettes supportées par l'entreprise EDF 50 ( * ) .

Le premier alinéa du C définit ainsi le mode de calcul des pertes de recettes d'EDF au titre de ses ventes d'électricité aux ELD au tarif de cession . Celles-ci sont « calculées comme étant la différence entre les revenus provenant de l'application des tarifs de cession qui auraient été appliqués » en l'absence du mécanisme de fixation de ces tarifs par arrêté ministériel tel que prévu au A du VIII « et les revenus provenant de l'application du tarif effectivement appliqué en application du même A » , c'est-à-dire dans le cadre du tarif déterminé par arrêté à un niveau inférieur à celui qui aurait été fixé par la CRE selon la procédure normale.

Le deuxième alinéa du C définit quant à lui les pertes de recettes d'EDF pour ses offres aux TRVe . Celles-ci sont « calculées comme étant la différence entre les revenus provenant de l'application des tarifs réglementés qui auraient été appliqués » en l'absence du mécanisme prévu au A permettant aux ministres de l'économie et de l'énergie de s'opposer à l'évolution des TRVe proposée par la CRE si celle-ci venait à dépasser les 15 %, c'est-à-dire les tarifs tels qu'ils auraient résulté des modalités habituellement prévues par le code de l'énergie, « et les revenus provenant de l'application des tarifs effectivement appliqués en application du même A » , c'est-à-dire dans le cadre des TRVe déterminés par arrêté ministériel.

ii. Les pertes de recettes des ELD

Le premier alinéa du D prévoit que les pertes de recettes des ELD sont « calculées par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux seuls volumes livrés pour leurs offres aux tarifs réglementés de vente d'électricité dont l'approvisionnement n'est pas ou n'est que partiellement réalisé au tarif de cession » , entre l'entrée en vigueur des TRVe, soit le 1 er février 2023 et leur première évolution de l'année 2024, c'est-à-dire le 1 er février 2024.

iii. Les pertes de recettes des autres fournisseurs

Le deuxième alinéa du D prévoit que les pertes de recettes des autres fournisseurs pour leurs offres de marché sont « calculées par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux volumes livrés » aux consommateurs finals résidentiels et aux petits consommateurs finals non résidentiels, entre l'entrée en vigueur des TRVe, soit le 1 er février 2023 et leur première évolution de l'année 2024, c'est-à-dire le 1 er février 2024.

Ce même alinéa précise que ces pertes de recettes ainsi calculées ne peuvent être supérieures à l'écart entre les prix qui auraient été facturés aux clients pour leur consommation en l'absence du dispositif de bouclier et le prix qui résulte des TRVe sur la période considérée, c'est-à-dire celui dont l'évolution aura été limitée par arrêté ministériel. Cet alinéa précise enfin que ces pertes de recettes calculées ne peuvent être compensées que dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés pour les consommateurs concernés. Ces coûts doivent être attestés par un commissaire aux comptes ou un comptable public.

Le troisième alinéa du D précise les modalités de détermination des montants unitaires prévus au premier alinéa du même D et qui doivent servir à calculer les pertes de recettes des fournisseurs. Ces montants sont déterminés séparément pour les consommateurs finals résidentiels et non résidentiels. Ils correspondent à « la différence , en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité qui auraient été appliqués » en l'absence de bouclier tarifaire, c'est-à-dire selon les modalités habituelles de leur fixation par la CRE, « et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité effectivement appliqués en application » des dispositions prévues au A du VIII , c'est-à-dire les TRVe déterminés par arrêté ministériel après que les ministres se soient opposés à l'évolution des TRVe proposée par la CRE.

e) Des procédures de contrôle renforcées sur les fournisseurs d'électricité, pour qu'ils répercutent sur leurs clients les compensations reçues ainsi que sur les consommateurs non résidentiels, pour limiter les risques de fraude

Le E du VIII du présent article 42 ter précise que les clients non domestiques doivent attester préalablement auprès de leur fournisseur qu'ils remplissent bien les critères d'éligibilité au dispositif, c'est-à-dire les critères définis au 2° de l'article L. 337-7 du code de l'énergie :

- ils emploient moins de dix personnes ;

- et leur chiffre d'affaires, leurs recettes ou leur total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros.

Le même E prévoit qu' « en cas de manquement délibéré , les clients sont redevables à l'État des montants de la compensation qui leur ont été reversés par leur fournisseur, majorés de 20 % » .

Le F impose aux fournisseurs d'électricité qu'ils répercutent sur leurs clients l'intégralité des compensations perçues.

Ce même F précise que « la Commission de régulation de l'énergie précise les modalités selon lesquelles la compensation est répercutée aux clients en offre de marché. Le montant de la compensation répercutée à un client en offre de marché ne peut être supérieur à la différence, en euros par mégawattheure, entre le prix de l'électricité hors taxes tel qu'il aurait été facturé à ce client en l'absence de compensation et le prix de l'électricité hors taxes du tarif réglementé de vente d'électricité en vigueur » en application du dispositif de bouclier prévu par le présent article.

3. L'instauration d'un dispositif dit d' « amortisseur » en faveur de consommateurs finals non éligibles aux TRVe et, par conséquent, non couverts par le bouclier sur les prix de l'électricité

Le IX de l'article 42 ter détermine le régime législatif d'un nouveau dispositif de soutien dit d'« amortisseur » qui doit conduire à réduire la facture d'électricité de certains consommateurs finals qui ne sont pas couverts par le mécanisme de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité qui demeure cantonné aux consommateurs résidentiels ou non résidentiels éligibles aux TRVe. Le Gouvernement a annoncé que ce dispositif, qui a fait l'objet par ailleurs d'une proposition d'ouverture de crédits de 3 milliards d'euros sur le programme 345 au titre des compensations de charges de service public de l'énergie (CSPE) comme présenté supra dans le rapport, devrait s'adresser aux petites et moyennes entreprises (PME), aux collectivités territoriales, aux associations ou encore aux établissements publics .

a) Un dispositif qui s'adresse aux consommateurs non éligibles au bouclier tarifaire

Le premier alinéa du A du IX prévoit ainsi qu' « une mesure d'aide visant à limiter les conséquences des prix élevés de l'électricité sur les factures est instaurée pour l'année 2023 au bénéfice des clients finals autres que ceux mentionnés au VIII » , c'est-à-dire autres que les consommateurs finals concernés par le dispositif de bouclier tarifaire, c'est-à-dire autres que les clients résidentiels ou les petits clients non résidentiels éligibles aux TRVe .

Le second alinéa du même A indique que « le champ des clients éligibles est défini par décret » .

Le B du IX prévoit que l'aide en question pourra être directement « versée par les fournisseurs d'électricité titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 333-1 du code de l'énergie » qui lui-même prévoit que « les fournisseurs souhaitant exercer l'activité d'achat d'électricité pour revente aux consommateurs finals ou aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes doivent être titulaires d'une autorisation délivrée par l'autorité administrative » .

Le premier alinéa du C du même IX précise que, pour bénéficier de cette aide, les clients devront préalablement attester auprès de leur fournisseur qu'ils remplissent les critères d'éligibilité qui seront définis par le décret lui-même prévu au A de ce même IX (voir supra ). Le même premier alinéa du C prévoit qu' « en cas de manquement délibéré, les clients sont redevables à l'État des aides qui leur ont été octroyées par leur fournisseur en application » du dispositif, majorées de 20 % .

Le second alinéa du C précise que « les fournisseurs transmettent à la Commission de régulation de l'énergie, qui elle-même transmet à la direction générale des finances publiques » les données d'identification des clients éligibles qu'ils ont identifiés.

b) Les pertes de recettes subies par les fournisseurs du fait de ce dispositif constituent des charges imputables au service public de l'énergie compensées par l'État

Le D du IX prévoit que les pertes de recettes supportées par les fournisseurs au titre de l'aide « à raison de prix de fourniture réduits » à leurs clients éligibles au dispositif, « constituent des charges imputables aux obligations de service public , au sens de l'article L. 121-6 du code de l'énergie » . Ce même D précise qu' « elles sont compensées par l'État » .

Le E du même IX prévoit les modalités de calcul des pertes de recettes des fournisseurs qui ouvrent droit à compensations de l'État au titre des obligations de charges de service public de l'énergie.

Le premier alinéa de ce E prévoit que ces pertes de recettes sont calculées pour chaque client en appliquant un montant unitaire (défini au deuxième alinéa de ce même E ) à des volumes d'électricité dont l'approvisionnement a été réalisé sur le marché de gros (dits « volumes marché ») livrés au cours de l'année 2023 (volumes définis au troisième alinéa de ce même E ).

Le deuxième alinéa du E précise ainsi que le montant unitaire qui doit être appliqué aux volumes marchés livrés en 2023 est défini en euros par mégawattheure et « égal à une quotité de la différence entre le prix de la part approvisionnée marché du client et un prix d'exercice dès lors que ce montant unitaire est positif, dans la limite d'un plafond en euros par mégawattheure. La quotité, le prix d'exercice et le plafond sont fixés, le cas échéant, pour chacune des catégories de consommateurs concernés, par décret » .

Par voie de presse le Gouvernement a annoncé que l'amortisseur devrait ainsi permettre de couvrir 25 % de la fraction des factures d'électricité soumise aux marchés de gros qui dépasse le seuil de 325 euros par mégawattheures et dans une limite de 800 euros par mégawattheure .

Les troisième et quatrième alinéas du même E définissent les volumes de marchés livrés en 2023 sur lesquels appliquer le montant unitaire défini au deuxième alinéa.

Le troisième alinéa précise que ces volumes de marchés s'entendent dans la limite de 90 % de la consommation historique des clients concernés.

Le quatrième alinéa précise que « le volume marché livré au client est défini comme la différence entre sa consommation annuelle sur l'année 2023 et le volume d'électricité nucléaire historique dont bénéficierait un fournisseur alternatif en 2023 pour ce client en application du chapitre VI du titre III du livre III du code de l'énergie pour l'année 2023, si cette différence est positive » . Cette disposition vise à circonscrire le volume d'électricité livrée susceptible de faire l'objet de l'aide aux seuls approvisionnements réalisés sur le marché de gros en excluant les volumes acquis via le dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) au tarif de 42 euros le mégawattheure .

Afin de limiter la consommation d'électricité dans les périodes de forte tension sur le système électrique prévues à l'article L. 321-17-1 du code de l'énergie dans les situations de menace grave et imminente sur la sécurité d'approvisionnement en électricité, le F du IX prévoit un dispositif de minoration de l'aide apportée par le mécanisme d'amortisseur. Ce F prévoit ainsi que l'aide au client et les pertes de recettes des fournisseurs qui en découlent « sont minorées, dans la limite de leur montant initial, pour chaque client concerné, d'un montant égal au produit entre les volumes livrés à ce client lors des périodes de forte tension sur le système électrique mentionnées à l'article L. 321-17-1 du code de l'énergie et le montant unitaire calculé pour ce client » .

La dernière phrase du même F ajoute que « les modalités de calcul de ces volumes sont définies par arrêté des ministres chargés de l'énergie et de l'économie ».

Le H du IX précise que les fournisseurs doivent impérativement répercuter à leurs clients les montants qu'ils perçoivent au titre des compensations de charges de service public de l'énergie en lien avec le dispositif d'« amortisseur ».

La CRE est chargée de préciser les modalités de cette répercussion et de s'assurer de leur bonne application . « Pour ce faire, elle peut exiger que les commissaires aux comptes ou, le cas échéant, le comptable public des fournisseurs concernés attestent la bonne application des modalités qu'elle a définies. En cas de manquement délibéré, les montants de la compensation indûment versés aux fournisseurs, majorés de 10 %, sont déduits des charges imputables aux missions de service public compensées aux fournisseurs » .

La première phrase du I du IX prévoit quant à lui que les frais de gestion supportés par les fournisseurs d'électricité pour la mise en oeuvre du dispositif d'aide constituent eux aussi des charges imputables aux obligations de service public de l'énergie . La seconde phrase du même I précise que ces frais « sont compensés par l'État, à hauteur de 1 % des pertes de recettes des fournisseurs » et « dans la limite de 0,2 euros par mégawattheure » .

4. Des mesures générales visant à adapter le mécanisme des charges de service public de l'énergie au contexte de crise actuel et aux dispositifs de soutien exceptionnels instaurés pour y répondre

Le X du présent article 42 ter prévoit que « les fournisseurs d'électricité déclarent à la Commission de régulation de l'énergie, avant le 31 janvier 2023, leurs pertes de recettes prévisionnelles » liées aux dispositifs de « bouclier » et d'« amortisseur ». Une délibération de la Commission de régulation de l'énergie doit évaluer, avant le 15 mars 2023, le montant de ces pertes. Le même X précise que ces pertes seront intégrées aux charges de service public de l'énergie que l'État doit compenser dès 2023 sous la forme d'acomptes mensuels .

Le système habituel d'évaluation annuelle (en juillet) des charges de service public de l'énergie par la CRE est fortement affecté par le contexte de crise des prix de l'énergie. Il conduit à constater de très fortes surcompensations en 2022 qui se traduisent par des réévaluations à la baisse dans des ampleurs inédites en 2023. Aussi, pour l'année 2023, le XI du présent article 42 ter propose de déroger au mécanisme habituel prévu aux articles L. 121-9 et L. 121-37 du code de l'énergie et de permettre à la CRE, tout au long de l'année, de « délibérer pour ajuster les montants des charges de service public de l'énergie pour l'année 2023, pour tenir compte notamment de l'évolution des prix de marché » . Le même XI ajoute qu' « à ce titre, la Commission de régulation de l'énergie peut demander aux fournisseurs de réactualiser leurs déclarations » .

Le contexte de crise des prix de l'énergie et notamment le niveau extraordinairement élevé des prix de l'électricité a complètement bouleversé le schéma habituel des charges de service public de l'énergie . Alors qu'habituellement les producteurs étaient soutenus par des compensations versées par l'État via le programme 345, ils se sont retrouvés être redevables de sommes considérables au titre de ces mécanismes de soutien. Cette hypothèse , qui paraissait hautement improbable il y a de cela encore quelques mois, n'avait pas été traduite de façon explicite dans la partie législative du code de l'énergie .

Le XII du présent article 42 ter vient ainsi apporter deux précisions dans le code de l'énergie . Il complète les articles L. 121-6 et L. 121-35 qui prévoient que les charges imputables au service public de l'énergie (pour le secteur de l'électricité s'agissant de l'article L. 121-6 et pour le secteur du gaz s'agissant de l'article L. 121-35) sont intégralement compensées par l'État en précisant que « lorsque ces missions induisent des recettes, ces dernières sont intégralement reversées à l'État » .

Enfin, le XIII du présent article 42 ter vient compléter l'article L. 336-9 du code de l'énergie pour renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de la CRE concernant le dispositif d'ARENH .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : NÉCESSAIRE MALGRÉ SON COÛT, LA PROROGATION DANS UNE FORME ATTÉNUÉE DES BOUCLIERS TARIFAIRES SUR LE GAZ ET L'ÉLECTRICITÉ DOIT AUSSI INCITER À LA RÉALISATION D'ÉCONOMIES D'ÉNERGIE

A. LE BOUCLIER TARIFAIRE : UN DISPOSITIF TRÈS COÛTEUX, MAIS NÉCESSAIRE POUR PROTÉGER LES MÉNAGES DE LA HAUSSE DES PRIX DU GAZ

L'évolution des cours du gaz depuis le début de l'année 2021 apparaît inédite dans l'histoire gazière européenne. Or, cette hausse des prix de gros du gaz impacte directement les coûts d'achat du gaz des fournisseurs, qui sont strictement reflétés dans l'évolution des tarifs réglementés de vente de gaz naturel (TRVg).

L'article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a ainsi gelé du 1 er novembre 2021 au 30 juin 2022 ces tarifs (TRVg) à leur niveau toutes taxes comprises d'octobre 2021. Le gel a été ensuite prolongé jusqu'en décembre 2022 par arrêté.

En l'absence de gel des TRV de gaz, les consommateurs auraient subi la hausse des cours mondiaux du gaz. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) continue de publier chaque mois les barèmes qui auraient résulté de l'application de la formule tarifaire en vigueur avant le gel tarifaire.

Le niveau moyen des tarifs réglementés de vente au 1 er octobre 2022, aurait été supérieur de 201,2 % hors taxes, soit 181,5 % toutes taxes comprises, par rapport au niveau en vigueur fixé au 1 er octobre 2021.

Par comparaison, le niveau moyen des TRVg sans le bouclier tarifaire au 1 er mai 2022 aurait été supérieur de 86,8 % hors taxes, soit 78,3 % toutes taxes comprises, au niveau en vigueur fixé au 1 er octobre 2021.

Évolution des TRVg avec et sans gel depuis janvier 2022

Source : commission de régulation de l'énergie, publication des barèmes applicables pour les TRVg - octobre 2022

Dans ce contexte, le blocage tarifaire proposé par le Gouvernement, était nécessaire et a protégé les consommateurs des hausses massives. Il est estimé que le gel des tarifs réglementés a permis une économie moyenne d'environ 650 euros pour un foyer se chauffant au gaz entre novembre 2021 et octobre 2022.

Or, les prix du gaz sur les marchés de gros sont restés élevés en 2022 en raison du contexte international, en particulier de la crise russo-ukrainienne. Selon les projections de l'IFP Énergies nouvelles, les prix du gaz devraient diminuer en 2023, mais rester néanmoins à un niveau très élevé.

Le prix du gaz dépendra également de l'aboutissement des discussions menées au niveau européen sur l'approvisionnement et l'encadrement du marché du gaz.

La compensation est, depuis la première loi de finances rectificative pour 2022, ouverte pour l'ensemble des contrats de fourniture de gaz signés à partir du 1 er septembre 2022 (offres à prix fixes, offres indexées sur le marché, offres indexées sur les TRVg).

Les pertes de recettes, reconnues comme charges de service public, seront compensées directement par le budget de l'État en 2023, sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Sur la période allant du 1 er novembre 2021 au 30 juin 2022, le coût du bouclier tarifaire pour les clients en contrat direct est de l'ordre de 2 milliards d'euros .

Le coût de la prolongation du bouclier du 1 er juillet 2022 au 31 décembre 2022 est difficile à évaluer car il dépend de l'évolution des prix du gaz sur les marchés de gros, lui-même très fluctuant. En juillet 2022, le coût estimé de la prolongation du dispositif était de 1,5 milliard d'euros sur la période du 1 er juillet au 31 décembre . Les dernières prévisions donnent un coût de 6,5 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire gaz en 2022 .

Selon la DGEC, le coût du bouclier tarifaire gaz en 2023 est désormais évalué à environ 20 milliards d'euros . Le coût du bouclier tarifaire gaz était encore estimé à 11 milliards d'euros en septembre, mais il a fortement été réévalué depuis.

B. ALORS QUE LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ ONT CONNU UNE FLAMBÉE PHÉNOMÉNALE ET QU'ILS SE MAINTIENNENT À DES NIVEAUX EXTRÊMEMENT ÉLEVÉS, DES MÉCANISMES DE SOUTIEN DOIVENT ÊTRE MAINTENUS ET ÉTENDUS À DES CLIENTS QUI NE POUVAIENT Y PRÉTENDRE EN 2022

1. La crise des prix de l'électricité s'est exacerbée depuis l'été 2022

a) Une flambée des prix de l'électricité absolument inédite

En France, comme dans les autre pays de l'Union européenne, le prix de gros de l'électricité de court terme est déterminé sur les marchés dits « spot » : un marché day-ahead (prix fixés chaque jour avant 13 heures pour livraison le lendemain) et un marché intra-journalier. Outre ces marchés « spot » à court terme, il existe aussi des échanges de produits à terme qui permettent aux acteurs du marché de l'électricité de signer des contrats de vente et d'achat pour une fourniture dans les jours, les semaines, les mois, les trimestres ou les années à venir, à un prix négocié à la date de conclusion du contrat.

Comme l'illustre le graphique ci-après, le marché à terme à douze mois évolue dans des niveaux de prix complètement inédits dans l'histoire du marché de l'électricité.

Évolution des prix de l'électricité à terme entre les mois d'octobre 2021 et 2022

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Alors qu' avant la crise actuelle, la moyenne de prix s'établissait autour de 50 euros et que le précédent record historique était de 93 euros lors de la crise financière de 2008, les prix de gros à douze mois ont tutoyé les 1 200 euros en août 2022 avant de fluctuer entre 500 et 600 euros . Ponctuellement, les prix spot de l'électricité sur le marché de gros ont même dépassé les 3 000 euros au cours de l'été 2022 au coeur de la hausse fulgurante qui s'est manifestée à partir du mois de juin.

Évolution des prix de l'électricité pour le consommateur final en moyenne

Source : rapport annuel de l'ACER et CEER d'octobre 2022

b) En Europe, le prix de l'électricité est fixé en fonction des évolutions du prix du gaz

Dans le cadre du marché européen de l'énergie , et selon le principe dit de « l'ordre de mérite » ou de la « vente au coût marginal », la formation du prix de gros de l'électricité est déterminée par le prix de production de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande . C'est la centrale dite « marginale » . En règle générale, en Europe , en cas de pic de consommation, il s'agit souvent d' une centrale à gaz . Cette modalité de fixation des prix de gros de l'électricité explique la dépendance des prix de l'électricité à l'évolution des cours du gaz . Le prix de l'électricité sur les marchés « spot » à court terme est extrêmement dépendant de l'évolution du prix des intrants qui alimentent les centrales électriques marginales et donc particulièrement des cours du gaz.

Si cette règle a pour vocation d'optimiser le fonctionnement du système électrique européen et son interconnexion, elle n'avait pas été imaginée pour fonctionner dans un contexte d'augmentation de prix de l'énergie tel que celui qui prévaut dans la crise historique actuelle des marchés énergétiques. Il en a résulté, dès le second semestre 2021, une augmentation très significative des prix de l'électricité en France quand bien même les coûts de production de l'électricité y sont modérés et faiblement dépendants du prix du gaz naturel. En effet, en France, d'après le bilan électrique de réseau de transport d'électricité (RTE), en 2021, 69 % de l'électricité a été produite à partir d'énergie nucléaire pour seulement 7 % à partir de gaz naturel.

Évolution de la production d'électricité en France (2017-2021)

(en térawattheure - TWh)

Source : bilan électrique 2021 de réseau de transport d'électricité (RTE)

Si une part significative de l'électricité en Europe reste produite à partir d'énergies fossiles (20 % à partir de gaz et 13 % à partir de charbon), la composition du mix électrique français est décarbonée à plus de 92 % d'après le bilan électrique 2020 de RTE.

Répartition de la production d'électricité en France en 2021
entre sources d'énergies

Source : commission des finances du Sénat d'après le bilan électrique 2021 de RTE

Néanmoins, la France dispose elle-même de treize tranches de centrales à cycle combiné au gaz auxquelles elle recourt pour assurer l'équilibre entre offre et demande en hiver en cas de tension sur le système électrique. Par ailleurs, habituellement, en hiver, la France recourt régulièrement à des importations d'électricité produite par des centrales thermiques chez ses voisins.

c) En France, la crise des prix est exacerbée par une production électrique d'origine nucléaire historiquement faible

En France, en 2022, la crise des prix de l'électricité s'est trouvée exacerbée par une production d'électricité historiquement basse . Cette situation s'explique essentiellement par les difficultés d'exploitation du parc de réacteurs nucléaires d'EDF .

Alors que les maintenances liées au programme de grand carénage, qui doit permettre de prolonger la vie des centrales construites dans les années 1970, ont pris du retard dans la période de crise sanitaire, EDF a découvert un phénomène de corrosion sous contrainte qui l'a conduit à mettre à l'arrêt de nombreux réacteurs afin de les inspecter. Au total, 26 réacteurs, soit la moitié du parc, sont à l'arrêt à l'automne 2022. Un programme de remise en fonctionnement de ces réacteurs d'ici le mois de février 2023 était prévu mais des grèves dans les centrales en octobre vont générer de nouveaux retards dans ces opérations de maintenance.

Par ailleurs, les conditions météorologiques de l'année 2022 ont entraîné une baisse significative de la production électrique d'origine hydraulique . En septembre dernier, EDF a annoncé que sa production d'électricité en 2022 serait comprise entre 315 et 345 TWh, contre 379,5 TWh en 2019 et 393,2 TWh en 2018. Ce n'est pas avant 2024 que la production électrique d'EDF devrait retrouver son niveau d'avant la crise sanitaire.

Cette situation, et alors que la France bénéficie de prix de gros du gaz parmi les plus faibles d'Europe, explique qu' en 2022, la hausse des prix de l'électricité est plus forte en France que chez ses partenaires européens . Depuis le début de l'année, le prix de l'électricité est plus de 30 % supérieur en France à son niveau en Allemagne . Les graphiques de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ci-dessous illustrent l'augmentation de l'écart des prix de l'électricité entre la France et l'Allemagne constaté au cours du premier semestre de l'année 2022.

Évolution des écarts de prix de l'électricité entre la France et l'Allemagne en 2022

Q4 2022 : produits trimestriels devant être livrés au cours du 4 e trimestre 2022.

Q1 2023 : produits trimestriels devant être livrés au cours du 1 er trimestre 2023.

Y 2023 : produits annuels pour une livraison en 2023.

Source : rapport de la CRE sur les prix à terme de l'électricité pour l'hiver 2022-2023 et l'année 2023, juillet 2022

S'agissant du prix de gros à 12 mois, la différence entre la France et l'Allemagne est passée de 0 euro au début de l'année à 100 euros le MWh en juillet 2022. Dans un rapport de juillet dernier 51 ( * ) , la CRE souligne que « de tels écarts de prix entre la France et l'Allemagne reflètent ainsi les craintes du marché quant à la disponibilité du parc nucléaire français historiquement basse. Les acteurs désireux de couvrir leur risque de marché sont manifestement prêts à payer une prime de risque importante sur le marché français, au vu des incertitudes affectant l'hiver 2022-2023 » .

À l'échelle du continent, dans leur rapport annuel du 7 octobre 2022 52 ( * ) , l'Agence pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et le Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) estiment que l'augmentation des prix de détail de l'énergie va se poursuivre en 2023 et considèrent qu'à terme « tous les consommateurs vont être concernés par des augmentations sans précédent » .

2. Si la prorogation du bouclier tarifaire sur l'électricité en 2023 est une nécessité pour préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens, la hausse des prix qu'il plafonne à 15 % doit aussi inciter à amplifier les économies d'énergie

Sans un prolongement du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité mis en place en 2022, les prix de l'électricité pour les particuliers seraient probablement amenés à plus que doubler en 2023 . Aussi, en septembre dernier, le Gouvernement avait-il pris l'engagement de contenir en 2023 l'augmentation des prix de l'électricité à 15 % pour les ménages, les copropriétés, les logements sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes. Cette promesse doit être traduite par le présent article 42 ter .

Le coût de ce bouclier sur les prix de l'électricité reste extrêmement dépendant de l'évolution des prix de gros en 2023. Il est aujourd'hui estimé à environ 35 milliards d'euros .

Coûts globaux 53 ( * ) prévisionnels des dispositifs de bouclier tarifaire pour 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la DGEC

Le volet fiscal du mécanisme de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité est traité par l'article 6 du présent projet de loi de finances. Il a vocation à proroger la minoration à leur minimum autorisé par le droit de l'Union européenne des tarifs de l'accise sur l'électricité , c'est-à-dire l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), ce qui devrait se traduire par une perte de recettes pour l'État à hauteur d'environ 10 milliards d'euros en 2023. Son volet fiscal représente ainsi environ 30 % du coût prévisionnel du dispositif, les 70 % restants (25 milliards d'euros) ayant vocation à faire l'objet, via le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de compensations par l'État aux fournisseurs en vertu de l'intégration des pertes de recettes liées au bouclier tarifaire dans le périmètre des obligations pour charges de service public de l'énergie prévues par le présent article 42 ter .

Répartition du coût prévisionnel pour l'État du bouclier tarifaire 2023 sur l'électricité entre ses volets fiscal et budgétaire

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la DGEC

Il ne fait pas de doute que la prorogation d'un mécanisme de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité est nécessaire, sauf à exposer nos concitoyens à un choc de baisse de pouvoir d'achat insupportable. La limitation de la hausse des prix à 15 % pour les consommateurs éligibles aux TRVe, déjà très coûteuse pour les finances publiques paraît être un compromis acceptable, notamment pour maintenir un certain « signal prix » susceptible d'encourager les économies d'énergie .

En dépit de son coût, le dispositif de bouclier tarifaire sur l'électricité pour les particuliers élaboré en 2022 comportait certaines failles , la principale étant la situation des résidents d'immeubles avec un chauffage collectif électrique et dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kilovoltampères (kVA). D'après la DGEC, l'administration travaille à la mise en place d'une mesure ad hoc pour traiter cette situation particulière rétrospectivement au titre de l'année 2022 et pour l'année 2023.

Ce cas particulier ne semble pas couvert à ce jour par le dispositif prévu par le présent article 42 ter . Il est urgent qu'une solution satisfaisante soit trouvée pour régler cette injustice manifeste et reconnue par le Gouvernement lui-même.

3. Le régime du dispositif dit d'« amortisseur sur les prix de l'électricité », très dépendant de textes réglementaires d'application doit rapidement être précisé

Si les boucliers tarifaires apportent une aide bienvenue aux particuliers ainsi qu'aux très petites entreprises et collectivités, il importe aussi de ne pas négliger le reste de notre tissu économique, associatif et territoriale , extrêmement exposé à la crise et parfois très dépendant des charges énergétiques.

L es mesures fortes en faveur des PME font à ce jour cruellement défaut . Elles ont été les grandes oubliées des dispositifs mis en oeuvre en 2022. La création d'une aide en faveur de certains consommateurs finals d'électricité non éligibles au dispositif de « bouclier », sous la forme d'un mécanisme dit d'« amortisseur » doit venir partiellement pallier ces lacunes du dispositif de soutien.

À ce stade, les dispositions inscrites au IX du présent article 42 ter sont particulièrement floues et générales . Le mécanisme n'est en aucune mesure détaillé et la nature des consommateurs qui pourront en bénéficier n'est pas précisée. Tout le dispositif doit être appliqué par la voie réglementaire . Ce n'est que par des déclarations dans la presse, parfois discordantes, que la représentation nationale a été éclairée sur ce dispositif pourtant attendu avec impatience et anxiété par nombre de TPE, PME, associations ou collectivités qui se trouvent étranglées par des factures d'électricité en forte hausse ou sidérées devant les nouveaux contrats proposés par leurs fournisseurs d'électricité.

D'après les déclarations gouvernementales, il apparaît que le dispositif devrait concerner les TPE-PME, les collectivités territoriales, les associations et les établissements publics . Toujours selon la présentation qu'en a faite le Gouvernement, le dispositif s'appliquerait aux contrats dont le prix de référence pour la part d'approvisionnement sur le marché de gros est supérieur à 325 euros par MWh . L'aide forfaitaire devrait atteindre 25 % de la fraction de consommation du client concerné qui se situe entre le prix seuil de 325 euros par MWh et le prix effectif auquel il doit s'acquitter dans une limite d'un prix plafond de 800 euros par MWh . L'écart entre le prix seuil et le prix plafond étant égal à 475 euros par MWh, l'aide maximale pour un consommateur pourrait ainsi atteindre 120 euros par MWh.

Le coût du dispositif est à ce jour estimé à 3 milliards d'euros , des crédits dont l'ouverture est proposée par le Gouvernement sur le programme 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (voir supra ). D'après les estimations du Gouvernement, un tiers de l'enveloppe, soit 1 milliard d'euros, devrait être ciblé vers les collectivités territoriales .

4. Des mesures d'ajustement du mécanisme de compensation des obligations de charges de service public de l'énergie nécessaires pour répondre à la situation inédite provoquée par la crise des prix de l'énergie

Les dispositions prévues aux X à XIII du présent article 42 ter apparaissent comme nécessaires pour ajuster le dispositif de compensation des obligations de charges de service public de l'énergie (CSPE) à la situation inédite qui résulte de la crise des prix de l'énergie.

Compte-tenu de l'ampleur des mécanismes de soutien prévus par le présent article et par les pertes de recettes qu'ils vont engendrer pour les fournisseurs, il est impératif que les compensations de celles-ci soient versées par acomptes prévisionnels dès l'année 2023 .

Par ailleurs, le mécanisme d'évaluation annuelle, en juillet, des CSPE par la CRE , s'il est approprié à une situation où les prix de l'électricité fluctuent dans des proportions raisonnables et modérées, comme c'était le cas avant 2021, n'est pas du tout adapté au contexte actuel de forte instabilité et de flambée des cours, en particulier au cours des deuxièmes semestres des années 2021 et 2022. Cette situation se traduit par des phénomènes de sur-compensation ou de sous-compensation d'une année sur l'autre et donne lieu à des révisions considérables, pour plusieurs milliards d'euros voire pour plusieurs dizaines de milliards d'euros d'une année sur l'autre. Il est donc pertinent, comme le propose le XI du présent article, de permettre à la CRE de réévaluer les CSPE en temps réel tout au long de l'année 2023 .

Il apparaît aussi utile d'expliciter dans le code de l'énergie que les gains qui peuvent être générés pour les opérateurs dans le cadre des obligations de charges de service public de l'énergie doivent être intégralement reversés à l'État .

Enfin, alors que les suspicions de fraude à l'ARENH se sont renforcées en 2023 du fait du caractère devenu ultra-compétitif de son prix (42 euros le MWh) et si elle a diligenté des enquêtes à l'encontre de fournisseurs, il est apparu que la CRE ne disposait pas des outils de contrôle et des capacités de sanction propres à prévenir et réprimer ces abus inacceptables. Le XIII de l'article 42 ter procède ainsi opportunément à un renforcement des pouvoirs de contrôle de la CRE.

5. Toutes les mesures d'urgence ne feront pas oublier les conséquences catastrophiques de dix années d'une politique énergétique à contretemps

L'État se trouve aujourd'hui dans l'obligation de prendre des mesures d'urgences aussi nécessaires que coûteuses pour venir en aide aux consommateurs d'électricité. Cette situation conjoncturelle périlleuse ne doit pas masquer les effets délétères de la politique énergétique menée depuis dix ans . Cette politique n'est pas étrangère au fait qu'aujourd'hui la France se trouve être le pays européen le plus exposé à l'envolée des prix de l'électricité . Les manquements de cette politique, aussi bien s'agissant de la production d'électricité nucléaire que du développement des énergies renouvelables, expliquent une part de l'impasse dans laquelle la France se retrouve aujourd'hui. Par ailleurs, il est trop facile et erroné de faire porter le chapeau à la société EDF, elle-même grandement fragilisée par des choix douteux des pouvoirs publics . Derrière cette crise conjoncturelle se cachent des erreurs politiques et stratégiques qui risquent d'affaiblir durablement notre souveraineté énergétique .

6. Alors que les dispositifs proposés sans aucune étude d'impact manquent singulièrement de précision une position d'attente d'ici la séance s'impose

L'article 42 ter a été introduit en cours d'examen par le Gouvernement sans que la représentation nationale puisse disposer d'une étude d'impact digne de ce nom . La plupart des paramètres relatifs aux dispositifs prévus par cet article ont été distillés progressivement par voie de presse sans cohérence d'ensemble et sans que le Parlement puisse disposer de toutes les informations nécessaires à l'évaluation des incidences des mesures proposées. En particulier s'agissant du dispositif d'amortisseur, le Gouvernement semble lui-même encore naviguer à vue . S'il n'a pas inscrit dans le dispositif les entités éligibles ou encore les paramètres et seuils permettant de calculer le niveau d'aide, c'est probablement qu'il n'est pas tout à fait clair sur ces questions. La coordination des différents dispositifs proposés, notamment s'agissant des collectivités , potentiellement éligibles, selon leurs caractéristiques, au bouclier, à l'amortisseur et au filet de sécurité, doit nécessairement faire l'objet de précisions.

Une analyse éclairée de ces dispositifs implique aussi de disposer d'informations précises quant à l'évaluation des quantités de consommation d'énergie potentiellement couvertes par chaque dispositif ou encore par le nombre de chaque catégorie d'entités concernées, pour chacune des mesures . Le Parlement ne peut donner ainsi carte blanche au Gouvernement pour des dispositions si structurantes qui engageront des dizaines de milliards d'euros d'argent public . Avant de cautionner la mise en oeuvre de ces mesures, la Représentation nationale doit disposer de suffisamment d'informations sur chacun des mécanismes afin d'en évaluer l'efficacité et l'efficience.

Aussi, si le rapporteur spécial n'entend pas rejeter la perspective de mise en oeuvre de mesures de soutien qui sont attendues de nos concitoyens, du tissu économique et des acteurs territoriaux, il lui apparaît nécessaire, le cas échéant de revenir sur cet article au stade de la séance publique et au regard des précisions et informations complémentaires que le Gouvernement doit absolument fournir sur ces dispositifs pour lesquels pèsent encore beaucoup trop d'incertitude. Aussi s'il propose d'adopter l'article à ce stade, cette adoption est tout sauf une validation mais bien davantage une position d'attente dans la perspective de la séance publique .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 42 quater (nouveau)

Rapport visant à étudier la possibilité d'améliorer la progressivité
de la prime à la conversion en faveur des ménages modestes ou précaires

. Le présent article additionnel prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport visant à étudier les possibilités d'améliorer la progressivité de la prime à la conversion au bénéfice des ménages modestes et précaires.

Dans un contexte de tension sur les finances publiques et alors que la majorité des aides à l'acquisition de véhicules propres sont attribuées pour l'achat de véhicules produits à l'étranger, conduisant notamment à subventionner l'industrie de nos concurrents économiques, voire même géopolitiques, il semble légitime de s'interroger sur un meilleur ciblage des aides, au moins jusqu'à ce que la filière de production souveraine de véhicules électriques que nous appelons tous de nos voeux ne gagne en maturité.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA PRIME À LA CONVERSION PRÉVOIT UNE CERTAINE PROGRESSIVITÉ MÊME SI TOUS LES MÉNAGES ET ENTREPRISES DEMEURENT ÉLIGIBLES AU DISPOSITIF

La prime à la conversion est une aide, sous conditions, à l'achat ou à la location d'un véhicule peu polluant lorsqu'il s'accompagne de la mise au rebut d'un ancien véhicule diesel ou essence. Cette prime peut se cumuler avec le « bonus écologique ». Son régime est défini aux articles D. 251-3 et suivants du code de l'énergie . Le véhicule à mettre au rebus doit être une voiture particulière ou une camionnette répondant à certains critères, notamment d'ancienneté.

Le périmètre des véhicules dont l'acquisition peut être accompagnée par la prime à la conversion inclut les voitures particulières, les camionnettes, les véhicules à moteur à 2 ou 3 roues et les quadricycles à moteur.

Le montant maximum est de 5 000 euros pour l'achat d'un véhicule particulier électrique ou hybride rechargeable neuf ou d'occasion, lorsque le revenu fiscal de référence du foyer est inférieur à 6 300 euros . Dans le cas contraire, elle tombe à 2 500 euros. Pour une camionnette, le montant maximum est de 9 000 euros.

Si les personnes physiques qui disposent d'un revenu fiscal de référence supérieur à 13 489 euros bénéficient de montants d'aides diminués, ils demeurent éligibles au dispositif .

Les montants de prime à la conversion, pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers (VUL) sont déterminés selon les barèmes présentés ci-après :

Barème 2022 de la prime à la conversion pour les voitures particulières

Motorisation

Personnes physiques

Personnes morales

RFR < 13 489 euros

RFR > 13 489 euros

RFR < 6 300 euros

ou

trajet domicile-travail

> 30 km

ou

kilométrage annuel

> 12 000 km

-

< 20 g CO 2 /km

50 km d'autonomie

5 000 euros

2 500 euros

2 500 euros

2 500 euros

Crit'Air 1

< 50 g CO 2 /km

3 000 euros

1 500 euros

1 500 euros

1 500 euros

Entre 51 et 109 g CO 2 /km

< 50 000 euros

3 000 euros

1 500 euros

-

-

Source : commission des finances du Sénat

Barème 2022 de la prime à la conversion pour les véhicules utilitaires légers

Motorisation

Personnes physiques

Personnes morales

RFR < 13 489 euros

RFR > 13 489 euros

RFR < 6 300 euros

ou

trajet domicile-travail

> 30 km

ou

kilométrage annuel

> 12 000 km

-

< 20 g CO 2 /km

50 km d'autonomie

5 000 euros pour les VASP 54 ( * ) et les camionnettes de classe I

7 000 euros pour les camionnettes de classe II

9 000 euros pour les camionnettes de classe III

2 500 euros pour les VASP et les camionnettes de classe I

7 000 euros pour les camionnettes de classe II

9 000 euros pour les camionnettes de classe III

2 500 euros pour les VASP et les camionnettes de classe I

7 000 euros pour les camionnettes de classe II

9 000 euros pour les camionnettes de classe III

2 500 euros pour les VASP et les camionnettes de classe I

7 000 euros pour les camionnettes de classe II

9 000 euros pour les camionnettes de classe III

Crit'Air 1

< 50 g CO 2 /km

3 000 euros

1 500 euros

1 500 euros

1 500 euros

Entre 51 et 109 g CO 2 /km

< 50 000 euros

3 000 euros

1 500 euros

-

-

Source : commission des finances du Sénat

Pour accompagner les personnes habitants ou les entreprises situées dans le périmètre d'une zone à faibles émissions mobilité (ZFE m), la prime à la conversion est majorée si une aide similaire est attribuée par une collectivité territoriale dans le même périmètre. Le montant de cette aide, définie à l'article D. 251-8-1 du code de l'énergie, est identique au montant de l'aide attribuée par la collectivité, dans la limite de 1 000 euros .

B. LES PARAMÈTRES DE LA PRIME À LA CONVERSION ONT BEAUCOUP ÉVOLUÉ DEPUIS 2018

Après un démarrage poussif, la prime à la conversion est montée en puissance . En 2018, près de 300 000 demandes de primes à la conversion avaient été enregistrées et plus de 255 000 primes distribuées, soit une multiplication par 32 des primes attribuées par rapport à l'année 2017. Au cours de cette même année, la prime à la conversion avait été rendue plus attractive afin notamment de répondre aux enjeux de la hausse des prix du carburant. Le Gouvernement s'était fixé comme objectif d'attribuer un million de primes entre 2018 et 2022. La dynamique de la prime à la conversion s'était alors encore amplifiée en 2019 avec 376 831 primes à la conversion versées et plus de 350 000 primes supplémentaires en instance. Face à ce succès dont l'ampleur avait été sous-estimée, pour des raisons budgétaires, le Gouvernement avait alors décidé de durcir les conditions d'accès à la prime à compter du 1 er août 2019.

En juin 2020 , pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire et soutenir un secteur automobile en grandes difficultés, les conditions d'accès à la prime avaient été significativement assouplies . Le nombre de ménages éligibles et les montants de primes avaient été augmentés. Toutefois, ces nouveaux critères n'ont été maintenus que deux mois. Dès le 3 août 2020, les critères restrictifs de 2019 ont été rétablis.

En raison de la persistance de la crise et du second confinement, les critères d'éligibilité de la prime à la conversion en vigueur à la fin de l'année 2020, et qui devaient initialement être durcis dès le 1 er janvier 2021, avaient finalement été maintenus jusqu'au 30 juin 2021.

Le 1 er juillet 2021, les critères d'attribution de la prime à la conversion ont été rendus plus restrictifs . Depuis cette date, les véhicules Crit'Air 2 sont exclus du dispositif de la prime et le plafond d'émissions de CO 2 applicable à un véhicule neuf a été abaissé. Ainsi, en 2021, le nombre de primes délivrées a-t-il poursuivi sa décrue pour s'établir à 113 000. Les crédits consacrés au dispositif au cours de l'année 2021 se sont élevés à 192 millions d'euros, soit un montant plus de trois fois moins important qu'en 2020. En 2021 la prime a par ailleurs été étendue aux vélos électriques et augmentée à 9 000 euros pour les véhicules utilitaires légers (VUL).

L'évolution du nombre de primes à la conversion
distribuées entre 2015 et 2021

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au 1 er janvier 2022, le plafond d'émissions de CO 2 applicable aux véhicules neufs a de nouveau été abaissé de 5 g/km pour l'aligner sur le seuil de déclenchement du « malus CO 2 ».

À la suite de l'adoption de la première loi de finances rectificative pour 2022 qui a abondé le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » pour soutenir l'usage du vélo par les ménages, la prime à la conversion pour l'acquisition d'un vélo à assistance électrique a été doublée pour les ménages les plus modestes et les personnes en situation de handicap, du 15 août au 31 décembre 2022. De plus, la mise au rebut d'un véhicule polluant donne droit à l'attribution d'une prime à la conversion pour l'achat d'un vélo. Dans le cadre du nouveau plan vélo annoncé en septembre 2022, le Gouvernement s'est engagé à prolonger ces mesures au-delà de 2022.

Au cours des sept premiers mois de l'année 2022, plus de 57 000 primes à la conversion ont été attribuées .

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION : LA DEMANDE D'UN RAPPORT SUR LES POSSIBILITÉS D'AMÉLIORER LA PROGRESSIVITÉ DE LA PRIME À LA CONVERSION EN FAVEUR DES MÉNAGES MODESTES OU PRÉCAIRES

Le présent article additionnel, issu d'un amendement déposé par Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et plusieurs de ses collègues députés, a été retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Le présent article 42 quater prévoit qu'au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi de finances, le Gouvernement remette au Parlement un rapport visant à étudier les possibilités d'améliorer la progressivité de la prime à la conversion au bénéfice des ménages modestes et précaires ainsi que sur le résultat d'une telle amélioration sur les finances publiques. Le rapport devrait présenter plusieurs scénarios selon les seuils de revenus qui pourraient être pris en compte pour déterminer le montant de la prime. L'un des scénarios devrait proposer un dispositif d' inéligibilité au dispositif au-delà d'un certain niveau de revenu .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : IL EST LÉGITIME DE S'INTERROGER SUR UN MEILLEUR CIBLAGE DE LA PRIME À LA CONVERSION, D'AUTANT PLUS QU'ACTUELLEMENT, UNE MAJORITÉ DES VÉHICULES SUBVENTIONNÉS SONT PRODUITS À L'ÉTRANGER

Alors que la Chine domine plus de 50 % de la chaîne de valeur des voitures électriques et que la France et l'Europe ont accumulé un retard conséquent en la matière, les aides à l'acquisition de véhicules propres (bonus et prime à la conversion) conduisent actuellement principalement à subventionner des industries étrangères . Cette tendance risque de s'amplifier dans les années à venir avec la menace d'une arrivée massive sur le marché européen de véhicules électriques à bas coûts vendus par des constructeurs chinois. Alors que les États-Unis viennent de mettre en place un dispositif de protection très robuste, l'Europe ne dispose toujours pas d'un mécanisme efficace garantissant à minima que le principe de réciprocité soit respecté par ses principaux concurrents économiques. Des concurrents économiques qui peuvent par ailleurs également être des rivaux géopolitiques. Si une filière souveraine française et européenne semble en voie de construction, il lui faudra du temps pour rattraper son retard et être compétitive. En attendant son émergence et la mise en oeuvre d'une véritable préférence européenne, il convient de contenir les aides à l'acquisition de véhicules propres en les ciblant sur les plus fragiles . Plus généralement, cette logique est par ailleurs un gage de bonne gestion des finances publiques . Aussi, le rapport prévu au présent article aura-t-il son utilité pour ouvrir des pistes de réforme pour rendre plus efficiente la prime à la conversion.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques", « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et articles 42 bis à 42 quater ) et le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) ».

M. Claude Raynal . - Nous poursuivons nos travaux avec trois rapports qui relèvent de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Je salue la présence M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Nous allons d'abord examiner le rapport de Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACé) ». - Cette année, je suis également en situation de déport temporaire concernant l'Agence de la transition écologique (Ademe). Tous les propos sur l'Ademe sont l'oeuvre du rapporteur général.

Je commence par l'ensemble des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Lorsque le rapporteur général avait présenté l'évolution des crédits des missions entre le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 et le PLF pour 2023, seules deux missions voyaient leurs crédits diminuer, et la mission « Écologie, développement et mobilité durables » était l'une des deux. C'était vrai le 26 septembre dernier ; mais si l'on prend en compte tous les ajouts et les ouvertures de crédits considérées comme adoptées via l'article 49-3 de la Constitution, nous observons une hausse des crédits dans le texte présenté.

Le budget est en phase de prospective, de discussion sempiternelle. Le 20 octobre dernier, s'est tenue la concertation nationale sur le mix énergétique. En parallèle, la Commission nationale du débat public (CNDP) a organisé un débat sur la relance du nucléaire alors même que nous avons déjà eu onze débats sur le sujet depuis 2004. Le 21 octobre, nous avons assisté à la présentation du volet « Climat et biodiversité » du Conseil national de la refondation (CNR), puis à celle de la programmation de planification de « France nation verte » avec, de nouveau, l'ouverture d'une concertation. Il y a donc encore beaucoup de flou.

Le programme 380 concerne le Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires qui, d'après le Gouvernement, serait mis à disposition des collectivités locales afin de mettre en place et de financer des projets de transition écologique et énergétique. Ce programme est, à mes yeux, un recyclage de crédits qui existaient déjà auparavant ; ceux-ci étaient principalement portés par le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». On observe très peu d'actions nouvelles et surtout très peu de crédits directement à la main des collectivités. Certes, la gestion est un peu plus décentralisée, et elle sera non plus sous la responsabilité de l'administration centrale, mais sous celle des préfectures ; mais en dehors de cela, il n'y a pas beaucoup de changements.

Nous avons peu de visibilité sur la ventilation des 1,5 milliard de crédits du fonds vert. Ceux-ci ont été abondés de 500 millions d'euros par l'Assemblée nationale, sachant que, sur cette somme, il faut compter 350 millions d'euros annoncés en compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2023.

Pour savoir comment les crédits vont être dispensés, il faut lire le journal. On trouve trois mesures un peu nouvelles : la rénovation des parcs de luminaire d'éclairage public ; l'appui aux collectivités de montagne soumises à des risques émergents - à savoir, les crues, les avalanches, les chutes de blocs, sachant que l'on trouvait déjà des dépenses liées aux avalanches dans le fonds Barnier ; et enfin, la politique de renaturation des villes, réalisée avec l'appui des ingénieries du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et de l'Ademe, et dotée d'une enveloppe significative - 500 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sur cinq ans, dont 400 millions d'euros dans le cadre du fonds vert.

Pour le reste, cela relève soit du programme 181 « Préventions des risques » - avec des actions déjà plus ou moins couvertes par le fonds Barnier et toutes les mesures d'économie circulaire -, soit du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » - avec notamment la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), les aires marines protégées, les parcs naturels et autres.

Il aurait été plus pertinent de venir abonder les bonnes lignes budgétaires dans les programmes 181 et 113, plutôt que d'avoir un tel saucissonnage, qui rend l'analyse plus compliquée.

Concernant le programme 113, l'augmentation des crédits s'élève à 30,4 millions d'euros par rapport à 2022. Pour l'essentiel, cette augmentation permet d'accroître la subvention de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), de couvrir l'augmentation du point d'indice et d'allouer des crédits - à hauteur de 2,5 millions d'euros - à l'Office national des forêts (ONF) pour le financement de missions d'intérêt général. En revanche, le point d'indice n'est pas pris en compte pour les parcs naturels régionaux.

Dans le cadre du programme 181, nous poursuivons notre contrôle sur le risque de retrait-gonflement des argiles, pour lequel le Gouvernement doit remettre un rapport afin de donner des perspectives sur les pistes de financement ; nous l'attendons encore.

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) connaît une augmentation de ses effectifs. Si l'on regarde jusqu'en 2027, la demande de l'opérateur ne sera pas satisfaite.

Le deuxième gros bloc concerne les programmes 345 et 174 liés à l'énergie. En 2023, le budget de l'État enregistrera 39 milliards d'euros de recettes exceptionnelles grâce aux énergies renouvelables : 19 milliards d'euros au titre de l'année 2023, auxquels s'ajoutent une révision de 17 milliards d'euros au titre de l'année 2022 ainsi qu'un reliquat de 2 milliards d'euros pour 2021.

Les 19 milliards d'euros pour 2023 proviennent des énergies renouvelables en métropole et du biométhane. En revanche, le coût de soutien augmente de manière assez classique dans les zones non interconnectées (ZNI), dans la mesure où elles fonctionnent majoritairement avec une production carbonée, le plus souvent des centrales au fioul ; sachant que le prix du fioul augmente, les coûts de production dans ces zones augmentent.

Le soutien s'arrêtant, le montant de la cogénération va diminuer. Ce sont les dernières installations, elles fonctionnent au gaz et, comme le prix du gaz augmente, le montant reste encore élevé.

Avec le dispositif des effacements, on retrouve un effet volume et un effet prix. Quand l'effacement se produit à un moment où l'électricité est chère, la contrepartie donnée à l'industriel est forcément plus élevée.

Les dispositifs sociaux augmentent. Pour rappel, ces dispositifs ne concernent plus que la prise en charge des frais de coupure et de remise en route de l'électricité et le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ; le chèque énergie, par exemple, n'entre plus dans ce budget. Au total, au titre de l'année 2023, on arrive à 16,5 milliards de charges de service public. À noter enfin que l'éolien terrestre concentre les deux tiers de ces recettes exceptionnelles.

Au cours du quinquennat précédent, on a supprimé le CAS « Transition énergétique » pour le budgétiser dans le cadre du programme 345. Dans les faits, on observe la reconstitution de ce CAS en 2023. Contre toute logique budgétaire, nous avons, au sein de la mission, une pré-affectation des recettes qui vient financer directement plusieurs dépenses : le « bouclier électricité » de 2022 ; le « bouclier électricité » de 2023 à hauteur de 25 milliards d'euros ; ou encore, le « bouclier gaz » à hauteur de 20 milliards d'euros. Au total, le coût des charges s'élève à 47 milliards d'euros. Ces charges sont incluses dans le programme 345, car elles se constatent sur la trésorerie des fournisseurs d'électricité et de gaz.

Ces 47 milliards d'euros de charges sont compensés par les 39 milliards d'euros présentés précédemment. Cela donne une différence d'un peu moins de 9 milliards d'euros pour les mesures exceptionnelles de protection des consommateurs qui figurent à l'action n° 17 du programme.

Tout cela, encore une fois, manque de lisibilité et de transparence. Si l'on regarde la maquette budgétaire telle qu'elle est présentée dans le projet annuel de performances (PAP), on ne trouve pas un euro pour les énergies renouvelables en raison de l'effet prix. Quant aux « boucliers énergie », ils coûtent en réalité 47 milliards d'euros et non 9 milliards comme annoncé dans l'action n° 17 - c'est cela que l'on doit dire aux consommateurs.

Par ailleurs, certains coûts des dispositifs de soutien ne figurent pas dans le programme, je pense notamment à la baisse du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) qui coûte 8 milliards d'euros à EDF.

Il y a une articulation entre le dispositif « filet de sécurité » présenté par le rapporteur général et les deux dispositifs couverts par l'article 42 ter . Le « bouclier tarifaire », qui existait déjà en 2022, se prolongera en 2023 pour toutes les communes avec moins de 10 emplois et disposant de moins de 2 millions d'euros de budget ; ce « bouclier tarifaire » s'applique aussi aux particuliers et aux petites entreprises. En 2022, il est venu « caper » la hausse de l'électricité à 4 % et, en 2023, il viendra la « caper » à 15 %.

À ce « bouclier tarifaire », on adjoint un dispositif « d'amortisseur » qui concerne les communes et les entreprises anciennement éligibles au tarif jaune. Le dispositif interviendra dès que le prix payé sur le contrat dépassera les 325 euros par MWh et jusqu'à 800 euros par MWh ; dans ce cadre, les fournisseurs appliqueront une réduction de 25 % de la différence. À titre d'exemple, si le prix s'élève à 800 euros par MWh, la commune bénéficiera d'une remise de 125 euros.

Vient ensuite le dispositif « filet de sécurité », introduit lors du PLFR de juillet pour l'année 2022 et décrit précédemment par le rapporteur général. Il est prorogé en 2023, avec une ouverture de crédits plus importante, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.

Pour évoquer les programmes 174 et 345, on a essayé de regrouper tous les mécanismes mis en place en 2022 puis en 2023 pour venir atténuer la hausse du coût des énergies. En raison des effets d'annonce, nous ne sommes pas encore en mesure de chiffrer certains dispositifs. Ce matin encore, j'apprenais une nouvelle mobilisation de crédits pour 2023 de 1,5 milliard d'euros, concernant un dispositif « gros rouleurs » dont nous n'avons aucune trace. Sera-t-elle imputée sur le programme 174 comme ce fut le cas pour la remise carburant mise en oeuvre en 2022 ? On en saura peut-être davantage d'ici au 2 décembre, date d'examen de la mission en séance publique.

Je ne reviens pas sur le « bouclier électricité », ni sur le « bouclier gaz » et le « chèque énergie ». Dans la panoplie des mesures mises en oeuvre, on retrouve également le nouveau dispositif « d'amortisseur », ainsi que les dispositifs de soutien au changement de véhicules. Jean-Louis Borloo indiquait hier encore que Christophe Béchu, l'actuel ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, serait le ministre qui ferait le plus pour la protection du pouvoir d'achat des Français ; cela revient bien à dire que les crédits de son action sont des mesures de pouvoir d'achat.

Sur la rénovation thermique des bâtiments, MaPrimeRénov' finance à 86 % des travaux de rénovation mono-gestes, qui consistent à ne faire qu'une seule opération de rénovation, le plus souvent changer le chauffage. En termes de besoins calorifiques et énergétiques de l'habitation, ça ne change rien. Une véritable rénovation ne peut être que globale et doit venir diminuer le besoin en énergie des logements. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement qui corrige la maquette du programme 174 en ajoutant un nouvel indicateur. Il faut arrêter de se gargariser, comme l'a fait encore récemment le Président de la République dans une vidéo, en disant que l'on comptait des milliers de dossiers de demandes de prime ; une prime pour changer une chaudière, ce n'est pas une rénovation. Quand on parle de rénovation globale, on descend en dessous des 10 000 dossiers déposés.

Toujours concernant le changement de véhicules, j'entends dire, avec l'augmentation des prix à la pompe, que rouler électrique coûterait moins cher. Aujourd'hui, on déverse des milliards d'euros pour soutenir une industrie qui n'est pas la nôtre. Ainsi, 80 % des véhicules aidés par le bonus et la prime à la conversion en 2022 sont produits à l'étranger. Je trouve cela choquant, alors qu'on ne cesse de parler de souveraineté industrielle. Les constructeurs de notre pays sont en train de changer leur chaîne de production afin de pouvoir produire des véhicules avec un bilan carbone beaucoup plus faible que s'ils étaient produits en Chine, dans des usines fonctionnant au charbon et selon des critères d'extraction des matières différents des nôtres.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un autre amendement, venant réduire de 500 millions d'euros les crédits affectés au bonus et à la prime à la conversion. L'idée est d'envoyer un signal, en disant que notre industrie sera prête fin 2023, début 2024. Attendons d'avoir ces véhicules produits chez nous qui seront de meilleure qualité ; en effet, avec les véhicules produits en Chine, la batterie s'épuise rapidement.

J'ai déposé également un amendement concernant le programme 345. Pour la première fois, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a effectué une réévaluation complète des charges de service public. Dans sa délibération, elle indique deux actions pour lesquelles les crédits ne seront pas versés en 2023 ; je préfère les annuler directement, plutôt que d'avoir des reports ou des crédits non consommés en fin d'exercice.

De manière exceptionnelle également, l'article 42 ter prévoit que la CRE pourra faire, si besoin, autant d'actualisations des charges de service public en cours d'exercice, de manière à ce que les fournisseurs puissent bénéficier sans retard des mécanismes de compensation de ces charges. Pour certains fournisseurs - je pense notamment aux petites entreprises locales de distribution (ELD) -, l'impact sur la trésorerie de ces différents dispositifs présentés peut être important.

M. Claude Raynal , président . - Je souhaite évoquer les 39 milliards d'euros des contrats liés aux énergies renouvelables, dont 19 milliards d'euros pour l'année 2023. Il m'a semblé comprendre que certains producteurs remettaient en cause ces contrats de soutien public. Est-ce une rumeur ? Une certitude ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - On a déjà pu observer des évolutions entre l'« amortisseur » initialement annoncé par le Gouvernement et les éléments en cours d'élaboration transmis lundi soir par le ministre Gabriel Attal ; en plus de cela, le sujet interviendra en deuxième partie du PLF. Nous avons un véritable problème de transparence des informations à l'endroit de la représentation nationale. Le Gouvernement doit faire plus d'efforts, il y a encore trop d'incertitudes. Il est difficile de s'y retrouver pour ensuite en expliquer clairement les enjeux à l'opinion. Si l'on pouvait disposer d'un seul dispositif pour les dépenses énergétiques, ce serait plus simple à comprendre.

Parmi les dispositifs votés pour faciliter le transport et la prise en charge des déplacements domicile - travail des salariés dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022, je serais curieux de savoir ceux qui ont déjà été mis en oeuvre. Je soupçonne que, pour certains, le résultat n'est pas au rendez-vous. Je crains les conséquences d'un manque de lisibilité et d'efficacité dû à l'empilement de tant de mesures.

M. Jean-François Rapin . - L'argent semble couler à flots, on ne sait pas toujours d'où il vient. Mais nous savons très bien que la charge de la dette va augmenter.

Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne (CE) chargé du pacte vert, a annoncé lors de la COP 27 que l'objectif de réduction des émissions carbone de l'Union européenne (UE) n'était plus de 55 %, mais de 57 % ; sans doute a-t-il la certitude que des engagements seront pris en ce sens. Il s'agit de rester vigilant ; ce que l'on décide aujourd'hui en matière de soutien est sans doute dérisoire au regard de ce qui nous sera demandé demain. Si les objectifs sont révisés à la hausse de 2 % tous les ans, cela va être compliqué de suivre.

Je souhaite évoquer l'articulation de tous ces chiffres avec les contrats de projet. Au coeur de tout cela, il y a les régions. Va-t-on établir des contrats de projet sur les bases d'un budget tel qu'il est établi aujourd'hui, avec des chiffres nationalement évalués ? Ou bien va-t-on avoir, sur des crédits territoriaux, une révision des contrats de projet ? L'adoubement des régions va être essentiel.

Élisabeth Borne a annoncé 100 millions d'euros supplémentaires pour les agences de l'eau. Là encore, un éclaircissement est nécessaire. Est-ce de l'investissement sur le réseau ? De la stratégie de préservation de l'eau ? De la création de ressources ?

Je suis surpris par la stabilité des crédits consacrés à la prévention des risques. Il y a eu de fortes annonces ministérielles, notamment sur l'érosion côtière, qui ne s'accompagnent d'aucune ligne budgétaire spécifique ; et l'on ignore, encore une fois, comment les collectivités vont pouvoir trouver les crédits.

M. Vincent Delahaye . - Je partage la question posée sur les contrats de soutien public à la production d'énergies renouvelables. Quand on bénéficie de l'aide de l'État, on les maintient ; et quand on doit reverser quelque chose, on les dénonce.

On dénombre 26 dispositifs pour atténuer le coût des énergies, soit 115 milliards d'euros dépensés sur deux ans. Pour les collectivités et les petites et moyennes entreprises (PME), le montant n'est que de 3 milliards d'euros.

Que fait-on aujourd'hui pour investir dans la production d'énergie « décarbonée » ? On ne voit rien venir sur le sujet, et cela m'inquiète.

Dernière question : ceux qui bénéficieront de l'« amortisseur » pourront-ils également bénéficier du filet de sécurité ?

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Oui.

M. Christian Bilhac . - L'important n'est pas d'aider la consommation, mais de la réduire. L'effort n'est pas suffisant pour arriver à supprimer les passoires thermiques.

Des entreprises, souvent d'Europe de l'Est, arrachent des marchés en insistant auprès des gens, notamment les personnes âgées ; leur travail est loin d'être parfait, mais les services de l'État ne vont pas vérifier le chantier sur place et se contentent de rapports bien rédigés. Ainsi vient-on embêter le petit artisan français pour un rapport mal rédigé, ce qui le décourage. Aujourd'hui, les artisans préfèrent ne plus répondre aux critères du label « reconnu garant de l'environnement » (RGE), et c'est un vrai problème.

À la suite des offres alléchantes de certains fournisseurs, beaucoup de collectivités ont voulu sortir du tarif réglementé ; c'est ce que j'appelle jouer au casino. On a déjà connu cela avec les fameux prêts structurés, devenus les emprunts toxiques. Doit-on continuer d'assurer ceux qui jouent au casino ?

Dans le milieu rural, beaucoup de gens n'ont pas de fournisseur de gaz ; ils ont des bouteilles ou des citernes. Vont-ils payer le gaz au même prix que ceux qui bénéficient du réseau ?

Enfin, on a évoqué le chiffre de 115 milliards d'euros. Je doute que le prix de l'énergie redescende beaucoup et m'interroge donc sur la pérennité de la mesure. On parle de deux ans, mais cela ne va-t-il pas durer davantage ?

Mme Vanina Paoli-Gagin . - Ma première remarque porte sur le programme 174. C'est un défaut très français de se plaindre que 80 % des véhicules électriques sont produits à l'étranger. Les Chinois ont lancé leur production il y a désormais vingt ans, et l'on mesure tout ce que nous n'avons pas fait ces vingt dernières années. Il ne faut pas non plus être condescendant avec les constructeurs chinois ; contrairement à ce que vous pouvez dire, ils savent faire aussi de la qualité ; les batteries sont garanties huit ans.

En revanche, je salue l'effort de clarification et partage votre perplexité quant au recyclage d'un certain nombre de crédits.

M. Didier Rambaud . - Concernant le « bouclier tarifaire », je demande un éclaircissement pour les petites communes, celles ayant moins de 10 emplois. S'agit-il de 10 ETP ou de 10 salariés ?

M. Michel Canévet . - Lors de la première loi de finances rectificative (LFR) pour 2022, le groupe de l'Union centriste avait proposé de concentrer l'aide au carburant sur les déplacements domicile-travail. Cela aurait permis de débloquer un certain nombre de moyens en faveur de ceux qui en ont véritablement besoin. Sur ce sujet, on est aujourd'hui dans l'impasse.

Les crédits prévus pour le programme 380 - 2 milliards d'euros - sont-ils dédiés à l'année 2023 ou engagés sur une période plus large ?

M. Daniel Breuiller . - On assiste clairement à un recyclage de crédits, cela s'apparente parfois à du bonneteau. Quand on annonce un fonds vert pour les collectivités à hauteur de 2 milliards d'euros, il est bon de savoir si 2 milliards nouveaux vont venir en appui des politiques publiques.

Ma deuxième remarque porte sur les 47 milliards d'euros dédiés aux « boucliers ». On apporte des réponses ponctuelles à des problèmes systémiques ; cela ne peut pas marcher, d'autant que le dispositif n'est pas ciblé. On engage ainsi 47 milliards d'euros à fonds perdu, y compris pour subventionner les week-ends en SUV, alors qu'il s'agit de protéger les gens n'ayant pas d'autre choix que de prendre leur véhicule pour se déplacer.

On va interdire à la location des passoires thermiques et l'on est incapable d'isoler des logements, alors que l'on y gagnerait en indépendance énergétique. Il faut commencer par isoler plutôt que de subventionner le chauffage au gaz et en extérieur, sans donner le confort thermique aux gens et en leur faisant dépenser encore de l'argent. Avec les 2,5 milliards d'euros pour MaPrimeRénov' et les 47 milliards d'euros pour le « bouclier », il y a un vrai problème ; la proportion des chiffres illustre l'importance de l'erreur.

M. Albéric de Montgolfier . - S'agissant du dispositif MaPrimeRénov', on peut s'étonner du fait que seulement 2 100 logements aient pu profiter du dispositif « passoire thermique » malgré des crédits importants, avec plus de 2 milliards de crédits de paiement (CP). S'agit-il d'un problème budgétaire ou administratif, éventuellement lié aux conditions d'éligibilité ?

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Il faut savoir que les 100 millions d'euros annoncés par la Première ministre Élisabeth Borne procèdent d'une forme de recyclage. Elle a en réalité autorisé les agences de l'eau à prélever cette somme sur leur trésorerie.

S'agissant des conditions d'éligibilité des collectivités aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) et donc au dispositif de bouclier tarifaire, le site internet ecologie.gouv.fr indique que les tarifs réglementés de vente sont réservés aux consommateurs qui emploient moins de dix personnes. Or il existe des emplois saisonniers qui, s'ils sont cumulés, peuvent correspondre à quinze ETP. Si l'on s'en tient à la logique des PAP, il s'agit d'ETP, mais cette question nécessite un éclaircissement.

Au sujet de l'amortisseur, nous savons que les 3 milliards d'euros annoncés seront complétés par le Gouvernement, car les établissements médico-sociaux ne sont notamment pas couverts. Il est complexe de calculer le bénéfice réel des collectivités, puisque certaines bénéficieront du bouclier tarifaire et d'autres de l'amortisseur. Nous ne saurons probablement jamais calculer exactement ces flux.

S'agissant des crédits de prévention des risques, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, est doté de crédits stables, si on exclue la fin de l'abondement exceptionnel pour les suites de la tempête Alex. Ces crédits suffisent pour les risques « classiques », dont ne fait pas partie le risque retrait-gonflement des argiles. Le Gouvernement prévoit un dispositif à part, tant ce point représente un véritable enjeu. Les crédits consacrés à la lutte contre l'érosion côtière figurent dans le programme 380, bien que cette action soit déjà présente dans les programmes 181 et 362, avec l'action n o 2. Il en est de même pour les contrats de plan État-région (CPER) : nous savons gérer les politiques publiques à travers des finances organisées à une échelle centrale et à une échelle déconcentrée. Il s'agit donc surtout d'une volonté d'affichage.

Concernant les dispositifs de soutien autres que ceux qui concernent l'électricité et le gaz, je souligne que le coût du propane n'a augmenté que de 6 %, ce qui est sans commune mesure avec les hausses du prix des pellets de bois, du fioul domestique, de l'électricité ou du gaz naturel. Le coût du propane équivaut donc finalement au prix du fioul aidé tout en n'évoluant qu'au rythme que l'inflation générale. Un dispositif d'aide conjoncturel en faveur du gaz propane n'a pas de sens : les aides doivent se concentrer sur les produits qui augmentent vraiment.

S'agissant du coût des investissements décarbonés, il est regrettable que les efforts financiers ne visent pas le long terme, comme c'est le cas pour MaPrimeRénov'. Les crédits sont en majorité portés par le plan France 2030. Si a été créée cette année, au sein du programme 345, une action n o 18 appelée « soutien à l'hydrogène », elle est dotée de zéro euro de crédits ! Cela résume bien les investissements prévus à long terme.

En ce qui concerne MaPrimeRénov', le problème ne porte pas sur les crédits ou la complexité administrative. Les aides ne sont pas suffisamment orientées vers les rénovations globales. En outre les propriétaires bailleurs éligibles à MaPrimeRénov' se heurtent à des questions de seuils et d'aides si complexes qu'elles découragent la plupart des propriétaires à se lancer dans la rénovation pour des raisons économiques. Cette situation explique que seuls 2 100 dossiers aient pu bénéficier du dispositif. Il arrive même qu'aujourd'hui les fournisseurs d'énergies qui sont redevables au titre des certificats d'économies d'énergie (C2E) présentent des offres couplées aux particuliers.

Au sujet des contrats sur les énergies renouvelables (EnR), un article a été ajouté par le Gouvernement dans le cadre du recours à l'article 49-3 de la Constitution qui entend créer une contribution sur la rente inframarginale des producteurs d'électricité : il prévoit de taxer les producteurs d'EnR qui ont résilié leurs contrats de soutien public, afin d'engranger des bénéfices exceptionnels par la vente directe de leur électricité sur les marchés. Cette contribution est un dispositif européen qui se décline ensuite dans le droit français.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je souhaite vous transmettre une réponse qui concerne l'Ademe. Les crédits sont maintenus à l'identique, mais l'Ademe maintiendra son soutien aux PME en 2023 ; d'où les moyens supplémentaires et les recrutements de personnels.

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Trois articles ont été ajoutés dans le cadre du recours à l'article 49-3.

J'émets à ce stade un avis favorable à l'article rattaché 42 ter relatif au dispositif de soutien : il ne pose pas de problème légistique, mais bien des questions restent en suspens. J'espère en savoir plus d'ici à la séance publique.

L'article rattaché 42 quater porte, quant à lui, sur une demande de rapport dans le cadre de la prime à la conversion. Ce rapport est le bienvenu. J'émets donc également un avis favorable.

L'article 42 bis , qui concerne une liaison souterraine entre la Corse et l'Italie passant par la Sardaigne, prévoit que soient intégrés les coûts d'investissement dans la compensation des charges de service public, notamment les coûts échoués si ce projet ne devait pas se faire. Ce projet datant déjà de l'année 2010, on peut comprendre la crainte exprimée. J'émets un avis favorable sur cet article.

M. Claude Raynal , président . - Ces précisions nous permettent d'apprendre que le Gouvernement a introduit une taxe sur les superprofits des EnR, ce qui est un point positif.

(...)

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Les amendements de crédits II-11 et II-12 concernent d'une part la réduction de 250 millions d'euros sur les subventions pour charges de service public au sein du programme 345, afin de tenir compte de la réévaluation des charges de service public de l'énergie par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération du 3 novembre 2022 ; et d'autre part, la réduction de 500 millions d'euros au sein du programme 174 porte sur les crédits relatifs au bonus et à la prime à la conversion. L'objectif est d'attendre que l'industrie européenne, et surtout française, soit en ordre de marche, ce qui sera le cas à la fin de l'année 2023 ou au début de l'année 2024.

L'amendement II-11 a été adopté.

L'amendement II-12 a été adopté.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial. - S'agissant des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », avec mon collègue Stéphane Sautarel, nous nous abstenons.

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission en raison de l'amélioration relative du programme dont je suis chargé.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

État G

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - L'amendement II-13 portant sur les indicateurs de performance de la mission vise à modifier ces indicateurs, afin de pouvoir mieux mesurer l'efficacité du dispositif MaPrimeRénov', ce qui passe par un comptage des dossiers liés aux programmes 362 et 174.

L'amendement II-13 a été adopté.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 42 bis (nouveau)

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - L'article 42 bis porte sur la compensation des coûts d'investissement dans le cadre de l'interconnexion SACOI entre la Corse et l'Italie.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42 bis .

Article 42 ter (nouveau)

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - S'agissant de l'article 42 ter , je suis favorable, même s'il manque une étude d'impact.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42 ter .

Article 42 quater (nouveau)

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - L'article 42 quater concerne une demande de rapport sur la progressivité de la prime à la conversion des véhicules polluants. Avis favorable.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42 quater .

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Je suis favorable au compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Secrétariat général du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

- M. Guillaume LEFORESTIER, secrétaire général.

Directrice générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN)

- Mme Stéphanie DUPUY-LYON, directrice générale.

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

- M. Patrick SOULÉ, adjoint au directeur général ;

- M. Christophe JOSSERON, chef du département des affaires générales et des SI.

Syndicat des énergies renouvelables (SER)

- M. Jean-Louis BAL, président ;

- M. Alexandre ROESCH, délégué général ;

- Mme Léa EZENFIS, responsable juridique.

Office français de la biodiversité (OFB)

- M. Denis CHARISSOUX, directeur général délégué aux ressources.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 La partie du rapport consacrée à l'ADEME est rédigée au nom du Rapporteur général.

* 2 Programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » et 159 « Expertise, géographie et météorologie ».

* 3 Un amendement de crédits introduit à l'Assemblée nationale majore le fonds de 500 millions d'euros affectés au financement de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).

* 4 Prévisions au 1er juillet 2022.

* 5 Article L. 213-9-2 du code de l'environnement. Ces actions ou travaux d'intérêts communs doivent contribuer à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, des milieux aquatiques, du milieu marin et de la biodiversité.

* 6 La diminution du nombre de communes sur le territoire desquelles un PPRN est prescrit depuis le milieu des années 2000 résulte de l'approbation d'un nombre croissant de PPRN.

* 7 Les montants correspondent aux délégations des crédits extra-budgétaires du FPRNM.

* 8 Outre le programme 181, les moyens budgétaires de l'ASN se répartissent sur les programmes 217 « conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer », 354 « administration territoriale de l'État », 218 « conduite et pilotage des politiques économique et financière » et 190 « recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables ».

* 9 En vertu des dispositions de l'article L. 121-9 du code de l'énergie.

* 10 Délibération n° 2022-202 de la Commission de régulation de l'énergie du 13 juillet 2022 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 11 Délibération n° 2022-272 de la Commission de régulation de l'énergie du 3 novembre 2022 relative à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 12 Le soutien en ZNI, la cogénération, les effacements, les dispositifs sociaux et les frais.

* 13 Règlement (UE) 2022/1032 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2022 modifiant les règlements (UE) 2017/1938 et (CE) no 715/2009 en ce qui concerne le stockage de gaz.

* 14 Les premières éoliennes ayant été mises en service en juillet 2022.

* 15 Rapport d'information de Mme Christine LAVARDE, fait au nom de la commission des finances

n° 864 (2020-2021) - 29 septembre 2021.

* 16 Dans cette perspective, l'article L. 446-2 du code de l'énergie prévoit que les fournisseurs de gaz naturel sont tenus de conclure des contrats d'achat de biométhane produit par les installations éligibles à l'obligation d'achat. L'application de ces contrats génère un surcoût, qui correspond à la différence entre le prix d'acquisition du biométhane et le prix moyen constaté sur le marché de gros du gaz naturel ainsi qu'aux coûts de gestion du dispositif. C'est ce surcoût, évalué tous les ans par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), que l'État prend à sa charge.

* 17 Ce processus permet d'atteindre des rendements énergétiques globaux supérieurs à ceux obtenus via la production séparée de chaleur (chaudières) et d'électricité (centrales électriques) et de générer ainsi des économies d'énergie primaire. La chaleur produite est généralement utilisée par injection dans un réseau de chaleur ou pour un processus industriel.

* 18 Incluant le coût pour EDF du relèvement du plafond d'Arenh en 2022.

* 19 L'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte définit le chèque énergie comme « un titre spécial de paiement permettant aux ménages dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond, d'acquitter notamment tout ou partie du montant des dépenses d'énergie relatives à leur logement ou des dépenses qu'ils assument pour l'amélioration de la qualité environnementale ou la capacité de maîtrise de la consommation d'énergie de ce logement » .

* 20 La première personne du ménage compte pour 1 UC, la deuxième pour 0,5 UC et les suivantes pour 0,3UC.

* 21 En fonction du revenu fiscal de référence et de la situation familiale.

* 22 Jusqu'au quatrième décile.

* 23 Au total, 185 millions d'euros supplémentaires ont donc été alloués au dispositif afin de pouvoir faire face à l'ensemble des demandes, portant le coût de la prime en 2020 à 575 millions d'euros.

* 24 C'est le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres, dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement, qui est chargé du suivi des dossiers des demandes d'aides et qui assure leur versement.

* 25 Dont 148 000 pour des voitures particulières, 15 000 pour des deux-roues et 7 000 pour des véhicules utilitaires légers (VUL).

* 26 C'est-à-dire les voitures diesel de plus de 12 ans ou les voitures essence de plus de 18 ans.

* 27 La Chine contrôlerait 60 % de l'extraction des métaux nécessaires aux batteries de moteurs électriques et 80 % de leur raffinage.

* 28 La création du CAS par l'article 7 de la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 a conduit à budgétiser des aides auparavant directement prises en charge par le Fonds d'amortissement des charges d'électrification géré par Électricité de France (EDF), qui avait été mis en place dès 1936 par l'article 108 de la loi de finances du 31 décembre 1936, confirmé par l'article 38 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. Elle a nécessité la reprise par les services de l'État de la gestion de ces aides avec la création d'une mission chargée du financement de l'électrification rurale, placée sous l'autorité du directeur général de l'énergie et du climat.

* 29 Le FACE : un outil indispensable mais perfectible au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural, rapport d'information n° 422 (2016-2017) du sénateur Jacques Genest.

* 30 Article L. 2424-31 du code de l'énergie.

* 31 C'est à dire des travaux de premier établissement, d'extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution.

* 32 Si ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

* 33 Lorsque ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

* 34 La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie prévoit que le préfet engage une procédure de création d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte à l'échelle environnementale lorsque la maîtrise d'ouvrage n'est exercée ni par le département, ni par un groupement couvrant le territoire départemental, ni par un groupement de collectivités territoriales dont la population est au moins égale à un million d'habitants.

* 35 Article 16 de l'arrêté du 27 mars 2013 pris en application du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale. Ces minorations ne peuvent représenter plus de 25 % des droits à subvention des AODE concernées.

* 36 C'est à dire principalement Enedis (ex ERDF) et les autres entreprises locales de distribution (ELD).

* 37 Arrêté du 20 septembre 2022 relatif au taux 2022 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité pour le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

* 38 Pour améliorer la qualité de l'électricité distribuée, la sécurisation des réseaux face aux intempéries, ainsi que leur extension et leur enfouissement.

* 39 Action 03 « Installations de proximité en zone non interconnectée ».

* 40 La seconde étant l'interconnexion dite SARCO (pour Sardaigne-Corse).

* 41 Selon la CRE, le mois d'avril 2021 a été le plus froid depuis 20 ans en France et cette vague de froid européenne a maintenu une consommation élevée en Europe, réduisant le rythme de remplissage des stockages.

* 42 Décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à
l'augmentation du prix du gaz naturel.

* 43 Selon les modalités prévues aux articles L. 121-37 à L. 121-41 du code de l'énergie.

* 44 Il est toutefois précisé que « cette compensation s'applique pour leurs contrats en vigueur au 31 octobre 2021 et dès lors que les conditions contractuelles relatives à la détermination du prix de la fourniture ne sont pas modifiées à l'initiative du fournisseur et que le fournisseur n'a pas procédé à son initiative à la résiliation du contrat pour une autre cause que le non-paiement de facture (...), et que le fournisseur n'a pas entrepris de démarche ciblée trois mois avant cette échéance pour inciter son client à changer d'offre ».

* 45 Il est tenu compte de cet acompte dans le calcul des charges compensées par l'État.

* 46 Le calendaire TTF 2023 est monté jusqu'à 310 euros/MWh le 26 août.

* 47 Délibération n° 2022-08 de la Commission de régulation de l'énergie du 18 janvier 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 48 C'est-à-dire les consommateurs finals non domestiques dont le compteur électrique affiche une puissance inférieure à 36 kilovoltampère (kVA) qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros.

* 49 Les petits consommateurs finals non résidentiels.

* 50 Citées au 2 ème alinéa du B.

* 51 Rapport de la CRE sur les prix à terme de l'électricité pour l'hiver 2022-2023 et l'année 2023, juillet 2022.

* 52 Annual Report on the Results of Monitoring the Internal Electricity and Natural Gas Markets in 2021, Energy Retail and Consumer Protection Volume, ACER/CEER, octobre 2022.

* 53 Incluant le coût pour EDF du relèvement du plafond d'Arenh en 2022.

* 54 Véhicules automoteurs spécialisés.

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