B. LA NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES : UN FINANCEMENT COMPLEXE, ET DES MOYENS QUI RESTENT EN DEÇA DES OBJECTIFS

Compte tenu des négociations internationales devant être menées à court et moyen terme, notre pays se doit de consacrer les moyens nécessaires à la protection de la biodiversité, enjeu jusqu'alors relégué au second plan derrière l'enjeu non moins important du réchauffement climatique .

Ainsi, le Président de la République a décidé d'accroître la part des espaces naturels protégés, avec un objectif de 30 % d'aires protégées , dont un tiers sous protection forte d'ici la fin de l'année 2022 (soit 10 %) . Ces objectifs sont au coeur de la nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées 2030, publiée en janvier 2021. Cet objectif implique la création de nouvelles aires protégées et le renforcement de la gestion des aires déjà existantes.

Une hausse des moyens humains des parcs nationaux a été engagée (+ 20 ETPT) en 2022. Pour la concrétiser, l'article 180 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », a permis d'augmenter le plafond de la contribution de l'OFB aux parcs nationaux, le faisant passer de 68,5 millions d'euros à 69,7 millions d'euros. Cette hausse finance à la fois l'augmentation des ETP de 2022 et celle de 2021, opérée en gestion.

Le plan de relance a également permis de renforcer les moyens à destination des aires protégées. L'une des actions du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » recouvre les activités en faveur de la reconquête de la biodiversité sur les territoires et de la lutte contre l'artificialisation des sols. Dans ce cadre, 60 millions d'euros d'AE ont été alloués à la réalisation d'opérations de restauration et d'infrastructures dans les aires protégées , dont 19 millions d'euros à destination de l'OF. 44,2 millions d'euros de CP ont été votés en 2021 et 2022 sur ce volet.

Les crédits restants du plan de relance sont prévus pour être consommés en 2023. Ils ont vocation à assurer le paiement des projets déjà engagés, comme la rénovation des refuges du parc national de Vanoise, ainsi que les aménagements pour l'accueil du public dans le parc amazonien de Guyane.

Le fonds pour l'accélération de la transition écologique des collectivités territoriales (programme 380) prend le relais des crédits du plan de relance. Il est prévu que 50 millions d'euros en AE soient fléchés pour la mise en oeuvre de la Stratégie nationale pour les aires protégées .

L'inscription de cette politique dans le programme 380 n'est pas d'ailleurs sans soulever plusieurs questions. La politique des aires protégées relève exactement du champ du programme 113, et les crédits correspondants auraient pu être inscrits sur celui-ci.

Lors la gestion du plan de relance, la frontière entre crédits réguliers et soutien ponctuel était déjà poreuse. La rénovation du patrimoine bâti des parcs nationaux accueillant du public peut être financée aussi bien par le plan de relance que par des crédits d'investissement versés depuis le programme 113. La direction de l'eau et de la biodiversité avait posé le principe d'une absence de cofinancement par le plan de relance et le programme 113 afin d'éviter le risque de double financement . Une méthode similaire devrait être retenue pour la gestion des crédits du programme 380 et du programme 113 .

Les crédits consacrés aux aires protégées sur le programme 113 restent stables en 2023 . Les crédits de paiement inscrits sur le présent projet de loi de finances sont de 7,65 millions d'euros pour les parcs naturels régionaux, et de 26,8 millions d'euros pour les réserves naturelles nationales.

Il faut toutefois mentionner l'impact de la revalorisation du point d'indice sur le budget des Parcs naturels régionaux (PNR). Le coût de la mesure est évalué à 5 millions d'euros pour la Fédération des Parcs naturels régionaux de France, alors que la subvention de l'État aux PNR est limitée (7,65 millions d'euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2023). Aucune compensation n'est aujourd'hui prévue pour aider les PNR à faire face à ces coûts .

À ce titre, le rapporteur spécial a pu constater, lors d'un rapport de contrôle sur le financement des aires protégées, les difficultés rencontrées par certaines structures gestionnaires d'aires protégées, compte tenu des moyens, en particulier humains, qui leur sont actuellement dévolus .

Les moyens actuels paraissent ainsi difficilement compatibles avec les objectifs de la stratégie nationale des aires protégées (SNAP). Or, le décalage entre les ambitions affichées et les moyens alloués apparaît problématique, d'autant plus lorsqu'il retentit sur la qualité de la protection. Plusieurs pistes d'évolution des modes de financement actuels ont été dégagées à l'occasion de ce rapport , dont les principales recommandations figurent dans l'encadré ci-dessous :

Recommandations du rapporteur spécial dans son rapport de contrôle
sur le financement des aires protégées

Axe 1 : Donner plus de visibilité aux structures gestionnaires d'aires protégées sur leurs financements

- Recommandation n° 1 : mettre en place des contrats d'objectifs et de performance pluriannuels permettant d'assurer une visibilité des engagements financiers de l'État et des opérateurs en faveur des aires protégées sur plusieurs années, afin que les structures gestionnaires appuient leur développement sur une programmation financière pluriannuelle sécurisée.

- Recommandation n° 2 : organiser régulièrement des conférences de financeurs, à l'échelle nationale mais également au niveau territorial, par exemple à l'échelon régional, afin de mieux mobiliser et articuler les financements locaux, nationaux et européens disponibles.

- Recommandation n° 3 : poursuivre la dynamique de mutualisations engagée, en particulier entre l'Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux qui lui sont rattachés, et en faire un des objectifs prioritaires de la nouvelle convention de rattachement, afin de rationaliser certains coûts.

Axe 2 : Optimiser les ressources existantes et mettre en place une fiscalité d'incitation à la protection de la biodiversité

- Recommandation n° 4 : isoler les recettes et dépenses liées aux espaces naturels sensibles au sein d'un budget annexe aux comptes des collectivités concernées, afin de valoriser leur action en faveur de la biodiversité et des espaces naturels.

- Recommandation n° 5 : modifier les critères d'éligibilité des communes couvertes par un site Natura 2000 à la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et augmenter en conséquence le montant de crédits alloués à la dotation afin de mieux compenser les contraintes financières liées à cet outil.

- Recommandation n° 6 : mettre en place une modalité d'appui aux gestionnaires d'aires protégées visant à leur permettre de faire face aux obligations d'avances de trésorerie liées au décalage entre la consommation et le versement des fonds européens, par exemple via la création d'un fonds dédié, afin de faciliter la mobilisation des fonds européens.

Axe 3 : Diversifier les ressources des structures gestionnaires d'aires protégées

- Recommandation n° 7 : engager un développement ciblé du mécénat afin de diversifier le financement des aires protégées, notamment via le mécénat de compétences et le mécénat en « nature » (dons en nature sans contrepartie).

- Recommandation n° 8 : mettre en place une contribution obligatoire au financement des aires protégées due par les organisateurs d'activités économiques au sein de ces espaces.

- Recommandation n° 9 : éviter la mise en place d'une nouvelle fiscalité affectée à la biodiversité, peu adaptée au contexte économique et risquant d'accroître la dépendance du financement des aires protégées à la poursuite d'atteintes à la nature.

Source : rapport d'information de Mme Christine Lavarde, fait au nom de la commission des finances n° 859 (2020-2021) - 29 septembre 2021

L'analyse des besoins des structures pour atteindre les objectifs fixés par la nouvelle stratégie est seulement en cours de réalisation : les pistes d'amélioration en matière budgétaire et fiscale passent avant tout par la réalisation d'un « diagnostic du financement des aires protégées ».

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