EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 42 bis (nouveau)

Intégration des coûts d'investissement de certains projets d'import d'électricité en zones non interconnectées (ZNI) au dispositif d'obligation de charges de service public de l'énergie

. Le présent article prévoit d'intégrer au périmètre des obligations de charges de service public de l'énergie (CSPE) compensées par l'État, les investissements en faveur de certains projets d'imports d'électricité dans les zones non interconnectées (ZNI) alors qu'en droit existant seuls les investissements dans les projets de production d'énergie ou pour les études en vue de la réalisation de tels projets d'approvisionnement sont intégrés.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES OBLIGATIONS DE CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE

Les obligations de service public qui reposent sur les entreprises des secteurs de l'électricité et du gaz en vertu du code de l'énergie entrainent pour elles des charges qui sont compensées par l'État via des crédits budgétaires inscrits sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En matière d' électricité , les charges de service public se trouvent définies aux articles L. 121-7, L. 121-8 et L. 121-8-1 du code de l'énergie . Elles se composent des surcoûts générés par les mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) ainsi qu'à la cogénération, des surcoûts liés à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (ZNI), des surcoûts liés à certains dispositifs sociaux bénéficiant aux ménages en situation de précarité et des surcoûts liés au soutien à l'effacement.

En application de l'article L. 121-9 du code de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) est chargée de l'évaluation annuelle des charges de service public de l'énergie. Les articles R. 121-25 et suivants du code de l'énergie précisent quant à eux la définition des charges de service public de l'énergie. Enfin, les articles R. 121-30 et suivants du code de l'énergie définissent les modalités d'évaluation des charges de service public de l'énergie par la CRE.

B. LES OBLIGATIONS DE CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE DANS LES ZONES NON INTERCONNECTÉES (ZNI)

Les zones non interconnectées (ZNI) sont des territoires qui ne sont pas connectés au réseau d'électricité continental (ou de façon limitée dans le cas de la Corse) et voient leur approvisionnement en électricité spécifiquement contraint.

Carte des ZNI

Source : Commission de régulation de l'énergie

Les caractéristiques climatiques et géographiques spécifiques des ZNI ainsi que la petite taille de leurs systèmes électriques créent de fortes contraintes pour le mix énergétique, la gestion du réseau électrique et l'approvisionnement. Ces contraintes imposent de recourir à des solutions technologiques adaptées qui entraînent des coûts de production significativement plus élevés qu'en métropole. D'après les données de la CRE, ces coûts atteignaient 271 euros par mégawattheure (MWh) en moyenne en 2021. Ces coûts sont par ailleurs très variables selon les territoires en fonction des caractéristiques du parc de production et du réseau.

Moyenne des coûts de production d'électricité en ZNI (2021)

Source : Commission de régulation de l'énergie

En vertu du principe de péréquation à l'échelle nationale, les consommateurs paient un niveau de facture d'électricité identique à celui de la France continentale. Les surcoûts générés par cette péréquation pour les fournisseurs sont compensés en vertu du mécanisme des charges de service public de l'énergie.

En matière d'électricité, le périmètre des charges de service public de l'énergie en ZNI qui ouvrent droit à compensation de l'État est précisé au 2° de l'article L. 121-7 du code de l'énergie .

Celles-ci comprennent :

- les surcoûts de production d'électricité supportés dans les territoires concernés par l'opérateur historique pour l'électricité produite par les installations qu'il exploite ;

- les surcoûts des ouvrages de stockage d'électricité gérés par le gestionnaire du système électrique ;

- les surcoûts d'achat d'électricité supportés dans les territoires concernés ;

- les coûts supportés en raison de la mise en oeuvre d'actions de maîtrise de la demande portant sur les consommations d'électricité (MDE) par les fournisseurs d'électricité ;

- et enfin les coûts des études supportés par un producteur ou un fournisseur en vue de la réalisation de projets d'approvisionnement électrique identifiés dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et ce, même si le projet n'est pas mené à son terme.

Ces derniers coûts, portés par le e) du 2° de l'article L. 121-7 du code de l'énergie se limitent ainsi aux seules études en vue de la réalisation de projets d'imports d'énergie en ZNI et non aux dépenses d'investissement relatives à la mise en oeuvre concrète de ces projets. C'est cette lacune que le présent article entend combler pour certains projets spécifiques.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INTÉGRATION DANS LE PÉRIMÈTRE DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE DES INVESTISSEMENTS EN FAVEUR DE CERTAINS PROJETS D'IMPORTS D'ÉLECTRICITÉ DANS LES ZNI

Le présent article additionnel, issu d'un amendement déposé par Laurent Marcangeli et certain de ses collègues députés, a été retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Il prévoit d' intégrer au périmètre des obligations de charges de service public de l'énergie (CSPE) compensées par l'État, les investissements en faveur de certains projets d'imports d'électricité dans les ZNI alors qu'en droit existant seuls les investissements dans les projets de production d'énergie ou pour les études en vue de la réalisation de tels projets d'approvisionnement sont intégrés . Pour ce faire, il modifie l'article L. 121-7 du code de l'énergie qui liste les charges imputables aux missions de service public de l'énergie en matière d'électricité. Plus précisément, il modifie le 2° de cet article qui est spécifiquement consacré aux charges imputables au service public de l'énergie en matière d'électricité dans les seules ZNI.

Ainsi, le 1° du présent article 42 bis ajoute un f) au 2° de l'article L. 121-7 du code de l'énergie. Ce f) prévoit que les coûts qui sont liés à « la réalisation de projets d'approvisionnement en électricité reconnus comme des projets d'intérêt public et nécessaires à la sécurité d'approvisionnement , supportés en phase de développement et de construction par un producteur, un fournisseur ou le gestionnaire de réseau » qui doivent se traduire par des surcoûts, sont reconnus comme des charges de service public de l'énergie et ce, « même si le projet n'est pas mené à son terme » . La CRE est chargée de contrôler et d'évaluer les coûts qui seront amenés à être compensés par l'État.

Le même 1° prévoit un encadrement strict de cette extension du périmètre des charges de service public de l'énergie en ZNI. Premièrement, les charges pouvant être compensées pour un même projet doivent être limitées par un plafond . Deuxièmement, la liste des projets d'approvisionnements qui pourront voir leurs coûts compensés au titre de l'extension prévue par le présent article, ainsi que les plafonds de compensation pour chaque projet devront être définies par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et du budget, après avis de la CRE.

Le 2° du présent article modifie quant à lui le deuxième alinéa du e) de l'article L. 121-7 du code de l'énergie pour préciser que les conditions de rémunération du capital immobilisé dans les moyens d'approvisionnement sont comprises dans les charges à compenser , au même titre que la rémunération des investissements dans les projets de production, de stockage ou encore de maîtrise de la demande.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXTENSION NÉCESSAIRE ET STRICTEMENT LIMITÉE DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE

Comme l'indique son objet, le présent article concerne tout particulièrement les opérations de renouvellement et d'augmentation de la puissance de l'interconnexion dite SACOI (pour Sardaigne-Corse-Italie), l'une des deux interconnexions électriques de la Corse 40 ( * ) . Ce projet est développé par l'entreprise EDF en partenariat avec le gestionnaire de réseau de transport d'électricité italien TERNA. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de Corse prévoit par ailleurs cette opération afin de porter la capacité de la liaison SACOI à 100 mégawatt (MW).

Ce projet, qui passe notamment par le renouvellement de la station de conversion de Lucciana, est déterminant s'agissant de la sécurité d'approvisionnement électrique de la Corse . Il a d'ailleurs été qualifié de projet d'intérêt commun au sens du règlement européen n° 347/2013 du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes.

Compte-tenu des risques inhérents à un projet d'une telle envergure il apparaît nécessaire que la rémunération du capital investi par EDF soit garantie sur le long terme. C'est une condition de l'aboutissement de cette opération.

Les dispositions du présent article qui visent à intégrer dans le périmètre des charges de service public en ZNI les coûts d'investissement dans des opérations d'approvisionnement d'électricité apparaissent ainsi légitimes , d'autant plus que le dispositif est très strictement circonscrit .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 42 ter (nouveau)

Prorogation du « bouclier tarifaire » sur l'électricité et le gaz et instauration d'un « amortisseur » pour soutenir certains consommateurs finals d'électricité

. Cet article introduit par un amendement du Gouvernement vise à proroger les dispositifs de boucliers tarifaires pour les prix du gaz et de l'électricité et à créer un mécanisme dit d' « amortisseur » destiné à soutenir des consommateurs finals d'électricité qui ne sont pas éligibles au dispositif de « bouclier ».

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DES « BOUCLIERS TARIFAIRES » SUR LE GAZ ET L'ÉLECTRICITÉ ONT ÉTÉ INSTAURÉS EN 2022 POUR RÉPONDRE AUX CONSÉQUENCES DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE SUR CERTAINS CONSOMMATEURS FINALS

A. LA HAUSSE DU PRIX DU GAZ A CONDUIT À LA MISE EN PLACE D'UN BOUCLIER TARIFAIRE, QUI A ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDU À L'ENSEMBLE DES CONTRATS DE FOURNITURE POUR LES CLIENTS RÉSIDENTIELS JUSQU'À LA FIN DE L'ANNÉE 2022

1. La hausse du prix du gaz en 2021 a conduit à geler par décret les tarifs réglementés de vente de gaz toutes taxes comprises jusqu'au 30 juin 2022

Les prix de gros européens du gaz naturel ont augmenté à partir du printemps 2021, et de façon plus importante et rapide à compter du mois de juillet. Ces niveaux de prix inédits en Europe découlaient de plusieurs facteurs :

- d'une part, une demande importante , dans un contexte de reprise économique au niveau mondial, de niveaux bas de stockages européens en gaz en raison d'un hiver 2020-2021 rigoureux 41 ( * ) et d'une croissance de la consommation de gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie supérieure à la croissance de la production mondiale, limitant les quantités livrées sur les marchés européens ;

- d'autre part, une offre contrainte , en raison de la saturation des capacités de production en Algérie et en Norvège, d'une tendance décroissante de la production de gaz naturel dans l'Union européenne, avec notamment l'arrêt progressif de l'exploitant du champ de Groningue aux Pays-Bas, et d'exportations de gaz russe vers l'Union européenne restant inférieures aux niveaux observés par le passé, notamment en 2019.

Or, cette hausse des prix de gros du gaz impacte directement les coûts d'achat du gaz des fournisseurs , qui sont strictement reflétés dans l'évolution des tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz.

Les tarifs réglementés de vente de gaz

Les TRV de gaz sont encadrés par les articles L. 445-1 à L. 445-4 et R. 445-1 à R. 445-7 du code de l'énergie.

Aux termes de l'article L. 445-3, « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts [...] ». L'article R. 445-2 du code de l'énergie précise que « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel couvrent les coûts d'approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement. Ils comportent une part variable liée à la consommation effective et une part forfaitaire calculée à partir des coûts fixes de fourniture du gaz naturel [...] ».

Une formule tarifaire traduit la totalité des coûts d'approvisionnement en gaz naturel pour chaque fournisseur (article R. 445-3 du code de l'énergie). La formule tarifaire et les coûts hors approvisionnement permettent de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci. Les coûts hors approvisionnement comprennent notamment :

- les coûts d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel et, le cas échéant, des réseaux de distribution publique de gaz naturel, résultant de l'application des tarifs d'utilisation des infrastructures de gaz fixés par la Commission de régulation de l'énergie ;

- les coûts d'utilisation des stockages de gaz naturel ;

- les coûts de commercialisation des services fournis (marketing, gestion de clientèle, etc.), y compris une marge commerciale raisonnable.

Aux termes de l'article R. 445-4 du code de l'énergie, un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie « fixe, à l'issue de l'analyse détaillée remise par celle-ci, [...] au plus tard le 1 er juillet, les barèmes des tarifs réglementés à partir, le cas échéant, des propositions du fournisseur, ainsi que la formule tarifaire des TRV pour les 12 mois suivants, reflétant l'évolution des coûts d'approvisionnement à un pas de temps mensuel ou trimestriel . »

L'article R. 445-5 du code de l'énergie prévoit que « le fournisseur modifie, selon une fréquence définie par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie et au maximum une fois par mois, jusqu'à l'intervention d'un nouvel arrêté tarifaire pris en application de l'article R. 445-4, les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d'approvisionnement en gaz naturel, telles qu'elles résultent de l'application de sa formule tarifaire ». L'évolution mensuelle des TRV de gaz naturel reflète donc les variations de la composante « approvisionnement » seulement, à l'exception du mois de juillet où l'évolution des TRV intègre aussi la révision des coûts hors approvisionnement.

Source : commission des finances

Le TRV de gaz d'Engie évolue depuis 2013 mensuellement sur la base d'une formule qui repose principalement sur l'évolution des prix de gros du gaz, mensuels et trimestriels. La France important 99 % du gaz naturel qu'elle consomme, elle est exposée aux variations des prix du gaz sur les marchés européens et mondiaux.

Les consommateurs aux TRV de gaz ont ainsi été directement exposés aux hausses très fortes : entre juin et octobre 2021, le TRV de gaz moyen a augmenté de près de 44 %.

Ces tarifs réglementés de vente de gaz naturel concernent en juin 2022 un consommateur de gaz particulier sur trois : 2,8 millions de consommateurs résidentiels, sur un total de 10,5 millions de consommateurs de gaz, dont 2,6 millions auprès d'Engie et 200 000 auprès d'une entreprise locale de distribution. Les consommateurs qui disposent d'offres indexées aux TRV de gaz subissaient également cette augmentation massive et brutale des TRV (soit 1,5 million de clients résidentiels supplémentaires). Seuls les clients en offre à prix fixe n'étaient pas concernés par ces augmentations.

Les TRV de gaz naturel ne sont plus commercialisés depuis la fin de l'année 2019, mais leurs modalités de détermination restent applicables jusqu'au 1 er juillet 2023 pour les ménages

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (LEC) met fin aux tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz naturel, pour toutes les catégories de consommateurs, en plusieurs étapes :

- les consommateurs professionnels ne peuvent plus bénéficier des TRV de gaz depuis le 1 er décembre 2020 ;

- les consommateurs résidentiels ainsi que les syndicats de copropriétés et les propriétaires uniques d'immeuble à usage unique d'habitation dont la consommation annuelle est inférieure à 150 MWh devront, eux, opter pour une offre de marché d'ici le 1 er juillet 2023.

Les TRV de gaz ne sont plus commercialisés depuis le 8 décembre 2019. Néanmoins, pour les contrats en cours d'exécution à la date de publication de la LEC et jusqu'aux échéances mentionnées ci-dessus, les dispositions du code de l'énergie relatives au mode de construction et aux missions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) abrogées par la LEC restent applicables dans leur rédaction antérieure à cette loi.

Source : commission des finances

Compte tenu de la hausse des coûts d'approvisionnement, Engie a soumis à la CRE le 5 octobre 2021 son projet de barèmes de TRV de gaz naturel pour le 1 er novembre 2021.

Dans le contexte de hausse des prix de gros du gaz précédemment décrit, ces barèmes prévoyaient , en suivant l'application de la formule tarifaire définie par l'arrêté du 28 juin 2021, une hausse moyenne des tarifs, hors taxe de vente de gaz naturel, de 17,20 euros du MWh au 1 er novembre 2021, soit une augmentation de 21,2 % hors taxes (+ 19,5 % toutes taxes comprises) par rapport au niveau fixé au 1 er octobre 2021. Une nouvelle hausse de 15 à 20 % aurait dû avoir lieu en décembre 2021.

Augmentation des TRV de gaz naturel entre juillet et novembre 2021 (sans bouclier tarifaire)

Source : commission des finances

Le code de l'énergie prévoit une procédure spéciale pour la modification des barèmes des tarifs réglementés par le fournisseur, en cas d'augmentation exceptionnelle des prix du marché du gaz naturel ou des produits pétroliers, sur le dernier mois ou sur une période cumulée de trois mois. Le fournisseur ne peut en effet appliquer la modification avant l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de la saisine de la Commission de régulation de l'énergie. Lorsque l'augmentation exceptionnelle précitée se produit, le Premier ministre peut, avant l'expiration de ce délai de vingt jours et après avis de la Commission de régulation de l'énergie, s'opposer par décret à la proposition et fixer de nouveaux barèmes (article R. 445-5 du code de l'énergie)

Le décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021, relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis par Engie et faisant application du dernier alinéa de l'article R. 445-5 du code de l'énergie, fait ainsi opposition à la proposition de barème pour les TRV de gaz naturel en distribution publique pour le mois de novembre 2021 , présentée par la société Engie.

En conséquence, il prévoit de geler ces TRV toutes taxes comprises du 1 er novembre 2021 jusqu'au 30 juin 2022 à leur niveau en vigueur au 1 er octobre 2021 et détermine les modalités de rattrapage des montants non couverts (cf. infra ).

Ce gel protège donc les consommateurs des hausses de TRV qui auraient eu lieu en décembre 2021 et au premier semestre 2022.

Le bouclier tarifaire sur le gaz, initialement réservé aux clients résidentiels individuels bénéficiant des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg), a par la suite été étendu aux personnes habitant des logements d'habitation en copropriété chauffés au gaz et ne bénéficiant pas des TRVg par décret du 9 avril 2022 42 ( * ) .

2. Afin d'accompagner les fournisseurs dans la mise en oeuvre du bouclier tarifaire, la loi de finances initiale pour 2022 a prévu les conditions dans lesquelles les pertes de recettes qu'ils supportent sont rattrapées à l'issue du blocage tarifaire

a) Les pertes de recettes supportées par les fournisseurs durant la période de gel tarifaire devaient faire l'objet d'un « rattrapage » sur les factures des ménages, qui devait être initialement facilité par une baisse de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN)

Pendant la période de « gel » des TRVg, Engie, tout comme les fournisseurs d'offres de marché indexées aux TRV, s'approvisionnent sur les marché de gros à des prix élevés sans pouvoir répercuter ces prix sur leurs clients, générant pour eux un manque à gagner financier important.

Le cinquième alinéa de l'article R. 445-5 du code de l'énergie prévoit que le décret d'opposition aux TRVg précise les modalités et le calendrier, qui ne peut excéder un an à compter de son entrée en vigueur, de remise à niveau des tarifs par rapport à la formule tarifaire et de répercussion des montants non perçus durant la période considérée .

Le mécanisme d'opposition aux barèmes des TRV de gaz naturel prévoit donc une remise à niveau des tarifs à compter du 1 er juillet 2022 (article 3 du décret précité) et un rattrapage complet des sommes non perçues pendant le gel tarifaire . Les montants non perçus constatés entre le 1 er novembre 2021 et le 30 juin 2022 doivent être couverts dans le délai maximum d'un an sans pouvoir aller au-delà du 30 juin 2023, date de fin des TRVg.

L'article 2 du décret d'opposition précité prévoit les modalités d'évolution de la part variable du barème TRV de gaz, en indiquant qu'elle évoluera en application d'une formule d'indexation basée notamment sur les évolutions de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et de la TVA applicable aux consommations de gaz naturel.

Cette indexation visait à permettre aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre une baisse de ces taxes dans l'hypothèse où les conditions de marché créeraient un risque que le rattrapage tarifaire, via les factures des ménages, ne puisse être réalisé dans les délais prévus .

L'article 39 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ouvre ainsi la possibilité pour le Gouvernement de minorer le taux de TICGN sous certaines conditions : le Gouvernement pourrait minorer le tarif de la TICGN par décret à 1,08 euro par mégawattheure (contre un tarif normal de 8,45 euros du MWh), si les coûts d'approvisionnement en gaz naturel au titre d'un mois donné de 2022 excédaient ceux d'octobre 2021. Il est précisé que cette réduction de taxe ne concerne que les consommations réalisées par les ménages.

b) Une prolongation du bouclier tarifaire tout au long de l'année 2022 qui apparaissait très probable dès l'automne 2021 et qui a nécessité l'adoption de nouvelles modalités de rattrapage en seconde partie de la loi de finances pour 2022

Lors d'une intervention télévisée le 21 octobre 2021, le Premier ministre a annoncé le gel du prix du gaz pour toute l'année 2022 , au motif que la baisse du prix du gaz, initialement prévue à partir d'avril, interviendrait finalement plus lentement que prévu.

L'article 181 de la LFI pour 2022 traduit cette annonce et prévoit de nouvelles modalités de rattrapage des sommes non perçues par les fournisseurs durant la période de gel tarifaire.

Ainsi, le I de l'article 181 inscrit dans la loi le principe du blocage des TRVg à leur niveau toutes taxes comprises en vigueur au 31 octobre 2021 à compter du 1 er novembre et jusqu'au 30 juin 2022. Il complète le dispositif de gel des TRV initié par le décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 précité en encadrant l'évolution de tous les TRV de gaz, y compris ceux proposés par les entreprises locales de distribution (ELD), jusqu'au 30 juin 2022, pour qu'ils n'excèdent pas leur niveau en vigueur au 31 octobre 2021 ou le niveau des TRVg d'Engie pour ceux qui leur sont inférieurs.

Le I prévoit également que le gel des TRV de gaz, prévu jusqu'au 30 juin 2022, pourra être prolongé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie à une date comprise entre le 30 avril et le
31 décembre 2022. L'arrêté du 25 juin 2022 modifiant la date de fin de gel des tarifs réglementés de vente du gaz naturel prolonge ainsi ce gel et reporte sa date de fin au 31 décembre 2022.

Le II prévoit le calendrier et les modalités de rattrapage des sommes non perçues pendant le gel tarifaire. Ainsi, à compter de la date de fin du gel tarifaire, les TRV sont remis à niveau. Toutefois, par dérogation, ces tarifs intégreront alors, à compter de la date de fin du gel tarifaire et pour une période ne pouvant excéder un an ni aller au-delà du 30 juin 2023 (soit la date de fin des TRV de gaz) une composante de rattrapage , définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, permettant de couvrir les pertes de recettes supportées par les fournisseurs de gaz naturel fournissant aux TRV de gaz.

Afin de conserver l'objectif du dispositif de protection des consommateurs, ce rattrapage est encadré de façon à ce que le niveau du tarif au terme de la période de gel, comprenant la composante de rattrapage, n'excède pas le niveau du TRV appliqué en octobre 2021.

Compte tenu du caractère contraint du calendrier de rattrapage et des incertitudes sur les niveaux de prix du gaz, le III de l'article dispose que les pertes des fournisseurs commercialisant au TRVg, réellement constatées et supportées entre le 1 er novembre 2021 et la date de fin du gel tarifaire , constituent des charges imputables aux obligations de service public au sens des articles L. 121-35 et L. 121-36 du code de l'énergie.

Ces pertes de recettes sont calculées comme étant la différence entre les revenus provenant de l'application des tarifs réglementés qui auraient été appliqués en l'absence du gel et les revenus provenant de l'application des tarifs gelés.

Ces charges, diminuées des recettes supplémentaires perçues dans le cadre du rattrapage précédemment mentionné, seront donc compensées par l'État 43 ( * ) , dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés et tels qu'approuvés par la Commission de régulation de l'énergie lors de l'établissement de la formule tarifaire .

La prolongation du gel des TRVg jusqu'à la fin de l'année 2022 annoncée dès l'automne par le Gouvernement ne laissait donc plus que six mois (du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023) aux fournisseurs pour « rattraper » les recettes non perçues pendant la période de gel. La compensation directe par le budget général de l'État entend éviter une flambée des factures de gaz des ménages à la fin du bouclier tarifaire.

Le deuxième alinéa du III met en place un système d'acompte pour certains fournisseurs : les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 300 000 clients sont concernés par le gel des TRV et qui ont déclaré avant le 10 janvier 2022 à la Commission de régulation de l'énergie leurs pertes de recettes constatées sur 2021 et leurs pertes de recettes prévisionnelles jusqu'à la fin de la période de gel tarifaire. Les pertes constatées sur 2021 ont fait l'objet d'un acompte sur les compensations de charges de ces fournisseurs. Il est tenu compte de cet acompte dans le calcul des charges compensées par l'État.

Le IV de l'article 181 prévoit que cette couverture des pertes réellement constatées le cas échéant au terme de la période de rattrapage et le dispositif d'acompte bénéficient, dans les mêmes conditions, aux fournisseurs qui proposent des offres indexées aux TRV de gaz , pour leurs clients correspondant au périmètre des clients éligibles au TRV de gaz, sous réserve qu'ils appliquent effectivement le gel des tarifs et le dispositif de rattrapage. Cela permet ainsi de protéger aussi ces consommateurs des prix hauts du gaz sur les marchés 44 ( * ) .

Pour les mêmes clients dont l'offre de fourniture arrive à échéance pendant la période de gel des TRV de gaz, les fournisseurs qui leur proposeraient une offre compétitive indexée au TRV de gaz pourront également bénéficier du dispositif de compensation, afin de les protéger contre les prix très hauts du gaz sur les marchés ( 3 ème alinéa du IV ).

3. La première loi de finances rectificative pour 2022 a étendu le bouclier tarifaire à tous les types de contrat, et non plus seulement aux contrats TRVg et indexés sur les TRVg

L'article 37 de la première loi de finances rectificative pour 2022 a prolongé le blocage des TRVg à leur niveau d'octobre 2021 jusqu'au 31 décembre 2022.

Cet article a fait évoluer le périmètre des offres concernées par les compensations des pertes de recettes subies par les fournisseurs, entre le 1 er septembre et le 31 décembre 2022.

Avant l'article 37, la compensation aux fournisseurs n'était prévue que pour les contrats TRVg et indexés sur les TRVg. Compte tenu des prix élevés du gaz sur le marché mondial, les clients disposant de contrats à prix fixes arrivant à échéance pouvaient être incités à basculer sur un contrat TRVg dans le contexte du bouclier, plutôt que d'opter pour une offre à prix fixe reflétant le cours du gaz en 2022. De plus, il était nécessaire d'anticiper sur la fin des TRVg, programmée le 30 juin 2023.

Le dispositif a donc étendu la couverture des fournisseurs pour les pertes à tous les types de contrats conclus à partir du 1 er septembre 2022.

L'article 37 prévoit ainsi un nouveau mécanisme de calcul des pertes de recettes qui a vocation à s'appliquer pour les offres de marché. Les pertes sont calculées en fonction d'un terme unique calculé comme la différence entre le TRVg non gelé et le TRVg avec le bouclier tarifaire qui doit être appliqué aux volumes livrés aux clients. Cette compensation est réalisée dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés.

En parallèle, le mécanisme de calcul prévu à l'article 181 de la loi de finances pour 2022 continue de s'appliquer pour les offres aux tarifs réglementés. Le maintien de ce mécanisme de calcul vise à répondre aux cas particuliers induits par les entreprises locales de distribution et à veiller à ce que la compensation des fournisseurs concernés soit la plus juste possible.

Le dernier alinéa du III de l'article 37 prévoit l'obligation pour les fournisseurs de répercuter à leurs clients les montants de la compensation .

Le IV met en place un système d'acompte pour certains fournisseurs et de déclaration des pertes pour tous les fournisseurs de gaz concernés par la compensation. Ainsi, les fournisseurs de gaz naturel devaient déclarer à la CRE avant le 1 er octobre 2022 leurs pertes constatées entre le 1 er juillet 2022 et le 31 août 2022 au titre de l'article 181 de la LFI pour 2022 et leurs pertes de recettes prévisionnelles entre le 1 er septembre et le 31 décembre 2022. Ces déclarations font l'objet d'une certification par leur commissaire aux comptes ou, le cas échéant, par leur comptable public.

Pour les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 500 000 clients sont concernés par le gel des TRV, ces pertes font l'objet d'un acompte versé au plus tard le 30 novembre 2022 45 ( * ) . Pour les autres, elles sont intégrées aux charges de service public à compenser en 2023, qui sont budgétées sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

4. La hausse des prix du gaz a été amplifiée en 2022 avec la guerre en Ukraine

Les anticipations de prix par les acteurs du marché prévoyaient que les prix de gros sur les produits futurs retrouvent des niveaux plus modérés, tout en restant élevés, à partir du deuxième trimestre 2022, avant de revenir à un niveau normal en 2023.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 et le conflit qui s'en est suivi ont bouleversé ces prévisions : le prix sur le cours spot européen de référence pour le gaz (TTF néerlandais) est passé de 73 euros le MWh le 13 février 2022 à 193 euros le MWh le 27 févier, avant de décroître légèrement et de se maintenir à un niveau très élevé (175 euros le MWh le 3 juillet 2022, contre 40 euros le MWh le 25 juillet 2021).

Or, l'Union européenne importe environ 155 milliards de mètres cubes de gaz russe chaque année, soit 40 % de sa consommation (le gaz russe représente 18 % des importations françaises de gaz). Dans le contexte du conflit russo-ukrainien, Gazprom a considérablement réduit ses exportations de gaz vers l'Union européenne via le pipeline Nord Stream 1, impactant les importations françaises et allemandes : la France ne reçoit plus de gaz russe par gazoduc depuis la mi-juin dernier. L'augmentation considérable des prix du gaz sur le marché de gros européen découle ainsi principalement de la réduction des livraisons de gaz russe.

Ainsi, la Commission de régulation de l'énergie, dans une délibération du 22 juin 2022 indique qu'en l'absence de prolongation du gel tarifaire à compter du 1 er juillet 2022, les TRVg augmenteraient de 51,31 % hors taxes par rapport aux tarifs gelés à leur niveau d'octobre 2021.

Fin septembre 2022, les prix du gaz s'élevaient à 102,18 euros/MWh (PEG M+1), contre 47,58 euros/MWh en 2021. Après avoir connu un pic au mois d'août 46 ( * ) , provoqué par les annonces fin août de la maintenance sur Nordstream 1, les prix sont redescendus en septembre et en octobre, mais restent nettement plus élevés qu'en 2021.

B. EN 2022, UN BOUCLIER TARIFAIRE A PERMIS DE LIMITER À 4 % LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ POUR LES CLIENTS RÉSIDENTIELS ET NON RÉSIDENTIELS ÉLIGIBLES AUX TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE D'ÉLECTRICITÉ (TRVE)

Face à l'emballement des prix de l'énergie constaté à partir du deuxième semestre de l'année 2021, le Gouvernement a annoncé à l'automne de cette même année vouloir mettre en place un bouclier tarifaire concernant les prix du gaz et de l'électricité. S'agissant de l'électricité, l'objectif était notamment de contenir la hausse des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) à 4 % pour l'année 2022. Pour ce faire, le Gouvernement avait envisagé de minorer les tarifs de l'accise sur l'électricité . Le coût de cette minoration avait été estimé à 4 milliards d'euros puis à 5,9 milliards d'euros au cours de l'examen de la loi de finances initiale pour 2022, à mesure que les prix de gros de l'électricité continuaient leur inédite ascension.

L'article 29 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a ainsi prévu que les tarifs de l'accise sur l'électricité pourraient être minorés en 2023 de façon à ce que l'augmentation moyenne du TRVe 2023 pour les consommateurs résidentiels en France continentale métropolitaine soit plafonnée à 4 %.

Cependant, compte-tenu de la prolongation inexorable de l'augmentation des prix de gros de l'électricité en fin d'année 2021, il est vite apparu que, même en réduisant les tarifs de l'accise à leur niveau minimum autorisé par l'Union européenne, l'objectif d'un plafonnement à 4 % des TRVe ne pourrait être atteint .

Le coût du volet fiscal du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité a ainsi dû être réévalué à 8 milliards d'euros et d'autres mécanismes complémentaires ont été déployés. Ainsi, le Parlement a adopté l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 , complété en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale par un dispositif permettant de rendre effectif le plafonnement à 4 % de la hausse des TRVe en 2023. Cet article prévoit ainsi que, par dérogation aux dispositions prévues au code de l'énergie, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie peuvent s'opposer aux propositions de TRVe de la CRE si ces dernières se traduisaient par une augmentation supérieure à 4 %, lesdits tarifs étant alors fixés par arrêté conjoint des deux ministres . L'article 181 prévoit aussi un dispositif d'accompagnement financier destiné aux fournisseurs d'électricité, activable dès 2022 et destiné à compenser les conséquences financières pour les fournisseurs du blocage par arrêté ministériel de la hausse des TRVe. Ces pertes de recettes subies entre février 2022 et février 2023 par les fournisseurs constituent des charges imputables aux obligations de service public ouvrant droit à compensation de l'État via le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Les dispositions de l'article 181 et les compensations prévues pour les fournisseurs d'électricité ont permis d'étendre le bénéfice du plafonnement des TRVe à l'ensemble des consommateurs éligibles aux TRVe . Cependant, la rédaction du VII de l'article 181 limitait ces compensations aux seuls clients « résidentiels » (c'est-à-dire les ménages), excluant ainsi les clients non résidentiels éligibles aux TRVe, c'est-à-dire les consommateurs finals non domestiques (des entreprises ou des collectivités) dont le compteur électrique affiche une puissance inférieure à 36 kilovoltampère (kVA) qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros. Il s'agit notamment de très petites entreprises (TPE) et de petites communes.

Dans sa délibération n° 2022-08 du 18 janvier 2022 47 ( * ) , la Commission de régulation de l'énergie (CRE) avait ainsi fixé la hausse des TRVe au 1 er février 2022 à 36,5 % . En application des dispositions de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022, le Gouvernement s'est opposé à cette hausse pour la contenir à 4 % par des arrêtés du 28 janvier 2022 . Ces arrêtés ont concerné l'ensemble des clients bénéficiant des TRVe et pas uniquement les seuls clients résidentiels bénéficiant du « tarif bleu » comme cela avait été envisagé à l'origine et comme le prévoyait le dispositif de compensation prévu à l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022.

Le décret n° 2022-84 du 28 janvier 2022 relatif à la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité prévue à l'article 29 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a quant à lui prévu de réduire à leur niveau minimum autorisé par le droit dérivé de l'Union européenne l'ensemble des tarifs de l'accise.

À travers la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité, le volet fiscal du bouclier tarifaire sur l'électricité aurait permis de limiter de 15 points, soit à environ 20 %, la hausse des TRVe . Le reste de l'effort financier , pour atteindre le plafonnement de 4 %, doit être réalisé via les autres volets du dispositif , notamment des crédits budgétaires ouverts, pour compenser financièrement les fournisseurs d'électricité au titre du mécanisme des charges de service public de l'énergie (CSPE), sur la nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » du programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ainsi que l'augmentation de 20 térawattheures du volume d'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh) qui repose sur EDF pour un coût évalué à au moins 8 milliards d'euros.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION : LA DÉFINITION DU RÉGIME DES « BOUCLIERS TARIFAIRES » POUR 2023 ET L'INSTAURATION D'UN MÉCANISME D' « AMORTISSEUR » DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

A. UNE EXTENSION DU BOUCLIER TARIFAIRE GAZ, ET SON ADAPTATION À LA FIN DES TRV DE GAZ LE 30 JUIN 2023

1. Le bouclier tarifaire est prolongé jusqu'au 30 juin 2023 dans des conditions similaires à celles prévues par la première loi de finances rectificative pour 2022

Le A du II du présent article prolonge le blocage des TRVg à leur niveau d'octobre 2021 majoré de 15 % du 1 er janvier 2023 au 31 août 2023.

Il précise que le niveau auquel sont fixés les tarifs réglementés peut être modifié par arrêté, sans pouvoir être inférieur à ce niveau ni excéder celui qui résulterait de l'application du L. 445-3 du code de l'énergie, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 précitée.

Afin d'assurer en toute transparence le calcul des pertes et des compensations des fournisseurs, la Commission de régulation de l'énergie continuera à rendre publics les TRV de gaz tels qu'ils auraient dû évoluer selon la formule tarifaire applicable au 1 er septembre 2023 (sans le gel - II du présent article). Ces tarifs sont par ailleurs utilisés comme référence de marché par certains fournisseurs pour leurs offres aux clients non éligibles aux TRV de gaz . La procédure est identique à celle du V de l'article 37 de la première loi de finances rectificative pour 2022.

D'après le B du II , les pertes de recettes supportées par les fournisseurs de gaz naturel pour leurs offres aux TRVg, et pour leurs offres de marché à raison de prix de fourniture réduits, constituent des charges imputables aux obligations de service public . L'article L. 121-35 du code de l'énergie énonce que ces charges font l'objet d'une compensation par l'État.

Ensuite, le présent article définit comment la perte de recettes doit être calculée selon que les offres sont aux TRVg ou qu'elles correspondent au marché .

Pour les offres au TRVg, le C du II dispose que les pertes correspondent à l'écart entre les revenus effectifs avec le bouclier tarifaire, et les revenus qui auraient été tirés des TRVg en l'absence de bouclier tarifaire. La formule de calcul est similaire à celle du III de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022.

Pour les offres de marché, les pertes sont calculées par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux volumes livrés aux consommateurs finals . Le montant unitaire est égal à la différence, en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés d'Engie qui auraient été appliqués en l'absence de gel, et le prix moyen hors taxes du TRVg moyen gelé . Ce mode de calcul a été introduit par le troisième alinéa du III. de l'article 37 de la première loi de finances rectificative pour 2022.

Le VI du présent article précise que les charges imputables aux obligations de service public des fournisseurs de gaz proposant des tarifs réglementés sont diminuées ou augmentées des recettes supplémentaires perçues ou des pertes de recettes constatées pour la fourniture de leurs clients aux TRVg . Cette mesure s'applique du 1 er janvier 2022 jusqu'à la fin des TRVg, le 30 juin 2023.

2. À partir du 1er juillet 2023, le mécanisme du bouclier tarifaire est adapté à la fin des tarifs réglementés de vente du gaz

Le A du III du présent article prévoit qu'une « mesure d'aide » visant à prolonger le bouclier à partir du 1 er juillet 2023 et jusqu'au 31 décembre 2023 peut être instaurée par décret . Le B précise que l'aide est versée aux fournisseurs de gaz naturel, et qu'elle vise à compenser leurs pertes de recettes sur la période ( C du III ). La mise en place d'une nouvelle mesure d'aide, plutôt que la continuation des mesures précédentes, est justifiée par la fin des TRVg.

Il est en effet prévu que les TRVg prennent fin le 30 juin 2023 . Or, les deux mécanismes de calcul des pertes des recettes employés dans le cadre du bouclier tarifaire se fondent sur les TRVg. En conséquence, il était nécessaire de donner une nouvelle définition des pertes de recettes pour les fournisseurs de gaz, ainsi que de la compensation afférente .

C'est l'objet du D du présent article , qui décrit le mécanisme de calcul applicable à partir du 1 er juillet 2023 . Les pertes de recettes sont calculées pour chaque mois par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux volumes livrés sur cette période, et le montant unitaire est égal à la différence entre une référence de prix du gaz sur les marchés représentative des coûts d'approvisionnement des fournisseurs pour leurs offres de marché, et un prix du gaz au-delà duquel s'applique l'aide . Ces deux « prix cibles » remplacent la référence à la TRVg utilisée dans les précédents mécanismes de calcul.

Le deuxième alinéa du D prévoit ainsi que la « référence de prix du gaz sur les marchés » est définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie. La CRE est tenue de remettre sa proposition avant le 31 janvier 2023.

Le prix au-delà duquel l'aide s'applique est déterminé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget, et l'article précise que son niveau ne peut être inférieur au prix de la part de gaz dans les TRVg d'Engie en vigueur au 1 er janvier 2023 .

3. Les fournisseurs de gaz devront répercuter sur leurs clients les compensations prévues en 2023

L'article 42 ter ne change pas le périmètre des clients concernés par le bouclier tarifaire, mais il apporte une clarification en listant explicitement les destinataires. Les aides s'appliquent ainsi pour les volumes versés aux « consommateurs finals domestiques, aux propriétaires uniques d'un immeuble à usage principal d'habitation et aux syndicats de copropriétaires d'un tel immeuble ».

Le IV du présent article dispose que les fournisseurs de gaz répercutent sur leurs clients la totalité des montants des compensations prévues durant l'année 2023 .

La Commission de régulation de l'énergie s'assure de la bonne application de ces dispositions dans le cadre de ses missions de surveillance du marché de détail, et une majoration de 10 % peut être appliquée, en cas de manquement délibéré, aux montants de la compensation indûment versés aux fournisseurs. Cette majoration est déduite des charges imputables aux missions de service public compensées aux fournisseurs.

Le A et B du V du présent article prévoient que les fournisseurs de gaz déclarent à la CRE avant le 10 janvier 2023 leurs pertes de recettes prévisionnelles du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023, et au plus trente jours après l'entrée en vigueur de l'arrêté conjoint qui définit la référence du prix du gaz sur les marchés pour les pertes de recettes prévues entre le 1 er juillet au 31 décembre 2023.

Une délibération de la CRE évalue ensuite le montant de ces pertes, qui doivent être intégrées aux charges à compenser pour l'année 2023, sous formes d'acomptes mensuels. Ainsi, pour 2023, et contrairement à 2022, l'ensemble des fournisseurs de gaz relève de la procédure de l'acompte
(V du présent article).

En effet, l'article 37 du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoit que, pour les pertes de recettes subies entre le 1 er juillet 2022 et le 31 décembre 2022, seuls relèvent de la procédure de l'acompte les fournisseurs de gaz dont moins de 500 000 clients sont concernés par le bouclier tarifaire , tandis que les compensations de charges des autres fournisseurs sont intégrées dans les charges à compenser sur le programme 345 dans le projet de loi de finances pour 2023.

Cette distinction était prévue dans le projet de loi de finances rectificative au motif que les fournisseurs dont moins de 500 000 clients sont également ceux qui ont le plus de difficultés à supporter l'avance de trésorerie. Avec l'augmentation de la compensation induite par le bouclier tarifaire, il a été estimé que l'avance de trésorerie requise mettrait en difficultés même les fournisseurs les plus importants , ce qui explique qu'aux termes du présent article, l'ensemble des fournisseurs relève désormais de la procédure de l'acompte.

B. LES SOUTIENS AUX CONSOMMATEURS FINALS D'ÉLECTRICITÉ : LES NOUVELLES DISPOSITIONS DU BOUCLIER TARIFAIRE ET L'INSTAURATION D'UN MÉCANISME D'« AMORTISSEUR »

1. Des ajustements à la marge du bouclier tarifaire pour 2022 pour traduire son extension aux petits consommateurs finals non résidentiels éligibles aux TRVe

Le VII du présent article 42 ter apporte des ajustements au dispositif de compensation des fournisseurs d'électricité qui assurent des charges de service public de l'énergie au titre du bouclier tarifaire sur l'électricité en vigueur pour l'année 2022 . Pour ce faire, il apporte une série de modifications à l'article 181 de la loi de finances pour 2022 .

Ces ajustements visent à acter l'extension du bouclier tarifaire aux consommateurs finals non résidentiels définis à l'article L. 337-7 du code de l'énergie 48 ( * ) .

Le 1° du VII supprime ainsi les références au tarif bleu et aux « consommateurs résidentiels » qui figuraient au premier alinéa du VII de l'article 181.

Le du même VII propose une nouvelle rédaction du VIII de l'article 181 de la loi de finances pour 2022 qui porte sur la compensation due aux entreprises locales de distribution (ELD) définies à l'article L. 111-54 du code de l'énergie pour leurs offres aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) ainsi qu'aux autres fournisseurs pour leurs offres de marché. Cette nouvelle rédaction vise là encore à étendre le droit à compensation aux offres des fournisseurs destinées aux petits consommateurs finals non résidentiels .

Les entreprises locales de distribution (ELD)

Les entreprises locales de distribution (ELD) sont des entreprises ou régies, appelées aussi distributeur non nationalisé, qui assurent la distribution et/ou la fourniture d'électricité ou de gaz sur un territoire déterminé, non desservi par Enedis ou GRDF.

Source : commission de régulation de l'énergie (CRE)

Ainsi, la nouvelle rédaction du VIII de l'article 181 prévoit-elle que les pertes de recettes des fournisseurs sont calculées en prenant en compte les volumes d'électricité vendue suivants :

- s'agissant des ELD , les volumes livrés au titre de leurs offres aux TRVe, mais pas seulement aux seuls « clients résidentiels » comme le prévoit la rédaction actuelle du VIII de l'article 181 ;

- s'agissant des autres fournisseurs d'électricité, les volumes livrés au titre de leurs offres de marché destinées non seulement aux consommateurs finals résidentiels (la rédaction actuelle du VIII de l'article 181 restreint le périmètre aux « clients résidentiels ») mais également aux petits consommateurs finals non résidentiels .

Le dernier alinéa de la nouvelle rédaction du VIII de l'article 181 proposée par le 2° du VII du présent article 42 ter ajuste la formule de calcul des pertes à compenser aux fournisseurs pour entériner, là encore, l'extension du dispositif aux petits consommateurs finals non résidentiels . Pour ce faire, elle supprime notamment les références au tarif bleu et aux « consommateurs résidentiels ». En effet, la rédaction actuelle prévoit que « le montant unitaire est calculé comme la différence , en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs dits « bleus » aux clients résidentiels en France métropolitaine continentale qui auraient été appliqués » en l'absence de plafonnement à 4 % de la hausse des TRVe décidée par l'État « et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs dits « bleus » aux clients résidentiels en France métropolitaine continentale effectivement appliqués » en application du plafonnement à 4 % .

La rédaction proposée prévoit que « le montant unitaire est calculé, d'une part, pour les consommateurs finals résidentiels et, d'autre part, pour les consommateurs finals non résidentiels , définis à l'article R. 337-18 du même code, comme la différence , en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité proposés par la Commission de régulation de l'énergie en 2022 et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité effectivement appliqués entre le 1 er février 2022 et la première évolution des tarifs réglementés de vente d'électricité en 2023 » .

Le du VII du présent article 42 ter modifie quant à lui le IX du même article 181 et toujours dans le même but, celui de traduire l'extension du bouclier aux petits consommateurs finals non résidentiels en procédant exactement aux mêmes modifications que celles présentées supra au dernier alinéa de la nouvelle rédaction proposée du VIII de l'article 181.

2. La mise en place d'un nouveau dispositif de bouclier tarifaire pour 2023 qui reprend les modalités prévues pour le bouclier 2022 en plafonnant la hausse des prix de l'électricité des consommateurs finals, résidentiels et non résidentiels, éligibles aux TRVe

Le VIII du présent article 42 ter définit quant à lui le régime législatif du nouveau bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité proposé pour l'année 2023 . À la différence près que le plafonnement de la hausse des prix est fixé à 15 % plutôt qu'à 4 %, ce régime est très similaire à celui qui avait été prévu pour l'année 2022 par les dispositions de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022.

a) La prochaine évolution des TRVe au 1er février 2023 pourra être limitée à 15 % par arrêté ministériel

Le premier alinéa du A de ce VIII est ainsi très similaire à la rédaction du VI de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022.

Il prévoit ainsi qu' en 2023 , par dérogation aux articles L. 337-4 à L. 337-9 du code de l'énergie qui définissent les conditions de fixation des TRVe par la CRE, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie pourront s'opposer aux évolutions des TRVe proposées par la CRE si ces dernières se traduisaient par une augmentation supérieure à 15 %. Lesdits tarifs seraient alors fixés par arrêté conjoint des deux ministres à un niveau de tarif inférieur « pour une partie de la consommation des clients » . Cette précision est une nouveauté par rapport au bouclier prévu pour l'année 2022. Le même A prévoit ainsi que le niveau de tarif applicable pourra alors être déterminé par la somme de deux composantes :

- 95 % du tarif prévu par l'arrêté ministériel ;

- 5 % du tarif qui aurait été appliqué en l'absence de dispositif de bouclier.

Aussi, à la différence du mécanisme mis en place en 2022, la réduction de la hausse des tarifs d'électricité des consommateurs finals ne s'appliquerait réellement que sur 95 % de leur consommation d'électricité. Les 5 % restants seraient facturés au tarif déterminé par la CRE dans les conditions habituelles prévues par le code de l'énergie.

b) Le tarif de cession d'électricité d'EDF aux ELD pourra être déterminé par arrêté ministériel à un niveau inférieur à la proposition de la CRE

Les tarifs de cession d'électricité aux entreprises locales de distribution (ELD)

En application de l'article L. 337-10 du code de l'énergie, les entreprises locales de distribution (ELD) peuvent s'approvisionner auprès d'EDF au tarif de cession pour la fourniture de leurs clients aux tarifs réglementés de vente et, dans le cas où les ELD desservent moins de 100 000 clients, pour l'approvisionnement des pertes d'électricité des réseaux qu'elles exploitent. En application de ce même article, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a pour mission de proposer les tarifs de cession aux ministres chargés de l'énergie et de l'économie.

Il est prévu que les tarifs de cession fassent l'objet d'un examen au moins une fois par an et que les propositions de tarifs réglementés de vente de l'électricité faites par la Commission de régulation de l'énergie en application de l'article L. 337-4 du code de l'énergie sont accompagnées d'une proposition de tarifs de cession.

Source : commission des finances du Sénat

Les quatrième et cinquième alinéas du A du VIII reprennent quant à eux les dispositions qui étaient prévues aux deux dernières phrases du VI de l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 en permettant , par dérogation aux articles L. 337-10 à L. 337-12 du code de l'énergie, aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie de s'opposer à la proposition de la CRE s'agissant de la fixation des tarifs de cession aux ELD . Lesdits tarifs pourront alors être fixés par arrêté conjoint des ministres à un niveau inférieur.

c) Les pertes de recettes des fournisseurs dues au mécanisme de bouclier tarifaire pour 2023 constituent des charges de service public de l'énergie compensées par l'État

Le B du VIII dresse la liste des pertes de recettes des fournisseurs d'électricité liées au dispositif de bouclier tarifaire pour l'année 2023 qui constituent des charges de service public de l'énergie au sens de l'article L. 121-6 du code de l'énergie et ouvrent ainsi le droit à des compensations de l'État via les crédits ouverts sur l'action 17 du programme 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Les pertes de recettes intégrées au dispositif de CSPE sont ainsi :

- celles de l'entreprise EDF au titre, d'une part, de ses offres aux TRVe et, d'autre part, de ses ventes au tarif de cession aux ELD ;

- celles des ELD au titre de leurs offres au TRVe à la condition que l'approvisionnement de ces offres ne provienne pas ou ne provienne que partiellement d'électricité acquise auprès d'EDF au tarif de cession , plafonné par arrêté selon les dispositions du A du VIII (voir supra ) ;

- enfin, celles des autres fournisseurs d'électricité pour leurs offres de marché destinées aux consommateurs finals résidentiels ou non résidentiels au sens du 2° de l'article L. 337-7 du code de l'énergie 49 ( * ) .

d) Les pertes de recettes des fournisseurs se calculent comme le manque à gagner entre les prix tels qu'ils auraient été fixés sans le mécanisme du bouclier et les prix tels qu'ils résultent effectivement du dispositif

Le dernier alinéa du B du VIII vient préciser que « ces pertes de recettes sont compensées par l'État » .

Les C et D du VIII du présent article 42 ter définissent les différents types de pertes de recettes qui constituent des CSPE en application des dispositions portées par le B du même VIII (voir supra ).

i. Les pertes de recettes d'EDF

Le C définit les deux types de pertes de recettes supportées par l'entreprise EDF 50 ( * ) .

Le premier alinéa du C définit ainsi le mode de calcul des pertes de recettes d'EDF au titre de ses ventes d'électricité aux ELD au tarif de cession . Celles-ci sont « calculées comme étant la différence entre les revenus provenant de l'application des tarifs de cession qui auraient été appliqués » en l'absence du mécanisme de fixation de ces tarifs par arrêté ministériel tel que prévu au A du VIII « et les revenus provenant de l'application du tarif effectivement appliqué en application du même A » , c'est-à-dire dans le cadre du tarif déterminé par arrêté à un niveau inférieur à celui qui aurait été fixé par la CRE selon la procédure normale.

Le deuxième alinéa du C définit quant à lui les pertes de recettes d'EDF pour ses offres aux TRVe . Celles-ci sont « calculées comme étant la différence entre les revenus provenant de l'application des tarifs réglementés qui auraient été appliqués » en l'absence du mécanisme prévu au A permettant aux ministres de l'économie et de l'énergie de s'opposer à l'évolution des TRVe proposée par la CRE si celle-ci venait à dépasser les 15 %, c'est-à-dire les tarifs tels qu'ils auraient résulté des modalités habituellement prévues par le code de l'énergie, « et les revenus provenant de l'application des tarifs effectivement appliqués en application du même A » , c'est-à-dire dans le cadre des TRVe déterminés par arrêté ministériel.

ii. Les pertes de recettes des ELD

Le premier alinéa du D prévoit que les pertes de recettes des ELD sont « calculées par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux seuls volumes livrés pour leurs offres aux tarifs réglementés de vente d'électricité dont l'approvisionnement n'est pas ou n'est que partiellement réalisé au tarif de cession » , entre l'entrée en vigueur des TRVe, soit le 1 er février 2023 et leur première évolution de l'année 2024, c'est-à-dire le 1 er février 2024.

iii. Les pertes de recettes des autres fournisseurs

Le deuxième alinéa du D prévoit que les pertes de recettes des autres fournisseurs pour leurs offres de marché sont « calculées par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux volumes livrés » aux consommateurs finals résidentiels et aux petits consommateurs finals non résidentiels, entre l'entrée en vigueur des TRVe, soit le 1 er février 2023 et leur première évolution de l'année 2024, c'est-à-dire le 1 er février 2024.

Ce même alinéa précise que ces pertes de recettes ainsi calculées ne peuvent être supérieures à l'écart entre les prix qui auraient été facturés aux clients pour leur consommation en l'absence du dispositif de bouclier et le prix qui résulte des TRVe sur la période considérée, c'est-à-dire celui dont l'évolution aura été limitée par arrêté ministériel. Cet alinéa précise enfin que ces pertes de recettes calculées ne peuvent être compensées que dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés pour les consommateurs concernés. Ces coûts doivent être attestés par un commissaire aux comptes ou un comptable public.

Le troisième alinéa du D précise les modalités de détermination des montants unitaires prévus au premier alinéa du même D et qui doivent servir à calculer les pertes de recettes des fournisseurs. Ces montants sont déterminés séparément pour les consommateurs finals résidentiels et non résidentiels. Ils correspondent à « la différence , en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité qui auraient été appliqués » en l'absence de bouclier tarifaire, c'est-à-dire selon les modalités habituelles de leur fixation par la CRE, « et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité effectivement appliqués en application » des dispositions prévues au A du VIII , c'est-à-dire les TRVe déterminés par arrêté ministériel après que les ministres se soient opposés à l'évolution des TRVe proposée par la CRE.

e) Des procédures de contrôle renforcées sur les fournisseurs d'électricité, pour qu'ils répercutent sur leurs clients les compensations reçues ainsi que sur les consommateurs non résidentiels, pour limiter les risques de fraude

Le E du VIII du présent article 42 ter précise que les clients non domestiques doivent attester préalablement auprès de leur fournisseur qu'ils remplissent bien les critères d'éligibilité au dispositif, c'est-à-dire les critères définis au 2° de l'article L. 337-7 du code de l'énergie :

- ils emploient moins de dix personnes ;

- et leur chiffre d'affaires, leurs recettes ou leur total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros.

Le même E prévoit qu' « en cas de manquement délibéré , les clients sont redevables à l'État des montants de la compensation qui leur ont été reversés par leur fournisseur, majorés de 20 % » .

Le F impose aux fournisseurs d'électricité qu'ils répercutent sur leurs clients l'intégralité des compensations perçues.

Ce même F précise que « la Commission de régulation de l'énergie précise les modalités selon lesquelles la compensation est répercutée aux clients en offre de marché. Le montant de la compensation répercutée à un client en offre de marché ne peut être supérieur à la différence, en euros par mégawattheure, entre le prix de l'électricité hors taxes tel qu'il aurait été facturé à ce client en l'absence de compensation et le prix de l'électricité hors taxes du tarif réglementé de vente d'électricité en vigueur » en application du dispositif de bouclier prévu par le présent article.

3. L'instauration d'un dispositif dit d' « amortisseur » en faveur de consommateurs finals non éligibles aux TRVe et, par conséquent, non couverts par le bouclier sur les prix de l'électricité

Le IX de l'article 42 ter détermine le régime législatif d'un nouveau dispositif de soutien dit d'« amortisseur » qui doit conduire à réduire la facture d'électricité de certains consommateurs finals qui ne sont pas couverts par le mécanisme de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité qui demeure cantonné aux consommateurs résidentiels ou non résidentiels éligibles aux TRVe. Le Gouvernement a annoncé que ce dispositif, qui a fait l'objet par ailleurs d'une proposition d'ouverture de crédits de 3 milliards d'euros sur le programme 345 au titre des compensations de charges de service public de l'énergie (CSPE) comme présenté supra dans le rapport, devrait s'adresser aux petites et moyennes entreprises (PME), aux collectivités territoriales, aux associations ou encore aux établissements publics .

a) Un dispositif qui s'adresse aux consommateurs non éligibles au bouclier tarifaire

Le premier alinéa du A du IX prévoit ainsi qu' « une mesure d'aide visant à limiter les conséquences des prix élevés de l'électricité sur les factures est instaurée pour l'année 2023 au bénéfice des clients finals autres que ceux mentionnés au VIII » , c'est-à-dire autres que les consommateurs finals concernés par le dispositif de bouclier tarifaire, c'est-à-dire autres que les clients résidentiels ou les petits clients non résidentiels éligibles aux TRVe .

Le second alinéa du même A indique que « le champ des clients éligibles est défini par décret » .

Le B du IX prévoit que l'aide en question pourra être directement « versée par les fournisseurs d'électricité titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 333-1 du code de l'énergie » qui lui-même prévoit que « les fournisseurs souhaitant exercer l'activité d'achat d'électricité pour revente aux consommateurs finals ou aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes doivent être titulaires d'une autorisation délivrée par l'autorité administrative » .

Le premier alinéa du C du même IX précise que, pour bénéficier de cette aide, les clients devront préalablement attester auprès de leur fournisseur qu'ils remplissent les critères d'éligibilité qui seront définis par le décret lui-même prévu au A de ce même IX (voir supra ). Le même premier alinéa du C prévoit qu' « en cas de manquement délibéré, les clients sont redevables à l'État des aides qui leur ont été octroyées par leur fournisseur en application » du dispositif, majorées de 20 % .

Le second alinéa du C précise que « les fournisseurs transmettent à la Commission de régulation de l'énergie, qui elle-même transmet à la direction générale des finances publiques » les données d'identification des clients éligibles qu'ils ont identifiés.

b) Les pertes de recettes subies par les fournisseurs du fait de ce dispositif constituent des charges imputables au service public de l'énergie compensées par l'État

Le D du IX prévoit que les pertes de recettes supportées par les fournisseurs au titre de l'aide « à raison de prix de fourniture réduits » à leurs clients éligibles au dispositif, « constituent des charges imputables aux obligations de service public , au sens de l'article L. 121-6 du code de l'énergie » . Ce même D précise qu' « elles sont compensées par l'État » .

Le E du même IX prévoit les modalités de calcul des pertes de recettes des fournisseurs qui ouvrent droit à compensations de l'État au titre des obligations de charges de service public de l'énergie.

Le premier alinéa de ce E prévoit que ces pertes de recettes sont calculées pour chaque client en appliquant un montant unitaire (défini au deuxième alinéa de ce même E ) à des volumes d'électricité dont l'approvisionnement a été réalisé sur le marché de gros (dits « volumes marché ») livrés au cours de l'année 2023 (volumes définis au troisième alinéa de ce même E ).

Le deuxième alinéa du E précise ainsi que le montant unitaire qui doit être appliqué aux volumes marchés livrés en 2023 est défini en euros par mégawattheure et « égal à une quotité de la différence entre le prix de la part approvisionnée marché du client et un prix d'exercice dès lors que ce montant unitaire est positif, dans la limite d'un plafond en euros par mégawattheure. La quotité, le prix d'exercice et le plafond sont fixés, le cas échéant, pour chacune des catégories de consommateurs concernés, par décret » .

Par voie de presse le Gouvernement a annoncé que l'amortisseur devrait ainsi permettre de couvrir 25 % de la fraction des factures d'électricité soumise aux marchés de gros qui dépasse le seuil de 325 euros par mégawattheures et dans une limite de 800 euros par mégawattheure .

Les troisième et quatrième alinéas du même E définissent les volumes de marchés livrés en 2023 sur lesquels appliquer le montant unitaire défini au deuxième alinéa.

Le troisième alinéa précise que ces volumes de marchés s'entendent dans la limite de 90 % de la consommation historique des clients concernés.

Le quatrième alinéa précise que « le volume marché livré au client est défini comme la différence entre sa consommation annuelle sur l'année 2023 et le volume d'électricité nucléaire historique dont bénéficierait un fournisseur alternatif en 2023 pour ce client en application du chapitre VI du titre III du livre III du code de l'énergie pour l'année 2023, si cette différence est positive » . Cette disposition vise à circonscrire le volume d'électricité livrée susceptible de faire l'objet de l'aide aux seuls approvisionnements réalisés sur le marché de gros en excluant les volumes acquis via le dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) au tarif de 42 euros le mégawattheure .

Afin de limiter la consommation d'électricité dans les périodes de forte tension sur le système électrique prévues à l'article L. 321-17-1 du code de l'énergie dans les situations de menace grave et imminente sur la sécurité d'approvisionnement en électricité, le F du IX prévoit un dispositif de minoration de l'aide apportée par le mécanisme d'amortisseur. Ce F prévoit ainsi que l'aide au client et les pertes de recettes des fournisseurs qui en découlent « sont minorées, dans la limite de leur montant initial, pour chaque client concerné, d'un montant égal au produit entre les volumes livrés à ce client lors des périodes de forte tension sur le système électrique mentionnées à l'article L. 321-17-1 du code de l'énergie et le montant unitaire calculé pour ce client » .

La dernière phrase du même F ajoute que « les modalités de calcul de ces volumes sont définies par arrêté des ministres chargés de l'énergie et de l'économie ».

Le H du IX précise que les fournisseurs doivent impérativement répercuter à leurs clients les montants qu'ils perçoivent au titre des compensations de charges de service public de l'énergie en lien avec le dispositif d'« amortisseur ».

La CRE est chargée de préciser les modalités de cette répercussion et de s'assurer de leur bonne application . « Pour ce faire, elle peut exiger que les commissaires aux comptes ou, le cas échéant, le comptable public des fournisseurs concernés attestent la bonne application des modalités qu'elle a définies. En cas de manquement délibéré, les montants de la compensation indûment versés aux fournisseurs, majorés de 10 %, sont déduits des charges imputables aux missions de service public compensées aux fournisseurs » .

La première phrase du I du IX prévoit quant à lui que les frais de gestion supportés par les fournisseurs d'électricité pour la mise en oeuvre du dispositif d'aide constituent eux aussi des charges imputables aux obligations de service public de l'énergie . La seconde phrase du même I précise que ces frais « sont compensés par l'État, à hauteur de 1 % des pertes de recettes des fournisseurs » et « dans la limite de 0,2 euros par mégawattheure » .

4. Des mesures générales visant à adapter le mécanisme des charges de service public de l'énergie au contexte de crise actuel et aux dispositifs de soutien exceptionnels instaurés pour y répondre

Le X du présent article 42 ter prévoit que « les fournisseurs d'électricité déclarent à la Commission de régulation de l'énergie, avant le 31 janvier 2023, leurs pertes de recettes prévisionnelles » liées aux dispositifs de « bouclier » et d'« amortisseur ». Une délibération de la Commission de régulation de l'énergie doit évaluer, avant le 15 mars 2023, le montant de ces pertes. Le même X précise que ces pertes seront intégrées aux charges de service public de l'énergie que l'État doit compenser dès 2023 sous la forme d'acomptes mensuels .

Le système habituel d'évaluation annuelle (en juillet) des charges de service public de l'énergie par la CRE est fortement affecté par le contexte de crise des prix de l'énergie. Il conduit à constater de très fortes surcompensations en 2022 qui se traduisent par des réévaluations à la baisse dans des ampleurs inédites en 2023. Aussi, pour l'année 2023, le XI du présent article 42 ter propose de déroger au mécanisme habituel prévu aux articles L. 121-9 et L. 121-37 du code de l'énergie et de permettre à la CRE, tout au long de l'année, de « délibérer pour ajuster les montants des charges de service public de l'énergie pour l'année 2023, pour tenir compte notamment de l'évolution des prix de marché » . Le même XI ajoute qu' « à ce titre, la Commission de régulation de l'énergie peut demander aux fournisseurs de réactualiser leurs déclarations » .

Le contexte de crise des prix de l'énergie et notamment le niveau extraordinairement élevé des prix de l'électricité a complètement bouleversé le schéma habituel des charges de service public de l'énergie . Alors qu'habituellement les producteurs étaient soutenus par des compensations versées par l'État via le programme 345, ils se sont retrouvés être redevables de sommes considérables au titre de ces mécanismes de soutien. Cette hypothèse , qui paraissait hautement improbable il y a de cela encore quelques mois, n'avait pas été traduite de façon explicite dans la partie législative du code de l'énergie .

Le XII du présent article 42 ter vient ainsi apporter deux précisions dans le code de l'énergie . Il complète les articles L. 121-6 et L. 121-35 qui prévoient que les charges imputables au service public de l'énergie (pour le secteur de l'électricité s'agissant de l'article L. 121-6 et pour le secteur du gaz s'agissant de l'article L. 121-35) sont intégralement compensées par l'État en précisant que « lorsque ces missions induisent des recettes, ces dernières sont intégralement reversées à l'État » .

Enfin, le XIII du présent article 42 ter vient compléter l'article L. 336-9 du code de l'énergie pour renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de la CRE concernant le dispositif d'ARENH .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : NÉCESSAIRE MALGRÉ SON COÛT, LA PROROGATION DANS UNE FORME ATTÉNUÉE DES BOUCLIERS TARIFAIRES SUR LE GAZ ET L'ÉLECTRICITÉ DOIT AUSSI INCITER À LA RÉALISATION D'ÉCONOMIES D'ÉNERGIE

A. LE BOUCLIER TARIFAIRE : UN DISPOSITIF TRÈS COÛTEUX, MAIS NÉCESSAIRE POUR PROTÉGER LES MÉNAGES DE LA HAUSSE DES PRIX DU GAZ

L'évolution des cours du gaz depuis le début de l'année 2021 apparaît inédite dans l'histoire gazière européenne. Or, cette hausse des prix de gros du gaz impacte directement les coûts d'achat du gaz des fournisseurs, qui sont strictement reflétés dans l'évolution des tarifs réglementés de vente de gaz naturel (TRVg).

L'article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a ainsi gelé du 1 er novembre 2021 au 30 juin 2022 ces tarifs (TRVg) à leur niveau toutes taxes comprises d'octobre 2021. Le gel a été ensuite prolongé jusqu'en décembre 2022 par arrêté.

En l'absence de gel des TRV de gaz, les consommateurs auraient subi la hausse des cours mondiaux du gaz. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) continue de publier chaque mois les barèmes qui auraient résulté de l'application de la formule tarifaire en vigueur avant le gel tarifaire.

Le niveau moyen des tarifs réglementés de vente au 1 er octobre 2022, aurait été supérieur de 201,2 % hors taxes, soit 181,5 % toutes taxes comprises, par rapport au niveau en vigueur fixé au 1 er octobre 2021.

Par comparaison, le niveau moyen des TRVg sans le bouclier tarifaire au 1 er mai 2022 aurait été supérieur de 86,8 % hors taxes, soit 78,3 % toutes taxes comprises, au niveau en vigueur fixé au 1 er octobre 2021.

Évolution des TRVg avec et sans gel depuis janvier 2022

Source : commission de régulation de l'énergie, publication des barèmes applicables pour les TRVg - octobre 2022

Dans ce contexte, le blocage tarifaire proposé par le Gouvernement, était nécessaire et a protégé les consommateurs des hausses massives. Il est estimé que le gel des tarifs réglementés a permis une économie moyenne d'environ 650 euros pour un foyer se chauffant au gaz entre novembre 2021 et octobre 2022.

Or, les prix du gaz sur les marchés de gros sont restés élevés en 2022 en raison du contexte international, en particulier de la crise russo-ukrainienne. Selon les projections de l'IFP Énergies nouvelles, les prix du gaz devraient diminuer en 2023, mais rester néanmoins à un niveau très élevé.

Le prix du gaz dépendra également de l'aboutissement des discussions menées au niveau européen sur l'approvisionnement et l'encadrement du marché du gaz.

La compensation est, depuis la première loi de finances rectificative pour 2022, ouverte pour l'ensemble des contrats de fourniture de gaz signés à partir du 1 er septembre 2022 (offres à prix fixes, offres indexées sur le marché, offres indexées sur les TRVg).

Les pertes de recettes, reconnues comme charges de service public, seront compensées directement par le budget de l'État en 2023, sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Sur la période allant du 1 er novembre 2021 au 30 juin 2022, le coût du bouclier tarifaire pour les clients en contrat direct est de l'ordre de 2 milliards d'euros .

Le coût de la prolongation du bouclier du 1 er juillet 2022 au 31 décembre 2022 est difficile à évaluer car il dépend de l'évolution des prix du gaz sur les marchés de gros, lui-même très fluctuant. En juillet 2022, le coût estimé de la prolongation du dispositif était de 1,5 milliard d'euros sur la période du 1 er juillet au 31 décembre . Les dernières prévisions donnent un coût de 6,5 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire gaz en 2022 .

Selon la DGEC, le coût du bouclier tarifaire gaz en 2023 est désormais évalué à environ 20 milliards d'euros . Le coût du bouclier tarifaire gaz était encore estimé à 11 milliards d'euros en septembre, mais il a fortement été réévalué depuis.

B. ALORS QUE LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ ONT CONNU UNE FLAMBÉE PHÉNOMÉNALE ET QU'ILS SE MAINTIENNENT À DES NIVEAUX EXTRÊMEMENT ÉLEVÉS, DES MÉCANISMES DE SOUTIEN DOIVENT ÊTRE MAINTENUS ET ÉTENDUS À DES CLIENTS QUI NE POUVAIENT Y PRÉTENDRE EN 2022

1. La crise des prix de l'électricité s'est exacerbée depuis l'été 2022

a) Une flambée des prix de l'électricité absolument inédite

En France, comme dans les autre pays de l'Union européenne, le prix de gros de l'électricité de court terme est déterminé sur les marchés dits « spot » : un marché day-ahead (prix fixés chaque jour avant 13 heures pour livraison le lendemain) et un marché intra-journalier. Outre ces marchés « spot » à court terme, il existe aussi des échanges de produits à terme qui permettent aux acteurs du marché de l'électricité de signer des contrats de vente et d'achat pour une fourniture dans les jours, les semaines, les mois, les trimestres ou les années à venir, à un prix négocié à la date de conclusion du contrat.

Comme l'illustre le graphique ci-après, le marché à terme à douze mois évolue dans des niveaux de prix complètement inédits dans l'histoire du marché de l'électricité.

Évolution des prix de l'électricité à terme entre les mois d'octobre 2021 et 2022

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Alors qu' avant la crise actuelle, la moyenne de prix s'établissait autour de 50 euros et que le précédent record historique était de 93 euros lors de la crise financière de 2008, les prix de gros à douze mois ont tutoyé les 1 200 euros en août 2022 avant de fluctuer entre 500 et 600 euros . Ponctuellement, les prix spot de l'électricité sur le marché de gros ont même dépassé les 3 000 euros au cours de l'été 2022 au coeur de la hausse fulgurante qui s'est manifestée à partir du mois de juin.

Évolution des prix de l'électricité pour le consommateur final en moyenne

Source : rapport annuel de l'ACER et CEER d'octobre 2022

b) En Europe, le prix de l'électricité est fixé en fonction des évolutions du prix du gaz

Dans le cadre du marché européen de l'énergie , et selon le principe dit de « l'ordre de mérite » ou de la « vente au coût marginal », la formation du prix de gros de l'électricité est déterminée par le prix de production de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande . C'est la centrale dite « marginale » . En règle générale, en Europe , en cas de pic de consommation, il s'agit souvent d' une centrale à gaz . Cette modalité de fixation des prix de gros de l'électricité explique la dépendance des prix de l'électricité à l'évolution des cours du gaz . Le prix de l'électricité sur les marchés « spot » à court terme est extrêmement dépendant de l'évolution du prix des intrants qui alimentent les centrales électriques marginales et donc particulièrement des cours du gaz.

Si cette règle a pour vocation d'optimiser le fonctionnement du système électrique européen et son interconnexion, elle n'avait pas été imaginée pour fonctionner dans un contexte d'augmentation de prix de l'énergie tel que celui qui prévaut dans la crise historique actuelle des marchés énergétiques. Il en a résulté, dès le second semestre 2021, une augmentation très significative des prix de l'électricité en France quand bien même les coûts de production de l'électricité y sont modérés et faiblement dépendants du prix du gaz naturel. En effet, en France, d'après le bilan électrique de réseau de transport d'électricité (RTE), en 2021, 69 % de l'électricité a été produite à partir d'énergie nucléaire pour seulement 7 % à partir de gaz naturel.

Évolution de la production d'électricité en France (2017-2021)

(en térawattheure - TWh)

Source : bilan électrique 2021 de réseau de transport d'électricité (RTE)

Si une part significative de l'électricité en Europe reste produite à partir d'énergies fossiles (20 % à partir de gaz et 13 % à partir de charbon), la composition du mix électrique français est décarbonée à plus de 92 % d'après le bilan électrique 2020 de RTE.

Répartition de la production d'électricité en France en 2021
entre sources d'énergies

Source : commission des finances du Sénat d'après le bilan électrique 2021 de RTE

Néanmoins, la France dispose elle-même de treize tranches de centrales à cycle combiné au gaz auxquelles elle recourt pour assurer l'équilibre entre offre et demande en hiver en cas de tension sur le système électrique. Par ailleurs, habituellement, en hiver, la France recourt régulièrement à des importations d'électricité produite par des centrales thermiques chez ses voisins.

c) En France, la crise des prix est exacerbée par une production électrique d'origine nucléaire historiquement faible

En France, en 2022, la crise des prix de l'électricité s'est trouvée exacerbée par une production d'électricité historiquement basse . Cette situation s'explique essentiellement par les difficultés d'exploitation du parc de réacteurs nucléaires d'EDF .

Alors que les maintenances liées au programme de grand carénage, qui doit permettre de prolonger la vie des centrales construites dans les années 1970, ont pris du retard dans la période de crise sanitaire, EDF a découvert un phénomène de corrosion sous contrainte qui l'a conduit à mettre à l'arrêt de nombreux réacteurs afin de les inspecter. Au total, 26 réacteurs, soit la moitié du parc, sont à l'arrêt à l'automne 2022. Un programme de remise en fonctionnement de ces réacteurs d'ici le mois de février 2023 était prévu mais des grèves dans les centrales en octobre vont générer de nouveaux retards dans ces opérations de maintenance.

Par ailleurs, les conditions météorologiques de l'année 2022 ont entraîné une baisse significative de la production électrique d'origine hydraulique . En septembre dernier, EDF a annoncé que sa production d'électricité en 2022 serait comprise entre 315 et 345 TWh, contre 379,5 TWh en 2019 et 393,2 TWh en 2018. Ce n'est pas avant 2024 que la production électrique d'EDF devrait retrouver son niveau d'avant la crise sanitaire.

Cette situation, et alors que la France bénéficie de prix de gros du gaz parmi les plus faibles d'Europe, explique qu' en 2022, la hausse des prix de l'électricité est plus forte en France que chez ses partenaires européens . Depuis le début de l'année, le prix de l'électricité est plus de 30 % supérieur en France à son niveau en Allemagne . Les graphiques de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ci-dessous illustrent l'augmentation de l'écart des prix de l'électricité entre la France et l'Allemagne constaté au cours du premier semestre de l'année 2022.

Évolution des écarts de prix de l'électricité entre la France et l'Allemagne en 2022

Q4 2022 : produits trimestriels devant être livrés au cours du 4 e trimestre 2022.

Q1 2023 : produits trimestriels devant être livrés au cours du 1 er trimestre 2023.

Y 2023 : produits annuels pour une livraison en 2023.

Source : rapport de la CRE sur les prix à terme de l'électricité pour l'hiver 2022-2023 et l'année 2023, juillet 2022

S'agissant du prix de gros à 12 mois, la différence entre la France et l'Allemagne est passée de 0 euro au début de l'année à 100 euros le MWh en juillet 2022. Dans un rapport de juillet dernier 51 ( * ) , la CRE souligne que « de tels écarts de prix entre la France et l'Allemagne reflètent ainsi les craintes du marché quant à la disponibilité du parc nucléaire français historiquement basse. Les acteurs désireux de couvrir leur risque de marché sont manifestement prêts à payer une prime de risque importante sur le marché français, au vu des incertitudes affectant l'hiver 2022-2023 » .

À l'échelle du continent, dans leur rapport annuel du 7 octobre 2022 52 ( * ) , l'Agence pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et le Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) estiment que l'augmentation des prix de détail de l'énergie va se poursuivre en 2023 et considèrent qu'à terme « tous les consommateurs vont être concernés par des augmentations sans précédent » .

2. Si la prorogation du bouclier tarifaire sur l'électricité en 2023 est une nécessité pour préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens, la hausse des prix qu'il plafonne à 15 % doit aussi inciter à amplifier les économies d'énergie

Sans un prolongement du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité mis en place en 2022, les prix de l'électricité pour les particuliers seraient probablement amenés à plus que doubler en 2023 . Aussi, en septembre dernier, le Gouvernement avait-il pris l'engagement de contenir en 2023 l'augmentation des prix de l'électricité à 15 % pour les ménages, les copropriétés, les logements sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes. Cette promesse doit être traduite par le présent article 42 ter .

Le coût de ce bouclier sur les prix de l'électricité reste extrêmement dépendant de l'évolution des prix de gros en 2023. Il est aujourd'hui estimé à environ 35 milliards d'euros .

Coûts globaux 53 ( * ) prévisionnels des dispositifs de bouclier tarifaire pour 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la DGEC

Le volet fiscal du mécanisme de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité est traité par l'article 6 du présent projet de loi de finances. Il a vocation à proroger la minoration à leur minimum autorisé par le droit de l'Union européenne des tarifs de l'accise sur l'électricité , c'est-à-dire l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), ce qui devrait se traduire par une perte de recettes pour l'État à hauteur d'environ 10 milliards d'euros en 2023. Son volet fiscal représente ainsi environ 30 % du coût prévisionnel du dispositif, les 70 % restants (25 milliards d'euros) ayant vocation à faire l'objet, via le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de compensations par l'État aux fournisseurs en vertu de l'intégration des pertes de recettes liées au bouclier tarifaire dans le périmètre des obligations pour charges de service public de l'énergie prévues par le présent article 42 ter .

Répartition du coût prévisionnel pour l'État du bouclier tarifaire 2023 sur l'électricité entre ses volets fiscal et budgétaire

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la DGEC

Il ne fait pas de doute que la prorogation d'un mécanisme de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité est nécessaire, sauf à exposer nos concitoyens à un choc de baisse de pouvoir d'achat insupportable. La limitation de la hausse des prix à 15 % pour les consommateurs éligibles aux TRVe, déjà très coûteuse pour les finances publiques paraît être un compromis acceptable, notamment pour maintenir un certain « signal prix » susceptible d'encourager les économies d'énergie .

En dépit de son coût, le dispositif de bouclier tarifaire sur l'électricité pour les particuliers élaboré en 2022 comportait certaines failles , la principale étant la situation des résidents d'immeubles avec un chauffage collectif électrique et dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kilovoltampères (kVA). D'après la DGEC, l'administration travaille à la mise en place d'une mesure ad hoc pour traiter cette situation particulière rétrospectivement au titre de l'année 2022 et pour l'année 2023.

Ce cas particulier ne semble pas couvert à ce jour par le dispositif prévu par le présent article 42 ter . Il est urgent qu'une solution satisfaisante soit trouvée pour régler cette injustice manifeste et reconnue par le Gouvernement lui-même.

3. Le régime du dispositif dit d'« amortisseur sur les prix de l'électricité », très dépendant de textes réglementaires d'application doit rapidement être précisé

Si les boucliers tarifaires apportent une aide bienvenue aux particuliers ainsi qu'aux très petites entreprises et collectivités, il importe aussi de ne pas négliger le reste de notre tissu économique, associatif et territoriale , extrêmement exposé à la crise et parfois très dépendant des charges énergétiques.

L es mesures fortes en faveur des PME font à ce jour cruellement défaut . Elles ont été les grandes oubliées des dispositifs mis en oeuvre en 2022. La création d'une aide en faveur de certains consommateurs finals d'électricité non éligibles au dispositif de « bouclier », sous la forme d'un mécanisme dit d'« amortisseur » doit venir partiellement pallier ces lacunes du dispositif de soutien.

À ce stade, les dispositions inscrites au IX du présent article 42 ter sont particulièrement floues et générales . Le mécanisme n'est en aucune mesure détaillé et la nature des consommateurs qui pourront en bénéficier n'est pas précisée. Tout le dispositif doit être appliqué par la voie réglementaire . Ce n'est que par des déclarations dans la presse, parfois discordantes, que la représentation nationale a été éclairée sur ce dispositif pourtant attendu avec impatience et anxiété par nombre de TPE, PME, associations ou collectivités qui se trouvent étranglées par des factures d'électricité en forte hausse ou sidérées devant les nouveaux contrats proposés par leurs fournisseurs d'électricité.

D'après les déclarations gouvernementales, il apparaît que le dispositif devrait concerner les TPE-PME, les collectivités territoriales, les associations et les établissements publics . Toujours selon la présentation qu'en a faite le Gouvernement, le dispositif s'appliquerait aux contrats dont le prix de référence pour la part d'approvisionnement sur le marché de gros est supérieur à 325 euros par MWh . L'aide forfaitaire devrait atteindre 25 % de la fraction de consommation du client concerné qui se situe entre le prix seuil de 325 euros par MWh et le prix effectif auquel il doit s'acquitter dans une limite d'un prix plafond de 800 euros par MWh . L'écart entre le prix seuil et le prix plafond étant égal à 475 euros par MWh, l'aide maximale pour un consommateur pourrait ainsi atteindre 120 euros par MWh.

Le coût du dispositif est à ce jour estimé à 3 milliards d'euros , des crédits dont l'ouverture est proposée par le Gouvernement sur le programme 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (voir supra ). D'après les estimations du Gouvernement, un tiers de l'enveloppe, soit 1 milliard d'euros, devrait être ciblé vers les collectivités territoriales .

4. Des mesures d'ajustement du mécanisme de compensation des obligations de charges de service public de l'énergie nécessaires pour répondre à la situation inédite provoquée par la crise des prix de l'énergie

Les dispositions prévues aux X à XIII du présent article 42 ter apparaissent comme nécessaires pour ajuster le dispositif de compensation des obligations de charges de service public de l'énergie (CSPE) à la situation inédite qui résulte de la crise des prix de l'énergie.

Compte-tenu de l'ampleur des mécanismes de soutien prévus par le présent article et par les pertes de recettes qu'ils vont engendrer pour les fournisseurs, il est impératif que les compensations de celles-ci soient versées par acomptes prévisionnels dès l'année 2023 .

Par ailleurs, le mécanisme d'évaluation annuelle, en juillet, des CSPE par la CRE , s'il est approprié à une situation où les prix de l'électricité fluctuent dans des proportions raisonnables et modérées, comme c'était le cas avant 2021, n'est pas du tout adapté au contexte actuel de forte instabilité et de flambée des cours, en particulier au cours des deuxièmes semestres des années 2021 et 2022. Cette situation se traduit par des phénomènes de sur-compensation ou de sous-compensation d'une année sur l'autre et donne lieu à des révisions considérables, pour plusieurs milliards d'euros voire pour plusieurs dizaines de milliards d'euros d'une année sur l'autre. Il est donc pertinent, comme le propose le XI du présent article, de permettre à la CRE de réévaluer les CSPE en temps réel tout au long de l'année 2023 .

Il apparaît aussi utile d'expliciter dans le code de l'énergie que les gains qui peuvent être générés pour les opérateurs dans le cadre des obligations de charges de service public de l'énergie doivent être intégralement reversés à l'État .

Enfin, alors que les suspicions de fraude à l'ARENH se sont renforcées en 2023 du fait du caractère devenu ultra-compétitif de son prix (42 euros le MWh) et si elle a diligenté des enquêtes à l'encontre de fournisseurs, il est apparu que la CRE ne disposait pas des outils de contrôle et des capacités de sanction propres à prévenir et réprimer ces abus inacceptables. Le XIII de l'article 42 ter procède ainsi opportunément à un renforcement des pouvoirs de contrôle de la CRE.

5. Toutes les mesures d'urgence ne feront pas oublier les conséquences catastrophiques de dix années d'une politique énergétique à contretemps

L'État se trouve aujourd'hui dans l'obligation de prendre des mesures d'urgences aussi nécessaires que coûteuses pour venir en aide aux consommateurs d'électricité. Cette situation conjoncturelle périlleuse ne doit pas masquer les effets délétères de la politique énergétique menée depuis dix ans . Cette politique n'est pas étrangère au fait qu'aujourd'hui la France se trouve être le pays européen le plus exposé à l'envolée des prix de l'électricité . Les manquements de cette politique, aussi bien s'agissant de la production d'électricité nucléaire que du développement des énergies renouvelables, expliquent une part de l'impasse dans laquelle la France se retrouve aujourd'hui. Par ailleurs, il est trop facile et erroné de faire porter le chapeau à la société EDF, elle-même grandement fragilisée par des choix douteux des pouvoirs publics . Derrière cette crise conjoncturelle se cachent des erreurs politiques et stratégiques qui risquent d'affaiblir durablement notre souveraineté énergétique .

6. Alors que les dispositifs proposés sans aucune étude d'impact manquent singulièrement de précision une position d'attente d'ici la séance s'impose

L'article 42 ter a été introduit en cours d'examen par le Gouvernement sans que la représentation nationale puisse disposer d'une étude d'impact digne de ce nom . La plupart des paramètres relatifs aux dispositifs prévus par cet article ont été distillés progressivement par voie de presse sans cohérence d'ensemble et sans que le Parlement puisse disposer de toutes les informations nécessaires à l'évaluation des incidences des mesures proposées. En particulier s'agissant du dispositif d'amortisseur, le Gouvernement semble lui-même encore naviguer à vue . S'il n'a pas inscrit dans le dispositif les entités éligibles ou encore les paramètres et seuils permettant de calculer le niveau d'aide, c'est probablement qu'il n'est pas tout à fait clair sur ces questions. La coordination des différents dispositifs proposés, notamment s'agissant des collectivités , potentiellement éligibles, selon leurs caractéristiques, au bouclier, à l'amortisseur et au filet de sécurité, doit nécessairement faire l'objet de précisions.

Une analyse éclairée de ces dispositifs implique aussi de disposer d'informations précises quant à l'évaluation des quantités de consommation d'énergie potentiellement couvertes par chaque dispositif ou encore par le nombre de chaque catégorie d'entités concernées, pour chacune des mesures . Le Parlement ne peut donner ainsi carte blanche au Gouvernement pour des dispositions si structurantes qui engageront des dizaines de milliards d'euros d'argent public . Avant de cautionner la mise en oeuvre de ces mesures, la Représentation nationale doit disposer de suffisamment d'informations sur chacun des mécanismes afin d'en évaluer l'efficacité et l'efficience.

Aussi, si le rapporteur spécial n'entend pas rejeter la perspective de mise en oeuvre de mesures de soutien qui sont attendues de nos concitoyens, du tissu économique et des acteurs territoriaux, il lui apparaît nécessaire, le cas échéant de revenir sur cet article au stade de la séance publique et au regard des précisions et informations complémentaires que le Gouvernement doit absolument fournir sur ces dispositifs pour lesquels pèsent encore beaucoup trop d'incertitude. Aussi s'il propose d'adopter l'article à ce stade, cette adoption est tout sauf une validation mais bien davantage une position d'attente dans la perspective de la séance publique .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 42 quater (nouveau)

Rapport visant à étudier la possibilité d'améliorer la progressivité
de la prime à la conversion en faveur des ménages modestes ou précaires

. Le présent article additionnel prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport visant à étudier les possibilités d'améliorer la progressivité de la prime à la conversion au bénéfice des ménages modestes et précaires.

Dans un contexte de tension sur les finances publiques et alors que la majorité des aides à l'acquisition de véhicules propres sont attribuées pour l'achat de véhicules produits à l'étranger, conduisant notamment à subventionner l'industrie de nos concurrents économiques, voire même géopolitiques, il semble légitime de s'interroger sur un meilleur ciblage des aides, au moins jusqu'à ce que la filière de production souveraine de véhicules électriques que nous appelons tous de nos voeux ne gagne en maturité.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA PRIME À LA CONVERSION PRÉVOIT UNE CERTAINE PROGRESSIVITÉ MÊME SI TOUS LES MÉNAGES ET ENTREPRISES DEMEURENT ÉLIGIBLES AU DISPOSITIF

La prime à la conversion est une aide, sous conditions, à l'achat ou à la location d'un véhicule peu polluant lorsqu'il s'accompagne de la mise au rebut d'un ancien véhicule diesel ou essence. Cette prime peut se cumuler avec le « bonus écologique ». Son régime est défini aux articles D. 251-3 et suivants du code de l'énergie . Le véhicule à mettre au rebus doit être une voiture particulière ou une camionnette répondant à certains critères, notamment d'ancienneté.

Le périmètre des véhicules dont l'acquisition peut être accompagnée par la prime à la conversion inclut les voitures particulières, les camionnettes, les véhicules à moteur à 2 ou 3 roues et les quadricycles à moteur.

Le montant maximum est de 5 000 euros pour l'achat d'un véhicule particulier électrique ou hybride rechargeable neuf ou d'occasion, lorsque le revenu fiscal de référence du foyer est inférieur à 6 300 euros . Dans le cas contraire, elle tombe à 2 500 euros. Pour une camionnette, le montant maximum est de 9 000 euros.

Si les personnes physiques qui disposent d'un revenu fiscal de référence supérieur à 13 489 euros bénéficient de montants d'aides diminués, ils demeurent éligibles au dispositif .

Les montants de prime à la conversion, pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers (VUL) sont déterminés selon les barèmes présentés ci-après :

Barème 2022 de la prime à la conversion pour les voitures particulières

Motorisation

Personnes physiques

Personnes morales

RFR < 13 489 euros

RFR > 13 489 euros

RFR < 6 300 euros

ou

trajet domicile-travail

> 30 km

ou

kilométrage annuel

> 12 000 km

-

< 20 g CO 2 /km

50 km d'autonomie

5 000 euros

2 500 euros

2 500 euros

2 500 euros

Crit'Air 1

< 50 g CO 2 /km

3 000 euros

1 500 euros

1 500 euros

1 500 euros

Entre 51 et 109 g CO 2 /km

< 50 000 euros

3 000 euros

1 500 euros

-

-

Source : commission des finances du Sénat

Barème 2022 de la prime à la conversion pour les véhicules utilitaires légers

Motorisation

Personnes physiques

Personnes morales

RFR < 13 489 euros

RFR > 13 489 euros

RFR < 6 300 euros

ou

trajet domicile-travail

> 30 km

ou

kilométrage annuel

> 12 000 km

-

< 20 g CO 2 /km

50 km d'autonomie

5 000 euros pour les VASP 54 ( * ) et les camionnettes de classe I

7 000 euros pour les camionnettes de classe II

9 000 euros pour les camionnettes de classe III

2 500 euros pour les VASP et les camionnettes de classe I

7 000 euros pour les camionnettes de classe II

9 000 euros pour les camionnettes de classe III

2 500 euros pour les VASP et les camionnettes de classe I

7 000 euros pour les camionnettes de classe II

9 000 euros pour les camionnettes de classe III

2 500 euros pour les VASP et les camionnettes de classe I

7 000 euros pour les camionnettes de classe II

9 000 euros pour les camionnettes de classe III

Crit'Air 1

< 50 g CO 2 /km

3 000 euros

1 500 euros

1 500 euros

1 500 euros

Entre 51 et 109 g CO 2 /km

< 50 000 euros

3 000 euros

1 500 euros

-

-

Source : commission des finances du Sénat

Pour accompagner les personnes habitants ou les entreprises situées dans le périmètre d'une zone à faibles émissions mobilité (ZFE m), la prime à la conversion est majorée si une aide similaire est attribuée par une collectivité territoriale dans le même périmètre. Le montant de cette aide, définie à l'article D. 251-8-1 du code de l'énergie, est identique au montant de l'aide attribuée par la collectivité, dans la limite de 1 000 euros .

B. LES PARAMÈTRES DE LA PRIME À LA CONVERSION ONT BEAUCOUP ÉVOLUÉ DEPUIS 2018

Après un démarrage poussif, la prime à la conversion est montée en puissance . En 2018, près de 300 000 demandes de primes à la conversion avaient été enregistrées et plus de 255 000 primes distribuées, soit une multiplication par 32 des primes attribuées par rapport à l'année 2017. Au cours de cette même année, la prime à la conversion avait été rendue plus attractive afin notamment de répondre aux enjeux de la hausse des prix du carburant. Le Gouvernement s'était fixé comme objectif d'attribuer un million de primes entre 2018 et 2022. La dynamique de la prime à la conversion s'était alors encore amplifiée en 2019 avec 376 831 primes à la conversion versées et plus de 350 000 primes supplémentaires en instance. Face à ce succès dont l'ampleur avait été sous-estimée, pour des raisons budgétaires, le Gouvernement avait alors décidé de durcir les conditions d'accès à la prime à compter du 1 er août 2019.

En juin 2020 , pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire et soutenir un secteur automobile en grandes difficultés, les conditions d'accès à la prime avaient été significativement assouplies . Le nombre de ménages éligibles et les montants de primes avaient été augmentés. Toutefois, ces nouveaux critères n'ont été maintenus que deux mois. Dès le 3 août 2020, les critères restrictifs de 2019 ont été rétablis.

En raison de la persistance de la crise et du second confinement, les critères d'éligibilité de la prime à la conversion en vigueur à la fin de l'année 2020, et qui devaient initialement être durcis dès le 1 er janvier 2021, avaient finalement été maintenus jusqu'au 30 juin 2021.

Le 1 er juillet 2021, les critères d'attribution de la prime à la conversion ont été rendus plus restrictifs . Depuis cette date, les véhicules Crit'Air 2 sont exclus du dispositif de la prime et le plafond d'émissions de CO 2 applicable à un véhicule neuf a été abaissé. Ainsi, en 2021, le nombre de primes délivrées a-t-il poursuivi sa décrue pour s'établir à 113 000. Les crédits consacrés au dispositif au cours de l'année 2021 se sont élevés à 192 millions d'euros, soit un montant plus de trois fois moins important qu'en 2020. En 2021 la prime a par ailleurs été étendue aux vélos électriques et augmentée à 9 000 euros pour les véhicules utilitaires légers (VUL).

L'évolution du nombre de primes à la conversion
distribuées entre 2015 et 2021

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au 1 er janvier 2022, le plafond d'émissions de CO 2 applicable aux véhicules neufs a de nouveau été abaissé de 5 g/km pour l'aligner sur le seuil de déclenchement du « malus CO 2 ».

À la suite de l'adoption de la première loi de finances rectificative pour 2022 qui a abondé le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » pour soutenir l'usage du vélo par les ménages, la prime à la conversion pour l'acquisition d'un vélo à assistance électrique a été doublée pour les ménages les plus modestes et les personnes en situation de handicap, du 15 août au 31 décembre 2022. De plus, la mise au rebut d'un véhicule polluant donne droit à l'attribution d'une prime à la conversion pour l'achat d'un vélo. Dans le cadre du nouveau plan vélo annoncé en septembre 2022, le Gouvernement s'est engagé à prolonger ces mesures au-delà de 2022.

Au cours des sept premiers mois de l'année 2022, plus de 57 000 primes à la conversion ont été attribuées .

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION : LA DEMANDE D'UN RAPPORT SUR LES POSSIBILITÉS D'AMÉLIORER LA PROGRESSIVITÉ DE LA PRIME À LA CONVERSION EN FAVEUR DES MÉNAGES MODESTES OU PRÉCAIRES

Le présent article additionnel, issu d'un amendement déposé par Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et plusieurs de ses collègues députés, a été retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Le présent article 42 quater prévoit qu'au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi de finances, le Gouvernement remette au Parlement un rapport visant à étudier les possibilités d'améliorer la progressivité de la prime à la conversion au bénéfice des ménages modestes et précaires ainsi que sur le résultat d'une telle amélioration sur les finances publiques. Le rapport devrait présenter plusieurs scénarios selon les seuils de revenus qui pourraient être pris en compte pour déterminer le montant de la prime. L'un des scénarios devrait proposer un dispositif d' inéligibilité au dispositif au-delà d'un certain niveau de revenu .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : IL EST LÉGITIME DE S'INTERROGER SUR UN MEILLEUR CIBLAGE DE LA PRIME À LA CONVERSION, D'AUTANT PLUS QU'ACTUELLEMENT, UNE MAJORITÉ DES VÉHICULES SUBVENTIONNÉS SONT PRODUITS À L'ÉTRANGER

Alors que la Chine domine plus de 50 % de la chaîne de valeur des voitures électriques et que la France et l'Europe ont accumulé un retard conséquent en la matière, les aides à l'acquisition de véhicules propres (bonus et prime à la conversion) conduisent actuellement principalement à subventionner des industries étrangères . Cette tendance risque de s'amplifier dans les années à venir avec la menace d'une arrivée massive sur le marché européen de véhicules électriques à bas coûts vendus par des constructeurs chinois. Alors que les États-Unis viennent de mettre en place un dispositif de protection très robuste, l'Europe ne dispose toujours pas d'un mécanisme efficace garantissant à minima que le principe de réciprocité soit respecté par ses principaux concurrents économiques. Des concurrents économiques qui peuvent par ailleurs également être des rivaux géopolitiques. Si une filière souveraine française et européenne semble en voie de construction, il lui faudra du temps pour rattraper son retard et être compétitive. En attendant son émergence et la mise en oeuvre d'une véritable préférence européenne, il convient de contenir les aides à l'acquisition de véhicules propres en les ciblant sur les plus fragiles . Plus généralement, cette logique est par ailleurs un gage de bonne gestion des finances publiques . Aussi, le rapport prévu au présent article aura-t-il son utilité pour ouvrir des pistes de réforme pour rendre plus efficiente la prime à la conversion.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.


* 40 La seconde étant l'interconnexion dite SARCO (pour Sardaigne-Corse).

* 41 Selon la CRE, le mois d'avril 2021 a été le plus froid depuis 20 ans en France et cette vague de froid européenne a maintenu une consommation élevée en Europe, réduisant le rythme de remplissage des stockages.

* 42 Décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à
l'augmentation du prix du gaz naturel.

* 43 Selon les modalités prévues aux articles L. 121-37 à L. 121-41 du code de l'énergie.

* 44 Il est toutefois précisé que « cette compensation s'applique pour leurs contrats en vigueur au 31 octobre 2021 et dès lors que les conditions contractuelles relatives à la détermination du prix de la fourniture ne sont pas modifiées à l'initiative du fournisseur et que le fournisseur n'a pas procédé à son initiative à la résiliation du contrat pour une autre cause que le non-paiement de facture (...), et que le fournisseur n'a pas entrepris de démarche ciblée trois mois avant cette échéance pour inciter son client à changer d'offre ».

* 45 Il est tenu compte de cet acompte dans le calcul des charges compensées par l'État.

* 46 Le calendaire TTF 2023 est monté jusqu'à 310 euros/MWh le 26 août.

* 47 Délibération n° 2022-08 de la Commission de régulation de l'énergie du 18 janvier 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 48 C'est-à-dire les consommateurs finals non domestiques dont le compteur électrique affiche une puissance inférieure à 36 kilovoltampère (kVA) qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros.

* 49 Les petits consommateurs finals non résidentiels.

* 50 Citées au 2 ème alinéa du B.

* 51 Rapport de la CRE sur les prix à terme de l'électricité pour l'hiver 2022-2023 et l'année 2023, juillet 2022.

* 52 Annual Report on the Results of Monitoring the Internal Electricity and Natural Gas Markets in 2021, Energy Retail and Consumer Protection Volume, ACER/CEER, octobre 2022.

* 53 Incluant le coût pour EDF du relèvement du plafond d'Arenh en 2022.

* 54 Véhicules automoteurs spécialisés.

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