II. LE PROGRAMME 174 « ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES » : UNE EXÉCUTION 2022 BOULEVERSÉE ET UNE PROGRESSION DE 50 % DES CRÉDITS DE PAIEMENTS OUVERTS EN 2023

Le coeur du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est constitué par les aides versées aux ménages pour les accompagner dans la transition énergétique :

- le chèque énergie ;

- la prime à la transition énergétique « MaPrimeRenov » ;

- les aides à l'acquisition de véhicules propres .

Les autres dépenses du programme concernent notamment :

- l'accompagnement de l'après-mines, centré sur la gestion des garanties sociales et la reconversion économique des bassins miniers ;

- les activités permettant la promotion de la lutte contre l'effet de serre et le changement climatique ainsi que l'amélioration de la qualité de l'air.

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, les crédits du programme 174 progressent de 1 469,5 millions d'euros en AE (+ 41 %) et de 1 663,2 millions d'euros en CP (+ 52 %) pour s'établir respectivement à 5 089,7 millions d'euros et 4 860,6 millions d'euros. Cette progression s'explique principalement par l'augmentation des crédits inscrits en faveur des aides à l'acquisition de véhicules propres et du dispositif « MaPrimeRenov » .

Crédits inscrits au programme 174 « Énergie, climat et après-mines »
en 2023 (CP)

(en millions d'euros)

2022 (LFI)

2023 (PLF)

Variation

LFI 2022-PLF 2023

01- Politique de l'énergie

112,0

141,4

+ 26,3 %

02- Accompagnement transition énergétique

2 227,5

3 095,5

+ 39,0 %

03- Aides à l'acquisition de véhicules propres

506

1 295,4

+ 156,0 %

04- Gestion économique et sociale de l'après-mines

302,8

270,3

- 10,7 %

05- Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l'air

47,7

56,7

+ 18,9 %

06- Soutien

1,4

1,4

-

Total programme

3 197,4

4 860,6

+ 52,0 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Au cours de la gestion 2022 les crédits du programme 174 ont été bouleversés par différentes mesures prises notamment pour répondre aux conséquences de la crise de l'énergie.

Ainsi la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a-t-elle ouvert sur le programme 174 des crédits supplémentaires à hauteur de 5,7 milliards d'euros en AE et 5,3 milliards d'euros en CP . Ces ouvertures de crédits, nettement supérieures au total des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2022 doivent notamment servir à financer la prolongation et l'amplification de la remise sur les carburants (pour 4,6 milliards d'euros), une majoration des crédits du dispositif MaprimRénov (pour 400 millions d'euros d'AE), une augmentation des crédits consacrés au bonus pour l'acquisition de véhicules propres (pour 400 millions d'euros), une aide exceptionnelle destinée aux foyers qui se chauffent au moyen de fioul domestique (pour 230 millions d'euros), une aide dédiée aux petites stations-services (pour 15 millions d'euros) ou encore un renforcement des aides à l'acquisition de vélos (pour 5 millions d'euros).

Avec le premier PLFR pour 2022 , les crédits disponibles sur le programme 174 ont atteint des niveaux exceptionnels de 9,4 milliards d'euros en AE et de 8,7 milliards d'euros en CP .

Évolution des AE du programme 174 en cours de gestion 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des CP du programme 174 en cours de gestion 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le second PLFR pour 2022 a également ouvert un nombre important de crédits sur le programme 174 : 2,0 milliards d'euros en AE, et 1,5 milliard d'euros en CP . Parmi ces ouvertures, la prolongation de la remise carburant est évaluée à 440 millions d'euros en AE et 60 millions d'euros en CP ; le coût du chèque énergie serait de 1,4 milliards d'euros ; et le reste des crédits devrait financer MaPrimeRénov' .

En outre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement sur le second PLFR un amendement n° 605 qui ouvre 230 millions d'euros en AE et CP pour aider les ménages se chauffant au bois, et un amendement n° 434 , qui renforce MaPrimeRénov' de 29 millions d'euros en AE et en CP, dans l'objectif de favoriser les travaux de rénovation globale.

A. ALORS QUE LE CHÈQUE ÉNERGIE A ÉTÉ L'UN DES LEVIERS POUR ACCOMPAGNER LES MÉNAGES MODESTES FACE À LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉNERGIE, « MAPRIMRENOV' » NE RÉPOND QU'IMPARFAITEMENT À L'ENJEU DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

1. Le chèque énergie a été l'un des outils mobilisés pour soutenir les ménages les plus modestes dans le contexte actuel de crise des prix de l'énergie
a) Entre chèque énergie traditionnel et chèques exceptionnels

Le chèque énergie est un titre spécial de paiement conçu pour aider les ménages les plus modestes à payer leurs factures d'énergie. Il a été instauré par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte 19 ( * ) pour remplacer les tarifs sociaux de l'énergie, à savoir le tarif de première nécessité pour l'électricité (TPN) et le tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz naturel.

Après une phase d'expérimentation, le chèque énergie a été généralisé sur tout le territoire national à compter du 1 er janvier 2018. Il est envoyé automatiquement aux ménages qui sont à jour de leurs obligations fiscales, sans qu'aucune démarche ne soit nécessaire.

Il permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d'énergie, quel que soit leur moyen de chauffage (électricité, gaz, fioul, bois, etc. ). Ils peuvent également l'utiliser pour financer des travaux de rénovation énergétique dans leur logement.

L'aide moyenne est d'environ 150 euros. Son montant, calculé en fonction du revenu fiscal de référence et de la situation familiale (évaluée en fonction du nombre d'unités de consommation 20 ( * ) ) varie de 48 à 277 euros .

Barème du chèque énergie

(en euros)

RFR/UC<5 600

5 600<RFR/UC<6 700

6 700<RFR/UC<7 700

7 700<RFR/UC<10 700

1 UC

194

146

98

48

1 <UC<2

240

176

113

63

2 UC ou +

277

202

126

76

Source : article 2 de l'arrête du 24 février 2021 modifiant le seuil d'éligibilité au chèque énergie et instituant un plafond aux frais de gestion pouvant être déduits de l'aide spécifique

En raison des conséquences de la hausse des prix du gaz sur les factures des ménages, un chèque énergie exceptionnel de 100 euros a été distribué à tous les bénéficiaires du dispositif à la fin de l'année 2021 . Les 600 millions d'euros de crédits nécessaires pour couvrir le coût de cette mesure avaient été adoptés par le Parlement dans le cadre de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021. Au total, au titre de la campagne 2021 , le coût du chèque énergie a ainsi dépassé 1,4 milliard d'euros .

Au titre de la campagne 2022, environ 5,8 millions de ménages bénéficient du dispositif de chèque énergie dans sa version classique.

En outre, à la suite du vote par le Parlement, dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022 de 230 millions d'euros de crédits dédiés à une aide en faveur des consommateurs de fioul domestique, un chèque énergie exceptionnel , étendu jusqu'au cinquième décile de revenus, de 100 euros ou de 200 euros 21 ( * ) est adressé aux ménages se chauffant au fioul depuis le début du mois de novembre 2022. Le régime de ce dispositif a été défini par le décret n° 2022-1407 du 5 novembre 2022 relatif au chèque énergie pour les ménages chauffés au fioul domestique

Par ailleurs, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 actuellement en discussion prévoit d'ouvrir de nouveaux crédits pour attribuer un chèque énergie exceptionnel et élargi pour un coût de 1,8 milliard d'euros . Cette mesure exceptionnelle doit viser 12 millions de ménages 22 ( * ) , soit un périmètre deux fois plus étendu que celui du chèque énergie classique. Les 5,8 millions de ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie recevraient une aide complémentaire de 200 euros tandis que les autres se verraient allouer 100 euros.

En intégrant ces deux mesures exceptionnelles, au titre de la campagne 2022, le coût total du dispositif de chèque énergie devrait avoisiner les 2,9 milliards d'euros .

En 2023 , les crédits dévolus au dispositif du chèque énergie sont prévus à hauteur de 899 millions d'euros en AE et 795 millions d'euros en CP , en baisse de respectivement 2,4 % et 0,6 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finance initiale pour 2022.

Pour la campagne 2022, il a été fait l'hypothèse d'un taux d'usage global de 87,5 % se répartissant en 77,5 % consommés en 2022 et 10 % en 2023 et sur la campagne 2023 une hypothèse d'un taux d'usage global identique de 88 % se répartissant là aussi en 78 % consommés en 2023 et 10 % en 2024.

Si le taux d'usage du chèque énergie progresse d'année en année (78,4 % en 2018, 80,4 % en 2019, 81,3 % en 2020 et 81,5 % en 2021), le rapporteur spécial note qu'il demeure néanmoins systématiquement inférieur aux objectifs affichés.

Taux d'usage du chèque énergie : comparaison entre les objectifs et la réalisation (2018-2021)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Aussi, même si, s'agissant de la campagne 2022, et d'après les éléments transmis par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), il semble que le taux d'usage est en avance de 6 points par rapport à la même date de la campagne 2021 (75,9 % le 7 septembre 2022 soit 4,4 millions de chèques), l e rapporteur spécial considère que les objectifs volontaristes affichés une nouvelle fois pour 2023 sont probablement excessivement optimistes .

Pour remédier au problème du non-recours , l'administration a développé , en 2021, les possibilités d'opter pour la pré-affectation du chèque énergie. Cette pré-affectation permet de déduire automatiquement le chèque du montant de sa facture d'énergie de façon pérenne, sans démarches supplémentaires à accomplir les années suivant la demande initiale. Cette mesure a pour objet de traiter les deux principales raisons du non-recours, à savoir la perte du chèque énergie (environ 30 % des cas de non-recours) et le simple oubli de l'utiliser (environ 10 % des cas). Ainsi, près de 1,2 million de bénéficiaires ont vu leurs chèques énergie pré-affectés en 2021, contre 800 000 pour la campagne 2020. Cependant, cette mesure n'a pas eu l'effet escompté sur le taux d'usage dans la mesure où l'administration a constaté qu'il existait une forte corrélation entre l'usage effectif du chèque énergie pour une année donnée et les demandes de pré-affectation.

b) Au-delà du chèque énergie, une série de mesures ont été prises ou sont en discussion pour accompagner les ménages face à la crise des prix de l'énergie

À compter de l'automne 2021, la crise des prix de l'énergie a conduit les pouvoirs publics à prendre une série de mesures destinées à protéger les ménages des conséquences sur leur pouvoir d'achat de cette flambée des prix.

La loi de finances initiale pour 2022 a ainsi établi le régime législatif encadrant les mesures dites de « bouclier tarifaire » pour le gaz et pour l'électricité , dispositif prorogé par l'article 42 ter du présent projet de loi de finances. ( Cf. I.C de la troisième partie du présent rapport )

Comme évoqué supra , le dispositif habituel de chèque énergie a été renforcé en 2021 par une aide exceptionnelle de 100 euros (pour un coût de 600 millions d'euros) et le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 actuellement en discussion propose un chèque exceptionnel élargi qui pourrait être versé à 12 millions de ménages d'ici la fin de l'année 2022 (pour un coût de 1,8 milliard d'euros).

La première loi de finances rectificative pour 2022 a quant à elle prévue une aide exceptionnelle de 230 millions d'euros pour les foyers qui se chauffent au fioul domestique . Cette aide, qui prend la forme elle aussi d'un chèque énergie exceptionnel, est distribuée depuis le début du mois de novembre.

Enfin, dans le cadre de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 , un amendement a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale pour instaurer une aide de 230 millions d'euros en faveur des foyers qui se chauffent au bois .

À ce stade, parmi l'ensemble des modes de chauffage, les différents dispositifs adaptés ou en discussion ne prévoient pas de mesures de soutien spécifique pour les foyers qui se chauffent au gaz propane distribué en bouteilles ou en citernes dans environ 25 000 communes rurales non connectées au réseau de gaz naturel, le prix du gaz propane ayant certes moins augmenté que celui des autres énergies. Cependant il apparaît qu' à ce stade , notamment car la hausse des coûts de production a pu être intégrée par la filière plutôt que répercutée sur les consommateurs, l'évolution du prix du gaz propane demeure nettement plus contenue que celui des autres sources d'énergies . D'après la filière, entre 2021 et 2022, la hausse des prix du gaz propane livré aux consommateurs ne dépasse pas 6 % . Si l'écart de prix structurel entre le fioul domestique et le gaz propane est une question qui mérite d'être posée, elle ne constitue pas un phénomène conjoncturel lié à la crise des prix de l'énergie et une aide ponctuelle ne semblerait pas de nature à régler la problématique.

2. Le bilan de « MaPrimeRénov' » montre que le dispositif est centré sur le soutien au pouvoir d'achat au détriment de l'efficacité énergétique
a) La prime de transition énergétique a fait l'objet d'un déploiement de crédits important

La loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la prime de transition énergétique en remplacement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et des aides « Habiter mieux agilité » de l'Agence nationale de l'Habitat (ANAH).

En 2020, cette prime, dénommée « MaPrimeRénov' » et dont les crédits sont prévus sur le présent programme, était ciblée sur les ménages les plus modestes. Elle permet le versement de l'aide de façon contemporaine à la réalisation des travaux , contrairement au CITE, versé l'année suivant leur paiement, limitant ainsi le reste à charge des ménages. Seuls les propriétaires occupant leur logement à titre de résidence principale y sont éligibles.

Depuis le 1 er janvier 2021, les propriétaires occupants aux revenus intermédiaires et supérieurs ont été intégrés au dispositif MaPrimeRénov'. La loi de finances pour 2021 prévoyait donc 740 millions d'euros de crédits budgétaires en 2021 pour la prime de transition énergétique sur le programme 174, contre 390 millions d'euros prévus en loi de finances pour 2020 23 ( * ) .

La loi de finances pour 2021 avait également introduit un bonus lorsque les travaux permettent de sortir le logement du statut de passoire énergétique (étiquette énergie F ou G), et un autre lorsque les travaux permettent d'atteindre un niveau « basse consommation » (étiquette énergie A ou B).

Afin d'accélérer et amplifier la dynamique de rénovation énergétique des logements privés, la mission « Plan de relance » prévoyait en 2021 2 milliards d'euros d'AE sur deux ans sur l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 et 1 115 millions d'euros de crédits de paiement pour 2021 .

Le plan de relance a en effet ouvert la prime de transition énergétique à tous les propriétaires (bailleurs ou occupants). Celle-ci est modulée selon les revenus des bénéficiaires mais tous les ménages y auront accès, quels que soient leurs revenus.

Sur ces 2 milliards d'euros, 1,44 milliard d'euros d'AE étaient prévus pour l'extension de « MaPrimeRénov' » aux propriétaires occupants des 9 e et 10 e déciles de revenus, aux propriétaires bailleurs et pour le nouveau forfait relatif à la rénovation globale.

Dans la loi de finances initiale pour 2022, 1,7 milliard d'euros d'AE étaient demandés pour la prime de transition énergétique sur le programme 174, et 1,390 milliard d'euros de CP . Sur le plan de relance, 565,6 millions d'euros de CP ont été ouverts. L'extinction du crédit d'impôt pour la transition énergétique est venue abonder une partie des crédits du plan de relance. La première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 400 millions d'euros en AE sur le programme 174 pour MaPrimeRénov'.

En 2023, le dispositif MaPrimeRénov' est prévu pour être doté de
2,45 milliards d'euros en AE, et 2,3 milliards d'euros en CP
.

Crédits consacrés à la prime de transition
énergétique en loi de finances initiale

(en millions d'euros)

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 174

390

390

740

740

1 700

1 390

2 450

2 300

Programme 362

-

-

2 000

1 115

0

565,6

0

0

Total

390

390

2 740

1 855

1 700

1 855,6

2 450

2 300

Source : commission des finances

D'après les informations transmises par la direction générale de l'énergie et du climat, 300 millions d'euros en AE et 170 millions d'euros en CP ont été redéployés du programme 362 vers le programme 174 . Les crédits toujours inscrits sur le plan de relance concernent « MaPrimeRénov' copro », qui est un dispositif distinct.

Ce redéploiement est une nouvelle illustration de la complexité du pilotage des crédits de MaPrimeRénov' entre le plan de relance et la mission Écologie, développement et mobilité durables, comme le relevait déjà la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire des crédits de la mission 2021 : « l'articulation concrète entre les crédits communs et ceux du Plan de relance n'est pas claire ».

b) Le bilan de la prime de rénovation énergétique la positionne davantage comme une mesure de soutien au pouvoir d'achat que comme un véritable dispositif de transition énergétique

Le dispositif continue de faire l'objet d'un nombre élevé de demandes. 416 000 primes ont ainsi été attribuées entre janvier et août 2022. Sur la même période en 2021, 479 450 dossiers de propriétaires occupants et propriétaires bailleurs ont été déposés auprès de l'ANAH, et près de 410 000 dossiers ont abouti à l'attribution d'une prime.

Ces chiffres montrent un intérêt indéniable des propriétaires pour la prime de transition énergétique , et ils sont souvent mis en avant dans la communication du dispositif. Toutefois, ils renseignent peu sur l'efficacité réelle de la prime en termes de gains énergétiques .

Premièrement, l'exécution des crédits du dispositif est restée nettement en deçà des prévisions . En 2021, sur 1,855 milliard d'euros ouverts en CP, 1,298 milliard ont été consommés, ce qui représente un taux d'exécution de 70 %. La sous-exécution des crédits concerne en particulier les crédits inscrits sur le plan de relance.

Crédits ouverts et consommés en 2021 sur le dispositif de la prime
de transition énergétique (en CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En parallèle de cette sous-exécution, l'indicateur de performance « Nombre de logements sortis du statut de « passoire thermique » grâce à MaPrimeRénov' », rattaché au programme 362, montre des résultats inquiétants.

Le projet annuel de performances de la mission « Plan de relance » annexé au projet de loi de finances pour 2022, fixait une cible de sortie de logements privés du statut de « passoire thermique » (étiquettes F ou G) de 80 000 logements en 2021 et de 20 000 logements en 2022.

Or, d'après les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2023, seuls 2 100 logements sont sortis du statut de passoire thermique en 2021, ce qui est très loin de l'objectif des 80 000 logements . La cible de 80 000 logements n'est plus mentionnée, la cible de 20 000 logements en 2022 est maintenue, et la cible pour 2023 a été abaissée à 15 000 logements.

Il est indiqué dans le projet annuel de performance du plan de relance pour 2023 qu'une « redéfinition et une simplification du suivi et de l'obtention du « bonus passoire » est actuellement en cours d'étude afin d'assurer l'atteinte des objectifs », sans précisions sur les pistes qui sont à l'étude.

Ces données se rapprochent de ce que la Cour des comptes soulignait, dans un rapport publié en 2022 : sur 80 000 logements ayant fait l'objet d'une aide en 2021, seuls 2 500 sont passés à une classe énergétique supérieure .

Ces chiffres doivent être considérés en parallèle avec l'audit flash qu'a rendu la Cour des comptes sur la prime de transition énergétique en septembre 2021. La Cour relève que 86 % des travaux entrepris sont
« mono-gestes »,
c'est-à-dire ne résultent qu'en une seule opération de rénovation . Il s'agit dans 72 % des cas d'un changement de chauffage, et dans les cas restants d'un renforcement de l'isolation . Le rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance d'octobre 2021 (« Rapport Coeuré ») évalue les rénovations globales à 0,1 % des travaux soutenus par le dispositif .

La Cour a répété cette observation dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022 : « on observe que les consommateurs sollicitent essentiellement des aides en faveur de gestes isolés de rénovation, en l'absence d'un plan d'ensemble visant l'atteinte d'une haute performance énergétique . »

Or, les travaux de rénovation « mono-gestes » ne sont souvent pas suffisants pour faire monter un logement d'une ou plusieurs classes énergétiques supérieures .

Le Rapport Coeuré a présenté une première évaluation des gains énergétique permis par la prime de transition énergétique. Le gain énergétique des travaux validés durant le premier semestre 2021 est estimé à 1,7 TWh/an pour des travaux représentants représentant 3 milliards d'euros, et un montant des primes estimé à 860 millions d'euros. Ce gain représente 0,4 % de la consommation énergétique des résidences principales en France en 2019, ce qui est un rythme insuffisant dans un objectif de transition énergétique .

En effet, les travaux de rénovation énergétique « mono-gestes » ont peu d'effets sur la réduction de la consommation énergétique du bâtiment. Massifier les aides à la rénovation énergétique, sans évaluer précisément la nature et l'efficacité des travaux, est davantage une mesure de pouvoir d'achat qu'une véritable mesure de transition énergétique .

Il ne faut toutefois pas négliger les contraintes que présentent les travaux de rénovation globale. Ils sont plus intrusifs pour les ménages, qui peuvent renoncer face à l'ampleur et la difficulté des travaux à mener. De plus, les rénovations globales en copropriété nécessitent un vote du syndicat de copropriété, qui peut être difficile à obtenir.

Une première solution consiste à accélérer le déploiement des solutions d'accompagnement des ménages dans leurs travaux de rénovation. L'Agence nationale de l'habitat a souligné qu'elle souhaitait renforcer cet aspect de ses missions.

Une autre voie intéressante serait de mettre l'accent sur les « rénovations multi-gestes ». Ce type de rénovation consiste à conditionner des majorations de prime à la conduite d'un ou plusieurs travaux de rénovations supplémentaires après la mise en oeuvre de premiers travaux. De cette manière, les ménages sont incités de manière progressive à la réalisation de travaux, ce qui rend le processus plus facilement acceptable qu'une rénovation globale qui s'étalerait sur plusieurs mois.

Enfin, la politique de rénovation énergétique des bâtiments suppose un réseau suffisant d'artisans compétents dans ce domaine . La massification des aides pose en effet le risque que se développe en parallèle une filière de « l'escroquerie » à la rénovation thermique des bâtiments, à l'instar de ce qui s'est produit pour l'installation de panneaux photovoltaïques .

c) Il est nécessaire que des indicateurs assurent le suivi de l'efficacité énergétique des rénovations permises par MaPrimeRénov'

Quelles que soient les pistes d'amélioration retenues, il est indispensable de renforcer le suivi de l'efficacité des rénovations permises par la prime de transition énergétique . Dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022, la Cour des comptes déplore
qu' « au regard de ces montants, la mesure de l'efficacité des financements pour l'atteinte des objectifs de performance énergétique est particulièrement complexe et, en l'état des données disponibles, quasiment hors d'accès ».

Elle ajoute que la mesure de l'efficacité des dispositifs de rénovation énergétique se fonde davantage sur la mesure du nombre de logements rénovés et des subventions accordées, plutôt que sur les gains énergétiques, et les émissions de gaz à effet de serre évitées.

Il existe dans le projet annuel de performance de la mission « Plan de relance » un indicateur nommé « Nombre de logements sortis du statut de « passoire thermique » grâce à MaPrimeRénov' ». Il est déterminé à partir du nombre de dossiers propriétaires occupants de tous les déciles qui se sont vus accorder après audit le confirmant le forfait MaPrimeRénov' de sortie du statut de « passoire thermique », pour les dossiers déposés durant l'année de référence.

Le « forfait de sortie du statut de passoire thermique » est un bonus qui est attribué aux ménages qui ont effectué des travaux de rénovation ayant permis de faire sortir un logement de la catégorie « F » ou « G ». Le bonus est de 1 500 euros pour les ménages aux revenus modestes, et il est de 500 euros pour les ménages qui appartiennent aux plus hauts déciles de revenus.

Cet indicateur est voué à disparaître avec la mission « plan de relance ». Or, il était utile pour assurer le suivi de MaPrimeRénov', et en l'occurrence pour identifier ces faiblesses et prôner une amélioration du dispositif. En conséquence, il est nécessaire d'introduire un nouvel indicateur de performance , sur le suivi des rénovations performantes permises par la prime de transition énergétique, rattaché au programme 174.


* 19 L'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte définit le chèque énergie comme « un titre spécial de paiement permettant aux ménages dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond, d'acquitter notamment tout ou partie du montant des dépenses d'énergie relatives à leur logement ou des dépenses qu'ils assument pour l'amélioration de la qualité environnementale ou la capacité de maîtrise de la consommation d'énergie de ce logement » .

* 20 La première personne du ménage compte pour 1 UC, la deuxième pour 0,5 UC et les suivantes pour 0,3UC.

* 21 En fonction du revenu fiscal de référence et de la situation familiale.

* 22 Jusqu'au quatrième décile.

* 23 Au total, 185 millions d'euros supplémentaires ont donc été alloués au dispositif afin de pouvoir faire face à l'ensemble des demandes, portant le coût de la prime en 2020 à 575 millions d'euros.

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