N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 11a
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
(Programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 181 « Prévention des risques », 174 « Énergie, climat et après-mines », 345 « Service public de l'énergie »,
217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires »)

Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

I. EN 2023, DES CRÉDITS EN AUGMENTATION, APRÈS UNE GESTION BOULEVERSÉE EN 2022

A. LA MISSION A CONNU DES MODIFICATIONS IMPORTANTES EN GESTION

Dans le champ des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, les crédits s'élèvent à 23 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE ; + 6,7 milliards) et 21,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP ; + 5,8 milliards) .

La mission a fait l'objet d'ouvertures importantes de crédits en 2022 . Près de 3 milliards d'euros ont été ouverts en AE et en CP sur le programme 345 pour financer la première phase de la remise sur le carburant introduite à partir du mois d'avril, et la première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 6,4 milliards d'euros en AE et 6,0 milliards d'euros en CP sur le périmètre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » couvert dans le rapport. Le second projet de loi de finances rectificative, encore en cours de discussion et après première lecture par l'Assemblée nationale, a ouvert 2,3 milliards d'euros en AE et 1,8 milliard d'euros en CP sur la mission.

Au cours de l'examen du PLF pour 2023 , 3 milliards d'euros en AE et en CP ont été ouverts sur le programme 345 pour financer les boucliers tarifaires, et 500 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP ont été inscrits sur le programme 380, notamment pour renforcer les financements en faveur de la biodiversité.

Évolution des crédits à périmètre constant (hors programme 380)
entre 2022 et le PLF 2023 en milliards d'euros

Source : commission des finances du Sénat

B. UNE STABILISATION DES EFFECTIFS DE LA MISSION

Le schéma d'emplois ministériels du présent projet de loi de finances prévoit une stabilisation des effectifs (0 ETP), tandis que celui de l'année dernière était négatif (- 224 ETP). La légère diminution du plafond d'emploi total entre 2022 et 2023 correspond à des transferts entre les ministères et les opérateurs.

Évolution du nombre d'ETPT sous plafond du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, du Ministère de la transition énergétique et du secrétariat d'État chargé de la mer

Source : commission des finances du Sénat

Comme en 2022, les opérateurs de la mission voient une augmentation de leurs effectifs. Cette augmentation est portée principalement par l'Office français de la biodiversité et l'Agence de la transition énergétique (ADEME).

II. LA POLITIQUE DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ : UN RENFORCEMENT DES MOYENS EN 2023

A. UNE HAUSSE DE 30,4 MILLIONS D'EUROS DES CRÉDITS DU PROGRAMME 113 « PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ »

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit pour le programme une dotation de 274,5 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de 30,4 millions d'euros en AE et en CP par rapport à 2022 , ce qui représente une hausse de 12,5 %.

Les crédits consacrés aux aires protégées sur le programme 113 restent stables en 2023 . Les crédits de paiement inscrits sur le présent projet de loi de finances sont de 7,65 millions d'euros pour les parcs naturels régionaux, et de 26,8 millions d'euros pour les réserves naturelles nationales. Même en incluant les crédits qui seront déployés dans le cadre du fonds vert, les moyens actuels paraissent ainsi difficilement compatibles avec les objectifs de la stratégie nationale des aires protégées (SNAP).

Le financement de la biodiversité est en effet complété par des crédits issus du programme 380 . 150 millions d'euros en autorisations d'engagement sont ouverts pour l'accompagnement de la Stratégie nationale biodiversité 2030, et la politique de la biodiversité devra bénéficier d'une part des 500 millions d'euros supplémentaires adoptés par l'Assemblée nationale sur le fonds vert. Le programme 380 prend ainsi le relais de l'action 02 « Biodiversité, lutte contre l'artificialisation » du plan de relance. Si la poursuite de mesures en faveur de la biodiversité est la bienvenue, l'inscription de ces crédits dans le programme 380 plutôt que dans le programme 113 complexifie le financement des politiques de l'eau et de la biodiversité .

B. EN 2023, LES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ SONT PRÉSERVÉS, MAIS LE FINANCEMENT DES AGENCES DE L'EAU SOULÈVE DES QUESTIONS

Le plafond d'emplois des agences de l'eau est fixé pour 2023 à 1 497 ETPT, au même niveau qu'en 2022 et 2021 . Aussi, les effectifs des agences sont préservés, contrairement aux années précédentes : le schéma d'emplois s'élevait à - 39 ETP entre 2020 et 2021 et à - 43 ETP entre 2019 et 2020.

La subvention à l'Office français de la biodiversité est en hausse de 25 millions d'euros . Sur cette somme, 5 millions d'euros sont prévus pour financer la revalorisation du point d'indice, décidée à l'été 2022. Le reste a vocation à réduire le déficit de l'opérateur, et à assurer le financement de ses missions dans le cadre de son contrat d'objectif et de performance 2021-2025. Le plafond d'emplois de l'Office a été relevé de 84 ETP .

Le rapporteur spécial salue la préservation des moyens de l'OFB. La politique en faveur de la biodiversité n'est pas une politique mineure au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Elle présente des enjeux structurants, au même titre que la lutte contre le changement climatique .

Le 14 novembre 2022, la Première Ministre a annoncé un « renforcement » de 100 millions d'euros des moyens des agences de l'eau, pour améliorer la performance des réseaux d'irrigation. Or, il ne s'agit pas d'une véritable enveloppe complémentaire, mais d'une « autorisation » des agences à prélever sur leur trésorerie. En conséquence, cette présentation est trompeuse, alors que dans le contexte des sécheresses qui sont vouées à devenir de plus en plus fréquentes, la gestion de l'eau doit faire l'objet d'une véritable réflexion sur son financement .

III. LE PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES » CONTINUE SA MONTÉE EN CHARGE

A. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PRÉVENTION DES RISQUES SONT STABLES

Les crédits inscrits sur le programme 181 pour la prévention des risques naturels et technologiques sont quasiment stables entre 2022 et 2023 . Le déploiement des plans de prévention des risques naturels (PPRN) se poursuit : selon les dernières données disponibles, 15 077 communes sont désormais couvertes par un PPRN, tandis qu'elles étaient moins de 14 000 en 2021.

Après un abondement exceptionnel du fonds « Barnier » à la suite des inondations d'octobre 2020 dans les Alpes- Maritimes, le niveau des crédits attribués au fonds revient au niveau antérieur de 200 millions d'euros .

Le plafond d'emplois autorisé de l'ASN pour 2023 est de 457 ETPT, contre 445 ETPT en LFI pour 2022 . Hors transferts, l'ASN a obtenu la création de 6 ETPT pour 2023 . L'ASN a fait part, à plusieurs reprises, de ses besoins accrus en matière de moyens humains et financiers. En effet, l'ASN fait face à une charge plus lourde, compte tenu du renforcement de la sûreté du parc nucléaire français et du vieillissement des centrales nucléaires. L'année 2022 a été également marquée par le phénomène de la corrosion sous contrainte (CSC), qui a été identifiée sur le parc nucléaire français en octobre 2021.

Les crédits ouverts sur le programme 181 ne permettent pas d'avoir une vue d'ensemble de la politique de la prévention des risques . En effet, des financements sont également inscrits sur le programme 181 pour la lutte contre le recul du trait de côte, la prévention des inondations, des incendies, des cyclones et des risques émergents de montagne. La prise en compte de ces nouveaux risques, qui ne sont pas toujours couverts par le fonds Barnier, doit être saluée, mais leur inscription sur le programme 380 plutôt que sur le programme 181 interroge .

B. L'ADEME VOIT SES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS RENFORCÉS DANS LE CADRE DE L'EXTENSION DE SES MISSIONS (M. JEAN-FRANÇOIS HUSSON, RAPPORTEUR GÉNÉRAL 1 ( * ) )

Une subvention de 700,0 millions d'euros en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2023 , soit une augmentation de 101,7 millions d'euros par rapport à la dotation proposée en 2022. Le plan de relance et la désignation de l'ADEME comme opérateur de France 2023 a en effet conduit à un élargissement important de ses missions de l'ADEME mesures du plan de relance ont conduit à une augmentation très significative des budgets incitatifs de l'ADEME, et la désignation de l'ADEME comme opérateur de France 2030 a conduit à un élargissement de ses missions.

En conséquence, le plafond d'emploi de l'ADEME sera relevé de 90 ETP en 2023, dont 65 ETP relèvent de France 2030. Le rehaussement du plafond d'emploi était nécessaire, dans la mesure où en 2022, l'ADEME avait été contrainte de recruter des intérimaires pour faire face à l'élargissement de ses missions.

IV. LE PROGRAMME 380 : UN RECYCLAGE DES CRÉDITS DU PLAN DE RELANCE

Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » est un nouveau programme de la mission Écologie, développement et mobilité durables, inscrit dans le projet de loi de finances pour 2023. Il est doté de 1,5 milliard d'euros en AE et 375 millions d'euros en CP, complétés à l'Assemblée nationale par une enveloppe de 500 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP .

La répartition des crédits au sein des trois actions du programme n'est pas détaillée dans les documents budgétaires . La justification qui a été donnée au rapporteur spécial est que préciser la répartition des financements aurait pour conséquence de limiter le choix des collectivités territoriales dans les politiques menées. Toutefois, le financement de nombreuses politiques du fonds a été détaillé après coup dans la presse ou en audition devant le Parlement.

Il s'agit d'une première indication que la gestion du fonds vert ne sera en réalité pas entièrement « à la main » des collectivités territoriales. À ce stade, la mise en oeuvre des politiques menées dans le cadre du fonds vert ne semble pas différente de celle qu'elle était dans le cadre du plan de relance ou d'autres programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En effet, de nombreuses politiques menées dans le cadre du programme 380 sont des continuations des dispositifs du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Le fonds friches est directement tiré du plan de relance, tout comme les crédits consacrés à la rénovation thermique des bâtiments, les politiques de soutien au tri à la source et à la valorisation des bio-déchets, la prévention des risques et l'appui aux politiques de la biodiversité.

Le rapporteur spécial ne conteste pas l'utilité de pérenniser certaines mesures du plan de relance, dont certaines comme le fonds friches ont fait leurs preuves. Toutefois, il souligne que présenter ces crédits comme nouveaux et gérés de manière entièrement décentralisée est trompeur . La création du « fonds vert » semble davantage relever de l'effet d'annonce que de la volonté de mettre en place une nouvelle méthode de politiques publiques .

L'amendement n° 3106 du Gouvernement, considéré comme adopté par l'Assemblée, a abondé le fonds vert de 500 millions d'euros en AE supplémentaires. Cette mesure est présentée comme une « compensation » du projet de suppression de la CVAE, ce qui est très critiquable : elle revient en réalité à priver les collectivités du libre emploi d'une ressource fiscale qu'elles auraient dû percevoir, dans la mesure où la gestion du vert ne sera pas entièrement décentralisée .

V. LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET LA MISE EN oeUVRE DU BOUCLIER TARIFAIRE ONT BOULEVERSÉ LE MÉCANISME DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE ET LE PROGRAMME 345 QUI MANQUE SINGULIÈREMENT DE LISIBILITÉ AU DÉTRIMENT DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE

A. SES HABITUELLES DÉPENSES DE COMPENSATIONS DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE SE SONT MUÉES, POUR L'ÉTAT, EN PRÈS DE 40 MILLIARDS D'EUROS DE RECETTES EXCEPTIONNELLES

La flambée inédite des prix de l'énergie a bouleversé l'équilibre des compensations des charges de service public de l'énergie (CSPE). En raison de l'augmentation considérable des prix de l'électricité sur les marchés de gros européens, les mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) se sont mués en dispositif de prélèvement automatique des revenus exceptionnels des producteurs . Dit autrement, les compensations habituellement versées par l'État aux opérateurs se sont muées en recettes exceptionnelles . Ce phénomène, déjà annoncé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en octobre 2021, s'est révélé dans toute son ampleur dans les deux délibérations qu'elle a rendues exceptionnellement en 2022. Certains postes de charges demeurant positifs, comme par exemple la péréquation au profit des zones non interconnectées (ZNI), le solde des CSPE en 2023 devrait être négatif à hauteur de 35,7 milliards d'euros en 2023. Toutefois, d'après la CRE ce sont bien 38,9 milliards d'euros de recettes exceptionnelles que l'État pourrait percevoir en 2023 .

Recettes exceptionnelles attendues par l'État en 2023 au titre des CSPE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Le soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale, habituellement l'action la plus dotée du programme (entre 5 et 6 milliards d'euros depuis 2019) ne se voit allouer aucun crédit en 2023 dans la mesure où la hausse inédite des prix de l'électricité conduit les producteurs à être au contraire redevables de sommes considérables à l'État, à hauteur de 37 milliards d'euros. La production d'électricité éolienne terrestre contribuerait à elle seule à hauteur de 65 %, soit plus de 24 milliards d'euros, de ces recettes exceptionnelles.

Pour tenir compte de la réévaluation des charges de service public de l'énergie réalisée par la CRE en novembre 2022, le rapporteur spécial propose un amendement de diminution de crédits de 253,6 millions d'euros portant sur les mécanismes de soutien à la production de biométhane ainsi qu'à la cogénération.

Les charges prévisionnelles pour 2023 au titre des ZNI , restent en revanche nettement positives et elles sont même en augmentation de 15 % pour s'établir à 2,5 milliards d'euros . Cette évolution s'explique par le développement de nouvelles installations renouvelables sur ces territoires mais également par la hausse des surcoûts de la production réalisée à partir d'énergie fossile en raison de la hausse très sensible des prix des combustibles ainsi que de celui de la tonne de CO 2 . En effet, une part importante de l'électricité produite en ZNI reste dépendante de source d'énergies fossiles .

B. UN MANQUE DE LISIBILITÉ MANIFESTE DE LA PRÉSENTATION DES CRÉDITS RELATIFS AU BOUCLIER TARIFAIRE QUI AFFAIBLIT L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE

Pour soutenir certains consommateurs, des « boucliers tarifaires » sur le gaz et l'électricité ont été adoptés en loi de finances initiale pour 2022. L'article 181 de la loi de finances initiale pour 2022 a prévu que l'État compense le coût de ces mesures aux fournisseurs de gaz et d'électricité via le système des charges de service public de l'énergie (CSPE). Pour suivre ces compensations, une nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » a été ajoutée à la maquette du programme 345. L'évaluation prévisionnelle des compensations dues au titre des boucliers pour 2023 est de 20 milliards d'euros pour le gaz et de 25 milliards d'euros pour l'électricité . En outre, 2 milliards d'euros devraient être dus aux fournisseurs en 2023 au titre du bouclier sur l'électricité de 2022 . Le niveau prévisionnel des compensations dues par l'État en 2023 au titre des dispositifs de boucliers atteint ainsi environ 47 milliards d'euros .

Montant prévisionnel de compensations financières dues aux fournisseurs en 2023 au titre des mécanismes de boucliers tarifaires

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Du fait du mécanisme de gestion des charges de service public de l'énergie, les recettes exceptionnelles dues par les producteurs d'EnR, qui transitent par les fournisseurs, au premier rang desquels EDF et sa filiale EDF obligation d'achat, viennent elle-même couvrir en partie les compensations dues par l'État aux fournisseurs. Ces phénomènes de compensation expliquent que seul un coût prévisionnel net de 9 milliards d'euros ait été inscrit en crédits budgétaires sur l'action 17 plutôt que le coût prévisionnel brut réel de 47 milliards d'euros.

Détermination des montants inscrits en crédits à l'action 17 du programme 345

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les informations portées sur le projet annuel de performance pour décrire les modalités de calcul des montants de crédits inscrits à l'action 17 manquent très singulièrement de clarté et ne permettent pas d'éclairer suffisamment le législateur . La portée de l'autorisation parlementaire s'en trouve affectée , ce qui est regrettable s'agissant de dispositifs si majeurs et qui portent de tels enjeux financiers.

VI. LE PROGRAMME 174 : UNE EXÉCUTION 2022 BOULEVERSÉE ET DES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES QUI CONDUISENT À SUBVENTIONNER LES INDUSTRIES DE NOS RIVAUX ÉCONOMIQUES

Au cours de la gestion 2022 les crédits du programme 174 ont été bouleversés par différentes mesures prises notamment pour répondre aux conséquences de la crise de l'énergie. La première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert des crédits pour 5,7 milliards d'euros en AE et 5,3 milliards d'euros en CP. Nettement supérieures au total des crédits inscrits en loi de finances initiale, ces ouvertures ont servi à financer la prolongation de la remise sur les carburants, une majoration des crédits du dispositif MaprimRénov, une augmentation des crédits consacrés au bonus écologique ou encore une aide exceptionnelle pour le fioul domestique. Pour l'exercice 2022, les crédits disponibles sur le programme 174 atteignent ainsi des niveaux exceptionnels .

Évolution des AE du programme 174 en cours de gestion 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le dispositif de chèque énergie a lui aussi été transformé par la crise . Il a été utilisé comme un levier pour atténuer le choc de la crise des prix sur les ménages les plus fragiles. Ainsi, un chèque exceptionnel de 100 euros a-t-il été versé à la fin de l'année 2021 pour un coût de 600 millions d'euros. Au total, au titre de la campagne 2021 , le coût du chèque énergie a ainsi dépassé 1,4 milliard d'euros . En outre, la première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 230 millions d'euros pour une aide en faveur des consommateurs de fioul domestique. Elle prend la forme d'un chèque énergie exceptionnel. Par ailleurs, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 actuellement en discussion prévoit d'ouvrir de nouveaux crédits pour attribuer un chèque énergie exceptionnel et élargi pour un coût de 1,8 milliard d'euros . Cette mesure exceptionnelle doit viser 12 millions de ménages. Pour la campagne 2022 , le coût total du dispositif de chèque énergie devrait ainsi avoisiner les 2,9 milliards d'euros . En 2023 , les crédits dévolus au dispositif du chèque énergie sont prévus à hauteur de 899 millions d'euros en AE et 795 millions d'euros en CP .

En 2023, le dispositif MaPrimeRénov' est prévu pour être doté de 2,45 milliards d'euros en AE, et 2,3 milliards d'euros en CP . Malgré le nombre élevé de demandes, le bilan de la prime de transition énergétique est décevant. D'après un rapport de la Cour des comptes publié en mars 2022, seuls 2 100 logements en 2021 sont sortis du statut de « passoire thermique » (étiquette « F » et « G »), sur un objectif de 80 000. À l'heure actuelle, le dispositif ne favorise pas suffisamment les rénovations globales et multi-gestes. Il doit également faire l'objet d'un meilleur suivi. Pour cette raison, le rapporteur spécial présente un amendement visant à créer un nouvel indicateur de performance.

Plus de 80 % des véhicules électriques achetés en France sont importés . Au cours des neufs premiers mois de l'année 2022, les bonus écologiques alloués pour l'achat de véhicules produits en France ne représentent qu'à peine un cinquième du total . Alors que la Chine domine plus de 50 % de la chaîne de valeur des voitures électriques et que la France et l'Europe ont accumulé un retard conséquent en la matière, les aides à l'acquisition de véhicules propres conduisent actuellement principalement à subventionner des industries étrangères . Cette tendance risque de s'amplifier dans les années à venir avec la menace d'une arrivée massive sur le marché européen de véhicules électriques à bas coûts vendus par des constructeurs chinois. Alors que les États-Unis viennent de mettre en place un dispositif de protection très robuste , l'Europe ne dispose toujours pas d'un mécanisme efficace garantissant a minima que le principe de réciprocité soit respecté par ses principaux concurrents. Des concurrents économiques qui peuvent par ailleurs également être des rivaux géopolitiques. Si une filière souveraine française et européenne semble en voie de construction, il lui faudra du temps pour rattraper son retard et être compétitive. En attendant son émergence et la mise en oeuvre d'une véritable préférence européenne, il convient de contenir les aides à l'acquisition de véhicules propres en les ciblant sur les plus modestes.

Pour ces raisons, le rapporteur spécial présente un amendement de diminution des crédits de 500 millions d'euros qui vise d'une part les dépenses allouées au dispositif de « leasing social » et, d'autre part, ceux dédiés au bonus et à la prime à la conversion. En l'état actuel, ces crédits publics reviendraient largement à subventionner des producteurs et industries étrangères qui ne respectent pas toujours, loin de là, le principe de réciprocité.

VII. LE RAPPORTEUR SPÉCIAL POURSUIT SES TRAVAUX DE CONTRÔLE SUR UN SUJET SENSIBLE ET D'ACTUALITÉ : L'INDEMNISATION DU RISQUE RETRAIT - GONFLEMENT DES ARGILES

En 2022, le rapporteur spécial a entamé une mission de contrôle sur le risque retrait-gonflement des argiles (RGA), en pleine recrudescence du fait des dérèglements climatiques , d'une sensibilité exacerbée du fait de ses conséquences humaines et dont les conditions d'indemnisation, qui à ce jour ne satisfont personne , sont fortement remises en cause. Du fait de ses caractéristiques particulières et de sa cinétique longue, son appartenance actuelle au régime d'indemnisation des catastrophes naturelles est questionnée . Le système actuel n'est clairement pas satisfaisant , notamment s'agissant de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle mais aussi des expertises d'assurance qui conduisent à un taux très significatif de dossiers rejetés. Le rapporteur spécial présentera ses conclusions en 2023.

Réunie le mercredi 16 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par ses amendements, de même que l'adoption d'un amendement modifiant les indicateurs de performance mentionnés à l'état G. Elle a proposé d'adopter, sans modification, les articles 42 bis , 42 ter et 42 quater , ainsi que les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

Au 10 octobre 2022, date limite fixée par la LOLF, 77 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues au rapporteur spécial .


* 1 La partie du rapport consacrée à l'ADEME est rédigée au nom du Rapporteur général.

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