Rapport général n° 115 (2022-2023) de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 1

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

En 2023, les crédits de la mission Action extérieure de l'État progresseraient de + 5,4 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances pour 2022 en autorisations d'engagement et de 5,2 % en crédits de paiement. Corrigés de l'inflation hors tabac, les crédits de la mission augmentent en moyenne de 1 % en autorisations d'engagement et de 0,9 % en crédits de paiement.

Évolution des crédits
de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros)

2022

2023

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

corrigée de l'inflation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

1 951,0

1 953,8

2 084,8

2 083,0

133,8

129,2

6,9

6,6

2,5

2,2

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

373,9

374,0

391,6

391,4

17,7

17,4

4,7

4,6

0,4

0,3

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

730,8

730,8

743,8

743,8

13,0

13,0

1,8

1,8

- 2,4

- 2,4

Action extérieure de l'État

3 055,7

3 058,6

3 220,2

3 218,1

164,5

159,5

5,4

5,2

1,0

0,9

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Sur l'horizon du budget triennal proposé à l'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques, les crédits de la mission Action extérieure de l'État progresseront de 0,3 milliard d'euros en valeur d'ici à 2025 mais diminueront en volume de 0,1 milliard d'euros.

Évolution des crédits de la mission au cours de la période 2023-2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

I. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE PERSONNEL, D'IMMOBILIER ET DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES

A. DES DÉPENSES DE PERSONNEL POUSSÉES À LA HAUSSE PAR LES INDEMNITÉS DE RESIDENCE À L'ÉTRANGER ET DE NOUVELLES MESURES CATÉGORIELLES

La plus importante hausse de crédits de la mission Action extérieure de l'État concerne les dépenses de personnel qui augmentent de 64 millions d'euros. Cette évolution s'explique d'abord en raison de l'augmentation du coût des indemnités de résidence à l'étranger (IRE).

Ensuite, le ministère devrait engager, en 2023, près de 10 millions d'euros de mesures catégorielles nouvelles après 20 millions d'euros en 2022. Ces mesures s'ajoutent à l'effet de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique sur les crédits de la mission, qui est estimée à 7 millions d'euros.

Enfin, la mission bénéficiera, en 2023, de la création de 106 emplois équivalents temps plein supplémentaires pour un coût de 8 millions d'euros.

Décomposition des facteurs d'évolution
des dépenses de personnel de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. UNE DÉPRÉCIATION DE L'EURO QUI ENTRAINE UN RENCHÉRISSEMENT IMPORTANT DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES

Les crédits demandés au titre des contributions versées par la France au profit des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix (OMP) progressent fortement en 2023 (+ 55,3 millions d'euros, soit + 8,5 %).

La hausse du coût des contributions internationales porte sur celles versées dans une devise autre que l'euro et, plus particulièrement, en dollar. En effet, la dépréciation continue de l'euro par rapport au dollar depuis le milieu de l'année 2021 tend à renchérir le coût effectif des contributions alors même que, dans certains, cas leur montant en dollar diminue.

Évolution du coût des contributions internationales en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cette année, le ministère des affaires étrangères et l'Agence France Trésor ont enclenché le mécanisme de couverture de change dès le début de la budgétisation ce qui a permis de figer un taux de conversion relativement favorable. Les pertes au change du ministère lors du versement des contributions devraient donc être limitées cette année.

C. DES DÉPENSES D'IMMOBILIER QUI PROGRESSENT À L'ÉTRANGER ET EN FRANCE

Les crédits demandés au titre des dépenses immobilières du ministère des affaires étrangères augmentent fortement en 2023 , en particulier en autorisations d'engagement : + 20 % s'agissant des opérations à l'étranger et + 36,4 % s'agissant des opérations en France. Ils s'élèvent à 124,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 120 millions d'euros en crédits de paiement.

Évolution des dépenses d'immobilier de la mission

(en millions d'euros)

Entretien et maintenance en France

Entretien lourd et sécurité en AE :

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les dépenses d'entretien et maintenance en France sont particulièrement dynamiques en France en raison de la hausse des prix de l'énergie. Les dépenses d'entretien lourd augmentent surtout à l'étranger (+ 10,7 millions d'euros en AE) où elles permettent de mettre en oeuvre le schéma directeur immobilier pluriannuel du ministère.

II. UN RENFORCEMENT DES CRÉDITS DE L'AEFE ET DES MOYENS STABLES POUR LA DIPLOMATIE CULTURELLE ET D'INFLUENCE

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS VERSÉS À L'AEFE

En 2023, le montant demandé au titre de la subvention pour charges de service public de l'AEFE s'élève à 441,2 millions d'euros et représente, ainsi, 47,7 % des ressources de l'agence.

Le montant de la subvention est en augmentation de 28 millions d'euros en 2023 ce qui se justifie par le choix du ministère de :

- compenser à l'opérateur les coûts supplémentaires résultant de la révision du point d'indice de la fonction publique (13 millions d'euros) ;

- compenser les charges liées à la réforme statutaire d'une partie des agents de l'AEFE en raison d'une évolution jurisprudentielle quant aux modalités de calcul de leurs indemnités (7 millions d'euros) ;

- confier à l'AEFE la mise en oeuvre d'une part de l'aide française versée au Liban (10 millions d'euros).

La subvention pour charges de service public versée à l'AEFE revient donc, en valeur, à un niveau supérieur à celui constaté en 2012 mais inférieur à celui-ci une fois pris en compte l'inflation.

Évolution de la subvention pour charges de service public
versée à l'AEFE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En outre, un peu plus de 105,7 millions d'euros sont demandés au titre de l'action Accès des élèves français au réseau de l'AEFE du programme 151, soit une hausse de plus de 10 millions d'euros par rapport à 2022.

B. DES CRÉDITS STABLES EN VALEUR POUR LA DIPLOMATIE CULTURELLE

Retraitées du transfert de la gestion de l'opérateur Atout France vers le ministère de l'économie et finances et hors subvention versée à l'AEFE, les crédits demandés au titre de la diplomatie culturelle et d'influence augmentent de 4,1 % en valeur et diminuent de 0,2 % une fois corrigés de l'inflation.

Évolution des crédits du programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence hors subvention à l'AEFE

(en millions d'euros - en pourcentage)

2022

2023

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Appui au réseau

40,2

40,2

40,3

40,3

0,2

0,2

0,4

0,4

- 3,7

- 3,7

Coopération culturelle et promotion du français

68,2

68,2

68,4

68,4

0,2

0,2

0,3

0,3

- 3,8

- 3,8

Dépenses de personnel concourant au programme

70,7

70,7

72,6

72,6

1,9

1,9

2,7

2,7

- 1,5

- 1,5

Diplomatie économique et attractivité

2,2*

2,2*

11,9

11,9

9,8

9,8

452,5

452,5

429,7

429,7

Enseignement supérieur et recherche

101,6

101,6

101,2

101,2

- 0,4

- 0,4

- 0,4

- 0,4

- 4,5

- 4,5

Objectifs de développement durable

2,4

2,4

2,4

2,4

0,0

0,0

0,0

0,0

- 4,1

- 4,1

185 - Diplomatie culturelle et d'influence hors subvention à l'AEFE

285,2

285,2

296,8

296,8

11,7

11,7

4,1

4,1

- 0,2

- 0,2

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Malgré le transfert de la compétence « Tourisme » auprès du ministère de l'économie et des finances, l'action Diplomatie économique et attractivité emporte une demande d'ouverture de 11,9 millions d'euros de crédits en 2023. Ces crédits devraient permettre de couvrir les dépenses exposées pour la mise en oeuvre des campagnes de communication de promotion de la destination France (5,8 millions d'euros) et la participation française à l'exposition universelle d'Osaka (5,4 millions d'euros).

Les crédits de l'action Coopération culturelle et apprentissage du français évoluent faiblement en 2023 (environ + 200 000 euros) et sont reconduits quasiment à l'identique . De même, la subvention pour charges de service public de l'Institut français de Paris est stable depuis 2020.

L'action Enseignement supérieur et recherche du programme 185 regroupe les crédits dédiés à la promotion de l'attractivité de l'enseignement supérieur en France. Elle permet notamment d'assurer le financement de l'opérateur Campus France , des moyens des services centraux et déconcentrés ainsi que des programmes d'échange et des bourses internationales du Gouvernement français. En 2023, les crédits demandés au titre de cette action s'élèvent à 101,6 millions d'euros, en légère baisse de 444 258 euros.

Dotée de 40,3 millions d'euros en 2023, l'action Appui au réseau regroupe les crédits à destination du réseau culturel et de coopération et des organismes de coordination au niveau central. La majorité des crédits (36,2 millions d'euros) est dédiée au financement par les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des Instituts français. La dotation versée est stable par rapport à 2022. D'après les documents budgétaires, les établissements à autonomie financière - qui regroupent les instituts français et les instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) - sont déficitaires d'environ 43 millions d'euros en 2022 et font face à une importante hausse de leurs charges en particulier de sous-traitance, de rémunération et de fonctionnement.

III. UN RÉSEAU CONSULAIRE QUI VOIT SES EFFECTIFS AUGMENTER

À l'exclusion des dépenses prévues pour les bourses aux élèves de l'AEFE, les crédits du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires, augmentent de 2 % pour atteindre 285,9 millions d'euros. La principale hausse des crédits demandés concerne les moyens dédiés à l'instruction des demandes de visa. La majorité des crédits (227,4 millions d'euros) sur le programme 151 sont dédiés au financement de l'action Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger. Depuis 2022, le programme connaît une augmentation de ses effectifs qui fait suite à une période de baisse importante de ces derniers (- 169 ETPT entre 2018 et 2021). En parallèle, l'administration modernise ses moyens de prise en charge des usagers. Un service téléphonique de centralisation les appels vers les postes consulaires de 13 pays européens est actuellement en expérimentation dans les locaux du ministère à La Courneuve. Il est doté de 2,3 millions d'euros en AE et de 1,9 million d'euros en CP.

Évolution des emplois sous plafonds du programme 151

(en équivalent temps plein travaillé)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Un article 41 A nouveau est rattaché à la mission Action extérieure de l'État. Il a été inséré en première lecture à l'Assemblée nationale par le Gouvernement et a pour objet de créer une structure parallèle à l'AEFE pour assurer la gestion et la direction des établissements en gestion directe. Pour les rapporteurs spéciaux une telle réforme requiert des concertations préalables. En outre, ils observent que le dispositif est sans lien avec le domaine des lois de finances. Pour ces raisons, ils proposeront la suppression de cet article.

Réunie le mercredi 9 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission. Elle a également décidé de proposer la suppression de l'article 41 A.

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

À la date du 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, les rapporteurs spéciaux n'avaient reçu aucune des réponses. Celles-ci sont pour la majorité d'entre elles parvenues à partir
du 20 octobre 2022.

LES CRÉDITS DE LA MISSION ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT DEMANDÉS AU PROJET DE
LOI DE FINANCES POUR 2023

I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT EN 2023 ET POUR LA PÉRIODE TRIENNALE 2023-2025

A. LES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2023

Évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

2022

2023

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action extérieure de l'État

3 055,7

3 058,6

3 220,2

3 218,1

164,5

159,5

5,4

5,2

1,0

0,9

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

1 951,0

1 953,8

2 084,8

2 083,0

133,8

129,2

6,9

6,6

2,5

2,2

Action européenne

143,8

143,8

134,8

134,8

- 9,0

- 9,0

- 6,3

-6,3

- 10,1

- 10,1

Contributions internationales

652,2

652,2

707,5

707,5

55,3

55,3

8,5

8,5

4,0

4,0

Coopération de sécurité et de défense

110,0

110,0

115,4

115,4

5,4

5,4

4,9

4,9

0,6

0,6

Coordination de l'action diplomatique

98,1

98,1

106,7

106,7

8,7

8,7

8,8

8,8

4,4

4,4

Réseau diplomatique

689,7

689,5

749,0

740,3

59,3

50,8

8,6

7,4

4,1

2,9

Soutien

257,1

260,1

271,3

278,3

14,2

18,1

5,5

7,0

1,2

2,6

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

373,9

374,0

391,6

391,4

17,7

17,4

4,7

4,6

0,4

0,3

Accès des élèves français au réseau AEFE

95,5

95,5

105,8

105,8

10,2

10,2

10,7

10,7

6,1

6,1

Instruction des demandes de visa

54,2

54,2

58,4

58,4

4,2

4,2

7,8

7,8

3,4

3,4

Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger

224,2

224,3

227,5

227,2

3,2

2,9

1,4

1,3

- 2,7

- 2,9

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

730,8

730,8

743,8

743,8

13,0

13,0

1,8

1,8

- 2,4

- 2,4

Agence pour l'enseignement français à l'étranger

416,9

416,9

446,9

446,9

30,0

30,0

7,2

7,2

2,8

2,8

Appui au réseau

40,2

40,2

40,3

40,3

0,2

0,2

0,4

0,4

- 3,7

- 3,7

Coopération culturelle et promotion du français

68,2

68,2

68,4

68,4

0,2

0,2

0,3

0,3

- 3,8

- 3,8

Dépenses de personnel concourant au programme

70,7

70,7

72,6

72,6

1,9

1,9

2,7

2,7

- 1,5

- 1,5

Diplomatie économique et attractivité

30,9

30,9

12,0

12,0

- 18,9

- 18,9

- 61,2

- 61,2

- 62,8

- 62,8

Enseignement supérieur et recherche

101,6

101,6

101,2

101,2

- 0,4

- 0,4

- 0,4

- 0,4

- 4,5

- 4,5

Objectifs de développement durable

2,4

2,4

2,4

2,4

0,0

0,0

0,0

0,0

- 4,1

- 4,1

Note : les prévisions d'inflation correspondent à la prévision d'inflation hors tabac figurant au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2023.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En 2023, les crédits de la mission Action extérieure de l'État progresseraient de + 5,4 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances pour 2022 en autorisations d'engagement et de 5,2 % en crédits de paiement.

Corrigés de l'inflation hors tabac, les crédits de la mission augmentent en moyenne de 1 % en autorisations d'engagement et de 0,9 % en crédits de paiement.

Hors contribution au CAS « Pension », les crédits de l'ensemble de la mission progressent de 151 millions d'euros soit une variation de 5,2 % en valeur et de 0,9 % corrigé de l'inflation.

Les hausses de crédits les plus importantes concernent les dépenses de personnel, notamment portées par l'action Réseau diplomatique du programme 105, qui progressent d'environ 64 millions d'euros sous l'effet de l'évolution du montant des indemnités de résidence à l'étranger , de mesures catégorielles nouvelles et de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

Le coût des contributions internationales est également haussier de plus de 55 millions d'euros ce qui s'explique pour partie par la dépréciation de l'euro face au dollar.

Les dépenses immobilières en investissement et en fonctionnement progressent quant à elles fortement : + 23,4 millions d'euros pour les seules autorisations d'engagements.

Les crédits prévus en faveur du réseau consulaire et de la diplomatie culturelle et d'influence augmentent notamment sous l'effet de la hausse de la subvention pour charges de service public versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et des bourses versées aux élèves du réseau.

B. LA PROGRAMMATION DES CRÉDITS DE LA MISSION DANS LE CADRE DU TRIENNAL 2023-2025

L'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2025 présente l'évolution du plafond des crédits de paiement des missions du budget général, hors contribution au CAS « Pensions ».

D'ici à 2025, le Gouvernement prévoit une augmentation d'environ 300 millions d'euros des crédits de la mission Action extérieure de l'État. Corrigée de l'inflation, cette trajectoire correspond à une diminution des crédits de la mission d'environ 100 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en 2022

Évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État
au cours du triennal 2023-2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027

II. LES OBSERVATION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL VINCENT DELAHAYE

Les crédits demandés pour le programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde augmentent de 133,8 millions d'euros en autorisation d'engagement et de 129,2 millions d'euros en crédits de paiement.

Évolution des crédits du programme 105 - Action de la France en Europe
et dans le monde
de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

2022

2023

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

1 951,0

1 953,8

2 084,8

2 083,0

133,8

129,2

6,9

6,6

2,5

2,2

Action européenne

143,8

143,8

134,8

134,8

- 9,0

- 9,0

- 6,3

- 6,3

- 10,1

- 10,1

Contributions internationales

652,2

652,2

707,5

707,5

55,3

55,3

8,5

8,5

4,0

4,0

Coopération de sécurité et de défense

110,0

110,0

115,4

115,4

5,4

5,4

4,9

4,9

0,6

0,6

Coordination de l'action diplomatique

98,1

98,1

106,7

106,7

8,7

8,7

8,8

8,8

4,4

4,4

Réseau diplomatique

689,7

689,5

749,0

740,3

59,3

50,8

8,6

7,4

4,1

2,9

Soutien

257,1

260,1

271,3

278,3

14,2

18,1

5,5

7,0

1,2

2,6

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial Vincent Delahaye observe que, pour ce programme comme pour l'ensemble de la mission, la tendance est à la hausse des crédits sans que cela ne s'accompagne toujours d'une présentation claire des motifs de ces évolutions.

En outre, il constate que le ministère n'a pas systématiquement recherché à financer ses dépenses nouvelles par des économies par ailleurs.

Ainsi au sein de l'action Coordination de l'action diplomatique du programme 105, les dépenses de communication augmentent de 2,5 millions d'euros afin, notamment, de mettre en oeuvre des opérations de lutte contre la désinformation.

Pour utile que soit cette dépense, il apparait qu'elle aurait pu donner lieu à la réalisation d'économies par ailleurs , ce qui n'a pas été le cas comme l'ont montré les auditions organisées par les rapporteurs spéciaux.

Or, alors que la dépréciation de l'euro face au dollar , d'une part, et l'inflation au niveau monde , d'autre part, participent à accroitre fortement les dépenses de la mission (les dépenses de fonctionnement des ambassades augmentent, par exemple, de 2,5 millions d'euros et les contributions internationales de 55,3 millions d'euros), il importe que des économies soient recherchées partout où elles peuvent l'être.

À cet égard, le rapporteur spécial Vincent Delahaye rappelle que la trajectoire d'évolution des crédits proposée par le Gouvernement pour le triennal 2023-2025 implique de réaliser des économies en volume.

Sauf à considérer - ce que les auditions n'ont pas permis d'exclure - que cette trajectoire ne repose pas sur une prévision objective des besoins et des efforts, le ministère des affaires étrangères va devoir engager une réflexion sur les économies qu'il est en mesure de produire dès 2024.

La dynamique des dépenses de personnel, largement soutenue par de nouvelles mesures catégorielles, ne donne pas le sentiment que des efforts de maîtrise des dépenses soient à l'ordre du jour.

1. Une augmentation importante des contributions internationales qui résulte essentiellement de la dépréciation de l'euro

Les crédits demandés au titre des contributions versées par la France au profit des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix (OMP) progressent fortement en 2023 (+ 55,3 millions d'euros, soit + 8,5 %).

Évolution des crédits dédiés au financement
des contributions internationales du programme 105

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

a) Les contributions internationales augmentent en raison de la dépréciation de l'euro face au dollar

La hausse du coût des contributions internationales porte sur celles versées dans une devise autre que l'euro et, plus particulièrement, en dollar.

En effet, la dépréciation continue de l'euro par rapport au dollar depuis le milieu de l'année 2021 tend à renchérir le coût effectif des contributions alors même que, dans certains, cas leur montant en dollar diminue.

Évolution du taux de change euro-dollar

(en dollar)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du Consensus Forecasts de janvier 2021 à octobre 2022

Parmi les contributions versées en devises en 2023 (217,4 millions d'euros), la hausse la plus importante concerne l'Organisation des Nations unies dont le coût augmente de près de 10,6 millions d'euros. Le coût du financement des opérations de maintien de la paix progresse d'environ 11 %.

b) L'évolution défavorable du taux de change de l'euro montre toute l'importance du mécanisme de couverture du change entre le ministère des affaires étrangères et l'Agence France Trésor

Dans le contexte d'incertitudes sur l'évolution des changes à moyen terme, les rapporteurs spéciaux estiment que le mécanisme de couverture du risque de change institué entre le ministère et l'Agence France Trésor (AFT) présente un caractère stratégique.

Dans le cadre de ce dispositif, le ministère des affaires étrangères passe à l'AFT des ordres d'achats à terme de devises en lui indiquant le taux de change acceptable qu'il retient. Ainsi saisie, l'AFT met en oeuvre une opération de couverture auprès des organismes spécialistes en valeur du Trésor (SVT).

L'objectif et l'intérêt de cette opération pour le ministère des affaires étrangères est de geler le montant de ses contributions en devises et le coût de cette dépense en euro.

Depuis 2018, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change contribuant à sécuriser entre 80 % et 90 % du montant de ses contributions en dollar.

Les rapporteurs spéciaux notent avec satisfaction que la mise en oeuvre du mécanisme de couverture a été effectuée, cette année, dès le début de la budgétisation. Auparavant, le mécanisme était activé après l'adoption du budget ce qui n'allait pas sans susciter des difficultés lorsque le taux de change retenu en budgétisation et le taux de marché avaient trop fortement divergé, générant au plan budgétaire une perte ou un gain au change pour le ministère.

Présentation des taux de change euro-dollar pris en compte dans l'analyse du coût des contributions internationales du programme 105

(en dollar)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et la prévision d'octobre 2022 du Consensus Forecasts

Pour l'année 2023, le taux de change retenu par l'AFT pour son opération d'achat à terme (OAT) s'élève à 1,1 et porte sur 90 % du montant des contributions versées en devises.

Il est relativement proche du taux de budgétisation qui s'élève à 1,06 et qui constitue la référence pour évaluer in fine l'ampleur des pertes ou des gains au change réalisés par le ministère lors du versement des contributions.

Le taux retenu par l'AFT pour son OAT est ainsi proche de celui anticipé « dans un an » par le Consensus Forecasts au mois de mai 2022 .

Il apparait désormais très supérieur à la fois au taux de change constaté au mois d'octobre 2022 (0,97) et à la prévision de taux de change « dans trois mois » (0,99) et « dans un an » (1,03) des conjoncturistes ce qui est favorable au ministère des affaires étrangères.

En d'autres termes et en effet, si le versement des contributions devait être effectué dans trois mois au taux anticipé par les conjoncturistes - c'est-à-dire 0,99 -, le mécanisme de couverture permettrait :

- d'éviter une perte au change d'environ 6,8 % par rapport au taux de budgétisation qui serait supportée par le ministère des affaires étrangères (soit environ 24 millions d'euros pour la part des contributions versées en dollars) ;

- de réduire le coût de l'opération de couverture d'environ 3,9 % pour l'AFT par rapport à un scénario ou le taux de marché à date serait égal au taux de référence de l'opération de couverture.

Les rapporteurs spéciaux rappellent toutefois que pour 10 % d'entre elles, les contributions en devises ne sont pas couvertes par l'OAT de l'AFT. L'évaluation de leur coût en euros a été réalisée sur la base du taux de budgétisation de 1,06.

Dans ce contexte, si les versements devaient être effectués dans trois mois, ils entraineraient une perte au change qui peut être évaluée à 2,7 millions d'euros pour la seule part des contributions versées en dollars.

c) Certaines contributions augmentent afin de marquer les priorités françaises en 2023

Le montant des crédits demandés au titre des contributions versées en euros progresse de 1,6 % en 2023 , soit trois millions d'euros. N'étant pas affectées, par construction, par la dépréciation des taux de change, les évolutions de ces contributions rendent davantage compte des priorités politiques poursuivies par le ministère des affaires étrangères.

Ainsi, la principale source d'augmentation des dépenses concerne les versements au profit de l'OTAN qui sont en hausse de 9,7 millions d'euros. Cette variation rend compte de la décision prise par les chefs d'État et de gouvernement d'augmenter de 10 % le budget civil de l'organisation à l'occasion du sommet de Madrid de juin 2022.

À l'inverse, le montant de certaines contributions diminue dans des proportions importantes à l'instar des versements prévus au profit de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui diminuent de 7,4 millions d'euros.

Cette baisse s'explique par la décision de la Russie de bloquer le renouvellement de la Mission spéciale d'observation de l'OSCE en Ukraine. Les crédits consacrés par la France au financement de cette opération seraient redéployés vers d'autres actions en faveur de l'Ukraine.

Enfin, certaines contributions en devises verraient leur financement augmenter indépendamment des effets de change. Ainsi, le ministère prévoit de doubler les crédits accordés au dispositif des jeunes experts associés (JEA) qui permet d'accompagner des ressortissants français qui rejoignent les effectifs des organisations internationales à des fonctions d'expertise et d'encadrement.

2. Sous l'effet de l'inflation et d'une programmation dynamique en matière de travaux, les dépenses immobilières augmentent fortement

Les crédits demandés au titre des dépenses immobilières du ministère des affaires étrangères augmentent fortement en 2023 , en particulier en autorisations d'engagement : + 20 % s'agissant des opérations à l'étranger et + 36,4 % s'agissant des opérations en France.

Ils s'élèvent à 124,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 120 millions d'euros en crédits de paiements.

Évolution des dépenses immobilières de la mission à l'étranger

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses immobilières de la mission en France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En France, les dépenses progressent essentiellement en raison de la hausse des coûts de l'énergie qui pèse sur les charges de maintenance et d'entretien. À l'inverse, à l'étranger, les crédits sont poussés à la hausse par l'augmentation des dépenses d'entretien lourd.

a) Les dépenses de maintenance et d'entretien augmentent notamment sous l'effet de hausse des prix de l'énergie

Hors entretien lourd, les dépenses immobilières du ministère progressent essentiellement en France et de façon très importante . En effet, les dépenses de maintenance et d'entretien doublent quasiment pour atteindre 15,8 millions d'euros.

Pour plus de la moitié, cette évolution s'explique par l'augmentation des coûts du poste fluides et énergie qui résulte de la hausse générale des prix de l'énergie.

Les dépenses d'entretien et de maintenance progressent également à l'étranger d'environ 1,4 million d'euros , partiellement compensés par une économie sur les dépenses de location d'environ 0,2 million d'euros. Ces dépenses constituent, selon le ministère, une « priorité absolue pour éviter une dégradation de nos emprises à l'étranger ».

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière de la mission
à l'étranger

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière de la mission
en France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

b) Les dépenses d'investissement en matière immobilière progressent fortement à l'étranger

À l'étranger, les dépenses d'entretien lourd augmentent
de 10,7 millions d'euros en AE et de 2,6 millions d'euros en CP en 2023
par rapport à 2022, en tenant compte des ressources mises à disposition l'année précédente via le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Évolution des dépenses d'entretien lourd de la mission
en autorisations d'engagement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Dans le cadre du schéma directeur immobilier pluriannuel à l'étranger pour les années 2020 à 2025, le ministère a identifié 200 projets structurants au sein desquels des interventions prioritaires ont été retenues . Certains projets présentent une envergure importante à l'instar de la rénovation de l'ambassade de Bangui dont les locaux ont été dégradés par un incendie.

En France, les crédits demandés en AE diminuent d'environ 2,3 millions d'euros en AE et progressent très faiblement en CP (+ 0,4 million d'euros).

Les rapporteurs spéciaux rappellent qu'ils conduisent actuellement un travail de contrôle portant sur l'immobilier des affaires étrangères dont les conclusions seront présentées au début de l'année 2023.

Évolution des dépenses d'entretien lourd de la mission
en crédits de paiement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

3. Les efforts entrepris au début du quinquennat précédent pour maîtriser les dépenses de personnel sont près d'être effacés par le relâchement des années 2022 et 2023

Les crédits demandés en 2023 pour couvrir les dépenses de personnel s'élèvent à 929 millions d'euros hors contributions au CAS « Pensions », soit une augmentation en valeur de 7,3 % par rapport à l'année 2022, soit 63,2 millions d'euros.

Le rapporteur spécial Vincent Delahaye observe que corrigée de l'inflation, l'augmentation des dépenses de personnel s'élève à 2,9 %. Il s'agit d' une hausse très importante en comparaison de la dynamique observée au cours de précédent quinquennat puisque la croissance des dépenses de personnel avait été contenue à environ + 0,1 % par an en volume.

Évolution des dépenses de personnel de la mission

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les comptes nationaux de l'INSEE au troisième trimestre pour 2022

Le principal facteur contribuant à l'évolution des dépenses de personnel en 2023 réside dans la hausse des dépenses d'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) dont le coût total s'élève à 369 millions d'euros soit 33 % de l'ensemble des dépenses de personnel.

Décomposition des facteurs d'évolution
des dépenses de personnel de la mission en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La hausse du coût de l'IRE parvient ainsi, en 2023, à excéder les coûts combinés de la hausse des mesures catégorielles (10 millions d'euros), de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique (7 millions d'euros) et de la création de 100 emplois équivalent temps plein supplémentaires.

Si la dynamique de l'IRE est affectée cette année par la dépréciation de l'euro et par un niveau d'inflation-monde plus important que le niveau de l'inflation en France, son importance n'en demeure pas moins un problème pour la soutenabilité budgétaire de la mission.

Le rapporteur spécial Vincent Delahaye constate que la réforme des modalités de calcul de l'IRE n'a toujours pas été mise en oeuvre et qu'il existe toujours une différence importante entre les montants théoriques de cette indemnité - qui sont évalués en fonction de critère objectifs comme la localisation - et les montants effectivement versés, ce qui n'est pas acceptable.

De façon générale, le rapporteur spécial Vincent Delahaye estime que les années 2022 et 2023 offrent le sentiment d'un relâchement de la part du ministère quant à l'effort de maîtrise des dépenses de personnel qu'il avait plus ou moins engagé au cours des années précédentes.

D'une part, le ministère s'est engagé dans une démarche de revalorisation des personnels qui se traduit par la mise en oeuvre de nombreuses mesures catégorielles nouvelles.

En 2022, ce sont ainsi 20 millions d'euros de dépenses nouvelles qui ont été décidées en particulier dans le contexte de la « réforme des ressources humaines ». En 2023, environ 10 millions d'euros de mesures catégorielles nouvelles sont prévues.

Ainsi ce sont donc 30 millions d'euros de mesures catégorielles qui ont été engagées sur deux ans soit près de la moitié de la hausse des dépenses de personnel en 2023.

En d'autres termes, en s'abstenant d'introduire ces mesures catégorielles, le ministère aurait pu diviser par deux la progression de ses dépenses de personnel en 2023.

D'autre part, le rapporteur spécial Vincent Delahaye constate que le ministère a relâché puis abandonné ses efforts de maitrise des effectifs . En effet, en équivalent temps plein travaillé, le nombre des emplois a augmenté de 154 emplois entre 2020 et 2023 annulant près de 60 % des baisses d'effectifs réalisés entre 2018 et 2020.

Évolution du nombre d'effectifs sous plafonds de la mission

(en équivalent temps plein travaillé)

Note : dans le cadre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger (RRE), environ 412 emplois équivalent temps plein ont été transférés depuis d'autres ministères au ministère des affaires étrangères. Le nombre de ces emplois est donc intégré aux effectifs de l'année 2018 pour permettre d'opérer une comparaison à champ constant.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le ministère n'a ainsi pas réussi à tenir les objectifs qui lui avaient été confiés dans le cadre d'Action Publique 2022 et qui prévoyaient la suppression de 416 emplois entre 2018 et 2022. Ainsi, à compter de 2021, le ministère a été autorisé à ne plus réaliser d'efforts supplémentaires se limitant à un résultat de - 332 emplois.

En 2023, ce résultat sera annulé pour près d'un tiers puisque le ministère a obtenu de créer 106 ETP supplémentaires.

Suivi de la réalisation des objectifs confiés au ministère
des affaires étrangères dans le cadre d'Action Publique 2022

(en équivalent temps plein travaillé - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL RÉMI FÉRAUD

En 2023, les crédits demandés au titre des programmes 151 et 185 qui regroupent les moyens dédiés au réseau consulaire et à la diplomatie culturelle et d'influence sont en hausse en valeur mais évoluent très faiblement, voire se réduisent, en volume.

Évolution des crédits des programmes 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires et 185 - Diplomatie culturelle et d'influence
de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

2022

2023

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

Évolution corrigée de l'inflation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

373,9

374,0

391,6

391,4

17,7

17,4

4,7

4,6

0,4

0,3

Accès des élèves français au réseau AEFE

95,5

95,5

105,8

105,8

10,2

10,2

10,7

10,7

6,1

6,1

Instruction des demandes de visa

54,2

54,2

58,4

58,4

4,2

4,2

7,8

7,8

3,4

3,4

Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger

224,2

224,3

227,5

227,2

3,2

2,9

1,4

1,3

- 2,7

- 2,9

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

730,8

730,8

743,8

743,8

13,0

13,0

1,8

1,8

- 2,4

- 2,4

Agence pour l'enseignement français à l'étranger

416,9

416,9

446,9

446,9

30,0

30,0

7,2

7,2

2,8

2,8

Appui au réseau

40,2

40,2

40,3

40,3

0,2

0,2

0,4

0,4

- 3,7

- 3,7

Coopération culturelle et promotion du français

68,2

68,2

68,4

68,4

0,2

0,2

0,3

0,3

- 3,8

- 3,8

Dépenses de personnel concourant au programme

70,7

70,7

72,6

72,6

1,9

1,9

2,7

2,7

- 1,5

- 1,5

Diplomatie économique et attractivité

30,9

30,9

12,0

12,0

- 18,9

- 18,9

- 61,2

- 61,2

- 62,8

- 62,8

Enseignement supérieur et recherche

101,6

101,6

101,2

101,2

- 0,4

- 0,4

- 0,4

- 0,4

- 4,5

- 4,5

Objectifs de développement durable

2,4

2,4

2,4

2,4

0,0

0,0

0,0

0,0

- 4,1

- 4,1

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Toutefois, cette présentation n'intègre pas le transfert récent de la compétence « Tourisme » vers le ministère de l'économie et des finance s et qui se traduit par le retrait de l'opérateur Atout France du périmètre de la mission.

En tenant compte de cette évolution, les crédits dédiés à la diplomatie culturelle et d'influence augmentent, en réalité de 11,7 millions d'euros auxquels s'ajoutent les crédits nouveaux à hauteur de 30 millions d'euros pour le financement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Le rapporteur spécial Rémi Féraud observe que malgré ces augmentations, les crédits dédiés au réseau consulaire et à la diplomatie culturelle et d'influence demeurent largement contraints.

Pour beaucoup, - à l'instar de ceux dédiés au financement des instituts culturels - les moyens demandés n'évoluent pas en valeur ce qui traduit donc une perte de ressources lorsque l'on tient compte de l'inflation et de la dépréciation de l'euro.

Cette situation doit pousser à la vigilance car i l est clair qu'avec des moyens moins importants en termes réels, le ministère et ses établissements pourraient avoir des difficultés à remplir pleinement leurs missions sans dégrader les conditions de travail des agents et la qualité de service des usagers.

Le rapporteur spécial Rémi Féraud estime aussi que la trajectoire d'évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État dans le projet de loi de programmation des finances publiques doit susciter des interrogations.

En effet, exprimés en euros constants, les crédits du ministère seraient inférieurs d'environ 100 millions d'euros en 2025 à leur niveau de l'année 2022.

Cet effort parait difficilement réalisable alors même que les crédits de la mission - qui sont principalement constitués de dépenses de personnel, de contributions aux organisations internationales et de subventions à des opérateurs - sont finalement très contraints.

Il ne serait, au demeurant, pas souhaitable que le ministère s'engage comme il l'a fait au cours du quinquennat précédent dans la réalisation d'un effort budgétaire ou de maîtrise des effectifs qui se traduirait par une mise en tension du réseau telle qu'il faudrait ensuite revenir en arrière pour pouvoir assurer les missions indispensables.

En dernier lieu, le rapporteur spécial Rémi Féraud constate que la mission Action extérieure de l'État continue de porter un certain nombre de dépenses en faveur de l'aide au Liban . Ainsi, parmi les crédits versés à l'AEFE cette année, 10 millions d'euros devraient être fléchés vers les établissements libanais spécifiquement.

Si l'aide au Liban devait se pérenniser, il apparaitrait utile qu'elle fasse l'objet d'une ligne spécifique permettant de mieux suivre les crédits mobilisés.

1. Les moyens de la diplomatie culturelle et d'influence apparaissent contraints compte tenu de l'inflation

En 2023, les crédits demandés au titre de la diplomatie culturelle et d'influence hors financement de l'AEFE diminuent de 2,3 % (17 millions d'euros) à champ courant.

Toutefois, il convient de tenir compte du transfert de l'opérateur Atout France qui relève désormais de la mission Économie. Retraités de la subvention pour charges de service public versée en 2022 (28,7 millions d'euros), les crédits de la diplomatie culturelle progresseraient
de 4,1 % en 2023 par rapport à 2022 soit 11,7 millions d'euros.

a) Le ministère des affaires étrangères continuera d'assumer une part des dépenses qui relevait de l'opérateur Atout France ce qui peut susciter des interrogations

Malgré le transfert de la compétence « Tourisme » auprès du ministère de l'économie et des finances, l'action Diplomatie économique et attractivité emporte une demande d'ouverture de 11,9 millions d'euros de crédits en 2023.

Cette situation peut susciter des interrogations puisque lorsque l'on retranche la contribution à l'opérateur Atout France - qui relève désormais du ministère de l'économie - du montant des crédits demandés en 2022, on observe une augmentation en 2023 d'environ 9,8 millions d'euros des dépenses de diplomatie économique.

D'après le ministère, ces crédits devraient permettre de couvrir les dépenses exposées pour la mise en oeuvre des campagnes de communication de promotion de la destination France (5,8 millions d'euros) et la participation française à l'exposition universelle
d'Osaka
(5,4 millions d'euros).

Le rapporteur spécial Rémi Féraud s'interroge sur les raisons pour lesquelles les frais de la campagne Destination France, jusqu'ici assumés par l'opérateur Atout France, sont cette année maintenus à la charge du ministère des affaires étrangères.

Ce choix parait d'autant plus étonnant que, précisément, la compétence « Tourisme » a été transférée au ministère de l'économie.

Quant aux crédits demandés pour l'exposition universelle d'Osa ka - et qui augmentent de 4 millions d'euros par rapport à 2022 - le rapporteur considère qu'il s'agit bien d'une dépense ponctuelle de prestige , probablement nécessaire et inévitable pour assurer l'image de la France à l'étranger.

b) Stables en valeur, les moyens dédiés à la coopération culturelle et à la promotion du français à l'étranger sont en baisse en volume

Dotée de 68,4 millions d'euros en 2023, l'action Coopération culturelle et apprentissage du français regroupe essentiellement six catégories d'opérations :

- des bourses pour le financement de formations en français langue étrangères (FLE) et dans le domaine culturel (4,3 millions d'euros) ;

- des échanges d'experts internationaux (2,5 millions d'euros) ;

- des subventions aux EAF pour la mise en oeuvre d'actions de promotion du français et de développement culturel (11,8 millions d'euros) ;

- des subventions au réseau Alliance française (7,3 millions d'euros) ;

- des crédits déconcentrés au niveau des postes diplomatiques pour la mise en oeuvre d'actions en faveur de la langue française et du développement culturel (14,5 millions d'euros) ;

- la dotation publique versée à l'Institut français de
Paris (28,3 millions d'euros).

Les crédits de l'action évoluent faiblement en 2023 (environ + 200 000 euros) et sont reconduits quasiment à l'identique . De même, la subvention pour charges de service public de l'Institut français de Paris est stable depuis 2020.

Le rapporteur spécial Rémi Féraud estime que la stabilité des crédits en valeur consacrés aux actions de coopération culturelle et d'apprentissage du français traduit, par construction, une contraction en volume des moyens qui sont mobilisés pour ces politiques.

Il conviendrait d'être vigilant, en exécution, à ce que cette perte de moyens en termes réels ne se traduise pas par une dégradation de la qualité des politiques de coopération culturelle.

c) Le ministère devrait s'efforcer de mieux évaluer ses besoins ou de mieux engager ses moyens en matière de bourses internationales

L'action Enseignement supérieur et recherche du programme 185 regroupe les crédits dédiés à la promotion de l'attractivité de l'enseignement supérieur en France. Il permet notamment d'assurer le financement de l'opérateur Campus France , des moyens des services centraux et déconcentrés ainsi que des programmes d'échange et des bourses internationales du Gouvernement français.

En 2023, les crédits demandés au titre de cette action s'élèvent à 101,6 millions d'euros, en légère baisse de 444 258 euros.

Le montant prévu pour le financement des bourses d'enseignement supérieur en représente l'essentiel et s'élève à 59 millions d'euros soit un montant équivalent à celui demandé en 2022.

Pour information, au mois d'octobre 2022, d'après les données de Chorus , seuls 46,3 millions d'euros avaient été consommés en crédits de paiement au titre des bourses du Gouvernement français soit un taux de consommation provisoire de 78,5 %, ce qui est assez faible.

La sous-consommation des crédits ouverts au titre des bourses pour l'enseignement supérieur est d'ailleurs un phénomène relativement chronique. Ainsi, en 2019, le taux d'exécution de ces crédits s'était limité
à 86,1 % et à 90 % en 2021.

Ce constat appelle sans doute un sursaut de la part du ministère soit pour accroitre le nombre ou le niveau des bourses qui sont octroyées, soit pour mieux évaluer les besoins en budgétisation.

Outre les bourses, près de 23,4 millions d'euros sont demandés au profit des services centraux, des services des postes diplomatiques et des établissements locaux assurant la mise en oeuvre d'actions de promotion ou de financement d'initiatives en faveur de l'attractivité de l'enseignement supérieur à l'étranger.

Enfin, une subvention de 3,5 millions d'euros est proposée au bénéfice de Campus France en 2023 soit un montant équivalent à celui demandé en 2022.

Pour mémoire, l'opérateur Campus France est chargé de la gestion des aides à la mobilité et de l'accueil des étudiants et chercheurs
étrangers. Par ailleurs, il assure des actions de formation au profit des personnels d'ambassade sur les sujets relevant de la promotion de l'enseignement supérieur.

d) L'augmentation très importante des dépenses des instituts français appelle à la vigilance

Dotée de 40,3 millions d'euros en 2023, l'action Appui au réseau regroupe les crédits à destination du réseau culturel et de coopération et des organismes de coordination au niveau central.

La majorité des crédits (36,2 millions d'euros) est dédiée au financement par les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des Instituts français. La dotation versée est stable par rapport à 2022.

Il convient d'observer qu'en application de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances modifiée par la loi organique du 21 décembre 2021, le projet annuel de performance de la mission Action extérieure de l'État présente une synthèse des ressources et des charges des établissements à autonomie financière (EAF) du réseau culturel français à l'étranger.

Décomposition des recettes et des dépenses des établissements à autonomie financières (EAF) relevant de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En l'occurrence, les éléments mis à disposition permettent de constater que les établissements à autonomie financière - qui regroupent les instituts français et les instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) - sont déficitaires d'environ 43 millions d'euros en 2022.

Cette situation apparait d'autant plus préoccupante que ces établissements sont confrontés à une augmentation importante de leurs charges dans le contexte d'inflation et d'appréciation du dollar.

Ainsi, entre 2021 - année qui est restée néanmoins marquée par la crise sanitaire - et 2022, les dépenses de EAF ont progressé d'environ 30 % (+ 65,9 millions d'euros).

Les postes qui ont le plus contribué à la hausse des dépenses des EAF entre 2021 et 2022 sont les coûts de sous-traitance, le versement des salaires et des honoraires, divers frais de fonctionnement ainsi que les voyages, réceptions et déplacements organisés.

Principaux postes contribuant à l'augmentation des dépenses des établissements à autonomie financière de la mission Action extérieure de l'État entre 2021 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial Rémi Féraud considère que le ministère devra faire preuve de vigilance afin de s'assurer que la hausse des coûts à l'étranger ne mette pas en péril certains établissements.

2. Il existe un risque que les crédits supplémentaires octroyés à l'AEFE se révèlent insuffisants à la fin de l'année 2023 lorsque la hausse de l'inflation se sera répercutée sur le niveau des besoins en matière de bourses scolaires

La mission Action extérieure de l'État supporte, au titre du programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence , le financement de la subvention versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger au titre de sa mission de service public.

En 2023, le montant demandé au titre de la subvention pour charges de service public de l'AEFE s'élève à 441,2 millions d'euros et représente, ainsi, 47,7 % des ressources de l'agence.

Le montant de la subvention est en augmentation de 28 millions d'euros en 2023 ce qui se justifie par le choix du ministère de :

- compenser à l'opérateur les coûts supplémentaires résultant de la révision du point d'indice de la fonction publique (13 millions d'euros) ;

- compenser les charges liées à la réforme statutaire d'une partie des agents de l'AEFE en raison d'une évolution jurisprudentielle quant aux modalités de calcul de leurs indemnités (7 millions d'euros) ;

- confier à l'AEFE la mise en oeuvre d'une part de l'aide française versée au Liban (10 millions d'euros).

Le rapporteur spécial Rémi Féraud observe que la subvention versée à l'AEFE en 2023 est très au-dessus des niveaux relevés, en valeur, au cours des 10 dernières années et qu'elle a rattrapé et dépassé son niveau de l'année 2012 d'environ 4 %.

Toutefois, une fois corrigée de l'inflation il apparait que la subvention versée est très en dessous (- 11,5 %) du niveau constaté en 2012 et demeure à des niveaux inférieurs à ceux observés en moyenne
entre 2012 et 2017.

Cette situation montre une réelle sobriété budgétaire au regard des efforts qui sont demandés à l'agence pour renforcer le rayonnement de l'enseignement français en réalisant, notamment, un doublement du nombre d'élèves entre 2018 et 2030.

Évolution de la subvention pour charges de service public versée
à l'AEFE depuis 2013

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les comptes nationaux de l'INSEE au troisième trimestre 2022

Au-delà de la subvention pour charges de service public, l'Agence bénéficie de crédits versés depuis le programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires au titre des bourses.

En 2023, un peu plus de 105,7 millions d'euros sont demandés au titre de l'action Accès des élèves français au réseau de l'AEFE du programme 151, soit une hausse de plus de 10 millions d'euros par rapport à 2022.

Le niveau des crédits consacrés aux bourses revient, toutefois, à un niveau comparable aux années précédentes puisqu'en 2022 le ministère avait fait le choix de réduire les montants accordés afin d'apurer la soulte constituée par l'AEFE.

Évolution des ressources versées et des dépenses engagées
au titre des bourses scolaires de l'AEFE depuis 2017

(en millions d'euros)

Note : la différence entre les ressources versées et engagés donne lieu à une ponction/reversement sur la soulte de l'AEFE.

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

D'après les informations communiquées au rapporteur spécial Rémi Féraud, la soulte de l'AEFE devrait s'élever à environ 15,5 millions d'euros à la fin d'année 2022 et serait entièrement consommée à la fin de
l'année 2023.

Cette situation pourrait poser des difficultés car, confrontés à un niveau important de l'inflation, plusieurs établissements pourraient devoir augmenter fortement les frais de scolarité pour l'année 2023/2024 ce qui entrainerait, mécaniquement, une augmentation des besoins du point de vue des bourses.

Le rapporteur spécial Rémi Féraud considère qu'une grande vigilance devra être apportée à l'évaluation des besoins avant la
rentrée 2023
afin, le cas échéant, de prévoir un ajustement du niveau des crédits dédiés au financement des bourses.

3. Après plusieurs années consacrées à réduire les moyens du réseau consulaire au détriment des conditions de travail et de la qualité de service, les effectifs augmentent et commencent à revenir vers le niveau de l'année 2017

À l'exclusion des dépenses prévues pour les bourses aux élèves de l'AEFE, les crédits du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires , augmentent de 2 % pour atteindre 285,9 millions d'euros.

La principale hausse des crédits demandés concerne les moyens dédiés à l'instruction des demandes de visa. Le rapporteur spécial Rémi Féraud constate avec un certain étonnement que les motifs de cette augmentation ne sont pas véritablement détaillés dans les documents budgétaires.

S'il ne fait aucun doute que les services d'instruction de visa font face à des demandes de plus en plus importantes ce qui justifie en soi d'en renforcer les moyens, une indication de la destination des fonds pourrait être bienvenue.

La majorité des crédits demandés (227,4 millions d'euros) sur le programme 151 sont dédiés au financement de l'action Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger .

Celle-ci retrace pour 193 millions d'euros les dépenses de personnel des services consulaires . Sur ce sujet, le rapporteur spécial Rémi Féraud estime nécessaire de rappeler que le programme 151 a connu une contraction très importante de ses effectifs au cours du précédent
quinquennat (- 169 emplois équivalent temps plein)

Il s'avère que l'ampleur de cet effort n'était pas raisonnable et a d'ailleurs déstabilisé très fortement le réseau consulaire au détriment des conditions de travail des agents et de la qualité du service rendu.

Évolution des effectifs sous plafonds du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

(en équivalent temps plein travaillé)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La récente augmentation des effectifs du programme,
en 2022 et 2023, montre d'ailleurs que le ministère est désormais contraint de revenir en arrière
en recréant des postes auparavant supprimés : potiusque sero quam nunquam - mieux vaut tard que jamais.

Au-delà du renforcement des effectifs dans le réseau consulaire, le ministère a également engagé une expérimentation visant à centraliser la réponse aux appels téléphoniques auprès d'un service localisé en France.

Le service France Consulaire - doté de 2,3 millions d'euros en AE et de 1,9 million en CP - est ainsi installé dans les locaux de la Courneuve et assure la réponse aux appels passés aux postes situés dans 13 pays européens.

Les rapporteurs spéciaux ont eu l'occasion de se faire présenter le fonctionnement et les équipes de ce service lors d'une visite à l'été 2022. Le rapporteur spécial Rémi Féraud estime que cette expérimentation - qui implique la collaboration d'un prestataire privé et d'une équipe d'encadrement et d'experts du ministère - est à ce jour un succès qui doit être salué.

Parmi les autres dépenses de l'action Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger se trouvent, notamment, les aides sociales aux Français de l'étranger dont le montant devrait s'élever à 16,2 millions d'euros en 2023, en hausse de 1 million d'euros.

De même, le rapporteur spécial Rémi Féraud constate que le dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l'étranger (STAFE) sera doté de deux millions d'euros en 2023 comme en 2022.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 41 A (nouveau)

Création d'une structure nouvelle pour assurer la gestion des établissements placés en gestion directe auprès
de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger

Le présent article vise à instituer un comité de gestion chargé de gérer et diriger les établissements scolaires actuellement placés en gestion directe par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Ce dispositif propose une modification très profonde de l'organisation du service public de l'enseignement français à l'étranger et de son mode de gouvernance. Un tel sujet mériterait des concertations très approfondies qui n'ont pas été réalisées ici.

En outre, en ce qu'il se borne à réformer la gouvernance de l'AEFE, il est dépourvu de lien avec le domaine des lois de finances et s'expose, par suite, à la censure du Conseil constitutionnel.

La commission des finances propose de supprimer cet article

I. LE DROIT EXISTANT : L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER GÈRE LES ÉTABLISSEMENTS PLACÉS DIRECTEMENT SOUS SA GESTION PAR VOIE RÉGLEMENTAIRE

L'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un établissement public national administratif créé en 1990 chargé, notamment, d'assurer la mission du service public de l'éducation à destination des enfants français à l'étranger.

Les moyens dédiés à l'agence sont portés par plusieurs programmes de la mission Action extérieure de l'État dont le programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence et le programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires .

Le réseau de l'AEFE est constitué de 567 établissements parmi lesquels :

- 68 sont en gestion directe ;

- 162 sont conventionnés ;

- 336 constituent des établissements partenaires.

En tenant compte des nouveaux effectifs d'élèves apportés par les établissements homologués, l'AEFE assure, en 2022, la scolarisation
de 390 000 élèves.

Aux termes des dispositions de l'article L 452-3 du code de l'éducation, « l'agence gère les établissements d'enseignement situés à l'étranger, dépendant du ministère des affaires étrangères ou du ministère de la coopération et placés en gestion directe ».

La liste des établissements placés en gestion directe est précisée par l'arrêté du 10 août 2022 fixant la liste des établissements d'enseignement français et des instituts régionaux de formation à l'étranger relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Aux termes des dispositions des articles D 452-2 à D 452-11 du code de l'éducation, l'AEFE est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur ou une directrice générale nommée par décret sur proposition du ministre chargé des affaires étrangères. En outre, l'agence comprend « en France des services centraux et à l'étranger les établissements [...] placés en gestion directe » .

Le directeur général dirige l'opérateur, « notifie les budgets des établissements en gestion directe » et « définit les attributions des chefs d'établissements en gestion directe » .

Aux termes des dispositions de l'article D 452-11 du code de l'éducation, le directeur général de l'AEFE « est l'ordonnateur principal des dépenses et des recettes de l'agence » et nomme en qualité d'ordonnateur secondaire « les chefs des établissements en gestion directe ».

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA CRÉATION D'UNE STRUCTURE PARALLÈLE À L'AEFE POUR GÉRER LES ÉTABLISSEMENTS

Reprenant le dispositif d'un amendement II-2428 déposé par le député Frédéric Petit et plusieurs de ses collègues, le Gouvernement a introduit le présent article dans le texte de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Le présent article procède à plusieurs modifications au sein de l'article 452-3 du code de l'éducation.

Dans un premier temps, il ajoute au sein de
l'article 452-3 du code de l'éducation une liste énumérant les différentes ressources pouvant être affectées à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger , en l'espèce :

- les écolages des familles inscrites dans les établissements en gestion directe ;

- des aides d'entreprises ou d'organismes privés affectés directement et exclusivement à des établissements en gestion directe ;

- des dons affectés à ces mêmes établissements ;

- des crédits de l'État.

Si les ressources précitées sont d'ores et déjà attribuées à l'AEFE en vertu des dispositions de l'article L 452-7 du code de l'éducation, la condition d'un « fléchage » de ces ressources au profit d'établissements désignés constitue une disposition nouvelle.

Dans un second temps, le présent article institue un « comité de gestion et de direction » des établissements placés sous la gestion directe de l'AEFE.

Il précise que ce comité assume les responsabilités de gestion et de direction des établissements en fixant, notamment, les règles d'inscription et les écolages des établissements.

Il prévoit que ce comité et gouverné par une tierce instance « contrôlée » à 60 % au moins par l'AEFE et à 25 % au moins par les représentants de parents d'élèves.

Il prévoit, également, que ce comité est indépendant juridiquement, financièrement et comptablement de l'AEFE et qu'il signe une « convention de collaboration » avec elle.

Il dispose, enfin, que ce comité n'est pas inscrit par voie réglementaire sur la liste des organismes divers d'administration centrale (ODAC) au sens de la comptabilité nationale.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI AURAIT DES IMPLICATIONS TROP IMPORTANTES POUR NE PAS ÊTRE CONCERTÉ ET QUI NE RELÈVE PAS DU DOMAINE DES LOIS DE FINANCES

En premier lieu, les rapporteurs spéciaux estiment que le dispositif proposé aurait des effets disproportionnés par rapport aux objectifs qu'il poursuit : la préservation d'une relation de confiance et de transparence entre l'AEFE et les établissements dont elle assure la gestion directe.

À tout le moins, une réforme aussi profonde du mode d'organisation du service public de l'enseignement français à l'étranger - puisqu'il s'agit bien ici de retirer à l'État et son opérateur la compétence de diriger un tel service public - impliquerait de se livrer à un travail approfondi de concertation.

En second lieu, les rapporteurs spéciaux constatent que le dispositif proposé se borne à réviser les modalités de la gouvernance de l'AEFE et de ses relations, notamment financières, avec les établissements conventionnés.

Aussi, ce dispositif est sans incidence sur les dépenses budgétaires de l'État et, plus largement, n'a trait à aucune des matières visées au 7° du II de l'article 34 de la loi n°2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances qui sont :

- la définition des modalités de répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales ;

- l'approbation des conventions financières ;

- les dispositions relatives à l'information du Parlement sur la gestion des finances publiques ;

- les dispositions relatives à la comptabilité publique et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ;

- les dispositions autorisant le transfert de données fiscales lorsque celui- permet de limiter les charges ou d'accroitre les ressources de l'État.

En conséquence, il apparait que le dispositif proposé est dépourvu de tout lien avec le domaine des lois de finances et s'expose donc à une censure par le Conseil constitutionnel.

La circonstance que ce dispositif ait été introduit par le Gouvernement ne le soustrait pas au risque de censure puisque -contrairement aux dispositions de l'article 40 de la Constitution - les obligations relatives au respect du domaine des lois de finances s'imposent aux parlementaires comme au Gouvernement.

Dans la mesure où le dispositif n'a pas sa place en loi de finances et où il ne parait raisonnable de poursuivre une telle réforme sans concertation préalable, la commission des finances propose d'adopter un amendement n° II-1 tendant à supprimer cet article.

Décision de la commission : la commission vous propose de supprimer cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État » . - Les crédits de la mission représentent 3,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). La hausse des CP atteint 5,2 % en valeur et 0,9 % en volume, lorsqu'elle est corrigée de l'inflation.

Trois grands postes sont concernés par cette hausse. Ainsi, les dépenses de personnel augmentent de 64 millions d'euros, les contributions internationales de 55 millions d'euros et les dépenses immobilières de 24 millions d'euros.

De manière générale, en ce qui concerne les dépenses de personnel, j'ai noté un relâchement - voire un effacement - des efforts antérieurs, ce que je regrette. D'abord, de nouvelles mesures catégorielles, cumulées depuis 2022, entraînent une augmentation des dépenses de 30 millions d'euros. De plus, nous constatons une hausse similaire de l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) en 2023. Lors d'un précédent travail de contrôle des dépenses de personnel, nous avions pointé le problème représenté par cette IRE ; deux ans plus tard, rien n'a changé et l'IRE réelle continue d'être déconnectée de l'IRE théorique. Enfin, le budget prévoit la création d'environ 100 équivalents temps plein (ETP), effaçant ainsi un tiers des efforts réalisés dans le cadre d'Action publique 2022.

J'en viens aux contributions internationales, pour lesquelles nous observons un effet de la dépréciation de l'euro, qui entraîne une augmentation de 52 millions d'euros sur les contributions versées en dollar ou en franc suisse. Cependant, nous voudrions décerner un satisfecit au ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MAE), qui a enclenché le mécanisme de couverture de change très tôt, permettant ainsi d'éviter d'importantes pertes de change, qui pourraient s'élever à environ 20 millions d'euros si les paiements avaient lieu dans trois mois.

Enfin, l'importante augmentation des dépenses immobilières est due aux effets de l'inflation et à une programmation dynamique. Il s'agit en premier lieu de dépenses courantes d'entretien, qui augmentent sous l'effet de la hausse des prix de l'énergie. En second lieu, les dépenses d'investissement à l'étranger augmentent pour mettre en oeuvre le schéma directeur. Nous pourrons vous en dire davantage lorsque nous aurons terminé la mission de contrôle budgétaire que nous conduisons sur cette question. Nous rendrons probablement nos conclusions début 2023, après avoir effectué une visite à Madrid, où nous observerons les mesures prises dans un pays où les choses sont bien faites en la matière.

Je voudrais terminer en faisant part de mon appréciation globale des crédits de la mission. D'abord, je regrette que la culture de la recherche d'économies soit peu développée au MAE. À titre d'exemple, les crédits de la communication augmentent de 2,5 millions d'euros pour financer la lutte contre la désinformation. Certes, le sujet est important et la somme n'est pas énorme, mais nous aurions pu la trouver ailleurs afin d'éviter cette augmentation. De la même manière, 5,4 millions d'euros ont été ajoutés pour financer l'exposition universelle d'Osaka quand d'autres lignes budgétaires auraient pu servir.

Par ailleurs, le relâchement quant aux dépenses de personnel me semble critiquable.

Enfin, je doute de la crédibilité de la trajectoire de la programmation. Nos interlocuteurs du ministère semblaient découvrir la programmation des finances publiques sur les cinq prochaines années comme l'évolution de leur budget, qui prévoit 100 millions d'euros d'économies d'ici 2025. Ils n'ont pas indiqué comment celles-ci seraient réalisées.

Je suis donc réservé quant aux crédits de cette mission.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État » . - Les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence - hors Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) - s'élèvent à 296,8 millions d'euros en CP, ce qui représente une hausse de 11,7 millions d'euros.

Cette augmentation s'explique notamment par le financement de 5,4 millions d'euros consacrés à l'exposition universelle d'Osaka. Chaque année, nous découvrons un événement exceptionnel à financer et il est difficile de juger de la rigueur du montant dégagé. Par ailleurs, la campagne Destination France entraîne un financement de 5,8 millions d'euros, dont je m'étonne. En effet, la compétence tourisme a été transférée au ministère de l'économie et des finances et Atout France ne fait plus partie de la diplomatie culturelle et d'influence.

En ce qui concerne les Instituts français à l'étranger, les moyens sont stables, ce qui représente une source d'inquiétude puisqu'une perte de ressources en volume est à prévoir en raison de l'inflation, souvent plus élevée encore dans les pays concernés qu'en France. De plus, ces Instituts présentent un déficit d'environ 43 millions d'euros en 2022. Enfin, certaines dépenses, liées notamment aux salaires, augmentent de manière significative. La stabilité des crédits en euro courant permettra-t-elle de préserver un niveau d'activité correct ? Cette question nous intéressera au cours de l'année et les sénateurs représentant les Français à l'étranger y seront sans doute attentifs.

En outre, les crédits dédiés au financement des bourses pour les étudiants et chercheurs étrangers s'élèvent à 59 millions d'euros, comme en 2022. Cependant, ce montant stable ne doit pas cacher que ces crédits sont sous-consommés, année après année. Ce phénomène peut être considéré de deux façons. D'une part, on peut s'intéresser à la marge de manoeuvre budgétaire qu'il permet, y compris pour encaisser les effets de l'inflation. D'autre part, on peut regretter le manque de volontarisme politique en la matière.

Enfin, les crédits du réseau consulaire - hors bourses aux élèves de l'AEFE -s'élèvent à 285,9 millions d'euros et connaissent une hausse de 2 %. Cependant, n'oublions pas que l'essentiel de cette enveloppe est consacré aux services consulaires, notamment à leurs dépenses de personnel pour un montant de 193 millions d'euros. De plus, contrairement à 2022, aucun crédit n'est dédié en 2023 à l'organisation d'élections.

Par ailleurs, ce programme 151 a supporté pendant des années la plus grande part des efforts de maîtrise des effectifs de la mission, ayant entraîné la suppression de 169 ETP entre 2018 et 2021.Cette baisse s'étant avérée difficilement soutenable, le ministère a recréé 136 ETP et lancé le service France Consulaire, pour mutualiser la prise en charge des appels aux postes consulaires sur un site du Quai d'Orsay situé à la Courneuve. Ainsi, une grande part des efforts réalisés dans le cadre d'Action publique 2022 pour diminuer le nombre d'emplois d'agents publics à l'étranger a été annulée. On pourrait considérer qu'il est dommage d'annuler si brutalement un effort considérable ou conclure, comme je le fais, que ces efforts étaient si déraisonnables que le Gouvernement doit revenir dessus.

En ce qui concerne l'AEFE, ses moyens sont renforcés, mais plusieurs points d'alerte demeurent. En effet, la subvention pour charges de service public, en hausse de 28 millions d'euros, atteint 441,2 millions d'euros, dont 10 millions d'euros correspondent à une partie de l'aide française versée au Liban, à travers le soutien à l'enseignement français dans le pays.

De plus, les crédits pour les bourses aux élèves de l'AEFE augmentent de 10 millions d'euros. Néanmoins, n'oublions pas qu'il s'agira aussi de faire face à une très forte inflation qui touche les frais de scolarité dans certains pays du monde, l'impact de ces hausses sur les bourses n'ayant pas été inscrit dans le budget. En outre, si le surplus nécessaire pour le versement des bourses aux élèves a été pris en charge ces dernières années par la soulte de l'AEFE, la réserve n'est plus aujourd'hui que de 15,5 millions d'euros et devrait être épuisée fin 2023. La question de l'augmentation de ces crédits se posera donc en 2024.

Pour conclure, je souhaiterais rappeler qu'il nous faut considérer cette mission avec attention, parce qu'elle subit à la fois l'inflation et le risque de change, ce qui est assez singulier.

À court terme, les crédits, qui restent très contraints, demeurent stables en valeur et diminuent modérément en volume.

À moyen terme cependant, une baisse en volume de l'ordre de 100 millions d'euros est prévue d'ici 2025 sur l'ensemble de la mission. Nos interlocuteurs au ministère ne semblent pas penser que cette contraction s'appliquera réellement.

En plus de n'être pas crédible, cette baisse ne serait pas souhaitable. En effet, les économies antérieures ont mis en tension le réseau et il apparaît désormais nécessaire de redonner les crédits et effectifs suffisants.

Enfin, je m'interroge sur l'intégration de la dimension affaires étrangères au bloc de priorités régaliennes, sur notre volonté de développer notre politique d'influence dans le monde durant ce quinquennat, sur notre capacité à faire face à l'objectif de doublement des élèves dans le réseau d'enseignement français à l'étranger, non pas tant avec ce budget 2023, que nous pourrions approuver, mais en considérant la programmation établie pour l'ensemble du quinquennat. En effet, tous les efforts d'augmentation sont inscrits pour 2023, et seules des économies sont prévues pour les années suivantes.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Malheureusement, l'État revient sur ce qu'il avait défendu lors du quinquennat précédent. Le « en même temps » semble ici préjudiciable, à la fois pour les acteurs concernés, mais aussi pour l'image de la France dans son action extérieure. Cela me semble regrettable.

M. Michel Canévet . - La France affiche une grande ambition en matière d'action extérieure de l'État et cherche à développer son influence. Face aux ambitions d'augmentation du nombre de locuteurs du français à travers le monde, qui doit passer de 300 à 500 millions, les crédits dédiés sont-ils suffisants ?

De plus, je nourris quelques inquiétudes en ce qui concerne les crédits liés à l'accompagnement des investissements. J'ai visité le lycée Jean Mermoz de Buenos Aires, dans lequel le précédent Président de la République avait lancé les travaux de restructuration. Or rien ne s'est passé depuis. Les besoins importants en la matière peuvent-ils être couverts ? Peut-on accompagner la création de nouveaux lycées dans le monde pour accroître l'influence française ? La façon dont s'organise l'enseignement du français à l'étranger vous semble-t-elle pertinente ? Comment pourrait-on l'améliorer ?

M. Roger Karoutchi . - L'état des établissements français à l'étranger est en effet calamiteux. Non seulement les déficits sont considérables, mais les établissements manquent de soutien quand ils rencontrent des problèmes. La francophonie n'est plus soutenue. Nous avons discuté avec l'AFD pour que l'aide au développement soit aussi consacrée au soutien de ces écoles, dans lesquels les élèves ne sont pas seulement français, mais aussi locaux. Ainsi, dans ces établissements, on se demande aujourd'hui à quel moment on va devoir fermer parce que les moyens manquent et parce qu'il est de plus en plus difficile de recruter des enseignants, qu'ils soient locaux ou français. Nous peinons à soutenir la concurrence face aux établissements américains, anglais, allemands ou chinois.

La France cherche à être présente partout, mais elle n'en a pas les moyens et, à force de demi-mesure, la francophonie s'effondre et nos établissements français à l'étranger n'ont plus les moyens de fonctionner. Il faut interpeller le Gouvernement sur ce sujet.

Mme Christine Lavarde . - Je soutiens les moyens financiers consacrés aux écoles libanaises, car il s'agit là d'un moyen de faire rayonner la francophonie.

Je voudrais revenir sur le centre appels qui a ouvert l'an dernier pour les Français de l'étranger et semble subir un grand afflux. Est-il prévu de pérenniser cette expérimentation ? Et si oui, à quel coût ?

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - En ce qui concerne l'apprentissage de la langue française, différents dispositifs existent, qu'ils soient liés à l'Alliance française, à l'AEFE ou aux postes diplomatiques. Cependant, au total, les crédits sont stables, ce qui représente même une diminution en volume. Le passage de 300 à 500 millions de locuteurs ne sera donc pas financé par ces crédits.

Sur l'enseignement français à l'étranger et les établissements scolaires, je serai moins sévère que Roger Karoutchi, même si nombre d'établissements auraient besoin de travaux immobiliers importants, qui sont difficiles voire impossibles à réaliser aujourd'hui, compte tenu du mode de financement et du statut de l'AEFE. C'est pourquoi je soutiens, comme le font le MAE et l'Agence, la possibilité d'avoir recours à des capacités d'emprunt pour financer les opérations immobilières à mener. Cependant ce recours est aujourd'hui interdit par la loi et Bercy y est hostile.

Quant à la plateforme téléphonique France Consulaire, elle concerne une douzaine de pays d'Europe. Ce dispositif semble fonctionner et a permis d'offrir à nouveau un accueil téléphonique de qualité, pour nos citoyens qui appelaient les postes consulaires sans obtenir de réponse, les agents étant devenus trop peu nombreux. Vincent Delahaye et moi avons visité le centre d'appels situé à la Courneuve. Le dispositif de mutualisation nous a semblé utile, puisqu'il permet de répondre aux questions simples et de renvoyer vers les postes consulaires les questions plus compliquées. Le ministère envisage de le développer.

Enfin, j'en viens aux postes consulaires. Dans un certain nombre de pays, la situation rappelle celle que nous avons évoquée ce matin en examinant les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». En effet, de la même manière, la dématérialisation éloigne un certain nombre de personnes de l'administration, retarde des procédures comme le renouvellement des papiers d'identité et il devient difficile d'avoir un accès direct au consulat, comme pour d'autres à la préfecture.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Michel Canévet a eu la chance de se rendre à Buenos Aires, nous sommes allés à la Courneuve... Ce n'est pas la même destination, mais nous avons été très bien accueillis ! Le dispositif mis en place doit être développé puisqu'il permet à la fois de réaliser des économies et d'offrir un meilleur service. Cependant, son évolution demeure trop lente, parce que nous prenons des précautions et que certains postes consulaires émettent des inquiétudes.

Nous n'avons pas les moyens de nos ambitions, que ce soit pour le développement de l'AEFE, l'augmentation du nombre de francophones ou le maintien du réseau, dont l'appauvrissement commence à se faire sentir dans certains endroits. En outre, Alliances françaises et Instituts français se font parfois concurrence et ne travaillent pas ensemble. Tout cela est préoccupant et les inquiétudes sont bien réelles sur le réseau. Des décisions fortes doivent être prises.

Par ailleurs, je partage les propos du rapporteur général. En effet, nous avons fourni des efforts pendant des années et nous revenons dessus sans bien comprendre pourquoi. Ainsi, des moyens supplémentaires sont donnés au début du quinquennat, tout en rappelant qu'il faudra faire des économies les années suivantes.

Mon avis est mitigé. Je m'en remettrai à la sagesse de notre commission et m'abstiendrai sur le vote des crédits.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Mon avis est favorable.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Le mien aussi.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 41 A (nouveau)

M. Rémi Féraud . - Nous proposons l'amendement FINC.1, qui vise à la suppression de cet article. En effet, cet article introduit par le Gouvernement est sans lien avec la loi de finances.

De plus, s'il était maintenu, il entraînerait un bouleversement profond du système de l'enseignement français à l'étranger puisqu'un comité de gestion largement co-piloté par les parents serait créé, ce qui représenterait une forme de démantèlement de l'AEFE.

Par ailleurs, je ne suis pas non plus favorable au procédé employé. En effet, il ne s'agit pas d'une question dont on peut décider de cette façon, au détour d'une loi de finances. Cet amendement n'a semble-t-il même pas été discuté en séance à l'Assemblée nationale et il pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel.

La suppression de ce cavalier rassurera aussi les acteurs de l'enseignement français à l'étranger, qui se sont émus à sa découverte.

L'amendement n° II-1 a été adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 41 A.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Luis VASSY, directeur de cabinet ;

- Mme Claire BODONYI, directrice des affaires financières ;

- M. Cyrille ROGEAU, conseiller au cabinet ;

- Mme Sandra REVIRIEGO, conseillère parlementaire.

Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international - MEAE

- M. Aurélien LECHEVALLIER, directeur général de la mondialisation (programme 185).

Direction du budget - 7 e sous-direction « Budgets de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, des affaires rurales, de l'aide publique au développement, de l'action extérieure de l'État, de l'immigration, de l'asile et de l'intégration »

- Mme Anne-Hélène BOUILLON, sous-directrice ;

- M. Tai NGUYEN, chef du bureau affaires étrangères et aide au développement ;

- M. Arnaud BRIGANTI, adjoint au chef du bureau affaires étrangères et aide au développement.

Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

- M. Olivier BROCHET, directeur ;

- Mme Raphaëlle DUTERTRE, conseillère aux relations institutionnelles.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html

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