C. LA QUESTION NON RÉSOLUE DES NOUVELLES RESSOURCES PROPRES

Les plafonds des ressources propres actuelles de l'Union ont été revus à la hausse lors de la mise en place du CFP 2021-2027. Le pourcentage du RNB susceptible d'être affecté aux dépenses de l'Union a été majoré de 0,2 point, en lien avec la baisse du RNB européen consécutif à la sortie de l'Union du Royaume-Uni et les conséquences économiques de la crise sanitaire ainsi que l'intégration du Fonds européen de développement dans le budget de l'Union. Le montant total des ressources propres attribué à l'Union pour couvrir les crédits d'engagement ne peut dépasser 1,46 % de la somme des RNB de tous les États membres et le montant total des ressources propres attribué à l'Union pour couvrir les crédits de paiements ne peut dépasser 1,40 % du même total. De plus, un relèvement temporaire des plafonds de ressources propres de 0,6 point de RNB a été institué pour couvrir les engagements de l'Union résultant des emprunts conclus dans le cadre du financement de la FRR. La sortie définitive du Royaume-Uni de l'Union a fait passer la quote-part de la France dans le financement du budget européen de 15,7 % à 19 %.

Ce cadre général d'une part, la mise en oeuvre du CFP 2021-2027 d'autre part, devraient se traduire par un accroissement du prélèvement sur recettes « de 8 milliards d'euros par an dans la nouvelle programmation 2021-2027 » selon la Cour des comptes 11 ( * ) . Ce prélèvement étant désormais très largement assis sur le RNB, cette évolution se traduirait par un nouvel accroissement de la ponction sur les finances publiques nationales.

Aux termes de l'accord entre les 27 États membres conclu lors du Conseil européen de juillet 2021, la Commission européenne devait présenter, au cours du premier semestre de 2021, des propositions visant à introduire de nouvelles ressources propres - un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et une redevance numérique - en vue de leur introduction au plus tard le 1 er janvier 2023. Sans préciser d'échéance, la Commission devait également présenter une proposition relative à un système révisé d'échange de quotas d'émission, « éventuellement étendu à l'aviation et au transport maritime ». Plus généralement, les conclusions du Conseil européen prévoyaient que « l'Union s'efforcera, au cours du prochain CFP, de mettre en place d'autres ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières ». Elles précisaient également que « le produit des nouvelles ressources propres introduites après 2021 sera utilisé pour le remboursement anticipé des emprunts contractés dans le cadre de NextGenerationEU ».

Dès la présentation des contours du plan de relance européen en juillet 2020, l'introduction de nouvelles ressources propres avait en effet été désignée comme la clé de voûte de son financement .

À défaut de l'introduction de nouvelles ressources propres, le remboursement de la FRR sera assuré par les contributions des États membres en fonction de leur part respective dans le revenu national brut de l'Union, et s'ajoutera aux contributions nationales déjà versées. Comme les autres États qui se finançaient à des taux plus favorables que l'Union européenne lors du lancement de Next Generation EU , la France n'a pas eu recours aux facilités d'emprunt ouvertes par la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Elle ne serait concernée que par le remboursement de la part subventions de cet instrument.

Le montant annuel moyen de sa participation au remboursement serait évalué à 2,4 milliards d'euros à compter de 2028 . Il serait nul pour autant que l'Union adopte de nouvelles ressources propres pour le moment où les premiers remboursements interviendront.

Recommandations de la Cour des comptes sur l'engagement
pris par la France au titre de Next Generation EU

Dans son analyse de l'exécution budgétaire de la gestion 2020, la Cour des comptes a recommandé de clarifier la nature de l'engagement pris par la France afin de garantir que l'Union puisse remplir ses obligations de remboursement de l'emprunt destiné à faire face aux conséquences de la crise de la COVID-19, ainsi que son traitement budgétaire et comptable au regard de la loi organique relative aux lois de finances. Elle estime également nécessaire que toutes les informations relatives aux emprunts de la Commission et aux conséquences des engagements ainsi pris par la France soient présentés à l'appui du projet de loi de finances et de l'examen de la prévision de PSR-UE.

La Commission européenne a présenté, le 22 décembre 2021, une proposition portant sur trois nouvelles ressources propres :

- une ressource fondée sur le marché carbone européen . La Commission propose que 25 % des recettes générées par le système communautaire d'échange de quotas d'émission (ETS/SEQE-UE) prévu dans le cadre du paquet Climat « Fit for 55 » soit affecté au budget européen. Les recettes pour le budget de l'Union sont estimées par la Commission européenne à 9 milliards d'euros par an sur la période 2023-2030 et à 12 milliards d'euros par an sur la période 2026-2030. À noter qu'une part majoritaire de cette ressource avait initialement vocation à couvrir les coûts associés à la création du futur Fonds social pour le Climat ;

- une ressource fondée sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) . Cet instrument vise à limiter les fuites d'émission carbone en instaurant, dans certains secteurs, une péréquation des prix du carbone entre les produits nationaux et les importations en provenance de pays situés hors de l'Union européenne. La Commission propose que 75 % des revenus issus de la vente des certificats MACF deviennent une ressource propre de l'UE. Cette recette est évaluée à 800 millions d'euros par an à compter de 2026 ;

- une ressource fondée sur le « Pilier I » de l'accord multilatéral de l'OCDE/G20 sur la fiscalité internationale. Cette ressource, qui ne sera effective qu'une fois la convention multilatérale entrée en vigueur, serait équivalente à 15 % de la part des bénéfices résiduels de certaines entreprises multinationales réaffectés aux États membres de l'Union. Les recettes issues de cette nouvelle taxation pour le budget de l'Union sont estimées entre 2,5 et 4 milliards d'euros par an.

Au total, l'introduction de ces trois nouvelles ressources propres permettrait de dégager jusqu'à 17 milliards de recettes annuelles au cours de la période 2026-2028 , qui marquera l'achèvement du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et le démarrage du futur cadre 2028-2034. Bien qu'importante, cette recette demeurerait inférieure aux besoins de financement liés d'une part au remboursement du plan de relance européen, pour 15 milliards d'euros annuels et, d'autre part, à la mise en place du Fonds social pour le Climat, pour 9,7 milliards d'euros en moyenne chaque année, sans oublier la nouvelle ambition affichée en matière énergétique à travers RePowerEU .

La définition des modalités précises de ces ressources suppose de parvenir à proposer un nouveau cadre législatif européen, mais aussi de s'accorder, au niveau de l'Union, sur les mécanismes du paquet Climat « Fit for 55 » et, au niveau international, dans le cadre de l'OCDE.

Les discussions techniques sur la proposition de révision de la décision ressources propres et ses règlements d'application ont débuté au premier semestre de cette année, sous présidence française, parallèlement aux travaux sectoriels menés dans le cadre du paquet climat. Ils ont donné lieu à un rapport d'étape ainsi qu'à une première délibération lors du Conseil ECOFIN du 17 juin 2022. En tout état de cause, il est exclu que ces nouvelles ressources puissent être mises en oeuvre d'ici début 2023.

Au troisième trimestre 2023, la Commission européenne devrait formuler de nouvelles propositions. Celles-ci devraient inclure une nouvelle proposition d'assiette harmonisée pour l'impôt sur les sociétés (BEFIT 12 ( * ) ), projet évoqué, sous une autre forme, dès le début des années 2000. Il s'agissait alors de parvenir à une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS) au sein de l'Union. Le régime d'imposition des sociétés figurerait ainsi dans un règlement unique, relatif à la répartition et une assiette fiscale commune. Ce système réduirait les charges administratives et les coûts de conformité. Il viserait également à limiter l'évasion fiscale et à soutenir l'emploi, la croissance et les investissements.

Par ailleurs, dans son programme de travail pour 2023, la Commission annonce la présentation d' « un deuxième ensemble de nouvelles ressources propres, dans le prolongement de la proposition relative à un corpus unique de règles fiscales pour les entreprises en Europe ».

En tout état de cause et sans préjudice des inquiétudes sur leur capacité à financer intégralement les nouvelles politiques de l'Union, l'introduction de nouvelles ressources propres continue donc à prendre du retard. Si tous semblent s'accorder sur le principe de leur création, la définition précise de sources d'imposition supplémentaires qui, in fine , pèseront sur les agents économiques représente encore un défi.


* 11 Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020 du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne.

* 12 « Entreprises en Europe : cadre pour l'imposition des revenus » ; en anglais « Business in Europe : Framework for Income Taxation » (BEFIT).

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