Rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Jean-François HUSSON , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME I

LE BUDGET DE 2023 ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE
ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

PREMIÈRE PARTIE
UN PLF REPOSANT SUR UN SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE TROP OPTIMISTE SANS MARQUER AUCUNE VOLONTÉ DE MAITRISE DES DÉPENSES

I. AFFECTÉE PAR DES CHOCS SUCCESSIFS, LA CROISSANCE DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE POURRAIT ÊTRE PLUS FAIBLE EN 2023 QUE NE LE PRÉVOIT LE GOUVERNEMENT

A. ALORS QUE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DEVRAIT PROGRESSER FAIBLEMENT EN 2023, LES PRÉVISIONS DU GOUVERNEMENT PARAISSENT TROP OPTIMISTES

1. En 2022 comme en 2023, la progression de l'activité économique est ralentie par d'importants chocs exogènes

Anticipée par le Gouvernement à + 4 % lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, la croissance du PIB en 2022 a été réduite de près de près de 1,5 point sous l'effet de différents chocs exogènes.

Le plus important concerne la hausse des prix de l'énergie - qui entretient l'inflation - survenue dès la fin de l'année 2021 en raison de tensions d'approvisionnement en pétrole et en gaz.

Ces tensions résultaient d'une demande rendue particulièrement dynamique sous l'effet des plans de relance américain et chinois et d'un hiver rigoureux. Elles ont été ensuite largement amplifiées au cours de l'année 2022 à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie .

Le climat d'incertitudes géopolitiques a, plus généralement, contribué à réduire la croissance tout comme la survenue du variant Omicron et la mise en oeuvre d'une stratégie « Zéro-Covid » en Chine qui a entretenu les fortes tensions d'approvisionnement sur le marché international.

Au bilan, l'OFCE estime dans une étude récente mise à la disposition de la commission des finances du Sénat 1 ( * ) , que l'ensemble des chocs intervenus en 2022 auront réduit la croissance économique de 2,4 points .

En sens inverse, le très important acquis de croissance de la fin d'année 2021 (2,3 %), le dynamisme de la reprise et, dans une moindre mesure, les mesures budgétaires introduites pour limiter les effets de l'inflation auront contribué à soutenir la croissance économique d'environ 2,8 points.

Sur la base de ces estimations, l'OFCE considère que la croissance économique devrait atteindre 2,6 % en 2022 ce qui constitue une hypothèse proche de celle du Gouvernement comme cela sera développé infra .

Décomposition de la prévision de croissance du PIB
pour l'année 2022 de l'OFCE

(en volume et en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'audition de l'OFCE précitée du 19 octobre 2022

L'évolution de l'activité en 2023 devrait continuer d'être affectée par des chocs persistants en particulier la hausse des prix de l'énergie qui alimente l'inflation, laquelle justifiant par ailleurs un resserrement de la politique monétaire qui présente de forts effets récessifs.

Faisant l'hypothèse d'un acquis de croissance de 0,2 % en 2023 - ce qui n'est pas une prévision partagée par l'INSEE notamment, comme cela sera développé plus amplement infra - l'OFCE estime que la croissance économique serait réduite en 2023 d'environ 1,8 point par ces différents aléas négatifs.

Décomposition de la prévision de croissance du PIB

pour l'année 2023 de l'OFCE

(en volume et en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'audition de l'OFCE précitée du 19 octobre 2022

Selon l'INSEE dans sa note de conjoncture d'octobre 2022 2 ( * ) , l'activité évoluait au troisième trimestre environ 1,2 % au-dessus de son niveau d'avant-crise.

Pour autant, ce résultat d'ensemble masque des disparités selon les secteurs d'activité puisque certains d'entre eux continuent de fonctionner très en-dessous du niveau observé au quatrième trimestre 2019.

Il en va notamment ainsi du secteur de la fabrication de matériel de transport dont l'activité en volume se situe 33,5 % en dessous de son niveau d'avant crise . C'est également le cas dans le secteur de l'agriculture (- 6,1 %), des industries extractives (- 11,6 %) et de la construction (- 2,5 %).

En parallèle, la situation de certains secteurs reste fragile à l'instar de l'hébergement-restauration et du commerce dont le taux d'activité arrive tout juste à celui constaté en fin d'année 2019.

2. Pour 2023, le Gouvernement retient une prévision de croissance trop optimiste au regard des derniers développements conjoncturels
a) Une prévision de croissance du PIB de 1 % reposant essentiellement sur la consommation des ménages

Depuis la transmission du programme de stabilité pour les années 2022 à 2027 et - à plus forte raison - depuis l'examen de la loi de finances rectificative pour 2022 3 ( * ) , le Gouvernement a révisé ses prévisions de croissance du PIB pour 2022 et 2023.

Au titre du projet de loi de finances pour 2023 et du projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement anticipe ainsi une croissance de 2,7 % en 2022 et de 1 % en 2023.

Évolution de la prévision de croissance
du Gouvernement

(en volume - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Entre les années 2021 et 2023, la croissance du PIB serait soutenue, selon le Gouvernement, par la consommation des ménages (2,1 point) et, dans une moindre mesure par les dépenses des administrations publiques (+ 0,9 point).

En revanche, le Gouvernement fait l'hypothèse d'une contribution nulle de l'investissement des ménages (c'est-à-dire les dépenses immobilières pour l'essentiel). Il prévoit également une contribution légèrement négative du commerce extérieur.

Décomposition de la prévision de croissance du
Gouvernement entre 2021 et 2023

(en point de PIB - base 100 au PIB de l'année 2021 - en volume)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux trimestriels de l'INSEE et les documents budgétaires

b) ... très éloignée du consensus des économistes et fragilisée par les récents développements conjoncturels

La prévision retenue par le Gouvernement pour l'année 2022 apparait légèrement plus haute que ce que prévoit le consensus des économistes en octobre 2022 (2,5 %) mais en ligne avec les estimations les plus récentes de l'OFCE et de l'INSEE (2,6 %).

En pratique, l'écart entre la prévision du Consensus Forecasts et celle du Gouvernement pourrait s'expliquer par une appréciation différente de la contribution de la variation des stocks estimée à 0,2 point par le Gouvernement.

Compte tenu de ces éléments, la prévision gouvernementale pour l'année 2022 quoique légèrement au-dessus du consensus présente un caractère relativement central .

En revanche, il n'en va pas de même s'agissant de la prévision de croissance pour l'année 2023 (+ 1 %) qui apparait trop optimiste tant au regard du consensus économique que des récents développements conjoncturels.

Ainsi, la prévision de croissance du Gouvernement se situe dans la limite haute de l'intervalle des estimations relevées par le Consensus Forecasts au mois d'octobre 2022.

La moyenne de ces estimations conduit d'ailleurs à considérer que la croissance économique en 2023 devrait être plus proche de 0,3 % que de 1 %.

Évolution de la prévision de croissance du PIB
du Consensus Forecasts pour la France en 2023

(en pourcentage - en volume)

Source : commission des finances du Sénat d'après les prévisions du Consensus Forecasts de janvier à octobre 2022

Parmi, les conjoncturistes « institutionnels », seuls la Banque de France et le FMI proposent des estimations du PIB en 2023 relativement récentes (septembre et octobre).

On peut relever, également, que devant les incertitudes liées à l'évolution des prix des matières premières, la Banque de France a fourni deux estimations de croissance pour 2023 correspondant à un scénario « optimiste » (+ 0,8 % de croissance) et « pessimiste » (- 0,5 % de croissance).

Évolution de la prévision de croissance du PIB
de la Banque de France, du FMI et de la Commission européenne
pour la France en 2023

(en pourcentage - en volume)

Note : pour 2023, la Banque de France propose deux prévisions alternatives correspondant à deux scénarios différents d'évolution des prix de l'énergie.

Source : commission des finances d'après les prévisions de moyen terme de la Banque de France en septembre 2022, le Global Economic Outlook du FMI d'octobre 2022 et la prévision macroéconomique pour la France de la Commission européenne de mai 2022

Depuis, la Commission européenne a révisé ses prévisions pour l'année 2023 le 11 novembre 2022. Ainsi, elle considère que la croissance du PIB devrait se limiter à 0,4% en 2023.

La prévision gouvernementale apparait d'autant plus fragile que les derniers développements conjoncturels plaident plutôt pour indiquer un ralentissement de l'économie française.

Ainsi, le PIB n'aurait évolué que de 0,2 % au troisième trimestre 2022 comme le montrent les premières estimations des comptes nationaux publiés par l'INSEE le 28 octobre 2022.

En outre, dans sa note de conjoncture du mois d'octobre précitée, l'INSEE indiquait prévoir une croissance nulle du PIB au quatrième trimestre 2022.

Cette situation impliquerait que l'acquis de croissance en 2023 serait également nul ce qui signifie que l'économie française ne disposerait d'aucun élan pour atteindre une croissance positive du PIB l'année prochaine.

Or, l'économie française devra composer avec un ralentissement voire une contraction de l'activité économique de ses partenaires d'une ampleur qui n'était pas anticipée lors de l'élaboration du projet de loi de finances.

En effet, d'après les données du Consensus Forecasts , la zone euro devrait connaître une croissance économique proche de zéro voire légèrement négative en 2023 alors qu'elle était attendue à environ 1 % au mois d'août.

De façon plus importante encore, l'Allemagne présente toutes les chances, selon les conjoncturistes, d'entrer en récession (- 0,9 %) en 2023 alors qu'à l'été, son PIB était prévu pour augmenter d'environ 1 %.

Évolution de la prévision de croissance du PIB du Consensus Forecasts pour l'année 2023 en France, en zone euro et en Allemagne

(en pourcentage - en volume)

Source : commission des finances du Sénat d'après les prévisions de janvier à octobre 2022 du Consensus Forecasts

Ainsi, si les perspectives économiques pour la France apparaissent moins fortement dégradées que celles de ses partenaires par rapport aux estimations disponibles à l'été, il apparaît très clairement qu'une prévision de croissance de 1 % pour l'année 2023 constitue une hypothèse trop optimiste et qui fragilise la cohérence du scénario de finances publiques du projet de loi de finances.

B. ENCORE PRINCIPALEMENT LIÉE AU PRIX DE L'ÉNERGIE, L'INFLATION EST MIEUX MAITRISÉE EN FRANCE MAIS AU PRIX D'UNE FORTE DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS

1. Essentiellement importée, l'inflation dégrade le revenu national
a) L'inflation observée en France demeure majoritairement importée

Depuis le milieu de l'année 2021, l'économie française et celles de ses partenaires sont confrontées à une accélération de l'inflation . En octobre 2022, l'indice des prix à la consommation hors tabac avait ainsi progressé de 5,7 % par rapport à l'année précédente.

Évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac

(base 100 en 2015)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE

Par ailleurs, selon les projections du Gouvernement, l'indice des prix à la consommation hors tabac devrait demeurer élevé en 2023 (+ 4,3 %). Depuis l'année 2019, l'inflation annuelle moyenne atteindrait ainsi 2,8 %, soutenue, notamment, par la hausse des prix des services (+ 4,5 points depuis 2019) et de l'énergie (+ 3 points).

Décomposition de l'évolution de l'indice des prix à la consommation
hors tabac d'après la prévision du Gouvernement

(base 100 en 2019)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et l'INSEE

La progression de l'indice des prix à la consommation ne constitue toutefois qu'une des manières d'appréhender le phénomène d'augmentation du niveau des prix qui justifie - compte tenu de ses conséquences sociales et économiques - une forte mobilisation de la politique budgétaire et économique.

Ainsi, une autre manière d'observer la dynamique des prix peut consister à étudier l'évolution du déflateur des ressources en comptabilité nationale qui agrège le déflateur du PIB - c'est-à-dire le prix de la valeur ajoutée produite sur le territoire national - et le déflateur des importations - le prix, à quantité constante, des biens et services importés.

En effet, en comptabilité nationale, l'ensemble des quantités produites sur le territoire ou importés sont ensuite employées par les agents économiques : soit pour consommer, soit pour investir, soit pour exporter.

Dès lors, l'évolution du déflateur des ressources offre une clé de lecture utile pour comprendre les causes de l'évolution de l'ensemble des prix à la consommation, à l'investissement et à l'export.

À cet égard, et comme dans le cas de l'indice des prix à la consommation, la progression du déflateur des ressources depuis le milieu de l'année 2021 témoigne d'un phénomène de forte accélération des prix.

Toutefois, la décomposition de cette évolution met en évidence que l'augmentation du prix des ressources s'explique presque exclusivement par la hausse du prix des importations.

Ainsi, au troisième trimestre 2022, les prix des ressources employées dans l'économie française avaient augmenté de 7,1 % par rapport à l'année précédente, dont 6,7 points en raison de la hausse des prix des importations . En d'autres termes, l'inflation constatée en France au troisième trimestre 2022 est à 95 % importée.

Décomposition de l'évolution du déflateur des ressources
en comptabilité nationale

(en pourcentage par rapport au même trimestre
de l'année précédente - contribution en point de pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux au troisième trimestre 2022 publiés par l'INSEE

Les prix à l'importation ont, en effet, augmenté très fortement depuis le milieu de l'année 2021 . Ainsi, au troisième trimestre 2022, ils ont progressé de 20,4 % par rapport à la même période de l'année précédente.

Une part majoritaire de cette hausse s'explique par la dynamique des prix de l'énergie (12,6 points). Pour autant, la contribution de l'évolution des prix des produits manufacturés ne doit pas être négligée (5,7 points - hors produits de cokéfaction et raffinage comptabilisés au sein des produits énergétiques). En effet, elle est très élevée en comparaison de la situation d'avant-crise.

Décomposition de l'évolution du déflateur des importations

(en pourcentage par rapport au même trimestre
de l'année précédente - contribution en point de pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux au troisième trimestre 2022 publiés par l'INSEE

Il convient d'observer que la hausse des prix des importations n'est pas uniquement imputable à des tensions d'approvisionnement mais provient, également, de la forte dépréciation de la valeur de l'euro face au dollar (- 20 % depuis le 1 er janvier 2021) mais également face à l'ensemble des autres monnaies (- 14 % depuis le 1 er janvier 2021)

En outre, comme le mentionne la Banque de France dans une note de recherche de septembre-octobre 2022 4 ( * ) , la quasi-totalité des importations énergétiques françaises sont réglées en dollars. De façon générale, plus du quart des importations françaises seraient, ainsi, facturées en dollars.

Évolution du taux de change effectif nominal (TCEN)
de la France depuis janvier 2021

(base 100 au 1 er janvier 2021)

Source : calculs de la Banque de France (A. Berthou, J. Schmidt - La transmission du taux de change aux prix des importations en France : le rôle des monnaies de facturation - Bulletin de la Banque de France - septembre-octobre 2022) d'après les données douanières et les données de la Banque des règlements internationaux

b) Les termes de l'échange se dégradent ce qui se traduit par une perte de revenu national

L'augmentation des prix de l'énergie entraîne, en outre, une dégradation des termes de l'échange - c'est-à-dire du rapport entre le prix des exportations et celui des importations - avec nos partenaires extérieurs puisque le renchérissement du prix des importations des produits énergétiques n'a pas de contrepartie directe du côté des exportations.

En effet, la France ne produit pas ou peu de pétrole ou de gaz, consomme l'essentiel de ce qu'elle importe et, par conséquent, n'en exporte que très peu.

Évolution des termes de l'échange en France
(déflateur des exportations/déflateur des importations)

(rapport en pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux au troisième trimestre 2022 publiés par l'INSEE

À l'inverse, et par exemple, une augmentation des cours mondiaux du prix des produits agricoles viendrait aussi renchérir le coût des importations françaises. Toutefois, dans la mesure où la France est exportatrice de produits agricoles, le prix de ses exportations augmenterait également et les deux variations de prix pourraient s'annuler mutuellement.

Dans le cas présent, la hausse des prix de l'énergie importée se traduit, en définitive, par un prélèvement sur le revenu national : les agents économiques (ménages, entreprises et administrations publiques) payent le surcoût résultant de la hausse des prix de l'énergie et aucun revenu supplémentaire tiré des exportations ne vient compenser cette charge. Ainsi, d'après des économistes de l'INSEE 5 ( * ) , ce prélèvement pourrait correspondre à environ 1,5 point de PIB en 2022.

2. Le choc inflationniste relativement mieux contenu en France mais au prix d'un fort investissement des pouvoirs publics
a) L'inflation anticipée en France est plus faible que dans la plupart des autres économies développées

Les prévisions des conjoncturistes parues au mois d'octobre indiquent que l'économie française devrait connaître une inflation de 5,5 % en 2022 et de 4 % en 2023 ce qui correspond, d'ailleurs, aux prévisions du Gouvernement.

Distribution de plusieurs économies avancées en fonction de leur taux d'inflation en 2022 et 2023

(en pourcentage)

Pays : Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Zone euro, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Israël, Italie, Japon, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Espagne, Suède, Suisse, Royaume-Uni, États-Unis.

Source : commission des finances du Sénat d'après les prévisions du Consensus Forecasts d'octobre 2022

Quoiqu'élevés en comparaison historique, ces taux sont relativement modérés par rapport à l'inflation anticipée parmi les principaux pays développés.

Ainsi, en zone euro, l'inflation devrait atteindre 8,3 % en 2022 et environ 5,8 % en 2023. En Allemagne, elle pourrait s'établir à 6,8 % en 2023, après 8,1 % en 2022.

b) Les mesures de soutien au pouvoir d'achat participent effectivement à réduire l'inflation mais au prix d'un coût important pour les finances publiques

Si le moindre niveau de l'inflation en France en comparaison des autres pays européens s'explique par une dépendance plus faible aux importations de gaz , une part conséquente de ce résultat s'explique par les effets des différentes mesures budgétaires mises en oeuvre depuis 2021.

Ainsi, d'après le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2023, l'ensemble des mesures (bouclier tarifaire, remise à la pompe etc.) engagées pour faire face aux conséquences de la hausse des prix de l'énergie aurait réduit l'inflation d'environ 2 points en 2022 et la diminuerait de 3,5 points en 2023.

En l'absence de ces mesures, l'inflation en France rejoindrait les niveaux anticipés en Allemagne et s'élèverait à 7,5 % en 2022 et 8 % en 2023.

Impact des mesures budgétaires de soutien au pouvoir d'achat
sur le taux d'inflation en France

Source : rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2023

La contrepartie de ce résultat est, évidemment, le coût très important des dispositifs de soutien pour les finances publiques.

Ainsi, en 2022, les mesures prises pour faire face à la crise énergétique auraient un impact de l'ordre de 48,6 milliards d'euros sur le solde public en comptabilité nationale.

Des montants comparables devraient continuer d'être mobilisés en 2023 (environ 49,5 milliards d'euros) tandis que le Gouvernement fait l'hypothèse d'un maintien du bouclier tarifaire jusqu'en 2027 (pour environ 10 milliards d'euros).

Il convient de relever que l'annonce fin octobre 2022 de l'extension d'un bouclier tarifaire au profit des entreprises pourrait se traduire par une hausse du coût des mesures de soutien d'environ 7 milliards d'euros.

Évolution du coût des mesures de soutien au pouvoir d'achat

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire du rapporteur

3. La remontée des taux d'intérêt pèse sur la croissance
a) Une hausse des taux d'intérêt depuis 2021 qui pose le risque d'une fragmentation du marché obligataire en Europe

En raison d'une hausse de l'inflation anticipée , d'une part, et des incertitudes quant à la solidité des anticipations d'inflation , d'autre part, les taux d'intérêt des obligations souveraines à 10 ans se sont fortement redressés à compter de janvier 2022.

Dans le cas français, la variation du taux nominal de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans correspond à une hausse de 290 points de base.

Évolution des taux nominaux des obligations souveraines à 10 ans en Italie, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du Consensus Forecasts de janvier 2021 à octobre 2022

Cette forte augmentation des taux d'intérêt nominaux s'est accompagnée d' une accentuation des écarts ( spread ) entre le rendement des différentes obligations souveraines des États de la zone euro et celui des obligations souveraines allemandes.

Ainsi, l'écart entre les taux souverains français et allemand s'est accentué d'environ 0,4 point. Dans le cas de l'Italie comparé toujours à l'Allemagne, l'écart s'est accru de près de 1,3 point.

Évolution des écarts ( spread ) entre les taux souverains français,
italien et allemand

(en point de pourcentage)

Source : calcul de la commission des finances d'après les données du Consensus Forecasts de janvier 2021 à octobre 2022

L'accentuation des écarts de taux pose le risque d'une fragmentation du marché obligataire au sein de la zone euro.

Toutefois, les prévisions des conjoncturistes laissent penser que ces écarts devraient se stabiliser à court terme.

Ainsi, d'après les données du Consensus Forecasts d'octobre 2022, l'écart des taux français et italien par rapport au taux allemand pourrait se réduire de 0,1 point d'ici octobre 2023, ce qui signale la perspective d'une stabilisation.

Prévision d'évolution des écarts de taux souverains
dans 3 mois et dans un an

(en point de pourcentage)

Source : calcul de la commission des finances d'après les données du Consensus Forecasts d'octobre 2022

b) Un resserrement de la politique monétaire de la banque centrale européenne qui devrait parvenir à réduire l'inflation mais présente un risque récessif

L'accélération de l'inflation en zone euro et la dépréciation de l'euro résultant de la hausse des taux directeurs aux États-Unis ont justifié que la Banque centrale européenne engage un programme de resserrement de sa politique monétaire consistant en :

- une remontée très rapide et sensible des taux d'intérêt directeurs ;

- une réduction de la taille de son bilan par la révision de ses programmes d'achat d'actifs.

Progression des taux directeurs de la Banque centrale européenne

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après la Banque centrale européenne

L'ensemble des mesures prises par les autorités monétaires semble convaincre les agents économiques que l'inflation sera effectivement maitrisée à moyen terme.

Ainsi dans ses prévisions pour les années 2028 à 2032 publiées en octobre 2022, le Consensus Forecasts estime que l'inflation en zone euro devrait atteindre 2,1% sur cette période contre 5,8 % en 2023.

Toutefois, le resserrement de la politique monétaire pourrait avoir des effets récessifs importants pour la France. Ainsi, dans ses travaux précités, l'OFCE estimait à 0,8 point de PIB la perte de croissance induite par la remontée des taux d'intérêt.

II. TOUT EN PRÉSERVANT LES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AUX MÉNAGES ET AUX ENTREPRISES, LA SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES IMPOSE DE RÉALISER DES EFFORTS EN DÉPENSES DÈS L'ANNÉE 2023

A. LE COÛT DES MESURES DE CRISES N'EXPLIQUE PAS L'ENSEMBLE DE LA DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS

1. Le déficit et l'endettement publics restent très fortement dégradés

En 2022, le solde des administrations publiques devrait s'élever à - 5% du PIB en amélioration de 1,5 point par rapport à l'année 2021.

En 2023, le solde s'élèverait à - 4,7 % du PIB si l'on tient compte, seulement, de la prévision actualisée du Gouvernement figurant à l'article liminaire de la première partie du projet de loi de finances considéré comme adoptée par l'Assemblée nationale.

Toutefois, en tenant compte des récentes annonces liées au renforcement du bouclier tarifaire en faveur des entreprises , le déficit public devrait s'élever à 5 % du PIB en 2023 .

Décomposition du solde public
(en tenant compte des mesures adoptées par l'Assemblée nationale)

(en point de PIB)

* en tenant compte du renforcement attendu en deuxième partie du PLF pour 2023 du bouclier tarifaire pour les entreprises (+ 7 milliards d'euros).

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'endettement public atteindrait 111,5 % du PIB en 2022 et 111,2 % du PIB en 2023 . D'après les prévisions fournies dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques, l'endettement progresserait à nouveau en 2024 et refluerait progressivement à compter de 2026.

Évolution de l'endettement public

(en tenant compte des mesures adoptées par l'Assemblée nationale)

(en point de PIB)

Note : en tenant compte du renforcement attendu en deuxième partie du PLF pour 2023 du bouclier tarifaire pour les entreprises (+ 7 milliards d'euros).

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les comptes publics apparaissent, ainsi, particulièrement dégradés ce qui s'explique par le cumul des effets des crises sanitaire, économique et énergétique.

Ces dernières ont impliqué la mise en oeuvre de nombreuses politiques de soutien au plan budgétaire et fiscal qui se sont traduites par une dégradation du solde des administrations publiques et une hausse de l'endettement public.

Toutefois, comme le rapporteur général le montrera ci-après, les dépenses liées aux différentes crises n'expliquent pas toute la dégradation des comptes publics.

Ainsi, en 2022 comme en 2023, la progression des dépenses ordinaires - c'est-à-dire celles retraitées des dépenses de crise - reste particulièrement dynamique.

Il apparaît d'autant plus urgent, dans ce contexte, de convenir d'une trajectoire des finances publiques qui vise à revenir le plus rapidement possible à l'équilibre.

2. La progression des recettes publiques ralentirait en 2023 mais leur poids dans le PIB resterait très élevé
a) Des recettes publiques tirées à la hausse par le fort dynamisme des prélèvements obligatoires en 2022

En 2022, d'après les prévisions du Gouvernement, les recettes publiques devraient s'élever à environ 1 405 milliards d'euros dont 1 188 milliards d'euros de prélèvements obligatoires nets des crédits d'impôts et 195 milliards d'euros de recettes hors prélèvements obligatoires.

Par rapport à 2021, les recettes publiques auront ainsi progressé de 91 milliards d'euros dont l'essentiel résulte de la forte augmentation du rendement des prélèvements obligatoires (+ 80 milliards d'euros, hors effets des mesures liées aux crises).

Le solde des mesures en recettes engagées pour répondre aux crises sanitaire, économique et énergétique (bouclier tarifaire, par exemple), d'une part, et des variations de recettes liées à l'évolution des prix de l'énergie (hausse de la redevance hydroélectrique, par exemple), d'autre part, auront contribué à augmenter les recettes publiques d'environ 5 milliards d'euros.

À l'exclusion des versements européens au titre du plan de relance (11,2 milliards d'euros), les recettes publiques hors prélèvements obligatoires se seront élevées à 184 milliards d'euros en baisse de 8 milliards d'euros.

Décomposition de l'évolution des recettes publiques entre 2021 et 2022

(en milliards d'euros)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Sous ses hypothèses, le taux de croissance constaté des prélèvements obligatoires nationaux (nets des crédits d'impôts) s'élèverait à 7,7 % soit 1,4 fois le taux de croissance du PIB en valeur.

À cet égard, le Gouvernement indique dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances que l'élasticité des prélèvements obligatoires - qui mesure le rapport entre l'évolution « à champ constant » des prélèvements obligatoires et celle du PIB en valeur - serait de 1,5 en 2022.

Pour rappel, sur longue période l'élasticité des prélèvements obligatoires est unitaire en moyenne . Ainsi, un tel dynamisme des recettes fiscales par rapport à la croissance du PIB ne devrait présenter qu'un caractère temporaire et, surtout, impliquer un fort ralentissement les années suivantes.

D'ailleurs - et comme cela sera développé infra -, le Gouvernement estime que l'élasticité des prélèvements obligatoires ne sera que de 0,6 en 2023 , soit une élasticité proche de l'unité entre 2021 et 2023.

Le rendement des recettes fiscales devrait par ailleurs avoir être réduit, en 2022, par l'effet de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires .

Le coût de ces mesures s'élève à - 4,6 milliards d'euros et il est, pour l'essentiel, supporté par les administrations sociales et les organismes divers d'administration centrale (ODAC).

Solde du coût des mesures nouvelles en
prélèvements obligatoires en 2022

(en milliards d'euros)

Secteur

Impact des mesures nouvelles sur les recettes fiscales en 2023

Administrations locales

-1

Administrations sociales

-2,9

État

1,6

Organismes divers d'administration centrale

-2,3

Total

-4,6

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

De façon plus détaillée, on peut relever que le coût en 2022 du bouclier tarifaire sur l'électricité (- 7,4 milliards d'euros) serait plus que compensé par les gains enregistrés au titre des moindres charges sur le service public de l'électricité.

Pour mémoire, en effet, les charges de service public de l'électricité constituent, pour l'essentiel, des subventions versées par l'État pour soutenir le développement des énergies renouvelables et dont le montant est déterminé en fonction de la différence entre un prix contractuel et le prix de marché de vente de l'électricité.

La réduction de cet écart se traduit, dans un premier temps, par une économie en dépense liée au moindre coût des subventions. Dans un deuxième temps, le passage d'un prix de marché supérieur au prix contractuel se traduit par l'enregistrement de recettes au profit de l'État. En l'occurrence, pour l'année 2022, celles-ci s'élèveraient à 9,6 milliards d'euros.

En dehors des mesures nouvelles liées à la crise énergétique, le rendement des recettes fiscales diminuerait, en 2022, essentiellement en raison de la suppression de la redevance audiovisuelle (- 3,2 milliards d'euros) et de la poursuite de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (- 2,8 milliards d'euros) pour les 20 % des ménages les plus aisés.

Synthèse des principales mesures nouvelles

en prélèvements obligatoires en 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

À l'inverse, plusieurs mesures se traduisent par une hausse des prélèvements obligatoires comme, par exemple, l'effet-retour sur l'impôt sur les sociétés résultant de la suppression d'une fraction de la CVAE et de la réforme des modalités de calcul de la valeur locative des locaux industriels en loi de finances initiale pour 2021.

b) Un affaiblissement de la dynamique des prélèvements obligatoires en 2023

D'après les prévisions du Gouvernement figurant au RESF et au regard des dispositions en recettes considérées comme adoptées par l'Assemblée nationale après l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur la première partie du projet de loi de finances pour 2023, les recettes publiques s'élèveront à 1 451 milliards d'euros en 2023.

Parmi ces dernières, les prélèvements obligatoires nets des crédits d'impôts atteindraient 1 235 milliards d'euros et les recettes hors prélèvements obligatoires près de 200 milliards d'euros.

Décomposition de l'évolution des recettes publiques entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Comme en 2022, les mesures de crises - soit discrétionnaires (bouclier tarifaire) soit celles dont l'assiette d'imposition est liée aux résultats des entreprises énergétiques (redevance hydroélectrique, taxation de la rente infra-marginale...) - contribueraient à augmenter les recettes publiques d'environ 5 milliards d'euros.

Les recettes publiques hors prélèvements obligatoires augmenteraient de 4 milliards d'euros en 2023 sous l'effet d'une hausse de l'ensemble de ces recettes de 10 milliards d'euros et d'une diminution du montant des versements européens au titre du plan de relance.

Ainsi qu'évoqué supra , l'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB en valeur s'élèverait à 0,6 après 1,5 en 2022. Dans ce contexte, les prélèvements obligatoires augmenteront faiblement en montant (+ 47 milliards d'euros, hors mesures de crises).

Enfin, contrairement à l'année 2022 présentée supra , les mesures nouvelles tendraient à augmenter le rendement fiscal en 2023 d'environ 4,9 milliards d'euros (contre - 4,6 milliards d'euros en 2022).

Solde du coût des mesures nouvelles
en prélèvements obligatoires en 2023

(en milliards d'euros)

Secteur

Impact des mesures nouvelles sur les recettes fiscales en 2023

Administrations locales

+ 0,4

Administrations sociales

0

État

+ 4,2

Organismes divers d'administration centrale

+ 0,3

Total

+ 4,9

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Toutefois, ce résultat s'explique surtout par l'importance des gains en recettes tirés de la différence entre le prix de marché de l'électricité, d'une part, et les prix contractuels définis dans le cadre de la compensation des charges de service public de l'électricité, d'autre part.

En effet, sous réserve que les prix de marché continuent d'évoluer au-dessus des prix contractuels, l'État ne sera pas tenu de verser une subvention de compensation aux entreprises bénéficiaires et, au contraire, enregistrerait une recette à son profit de l'ordre de 9,6 milliards d'euros.

En sens inverse, plusieurs mesures nouvelles viendraient réduire le rendement fiscal notamment la suppression de la CVAE (- 4 milliards d'euros), la dernière tranche de suppression de la taxe d'habitation (- 2,8 milliards d'euros) ou, encore, la transformation du crédit d'impôts services à la personne en dispositif contemporain (- 1,6 milliards d'euros).

Synthèse des principales mesures nouvelles en
prélèvements obligatoires en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

c) Un équilibre à trouver dans la trajectoire des prélèvements obligatoires

Malgré les diminutions d'impôts mises en oeuvre au cours des dernières années, force est de constater que le taux de prélèvements obligatoires atteint un point haut historique en 2022 (45,2 % du PIB) et qu'il resterait à un niveau encore très élevé en 2023 (44,7 %) .

Sur longue période, le taux de prélèvements obligatoires est très important en France en comparaison de nos partenaires européens, ce qui plaide pour les réduire à un rythme soutenable et volontariste.

Évolution des prélèvements obligatoires

(en point de PIB)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

À cet égard, le rapporteur général estime que la réforme de la CVAE proposée par le Gouvernement doit être améliorée . En effet, alors que les entreprises sont actuellement soumises à de grandes difficultés liées aux effets de l'inflation, il semble plus urgent de renforcer les dispositifs de soutien temporaire qui pourraient leur être accordés.

Ainsi, la situation des comptes publics impose probablement un arbitrage entre la mise en oeuvre de mesures temporaires et celle de mesures plus structurelles comme la suppression de la CVAE.

Au surplus, les incertitudes quant à la pertinence du mode de compensation de la suppression de la CVAE pour les collectivités locales alors même que celles-ci font face aux conséquences de l'inflation sur leurs budgets suggèrent de prendre le temps de la réflexion.

Dans ce contexte, pour nécessaire qu'elle soit, la nouvelle étape de réduction des impôts de production pourrait être repoussée.

3. Les dépenses publiques progressent indépendamment des mesures liées aux crises
a) Une hausse historique des dépenses primaires en 2022 en proportion du PIB

En 2022, les dépenses publiques (y compris crédits d'impôts) atteindraient 1 536 milliards d'euros en augmentation de 60 milliards d'euros.

La hausse de 60 milliards d'euros des dépenses publiques masque, toutefois, des mouvements en sens contraire . Ainsi, retraitées des mesures de crises (y compris, ici, du coût de la revalorisation des pensions et du point d'indice de la fonction publique) et des moindres dépenses liées aux charges de service public résultant de l'évolution du prix de l'électricité, les dépenses primaires augmentent de 76 milliards d'euros en 2022, soit 2,9 point de PIB.

Décomposition de l'évolution des dépenses publiques entre 2021 et 2022

(en milliards d'euros)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Il s'agit de la plus forte augmentation des dépenses primaires en point de PIB enregistrée depuis 1993 . Par ailleurs et comme cela sera développé infra , l'année 2023 connaitra également une hausse très importante des dépenses hors crises (+ 2,5 points de PIB).

Évolution des dépenses primaires retraitées
des mesures de crises

(en point de PIB)

Note : les dépenses primaires des années 2009, 2010, 2020, 2021, 2022 et 2023 sont minorées des dépenses engagées dans le cadre des plans d'urgence, de relance ou de soutien au pouvoir d'achat.

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les comptes nationaux de l'INSEE

Parmi les autres facteurs expliquant l'évolution de la dépense se trouve, dans le sens d'une diminution, le coût moins important qu'en 2021 des mesures de crises qui ne présentent pas de caractère pérenne et qui s'explique surtout par l'extinction progressives des mesures liées à la crise sanitaire notamment :

- le fonds de solidarité (1,1 milliard d'euros en 2022 contre 23,9 milliards d'euros en 2021) ;

- les dépenses de santé liées au Covid-19 (11,5 milliards d'euros en 2022 contre 18,3 milliards d'euros en 2021) ;

- le dispositif de prolongation des revenus de remplacement et le décalage de l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance-chômage (300 millions d'euros de dépenses en 2022 contre 5,3 milliards d'euros en 2021).

En outre - toujours à la baisse et pour des raisons similaires à celles évoquées dans l'analyse des recettes supra - l'État enregistre des moindres dépenses de l'ordre de 17 milliards d'euros car, compte tenu de l'augmentation du prix de marché de l'électricité, il verse un moindre montant de compensation de charge de service public aux producteurs d'énergie renouvelable en 2022.

À la hausse, les dépenses publiques sont soutenues par les effets des revalorisations des pensions et du point d'indice de la fonction publique pour environ 10 milliards d'euros.

Enfin, la charge des intérêts de la dette progresse de 11 milliards d'euros pour s'élever à 46 milliards d'euros en 2022 soit 1,7 % du PIB. Cette hausse s'explique surtout par le renchérissement des intérêts versés sur les obligations indexées qui représentent environ 10 % de l'encours total de la dette française.

b) La persistance, en 2023, d'une très forte dynamique de hausse des dépenses ordinaires

En 2023, d'après les documents budgétaires, les dépenses publiques (y compris crédits d'impôts) s'élèveront à environ 1 580 milliards d'euros .

À cet égard, les dépenses n'augmenteraient « que » de 43 milliards d'euros . Toutefois, ce résultat masque des mouvements en sens contraire puisque les administrations publiques bénéficient d' économies temporaires et conjoncturelles et entretiennent, à l'inverse, une tendance fortement haussière des dépenses primaires.

Décomposition de l'évolution des dépenses publiques entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

D'une part, sous l'effet de l'extinction progressive des dispositifs liés à l'urgence sanitaire et à la relance , la dépense publique diminuerait d'environ 23 milliards d'euros. En tenant compte de l'augmentation du coût des mesures engagées face à la crise énergétique (+ 11 milliards d'euros en tenant compte du renforcement prévu du bouclier tarifaire pour les entreprises), le montant des mesures de crises diminuerait finalement de 10 milliards d'euros .

D'autre part, en retenant l'hypothèse d'un maintien des prix de marché de l'électricité au-dessus des prix contractuels pour le calcul des subventions pour charges de service public versés aux producteurs d'énergie renouvelable, le coût pour l'État de ces subventions diminuerait encore de 10 milliards d'euros par rapport à l'année 2022 .

En sens inverse, les dépenses primaires (hors crédits d'impôts et hors mesures de crises) augmenteraient de 65 milliards d'euros , soit 2,4 points de PIB .

Comme cela a été illustré supra , il s'agit d'une hausse des dépenses rapportée au PIB particulièrement importante en comparaison historique.

En effet, à l'exception de l'année 2022 elle-même (+ 2,6 points de PIB), une telle hausse des dépenses primaires ordinaires n'a pas été observée depuis le début des années 2000.

En outre, les dépenses publiques continueront d'être soutenues par l'effet des mesures de revalorisation des prestations sociales et du point d'indice de la fonction publique pour environ 5 milliards d'euros supplémentaires par rapport au surcoût déjà constaté en 2022 (10 milliards d'euros)

Enfin, la charge de la dette devrait provisoirement se stabiliser voire refluer très légèrement pour s'élever à 45 milliards d'euros soit 1,6 % du PIB.

Prévision d'évolution de la charge
de la dette publique

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

B. UN DÉFICIT PUBLIC ENCORE LARGEMENT PORTÉ PAR L'ÉTAT ET LES ADMINISTRATIONS CENTRALES

1. La situation financière des administrations centrales est dégradée par le coût des mesures de crises

En comptabilité nationale, les dépenses et les recettes de l'État seraient stables en 2022 et 2023 soit environ 602 milliards d'euros de dépenses et 456 milliards d'euros de recettes.

Situation de l'État

(en point de PIB)

2022

2023

Dépenses totales de l'État

22,8

21,8

Recettes totales de l'État

17,3

16,5

Solde de l'État

-5,5

-5,3

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le déficit de l'État resterait également stable en valeur - à environ 145 milliards d'euros - mais diminuerait légèrement en proportion du PIB (- 0,2 point).

Sur les 52,4 milliards d'euros de dépenses de crises (hors revalorisation des pensions et du point d'indice de la fonction publique), l'État assumerait la quasi-totalité, soit 50,4 milliards d'euros.

Plus particulièrement, 39,9 milliards d'euros seraient engagés au titre des mesures de protection du pouvoir d'achat et 8,6 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance.

L'analyse de la situation budgétaire de l'État fait l'objet d'une présentation plus détaillée dans la seconde partie du présent rapport.

Les organismes divers d'administration centrale (ODAC) verraient leurs dépenses diminuer d'environ 3 milliards d'euros en 2023 .

Toutefois, leurs recettes se réduiraient dans une ampleur plus importante encore (- 12 milliards d'euros) ce qui se traduirait par une dégradation du solde des ODAC d'environ 0,3 point de PIB.

Situation des organismes divers
d'administration centrale (ODAC)

(en point de PIB)

2022

2023

Dépenses totales des Odac

4,2

3,9

Recettes totales des Odac

4,3

3,7

Solde des Odac

0,1

-0,2

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'analyse des résultats des ODAC en comptabilité nationale est toutefois perturbée par les effets en recettes de la reprise de la dette de SCNF Réseau par l'État qui se traduit par un transfert en capital de 10 milliards d'euros en faveur des ODAC.

Corrigé de cet effet, les recettes des ODAC seraient relativement stables (+ 0,5 milliard d'euros) entre 2021 et 2022. La baisse constatée entre 2022 et 2023 se limiterait, ainsi, à environ 2,5 milliards d'euros.

Les dépenses des ODAC reculeraient entre 2022 et 2023 en raison, principalement, de la baisse des dépenses liées au Covid-19 de Santé Publique France.

2. Les collectivités locales présentent un excédent public mais sont fragilisées par l'inflation

Les dépenses des administrations locales progresseraient en valeur d'environ 8 milliards d'euros en 2023 pour atteindre 304 milliards d'euros mais leur part diminuerait dans le PIB d'environ 0,2 point.

Les recettes locales augmenteraient également d'environ 7 milliards d'euros tandis que le déficit des administrations locales se dégraderait d'environ 0,1 point de PIB.

Situation des administrations
publiques locales (APUL)

(en point de PIB)

2022

2023

Dépenses totales des Apul

11,2

11

Recettes totales des Apul

11,1

10,9

Solde des Apul

0

-0,1

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

De façon plus précise, toutefois, il apparait que les collectivités locales présenteraient un solde public en excédent de 1,5 milliard d'euros en 2023. Le déficit des administrations locales serait en pratique le fait des organismes divers d'administration locale (ODAL) et plus particulièrement de la Société du Grand Paris (SGP).

Une attention particulière doit être apportée aux collectivités locales qui sont soumises à des hausses de dépenses résultant de l'accélération de l'inflation (énergie et alimentation - notamment) et aux conséquences des décisions prises par l'État comme la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

Le mécanisme qui sera mis en place dans le cadre du projet de loi de finances est primordial pour permettre d'assurer une stabilité aux collectivités et leurs groupements dans l'établissement de leurs budgets primaires et de voir plus sereinement l'avenir . Il sera regardé avec la plus grande attention par la commission des finances du Sénat dans les prochaines semaines.

3. Les dépenses sociales progressent notamment sous l'effet de la revalorisation des prestations sociales

En 2023, le solde des administrations sociales devrait s'améliorer d'environ 0,3 point de PIB . Si les recettes devraient demeurer relativement stables en proportion du PIB, elles progresseront, en valeur, de près de 30 milliards d'euros.

Dans le même temps, les dépenses des administrations sociales diminueront en proportion du PIB d'environ 0,4 point et progresseront en valeur de 20 milliards d'euros.

Situation des administrations de sécurité sociale

(en point de PIB)

2022

2023

Dépenses des ASSO

26,5

26,1

Recettes des ASSO

27

26,9

Solde des ASSO

0,5

0,8

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'amélioration du solde des administrations sociales serait portée par celle du solde de régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour environ 0,3 point de PIB.

Décomposition du solde des administrations sociales

(en point de PIB)

2022

2023

RG + FSV

-0,6

-0,3

Unedic

0,2

0,2

Régimes complémentaires

0,3

0,2

Cades/FRR

0,6

0,5

Odass

0,0

0,0

ASSO

0,5

0,8

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les dépenses des administrations sociales augmenteraient en 2023 sous l'effet de la revalorisation des prestations sociales décidées à l'été 2022. En outre, hors dépenses liées à la crise sanitaire, les dépenses sous ONDAM progresserait d'environ 3,7 %.

C. UN EFFORT EST NÉCESSAIRE DÈS L'ANNÉE 2023 POUR PARTICIPER À ASSAINIR LES COMPTES PUBLICS

Comme le rapporteur général l'a montré dans son rapport sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, la trajectoire d'évolution des dépenses publiques proposée par le Gouvernement n'est pas suffisante pour rétablir rapidement nos comptes publics.

En effet, une fois retraitée des mesures d'urgence prises pour répondre aux effets des crises sanitaire, économique et énergétique, la trajectoire proposée par le Gouvernement consiste en une progression des dépenses primaires d'environ 0,9 % par an de 2022 à 2027.

Dans ce contexte, le déficit public ne reviendrait sous la barre des 3 % de déficit qu'à compter de 2027 alors même que les principaux partenaires européens de la France parviendraient à ce résultat avant 2025.

En outre, la trajectoire gouvernementale ne répartit pas les efforts de manière équitable . En effet, alors que les dépenses locales seraient soumises à un objectif de réduction de 0,5 % par an en volume, celles de l'État progresseraient de quasiment 0,9 % chaque année sur la période.

Trajectoire d'évolution des dépenses primaires hors mesures de crise proposée par le Gouvernement au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

(en volume - base 100 en 2022)

(en point de PIB)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Dès lors, afin de consolider rapidement nos comptes publics et d'assurer une juste répartition de l'effort, le rapporteur général propose une trajectoire alternative de maîtrise de la dépense publique dans le projet de loi de programmation des finances publiques.

Il s'agit ainsi de prévoir un objectif de réduction des dépenses primaires hors crises des administrations centrales de 0,5 % par an, soit le même effort de baisse de la dépense que celui demandé aux administrations locales.

Cette trajectoire permettrait de faire revenir le déficit public en dessous de 3 % du PIB dès 2025 et d'atteindre un solde public de - 1,7 % en 2027.

Dès 2023, elle implique, toutefois, de réaliser des efforts à hauteur de 3 à 4 milliards d'euros (au regard des votes de l'Assemblée nationale sur la première partie du projet de loi de finances), en réduisant en particulier les dépenses des administrations centrales.

À cette fin, différentes mesures visant à réduire les dépenses de l'État devront notamment être présentées au cours de l'examen du projet de loi de finances.

Ces mesures d'économies n'affecteraient ni le champ des dépenses liées à la sécurité des Français, ni les dépenses sociales, ni les dépenses relatives à la revalorisation des enseignants de l'enseignement scolaire.

DEUXIÈME PARTIE
LE BUDGET DE L'ÉTAT

Le projet de loi de finances pour 2023 est le premier présenté en application de la révision de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021 6 ( * ) .

Les principales modifications apportées à la structure de la loi de finances
et leur mise en oeuvre dans le projet de loi de finances pour 2023

Outre des améliorations à l'information mise à disposition du Parlement (notamment par la présentation d'un budget triennal pour chaque programme et la publication des annexes générales avant le début de la discussion en séance publique à l'Assemblée nationale), cette réforme a modifié la structure de la loi de finances elle-même :

- enrichissement de l'article liminaire ;

- discussion en première partie de l'ensemble des dispositions relatives aux ressources de l'État, même si elles n'ont pas d'effet sur le solde en 2023 7 ( * ) ;

- discussion en première partie de l'ensemble des dispositions relatives à l'assiette, au taux, à l'affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à une autre personne morale autre que l'État 8 ( * ) . Tableau général de la liste et du produit prévisionnel des impositions de toutes natures affectées à des tiers 9 ( * ) (I de l'article 15) ;

- dans le tableau d'équilibre du budget, distinction entre fonctionnement et investissement et suppression de la distinction entre ressources fiscales brutes et nettes (article 26) ;

- récapitulation des moyens complets des missions du budget général (état F, annexé à l'article 30) ;

- définition, en seconde partie, pour chaque mission, des objectifs de performance et des indicateurs associés à ses objectifs (état G, annexé à l'article 30) ;

- possibilité, en seconde partie, de prendre des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires soit de l'année, soit de l'année et d'une ou de plusieurs années ultérieures.

Source : commission des finances du Sénat

I. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE NE QUITTE PAS LES SOMMETS ATTEINTS PENDANT LA CRISE SANITAIRE

Le déficit budgétaire de l'État est prévu en 2023 à un niveau de 158,5 milliards d'euros par le présent projet de loi de finances dans sa version initiale, en amélioration de 14,1 milliards d'euros par rapport au déficit prévisionnel révisé de 2022 (172,6 milliards d'euros dans la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022).

Il s'agit toutefois du déficit budgétaire le plus élevé jamais présenté dans un projet de loi de finances initiale , succédant à deux projets de loi de finances déjà très fortement déficitaires (152,8 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2021 et 143,4 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022).

Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, le déficit budgétaire est porté à 162,1 milliards d'euros , en raison de dépenses nouvelles, notamment au titre des mesures liées à la hausse des prix de l'énergie, malgré la recette exceptionnelle, d'un montant de 7,0 milliards d'euros, constituée par la transcription dans le droit national du dispositif européen de plafonnement des revenus infra-marginaux de la production d'électricité pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

A. EN 2022, UN DÉFICIT TRÈS ÉLEVÉ, MAIS TOUT DE MÊME AMÉLIORÉ PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE DE L'ÉTÉ

S'agissant de l'exercice en cours 2022 , l'estimation de déficit est révisée à 172,6 milliards d'euros , contre 153,8 milliards d'euros en loi de finances initiale et 178,4 milliards d'euros dans la loi de finances rectificative du 16 août 2022 10 ( * ) .

Évolution des estimations de solde budgétaire en 2022
(avant dépôt du projet de loi de finances rectificative de fin d'année)

(en milliards d'euros)

LFI : loi de finances initiale. LFR-1 : loi de finances rectificative du 16 août 2022. IS : impôt sur les sociétés. TVA : taxe sur la valeur ajoutée. IR : impôt sur le revenu. PSR UE : prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La diminution de 5,9 milliards d'euros du déficit prévisionnel par rapport à la prévision faite en milieu d'année demeure limitée par rapport aux deux années précédentes : le solde prévisionnel s'était amélioré de 22,6 milliards d'euros en 2021 et de 29,9 milliards d'euros en 2020, entre la loi de finances rectificative du mois de juillet et le dépôt du projet de loi de finances de l'exercice suivant à la fin septembre.

Cette évolution, par rapport aux prévisions faites en milieu d'année, s'explique principalement par des mouvements relatifs aux recettes et aux prélèvements sur recettes.

Les analyses qui suivent doivent toutefois être considérées comme provisoires, les éléments du projet de loi de finances rectificative de fin d'année n'étant pas encore connus au moment de la rédaction du rapport.

1. Le déficit est aggravé en 2022, pour la troisième année consécutive, par des dépenses exceptionnelles

Les recettes fiscales nettes seraient supérieures de 3,6 milliards d'euros au produit attendu au milieu de l'année. Cette réévaluation, égale à 1,2 %, reste limitée par rapport à celles connues les deux années passées : l'estimation de recettes fiscales nettes avait été réhaussée de 19,6 milliards d'euros en 2021 et du même montant en 2020 par rapport à la précédente loi de finances rectificative, prise dans les deux cas au mois de juillet.

Des plus-values liées à l'amélioration du contexte macroéconomique accroîtraient les recettes d'impôt sur les sociétés de 2,2 milliards d'euros, celles d'impôt sur le revenu de 1,5 milliard d'euros et celles de TVA de 0,9 milliard d'euros.

L'impact du contexte est particulièrement fort sur les recettes d'impôt sur les sociétés : alors que le niveau prévu en loi de finances initiale pour 2022 était inférieur de 6,3 milliards d'euros au niveau de 40,0 milliards d'euros atteint en 2021, les recettes d'impôt sur les sociétés net atteindraient désormais 59,0 milliards d'euros. Selon les éléments recueillis par le rapporteur général, les recettes nettes d'impôt sur les sociétés étaient mêmes, à la fin septembre, supérieures de 20,3 milliards d'euros au niveau atteint en 2021 à la même époque 11 ( * ) .

En particulier, l'évolution spontanée serait positive de 24,6 %, en conséquence notamment de la croissance exceptionnelle du bénéfice fiscal en 2021 (+ 41 %).

Les recettes non fiscales seraient pour leur part de 25,0 milliards d'euros en 2022 , contre 23,7 milliards d'euros prévus en loi de finances rectificative et 20,2 milliards d'euros en loi de finances initiale.

Cette augmentation concerne notamment le produit des participations de l'État dans des entreprises financières, qui serait de 5,0 milliards d'euros, contre 1,6 milliard d'euros prévus en loi de finances initiale. Le dividende versé par le groupe Caisse des dépôts et consignations devrait ainsi être de 2,2 milliards d'euros contre 1,1 milliard d'euros prévus en loi de finances initiale, par l'effet de la reprise de l'activité et du rebond des marchés, ainsi que de l'amélioration de la situation des filiales du groupe.

2. Une amélioration du déficit budgétaire du fait de recettes supplémentaires et d'une diminution du prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne

Un autre facteur d'amélioration du solde en 2022 est la révision du prélèvement sur recettes au titre de l'Union européenne, qui serait inférieure de 1,4 milliard d'euros au niveau de 26,4 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale et non modifié en loi de finances rectificative.

Le Gouvernement explique cette diminution par des effets favorables en recettes qui compensent l'actualisation à la hausse des dépenses de l'Union européenne. Cette estimation tire les conséquences des quatre budgets rectificatifs présentés à cette date par la Commission européenne.

Enfin, les dépenses du budget général (- 0,7 milliard d'euros) et le solde des budgets annexes (- 0,1 milliard d'euros) et des comptes spéciaux (+ 0,4 milliard d'euros) resteraient pratiquement au niveau prévu en loi de finances rectificative.

Cette relative stabilité rejoint l'analyse faite par le rapporteur général lors de l'examen de la loi de finances rectificative, selon laquelle une « bonne surprise » en exécution était peu probable en 2022 : en effet les crédits supplémentaires alors ouverts correspondaient à des charges, notamment liées aux prix de l'énergie et à la mise en place d'un bouclier fiscal et tarifaire, plus certaines que les crédits de soutien à l'économie ouverts en très grandes masses les deux années précédentes au titre de la crise sanitaire 12 ( * ) .

B. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE CONSERVE UN NIVEAU HISTORIQUEMENT ÉLEVÉ EN 2023

Le projet de loi de finances prévoit un déficit budgétaire en 2023 de 158,5 milliards d'euros , qui résulte pour 155,9 milliards d'euros du déficit du budget général et pour 3,5 milliards d'euros de celui des comptes spéciaux.

La construction du solde budgétaire de l'État
dans le projet de loi de finances pour 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du tableau d'équilibre du projet de loi de finances 13 ( * )

Ce déficit serait en diminution de 14,1 milliards d'euros par rapport à celui de 2022. Toutefois, comme les années précédentes, la prévision de déficit pour 2023 n'inclut pas les reports de crédits , qui accroissent de 9,1 milliards d'euros environ celui de 2022 14 ( * ) . Il pourrait donc, une nouvelle fois, faire l'objet d'une révision à la hausse en cours d'année afin de prendre en compte les reports.

Le texte de la première partie de la loi de finances considéré comme adopté par l'Assemblée nationale a porté la prévision de déficit à 162,1 milliards d'euros .

Les analyses qui suivent se fondent, sauf mention contraire, sur le texte initial du projet de loi de finances déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale.

1. La réduction du déficit par rapport à l'exécution 2022 provient de causes conjoncturelles

La réduction du déficit budgétaire prévue pour 2023 , par rapport au niveau révisé en 2022, provient principalement de causes conjoncturelles : l'achèvement progressif de l'ensemble des dépenses budgétaires liées à la crise sanitaire, une augmentation ponctuelle des versements européens au titre du plan de relance. La rebudgétisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dans le cadre de sa suppression sur deux ans (2023 et 2024) réduit l'effet d'une affectation supplémentaire de TVA aux collectivités territoriales.

Évolution du solde budgétaire entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

TICPE : taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. CAS PFE : compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances pour 2023

Les dépenses nettes du budget général , hors plan de relance, augmenteraient de plus de 14 milliards d'euros sous l'effet, en particulier, de la montée des prix de l'énergie, mais aussi de la hausse de la contribution à l'amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19. Le solde des comptes spéciaux se dégraderait également de plus de 4 milliards d'euros , principalement par l'effet des réformes de la fiscalité locale.

Enfin le produit des quatre grands impôts diminuerait de près de 10 milliards d'euros , notamment en raison de nouveaux transferts de TVA et de TICPE ainsi que, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, en contre-coup aux recettes exceptionnelles perçues en 2022.

Toutefois, le déficit budgétaire de l'État resterait, malgré la sortie de la crise et pour la troisième année consécutive, supérieur aux niveaux atteints lors de la crise financière de 2009-2010 et exactement deux fois plus élevé que le niveau moyen atteint dans les années 2011 à 2019 (soit 79,4 milliards d'euros).

Évolution du solde budgétaire de l'État depuis 2007

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Les mouvements en recettes et en dépenses sont présentés plus en détail infra.

2. Une nouvelle réforme de la fiscalité locale produit des effets contrastés sur les recettes et les dépenses de l'État

L'article 5 du projet de loi de finances prévoit la suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont le produit est affecté aux collectivités territoriales.

En compensation, il prévoit l'affectation à ces collectivités d'une fraction de TVA comprenant, à compter de 2024, une part fixe, correspondant à la moyenne de leurs recettes de CVAE sur la période 2020-2022, et une part variable faisant l'objet d'une répartition via un fonds national d'attractivité économique des territoires.

Le coût pour l'État est estimé par l'évaluation préalable de l'article, compte tenu du jeu des acomptes, à 3,6 milliards d'euros en 2023 et 7,0 milliards d'euros à compter de 2024.

En particulier, au titre de 2023, un transfert de TVA de 9,6 milliards d'euros est réalisé à destination des collectivités territoriales, tandis que la budgétisation de la CVAE augmente les recettes fiscales nettes de 5,3 milliards d'euros.

Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux sont estimés en 2023 à 4,6 milliards d'euros, en baisse de 2,4 milliards d'euros par rapport à 2022, principalement en raison de l'abrogation du dégrèvement barémique de CVAE, dans le cadre de la suppression de cet impôt, et par la suppression définitive de la taxe d'habitation sur les résidences principales.

Par ailleurs, le solde du concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » se dégraderait de 4,0 milliards d'euros en raison, selon l'exposé du projet de loi de finances, non seulement de la suppression de la CVAE mais aussi de la compensation liée à la nationalisation des taxes locales sur la consommation finale d'électricité.

3. Le déficit des comptes spéciaux, qui atteint 3,5 milliards d'euros en 2023, risque de se renouveler dans les années à venir

Les comptes spéciaux contribuent pour 3,5 milliards d'euros au déficit budgétaire de 2023, alors qu'ils sont prévus en excédent de 0,4 milliard d'euros en 2022.

Solde des comptes spéciaux en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires. Chaque colonne correspond au solde d'un ou de plusieurs comptes spéciaux

Les comptes d'affectation spéciale sont déficitaires de 662,8 millions d'euros, principalement en raison d'un déficit prévisionnel de819,8 millions d'euros du compte d'affectation spéciale « Pensions », après un déficit de 376,5 millions d'euros prévu dans la loi de finances rectificative pour 2022 du 16 août dernier .

Or le budget triennal de ce compte prévoit une aggravation continue de ce déficit, à 3,4 milliards d'euros en 2024 et 5,2 milliards d'euros en 2025. Cette situation est due à une hausse importante des dépenses (de 61,0 milliards d'euros en 2023 à 66,6 milliards d'euros en 2025) qui paraît incontrôlable et va poser dans les années à venir la question du financement des pensions de l'État .

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » serait également déficitaire de 2,1 milliards d'euros ; la situation de ce compte est affectée, comme indiqué supra , par la suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) et la compensation de la nationalisation des taxes locales sur la consommation finale d'électricité. Si l'exécution de ce compte, qui dépend des recettes fiscales, peut être assez différente de la prévision 15 ( * ) , le projet annuel de performances prévoit un déficit du même niveau dans les années 2024 et 2025.

C. LE BUDGET 2023 ACCROÎT DE MANIÈRE INÉDITE LA DETTE FINANCIÈRE SANS APPORTER DE RÉPONSE À LA DETTE CLIMATIQUE

1. Les émissions de dette et les remboursements d'emprunts atteignent un niveau record...

En conséquence de l'accumulation des déficits, les émissions de dette à moyen et long terme atteindront un nouveau record de 270 milliards d'euros en 2023, contre 260 milliards d'euros au cours des trois années précédentes.

Ces emprunts doivent permettre de régler le déficit budgétaire de 158,5 milliards d'euros (auquel il faudrait, comme indiqué supra, ajouter les reports), mais aussi, pour un montant, lui aussi inédit, de 156,6 milliards d'euros , de rembourser des emprunts existants .

Le phénomène s'entretient puisque les emprunts doivent être renouvelés tant que les déficits persistent : l'accroissement très important des nouvelles émissions de dette depuis 2020 permet de prévoir une hausse tout aussi élevée , mais lissée dans le temps, du besoin de financement résultant du renouvellement de ces emprunts.

Évolution des émissions et des amortissements de dette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets de loi de finances et de règlement

2. ... et la charge de la dette s'installe sur un palier élevé

La charge de la dette a connu au cours de l'année 2022 une spectaculaire augmentation , qui s'annonce durable .

La prévision initiale de quasi-stabilité en loi de finances initiale, à un niveau de 37,5 milliards d'euros, a été révisée à 50,5 milliards d'euros en loi de finances rectificative, ramené à 50,4 milliards d'euros dans l'estimation du PLF 2023 16 ( * ) .

Cette augmentation de 13,1 milliards d'euros est due presque entièrement (pour 12,6 milliards d'euros), à l'effet de l'inflation sur les obligations indexées : cet effet, qui dépend de l'inflation française mais aussi de l'inflation européenne (plus élevée) se propage immédiatement sur l'ensemble du stock d'obligations indexées.

L'effet des taux sur la charge budgétaire de la dette demeure légèrement négatif, de 0,3 milliard d'euros, en raison du poids des titres émis à un taux plus élevé dans le passé. La hausse globale du stock de dette (effet volume) accroît de 1,3 milliard d'euros la charge de la dette.

La hausse des taux commence à produire des effets en 2023 , s'agissant des coupons versés sur les titres émis en 2022 (+ 1,0 milliard d'euros). Si l'effet volume serait de + 1,5 milliard d'euros, la hausse serait toutefois limitée par un reflux attendu de l'inflation.

Évolution de la charge de la dette du budget général

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaire

Même si l'inflation se réduisait dans les années à venir par rapport aux niveaux atteints en 2022 et 2023, le niveau de la charge de la dette devrait rester important au cours des prochaines années en raison du niveau élevé des taux, qui affectera progressivement le stock de dette au fur et à mesure de son renouvellement.

3. ... que ne réduira en rien le soi-disant programme d'amortissement de la dette du covid

Face à la hausse prévisible de la dette qui découle mécaniquement des hypothèses du Gouvernement prévoyant un retour à un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2027 seulement, le programme dit d'« amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » apparaît comme une pure illusion .

Ce programme , qui ouvre en 2023 pas moins de 6,6 milliards d'euros de crédits de paiement dans la mission « Engagements financiers » de l'État, porte un intitulé paradoxal, puisqu'il n'amortit aucune dette . En effet, il ne rembourse pas la dette par une cession d'actif, par exemple, mais par l'ouverture de crédits sur le budget général : en d'autres termes, il crée lui-même la dette qu'il annule .

Ce jeu d'écritures dégrade la lisibilité du budget , dans la mesure où il accroît, en 2023, de 6,6 milliards d'euros le déficit budgétaire de l'État, sans effet sur le niveau de la dette ou sur sa charge.

Cette dégradation est durable, la loi de finances pour 2022 ayant ouvert un montant d'autorisations d'engagement exceptionnel de 165 milliards d'euros. Celui-ci ne correspond d'ailleurs à aucun engagement puisque le remboursement des titres de dette contractés au cours des deux années antérieures constitue de toute manière un engagement pour l'État, lequel les honore sans faute, pour un montant, comme on a vu supra, supérieur à 150 milliards d'euros en 2023. L'inscription de crédits de paiement devrait donc, en principe, se poursuivre jusqu'en 2042 pour un niveau de cinq à dix milliards d'euros par an. Toutefois l'État pourrait choisir à tout instant de supprimer ce programme, ce qui aurait pour vertu d'améliorer la lisibilité du budget et, probablement, de réduire les frais de gestion qui lui sont consacrés.

La seule manière de réduire le stock de dette est soit de dégager des excédents budgétaires , ce qui n'est pas l'objectif du Gouvernement, soit de céder des actifs , mission pour laquelle la Caisse de la dette publique a été instituée, mais qui est laissée en sommeil depuis plusieurs années 17 ( * ) .

4. Le montant des dépenses défavorables au climat est multiplié par deux en 2023

Le rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État, est remis pour la troisième année consécutive. Ce rapport comprend trois parties :

- une présentation de l'impact environnemental des crédits budgétaires et des dépenses fiscales, dite « budget vert » ;

- une vision consolidée de l'ensemble des financements, à la fois publics et privés, mobilisés en faveur de la transition écologique ;

- un panorama des ressources publiques à caractère environnemental.

a) Le « budget vert » donne une vision partielle de l'impact des dépenses sur l'environnement

Le champ des dépenses cotées est très large en théorie, beaucoup plus restreint en pratique.

À compter de 2023, le champ théorique des dépenses couvertes par le « budget vert » comprend le périmètre des dépenses de l'État (remplaçant l'objectif de dépenses totales de l'État à compter de 2023), décrit infra , ainsi que les dépenses fiscales, pour un montant total de 569,4 milliards d'euros . L'impact de chaque dépense est apprécié par rapport à six axes, recevant sur chacun d'entre eux une note égale à - 1 (dépense défavorable à l'environnement), 0 (dépense neutre), 1, 2 ou 3 (dépense favorable).

Toutefois, seule une minorité de dépenses font l'objet d'une cotation effective en tant que dépenses « favorables », « défavorables » ou « mixtes ».

En effet, le budget vert distingue avant tout les dépenses « non cotées » pour des raisons techniques ou par manque de données. Le rapport se refuse par exemple à coter les dépenses numériques, le soutien aux sites électro-intensifs, en raison de l'incertitude sur leurs effets, ou les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales qui sont attribués selon un principe de libre emploi. Le montant des dépenses non cotées est de 93,9 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023.

En second lieu, la très grande majorité des dépenses cotées sont jugées « neutres » , soit 416,1 milliards d'euros en projet de loi de finances pour 2023, sur un périmètre total de 569,4 milliards d'euros. Ainsi, leur notation est égale à 0 sur les six axes. C'est le cas notamment des mesures portant sur les revenus.

Cotation des dépenses dans le projet de loi de finances pour 2023

(en milliards d'euros)

Les dépenses incluent ici les dépenses du plan de relance.

Source : commission des finances, à partir du rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État

Enfin, le rapport présente les dépenses de manière peu claire , voire biaisée, tantôt en intégrant, tantôt en excluant les dépenses relatives au plan de relance ainsi que celles des dispositifs de soutien pour faire face à la hausse des prix de l'énergie. Ainsi, la non-prise en compte des dépenses du plan de relance dans la présentation indiquée comme « annexée au projet de loi de finances » 18 ( * ) permet d'afficher une diminution modérée des dépenses favorables , qui passeraient de 34,1 milliards d'euros en 2022 à 33,9 milliards d'euros en 2023, soit une diminution de l'ordre de 0,2 milliard d'euros. En incluant les dépenses du plan de relance (5,7 milliards d'euros en 2022 et 3,6 milliards d'euros en 2023), ces dépenses favorables diminueraient de 2,3 milliards d'euros .

b) Le bouclier tarifaire double le montant officiel des dépenses défavorables au climat, qui sont encore largement sous-estimées

Sur le champ des dépenses effectivement cotées , l'article 14 du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027, actuellement en cours d'examen devant le Parlement) affirme une volonté de réduction de 10 % du poids des dépenses défavorables par rapport aux dépenses favorables ou mixtes. Jugeant cet objectif trop peu ambitieux, la commission des finances a augmenté cet objectif à 20 %, en le faisant porter sur le ratio entre les dépenses défavorables ou mixtes et les dépenses favorables 19 ( * ) .

Or, pour la première année de la période de programmation , telle qu'elle est anticipée par le présent projet de loi de finances, la direction affichée ne semble guère aller dans le bon sens .

En effet, les dépenses défavorables à l'environnement seraient de 19,6 milliards d'euros en 2023 , contre 10,3 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2022, soit une augmentation de 90,3 % .

Comme l'a reconnu devant la commission Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, « les sommes importantes allouées au bouclier énergétique ont un impact sur la qualité du budget vert » 20 ( * ) . Les mesures exceptionnelles comptent en effet pour 8,9 milliards d'euros en 2023, et devraient également peser pour 11,9 milliards d'euros en exécution en 2022.

Les autres dépenses défavorables à l'environnement consistent principalement en crédits budgétaires (dont 1,7 milliard d'euros au titre du soutien à la production d'énergie dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain) et en dépenses fiscales (dont 5,9 milliards d'euros au titre des tarifs réduits et particuliers de l'accise sur les énergies), ainsi qu'en une taxe affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour la construction de routes (0,5 milliard d'euros).

Dépenses défavorables à l'environnement
dans le projet de loi de finances pour 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Cette comptabilisation est toutefois elle-même contestable et le montant réel des dépenses défavorables à l'environnement devrait être bien plus élevé.

En effet, les dépenses de 8,9 milliards d'euros , qui correspondent aux crédits de l'action 17 du programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », correspondent en fait à la compensation entre, d'une part, le coût brut du bouclier tarifaire (de l'ordre de 45 milliards d'euros ) et les reversements perçus par l'État au titre des dépenses de soutien aux énergies renouvelables (soit 36,1 milliards d'euros ).

Une prise en compte, au moins partielle, du coût brut du bouclier tarifaire aurait conduit à un montant de dépenses « brunes » beaucoup plus élevé .

c) Les recettes ne sont que faiblement « verdies », notamment en raison du bouclier tarifaire, et demeurent réparties de manière inéquitable parmi la population

Le rapport sur l'impact environnemental du budget indique également que les recettes environnementales affectées au budget de l'État sont de 26,1 milliards d'euros , correspondant à 7,5 % du total seulement, contre 33,4 milliards d'euros en 2021 et 29,2 milliards d'euros en 2022. La diminution s'explique par la baisse de recettes d'accise sur l'électricité, liée à la mise en place du bouclier tarifaire.

La majorité des recettes environnementales, soit 38,2 milliards d'euros, sont en fait affectées aux collectivités territoriales et aux opérateurs, dont l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Le rapport présente également l'intérêt d'indiquer les effets de la fiscalité environnementale sur les ménages , ce qui doit alerter sur des projets qui tendraient à accroître cette fiscalité sans contreparties . En effet, la fiscalité énergétique porte en grande partie sur des dépenses qui varient peu en fonction du revenu, ce qui en fait une fiscalité régressive par rapport au revenu puisqu'elle représente 3,7 % du revenu des ménages du premier quintile, contre 0,9 % seulement pour ceux du dernier quintile 21 ( * ) . Les ménages du premier quintile paient 595 euros de fiscalité énergétique en 2020, dont 200 euros pour les énergies du logement et 395 euros pour les carburants.

Cette fiscalité pèse également de manière beaucoup plus forte sur les zones rurales : elle est de l'ordre de 910 euros pour des communes situées hors de la zone d'attraction des villes, contre 630 euros pour l'aire de Paris. La différence est due, pour la plus grande partie, à une utilisation plus importante des carburants (635 euros de fiscalité dans les zones rurales, contre 410 euros à Paris). Cette inégalité s'ajoute à la différence entre les revenus, de sorte qu' un ménage habitant en zone rurale paie deux fois plus de fiscalité énergétique, par rapport à son revenu, qu'un ménage parisien .

Part de la fiscalité énergétique dans le revenu total des ménages en 2020
selon les aires d'attraction des villes

(en proportion du revenu)

Source : commission des finances, à partir du rapport sur l'impact environnemental du budget

II. LES RECETTES DE L'ÉTAT DIMINUENT EN VOLUME DE 2,7 %

Les recettes du budget général de l'État , nettes des remboursements et dégrèvements, seraient en 2023 de 345,1 milliards d'euros , en hausse de 5,0 milliards d'euros par rapport à 2022. Cette légère hausse en valeur correspond à une diminution en volume de 2,7 % , compte tenu d'une hypothèse d'inflation de 4,3 %.

A. LES RECETTES FISCALES DE L'ÉTAT SE RÉDUISENT SOUS L'EFFET DES NOUVEAUX TRANSFERTS DE FISCALITÉ

Les recettes fiscales nettes seraient en 2023 de 314,3 milliards d'euros , en baisse de 0,8 milliard d'euros en valeur et 4,4 % en volume par rapport à 2022.

S'agissant de l'année 2022 , le montant des recettes fiscales nettes est désormais estimé à 315,1 milliards d'euros , en légère hausse de 3,6 milliards d'euros par rapport à l'estimation de 311,6 milliards d'euros présentée lors de la loi de finances rectificative du 16 août dernier. Pour mémoire, les recettes fiscales ont été fortement révisées à la hausse de 24 milliards d'euros dans la loi de finances rectificative du 16 août dernier , par l'effet du dynamisme de l'impôt sur les sociétés mais aussi des effets de l'inflation sur la base taxable de la TVA.

En 2023, les deux principaux phénomènes affectant l'évolution des recettes fiscales sont la suppression progressive de la CVAE , qui réduit encore une fois les recettes de TVA allouées à l'État, et la poursuite du bouclier tarifaire qui annule les recettes de taxe intérieure sur la consommation d'électricité (TICFE).

Principaux facteurs d'évolution des recettes fiscales nettes de l'État
selon le projet de loi de finances pour 2023

(en milliards d'euros)

TIC : taxe intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et sur la consommation finale d'électricité (TICFE).

Source : commission des finances du Sénat, à partir de l'exposé général du projet de loi de finances

Le texte du projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale à l'issue de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement, accroît de manière sensible les recettes fiscales nettes , en raison de l'instauration d'une contribution sur la rente infra-marginale de la production d'électricité d'un montant prévisionnel de 7,0 milliards d'euros (article 4 duovicies ) . Les analyses qui suivent se fondent sur le texte initial du projet de loi de finances.

1. L'évolution des recettes fiscales est marquée par les effets des réformes de la fiscalité locale et du bouclier tarifaire

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont le taux est divisé par deux en 2023 avant sa suppression complète en 2024, est rebudgétisée dès 2023 et, en sens inverse, une fraction de TVA est affectée aux collectivités territoriales (article 5 du projet de loi). Les impôts de production étant déductibles du résultat imposable, la réduction de la CVAE accroît également les recettes d'impôt sur les sociétés .

Au total, le coût pour l'État est estimé à 3,6 milliards d'euros en 2023 par l'évaluation préalable de l'article 5 du présent projet de loi de finances. Ce coût sera de 7,0 milliards d'euros en 2024 avec la suppression complète de la CVAE.

Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux seraient de 4,6 milliards d'euros, contre 7,0 milliards d'euros en 2022, la différence étant due principalement à l'abrogation du dégrèvement barémique de CVAE dans le cadre de la suppression de cet impôt et à la suppression définitive de la taxe d'habitation sur les résidences principales.

En application du bouclier tarifaire mis en place face à la hausse des prix de l'énergie le produit de la taxe intérieure de consommation d'électricité (TICFE) devrait être nul en 2023 , après une forte diminution en 2022 (2,6 milliards d'euros 22 ( * ) , contre 7,4 milliards d'euros en 2021).

Le coût du bouclier tarifaire, concernant la TICFE, est accru en 2023 par la nationalisation de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité , prévue au 1 er janvier 2023 par l'article 54 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Pour mémoire, la nationalisation de la part départementale a déjà été réalisée dès 2022.

Au total, les recettes de taxes intérieures (ligne 1753 de l'état A, annexé à l'article 26) sont estimées à 2,4 milliards d'euros en 2023, contre 3,2 milliards d'euros en 2022 (estimation révisée, la loi de finances initiale ayant prévu un produit de 4,9 milliards d'euros) et 9,5 milliards d'euros en 2021.

Le niveau des recettes comme des dépenses est toutefois marqué par le traitement comptable particulier du bouclier énergétique , du point du vue budgétaire. En effet et pour mémoire, les producteurs d'énergie renouvelable qui bénéficient des prix très élevés de l'électricité qu'ils vendent sur les marchés, devront, comme l'a prévu la Commission de régulation de l'énergie (CRE) 23 ( * ) , reverser à l'État la différence entre ces prix de marché et les prix figurant sur leurs contrats. Par ailleurs, l'État doit compenser aux opérateurs le coût des mesures de gel des tarifs de l'électricité et du gaz décidées dans le cadre du bouclier tarifaire.

Or, la comptabilité budgétaire ne présente pas séparément, d'une part, les reversements attendus et, d'autre part, les dépenses à réaliser dans le cadre du bouclier tarifaire : seul le solde, à hauteur de 8,9 milliards d'euros, est inscrit dans l'action 17 du programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Selon les informations obtenues par le rapporteur général, la procédure de rétablissement de crédits doit être suivie. Celle-ci, prévue par l'article 17 de la LOLF, est, avec les procédures de fonds de concours et d'attribution de produits, l'une des trois procédures qui permettent d'assurer une affectation au sein du budget général ou d'un compte spécial. Elle est prévue dans deux cas : soit pour des recettes provenant de la restitution à l'État de sommes payées à des tiers indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires, soit pour des recettes provenant de cessions entre services de l'État (par exemple des mises à disposition de personnel) ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires.

2. La multiplication des mesures d'affectation de TVA accroît l'émiettement du produit de cet impôt, devenu une variable d'ajustement des politiques publiques

Le produit de la TVA nette revenant à l'État est estimé à 97,4 milliards d'euros en 2023 , contre 102,1 milliards d'euros en 2022, soit une diminution de 4,7 milliards d'euros.

En 2022, le produit net était prévu en loi de finances initiale à 98,4 milliards d'euros et a été réévalué en loi de finances rectificative en raison d'une forte dynamique liée à la hausse des emplois taxables (+ 9,4 %), malgré l'affectation, par la loi de finances rectificative du 16 août dernier, d'une fraction de TVA au secteur de l'audiovisuel en compensation à la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (- 3,6 milliards d'euros).

La diminution du produit en 2023 est due aux transferts accrus à destination des organismes de sécurité sociale 24 ( * ) et des collectivités territoriales (compensation de la budgétisation de la CVAE), malgré une croissance spontanée estimée à + 5,0 %.

Son produit est donc de plus en plus émietté , avec depuis la loi de finances rectificative du 16 août 2022, l'introduction d'une nouvelle catégorie d'affectataire - le secteur de l'audiovisuel public -, en remplacement de la contribution pour l'audiovisuel public. Le recours à l'affectation de TVA est devenu une pratique courante pour compenser les mesures les plus diverses.

L'État ne perçoit désormais plus que 45,3 % de la TVA nette totale , contre 49,9 % en 2022 (51,7 % si la contribution à l'audiovisuel public n'avait pas été supprimée) et 51,2 % en 2021.

Répartition du produit de la TVA nette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du tome 1 de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances

Une telle évolution produit nécessairement des effets sur la politique fiscale : lorsque les grands impôts (TVA, impôt sur le revenu) étaient exclusivement affectés à l'État, seul celui-ci subissait les conséquences des évolutions de taux qu'il décidait en loi de finances. Désormais, toute décision relative à la TVA et à l'application de ses taux réduits doit prendre en compte les conséquences éventuelles sur le financement des autres administrations publiques , voire des autres affectataires si cette pratique s'étendait encore à d'autres acteurs.

3. La diminution du produit de l'impôt sur les sociétés doit s'apprécier par rapport aux recettes exceptionnelles perçues en 2022

Les recettes d'impôt sur les sociétés ont été très dynamiques en 2022, en raison de la croissance exceptionnelle du bénéfice fiscal en 2021 (+ 41 %).

L'année 2023 devrait voir le contrecoup de ce niveau très élevé, avec une évolution fortement négative (- 16,2 %) de l'évolution spontanée de l'impôt. Cette diminution résulte également, dans une moindre mesure, d'une baisse attendue de 3 % du bénéfice imposable en 2022, due aux incertitudes pesant sur les entreprises, en particulier financières, en lien avec la situation en Ukraine.

Si le produit est en légère baisse en 2023, sa progression au cours des années récentes n'en demeure pas moins très importante .

Produit de l'impôt net sur les sociétés entre 2017 et 2023

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le Gouvernement s'attend en outre à un important rebond de 8 % du bénéfice imposable en 2023, soutenu notamment par la suppression de la moitié de la CVAE.

4. Le produit de la TICPE revenant à l'État diminue en raison de l'affectation d'une part supplémentaire de son produit à l'AFITF

La part de TICPE revenant à l'État diminue de 18,0 milliards d'euros en 2022 à 16,8 milliards d'euros en 2023 .

La raison principale est l'accroissement des transferts de TICPE à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui passent de 1,2 à 1,9 milliard d'euros afin d'accompagner l'augmentation des dépenses opérationnelles, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019 et du financement de projets tels que la liaison ferroviaire Lyon-Turin et le canal Seine-Nord.

Évolution de la répartition de la TICPE
entre les affectataires

(en milliards d'euros)

Le montant affecté à Île-de-France Mobilités, de l'ordre de 0,1 milliard d'euros, n'est pas représenté. R&D et autres : remboursements et dégrèvements, y compris certains impacts de gestion

Source : commission des finances, à partir du tome 1 de l'annexe « Voies et moyens »

5. Les autres recettes fiscales nettes sont affectées par des évolutions de moindre ampleur

Le produit prévisionnel de l'impôt net sur le revenu est de 86,9 milliards d'euros en 2023, quasiment stable par rapport à l'estimation pour 2022 (86,8 milliards d'euros).

Évolution du produit de l'impôt net sur le revenu en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du tome I de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances

Cette évolution résulte en fait de la compensation de plusieurs effets . La croissance prévisionnelle des traitements et des salaires contribue au dynamisme du prélèvement à la source, compensé par des effets à la baisse, dont la revalorisation du barème à l'article 2 du projet de loi de finances initiale.

Les autres recettes fiscales nettes sont prévues à un niveau de 58,0 milliards d'euros en 2023, en hausse de 8,7 milliards d'euros par rapport à 2022, principalement en raison de la rebudgétisation de la CVAE évoquée supra .

B. LES RECETTES NON FISCALES S'ACCROISSENT PAR L'EFFET DU FINANCEMENT EUROPÉEN DU PLAN DE RELANCE ET LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES ÉVOLUENT PEU

1. Un versement européen exceptionnel doit accroître les recettes non fiscales de plus de 5 milliards d'euros

Les recettes non fiscales regroupent un ensemble de recettes diverses, dont les dividendes, les amendes et les produits du domaine de l'État ou ceux résultant de la vente de biens et de services.

Elles sont attendues à un montant de 30,8 milliards d'euros en 2023, soit une hausse de 5,8 milliards d'euros par rapport à 2022.

Répartition des recettes non fiscales en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'état A annexé au projet de loi de finances pour 2023

La hausse en 2023 s'explique par le financement du plan de relance par l'Union européenne . Un versement est en effet attendu en 2023, à hauteur de 12,7 milliards d'euros, après 5,1 milliards d'euros en 2021 (au titre du pré-financement) et 7,4 milliards d'euros en 2022 (premier versement). Le montant total perçu par la France sur la période 2021-2023 serait donc de 25,2 milliards d'euros.

Toutefois, la somme totale des versements reçus par la France n'atteindra pas 39,4 milliards d'euros , comme prévu lors du lancement du plan, mais 37,5 milliards d'euros . Une fraction de 30 % de l'enveloppe étant liée à la chute de PIB réel en 2020 et durant les exercices 2020-2021 combinés, un nouveau chiffrage réalisé au premier semestre 2022 par la Commission européenne a conduit, au regard de la reprise plus rapide que prévu, à réviser à la baisse l'enveloppe destinée à la France 25 ( * ) .

S'agissant des autres recettes non fiscales , les dividendes versés par les entreprises financières seraient en hausse de 2,1 milliards d'euros. En sens inverse, le non-renouvellement du versement effectué en 2022 par la Banque de France au titre du financement des retraites de ses agents réduirait de 1,1 milliard d'euros le montant total des recettes non fiscales.

2. Le prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne diminuerait légèrement

Les prélèvements sur les recettes de l'État s'établiraient en 2023 à 68,3 milliards d'euros , en diminution de 0,5 milliard d'euros par rapport à 2022.

Cette légère diminution porterait principalement sur le prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne , qui serait de 24,6 milliards d'euros, en baisse de 0,4 milliard d'euros. Toutefois, selon la présentation faite dans le tome 1 de l'annexe « Voies et moyens », le niveau des dépenses pourrait être revu à la hausse, le projet de budget initial présenté par la Commission européenne ne tenant que partiellement compte de l'impact de l'inflation et des mesures en faveur de l'Ukraine.

Les prélèvements sur recettes destinés aux collectivités territoriales demeurent quasiment stables en 2023, à un niveau de 43,7 milliards d'euros contre 43,8 milliards d'euros en 2022.

III. LA PRÉFÉRENCE POUR LA DÉPENSE CARACTÉRISE LE BUDGET 2023

Selon le projet de loi de finances, les dépenses de l'État , hors remboursements et dégrèvements d'État 26 ( * ) , seraient en 2023 de 436,5 milliards d'euros , en nette augmentation de 37,9 milliards d'euros , soit + 9,5 %, par rapport aux dépenses de 2022 prévues par la loi de finances initiale , et en diminution de 5,5 milliards d'euros, soit - 1,3 %, par rapport à celles prévues par la loi de finances rectificative du 16 août 2022.

Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, les dépenses de l'État, hors remboursements et dégrèvements d'État, seraient en 2023 de 443,9 milliards d'euros. Les analyses qui suivent se fondent sur le texte initial du projet de loi de finances.

Sur le périmètre des dépenses de l'État, nouvelle norme de dépenses définie par le projet de loi de programmation des finances publiques 27 ( * ) , les dépenses seraient en 2023 de 480 milliards d'euros, contre 490 milliards d'euros en 2022 selon l'estimation des dépenses faite en loi de finances rectificative du 16 août 2022, soit une diminution de 2,0 %.

D'une manière générale, le Gouvernement sait choisir les dépenses qui doivent augmenter, pas les économies qui devraient être réalisées .

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES CONSERVENT LE NIVEAU HISTORIQUEMENT ÉLEVÉ ATTEINT PENDANT LA CRISE SANITAIRE

1. Les dépenses liées à la dette redeviennent la seconde mission du budget général

Hors remboursements et dégrèvements (128,3 milliards d'euros en crédits de paiement), l a principale mission du budget général demeure la mission « Enseignement scolaire » (82,3 milliards d'euros).

En raison de la forte progression de la charge de la dette , mais aussi des crédits importants consacrés au programme dit d'amortissement de la dette du covid-19 28 ( * ) , la mission « Engagements financiers de l'État » (60,2 milliards d'euros) redevient la seconde mission du budget général devant la mission « Défense » (53,2 milliards d'euros en crédits de paiement), comme c'était le cas avant que la baisse des taux diminue le poids de la charge de la dette.

La mission « Défense » reçoit toutefois un montant d'autorisations d'engagement (62,0 milliards d'euros) qui reste supérieur à celui de la mission « Engagements financiers de l'État » (53,4 milliards d'euros), ce qui témoigne des projets pluriannuels du ministère des armées, mais résulte aussi de la présence, dans la seconde mission, du programme dit d'« amortissement de la dette Covid » 29 ( * ) , doté de plus de 6 milliards d'euros de crédits de paiement sans nouvelle autorisations d'engagement.

Comparaison des missions du budget général en crédits de paiements,
hors remboursements et dégrèvements

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

En cohérence avec le projet de loi de programmation des finances publiques, actuellement en discussion devant le Parlement, le projet de loi de finances initiale pour 2023 présente le montant et la décomposition des dépenses en fonction d'une nouvelle norme de dépense intitulée « périmètre des dépenses de l'État » (PDE).

Cette norme a été présentée plus en détail par le rapporteur général dans le rapport qu'il a présenté sur le projet de loi de programmation des finances publiques 30 ( * ) . Intermédiaire entre les deux normes de dépenses définies par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le PDE se rapproche de l'objectif de dépenses totales de l'État (ODETE). Il inclut l'ensemble des dépenses de l'État, hors remboursements et dégrèvements et hors dépenses liées à la charge ou au remboursement de la dette, ainsi que le produit des taxes affectées faisant l'objet d'un plafonnement. Contrairement à l'ancienne norme de dépenses pilotables, aucune exclusion de dépenses « exceptionnelles » n'est prévue, ce qui réduira les retraitements effectués chaque année, d'une part, et le PDE inclut les dépenses liées aux pensions, d'autre part.

Les huit composantes du périmètre de l'État (PDE)

(en milliards d'euros)

Crédits hors remboursements et dégrèvements, hors contributions du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions » 31 ( * ) , hors dépenses liées à la dette. PSR : prélèvement sur recettes. Coll. Terr. : collectivités territoriales. CCF : compte de concours financiers.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances

Le projet de loi de finances publiques prévoit une augmentation progressive du périmètre des dépenses de l'État, jusqu'à 509 milliards d'euros en 2027.

2. L'augmentation des crédits est particulièrement marquée par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, dans le prolongement des crédits ouverts en cours d'année

L'évolution des crédits en 2023 est marquée par la hausse de la charge de la dette et des moyens alloués à certaines politiques publiques , tandis que les dépenses exceptionnelles (plan de relance, bouclier tarifaire) auraient un impact moindre en 2023 qu'en 2022.

L'évolution est toutefois assez différente, pour certaines missions, selon que l'on compare le projet de loi de finances pour 2023 aux crédits initialement prévus pour 2022 en loi de finances initiale, ou à ceux qui ont été ouverts au total par les textes financiers (loi de finances initiale, décret d'avance du 7 avril et loi de finances rectificative du 16 août).

Évolution des crédits des missions entre 2022 et
le projet de loi de finances pour 2023

(en milliards d'euros)

Crédits totaux : crédits ouverts en loi de finances initiale auxquels s'ajoutent ceux ouverts par le décret d'avance du 7 avril 2022 ou par la loi de finances rectificative du 16 août 2022.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Ainsi les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sont-ils en 2023 en diminution de 3,2 milliards d'euros par rapport aux crédits totaux ouverts en 2022 si l'on prend en compte les importantes ouvertures de crédits faites en cours d'année, soit 3,3 milliards d'euros par le décret d'avance et 6,1 milliards d'euros par la loi de finances rectificative pour 2022.

D'autres mouvements doivent être appréciés par rapport à des phénomènes exceptionnels survenus en 2022. La diminution de 16,7 milliards d'euros des crédits de la mission « Économie » correspond pour la plus grande part, soit 13,5 milliards d'euros, au non-renouvellement en 2023 des crédits ouverts pour des prises de participations financières en 2022 (dont la renationalisation d'EDF).

La hausse de crédits la plus importante en 2023 concerne la mission « Enseignement scolaire » . Elle touche l'ensemble des programmes de la mission, dont la plupart voient leurs crédits progresser de l'ordre de 5 % à 6 %.

La seconde plus importante de ces augmentations , celle des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » à hauteur de 4,0 milliards d'euros, correspond en réalité à l'augmentation des crédits « virtuels » du programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » (voir supra ). La charge de la dette proprement dite, qui représentait 90 % des crédits de cette mission en 2022, augmente d'environ 300 millions d'euros seulement en 2023 par rapport au niveau atteint en 2022, qui est très supérieur aux années précédentes, et les crédits prévus pour les appels en garantie de l'État seraient en diminution de 1,0 milliard d'euros 32 ( * ) .

La hausse massive des crédits de la mission « Travail et emploi » (+ 6,2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022) résulte d'abord d'une subvention de 1,7 milliard d'euros à France compétences et des crédits d'intervention de 5,0 milliards d'euros en 2023 pour le développement de l'alternance (contre 1,5 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2022).

S'agissant de la mission « Défense » , la hausse de ses crédits, la plus importante de ces dernières années, correspond à celle prévue par la loi de programmation militaire 33 ( * ) , dont 2023 correspond à la dernière année de mise en oeuvre. Les engagements budgétaires prévus par celle-ci sur la période 2018-2023 auront donc été tenus.

Un très petit nombre de missions voient leurs crédits diminuer .

La principale, hors le cas précité de la mission « Économie », est la mission « Plan de relance », dont les crédits sont en extinction progressive et qui n'ouvre d'ailleurs plus d'autorisations d'engagement.

S'agissant enfin des budgets annexes , le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » est doté en 2023 de 2,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, en diminution de 290 millions d'euros par rapport à 2022, année marquée par un fort recours à l'emprunt dans le contexte de la crise sanitaire.

Le budget annexe « Publications officielles et information administrative » fait l'objet d'ouvertures de crédits de 152,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 152,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit un niveau proche de 2022.

3. Certaines politiques de l'État sont plus portées par les dépenses fiscales ou par les opérateurs que par les crédits budgétaires proprement dits

En application de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, tel que modifié par la révision de la loi en date du 28 décembre 2021, un nouvel état F , annexé au projet de loi de finances, récapitule les « moyens globaux » des missions budgétaires du budget général.

Le contenu de l'état relatif aux moyens globaux des missions

L'état F récapitule, pour chaque mission du budget général :

- le montant des crédits de paiement de la mission autorisés à l'état B, en distinguant toutefois les crédits de subventions aux opérateurs et ceux finançant des dépenses d'investissement ;

- le montant des dépenses fiscales concourant à la mission ;

- le montant des ressources affectées à des opérateurs ;

- le cas échéant, le montant des prélèvements sur recettes concourant à cette mission. Pour mémoire, les prélèvements sur recettes font partie du périmètre des dépenses de l'État défini par le projet de loi de programmation des finances publiques ;

- le cas échéant, les crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques financées par cette mission.

Source : commission des finances, à partir du 4° ter du II de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances

Cette présentation donne une vision plus complète des moyens utilisés pour chaque politique publique .

L'inclusion des comptes spéciaux pourrait toutefois donner une vision peu représentative de ces dépenses. Ainsi, celles qui sont consacrées aux pensions sont en effet comptées à la fois parmi les crédits budgétaires des missions et dans ceux du compte d'affectation spéciale « Pensions », qui est ici rattaché à la mission « Régimes sociaux et de retraite ». En outre, les dépenses de la plupart des comptes de concours financiers, et tout particulièrement le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » qui représente à lui seul la majorité des crédits des comptes spéciaux, consistent en de simples avances, qui ne peuvent être mises sur le même plan que des crédits budgétaires.

En conséquence, la présentation qui suit ne tient pas compte , dans l'état F, des crédits des comptes spéciaux 34 ( * ) .

Sur ce périmètre, les crédits budgétaires correspondent à près de 70 % des moyens globaux , les dépenses fiscales à 12,0 % , les prélèvements sur recettes à 9,2 % et les ressources des opérateurs et autres organismes à 8,3 %, dont 5,6 % de crédits budgétaires et 2,7 % de ressources affectées.

Moyens globaux des missions, hors comptes spéciaux

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

L'examen des moyens globaux par mission diffère sensiblement de la présentation faite supra des crédits budgétaires.

Par exemple, l'ajout des prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales donne une importance beaucoup plus grande à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » , dont les moyens globaux sont de 48,1 milliards d'euros 35 ( * ) pour des crédits budgétaires de 4,4 milliards d'euros seulement.

Répartition des moyens globaux alloués par mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

Par ailleurs, les dépenses fiscales représentent 73,7 % des moyens globaux de la mission « Outre-mer », et de 60 à 66 % des moyens des missions « Économie », « Sport, jeunesse et vie associative » et « Médias, livre et industries culturelles ».

Enfin, 60,9 % des moyens globaux de la mission « Recherche et enseignement supérieur » correspondent aux crédits des opérateurs et 22,7 % de ceux de la mission « Travail et emploi » proviennent de ressources affectées à des organismes chargés d'un service public, en l'occurrence France Compétences pour près de 10 milliards d'euros.

L'état F indique également le montant des dépenses d'investissement . Celles-ci sont très faibles pour l'État, s'élevant à 18,2 milliards d'euros sur ce périmètre, dont 13,7 milliards d'euros pour la mission « Défense » et 1,1 milliard d'euros pour la mission « Justice ».

Cette catégorie n'a toutefois qu'une signification limitée pour ce qui concerne l'action de l'État, qui passe principalement par des dépenses d'intervention à destination des tiers (notamment des entreprises, particuliers et des collectivités territoriales) : ces dépenses d'intervention sont qualifiées de dépenses de fonctionnement alors qu'une partie peut avoir pour conséquence la réalisation d'investissement. En outre, des dépenses classées comme dépenses de fonctionnement, comme celles consacrées à l'enseignement scolaire, à l'enseignement supérieur et à la recherche, peuvent représenter un véritable investissement pour l'avenir sans être classées comme telles en comptabilité.

Enfin, la catégorie des subventions pour charge d'investissement , introduite elle aussi, à l'article 5 de la loi organique relative aux lois de finances, par la révision du 28 décembre 2021, ne représente qu'un montant total de 541 millions d'euros 36 ( * ) , soit un peu plus de 1 % des crédits budgétaires des opérateurs qui correspondent donc presque entièrement à des subventions pour charges de service public.

La difficulté à identifier l'apport de cette catégorie confirme l'analyse faite par la commission des finances , qui n'avait pas été favorable à sa création lors de l'examen de la proposition de loi relative à la modernisation de la gestion des finances publiques 37 ( * ) .

4. Le niveau exceptionnel des dépenses déjà engagées contraint les décisions budgétaires à venir

Les restes à payer correspondent, en fin d'année, aux engagements pris qui n'ont pas encore fait l'objet de paiements , par exemple dans le cas de travaux dont le marché public a été attribué mais dont l'exécution n'est pas encore terminée, voire n'a pas encore commencé. Il s'agit donc d'une indication des dépenses qui devraient être dépensées au cours des années à venir et qui ne pourront que difficilement être évitées.

Le montant global des restes à payer, selon les données fournies au rapporteur général, est passé de 118,5 milliards d'euros à la fin 2017 à 184,9 milliards d'euros à la fin 2021 , soit une augmentation de 56,0 %.

La mission « Défense » se caractérise par des niveaux considérables de restes à payer, en hausse de plus de 40 milliards d'euros en cinq ans, avec notamment la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire. C'est également le cas, toutes proportions gardées, des missions « Aide publique au développement » et « Justice », également concernées par une programmation pluriannuelle des crédits à la hausse.

Évolution des restes à payer
sur les principaux ministères concernés

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général (2017-2021) et des rapports annuels de performance pour 2023

De même, les importantes autorisations d'engagement ouvertes sur le programme d'investissements d'avenir (PIA) en 2021 (14,1 milliards d'euros), puis sur son remplacement le programme « Investir pour la France de 2030 » en loi de finances pour 2022 (34,0 milliards d'euros) se traduisent par une recrudescence tout aussi importante des restes à payer.

5. À moyen terme, le maintien des dépenses sur un palier élevé se confirme

En corrigeant l'évolution de l'inflation, les dépenses diminueraient légèrement en 2023, par rapport au niveau atteint en 2022 selon le présent projet loi de finances.

Sur le moyen terme, toutefois, l'augmentation des dépenses nettes du budget général depuis 2019 , malgré cette diminution, reste extrêmement importante si on la compare aux évolutions antérieures.

Évolution à moyen terme des dépenses nettes du budget général,
corrigées de l'inflation

(base 100 en 2007)

Source : commission des finances, données budgétaires, indices de l'INSEE et hypothèses d'inflation du rapport économique, social et financier. Projection jusqu'en 2027 en retenant les augmentations en volume du périmètre des dépenses de l'État (article 9 du projet de LPFP, déflateurs communiqués au rapporteur général)

Un retour éventuel au rythme d'augmentation des dépenses antérieur à la crise sanitaire d'ici à 2027 supposerait une réduction d'environ 2,5 % par an en volume à partir de 2024.

Ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi de programmation des finances publiques , en application duquel, sur l'agrégat du périmètre des dépenses de l'État, l'évolution en volume serait de - 2,6 % sur quatre ans, alors même que cette évolution part de l'année 2023 marquée par des dépenses exceptionnelles liées au bouclier tarifaire .

B. LES DÉPENSES DE PERSONNEL AUGMENTENT PAR L'EFFET DU NOMBRE DES EMPLOIS CRÉÉS COMME DES RÉMUNÉRATIONS

1. Loin des objectifs affichés au début du quinquennat précédent, le premier budget du quinquennat acte une augmentation de 10 000 emplois

Le budget 2023 prévoit une augmentation des emplois de 8 975 équivalents temps plein (ETP) pour l'État et 1 808 ETP pour les opérateurs, principalement répartis sur quatre ministères.

Évolution des effectifs dans les ministères et leurs opérateurs en 2023

(en équivalent temps-plein)

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet de loi de finances

Les augmentations concernent les ministères régaliens (intérieur, justice et armées), ainsi que le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse .

Parmi les opérateurs , l'augmentation porte principalement sur le ministère du travail, à hauteur de 979 ETP (notamment pour Pôle Emploi ) et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche au profit des opérateurs rattachés au ministère de l'enseignement supérieur dans le cadre du déploiement de la loi de programmation pour la recherche.

Les plafonds d'emploi augmentent de 19 361 équivalents temps plein travaillés (ETPT), en raison principalement de mesures de périmètre et de transfert de + 13 443 ETPT , correspondant à la rémunération en titre 2 d'accompagnements des élèves en situation de handicap (AESH) et d'assistants d'éducation (AED).

Seul le ministère de l'économie et des finances fait l'objet d'une diminution significative de ses emplois, à hauteur de 546 équivalents temps plein.

Or, le niveau des flux annuels d'emploi dans les différents ministères, aussi bien sortants qu'entrants, est suffisamment élevé pour rendre possible, et réaliste, un ajustement du niveau de l'emploi dans un objectif d' économie des dépenses de masse salariale .

Flux d'effectifs sortants et flux entrants

(en milliers d'emplois)

Périmètre : État hors opérateurs, budget général et budgets annexes.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général

La réduction d'emploi de 546 ETP au ministère de l'économie ne représente ainsi que 5,6 % des départs prévus en 2023 ou 6,0 % des entrants.

Les flux sortants ne correspondent d'ailleurs que pour 30 % à des départs en retraite (soit 48 697 sur un total prévu de 163 022), les départs concernant également des personnels en reconversion ou des contractuels. Un tiers des sortants de la fonction publique ont moins de 50 ans 38 ( * ) .

Le rapporteur général considère donc que le Gouvernement disposerait, s'il le souhaitait, de marges pour réaliser des économies sur les frais de personnel au sein des ministères et pour mettre fin à la progression importante de la masse salariale au cours des dernières années. Et cela pourrait se réaliser sans revenir sur les besoins supplémentaires identifiés par ailleurs dans certaines politiques publiques prioritaires (police et gendarmerie, défense, etc .)

2. La masse salariale de l'État progresse sous l'effet de l'augmentation du point d'indice et de la revalorisation salariale des enseignants

La masse salariale, hors pensions , est prévue à un niveau de 99,4 milliards d'euros , en hausse de 4,1 milliards d'euros.

Cette hausse provient principalement des mesures de revalorisation des salaires dans l'éducation nationale et du relèvement du point d'indice .

Facteurs d'évolution de la masse salariale entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

GVT : glissement vieillesse-technicité. Hors budgets annexes.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général (données 2022 retraitées)

La masse salariale progresse fortement, avec + 4,3 % en un an, après une hausse encore plus importante l'an dernier.

Le présent Gouvernement s'inscrit dans la continuité du Gouvernement précédent, et accentue un mouvement d'augmentation soutenue de la masse salariale lancé en 2017 (+ 16,1 % entre 2017 et 2023) .

Évolution de la masse salariale de l'État depuis 2007

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données des rapports sur le budget de l'État, des projets de loi de finances et des réponses aux questionnaires budgétaires. Périmètre : budget général, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions »

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MM. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE, ET GABRIEL ATTAL, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS (26 SEPTEMBRE 2022)

Réunie le lundi 26 septembre 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2023 et sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

M. Claude Raynal , président . - Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, pour évoquer devant nous le projet de loi de finances pour 2023 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, deux textes présentés ce matin en conseil des ministres.

Nous recevrons mercredi matin le président du Haut Conseil des finances publiques, qui nous présentera l'avis du Haut Conseil sur ces deux textes, ainsi que sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Le projet de loi de finances applique pour la première fois la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, promulguée le 28 décembre 2021. Comme vous le savez, certains articles renforcent l'information du Parlement sur les crédits et sur la trajectoire pluriannuelle. Par ailleurs, la répartition des articles entre la première et la seconde partie est, je crois, clarifiée.

Ce budget constitue aussi la première étape de mise en oeuvre de la future loi de programmation des finances publiques. Le texte proposé par le Gouvernement vise à ramener le déficit à 2,9 % du PIB en 2027 et fixe des orientations pour l'évolution des crédits des budgets de l'État, des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale.

Comme d'habitude - mais peut-être plus encore cette année -, ces deux textes sont soumis à de nombreuses incertitudes : je pense à l'évolution de la situation internationale et à ses effets sur les coûts de l'énergie et sur l'inflation, mais aussi aux changements du cadre européen des finances publiques, de nouvelles règles pouvant entrer en vigueur au cours de la mise en oeuvre de la loi de programmation.

Même si vous avez fait précéder ce dépôt d'une phase de consultation originale sous la forme des « dialogues de Bercy », auxquels certains d'entre nous ont participé, nos collègues auront certainement de nombreuses questions à vous poser sur ces deux textes.

Messieurs les ministres, je vous laisse la parole pour un propos liminaire, avant d'en venir à mes questions, à celles du rapporteur général et de l'ensemble des sénateurs membres de la commission des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Je suis très heureux de vous retrouver avec Gabriel Attal pour vous présenter ce premier budget du nouveau quinquennat, le sixième de notre majorité.

L'objectif de ce projet de loi de finances est de tenir l'équilibre entre la protection de nos compatriotes et de nos entreprises face à l'inflation et le nécessaire rétablissement de nos finances publiques, avec comme objectif un déficit public ramené à moins de 3 % en 2027.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, les incertitudes n'ont jamais été aussi grandes : je pense aux conséquences de la guerre en Ukraine sur les prix de l'énergie, aux difficultés économiques de nos principaux partenaires et aux incertitudes politiques au sein de la zone euro.

Dans ce contexte, je tiens à rappeler la très bonne résistance de l'économie française. Le taux de croissance devrait atteindre 2,7 % au cours de l'année 2022, les créations d'emplois restent dynamiques, la consommation des ménages se maintient et l'investissement des entreprises reste solide. C'est ainsi que nous maintenons notre prévision de croissance à 1 % pour l'année 2023.

La priorité va à la lutte contre l'inflation, qui restera à un niveau élevé dans les mois qui viennent, à hauteur de 6 %, contre une prévision de 4 % pour 2023.

Nous avons adopté une stratégie singulière de protection des ménages au sein de la zone euro. Dès l'automne 2021, nous les avons préservés de l'augmentation des prix de l'énergie : nous avons gelé les prix du gaz, plafonné l'augmentation du prix de l'électricité à 4 % et contenu l'inflation à un niveau le plus faible parmi les pays de la zone euro.

Nous maintiendrons ce bouclier tout en l'adaptant progressivement : les prix du gaz et de l'électricité augmenteront de 15 % au début de l'année 2023. Cette hausse s'élèverait à plus de 100 % si nous suivions les prix du marché, ce qui serait intolérable. Ce bouclier représente un coût de 16 milliards d'euros - 11 milliards d'euros pour le gaz et 5 milliards d'euros pour l'électricité - inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023. Cette somme représente un coût net : il convient de retrancher au coût brut de ce dispositif, beaucoup plus élevé, la somme de près de 20 milliards d'euros, correspondant aux prélèvements sur les énergéticiens.

À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de rappeler que nous n'étions pas favorables à des taxes exceptionnelles sur les superprofits, des taxes ordinaires et permanentes pesant sur les profits de toutes les entreprises. En revanche, nous entendons récupérer la rente dont bénéficient les énergéticiens.

Nous protégeons également nos compatriotes en privilégiant le travail qui paie. Nous avons décidé de revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu (IR) du montant de l'inflation, soit 5,4 %. Ce faisant, nous évitons à tous les contribuables soumis à cet impôt de payer davantage, même si leurs revenus augmentent. Le revenu disponible après impôt restera le même. Tel est l'objectif de notre politique économique : faire en sorte que le travail permette de vivre dignement. Il est essentiel de protéger de l'inflation nos compatriotes qui travaillent, en particulier ceux des classes moyennes.

Nous voulons aussi protéger les entreprises. Chacun a pris conscience que l'arrivée des factures d'énergie inquiète les chefs d'entreprise. Le tarif régulé de l'électricité est maintenu pour les très petites entreprises de moins de 10 salariés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros : les hausses de prix seront contenues à 15 %.

Pour toutes les autres, nous avons demandé à la Commission européenne d'établir des critères plus simples afin de renforcer les aides accordées aux entreprises qui sont exposées à la concurrence internationale et qui souffrent de la flambée des prix de l'énergie. Le critère de 3 % de consommation énergétique dans le chiffre d'affaires de l'entreprise doit être adapté afin que l'année de référence ne soit pas 2021, mais 2022 ou 2023. Avant la crise, la part de l'énergie dans les chiffres d'affaires de nombreuses entreprises représentait 1 ou 2 %. Celles-ci ne sont donc pas éligibles aux dispositifs d'aide, alors que le coût de l'énergie représente désormais une charge pouvant aller jusqu'à 5 % de leur chiffre d'affaires. Il est indispensable de revoir le mécanisme.

Par ailleurs, nous estimons que le critère de l'EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) négatif durant trois mois est absurde : cela revient à condamner les entreprises, qui ne peuvent faire face à une telle situation. Nous avons demandé que celui-ci soit remplacé par une baisse de bénéfice durant un mois.

Enfin, j'ai demandé le doublement du plafond des aides d'État que nous pourrions apporter à ces entreprises, afin qu'aucune d'entre elles ne soit contrainte à la fermeture en raison de la flambée des prix de l'énergie. Nous avons d'ores et déjà obtenu que la révision du cadre des aides d'État intervienne non pas au 1 er janvier 2023, mais bien dans le courant du mois d'octobre pour que les entreprises bénéficient de ce soutien le plus rapidement possible.

Enfin, nous aidons les collectivités locales, via un fonds d'un montant de 430 millions d'euros créé, avec votre aide, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022.

Notre objectif consiste également à transformer notre économie pour rétablir nos finances publiques et garantir la baisse de la dette publique, alors que les taux d'intérêt augmentent. Nous gardons la même stratégie : la réduction des dépenses, le soutien à la croissance et les réformes structurelles.

Concernant les dépenses, nous sommes sortis du « quoi qu'il en coûte ». Celui-ci était approprié pour lutter contre les conséquences du covid-19, mais il constituerait une faute économique dans la lutte contre l'inflation, qu'il ne ferait que nourrir. Nous devons abandonner les dispositifs transversaux au profit d'aides ciblées. Ceux qui critiquent le manque d'ambition du projet de loi de finances pour 2023 en matière de réduction des dépenses publiques sont les mêmes qui réclamaient d'apporter un soutien à toutes les entreprises, quelles que soient les circonstances. Je ne vise pas les sénateurs présents aujourd'hui ; je réclame de la cohérence.

Par ailleurs, maintenir une croissance forte suppose de continuer à soutenir la compétitivité de nos entreprises et la politique de l'offre. Nous confirmons la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Dans un esprit de responsabilité, cette réforme sera menée en deux temps, en 2023 et en 2024, pour un montant total de 8 milliards d'euros. La trajectoire de suppression de la CVAE sera inscrite dans ce projet de loi de finances afin d'apporter toutes les garanties nécessaires aux chefs d'entreprise.

La croissance repose également sur l'innovation : nous inscrivons 6 milliards d'euros d'engagements au titre du plan France 2030.

Enfin, une stratégie crédible de restauration des finances publiques suppose d'engager des réformes structurelles. Dans un pays comptant près de 400 000 emplois non pourvus, il me paraît légitime de durcir les règles de l'assurance chômage.

Il me paraît également nécessaire de mener la réforme des retraites en vue de son application dès l'été 2023 afin de financer notre modèle de protection sociale sans augmenter les impôts. Lorsque je compare la France aux autres nations développées, je constate que notre pays réussit partout, mais que le volume global de travail est insuffisant dans notre pays. Le taux d'emploi des personnes âgées de plus de 55 ans est inférieur de 20 points à celui de l'Allemagne par exemple. Cela entraîne une perte de compétences, de savoir-faire et d'expérience.

Ce projet de loi de finances concrétise notre détermination à accélérer la transition écologique. Je reconnais cependant que les sommes importantes allouées au bouclier énergétique ont un impact sur la qualité du budget vert. Nous devons faire mieux dans les mois qui viennent. Les crédits de MaPrimeRénov' s'élèveront à 2,5 milliards d'euros. Quelque 1,3 milliard d'euros seront consacrés au verdissement du parc automobile et 1,5 milliard d'euros seront versés au fonds destiné à aider les collectivités territoriales à faire face au changement climatique.

Je tiens à souligner une décision politique majeure : la France renonce pour la première fois aux assurances crédit-export pour tous les projets liés aux énergies fossiles.

Enfin, ce budget reste conforme aux engagements pris en matière de finances publiques. Nous souhaitons que l'augmentation des dépenses en volume reste cantonnée, toutes administrations confondues, à hauteur de 0,6 % durant le quinquennat, contre 1 % au cours des dix dernières années et 2 % pendant les vingt dernières années. Nous ralentissons l'accroissement en volume de la dépense publique. Mais il est toujours possible de mieux faire : toutes les propositions de réduction des dépenses des sénatrices et des sénateurs seront examinées avec le plus grand intérêt.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics . - Face aux aléas géopolitiques et économiques, il nous est très difficile de prévoir l'avenir. Nous n'avons pas de boule de cristal, mais nous disposons d'une boussole : la protection de nos concitoyens.

Comme l'a rappelé Bruno Le Maire, le bouclier tarifaire, d'un montant net de 16 milliards d'euros, limitera la hausse des prix de l'énergie à 15 %, contre 120 ou 140 % si nous n'avions pas agi.

Certains soutiennent que la revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu serait automatique. Or ce n'est pas nécessairement le cas chaque année. Cela relève toujours du choix d'un gouvernement. Cette année, la question se posait, car le coût de la mesure est estimé à 6,4 milliards d'euros, compte tenu de l'importance de l'inflation que nous connaissons actuellement.

La protection de nos concitoyens passe par la poursuite de nos actions en faveur de l'emploi. Conformément à l'objectif fixé par le Président de la République, nous souhaitons que notre pays compte prochainement 1 million d'apprentis, ce qui explique la revalorisation des crédits du ministère du travail, pour un montant de 6 milliards d'euros. C'est aussi l'enjeu de l'augmentation des crédits du ministère de l'éducation nationale, à hauteur de 3,7 milliards d'euros. À la rentrée 2023, aucun enseignant ne touchera moins de 2 000 euros net par mois et tous les professeurs connaîtront une hausse de salaire de 10 %.

Les fonctions régaliennes sont renforcées. Plus de 3 milliards d'euros supplémentaires seront accordés au ministère de la défense, conformément à la loi de programmation militaire. Le ministère de l'intérieur recevra 1,4 milliard d'euros de crédits additionnels. Le budget du ministère de la justice connaîtra une hausse importante de 8 %, pour la troisième année consécutive.

Nous protégeons également nos comptes publics. Nous sommes passés du « quoi qu'il en coûte » au « combien ça coûte ». Chaque euro dépensé doit être utile. La trajectoire de maîtrise de la dépense publique est la plus ambitieuse depuis vingt ans. Durant le quinquennat, les dépenses de l'État baisseront chaque année de 0,4 % en moyenne, et celles des collectivités territoriales de 0,5 %. En revanche, les dépenses de santé continueront d'augmenter en volume : ce choix politique vise à soutenir l'hôpital.

Dans le projet de loi de finances, le poids des dépenses publiques dans le PIB recule, de 57,6 % l'année dernière à 56,6 % en 2023, pour atteindre 53,8 % en 2027. En matière de finances publiques, le coeur de notre stratégie reste la création de valeur et l'amélioration du taux d'emploi.

Je remercie les sénatrices et sénateurs ayant participé aux « dialogues de Bercy », qui, de l'avis général, ont été utiles. À cette occasion, nous avons retenu certaines propositions : plusieurs participants ont déploré la suspension de l'actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels, qui aurait conduit à une hausse de la fiscalité pour les commerces de centre-ville et à une baisse pour les hypermarchés en périphérie de nos villes, ce qui ne correspond pas à notre stratégie de revitalisation des centres urbains.

J'ai annoncé aujourd'hui au comité des finances locales (CFL) que la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) seraient abondées de 210 millions d'euros afin de garantir la stabilité de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Ainsi, 70 % des communes auront une dotation stable, voire en augmentation. Un amendement au projet de loi de finances concrétisera cette décision.

Une enveloppe supplémentaire d'un million d'euros a été débloquée pour soutenir les communes forestières en proie aux scolytes - Sylvie Vermeillet nous avait alertés à ce sujet. Une mesure fiscale incitera les propriétaires forestiers à replanter des arbres. De plus, un amendement tendra à sanctuariser les effectifs de l'Office national des forêts (ONF), toujours suite aux dialogues de Bercy.

Des propositions visent également à améliorer la qualité de l'évaluation de la dépense publique : une liste recensera les dépenses pour lesquelles l'État sera soumis à une obligation d'évaluation.

Dans une démocratie, il est sain de ne pas être d'accord sur tout, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons discuter de rien. À cet égard, les « dialogues de Bercy » ont été fructueux. Je forme le voeu que nos échanges futurs le soient tout autant.

M. Claude Raynal , président . - Les « dialogues de Bercy » ont permis de gagner du temps.

Je me réjouis que vous ayez apporté des solutions à quelques problèmes. Toutefois, votre copie reste conforme à l'original sur certains points essentiels. Je pense à la question de la suppression des impôts de production, notamment la CVAE. Je n'aborderai pas la question de la compensation de cette décision pour les collectivités locales. Le projet de loi de finances se fonde sur une prévision de croissance de 1 %. Je ne la contesterai pas : il est normal que le ministre de l'économie soit optimiste et cherche à inspirer la confiance.

Cependant, la confiance n'exclut pas de prévoir le pire : si la croissance était nulle en 2023, le Gouvernement devrait alors trouver entre 10 et 15 milliards d'euros supplémentaires. Cette somme est importante, mais, aujourd'hui, les milliards vont et viennent, mes chers collègues ! Je le répète : dans ces périodes difficiles, durant lesquelles la croissance n'est pas assurée, priver l'État de recettes n'est pas une bonne chose, comme l'ont d'ailleurs souligné le Premier président de la Cour des comptes, le gouverneur de la Banque de France et de nombreux économistes. En outre, vous avez lissé cette dépense de 8 milliards d'euros sur deux ans, ce qui montre bien que celle-ci pèse sur le budget de l'État. Par ailleurs, ceux qui sollicitaient cette baisse protestent aujourd'hui énergiquement contre cet étalement : messieurs les ministres, c'est fort de café, et le moins que l'on puisse dire est que vous n'êtes pas récompensés ! Selon eux, le signal ne serait plus assez clair et l'effet de choc amoindri. Si elle ne sert plus à rien, autant supprimer totalement cette mesure ! Nous pourrions en examiner l'opportunité en 2027, comme le proposent certains experts.

À ces 8 milliards d'euros, ajoutons les suppressions d'impôt pour nos concitoyens les plus riches, qui s'élèvent à 3 milliards d'euros supplémentaires, soit un total de 11 milliards d'euros. Si la croissance était plus faible que prévu, nous disposerions de l'argent nécessaire pour faire face à la situation et nous ne serions pas obligés de chercher des économies dans notre système de retraite.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Nous apprécions la présence des deux ministres pour l'examen des textes financiers au Sénat. En ce début de quinquennat, j'y vois, d'une certaine manière, un changement de méthode.

Ma lecture concernant la croissance est moins optimiste que celle du président de notre commission. Les économistes prévoient pour nombre d'entre eux une croissance proche de 0 % tandis que votre prévision s'élève à 1 %. Quelles sont les raisons, messieurs les ministres, qui vous conduisent à cet optimisme ? Si malheureusement la croissance ne devait pas être aussi favorable, nous pourrions payer pendant un certain temps le scénario macroéconomique que vous aurez retenu.

Deuxièmement, le Haut Conseil des finances publiques constate, en excluant les mesures prises en lien avec la crise sanitaire ou la hausse de l'inflation et la crise de l'énergie, que la dépense en volume devrait croître de près de 1 % entre 2022 et 2023. Or une croissance de 1 % ne fait pas une baisse ! Vous évoquez une baisse de la dépense publique entre 2022 et 2023.

Troisièmement, le projet de loi de programmation des finances publiques remplace les dépenses pilotables par un « périmètre des dépenses de l'État » qui inclut, cette fois, les prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités territoriales. En fait, vous renversez le sablier. Alors que lors du premier quinquennat vous aviez exclu les collectivités locales, vous les replacez à présent dans la trajectoire. Je vous alerte sur ce point. Quelles sont donc les raisons qui vous conduisent à contraindre les collectivités territoriales, dont vous connaissez très bien l'importance dans l'investissement public et dont les règles budgétaires diffèrent de celles de l'État ?

Quatrièmement, vos propos sur la transition écologique ont été très brefs et, pour tout vous dire, ils m'inquiètent. J'ai eu l'occasion de vous l'expliquer ces dernières années : ce que vous qualifiez de « budget vert » s'apparente plutôt à de la peinture à l'eau. Faire intervenir Mme Valérie Masson-Delmotte pour sensibiliser le Gouvernement aux enjeux climatiques était une bonne initiative, mais cela ne suffit pas. M. le ministre des comptes publics indiquait à l'instant que l'enjeu écologique avait été évoqué en début de réunion. La prise de conscience doit être d'une tout autre ampleur ; il va falloir y mettre de l'intelligence et des moyens. Nous avons déjà perdu un temps considérable, il est donc absolument nécessaire de changer de logiciel. Quand je regarde les crédits de paiement, je m'interroge sur la façon dont tout cela va fonctionner.

Par ailleurs, vous avez évoqué un fonds vert auquel les collectivités locales seraient associées. Je ne peux que m'en réjouir, si cela peut permettre, enfin, d'articuler les actions du mieux possible pour les rendre productives. Le meilleur contre-exemple est finalement MaPrimeRénov' : quelque 2 000 logements rénovés sur un objectif de 80 000 rénovations de passoires thermiques, je le dis comme je le pense, c'est nul ! Évidemment, il faut progresser sur ce point, et je pense que nous y parviendrons.

Enfin, mon dernier point concerne la CVAE. J'ai personnellement participé aux « dialogues de Bercy », dont je salue l'initiative. Je regrette tout de même une forme de déséquilibre entre la représentation des forces politiques et celle de nos commissions, dont la raison d'être est tout de même de travailler sur ce sujet. Certains des nôtres, qui n'ont pas été invités, ont pu avoir l'impression qu'il existait deux types d'élus.

Il y a sur la CVAE un problème de forme. L'étalement de sa suppression sur deux ans répond certes à une demande et vous conservez une incitation pour les collectivités à attirer de l'activité économique sur leurs territoires. Le Gouvernement propose ainsi la dynamique de la TVA versée en remplacement de la CVAE abonde un fonds dont les ressources seraient réparties en fonction de critères locaux d'activité économique à compter de 2024, sans plus de précisions. Mais quelle serait la gouvernance de ce fonds ? Selon quelles modalités les élus locaux et parlementaires pourraient participer à la définition des critères de répartition de son produit ? Je ne comprends pas la méthode. Vous proposez une concertation après une décision qui vient d'en haut. Conformément à la culture du compromis qu'a proposée Mme la Première ministre, j'aurais préféré que vous élaboriez un projet concerté avec les collectivités et leurs représentants, puis que vous le proposiez ensuite à l'approbation du Parlement, laquelle serait venue plus naturellement.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Monsieur Raynal, vous dites que c'est fort de café, de la part du Medef, de critiquer notre budget pour son manque d'ambition. Je suis de cet avis.

M. Claude Raynal . - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre . - C'est fort de café en effet de nous reprocher de supprimer la CVAE en deux fois, quand nous le faisons pour tenir compte de la situation des finances publiques. Personne ne peut remettre en cause la parole du Gouvernement, de la majorité ou du Président de la République, ni douter de notre détermination à tenir notre ligne sur la baisse des impôts. Nous avions promis la baisse de l'impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %, c'est fait. Nous avions promis un prélèvement forfaitaire unique à 30 %, c'est fait. Nous avions promis de baisser les impôts de production pour la première fois depuis vingt ans, c'est fait.

C'est fort de café également de nous demander moins de dépenses publiques, mais plus de soutien pour les entreprises. Il ne serait pas mauvais de faire preuve de cohérence et surtout de garder un esprit constructif, à un moment où l'économie française est confrontée à des défis considérables. Pour ce qui nous concerne, nous tenons notre ligne politique de l'offre : baisse des impôts de production pour soutenir l'outil productif français et rétablissement des comptes publics. Cela témoigne au contraire de notre ambition économique pour le pays.

J'en viens aux raisons qui nous ont conduits à supprimer la CVAE. Nous ne nous sommes pas réveillés, un matin, avec cette volonté soudaine. Cela fait plus de cinq ans maintenant que je suis ministre de l'économie et des finances et j'ai toujours considéré - comme nombre d'entre vous ici - que la reconquête industrielle était une ardente obligation dans un pays qui, je le rappelle, a détruit des emplois industriels par centaines de milliers et qui a connu une hémorragie industrielle comme aucun autre grand pays industriel en Europe. Ni l'Italie ni l'Allemagne n'ont connu pareille hémorragie. Il y a donc eu faute économique, faute politique, faute collective sur l'industrie nationale.

Cette reconquête ne peut toutefois se faire en une année ni par un claquement de doigts. Elle demande une stratégie continue, résolue, déterminée et constante, qui repose sur trois piliers.

Le premier pilier est la baisse des charges et l'allègement de la fiscalité sur les entreprises industrielles. J'ai visité il y a quelques jours pour la cinquième ou sixième fois mes amis décolleteurs dans la vallée de l'Arve. Vous ne pouvez pas demander à des industriels qui sont confrontés à de tels défis de traîner ce boulet d'impôts de production sept fois plus élevés que leurs voisins allemands. Vous ne pouvez pas leur demander d'être compétitifs quand leurs cotisations patronales sont beaucoup plus élevées que celles de leurs grands voisins européens. Nous avons remédié à ces difficultés. Je rappelle que c'est cette majorité qui a transformé les allègements de charges, qui étaient un crédit d'impôt, en allègements définitifs. C'est cette majorité qui a engagé la baisse des impôts de production, qui a fait de la France le territoire le plus attractif pour les investissements étrangers.

Ce premier pilier de la reconquête industrielle n'est pas le plus facile à faire comprendre. À chaque fois que nous baissons les impôts sur les entreprises, on nous dit « cadeau pour les entreprises ». Je réponds cadeau pour l'industrie, pour les ouvriers, pour la culture industrielle nationale. C'est différent.

Le deuxième pilier est évidemment la formation et la qualification, qui passent par une reconquête culturelle de l'industrie française. Il n'est pas normal que dans un centre de formation d'apprentis aussi remarquable que celui que j'ai visité, en Haute-Savoie, où l'employabilité est de 100 % à la sortie et où chaque jeune bénéficie à lui seul de trois offres d'emploi, seules 300 places sur les 400 disponibles soient pourvues. Il faut montrer à nos enfants et en particulier aux jeunes femmes - le taux de féminisation est beaucoup trop faible - que l'industrie, ce n'est plus Zola, mais de la création, du savoir-faire, de la technologie, des ingénieurs, de la valeur ajoutée, de bons salaires et des perspectives de carrière.

Enfin, troisièmement, le combat pour la reconquête industrielle passe par la simplification de la vie des industriels, notamment pour l'installation de nouveaux sites. Dès le début de l'année 2023, je ferai des propositions très concrètes à la Première ministre et au Président de la République sur ce sujet. Mon objectif est que la France retrouve 15 % de part de l'industrie dans la richesse nationale d'ici quinze ans. Nous sommes tombés à 10 ou 11 % alors que rien ne le justifiait. Je fixe donc cette ambition, avec les sites industriels, les technologies et les emplois qui vont avec.

Au sujet des prévisions de croissance, il est bien entendu que d'autres scénarios existent. Mais quand on présente un budget, on choisit un scénario central. Dans ses scénarios les plus sombres, la Banque de France part du principe qu'il pourrait y avoir des coupures d'énergie, des délestages sur les sites industriels, des arrêts de production massifs sur le territoire. Ce n'est pas notre scénario central. Les actions que nous avons menées avec Agnès Pannier-Runacher - le plan d'économie d'énergie, le remplissage à 94 % des stocks de gaz, la diversification des sources d'approvisionnement - visent précisément à éviter ce scénario que je n'écarte pas - cela serait très audacieux de ma part - d'un revers de la main. Je dis simplement que notre scénario central reste une croissance positive en 2023 à hauteur de 1 %.

Par ailleurs, au-delà des mesures que nous avons prises sur l'énergie, nous avons eu aussi à coeur de soutenir la demande des ménages français. Protéger les ménages contre l'inflation - la France est l'un des seuls pays de la zone euro où le pouvoir d'achat continuera à progresser en 2023 - est aussi une manière de soutenir notre croissance. Enfin, les réserves d'épargne restent élevées dans notre pays ; c'est aussi un motif de confiance.

En ce qui concerne la transition écologique, je partage totalement votre ambition. Je vous invite simplement à ne pas sous-estimer l'ampleur des transformations que nous avons engagées avec le Président de la République et la Première ministre en la matière. Tout en ayant parfaitement conscience qu'il faut aller plus vite, faire mieux, déployer encore plus massivement nos dispositifs, je crois que nous sommes dans la bonne direction.

D'abord, nous avons engagé un plan de sobriété qui sera présenté le 6 octobre prochain et qui est absolument clé. Je veux vraiment bien faire comprendre que les économies d'énergie que nous allons tous devoir faire dans les semaines qui viennent ne visent pas à passer l'hiver, mais à passer le siècle. Elles doivent nous permettre de bénéficier, dans les prochaines décennies, d'une situation climatique plus favorable. Ne pensons pas que les économies d'énergie sont une réponse à un problème conjoncturel. Le problème est évidemment structurel et ce sont des changements de comportement complets auxquels nous devons être conduits, nous, citoyens, entreprises, administrations, pour réussir à lutter contre le réchauffement climatique.

Le fonds vert des collectivités locales annoncé par Élisabeth Borne représente 1,5 milliard d'euros. Nous pourrons discuter ensemble de son déploiement afin de nous assurer qu'il sera le plus efficace possible. L'accompagnement des ménages pour l'achat de véhicules électriques et le dispositif MaPrimeRénov' sont aussi des aides budgétaires massives. Je suis prêt à regarder comment l'on passe de rénovations par geste à des rénovations plus globales qui, on le sait, sont mille fois plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique et éviter les pertes thermiques.

Enfin, je rappelle que France 2030 consacre la majorité de ses investissements à la lutte contre le réchauffement climatique et aux investissements verts. Je veux redire aussi que la stratégie énergétique présentée par le Président de la République à Belfort - sobriété, accélération sur les énergies renouvelables et réalisation de six nouveaux EPR - est une manière de garantir la réduction de notre empreinte carbone.

M. Gabriel Attal, ministre . - En réponse à la question de M. Jean-François Husson, nous avons effectivement adopté une nouvelle présentation budgétaire : le « périmètre des dépenses de l'État (PDE) » remplace les deux définitions précédentes, à savoir la norme de dépenses pilotables et l'objectif total de dépenses de l'État.

Cette nouvelle présentation doit apporter une meilleure visibilité. Elle couvre un périmètre plus large, afin d'améliorer le suivi et le pilotage de la dépense publique, y compris les prélèvements à destination de l'Union européenne et les prélèvements sur recettes en direction des collectivités locales. La maîtrise de la progression des dépenses publiques demandée aux collectivités locales n'est pas liée à ce nouveau périmètre, mais à nos engagements d'une maîtrise globale de la progression des dépenses en vue de tenir nos objectifs de déficit public. Il s'agit là de deux sujets différents.

Concernant la suppression de la CVAE, nous avons précisément mené une concertation nourrie avec les associations d'élus, afin de définir les modalités de sa compensation. Au cours de ces dernières semaines, nous avons multiplié les réunions avec Christophe Béchu, Caroline Cayeux et les associations d'élus que nous avons toutes rencontrées au moins deux fois. Il en résulte que la copie qui vous est présentée n'est pas celle que nous envisagions avant ces échanges.

Je note par exemple une évolution majeure dans le passage d'un prélèvement sur recettes à une fraction de TVA. Au départ, il est vrai que nous voulions compenser la suppression de la CVAE par un prélèvement sur recettes, auquel on aurait appliqué la dynamique moyenne de CVAE des huit dernières années, à savoir 2,5 % par an. Cela nous semblait être un gage de visibilité. Nous étions peu favorables à la solution d'une fraction de TVA, en raison d'une prévisibilité moindre, mais aussi parce que, avec cette compensation, les recettes de TVA affectées à l'État seraient en effet inférieures à 50 % des recettes de TVA, dont l'essentiel irait aux organismes de sécurité sociale ou aux collectivités locales. Cela ne change pas grand-chose sur le fond, si ce n'est qu'à l'avenir, des majorités qui auraient à prendre des décisions sur la TVA pourraient rencontrer des réticences parmi les principaux bénéficiaires de cet impôt. Sur ce point, le Gouvernement a fait évoluer sa position. Nous avons choisi comme solution la fraction de TVA, conformément au souhait des associations d'élus.

La question se pose ensuite de la territorialisation de la dynamique de la compensation de la CVAE. Autrement dit, comment permet-on aux maires et aux patrons d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'affirmer à leurs administrés que l'accueil d'une activité économique sur le territoire reste intéressant également pour les recettes de la collectivité ?

Nous avons commencé à en discuter avec les associations d'élus et des membres de cette commission, dans le cadre des « dialogues de Bercy ». Pour l'instant, nous envisageons de nous appuyer sur les bases de cotisation foncière des entreprises (CFE), qui figurent déjà parmi les critères de territorialisation des recettes de CVAE. Plusieurs associations d'élus et des parlementaires ont suggéré d'enrichir ces critères. Nous sommes ouverts à leurs propositions, que pour l'heure nous n'avons pas reçues. Je suis convaincu qu'elles nourriront les prochains débats parlementaires. Mon objectif est que la gouvernance du fonds ait le moins de décisions possible à prendre et que l'affectation des recettes de CVAE se fasse à partir de critères suffisamment efficaces pour mesurer l'attractivité économique des territoires.

Enfin, je suis très ouvert à ce que l'on révise le périmètre des « dialogues de Bercy ». Nous avions retenu comme participants les membres des bureaux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat plus un représentant par groupe, en considérant que ce dernier communiquerait les informations à ses collègues et qu'un format resserré permettrait de fluidifier les échanges. Personnellement, je vois plutôt un bon signe dans le fait que des candidatures s'expriment pour participer aux prochaines éditions.

M. Claude Raynal , président . - Nous démarrons maintenant la série de questions.

Mme Christine Lavarde . - En entendant M. le ministre Le Maire, il m'a semblé que ses critiques à l'égard de ceux qui demandent moins de dépenses publiques et davantage de soutien aux entreprises visaient le groupe Les Républicains.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Non, je ne vous visais pas.

Mme Christine Lavarde . - Je rappellerai que le Gouvernement se félicite de recettes fiscales meilleures que prévu, notamment du fait des rentrées provenant des entreprises. C'est pourquoi nous pensons qu'il est utile de les soutenir.

Après les précisions de M. le ministre Attal sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), je comprends que la version du texte dont nous disposons est déjà obsolète, puisqu'il convient d'ajouter aux crédits déjà inscrits des crédits supplémentaires à hauteur de 210 millions d'euros. Peut-être faudrait-il nous expliquer le mécanisme, car le texte prévoit bien une augmentation de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR), financée sur l'enveloppe normée.

Ma deuxième question concerne la réforme des valeurs locatives professionnelles. Monsieur le ministre, vous dites nous avoir entendus lors des « dialogues de Bercy » à ce sujet. Envisagez-vous un simple report ou allez-vous revoir complètement la méthode ? Un report à l'automne prochain déboucherait en effet sur les mêmes écueils.

Par ailleurs, si le sujet du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ne figure pas dans le texte - hormis une faible augmentation des crédits -, le Sénat ne l'a pas oublié et vous le trouverez sur votre route sur ce sujet.

Toujours concernant les collectivités locales, M. le rapporteur général a évoqué l'article 16 du projet de loi de programmation, qui encadre la trajectoire des dépenses. Sur ce point, vous annoncez une concertation, mais vous demandez aux collectivités de présenter des éléments dans leur débat d'orientation budgétaire qui a lieu, pour certaines d'entre elles, début décembre. Cela rend la tâche très difficile, d'autant que l'article, assez flou, se borne à indiquer que l'augmentation doit se limiter à 3,8 %. Je vous rappelle que la masse salariale, qui pèse pour toutes les collectivités pour plus de 50 % des dépenses, augmente déjà de 3,5 % et que l'inflation des dépenses du volet énergie-alimentation-papier nous amène bien au-delà des 3,8 %. En résumé, vous demandez aux collectivités de diminuer drastiquement leurs dépenses. En aval, prévoyez-vous un régime de sanctions pour les collectivités qui ne respecteraient pas les objectifs des contrats de Cahors ? Prévoyez-vous des déclinaisons selon les collectivités, qui ne sont pas toutes exposées de la même manière au choc d'inflation ? J'entends concertation avec les collectivités, mais selon quel calendrier ?

Enfin, la dernière salve est la salve verte. Pour nous non plus, le compte n'y est pas. J'ai certes relevé que l'article 14 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit un rééquilibrage d'ici à 2027, avec une diminution des dépenses fiscales défavorables par rapport aux dépenses fiscales favorables. Je relève simplement que les réformes envisagées lors du premier quinquennat ont toujours été reportées à des temps meilleurs. J'ai envie de vous croire, mais le différentiel est tellement important qu'il ne sera pas difficile de faire mieux.

Quant à l'article 7 - « adaptation du système fiscal aux exigences de la transition énergétique » -, nous devons l'examiner en détail, mais je ne vois pas en quoi les mesures proposées répondraient aux exigences. Lors des « dialogues de Bercy », le besoin d'une véritable rénovation des bâtiments a été largement soulevé. Or je n'ai absolument rien trouvé sur ce thème dans l'ensemble des documents qui nous ont été proposés.

M. Roger Karoutchi . - Je reviens sur le taux de croissance que vous retenez. Pour rappel, lorsque je doutais ici même, en 2020 et en 2021, du réalisme de vos prévisions, vous me traitiez de Cassandre tout en affichant votre confiance. De fait, nous sommes très loin des taux de croissance que vous aviez annoncés pour 2020, 2021 et pour les années suivantes.

Bien sûr, il y a eu la crise de la covid. Bien sûr, il y a eu la guerre en Ukraine. Bien sûr, il y a la crise de l'énergie. Bien sûr, il y a l'inflation. Mais tout cela disparaît-il en 2023 ? Qui vous dit que la guerre en Ukraine va cesser ? Qui vous dit que la crise énergétique ne va pas s'aggraver, en fonction de la nouvelle politique des pays producteurs ? Dans ces conditions, l'inflation ne baissera certainement pas en 2023 !

Quand vous affirmez retenir le chiffre moyen de 1 %, de quelle moyenne parlez-vous ? La Banque de France prévoit un taux de croissance de 0,5 %, l'OCDE de 0,6 %, et encore... L'entrée probable en récession de l'Allemagne en 2023 entraînera des conséquences pour la France, dont la croissance pourrait être ramenée à zéro. À ma connaissance, aucun organisme ne prévoit le taux de croissance de 2 % qui vous aurait permis d'atteindre une moyenne de 1 %. Vous avez donc adopté une vision très optimiste.

M. Attal nous dit qu'il n'a pas de boule de cristal, mais une boussole. Cette boussole n'est-elle pas tout de même un peu désorientée ? Sous le prétexte d'une politique volontariste, vous affichez un optimisme qui m'inquiète. Vous annoncez vous-même que la France empruntera 270 milliards d'euros, que les déficits s'élèveront au bas mot à 5 % du PIB en 2023, probablement à 6 %. Vous créez des postes dans le domaine de la sécurité, vous créez 6 000 places d'hébergement. Je ne conteste pas cette politique volontariste, mais on ne voit pas, en parallèle, de réduction des dépenses.

Alors que le Président de la République nous avait annoncé, dans un environnement extrêmement difficile, un budget de guerre et de crise, nous avons l'impression d'être face à un budget classique, très optimiste et probablement inatteignable.

M. Jean-Marie Mizzon . - N'ayant pas participé aux « dialogues de Bercy » - j'ai suffisamment de mal à honorer les invitations que je reçois pour ne pas me rendre là où je ne suis pas invité -, j'aborderai un sujet qui ne relève pas de la stratégie globale du projet de loi de finances pour 2023, mais que M. Le Maire a évoqué. Comme d'autres ici j'imagine, j'ai rencontré un certain nombre de chefs d'entreprise qui m'ont exprimé leurs angoisses face à la multiplication, par plus de dix, des prix de l'électricité qui leur sont proposés. Ces chefs d'entreprise sont désemparés et très inquiets.

Monsieur le ministre, êtes-vous favorable à la mise en place de nouvelles règles, dans le sens attendu par les fournisseurs et les clients pour l'approvisionnement en 2023 ? Je pense en particulier aux règles de fonctionnement de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ainsi qu'à l'organisation du marché de l'électricité. Je sais que ces règles dépendent essentiellement du niveau européen, que le volume d'Arenh a été porté à 120 térawattheures et que le prix de l'Arenh ne peut être désormais inférieur à 49,50 euros, en application de la loi sur la protection du pouvoir d'achat du mois d'août dernier. Seriez-vous néanmoins favorable à une nouvelle augmentation du plafond du volume de l'Arenh ?

Par ailleurs, envisagez-vous de permettre à tous les clients de bénéficier d'offres grâce à une garantie de l'État qui serait apportée aux fournisseurs ? Certains fournisseurs ne trouvent pas d'offres, tout simplement, parfois, parce qu'elles n'existent pas. Le marché est totalement insécurisé : certaines offres sont émises à onze heures, prennent fin à midi et on se réserve le droit de les annuler avant si les marchés fluctuent. Un fournisseur de dernier recours, qui pourrait être l'État, pourrait permettre à ces entreprises de trouver une solution.

Enfin, ma dernière question s'adresse à M. Attal, qui a évoqué la commission de révision de la valeur locative des locaux professionnels. Je suis dans un département où la commission n'a pas fini ses travaux. Doit-elle les arrêter ?

M. Éric Bocquet . - Je voudrais évoquer deux points : la CVAE et, sujet cher à Bruno Le Maire, les superprofits.

Je rêve d'une république où l'on demanderait l'avis des maires quand on décide de supprimer des impôts -- taxe professionnelle en son temps, taxe d'habitation et CVAE aujourd'hui...

Nous sommes nombreux, ces temps-ci, à participer à des assemblées générales ou des congrès d'associations d'élus dans les départements -- j'étais pour ma part à celle de l'association des maires ruraux la semaine dernière dans le Nord et serai à celle de l'association des maires du Nord à Douai ce vendredi -- et ce qui revient avec force, c'est l'inquiétude et parfois même la panique par rapport à la hausse des prix de l'énergie. Les maires se demandent comment ils vont honorer leurs factures et maintenir l'équilibre de leur budget.

Quelque chose d'important se passe : les maires ruraux ont ainsi adopté une motion à l'unanimité -- ce qui n'est pas dans leurs habitudes --, pour demander la mise en place d'un bouclier tarifaire sur l'énergie.

À titre d'exemple, une commune de 27 000 habitants de la métropole lilloise, qui prévoyait dans son budget primitif 900 000 euros de dépenses, compte 2,4 millions d'euros de dépenses effectives, sur un fonctionnement de 34 millions d'euros sur une seule année. Cela veut dire que cette commune honorera ses factures d'ici à la fin de l'année, mais que l'excédent disponible l'an prochain sera en nette diminution.

Pensez-vous donc vraiment qu'il soit responsable de supprimer la CVAE, impôt très dynamique, sans demander leur avis aux élus, à un moment où les collectivités territoriales vont rencontrer des difficultés accrues ?

Je sais que vous avez réitéré cet engagement face au Medef fin août, mais vous auriez pu le différer de deux, trois ou quatre ans sans problème. Est-ce une bonne idée de priver les collectivités de cette ressource ? Une préoccupation forte monte chez les élus et vous en entendrez sans doute parler au congrès des maires en novembre.

Ma deuxième question porte sur la taxation des superprofits. Sans doute pensiez-vous que le débat serait clos après la discussion du PLFR cet été, qui avait abouti au rejet des amendements des différents groupes portant cette mesure. Or, il réapparaît avec force en cette rentrée. Vous dites ne pas savoir ce que sont des superprofits. Une proposition simple : prenez les trois années antérieures à la crise covid -- 2017, 2018 et 2019 --, faites une moyenne des profits réalisés par les groupes du CAC 40 à cette époque-là et on aura une petite idée de la notion de superprofits.

Le débat n'est pas clos et nous reviendrons, avec d'autres, sur le sujet au cours des débats à venir, car je ne vois rien de cette nature dans le PLF.

Mme Vanina Paoli-Gagin . - En premier lieu, je salue, au nom du groupe Les Indépendants, la dynamique de consultation engagée via les « dialogues de Bercy » en amont de la discussion du PLF.

Ma première question concerne les forêts. Les précisions que vous avez apportées, monsieur le ministre chargé des comptes publics, sont louables.

Êtes-vous ouvert à la mise en place de dispositifs supplémentaires ? Nous allons prochainement discuter une proposition de loi, que je porte, sur la valorisation des externalités positives de la forêt. Nous envisageons de mettre en place un dispositif fiscal à l'endroit des particuliers et des entreprises qui souhaiteraient financer, via le mécénat, les communes forestières, nombre d'entre elles étant en difficulté. À cet égard, le Gouvernement est-il ouvert à des aménagements pour enrichir les dispositifs que vous décrivez ?

Je souhaite ensuite évoquer le crédit d'impôt recherche, car j'ai entendu que des collègues, à l'Assemblée nationale, planchaient sur une réforme, or je n'ai rien vu dans le budget. Là encore, nous avons mené au Sénat une mission d'information sur le sujet.

Nous souhaiterions qu'à enveloppe constante, une partie du crédit d'impôt recherche soit fléchée vers les PME. Après le « quoi qu'il en coûte », le « combien ça coûte », l'heure du « mieux qu'il en coûte » est arrivée, et l'effet de levier du crédit d'impôt recherche sur les PME est trois fois supérieur à celui des dépenses des grands groupes.

Concernant les collectivités territoriales, je voudrais évoquer le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), qui devait être transitoire et ne fait pas que des heureux dans la ruralité. Les modifications que vous prévoyez à l'article 45 du PLF, notamment sur le critère d'exclusion de reversement du Fpic, vont-elles affecter la clé de répartition ?

J'ai enfin une question similaire sur la taxe d'aménagement, dont les modalités d'attribution ont été modifiées récemment : le reversement de la taxe perçue par la commune aux EPCI a été rendu obligatoire, ce qui a été mal perçu dans les zones rurales et a modifié des équilibres économiques. Avez-vous prévu de revenir sur cette décision ? Disposez-vous de retours d'expérience sur ce nouveau régime de taxe d'aménagement ?

M. Rémi Féraud . - Éric Bocquet a évoqué la question des superprofits, qui est au centre du débat politique. Sans trop y revenir, je précise, messieurs les ministres, que la proposition de taxation n'entre pas dans les impôts de production. Elle est par ailleurs temporaire, et non pérenne. Même si nous ne partageons pas la philosophie politique du Gouvernement, il me semble qu'il s'agit d'une position d'équilibre, à un moment très particulier de l'histoire, qui ne remet pas en cause l'ensemble de votre politique.

J'ai deux questions à vous poser.

Comment s'inscrit l'éventuelle réforme des retraites dans la loi de programmation des finances publiques ? Nous avons compris que vous considérez -- sûrement à juste titre -- qu'elle n'aurait pas d'impact budgétaire en 2023, mais elle en aurait forcément sur la loi de programmation des finances publiques. Vous l'avez d'ailleurs dit dans votre introduction, mais dans le texte lui-même, la phrase est très courte et sibylline : « La soutenabilité de notre trajectoire reposera notamment sur les réformes structurelles engagées. » Je ne sais pas si la réforme des retraites entre dans ces réformes structurelles engagées, mais cela demande des précisions et des chiffres.

Ensuite, nous avons parlé de la CVAE, de la CFE, de la difficulté à trouver des dispositifs pour compenser la perte de ces recettes pour les collectivités locales et des besoins de tenir compte des dynamiques territoriales. Êtes-vous prêts à regarder comment retrouver ces dynamiques sur d'autres sujets ? Je pense notamment aux dispositifs qui peuvent être revus pour abonder les objectifs de politique de logement : taxe sur les logements vacants, taxe sur les résidences secondaires...

Par ailleurs, seriez-vous prêts à revoir les limitations actuellement imposées sur la taxe de séjour ? C'est une question importante pour beaucoup de communes dont Paris, où je suis élu. Cette taxe reposant en premier lieu sur les touristes étrangers, son augmentation ne pèserait pas sur les Français et pourrait éviter à des communes d'augmenter leur taxe foncière.

Êtes-vous prêts, en somme, à redonner des marges de manoeuvre sur différents modes d'imposition aux collectivités locales ?

M. Daniel Breuiller . - En introduction de vos propos, monsieur le ministre, vous avez évoqué les incertitudes très fortes qui pèsent sur le plan énergétique et sur l'inflation ; j'y ajoute l'accélération gravissime de la crise climatique que nous traversons.

Pour ceux qui pourraient encore en douter, les événements majeurs survenus cet été -- sécheresse, incendies -- l'ont bien illustrée.

Il s'agit d'un problème international, et non national. L'exemple du Pakistan montre les enjeux géostratégiques que cette crise climatique fait peser sur le devenir des populations, sur les migrations, sur la possibilité même de vivre dans certains territoires.

J'estime donc que les propositions que vous nous faites, même si les mots annoncent des inflexions, sont très loin du compte.

Puisque nous sommes dans le « combien ça coûte », je vais vous dire combien ça coûtera de ne pas nous mettre à la bonne hauteur.

Il y a eu 40 milliards d'euros, il va y avoir 36 milliards ou 16 milliards nets de bouclier énergétique, dont 2,5 milliards sur l'isolation des bâtiments. Mais, si on veut sortir de notre dépendance au gaz russe et ne pas tomber dans la dépendance au gaz de schiste, il faut mettre un facteur 10 sur cet engagement. Il faut mettre a minima 10 milliards d'euros sur l'isolation thermique. Il faut mettre des crédits aussi pour accroître la place du rail.

Nous ne sommes pas du tout dans les ordres de grandeur qui permettent un bouleversement.

Le volet de la sobriété, qui n'est d'ailleurs pas toujours coûteux, ne mérite pas les mesurettes annoncées, mais un vrai engagement collectif pour une sobriété heureuse.

Il est nécessaire de dégager des moyens d'action sur ces sujets. Dans cette perspective, nous estimons que ce n'est donc pas le moment de supprimer la CVAE, car cela constitue un désarmement de la capacité de l'État à agir, dans ce domaine comme dans celui de la justice sociale.

Vous devriez, a minima , messieurs les ministres, proposer des conditionnalités climatiques ou sociales chiffrées pour les entreprises qui vont bénéficier d'une réduction de leurs impôts.

Toutes les décisions que nous prenons devraient être mesurées à l'aune de leur impact sur la crise climatique ou sur la justice sociale. Certaines niches fiscales méritent d'être regardées. La taxation des superprofits doit être étudiée -- je regrette, monsieur Le Maire, que vous n'ayez pas lu ou apprécié à sa juste valeur la proposition déposée par les groupes de gauche qui définit exactement ce qu'est cette taxation et n'en fait pas une taxation pérenne.

Nous proposons également un impôt sur la fortune (ISF) climatique pour aider les personnes les plus aisées, qui émettent le plus de CO 2 , à réduire leurs émissions.

Enfin, le fonds vert à destination des collectivités territoriales de 1,5 milliard d'euros n'est pas à la hauteur non plus. Or ces dernières seront sans nul doute le premier acteur de la transition écologique du pays. Dans une république décentralisée, nous devrions prendre au moins autant soin des collectivités territoriales que vous le faites des entreprises.

La commune dont j'ai été maire a vu ses frais d'énergie augmenter de 2 millions d'euros ; l'institut Gustave-Roussy, que j'ai visité il y a quelques jours avec le président du Sénat, a vu les siens augmenter de 5 millions d'euros. Je pense également aux universités, souvent vétustes et mal isolées. Où trouver cet argent ? Il faut un bouclier tarifaire sur l'énergie pour les collectivités.

M. Jean-Claude Requier . - Monsieur le ministre, vous dites ne pas être récompensé des efforts fournis en faveur de certaines catégories sociales, mais je ne suis pas sûr qu'en faisant des efforts sur l'éducation, vous obteniez le vote des enseignants ni qu'en faisant des efforts sur l'écologie, vous ayez celui des écologistes. Mais ce n'est pas le débat, nous sommes là pour gérer un pays et non gagner des catégories sociales.

Il y a, dans ce budget, beaucoup de dépenses et assez peu d'économies, mais je comprends que nous devions soutenir l'économie qui est en difficulté.

Je voudrais dire un mot sur les dispositifs de relance, qui vont se terminer en 2023 : quelle est la proportion de crédits engagés consommés à l'heure actuelle et dispose-t-on d'une évaluation de leur efficacité ?

Ma deuxième question porte sur les crédits accordés à l'Ukraine. Nous en avons voté lors du PLFR, ce sera sûrement le cas également pour le PLF ; a-t-on une idée de leur montant ?

Ma troisième question porte sur la CVAE. Une compensation pour les départements sera-t-elle proposée, comme cela existe pour le RSA, lors du PLFR ?

Enfin, ce PLF est relativement court, nous verrons si on peut s'attendre à des modifications lors de l'examen parlementaire.

M. Pascal Savoldelli . - Nous nous trouvons dans une situation inédite du fait de la forte hypothèse de 49.3 à l'Assemblée nationale. J'ai l'impression que nous sommes ici dans une bulle, car une épée de Damoclès plane en réalité sur nos dialogues !

Sans jouer les victimes, en tant qu'opposition au Sénat, avec un 49.3 annoncé à l'Assemblée et un budget de droite, cela fait droite plus droite plus droite.

Je ne vois aucune proposition concrète de dialogue adressée aux groupes d'opposition parlementaire. Il faut un langage de vérité.

À cet égard, je vous remercie pour votre honnêteté, monsieur le ministre, lorsque vous avez reconnu dès le départ qu'il y avait non pas 45 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire, mais seulement16 milliards. Dont acte.

Quand je vous entends parler de la même manière des collectivités territoriales et des entreprises, en retenant les mêmes critères -- 2 millions de chiffre d'affaires ou moins de 10 salariés -- je me dis que j'assiste à un virage historique.

Vous avez beau arguer des négociations européennes, il faut malgré tout s'occuper des collectivités. Vous nous annoncez 430 millions d'euros d'aides, mais nous les avons déjà votées ; ce sont des plats réchauffés.

Aurez-vous la volonté politique de revenir à la tarification réglementée de la vente de l'énergie pour les collectivités territoriales et les entreprises demandeuses ? Pour cela, il faut indexer au prix de production, et désindexer du prix du marché et de la spéculation. Voilà une proposition responsable !

Sur la question de l'imposition des hauts revenus, abordée par le président Raynal - il n'a d'ailleurs pas obtenu de réponse -, je vous fais tout de suite une économie d'au moins 3 milliards d'euros ! Vous allez faire un cadeau fiscal à 905 000 foyers qui disposent de plus de 100 000 euros de revenu fiscal.

Revaloriser les premières tranches, je suis d'accord, je ne suis pas obstiné. Pardonnez ma véhémence, mais après la taxe d'habitation et la redevance audiovisuelle, ces gens-là ont-ils besoin d'un nouveau cadeau fiscal ? C'est aussi cela qui gronde dans la société, une révolte intériorisée, qui n'est pas une affaire de gauche ou de droite.

M. Bernard Delcros . - Sur les superprofits, vous connaissez la position de mon groupe. Concernant les collectivités locales, une DGF stable, en période d'inflation forte, représente une perte de pouvoir d'achat et de capacité d'autofinancement.

Il semble qu'en moyenne, la capacité d'autofinancement des collectivités baisse finalement assez peu. Mais derrière cette moyenne se cachent des inégalités très fortes. Je pense notamment -- mais pas seulement -- aux collectivités rurales, où l'inflation est de 1 à 2 points supérieure. Il faut remédier à ces disparités.

Cela a été fait pour 2022 par le biais du PLFR et je me réjouis de l'annonce d'un abondement de 210 millions d'euros de la DSR et de la DSU, qui n'est donc pas pris sur l'enveloppe normée et permet de financer la péréquation.

Cela étant dit, comment le Gouvernement envisage-t-il, en 2023, d'accompagner les collectivités et les ménages les plus touchés par l'inflation ?

J'approuve le fonds vert annoncé à hauteur de 1,5 milliard d'euros, car la transition écologique passe par les territoires. Quelle forme prendra-t-il ? S'agira-t-il d'appels à projets ?

J'ai par ailleurs une question sur les dispositions fiscales adossées aux politiques d'aménagement du territoire. La mission qui a été confiée à trois députés par le Gouvernement propose la suppression de ces dispositions fiscales adossées à un certain nombre de zonages, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR). Je n'y suis évidemment pas favorable, ayant travaillé sur ces questions notamment avec mes collègues Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau. Pouvez-vous nous assurer qu'il n'en sera rien ?

Enfin, j'ai cru comprendre qu'il était question de baisser la taxe sur les frais des chambres de métiers et d'artisanat. Pouvez-vous nous donner un peu de visibilité sur cette question ?

M. Thierry Cozic . - Mon collègue Bernard Delcros a anticipé mon intervention, je vais donc être très bref : le Gouvernement est-il prêt à regarder de près une indexation de la DGF sur l'inflation pour accompagner les collectivités ?

Mme Sylvie Vermeillet . - L'évolution de la charge de la dette n'a pas été abordée : elle dépasserait les 50 milliards d'euros en 2023. De quelles marges de manoeuvre disposons-nous ?

Sur le chapitre de la mise en réserve de crédits, nécessaire pour faire face à des imprévus, vous prévoyez un gel de précaution de 8,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce rabot, en quelque sorte général, peut être une piste. Mais quelles doivent-être ses déclinaisons, sachant que les budgets de certains ministères -- intérieur, justice, armées, éducation nationale... -- augmentent ? Où trouver les économies ?

Sur la question de la suppression de la CVAE, une piste aurait été de la reporter, de la même manière que nous avions préconisé le report de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, qui représente tout de même 3,7 milliards d'euros. Je pense que le « zéro artificialisation nette » fait beaucoup plus de mal aux entreprises que les bienfaits de la suppression de la CVAE.

Pour terminer, je vous remercie pour le million d'euros supplémentaire en direction des communes forestières, dont certaines font face à de réelles difficultés.

M. Jean-Michel Arnaud . - Je reviens sur le fil directeur de nos échanges : la hausse du prix de l'énergie. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, dans quelles conditions serait plafonnée l'augmentation des prix à hauteur de 15 % à partir de janvier 2023 pour la plupart des particuliers.

Je me permets d'insister sur deux angles morts qui émergent des remontées de terrain. Le premier est évidemment la question de la compensation des collectivités locales. Hormis un accompagnement autour de 450 millions d'euros, décidé dans le PLFR grâce à l'action déterminante de certains de mes collègues et repris dans le PLF, il n'y a, me semble-t-il, aucune avancée sur ce sujet. C'est une alerte majeure.

Nos collectivités locales doivent-elles suivre le conseil du Président de la République émis le 22 septembre : « Ne signez pas aujourd'hui vos contrats quand ils sont à des prix fous » ? Il s'adressait aux entreprises, mais peut-être est-ce valable pour les collectivités locales...

Il semblerait que les copropriétés, qui sont sous un statut de personne morale, ne puissent pas bénéficier du tarif régulé du gaz et de l'électricité. Cela pose d'énormes problèmes et risque de mettre en grande difficulté les plus précaires, que ce soit dans le logement social ou simplement dans le logement privé classique.

Enfin, en tant qu'élu de la montagne, permettez-moi de vous interroger sur les suites des discussions des divers groupes de travail pour accompagner les stations de tourisme, en particulier sur la question des remontées mécaniques, quel que soit leur statut, y compris sous forme de régies. Face à des augmentations qui multiplient parfois par dix le montant des contrats précédents, allons-nous aboutir à des propositions pour réguler le prix des remontées mécaniques, alors que tout a déjà été commercialisé pour la saison à venir ? Il y va de l'attractivité et de la compétitivité du secteur des sports d'hiver, très important pour le tourisme.

M. Vincent Segouin . - Monsieur le ministre, vous titrez la présentation du PLF 2023 « Protéger les Français et aller vers le plein emploi ». À combien fixez-vous l'objectif chiffré sachant que le taux de chômage est actuellement de 7,1 % ?

Nous ne voyons dans le budget ni recettes supplémentaires ni baisses de dépenses. Nous apprenons au contraire que le ministère du travail va être pourvu de 6,2 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour la formation et les maisons France Travail. Avions-nous besoin de remettre du budget sur ce poste déjà bien pourvu ? Changer l'enseigne de Pôle emploi pour France Travail, est-ce une solution pour régler nos problèmes de plein emploi ?

M. Gérard Longuet . - Je m'adresse à nos deux ministres, dont la tâche n'est pas facile : je m'étonne que, dans cette présentation, vous ne regroupiez pas les recettes et les dépenses prévisibles à moyen et long terme sur des secteurs stratégiques, dont les lignes de force sont évidentes : la démographie, l'énergie et la défense.

En ce qui concerne la démographie, nous aurons des recettes, car moins d'élèves, et donc moins de besoins quantitatifs d'enseignants, même si nous avons des besoins qualitatifs.

Le sujet de l'emploi va s'analyser d'une façon différente dans un pays où la démographie est négative et où les perspectives de main-d'oeuvre diminuent.

Nous aimerions une présentation sur les dépenses futures, en moins et en plus ; je n'imagine pas que le Gouvernement n'envisage pas une politique familiale pour soutenir la démographie et reconstituer la vitalité de la population française.

Pour ce qui est de l'énergie, si le renouvelable est sans doute nécessaire, nous ne réglerons pas les besoins en énergie électrique, qui ont été délibérément et scandaleusement sous-évalués ces dix dernières années, sans le nucléaire. En développant ce dernier de manière soutenue à moyen et long terme, nous pouvons espérer réduire les dépenses liées à la contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui comptent pour un quart de la facturation des ménages.

Sur le plan de la défense, trop d'inconnues empêchent d'ouvrir le débat de manière sommaire.

Vous faites des efforts -- tant mieux ! -- mais nous aimerions connaître votre projet de moyen et long terme dans un environnement où le Président de la République déclarait il y a quelques années que l'OTAN se trouvait dans un état de mort cérébrale et alors que l'on s'aperçoit de la nécessité d'une défense européenne.

Imaginez-vous regrouper sur de grands axes stratégiques votre présentation du budget avec les recettes et dépenses prévisibles ?

M. Sébastien Meurant . - Nous sommes tous d'accord sur l'ambition d'une reconquête industrielle. L'une des principales raisons de l'inflation est la hausse de l'énergie. Grâce aux investissements massifs de nos aïeux, la France a longtemps disposé d'un avantage compétitif sur nos concurrents, notamment allemands : avoir une énergie peu chère. De mauvais choix ces dernières années, dont la loi Nome, intervenue dans des conditions de marché certes tout autres, nous ont menés à cette folie de produire de l'énergie peu chère tout en voyant les prix exploser.

Les ménages et les entreprises sont pris à la gorge et j'aimerais comprendre comment des intercommunalités qui voient leurs dépenses d'électricité multipliées par six vont pouvoir s'en sortir. Aidera-t-on les collectivités qui ont été prudentes et bien gérées au même titre que d'autres qui se trouvent dans des situations plus délicates et ont parfois été moins bien gérées ?

Envisage-t-on, au niveau français, de faire comme l'Espagne et le Portugal en découplant le prix de l'électricité de celui du gaz ?

En ce qui concerne la dette, nous revenons à une période plus normale après avoir bénéficié de taux d'intérêt négatifs pendant des années -- ce qui était une aberration financière. La dette va certes continuer à augmenter, mais la charge de la dette va relativement peu augmenter et sera en 2025 sensiblement identique à celle de 2023, ce qui est extrêmement positif pour l'avenir.

Enfin, je suis favorable à une politique de l'offre, mais le résultat de cette politique, depuis quelques années, c'est le déficit commercial -- 156 milliards d'euros en prévision en 2022 et 154 milliards en 2023. La compétitivité de la France vis-à-vis de ses concurrents européens ne s'améliore guère.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Je vous propose de répondre en regroupant les grandes questions qui ont été posées.

Je veux d'abord insister sur un principe. Je l'avais déjà affirmé lors de la discussion du PLFR : nous entrions avec 22 milliards d'euros de dépenses supplémentaires et nous devions sortir avec 22 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Cela vaut pour le PLF : nous entrons avec 5 % de déficit, nous sortirons avec 5 % de déficit. Je veux redire à quel point la France est à l'euro près.

J'entends bien toutes les remarques sur les collectivités locales, sur les services publics, sur des personnes qui seraient davantage protégées ou sur un bouclier pour les entreprises... Tout cela n'est tout simplement pas à la portée de la France. Il faut donc faire des choix.

À ceux qui veulent indexer la DGF sur l'inflation ou instaurer un bouclier tarifaire pour toutes les entreprises, je dis que ce n'est pas à la portée de notre bourse, et que nous devons tenir les 5 % de déficit public.

Il faut bien sûr protéger certaines entreprises exposées à la concurrence internationale. Les décolleteurs de la vallée de l'Arve, qui doivent vendre des pièces de véhicules automobiles en Asie, où il n'y a pas de flambée des prix, ne peuvent pas augmenter leurs tarifs et doivent être protégés. Mais d'autres commerçants, par exemple restaurateurs, peuvent faire passer une partie de la hausse dans leur prix de vente. Je ne rétablirai donc pas de mesures de « quoi qu'il en coûte », car ce serait dispendieux pour les finances publiques et ne ferait qu'augmenter un peu plus l'inflation dans les mois qui viennent.

Pour les communes, c'est la même chose : certaines doivent être aidées, d'autres sont moins en difficulté ou n'ont pas fait le bon choix de gestion au cours des deux ou trois dernières années. Est-il juste de traiter tout le monde de la même manière ? Je n'en suis pas certain, et il n'est pas sûr que nos compatriotes approuveraient une telle mesure.

Il faut donc regarder toutes les situations de près et tenir le déficit de 5 % du PIB, ce qui ne fait par ailleurs pas de nous les bons élèves de la zone euro. Nous ne faisons que respecter la trajectoire qui nous permettra d'atteindre les 3 % de déficit en 2027, seuil en deçà duquel nous serons l'un des derniers États européens à passer.

Je serai donc intraitable sur ce sujet, parce qu'il y va de la crédibilité de la France, de nos finances publiques, et qu'il n'y a aucune raison que la France accuse des déficits plus importants que ceux de ses grands voisins européens.

En ce qui concerne la croissance, je n'ai pas grand-chose à ajouter. Bien sûr que l'environnement est incertain, mais je constate qu'en 2021, la reprise a été plus forte que prévu. Parmi les grandes économies de la zone euro, le premier pays à avoir retrouvé son niveau économique d'avant-crise est la France, parce que sa politique de relance a été rapide, efficace et puissante.

Alors que les prévisionnistes disaient que nous ne pourrions pas dépasser 2,3 % de croissance en 2022, elle va s'élever à 2,7 %. Croyez-moi, je suis tout aussi surpris qu'eux par la vigueur de la demande, de l'activité touristique, du retour de l'activité des services dans notre pays, et tant mieux !

Le pire, même s'il faut s'y préparer, n'est pas certain. Mon rôle de ministre de l'économie - cela a été rappelé par le président Raynal - n'est pas de verser dans la prophétie autoréalisatrice, mais plutôt de pousser le pays vers ce qu'il peut accomplir de meilleur, c'est-à-dire 1 % de croissance en 2023.

Sur la CVAE, je veux commencer par dire au président du comité des finances locales, M. Laignel, dont j'ai lu les déclarations, que je trouve un peu révoltant de parler de cadeau au Medef. Ces propos ne sont ni dignes ni acceptables. Le ministre de l'économie et des finances ne prend pas des mesures pour faire plaisir à qui que ce soit, mais parce qu'il estime que c'est bon pour le pays.

Nous estimons, en conscience, que la reconquête industrielle ne se réalisera pas avec des impôts de production sept fois plus élevés que ceux de nos voisins. C'est maintenant que cela se joue ; il y a urgence. Si nous n'avions pas baissé les impôts de production de 10 milliards d'euros, jamais GlobalFoundries n'aurait investi chez ST Microelectronics à Crolles et à Grenoble, et la France ne compterait pas parmi les nations capables de maîtriser les technologies de semi-conducteurs, y compris dans les gravures les plus fines.

Nous pouvons, comme c'est le cas ici, discuter des procédés, échanger, contester nos approches, mais je n'accepte pas une stigmatisation maladroite, inappropriée et injuste.

Beaucoup de questions ont été posées sur le bouclier tarifaire ; c'est un enjeu majeur, la plus grande nouvelle dépense publique de 2023. Nous mettons 45 milliards d'euros sur la table, c'est ce que cela va nous coûter pour protéger nos compatriotes, y compris les entreprises.

Quand on dit du prix de l'électricité que c'est 15 % de hausse, je rappelle que le marché, c'est 100 % ! Donc si vous voulez qu'on fournisse de l'électricité et du gaz, il faut bien compenser les producteurs qui y perdent. C'est une réalité économique : il y a le marché et nous ne sommes pas seuls au monde. Si nous voulons du gaz et de l'électricité, nous devons le payer au prix du marché. Sinon, c'est la pénurie et la chute économique.

Cette compensation coûte 45 milliards d'euros. Cela pourra être plus si les prix augmentent ; cela pourra être un peu moins si les prix baissent.

À partir de là, nous avons des recettes : 19 milliards d'euros nous reviennent des énergies renouvelables. Je reviendrai sur la question de la taxation, qui est tout à fait digne politiquement et importante. Les énergéticiens qui ont réalisé des investissements coûteux sur le renouvelable, l'éolien ou le solaire, qui ne rapportaient pas beaucoup car les prix étaient bas, ont été remboursés pendant des années, en compensation, à hauteur de milliards d'euros. Quand le prix de l'énergie est supérieur à ce prix garanti, c'est nous qui récupérons l'argent. J'y suis très favorable, parce que c'est une rente et qu'il n'y a aucune raison qu'il y ait des rentes dans notre pays. Cela a rapporté 8 milliards d'euros en 2022, cela rapportera 19 milliards en 2023.

Là-dessus, vous retranchez encore 9 milliards d'euros de taxes intérieures de consommation finale sur l'électricité (TICFE) que nous ne prélèverons pas. Cela vous amène à 17 milliards d'euros. Vous retirez un milliard d'euros de recettes qui viennent de l'énergie hydraulique, qui n'était pas concernée jusqu'à présent, vous arrivez à 16 milliards d'euros de coût net. Mais ce que dépense l'État, en brut, ce qu'il met dans la poche des Français, c'est 45 milliards d'euros.

Donc personne ne peut dire que nous ne protégeons pas massivement, mais nous réduisons la note grâce à ce système de marché, qui a d'ailleurs été adopté par l'Union européenne.

Comme M. Savoldelli, j'aurai des propos modérés et enthousiastes : ceux qui travaillent en ont ras-le-bol de payer toujours plus d'impôts. Pour eux, la coupe est pleine. M. Savoldelli redoute une fronde sociale. En ce qui me concerne, je redoute la fronde de nos concitoyens qui estiment payer trop d'impôts. Je rappelle que 10 % des contribuables payent 70 % de l'impôt sur le revenu dans notre pays. Vous vous préparez à des jours difficiles avec les classes moyennes si vous voulez profiter de l'inflation pour récolter davantage d'impôts. Souvent, celles-ci ont été à l'origine des révolutions, car elles refusaient qu'on leur prenne trop. Avoir indexé le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation est une décision juste.

La question de la taxation des superprofits n'est pas anodine. À juste titre, les Français considèrent que les entreprises faisant des bénéfices liés uniquement à la flambée des prix de l'énergie doivent participer à l'effort collectif. Je souscris à leur point de vue, puisque je récupère 19 milliards d'euros l'année prochaine, soit par l'intermédiaire du mécanisme de marché que je viens d'indiquer, soit via une contribution directe des entreprises, comme en témoigne la remise de 20 centimes d'euro à la pompe décidée par TotalEnergies. Le plafonnement des tarifs bancaires à 2 % profite directement à nos compatriotes. Notre position ne souffre d'aucune ambiguïté : les Français doivent bénéficier de l'argent des rentes.

En revanche, derrière le terme très séduisant de taxation exceptionnelle des superprofits se cache en réalité une taxation permanente de tous les profits de toutes les entreprises du CAC 40. J'ai examiné attentivement la proposition de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), qui consiste à taxer toute entreprise dont le résultat fiscal serait supérieur en 2023 de 25 % à la moyenne des résultats constatés entre 2017 et 2019. Toute entreprise dont les profits ont augmenté de 25 % sur cinq ans serait taxée. La logique est claire : dès que vous réussissez, vous êtes imposé. Je me bats depuis des années contre cette maladie française. On commence par taxer les profits des grandes entreprises et on finit par le faire pour toutes les sociétés, PME comprises. Les auteurs de cette proposition soutiennent que la mesure revêt un caractère exceptionnel. Or ce n'est pas le cas, puisque ses auteurs fixent son échéance à l'année 2025. Une telle réforme deviendrait alors permanente. Telle n'est pas la bonne solution : je lui préfère le dispositif européen, qui vise à prélever les énergéticiens uniquement en 2022 d'une taxe de 20 % lorsque les résultats de l'entreprise sont supérieurs de 20 % en 2021 par rapport à 2019. Ce dispositif est raisonnable. Chacun doit dévoiler la réalité de ses intentions dans le débat sur la fiscalité.

M. Gabriel Attal, ministre . - Je concentrerai mon propos sur la question des collectivités territoriales. Des propositions intéressantes en faveur des forêts ont été formulées. Je précise que le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI forêt) sera renforcé.

À la fin de l'année 2021, la situation globale des collectivités locales était très bonne, notamment en raison d'un transfert important de l'État durant la crise sanitaire, à hauteur de 10 milliards d'euros. Avec le « quoi qu'il en coûte », l'État s'est endetté, mais des dépenses des collectivités locales ont été évitées.

Pour l'année 2022, la photo est plus floue. Les collectivités territoriales doivent faire face à des dépenses supplémentaires, telles que l'augmentation du point d'indice ou la hausse de prix de l'énergie et de l'alimentation. Toutefois, certaines recettes continuent leur progression, notamment les impositions foncières ou la TVA. Ce matin, lors du comité des finances locales, j'ai annoncé qu'en 2022 la fraction des recettes de TVA allouée aux collectivités territoriales augmenterait de 9,6 %, contre des prévisions établies à 2,89 % au mois de mars dernier. Cela représente une recette supplémentaire d'un milliard d'euros tant pour les conseils régionaux que pour les conseils départementaux. La ville de Paris recevra quant à elle une somme de 500 millions d'euros. Certes, la situation n'est pas parfaite pour toutes les collectivités, mais certaines recettes ont globalement progressé deux fois plus vite que l'inflation en 2022.

Les communes assurant des charges de centralité sont davantage fragilisées. Je me réjouis de l'adoption cet été du filet de sécurité et je tiens à remercier les sénatrices et les sénateurs d'avoir enrichi le dispositif adopté par l'Assemblée nationale. Le décret d'application sera publié dans les prochains jours. Les premiers acomptes seront versés durant le mois de novembre aux communes éligibles à ce dispositif - soit environ 25 % d'entre elles. La hausse des dépenses d'énergie et d'alimentation sera prise en charge à hauteur de 70 %. Le soutien pour faire face à l'augmentation des charges de la masse salariale pourra aller jusqu'à 50 %.

Indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) serait irréaliste. Durant le quinquennat de François Hollande, cette pratique avait justifié les coupes claires qui avaient ensuite été décidées par le gouvernement. Comme je l'expliquais ce matin à M. André Laignel, il serait difficile de retirer demain aux collectivités locales un filet de sécurité indexé sur l'inflation si notre pays entrait en récession. Nous privilégions l'accompagnement des collectivités qui en ont le plus besoin. L'année prochaine, nous pourrons adapter ce dispositif en fonction des résultats constatés en 2022.

Et pour répondre à la question de Christine Lavarde, nous allons en effet adapter le texte qui vous est transmis aujourd'hui à la suite des « dialogues de Bercy ». Nous n'avons pas eu le temps d'indiquer dans le texte initial que nous allions abonder la DSU et la DSR de 210 millions d'euros. Très concrètement, cela représente 90 millions d'euros sur la DSU, 90 millions d'euros sur la DSR et 30 millions d'euros pour les intercommunalités.

Si nous ne prenions pas cette mesure, deux tiers des communes verraient, du fait des règles de la péréquation, leur DGF baisser l'an prochain, alors même que l'enveloppe globale est stable et sanctuarisée depuis 2017. Avec cette mesure en revanche, 70 % des communes verront leur DGF augmenter l'an prochain. Cette garantie a été qualifiée d'historique, y compris par des spécialistes du sujet et nous réfléchissons ainsi à renforcer la DSR péréquation.

M. Mizzon a demandé si, dans le cadre de l'actualisation des valeurs locatives, les commissions devaient poursuivre leurs travaux. La réponse est oui : ce travail est utile, ne serait-ce que parce que les premières remontées des commissions départementales nous ont permis de faire une forme de synthèse et d'arriver à la conclusion qu'il fallait suspendre l'application de la réforme.

En effet, ces synthèses affichaient des hausses de fiscalité de plus de 40 % pour les commerces de centre-ville et des baisses de 40 % pour des hypermarchés de périphérie. Quand bien même on appliquerait des mesures correctives - plafonnement, « planchonnement », lissage, etc. -, on arriverait toujours à +15 % pour le centre-ville et -15 % pour la périphérie. La décision a donc été prise - c'est aussi l'intérêt des « dialogues de Bercy » - de suspendre l'actualisation.

Tant que le système restera basé sur les valeurs locatives, la valeur locative au mètre carré en centre-ville sera supérieure, par définition, à celle de la périphérie. Aussi, j'estime qu'il convient probablement de réinterroger le modèle et les critères. Certains évoquent la valeur vénale, d'autres le chiffre d'affaires au mètre carré sur les dernières années. Voilà un beau de sujet de débat et de travail en commun qui pourrait nous permettre d'imaginer un système plus efficace, qui ne pénalise pas l'activité économique en centre-ville.

En ce qui concerne la CVAE, je ferai remarquer que la fraction de TVA est plus dynamique que la CVAE : ces dernières années, les recettes de TVA ont ainsi progressé davantage que les recettes de CVAE. Au travers de cette compensation, les collectivités sont donc gagnantes. Par ailleurs, la fraction de TVA est moins volatile que ne le sont les recettes de CVAE, qui varient beaucoup d'une année sur l'autre. L'exemple le plus édifiant est celui des collectivités disposant sur leur territoire d'un réacteur nucléaire à l'arrêt pour maintenance. La commune de Civaux, dans la Vienne, verra ainsi son montant de CVAE passer de 3,8 millions d'euros cette année à 53 000 euros l'année prochaine. Avec le système que nous proposons - suppression de la CVAE et compensation -, aucune commune ne pourra voir, par définition, sa CVAE baisser à l'avenir. Au mieux cette dernière sera stable et s'il existe une activité économique, elle augmentera. Cette garantie me semble intéressante.

La taxe d'aménagement a fait l'objet, elle aussi, d'une alerte dans le cadre des « dialogues de Bercy ». Il était demandé aux collectivités de rendre une délibération avant le 1 er octobre pour le partage avec les EPCI. À la suite de cette alerte, nous avons accordé un délai supplémentaire, jusqu'au 31 décembre. Toutes les collectivités n'en ont pas encore connaissance, je vous remercie donc de nous aider à relayer cette information.

Concernant la taxe de séjour, nous sommes toujours ouverts pour examiner les dossiers, mais nous devons, me semble-t-il, nous poser les bonnes questions sur la manière d'équilibrer des budgets. La taxe de séjour ne me semble pas être le moyen d'équilibrer durablement un budget. Méfions-nous des solutions de court terme qui font rentrer plus d'argent sur une année, mais pénalisent sur le long terme et font chuter l'activité touristique dans la capitale. Cela me fait penser aux loyers capitalisés. Nous avons voulu mettre fin à ce système de fuite en avant qui engrangeait des recettes de court terme sur l'année n, mais engageait en même temps la ville sur des dépenses pour les années à venir.

Afin d'équilibrer les budgets de certaines collectivités, nous considérons, il est vrai, qu'appliquer les trente-cinq heures aux fonctionnaires serait plus efficace que d'aller chercher des recettes supplémentaires en taxant les touristes. Sur cette question, il existe encore des marges de progrès.

M. Rémi Féraud . - Les trente-cinq heures s'appliquent déjà aux fonctionnaires de la ville de Paris !

M. Gabriel Attal, ministre . - Des contournements ont encore lieu.

S'agissant enfin du fonds vert, Christophe Béchu et Caroline Cayeux mènent actuellement un travail visant à définir les meilleures modalités. Notre ministère débloque les fonds ; il revient ensuite à mes collègues de définir les critères. Je peux vous dire néanmoins que j'ai attiré leur attention sur deux points particuliers : d'abord, la nécessité d'essayer de sortir de la logique d'appel à projets, qui représente un coût d'entrée trop important pour les collectivités ; ensuite, le souhait de déconcentrer au maximum le fonds, pour que l'interlocuteur des collectivités puisse être le préfet.

II. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (28 SEPTEMBRE 2022)

Réunie le mercredi 28 septembre 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil relatif au projet de loi de finances pour 2023, au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

M. Claude Raynal , président . - Nous recevons ce matin M. Pierre Moscovici, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes.

En application des dispositions de l'article 61 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) révisée en décembre dernier, le Haut Conseil rend un avis sur les prévisions macroéconomiques, sur lesquelles reposent le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l'année, ainsi que sur la cohérence de l'article liminaire au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques. Le HCFP se prononce également sur le réalisme - j'insiste sur ce mot, qui a fait l'objet d'une bataille - des prévisions de recettes et de dépenses du projet de loi de finances de l'année.

Cette année voyant la présentation d'un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), destiné à succéder à une trajectoire 2018-2022 fort peu respectée, le Haut Conseil doit également se prononcer sur les prévisions macroéconomiques et l'estimation du produit intérieur brut (PIB) potentiel sur lesquelles repose cette programmation.

Alors que les hypothèses de croissance s'assombrissent à mesure des effets des tensions internationales, de la crise énergétique, mais aussi de l'inflation et de la remontée des taux d'intérêt, votre éclairage sur la sincérité et la crédibilité de la trajectoire budgétaire présentée, à la fois pour l'année qui vient, mais également pour la période quinquennale qui s'ouvre, sera précieux.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques . - Je vous remercie de m'avoir invité devant votre commission, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, afin de vous présenter les principales conclusions de nos deux avis, l'un relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2023 et l'autre au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Nous sommes clairement à un moment charnière pour nos finances publiques. Sous les effets de la crise sanitaire et du « quoi qu'il en coûte », nos finances publiques ont subi une détérioration inédite, en raison à la fois du repli de l'activité économique et des mesures de soutien d'urgence adoptées pour y faire face. Ces mesures étaient nécessaires : elles ont préservé la situation des ménages et des entreprises, maintenu la cohésion sociale et permis le rebond économique, fort et rapide, enregistré en 2021.

Pour autant, nos niveaux de déficit et de dette constituent toujours des freins pour l'avenir. Je ne suis ni un « ayatollah de l'austérité » ni une « Cassandre de la dette », mais un endettement trop important ne permet pas de dégager des marges de manoeuvre et affecte les capacités d'investissement pour répondre aux défis de demain - la transition énergétique, la santé, l'éducation - d'abord en les limitant, puis en les annulant.

C'est dans ce contexte que vous aurez à examiner la LPFP, dont la vocation est de constituer une ancre pour notre trajectoire budgétaire au cours des prochaines années et de permettre de se projeter sur le long terme, ainsi que les PLF et PLFSS pour l'année prochaine.

N'oublions pas que si la crise sanitaire a conduit la Commission européenne à déclencher la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance (PSC), autrement dit à suspendre l'application du PSC, cette clause devrait être désactivée en 2024 et le pacte devrait à nouveau s'appliquer. Nous ne sommes donc pas exonérés de l'obligation de construire une trajectoire soutenable des finances publiques ; nous sommes toujours membre de la zone euro et nous avons des engagements à respecter.

Les deux avis du Haut Conseil s'inscrivent pour la première fois dans le cadre du nouveau mandat que le législateur a bien voulu lui confier lors de l'adoption de la loi organique du 28 décembre 2021. Nous sommes saisis des prévisions macroéconomiques et nous devons également apprécier le réalisme - je me souviens bien des discussions sur ce mot - des prévisions de recettes et de dépenses des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Je m'en réjouis, car je suis convaincu que le Haut Conseil peut mieux jouer son rôle au service du Parlement et, à travers vous, des citoyens.

Je vais vous présenter successivement notre avis sur les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2023, puis celui concernant le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Je commencerai par un retour rapide sur la situation économique internationale et ses derniers développements.

Je ne vous surprendrai pas en vous rappelant que l'environnement économique international s'assombrit, que notre économie subit de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine, qui se sont notamment traduites par de fortes tensions sur les marchés de matières premières. Certes, des baisses ont eu lieu, notamment concernant le prix du baril de Brent, qui a retrouvé son niveau de février. Cependant, de très fortes hausses se sont produites : les prix de l'électricité et du gaz se sont envolés, poussés à la hausse par le risque d'une rupture complète d'approvisionnement en gaz russe, que nous ne pouvons d'ailleurs pas totalement exclure. Les chaînes d'approvisionnement restent encore perturbées, en raison de la crise du covid-19 et notamment des mesures de confinement imposées en Chine qui n'ont pas été levées, même si progressivement les difficultés sont en voie d'atténuation.

Les contraintes sur l'offre alimentent la hausse des coûts de production et, dans son sillage, celle des prix à la consommation. L'inflation atteint des niveaux très élevés - à 8,3 % sur un an aux États-Unis et à 9,1 % sur un an en zone euro en août -, conduisant les banques centrales à relever fortement leurs taux d'intérêt. Aux États-Unis, la Réserve fédérale a d'ores et déjà relevé de 300 points de base la fourchette de ses taux directeurs.

La Banque centrale européenne (BCE) a augmenté ses taux plus tardivement, puisqu'on se situe à 125 points de base depuis le mois de juillet, mais elle connaît aussi des hausses fortes, de 75 points de base par exemple le mois dernier. La BCE comme la Réserve fédérale ont d'ailleurs annoncé la poursuite du cycle de resserrement monétaire au cours des prochains mois, dans le but de respecter leur mandat qui est de lutter contre l'inflation.

Le cumul des chocs extérieurs, le maintien de l'inflation à des niveaux élevés sous l'effet de la diffusion progressive des hausses de coûts de production et le durcissement des politiques monétaires sont trois facteurs qui devraient peser sur l'activité mondiale au cours des prochains trimestres.

L'« atterrissage en douceur » des économies, visé par les banques centrales et retenu dans les prévisions des organisations internationales comme du Gouvernement, est, d'expérience, assez difficile à réussir. Il ne faut pas se le cacher : le resserrement monétaire en cours comporte un risque de récession économique, souligné par plusieurs organismes internationaux. Le dernier en date a été l'Organisation mondiale du commerce (OMC), hier ou avant-hier. La Banque de France donne des fourchettes, qui peuvent aller d'un peu plus de -1 jusqu'à + 0,8 %. Enfin, le président de la Réserve fédérale a été clair sur ce point ; il estime qu'une récession américaine est probable, voire nécessaire.

Dans ce contexte, l'avis du Haut Conseil sur les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023 porte deux messages importants. D'abord, concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement, le Haut Conseil considère que le taux de croissance retenu pour 2023 paraît un peu élevé. En revanche, il estime que les prévisions d'inflation, à + 4,2 %, et de masse salariale dans les branches marchandes, à +5,0 %, sont plausibles.

Le second message porte sur les prévisions de finances publiques. Le Haut Conseil estime que, bien que s'appuyant sur des hypothèses optimistes, le redressement des finances publiques prévu pour 2023 s'annonce lent et incertain : sous les hypothèses du Gouvernement, le déficit public effectif serait stable, l'amélioration du solde structurel très limitée et le ratio de dette quasi stable.

Je vais détailler ces deux messages.

Selon le scénario du Gouvernement, la croissance du PIB s'établirait à 2,7 % en 2022 et 1 % en 2023.

Pour 2022, bien que des incertitudes pèsent encore sur l'activité de fin d'année, le fort dynamisme des recettes rend crédible et plausible l'hypothèse de 2,7 %.

En revanche, pour 2023, la prévision du Gouvernement s'écarte sensiblement du consensus forecast , c'est-à-dire des hypothèses des instituts de prévision. Les instituts auditionnés par le Haut Conseil fournissent des fourchettes de prévision de croissance comprises entre 0 et 0,6 %, traduisant un net ralentissement, voire une baisse, de l'activité au cours de l'hiver prochain, suivi d'un rebond très modéré. Le consensus des économistes est à 0,6 %. Les dernières prévisions relatives à l'économie allemande, comme celles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parues ce lundi, anticipent une récession en 2023 alors que la prévision du Gouvernement est à 0,8 point. Or nous sommes interdépendants avec nos partenaires allemands. Cette dégradation du contexte international risque donc de peser sur les exportations françaises plus que prévu par le Gouvernement, alors que ce dernier prévoit plutôt une contribution positive du commerce extérieur.

Les hypothèses du Gouvernement sur lesquelles sont construites les prévisions de consommation et d'investissement sont de plus fragiles, dans un contexte marqué par l'inflation.

Notons que des aléas baissiers importants existent. Le scénario du Gouvernement n'intègre pas de difficulté majeure en matière d'approvisionnement en gaz ou en électricité, non plus que la perspective d'une récession qui pourrait résulter de tensions énergétiques ou d'un durcissement brutal des conditions financières. Enfin, des conditions sanitaires plus défavorables que prévu - même si elles ne sont évidemment pas souhaitables - ne peuvent être exclues.

Le Haut Conseil estime, par conséquent, que la prévision du Gouvernement à +1 % est un peu élevée.

Selon le Gouvernement, la progression de l'indice des prix à la consommation serait de 5,3 % en moyenne annuelle en 2022, ce qui est jugé crédible par le Haut Conseil.

L'inflation attendue en 2023 a été révisée en forte hausse, à 4,2 % en moyenne annuelle contre 3,2 % dans le programme de stabilité que vous avez examiné l'été dernier. Plusieurs facteurs continueront de jouer dans des sens contraires l'année prochaine. Nous estimons qu'ils s'équilibrent et que cette prévision est crédible.

Le Haut Conseil considère également que la prévision de masse salariale et d'emploi pour 2022 et 2023 est plausible.

Je récapitule donc notre avis sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement pour 2023 : une prévision de croissance un peu élevée - j'espère seulement un peu élevée -, une prévision d'inflation crédible, des prévisions d'emploi et de masse salariale plausibles.

Venons-en maintenant aux prévisions sur les finances publiques.

Le Gouvernement prévoit un solde public effectif de -5,0 points de PIB en 2022 et 2023, après -6,5 points de PIB en 2021.

En 2022, la prévision de recettes paraît un peu basse, compte tenu des rentrées fiscales observées et de l'évolution prévue de la masse salariale. Selon le Haut Conseil, le déficit public pourrait donc être un peu inférieur à 5 points de PIB.

En revanche, pour 2023, même si les prévisions sont très incertaines, comme l'est la prévision macroéconomique, les recettes pourraient pâtir de l'impact négatif d'une croissance plus faible que prévu, mais bénéficier en retour d'un effet de base des recettes sur 2022 favorable. Le niveau de dépenses publiques paraît incertain et les risques sont plus orientés à la hausse qu'à la baisse, notamment au regard de la situation sanitaire. En 2022, il pourrait être un peu inférieur à 5 points de PIB, et en 2023, un peu supérieur à 5 points de PIB. Ce qui peut être attendu est donc, au mieux, une stabilisation du déficit public effectif.

Détaillons d'abord plus précisément les prévisions d'évolution des recettes.

Le Gouvernement prévoit une hausse très nette des prélèvements obligatoires (PO), de 7,8 % en 2022, qui les porterait à 1 194 milliards d'euros, chiffre qui pourrait même être légèrement dépassé.

Pour 2023, la prévision de PO est de 1 234 milliards d'euros, soit + 3,3 % par rapport à 2022. Elle est inférieure à celle de la croissance du PIB en valeur, soit une élasticité inférieure à l'unité due au net ralentissement attendu par le Gouvernement de quelques grands impôts, ce qui nous paraît justifié. C'est par exemple le cas de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés.

Pour 2022 comme pour 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions de prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu. Les données de rentrées fiscales tendent toutefois à indiquer des recettes un peu plus élevées en 2022, tandis que les aléas sont plus équilibrés pour 2023.

Passons maintenant à l'analyse de l'évolution des dépenses publiques.

En 2022, les dépenses publiques, hors crédits d'impôt, devraient progresser de 4,2 % pour atteindre 57,6 points de PIB. Corrigées du déflateur du PIB, indice des prix pertinent pour l'analyse des finances publiques, elles progresseraient de 1,4 point en volume.

C'est une croissance soutenue, en dépit du fort repli des dépenses de soutien face à la crise sanitaire. Une fois neutralisées les dépenses liées à la crise sanitaire, celles de relance et les mesures prises pour faire face à la hausse des prix de l'énergie, les dépenses publiques déflatées par les prix du PIB progresseraient tout de même de 3,5 %.

En 2023, la dépense publique devrait ralentir à 2,8 %, ce qui, avec une inflation élevée, devrait conduire à une baisse de la dépense publique en volume de - 0,8 point de PIB, avec le déflateur du PIB. Cela s'explique toutefois essentiellement par le reflux des dépenses exceptionnelles dues à la crise sanitaire et celles de relance.

Une fois ces dépenses déflatées, la dépense publique progresserait au contraire de 0,7 point en volume. Les dépenses dans le champ de l'Ondam, à +3,7 % hors dépenses liées à la crise sanitaire, progresseraient plus rapidement qu'avant la crise sanitaire, tandis que, tirées par la hausse des crédits de plusieurs ministères - emploi, intérieur, justice, défense en particulier -, les dépenses de l'État sur le champ très large de la nouvelle « norme », qui regroupe la très grande majorité des dépenses de l'État, sont inscrites en hausse de 24 milliards d'euros.

Les hypothèses de dépense publique restent affectées par des incertitudes fortes relatives au coût des boucliers tarifaires sur l'électricité et le gaz, qui peuvent jouer à la hausse comme à la baisse. Des risques de dépassement existent par ailleurs pour certaines dépenses, par exemple celles dans le champ de l'Ondam qui comprennent une provision de seulement 1 milliard d'euros au titre des dépenses de covid-19 sur les achats de vaccins et la campagne de tests. Cette provision suppose une chute massive des dépenses de tests, à savoir une division par 20, et risque de se révéler très insuffisante. Par ailleurs, le maintien d'une inflation élevée en 2023, pour la deuxième année consécutive, pourrait entraîner une hausse plus forte que prévu de certaines dépenses de fonctionnement difficilement compressibles ou d'investissement, tandis que la prévision suppose - je le souligne à votre intention - l'absence de revalorisation du point fonction publique.

Aussi le Haut Conseil considère-t-il que certaines dépenses pourraient être sous-estimées. La prévision de déficit pour 2023, de 5,0 points de PIB, semble par conséquent également légèrement sous-estimée, même si elle reste marquée par une grande incertitude.

Je résume l'analyse de la situation des finances publiques qui résulte de notre examen : bien que s'appuyant sur des hypothèses optimistes, le Gouvernement prévoit pour 2023 une simple stabilité du déficit public effectif, une amélioration limitée du solde structurel et une quasi-stabilité du ratio de dette. Le redressement des finances publiques s'annonce ainsi lent et incertain en 2023.

Le Haut Conseil a également examiné le projet de loi de programmation des finances publiques qui vous est soumis. Trois missions lui incombent : apprécier l'estimation du PIB potentiel proposée par le Gouvernement, se prononcer sur les prévisions macroéconomiques associées à ce projet, examiner la cohérence de la programmation envisagée au regard de l'objectif d'équilibre structurel à moyen terme retenu et des engagements européens de la France.

S'agissant de la croissance potentielle et de l'écart de production, soit l' output gap , le Haut Conseil considère que les hypothèses d'écart de production et de croissance potentielle sont toutes deux optimistes.

La croissance potentielle de l'économie serait ainsi, selon le Gouvernement, de 1,35 % sur la période 2023-2027. Cette hypothèse est légèrement plus élevée que celles du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), beaucoup plus élevée que celles de la Commission européenne et de l'OCDE, qui la situent plutôt autour de 1 %, tout comme les travaux du Haut Conseil.

L'estimation du Gouvernement suppose notamment que le net ralentissement de la population active prévu par l'Insee sera plus que compensé par les effets des réformes qu'il annonce - réformes du revenu de solidarité active, de l'assurance chômage, de l'apprentissage, des retraites - sur lesquelles il a fourni peu d'informations au Haut Conseil. Nous n'en connaissons ni les modalités ni le calendrier. Cependant, même si ces réformes étaient mises en oeuvre rapidement, elles ne pourraient en tout état de cause produire leurs effets que progressivement.

Le Gouvernement estime que l'écart de production s'établirait en 2022 à - 1,1 point de PIB. Cette estimation est, elle aussi, optimiste. Elle se situe dans le bas de la fourchette des organisations internationales, à comparer notamment à - 0,4 % pour la Commission européenne ou encore - 0,7 % pour le FMI. Elle n'est pas confirmée par les données d'enquêtes de conjoncture auprès des entreprises. Elle semble notamment incompatible avec les difficultés de recrutement déclarées par les entreprises dans de nombreux secteurs de l'économie.

Ce scénario de croissance potentielle et d'écart de production optimiste conduit à un scénario macroéconomique pour la période 2023-2027, qui l'est tout autant, selon nous.

J'ai déjà évoqué 2023, je n'y reviens pas. Pour la période qui suit, de 2024 à 2027, le Gouvernement retient une croissance du PIB de 1,7 % par an en moyenne.

Cette hypothèse de croissance suppose que soient réunis plusieurs facteurs favorables. Elle repose d'abord sur une baisse rapide du taux d'épargne des ménages, qui n'est nullement garantie au regard de leurs comportements habituels. La prévision de croissance du Gouvernement suppose également que l'investissement des entreprises se maintienne, sur toute la période, à son niveau de 2020-2021, qui était supérieur à celui atteint les vingt années précédentes, alors que les conditions de financement se durcissent. Enfin, dans le scénario du Gouvernement, le commerce extérieur contribuerait également positivement à la croissance, grâce à des gains de parts de marché à l'exportation, ce qui suppose une rupture forte avec la tendance des deux dernières décennies ; les derniers chiffres ne vont pas tout à fait dans ce sens.

Enfin, le Gouvernement suppose que l'inflation se résorberait avec une remontée seulement modérée des taux d'intérêt, alors même que des incertitudes fortes entourent la remontée de taux qui sera effectivement nécessaire pour maîtriser l'inflation.

Si aucune de ces hypothèses prises isolément n'est totalement irréaliste, chacune d'elles est favorable et leur combinaison conduit à un cadrage d'ensemble optimiste.

Enfin, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la programmation avec l'objectif à moyen terme, d'une part, et avec les engagements européens de la France, d'autre part.

Ces engagements européens résultent principalement du pacte de stabilité et de croissance ainsi que du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, signé en 2012. Ces textes nous engagent. Comme vous le savez, la Commission européenne a déclenché, en mars 2020, la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, qui permet aux États membres de s'écarter des exigences budgétaires normalement applicables, à condition de ne pas mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme, mais seulement en principe jusqu'à la fin de l'année 2023.

Au-delà, le pacte de stabilité modifié - il doit l'être, j'espère qu'il le sera, mais il ne sera pas supprimé - devrait donc retrouver sa pleine application. Or la trajectoire présentée ici s'écarte des engagements qui en découlent à plusieurs égards.

Premièrement, le retour du déficit effectif sous les 3 % ne s'opère pas avant 2027, alors que pour la plupart de nos partenaires de l'Union européenne et de la zone euro, ce retour est prévu avant 2025.

Deuxièmement, la convergence vers l'objectif de moyen terme, fixé à - 0,4 point de PIB, est lente et reportée après la période de programmation, probablement longtemps après. En effet, le projet de LPFP prévoit d'atteindre un solde structurel de - 2,8 points en 2027, soit un écart de plus de 2 points par rapport à cet objectif.

Troisièmement, l'ajustement structurel prévu, c'est-à-dire l'amélioration du déficit structurel d'une année sur l'autre, est sensiblement inférieur à 0,5 point de PIB par an, alors que selon les règles applicables à la France, il devrait être supérieur.

Enfin, il convient de noter que le ratio de dette publique s'infléchirait seulement légèrement en fin de période de programmation pour s'établir à 111 points de PIB en 2027, alors même que les hypothèses de croissance sont plutôt optimistes.

Cette trajectoire est trop peu ambitieuse et sa crédibilité doit être renforcée. En effet, bien que l'ajustement structurel prévu soit très graduel, la trajectoire repose sur une quasi-stabilité en volume des dépenses publiques, soit une maîtrise nettement plus forte que celle qui a prévalu pendant les deux dernières décennies et qui n'est guère documentée.

Ce sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, avec le concours de l'équipe qui m'entoure et qui travaille toujours dans des conditions extrêmement tendues ; nous sommes saisis tardivement sur des données parfois incomplètes. Je profite donc de l'occasion pour la remercier de la qualité de son travail.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Nos équipes travaillent elles aussi dans l'urgence et reçoivent tardivement des documents budgétaires qui engagent pourtant le pays pour une longue durée. On peut donc parler de parallélisme en termes de forme, mais aussi d'efforts !

Le président a rappelé vos propos sur le réalisme des prévisions. Pour ma part, je pense qu'il faut dire la vérité aux Français sur la gravité des crises que nous traversons. Malgré les « boucliers » mis en place pour les protéger, les Français ont l'impression que les institutions et les représentants politiques ne vivent pas les mêmes situations qu'eux. Je le dis aujourd'hui afin d'éviter des débordements lors des prises de parole publiques, mais aussi un embrasement de l'opinion et la montée des colères.

Je vous poserai à présent trois questions.

La prévision de croissance retenue par le Gouvernement, que vous jugez un peu élevée, peut-être même élevée, apparaît très optimiste compte tenu du contexte. Dès lors, comment croire à la crédibilité du scénario macroéconomique et d'évolution des finances publiques ?

Si l'on met en perspective l'évolution tendancielle des dépenses de chacune des catégories d'administration avec la cible proposée par le Gouvernement, on constate que les efforts demandés aux collectivités locales sont relativement plus importants que ceux qui sont demandés à l'État et à la sécurité sociale. Pensez-vous qu'il faudrait davantage chercher des leviers d'économies dans la sphère sociale et dans les dépenses de l'État ?

Vous avez fait très justement remarquer dans votre avis que la trajectoire d'évolution de notre solde structurel n'est pas conforme à nos engagements européens, même si ceux-ci sont encore temporairement mis en sommeil. Cette situation n'affaiblit-elle pas notre position dans la négociation sur la gouvernance budgétaire à l'échelon européen ?

En outre, dans la mesure où la trajectoire du solde structurel s'éloigne très fortement des standards sur lesquels on pourrait envisager que la négociation européenne aboutisse, doit-on considérer que cette loi de programmation n'est que temporaire et qu'une autre devra être prise pour tenir compte du résultat des négociations ?

M. Claude Raynal , président . - Dans son projet de budget pour 2023, le Gouvernement poursuit la baisse des impôts - après la suppression de la redevance, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la troisième tranche de la taxe d'habitation pour les hauts revenus - pour un montant total de 11 milliards d'euros. Une baisse des dépenses ou une augmentation des recettes d'un montant équivalent est-elle prévue ?

M. Pierre Moscovici . - Pour faire suite à vos propos, monsieur le rapporteur général, je tiens à dire que nous sommes toujours attentifs à livrer à temps nos travaux aux commissions des finances des deux assemblées, devant lesquelles j'ai toujours plaisir à venir.

Le Haut Conseil juge la prévision de croissance « un peu élevée », mais elle pourrait devenir « élevée ». Le Gouvernement s'adapte progressivement. Il a pour l'instant retenu le taux de croissance qui faisait consensus précédemment. Le consensus se situe aujourd'hui à 0,6 %. C'est pour cela que je dis qu'un taux de 1 % est un peu élevé. Si nous nous trouvions dans une situation plus dégradée, le taux retenu par le Gouvernement serait carrément élevé. Cela aurait des effets au premier chef sur les recettes. Pour résumer, nous jugeons le taux de croissance envisagé un peu élevé aujourd'hui et incertain.

J'ai donné précédemment les chiffres sur les efforts demandés aux collectivités locales. Les dépenses des ministères s'élèvent à 24 milliards d'euros et continuent de croître. J'ai par ailleurs souligné l'évolution de l'Ondam. Dans le domaine de la santé, il y a à la fois des gisements d'économie - dans le numérique et dans l'organisation de notre système de soins - et des sources de dépenses supplémentaires, à l'hôpital et dans les Ehpad. Un rapport de la Cour des comptes a montré que nous devions investir plus pour nos anciens.

Enfin, sur le solde structurel, incontestablement, nous n'y sommes pas. Je pense que nous avons des difficultés de convergence au sein de la zone euro. Il existe aujourd'hui deux groupes : un groupe de onze pays dont la dette publique est inférieure à 80 % du PIB et un groupe de sept pays, dont nous faisons partie, dont la dette publique est supérieure à 100 % du PIB. Dans ce groupe, comme dans l'ensemble de la zone euro, nous sommes le pays dont l'effort de redressement des finances publiques est le plus lent. Le déficit de la quasi-totalité de nos partenaires sera inférieur à 3 % en 2025, quand nous prévoyons d'atteindre cet objectif la dernière année de la programmation. Nous soulignons qu'il faut être plus ambitieux. Une fois les règles « rebranchées », la Commission européenne tiendra compte des engagements que nous avons pris et de leur respect, mais aussi du respect des règles en général. Il y va donc de notre crédibilité.

Le Haut Conseil ne se prononce pas sur la baisse des impôts ni sur les différentes dépenses publiques. La Cour des comptes a souligné, elle, que, avec des déficits très élevés, une croissance plutôt limitée, des dépenses publiques soutenues, il existe peu de marges de manoeuvre pour baisser les impôts, sauf à augmenter encore le déficit et la dette. Donc oui, les baisses d'impôts doivent être compensées par une hausse des recettes à due concurrence ou par une maîtrise de la dépense accrue. Il me semble que les chiffres que je vous ai donnés sont une réponse à votre question, monsieur le président.

M. Claude Raynal , président . - Merci de le confirmer, monsieur le président !

Mme Christine Lavarde . - Monsieur le président, vous nous avez dépeint un tableau très noir de la situation ! Après vous avoir écouté, nous n'avons plus aucune certitude sur l'ensemble des documents qui nous ont été transmis.

Pensez-vous que l'objectif d'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités locales de 3,8 % prévu à l'article 16 de la LPFP soit atteignable, compte tenu des charges qui pèsent sur ces collectivités, notamment la revalorisation du point d'indice de 3,5 %, mais aussi les dépenses d'alimentation et de transport ?

Ma deuxième question porte sur les différentes stratégies mises en oeuvre par les États membres de l'Union européenne pour concevoir leur trajectoire budgétaire. Bruno Le Maire se réjouissait lundi dernier, car le taux de croissance de la France devrait être positif en 2023 quand l'Allemagne connaîtra a priori une récession. Il soulignait que la politique menée ces derniers mois était plus bénéfique. Comment évaluer si l'argent public a été mieux investi en en dépensant beaucoup avant et un peu moins ensuite ? Le regard objectif du Haut Conseil serait intéressant.

Enfin, vous n'avez pas parlé ce matin de la sensibilité de la charge de la dette à la remontée des taux. Les taux sont très volatils en ce moment. Avez-vous fait des calculs pour le futur ?

M. Didier Rambaud . - Vous l'avez dit et nous n'en sommes pas surpris, notre pays a besoin d'un programme d'économies solides. Force est de reconnaître que, en tant que parlementaires, nous voyons rarement des propositions véritablement audacieuses de réduction des dépenses. On a plutôt tendance à penser qu'il y a des dépenses qui peuvent rapporter et des économies qui peuvent coûter...

Quelles pistes doivent être privilégiées, au-delà de la réforme de l'assurance chômage et de celle des retraites, pour réaliser plus d'économies ?

À l'échelon européen, vous avez rappelé que la trajectoire présentée par le Gouvernement est peu ambitieuse. Or ne faudrait-il pas considérer que les règles européennes sont aujourd'hui désuètes, contraignantes et inadaptées au contexte de crise que nous connaissons et eu égard aux investissements que nous devons réaliser en matière de transition énergétique ?

Mme Isabelle Briquet . - Dans le contexte d'incertitudes que nous connaissons, alors que des dépenses de solidarité peuvent s'imposer, pensez-vous qu'il soit opportun de se priver de recettes ou de s'entêter à ne pas en chercher de nouvelles, en taxant notamment les profits exceptionnels ?

M. Michel Canévet . - Comme Didier Rambaud, je constate que très peu de propositions sont faites pour réduire les dépenses. Selon vous, le projet de loi de finances pour 2023 traduit-il l'ambition de maîtriser les dépenses de fonctionnement ? La distinction est-elle suffisamment faite entre les dépenses de fonctionnement, qui doivent être réduites, et les investissements nécessaires, par exemple à la transition énergétique ?

Par ailleurs, on constate une hausse des recettes fiscales de l'État. Doit-on s'attendre à une baisse significative de ces recettes, dans un contexte de baisse des prélèvements obligatoires ?

M. Sébastien Meurant . - Ma première question porte sur la dette et la charge des intérêts de la dette. On sait que la dette va continuer d'augmenter. Alors que les taux actuels devraient baisser et être presque négatifs, pourquoi la charge des intérêts de la dette serait-elle sensiblement égale ?

Sur l'énergie, les règles européennes sont désuètes également. L'Espagne et le Portugal, en étant sortis du marché européen régulé de l'énergie, se portent beaucoup mieux. Quel est l'intérêt pour nous, Français, avec une production décarbonée, nucléaire, de rester dans ce marché de l'énergie ?

M. Pierre Moscovici . - Madame Lavarde, je ne donnerai pas de couleur au tableau que j'ai peint. Le Haut Conseil est une instance indépendante, formée d'économistes pour l'essentiel, nommés par les différentes autorités de l'État. Ils travaillent en toute indépendance et en toute objectivité. Je le dis franchement, nos avis méritent d'être lus en détail, y compris pour préparer les discussions que vous allez avoir avec l'exécutif dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, car ils contiennent des appréciations nuancées et précises.

J'ajoute que nous sommes dans un contexte de très grande incertitude. Une autre loi de programmation des finances publiques sera-t-elle ou non nécessaire ? Il est trop tôt pour le dire. Le fait est qu'il faut au moins une loi, car il est compliqué de fonctionner sans loi de programmation des finances publiques. C'est compliqué pour le Haut Conseil, mais aussi pour la Commission européenne. Il faut une ancre budgétaire.

Le Haut Conseil a souligné que le contexte inflationniste provoquait des risques de dépassement pour les collectivités locales. L'objectif est atteignable, mais peut-être un petit peu optimiste.

Je ne m'engagerai pas dans un débat politique sur la comparaison entre la France et l'Allemagne. Les évolutions allemandes sont spécifiques et liées à deux facteurs : d'une part, la dépendance de l'Allemagne au gaz russe, qui n'est pas la nôtre ; d'autre part, le fait qu'elle est une économie beaucoup plus industrielle et exportatrice que la nôtre, qu'elle est davantage dépendante des difficultés dans les chaînes d'approvisionnement à l'échelle mondiale. Il n'est pas absolument certain qu'il s'agisse là d'évolutions de long terme.

La hausse des taux a déjà entraîné une hausse de la charge de la dette en 2022, à hauteur de 12 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques. L'essentiel de la dette étant contracté à long terme, ce sont les taux à long terme qui constituent le principal risque. Or les taux à long terme ont déjà augmenté, de 150 points de base depuis un an pour les taux à dix ans. Cela commence déjà à se voir dans la charge de la dette. En 2023, l'impact sera limité, mais à long terme, sur dix ans, cette hausse représentera 70 milliards d'euros en plus, si la hausse des taux à long terme se maintient au niveau actuel, ce qui n'est pas acquis. On voit les conséquences d'un niveau d'endettement élevé et la nécessité de réduire la dette, alors que les risques sont clairement haussiers.

Monsieur Rambaud, l'appréciation du Haut Conseil sur les règles de l'Union européenne est nuancée. Nous ne nous interdisons pas de nous prononcer sur ce sujet. Ces règles sont en partie obsolètes et elles devront être modifiées. Des projets sont d'ailleurs en cours d'élaboration, mais il ne faut pas se faire d'illusions : nous avons besoin d'une ancre pour les finances publiques. On ne sait pas faire de finances publiques sans règles ! Certaines règles seront probablement conservées. La règle des 3 % est assez robuste. C'est le niveau à partir duquel la courbe de la dette s'infléchit. En revanche, la règle selon laquelle la dette ne doit pas représenter plus de 60 % du PIB n'est pas tenable. Il y aura sans doute une appréciation plus nationale des niveaux de dette, ce qui ne sera pas forcément un cadeau pour les pays qui sont plus endettés que d'autres. Enfin, la question de la prise en compte de certains investissements, notamment ceux qui sont liés à la transition énergétique, se pose. Attendons-nous donc à ce que les règles soient modifiées, moins rigides, plus lisibles. N'imaginons pas toutefois que ces modifications exonéreront un pays fortement endetté de se désendetter.

J'en viens à la taxation des superprofits. Le rôle du Haut Conseil n'est pas de porter un regard sur les décisions politiques. Il a été question que le Haut Conseil puisse se prononcer sur le chiffrage des mesures nouvelles. Il serait assez utile que notre mandat soit modifié en ce sens parce que nous avons comme vous parfois des problèmes de documentation sur des mesures qui sont proposées. Toute évolution de nos prélèvements doit selon nous être examinée à l'aune de la situation d'équilibre de nos finances publiques. Je redis que les baisses d'impôt qui ne seraient pas financées par des réductions de dépenses ou l'augmentation d'autres impôts iraient à l'encontre de la préservation de la soutenabilité de nos finances publiques.

J'ai écouté avec attention les autres questions : soit j'y ai déjà répondu, soit je ne peux pas y répondre. Sur le marché de l'électricité, je vous renvoie, monsieur Meurant, au rapport publié par la Cour des comptes avant l'été. Il pourra, je pense, être utile à votre réflexion.

M. Claude Raynal , président . - Je vous remercie de vos réponses, monsieur le Président.

III. EXAMEN DU RAPPORT (2 NOVEMBRE 2022)

Réunie le mercredi 2 novembre 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2023.

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant, comme chaque année, les grandes lignes du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et son contexte économique et financier.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Après avoir eu l'occasion d'examiner, la semaine dernière, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 en commission, et débuté depuis quinze jours l'examen des missions budgétaires, je vous présente ce matin mon analyse concernant les principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2023.

Un certain nombre des observations que j'avais formulées restent les mêmes en particulier en ce qui concerne le scénario macroéconomique proposé pour l'année 2023. Il apparaît trop optimiste, voire d'ores et déjà dépassé.

Le Gouvernement retient donc la prévision d'une croissance du PIB de 2,7 % en 2022 et de 1 % en 2023. Ces prévisions ont certes été révisées depuis la présentation du programme de stabilité cet été. Le Gouvernement est un peu plus optimiste qu'il ne l'était s'agissant de l'année 2022 et il l'est un peu moins concernant l'année 2023.

Dans le détail, le Gouvernement estime que la croissance sera principalement portée par la consommation des ménages et, dans une moindre mesure, par les dépenses des administrations publiques.

Avant de dire plus précisément ce que je pense de ces prévisions, je veux rappeler qu'en 2022 et - pour ce qu'il nous est permis d'en savoir - en 2023, l'économie française a été et demeurera soumise à de nombreux chocs exogènes.

Le plus important d'entre eux est, bien sûr, la hausse des prix de l'énergie. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) nous a indiqué ici même lors d'une table ronde organisée à l'initiative de notre commission que, entre 2021 et 2023, la croissance économique aura été amputée d'environ 2,5 points de PIB sous l'effet de l'augmentation des prix de l'énergie. D'autres chocs doivent être considérés, à commencer, par exemple, par l'effet de la remontée des taux d'intérêt qui, en cumulé, pourrait représenter une perte de croissance de près de 1 point de PIB.

Je considère toujours que la prévision de croissance retenue par le Gouvernement pour l'année 2023 est trop optimiste. Ainsi, elle se situe aujourd'hui près de 0,7 point au-dessus de la moyenne du Consensus Forecasts et dans la fourchette haute des prévisions. Plus encore, cette prévision, qui, je le rappelle, n'a pas été révisée depuis la fin du mois de septembre, apparaît très fragilisée par les récents développements conjoncturels.

Au niveau national, l'Insee vient de faire paraître les comptes nationaux au troisième trimestre de l'année 2022, qui montrent un ralentissement de la croissance du PIB. En outre, dans sa note de conjoncture du début du mois d'octobre, l'Insee considérait que la croissance du PIB serait nulle au quatrième trimestre, ce qui implique que l'acquis de croissance en 2023 serait égal à zéro.

Au niveau international, les prévisions de croissance concernant nos principaux partenaires sont mauvaises. Ainsi, la zone euro, dans son ensemble, devrait connaître une croissance égale à zéro en 2023, tandis que l'Allemagne serait tout bonnement en récession de près de 1 %. Je rappelle que la stagnation pour la zone euro et la récession en Allemagne n'étaient absolument pas anticipées lors de la construction du PLF l'été dernier. Ainsi, le rapport économique, social, et financier (RESF) mentionne l'hypothèse d'une croissance du PIB en zone euro de 1,5 % et de 0,8 % en Allemagne. Il m'apparaît donc très clair que le PLF pour l'année 2023 est construit sur des hypothèses de croissance trop fragiles.

Je souhaite faire un point concernant l'évolution des prix.

Contrairement à la prévision de croissance, il me semble que la prévision d'évolution de l'inflation présente un caractère relativement central en comparaison du consensus économique. En 2023, elle devrait, selon le Gouvernement, atteindre environ 4,3 %, ce qui est significatif. L'inflation en France demeure très majoritairement importée et c'est ce qui justifie, je crois, de continuer à mettre en oeuvre et à améliorer les dispositifs de soutien.

Ainsi, le prix des ressources en comptabilité nationale - il mesure le prix de la valeur ajoutée produite sur le territoire et le prix des importations - a progressé d'un peu plus de 7 % au troisième trimestre 2022 par rapport à l'année dernière. Sur cette forte progression, environ 6,7 points s'expliquent par la seule hausse du prix des importations. Cette hausse s'explique, quant à elle, pour près de 60 %, par l'augmentation des prix de l'énergie et, dans une moindre ampleur, par celle des produits manufacturés. Pour beaucoup, cette hausse des prix à l'importation provient des tensions d'approvisionnement liées à la guerre dans le cas de l'énergie. Toutefois, une autre explication peut être recherchée dans la dépréciation très rapide de l'euro face au dollar et d'autres monnaies qui lui sont liées. En effet, l'euro a perdu en un an près de 20 % de sa valeur face au dollar et près de 15 % face à l'ensemble des monnaies mobilisées pour payer les importations françaises. Pour mémoire, plus du quart des importations françaises et la quasi-totalité des importations d'énergie sont réglées en dollar.

Cette forte hausse du prix des importations et particulièrement de l'énergie entraîne une « dégradation des termes de l'échange », c'est-à-dire qu'à quantité égale nos importations nous coûtent plus cher que ce que nos exportations nous rapportent. D'après l'Insee, en 2022, la hausse des prix de l'énergie devrait ainsi représenter un prélèvement net sur le revenu national d'environ 1,5 point.

Le caractère encore très largement importé de notre inflation justifie, je le disais, que nous continuions à mettre en oeuvre des dispositifs de soutien en faveur des ménages, des entreprises et des collectivités locales. En effet, ces mécanismes ont jusqu'ici montré des résultats probants même si c'est - il faut le dire clairement - au prix fort pour les finances publiques.

Ainsi, les dispositifs mis en oeuvre depuis cette année auraient, d'après le Gouvernement, permis de réduire l'inflation totale en France de 2 à 3 points.

De fait, les prévisionnistes considèrent que l'inflation en France sera en 2022 et 2023 bien plus faible que dans la plupart des économies développées. Cela a un coût : près de 50 milliards d'euros en 2022 et probablement plus de 56 milliards d'euros en 2023. Pour nécessaires qu'elles soient, ces dépenses doivent nous rappeler à observer une grande vigilance puisque, comme vous le savez, les conditions de financement de la France ne sont plus exactement les mêmes que par le passé.

En effet, l'inflation a également contribué à une augmentation rapide des taux nominaux sur le marché des obligations souveraines.

Depuis octobre 2021, c'est-à-dire il y a environ un an, le taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) françaises à dix ans a augmenté de 290 points de base. Ce mouvement a été observé dans d'autres pays, à commencer par nos partenaires de la zone euro et au Royaume-Uni.

Pour autant, la perception que les investisseurs ont du risque des obligations françaises s'est détériorée. Ainsi, depuis janvier 2021, l'écart entre le taux des obligations à dix ans françaises et allemandes s'est accentué de 0,4 point de pourcentage. La situation est encore plus préoccupante en Italie, où cet écart s'est accentué de 1,5 point, laissant craindre un risque de fragmentation du marché obligataire en zone euro, qui a contraint la Banque centrale européenne (BCE) à réagir l'été dernier. D'après les prévisions dont nous disposons, et sans doute grâce à l'action de la BCE, les écarts de taux devraient se stabiliser. D'après le Consensus Forecasts , les écarts français et italiens devraient diminuer d'environ 0,1 point d'ici à un an.

J'en viens maintenant à la présentation de la situation des finances publiques.

Je veux alerter sur le fait que les mesures de crise ne peuvent pas expliquer toute la dégradation de nos comptes publics et qu'il est urgent de mettre en oeuvre une stratégie de maîtrise des dépenses ordinaires. En 2023, le déficit du solde public devrait atteindre 5 % du PIB et l'endettement environ 111,2 %.

S'agissant des recettes publiques, j'observe qu'elles progresseront d'environ 137 milliards d'euros entre 2021 et 2023. La majorité de cette hausse s'observera en 2022 avec une progression de 80 milliards d'euros des prélèvements obligatoires, contre « seulement » 43 milliards d'euros en 2023. Cette différence s'explique par un ralentissement des perspectives de croissance, mais aussi par une hypothèse d'élasticité des recettes plus forte en 2022 : 1,5 contre 0,6 en 2023.

Plusieurs mesures nouvelles viendront réduire le rendement fiscal, à commencer par la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, la poursuite de la suppression de la taxe d'habitation et, sauf s'il en est décidé autrement, la suppression de la part communale et intercommunale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Les recettes liées à la crise de l'énergie apporteront une contribution positive à l'évolution des recettes. Cela peut sembler paradoxal à première vue, mais cette situation s'explique par le fait que l'État va bénéficier de versements, pour environ 20 milliards d'euros sur deux ans, de la part des producteurs d'énergie. En temps normal, en effet, l'État verse des subventions à ces producteurs, dont le montant est calculé en fonction de la différence entre un prix de référence et le prix de marché de l'électricité. Actuellement, le prix de marché est au-dessus de ce prix de référence. En conséquence, l'État ne verse plus de subventions et il encaisse des recettes. Ces dernières permettront d'ailleurs de financer les mesures qui, elles, présentent bien un coût pour l'État que ce soit en recettes - comme la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) - ou en dépenses - comme la remise à la pompe.

Les dépenses vont également progresser de 111 milliards d'euros environ entre 2021 et 2023, avec une plus forte contribution de l'année 2022.

En réalité, la hausse des dépenses est beaucoup plus importante, car l'État - je viens d'en donner l'exemple avec le cas des subventions aux producteurs d'énergie - bénéficie de moindres dépenses tout à fait conjoncturelles.

Les dépenses primaires retraitées du coût des mesures de crise progresseront ainsi de 137 milliards d'euros sur les deux années, dont 65 milliards d'euros en 2023. En parallèle, les dépenses de crise diminueront d'environ 27 milliards d'euros sous l'effet, principalement, de l'extinction des mesures liées au covid et au plan de relance. En outre, les administrations bénéficieront d'une moindre dépense de l'ordre de 26 milliards d'euros liée au non-versement des subventions au profit des producteurs d'électricité. Les mesures de revalorisation des pensions et du traitement des fonctionnaires contribueront à augmenter la dépense d'environ 16 milliards d'euros. Enfin, la charge de la dette progresserait d'environ 10 milliards d'euros sous l'effet, pour l'instant, du renchérissement des intérêts versés au titre des obligations indexées sur l'inflation.

Il me semble utile de préciser que la hausse des dépenses primaires hors coût des mesures de crise en 2022 et en 2023 est particulièrement sensible en comparaison historique.

Ainsi, en 2022, les dépenses primaires, hors mesures de crise, augmenteront d'environ 2,6 points de PIB, ce qui n'a pas été constaté depuis 1993 et qui plaide pour engager rapidement une trajectoire de consolidation des comptes publics.

Pour votre information, le solde public restera particulièrement dégradé en raison de la situation financière de l'État.

Les comptes des administrations publiques locales seront à l'équilibre en 2023, et j'observe même que les collectivités locales présenteront un excédent. En effet, le déficit des administrations publiques locales s'explique par la prise en compte de certains organismes comme la Société du Grand Paris (SGP) - largement pilotée par l'État - et qui eux sont en déficit.

Les administrations sociales parviendraient à l'équilibre grâce à l'amélioration du solde du régime général. Pour autant, malgré l'extinction des dépenses liées au covid, la progression des dépenses reste forte en raison, notamment, de la revalorisation des prestations sociales et des retraites.

Ce tableau des années 2022 et 2023 doit être replacé dans la perspective plus longue que trace le projet de loi de programmation des finances publiques. La trajectoire que nous y proposait le Gouvernement n'était pas raisonnable. En effet, elle consistait à laisser filer la dépense de l'État et à n'imposer d'efforts réels qu'aux administrations locales. La semaine dernière, notre commission des finances a donc adopté une trajectoire d'évolution des dépenses plus ambitieuse, qui prévoit que les administrations centrales réaliseront une baisse de dépense primaire hors mesures de crise de l'ordre de 0,5 % en volume chaque année. Cette trajectoire nous permettra de revenir en dessous de 3 % de déficit public dès 2025 ; il me semble que c'est la direction qu'il faut suivre.

Comme je vous l'avais indiqué, cette trajectoire implique la réalisation d'efforts dès le PLF pour 2023. En l'occurrence, une économie de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros doit être recherchée. Je souhaite qu'elle préserve les dépenses sociales, les dépenses de sécurité ainsi que celles qui sont relatives à l'éducation. J'aurai l'occasion, en séance, de vous présenter les mesures d'économies par mission que je propose d'appliquer.

La seconde partie de cette présentation sera centrée sur le budget de l'État, qui fait l'objet de l'autorisation en loi de finances. En un mot, le déficit comme les dépenses restent sur les sommets atteints pendant la crise sanitaire, et le Gouvernement ne semble pas trouver, voire même chercher, les moyens d'en redescendre.

Voyons d'abord où nous en sommes pour l'année en cours. La situation n'a guère évolué par rapport au collectif budgétaire de l'été : le déficit serait un peu moins élevé que prévu grâce à de bonnes rentrées fiscales et en raison d'un prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne moins important que prévu. Le déficit budgétaire de l'État dépasserait donc les 170 milliards d'euros, comme en 2020 et 2021.

Ces éléments sont toutefois provisoires et ne prennent pas en compte les mouvements de crédits réalisés par le projet de loi de finances rectificative de fin d'année, qui pourrait modifier de manière significative les conditions de l'équilibre budgétaire en 2022.

En 2023, le projet de loi de finances prévoit une nette diminution du déficit budgétaire par rapport à l'exécution 2022 ; il atteindrait 158,5 milliards d'euros. Toutefois c'était déjà le cas les trois années précédentes et des collectifs budgétaires sont venus, à chaque fois, dégrader les perspectives en cours d'année.

La demi-suppression de la CVAE produit des effets contrastés : d'un côté, une nouvelle part de TVA est affectée aux collectivités territoriales ; de l'autre, la CVAE est désormais affectée à l'État en attendant sa suppression complète en 2024.

Le versement européen annuel au titre du plan de relance devrait être supérieur de 5,3 milliards d'euros à son montant de 2022. Enfin, les dépenses liées à la crise sanitaire devraient bien sûr diminuer considérablement. Les autres dépenses du budget général, elles, devraient augmenter de 14,2 milliards d'euros.

Je reviendrai plus en détail dans un instant sur les recettes comme sur les dépenses, mais un point particulier introduit une certaine confusion entre les unes et les autres : c'est le bouclier tarifaire. En effet, comme je l'ai indiqué précédemment, les producteurs d'énergies renouvelables, qui bénéficient des prix très élevés de l'électricité qu'ils vendent sur les marchés, reversent à l'État la différence entre ces prix de marché et les prix figurant sur leurs contrats. Mais au lieu d'isoler cette recette dans le budget, le programme 345 « Service public de l'énergie » opère une sorte de compensation avec les sommes que l'État verse par ailleurs aux opérateurs afin de compenser le coût du gel des tarifs de l'électricité et du gaz, c'est-à-dire le bouclier tarifaire. Suivant les informations que j'ai obtenues, la procédure de rétablissement de crédits a été suivie, mais les documents budgétaires sont muets sur ces procédures et sur leur justification au point de vue du principe d'universalité budgétaire.

Pour la quatrième année consécutive, le déficit budgétaire devrait donc dépasser le niveau, auparavant jamais atteint, de 150 milliards d'euros. Ce budget est celui de tous les records : jamais un projet de loi de finances n'avait été présenté avec un tel niveau de déficit dès le début de la discussion budgétaire ; jamais un budget n'a prévu un tel niveau d'emprunts nouveaux - 270 milliards d'euros en 2023 - ; jamais non plus la France n'a dû rembourser autant d'emprunts arrivés à l'échéance - 156,5 milliards d'euros. La France décaissera plus, en 2023, pour rembourser des emprunts que pour financer, hors pensions, l'éducation nationale, la recherche et les armées réunies.

L'accumulation des déficits, à laquelle le Gouvernement ne prévoit pas réellement de mettre fin dans le projet de loi de programmation des finances publiques, pousse les curseurs de la dette toujours plus haut. Arrivé à de telles altitudes, l'emprunt toujours renouvelé place le pays sous respirateur artificiel, et la facture commence à être présentée : c'est la charge de la dette qui, dès cette année, dépasse les 50 milliards d'euros en comptabilité budgétaire.

Or la dette climatique s'ajoute à la dette budgétaire. Les dépenses défavorables au climat doublent de montant en 2023, à un niveau de 19,6 milliards d'euros ; encore ce montant est-il probablement sous-estimé, car, au lieu de prendre en compte la totalité du bouclier tarifaire de 45 milliards d'euros, le rapport « budget vert » ne considère que le coût net, estimé à 8,9 milliards d'euros de crédits budgétaires.

Face à ces dépenses, la fiscalité énergétique est toujours aussi inégalitaire : elle pèse plus sur les ménages à revenus modestes, ainsi que sur ceux qui vivent dans des communes rurales ou dans de petits pôles urbains.

Il ne faut guère espérer des recettes qu'elles aident l'État à infléchir la trajectoire de la dette en 2023, car elles devraient être de 345,1 milliards d'euros, soit en diminution de 5,8 milliards d'euros en valeur ou de 2,7 % en volume.

Les deux principaux phénomènes affectant l'évolution des recettes fiscales sont la suppression progressive de la CVAE et la poursuite du bouclier tarifaire.

Le coût pour l'État de la première phase de la suppression de la CVAE est estimé à 3,6 milliards d'euros avec, d'une part, l'affectation d'une fraction de TVA aux collectivités et, d'autre part, l'affectation de la CVAE au budget de l'État. La poursuite du bouclier tarifaire annule les recettes de la TICFE, alors que ces recettes étaient en 2021 de 7,4 milliards d'euros.

Le produit de la TVA est ainsi de plus en plus émietté entre des affectataires divers, dont l'audiovisuel public depuis l'été dernier. L'État ne perçoit plus que 45,3 % de la TVA nette totale, ce qui aura nécessairement des implications sur la politique fiscale : toute décision relative à la TVA et à l'application de ses taux réduits devra prendre en compte les conséquences éventuelles sur le financement des autres administrations affectataires.

Le produit de l'impôt sur les sociétés devrait diminuer de 3,7 milliards d'euros en 2023, mais cette évolution doit s'apprécier par rapport au niveau exceptionnel attendu en 2022. Celui de l'impôt sur le revenu restera stable, car l'indexation du barème devra annuler à peu près l'évolution spontanée.

Enfin la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), comme la TVA, subit une affectation supplémentaire de son produit à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Ses recettes diminueront pour l'État de 1,2 milliard d'euros.

Parmi les recettes non fiscales, l'élément le plus notable ces dernières années est le cofinancement, par l'Union européenne, du plan de relance au titre de la facilité pour la reprise et la résilience. Un versement de 12,7 milliards d'euros est attendu en 2023, après 7,4 milliards d'euros en 2022 et 5,1 milliards d'euros en 2021. Toutefois, alors qu'il était prévu au départ un financement total, sur l'ensemble de la période, de 39,4 milliards d'euros, ce montant a été révisé par la Commission européenne à 37,5 milliards d'euros : en effet, il était en partie indexé sur la reprise de l'activité, qui au cours de l'année 2021 a été plus rapide que prévu.

Enfin, le prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne serait de 24,6 milliards d'euros, en baisse de 0,4 milliard d'euros, mais cette prévision est toujours un peu incertaine, car elle dépend des budgets rectificatifs adoptés au niveau européen. Les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales, eux, devraient être à peu près stables à 43,7 milliards d'euros.

Face à la réduction des recettes, le réflexe budgétaire devrait être d'agir sur les dépenses ; c'est bien pour cela que la loi de finances comprend deux parties, et que le vote des recettes précède l'examen des crédits. On en est loin : le Gouvernement choisit les dépenses qui doivent augmenter, mais pas les économies qui devraient les compenser. Il prépare donc la poursuite de la dégradation des finances publiques.

La mission « Engagements financiers de l'État » redevient la deuxième mission du budget général devant la mission « Défense ». C'est la conséquence de la reprise de la charge de la dette, mais aussi, il faut le dire, de l'ouverture de 6,6 milliards d'euros de crédits « virtuels » sur le programme d'amortissement de la dette covid. Je rappelle que ce programme est un pur artifice budgétaire, car la dette qu'il annule est celle qu'il a lui-même créée par cette ouverture de crédits.

Les hausses de crédits entre 2022 et 2023 reflètent l'application des lois de programmation en cours et les priorités données à certaines politiques, notamment l'enseignement scolaire, la défense et la justice.

L'analyse est différente selon qu'on prend comme référence la loi de finances initiale pour 2022 ou les crédits totaux ouverts en cours d'année. Par exemple, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » a été fortement renforcée par le décret d'avance du 7 avril et par la loi de finances rectificative du 16 août : par rapport à ce sommet, les crédits diminuent de 3,2 milliards d'euros en 2023, alors qu'ils augmentent de 6,1 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Dans une vision pluriannuelle, qui est d'ailleurs renforcée dans les documents budgétaires en application de la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du 28 décembre dernier, les perspectives ne sont guère rassurantes.

Le niveau des restes à payer, c'est-à-dire des dépenses qu'il faudra bien assurer pour couvrir les engagements déjà pris, a augmenté de plus de 50 % depuis 2017. Ils portent principalement sur un petit nombre de missions, qui engagent par nature des dépenses portant sur plusieurs années.

Enfin la trajectoire des dépenses, telle qu'elle résulte du projet de loi de programmation des finances publiques, prévoit ici encore le maintien sur un palier élevé en volume : il semble impossible, malgré la sortie de la crise sanitaire, de revenir au niveau de dépenses antérieur.

Il ne faut pas attendre une économie sur les dépenses de personnel. Si le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une stabilité des schémas d'emploi, il prend prudemment comme référence l'année 2023, c'est-à-dire après l'augmentation de 10 000 emplois prévue par le présent projet de loi de finances. Cette augmentation porte principalement sur les ministères régaliens, ainsi que sur l'éducation nationale.

L'augmentation des emplois, mais aussi et surtout celle des rémunérations, avec l'effet en année pleine de la hausse du point d'indice, et la revalorisation des rémunérations des enseignants, conduisent, pour la deuxième année consécutive, à une forte hausse de la masse salariale de 9,1 % en deux ans, ce qui constitue un record supplémentaire.

On le constate, sur les dépenses de personnel comme sur l'ensemble des crédits des politiques publiques, le Gouvernement ne fait pas de choix : il favorise certaines politiques, qui en ont certainement besoin, mais n'affiche aucune volonté de décider celles qui devraient au contraire voir leurs moyens réduits. Dès le début du quinquennat, l'heure des choix est renvoyée au prochain quinquennat.

M. Vincent Delahaye . - Je remercie notre rapporteur général pour cette analyse du déséquilibre - et non de l'équilibre ! - de nos finances publiques, qu'il a chiffré en valeur absolue, et non seulement en points de pourcentage du PIB : c'est plus clair ! Si l'on regarde bien, le déficit est bien plus important encore. On continue à emprunter non pas pour investir, mais pour financer des dépenses courantes.

Le solde des administrations locales est à l'équilibre, mais les collectivités territoriales présentent un excédent. Cela signifie-t-il que les autres administrations locales sont en déficit ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Je souscris à l'analyse de notre rapporteur général. Les dépenses courantes sont trop élevées. Le Gouvernement annonce une baisse des dépenses, mais c'est trompeur, car il prend pour base de comparaison le niveau du budget atteint pour faire face au covid : en définitive, le déficit reste plus élevé qu'avant la crise !

Comme il semble difficile de baisser les dépenses courantes, une solution pourrait être, selon les économistes et le Gouvernement, de « travailler plus » ; c'est le sens de la réforme des retraites, qui vise à augmenter le taux d'emploi des seniors. Pensez-vous que cette réforme dégagerait suffisamment de gains budgétaires ? Mais il convient aussi de trouver le bon réglage budgétaire dans la conjoncture économique actuelle pour éviter la récession. Quelle est la part des dépenses publiques « positives » qui ont permis de réduire l'inflation et eu sur l'économie un effet bénéfique ? Quelle est la rentabilité budgétaire du bouclier tarifaire et des mesures similaires ?

Nul ne sait où se situe le point de bascule en ce qui concerne le déficit. On ne le connaît en général que lorsqu'il est trop tard, comme le montrent le revirement britannique ou la position du nouveau gouvernement italien en faveur de l'orthodoxie budgétaire. Ces expériences doivent nous inciter à la prudence. Les Allemands considèrent qu'il y a un découplage entre leur pays et la France, ils considèrent que la France fait cavalier seul en Europe sur le plan budgétaire et qu'elle dépense trop.

M. Marc Laménie . - Quelles sont les perspectives d'évolution du déficit budgétaire à court terme ? La mission « Engagements financiers de l'État » est la seconde mission du budget général : quelles sont là encore les perspectives d'évolution ? Quel sera l'impact de la politique budgétaire pour les collectivités territoriales ?

M. Vincent Segouin . - S'agissant du budget, les années se suivent et se ressemblent, et la situation s'aggrave. La suppression de la CVAE s'inscrit dans une tendance de diminution des prélèvements directs des collectivités. Pourtant celles-ci sont à l'équilibre. À l'inverse, les dépenses de l'État progressent, mais celui-ci est un mauvais gestionnaire. On invoque souvent la décentralisation, mais en matière fiscale, celle-ci n'existe pas !

Le projet de loi de finances repose sur une prévision de croissance de 1 %. Mais les banques centrales remontent leurs taux d'intérêt : quelles seront les conséquences sur la croissance et nos finances publiques ?

M. Pascal Savoldelli . - Connaît-on l'identité de ceux auprès de qui la France emprunte ? Les taux d'intérêt ont longtemps été négatifs. Cela ne constitue-t-il pas un petit matelas financier pour l'État ?

Ensuite, êtes-vous favorable à une hausse des recettes de l'État ? Quelles sont vos préconisations ?

M. Roger Karoutchi . - Je partage l'analyse de notre rapporteur général. Le déséquilibre entre l'État et les collectivités territoriales s'accroît, mais le Gouvernement s'en moque. Cela finira mal, car quand les collectivités territoriales ne pourront plus investir, on en verra les conséquences sur l'économie réelle.

Le projet de loi de finances repose sur une prévision de croissance de 1 %. Je ne comprends pas pourquoi l'exécutif ne parvient pas à mieux tenir compte des réalités. Il avait déjà, en dépit de nos mises en garde, sous-estimé l'ampleur et le coût de la crise du covid. Au printemps, j'ai alerté le Gouvernement sur le coût de la guerre en Ukraine. Une crise avec la Corée du Nord est possible ; un conflit entre l'Arabie saoudite et l'Iran semble imminent, qui aura des conséquences sur le prix du pétrole, notamment. Mais on a l'impression que le Gouvernement vit dans une bulle, ignorant la situation internationale : il veut être optimiste comme le dit M. Le Maire, pour ne pas inquiéter les Français, mais, en fait, il ne tient pas compte des réalités.

Mme Vanina Paoli-Gagin . - Les prévisions de croissance de la zone euro tiennent-elles compte du plan de relance de 200 milliards d'euros annoncé par l'Allemagne et des délocalisations industrielles, notamment dans l'automobile, vers l'Asie ?

Mme Christine Lavarde . - Quelle est l'évolution du ratio entre les mesures fiscales favorables et les mesures fiscales défavorables au climat ? D'après la trajectoire pluriannuelle des finances publiques, ce ratio devrait augmenter, mais la baisse de la TICFE ne va pas dans le bon sens à cet égard.

M. Christian Bilhac . - Autant je suis critique sur le projet de loi de programmation des finances publiques, autant je serai plus indulgent sur le projet de loi de finances. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. La politique du rabot n'est pas une bonne solution, même si je suis conscient de la nécessité de faire baisser les dépenses de l'État. Pour faire des choix, il faut s'inscrire dans la durée. Les collectivités territoriales seront les premières victimes. Or elles sont déjà étranglées financièrement, et ce n'est pas en éteignant les lumières la nuit qu'elles pourront compenser le surcoût de la facture énergétique ni la hausse du point d'indice des fonctionnaires. Mais dans quelles missions faut-il faire des économies ? Les besoins sont énormes. Seule une nouvelle phase de décentralisation permettrait de faire des économies, et non une politique de rabot.

Mme Sylvie Vermeillet . - Quels seront les effets de la hausse de l'inflation sur l'épargne des ménages ? Comment s'explique la forte hausse de la charge de la dette ? Pourriez-vous aussi nous donner plus de précisions sur la création de 208 équivalents temps plein (ETP) dans les services de la Première ministre ?

M. Stéphane Sautarel . - Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » s'élèvent à 60 milliards d'euros : cela suffira-t-il à faire face au renchérissement de notre dette en raison de la hausse des taux d'intérêt ?

L'impact de la fiscalité énergétique est inégal selon les territoires. Les aides de l'État, comme la remise à la pompe ou le bouclier tarifaire, ne dureront pas éternellement. Comment le Gouvernement entend-il aider les ménages ?

M. Jean-Claude Requier . - Le constat de notre rapporteur général est froid et réaliste. L'évolution de la TVA m'inquiète : celle-ci était un impôt d'État, mais plus de la moitié de son produit est désormais préaffecté. On se souvient que la baisse de la TVA dans la restauration a profité aux restaurateurs, et peu aux clients !

L'État fonctionne grâce à la dette. Mais comment maîtriser la dépense publique ? Quelles dépenses réduire ? En France, dès qu'un problème surgit, on demande à l'État d'agir. La décentralisation constitue une piste ; je rappelle toutefois que lorsque les collectivités ont reçu la charge des lycées, elles ont dû les rénover et mettre à contribution les contribuables locaux. Aujourd'hui les intercommunalités se développent, embauchent et les impôts augmentent. En conclusion, pour prolonger les propos de M. Karoutchi, je rappellerai qu'en 1939, alors que la guerre menaçait, la chanson à la mode était Tout va très bien, Madame la marquise ...

M. Arnaud Bazin . - Le déficit de notre balance commerciale atteint des sommets, ou des abysses... Pourtant la France a un différentiel d'inflation plutôt favorable par rapport à ses voisins. Quel est l'effet de ce déficit sur nos finances publiques ?

M. Michel Canévet . - J'étais heureux en apprenant que le Gouvernement prévoyait plus de 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires dans le projet de loi de finances rectificative, mais la présentation de notre rapporteur général sur le projet de loi de finances me sape le moral ! On peut se demander si nous sommes capables de maîtriser les dépenses ! Serons-nous en mesure de sortir du bouclier tarifaire sur l'énergie ? Nos entreprises sont fragilisées par la hausse considérable des prix de l'énergie.

Les dépenses de personnel augmentent. Quelles sont vos pistes d'économies ? Enfin, les prévisions de recettes non fiscales ne sont-elles pas sous-estimées ? Les entreprises se portent bien ; les recettes liées aux dividendes devraient être meilleures.

M. Daniel Breuiller . - Le constat de notre rapporteur général est inquiétant. Je ne comprends pas comment le Gouvernement peut choisir de poursuivre les baisses d'impôt : suppressions de la CVAE, de la redevance audiovisuelle, de la taxe d'habitation, etc. Les boucliers tarifaires bénéficient aussi à celles et ceux qui appartiennent aux déciles les plus élevés. Les baisses d'impôt ne sont pas ciblées. Notre rapporteur général fait la description d'une économie malade, mais les entreprises ont versé 60 milliards d'euros de dividendes... La répartition des richesses est en fait de plus en plus inégalitaire.

La dette climatique est inquiétante. Il importe désormais d'en chiffrer le coût, car les conséquences du réchauffement s'amplifient année après année. On subventionne massivement le pétrole à cause de la crise, mais cela ne fait qu'accroître notre dette climatique.

L'an dernier, la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés s'est accompagnée d'une forte hausse de son produit. Si les recettes baissent, faut-il alors augmenter les taux d'imposition ? Certaines entreprises ont des marges élevées.

Je remercie notre rapporteur général pour son analyse du poids de la fiscalité énergétique en proportion du revenu des ménages en fonction des territoires. J'aimerais avoir la même analyse en fonction des déciles de revenu. On pourrait mieux cibler nos décisions budgétaires en fonction des situations sociales et géographiques des ménages.

M. Rémi Féraud . - Les éléments fournis par notre rapporteur général n'incitent pas à l'optimisme. Comme chaque année... Mais le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 repose sur des hypothèses optimistes et semble ignorer les risques de crise à cause de la situation internationale.

Nous ne sommes pas d'accord sur les dépenses. Alors que la dette climatique s'accroît, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » diminuent de 3,2 milliards d'euros en 2023. Notre rapporteur soutient plutôt la politique de l'offre du Gouvernement. Toutefois, nous partageons une même préoccupation quant à la dette et au déficit, notamment à un moment où les taux d'intérêt se tendent. N'est-il pas urgent, dès lors, d'arrêter la baisse des impôts ? La suppression de la CVAE, par exemple, entraîne une hausse des dépenses de l'État, car il faut la compenser.

M. Bernard Delcros . - M. Savoldelli a posé une question sur les recettes. Symétriquement, il convient de réduire les dépenses. Quelles dépenses proposez-vous de baisser ? Pour quel montant ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général. - Monsieur Delahaye, les collectivités locales sont en excédent, en effet, mais les autres administrations locales, comme la Société du Grand Paris, sont en déficit.

Monsieur Laménie, le projet de loi de programmation fixe des objectifs de croissance, modérée certes, des crédits de presque toutes les missions, mais il ne prévoit que très peu de baisses. C'est pourtant le rôle de l'exécutif de définir des orientations et de faire des choix. Bruno Le Maire a dit qu'il attendait du Parlement des propositions de réduction des dépenses. J'en ferai. Il faut non seulement examiner les crédits de chaque mission budgétaire, mais il faut aussi s'interroger sur la pertinence de poursuivre des politiques engagées dans le passé, qui ne sont peut-être plus justifiées en raison de l'évolution du contexte.

Les crises s'accumulent : covid, guerre en Ukraine, crise énergétique, désorganisation des circuits d'approvisionnement, tension sur les matières premières, etc. Cette situation pèse sur tous les pays. Nous devons donc coordonner nos actions. Le choix de l'Allemagne de lancer un plan de soutien massif constitue à cet égard un coin dans la construction européenne. On accuse souvent l'Europe de tous les maux, mais celle-ci nous protège aussi, pourvu que l'on parvienne à s'accorder sur des choix convergents.

Si la poursuite de la trajectoire de la programmation militaire me semble justifiée, il faudrait sans doute revoir d'autres programmations ou certaines dépenses fiscales. Il faut analyser les choses avec lucidité. Songez à l'éducation nationale par exemple : le nombre des élèves baisse, le nombre d'enseignants augmente, ainsi que leur rémunération ; pourtant nos résultats dans les tests internationaux mesurant les acquis de connaissances et le niveau scolaire général ne nous placent pas en tête... Il est donc légitime de s'interroger sur ce qui dysfonctionne. Il en va de même dans la santé : les plans se succèdent, mais leurs effets tardent à se faire sentir et certains personnels ont été oubliés. La situation des urgences pédiatriques est préoccupante. Il importe d'identifier nos faiblesses pour essayer de les corriger, mais cela ne signifie pas qu'il faille conserver les acquis dans tous les secteurs ; sinon rien ne bougera et les déficits continueront à se creuser, alors même que les recettes fiscales baissent et que le coût de la dette augmente. La parité entre l'euro et le dollar ne nous est pas favorable non plus. Un mouvement de délocalisation est déjà perceptible, pas seulement vers l'Asie d'ailleurs, mais aussi vers les États-Unis.

Monsieur Capo-Canellas, nous devons réduire nos dépenses, pour sortir de l'effet ciseaux entre un PIB qui augmente peu et des dépenses qui progressent. La remise à la pompe et le bouclier tarifaire ont contribué à contenir l'inflation en France d'environ deux à trois points d'après le Gouvernement.

Monsieur Karoutchi, les règles européennes imposent que les prévisions macroéconomiques soient réalisées par un organisme indépendant : en France, c'est la direction du Trésor...

M. Roger Karoutchi . - On est rassuré !

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Madame Lavarde, le ratio entre les dépenses favorables au climat et les dépenses défavorables se dégrade fortement en 2023, notamment en raison de la mise en oeuvre du bouclier tarifaire : nous l'avions d'ailleurs voté, il est vrai, car il fallait répondre à l'urgence, mais il a pour conséquence de soutenir la consommation des énergies fossiles, ce qui n'est pas très vertueux en effet.

Monsieur Breuiller, il est important, lorsque l'on parle d'écologie ou de transition énergétique, d'en évaluer les enjeux territoriaux et sociaux, de s'interroger, comme le Sénat le fait, sur le coût relatif des énergies fossiles et renouvelables : il convient de clarifier ces points si l'on veut identifier les leviers d'action. Il ne faut pas demander aux collectivités de faire l'effort à la place de l'État. Celui-ci a délégué aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) le soin d'élaborer les plans de protection de l'atmosphère (PPA) ou les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), mais sans leur octroyer de financements... Le Gouvernement ne doit pas se contenter de distribuer les bons et les mauvais points lorsque la mise en oeuvre ne va pas assez vite. L'instauration du mécanisme des zones à faibles émissions (ZFE) a été très rapide, pour ne pas dire brutale. L'État doit accompagner les collectivités.

En ce qui concerne les données sociales, je ne connais pas la répartition du poids relatif de la fiscalité en fonction des déciles de revenu. Il serait utile de disposer de ces éléments, en effet. En tout cas, selon une étude de l'Insee, une hausse de 3 points de la TVA entraîne une baisse de 2 % du niveau de vie pour les personnes du premier décile et une baisse de 0,6 % pour les personnes du décile 9 ce qui confirme ce que nous savions déjà : la TVA pèse davantage sur les personnes aux revenus les moins élevés.

Monsieur Bazin, le projet de loi de finances tient compte du déficit du commerce extérieur à travers ses effets sur la croissance. Nous avons un problème de compétitivité, car nous sommes les champions d'Europe des prélèvements obligatoires. Ces derniers constituent une contrainte pour notre économie. Une part importante - environ 40 % - de notre déficit commercial est due au coût de l'énergie. De plus, comme la parité de l'euro vis-à-vis du dollar se dégrade et que les achats de pétrole sont effectués en dollars, le déséquilibre de notre balance extérieure s'accroît encore davantage.

Monsieur Canévet, les recettes non fiscales sont difficiles à prévoir. En ce qui concerne les dividendes, je vous renvoie au rapport de notre collègue Victorin Lurel sur le compte d'affectation spéciale relatif aux participations financières de l'État.

La hausse des taux d'intérêt aux États-Unis aurait un effet négatif sur la croissance si la BCE augmentait également ses taux. Si elle ne le faisait pas, toutefois, le risque est que le dollar reste élevé, renchérissant nos importations énergétiques. Le point d'équilibre est difficile à trouver.

Madame Paoli-Gagin, les prévisions de croissance pour l'Allemagne sont celles du Consensus Forecasts . Elles agrègent les prévisions d'une quinzaine d'instituts économiques qui prennent en compte le plan de relance annoncé.

Monsieur Savoldelli, selon l'Agence France Trésor, 49 % de la dette française négociable est détenue par des non-résidents.

Monsieur Delcros, j'ai évoqué des pistes pour réduire les dépenses. La réforme des retraites a été mentionnée. Il est évident que plus le nombre d'actifs sera élevé, plus la production de richesses sera importante et plus l'équilibre des comptes sociaux sera aisé à trouver. Mécaniquement les déficits publics baisseront. Mais la réforme des retraites doit surtout avoir pour premier objectif de garantir un bon niveau des pensions, cohérent avec le niveau des revenus d'activité.

Nous devrons apporter collectivement des réponses pour réduire le déficit lorsque nous examinerons les missions budgétaires. Je ne suis pas un adepte de la politique du rabot, mais il est temps d'amorcer un mouvement de réduction des dépenses publiques et de ne plus laisser nos déficits dériver.

Madame Vermeillet, les personnes aux revenus modestes doivent puiser dans leur épargne pour faire face à la hausse du coût de la vie. Inversement, les ménages les plus aisés ont tendance à augmenter leur épargne de précaution. Nous devons réfléchir aux moyens de mobiliser cette épargne.

En ce qui concerne les créations de postes dans les services de la Première ministre, le plafond d'emplois augmente bien de 199 équivalents temps plein travaillés, dont 98 pour le programme « Coordination du travail gouvernemental ».

Monsieur Sautarel, je ne saurais dire si le niveau des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » destinés à financer la dette est sous-estimé. Il est difficile de faire des prévisions dans le contexte actuel ; les économistes reconnaissent eux-mêmes qu'ils n'avaient pas anticipé le retour de l'inflation.

La dimension territoriale des mesures budgétaires représente un vrai enjeu. Nous voulons un traitement équitable des territoires et en même temps on réclame davantage de décentralisation, voire un pouvoir de différenciation. Un pilotage fin s'impose en fonction des lieux et des populations, car la situation est différente dans les territoires d'industrie et en région parisienne, par exemple, où les salaires sont plus élevés, mais où la vie est aussi plus chère.

M. Claude Raynal , président . - La période est d'une rare complexité. Les inconnues sont nombreuses. Il est bien difficile d'élaborer un budget dans ces conditions.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 Audition de la commission des finances du Sénat du 19 octobre 2022 sur les perspectives économiques de la France pour les années 2023 à 2027 - Audition de MM. Maxime Darmet, économiste France à Allianz, Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode et Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

* 2 INSEE - Un automne lourd de menaces pour l'Europe - Note de conjoncture - octobre 2022.

* 3 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 4 A. Berthou, J. Schmidt - La transmission du taux de change aux prix des importations en France : le rôle des monnaies de facturation - Bulletin de la Banque de France - septembre-octobre 2022.

* 5 V. Amoureux, N. Carnot et T. Laurent - Ce que nous enseignent les déflateurs en comptabilité nationale - Blog INSEE - 2 septembre 2022.

* 6 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 7 Cette disposition entraîne par exemple le regroupement en première partie de l'ensemble des dispositions relatives aux crédits d'impôt.

* 8 Auparavant, seules les dispositions relatives aux taxes faisant l'objet d'un plafonnement étaient présentées en première partie de la loi de finances.

* 9 Tiers autres que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de logement social.

* 10 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 11 Soit 15,7 milliards d'euros d'augmentation pour les recettes brutes et 4,6 milliards d'euros de diminution pour les remboursements et dégrèvements.

* 12 Rapport n° 846 (2021-2022) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative, déposé le 28 juillet 2022.

* 13 Par convention, les soldes des comptes de commerce et des comptes d'opérations monétaires, inférieurs l'un et l'autre à 0,1 milliard d'euros, sont inclus dans les ressources des comptes spéciaux .

* 14 Cette estimation de consommation sur les crédits reportés a été réalisée dans le premier projet de loi de finances rectificative.

* 15 En 2021, l'exécution avait été positive de 0,8 milliard d'euros pour une prévision de 2,4 milliards d'euros.

* 16 Charge de la dette du budget de l'État, avant swaps (projet annuel de performances du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs) » de la mission « Engagements financiers de l'État ». Cette charge inclut celle de la dette de SCNF Réseau reprise par l'État (programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » (crédits évaluatifs) » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »).

* 17 La dernière affectation d'actifs à la Caisse de la dette publique en vue de réduire la dette remonte à l'année 2016, pour un montant de 0,8 milliard d'euros en titres d'État.

* 18 « Résultats du budget vert annexé au PLF 2023 », en page 23 du rapport sur l'impact environnemental du budget.

* 19 Projet de loi de programmation des finances publiques, texte adopté par la commission des finances du Sénat , première lecture.

* 20 Audition de Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2023, 26 septembre 2023.

* 21 Le premier quintile correspond aux 20 % des ménages les plus modestes et le cinquième quintile aux 20 % des ménages les plus aisés.

* 22 Ce montant est net des remboursements et dégrèvements et s'avère particulièrement élevé puisqu'il atteint 1,7 milliard d'euros en 2022 car, le bouclier tarifaire ayant été mis en cours d'année, de nombreux particuliers payant selon un échéancier pré-établi doivent être remboursés des sommes avancées.

* 23 Commission de régulation de l'énergie, Délibération du 13 juillet 2022 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 24 Dont 774 millions d'euros au titre de la compensation de la baisse de cotisations des travailleurs indépendants prévue par la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat et 265 millions d'euros pour prendre en charge un dispositif d'allégements généraux bénéficiant aux employeurs, auparavant pris en charge par la mission « Outre-mer ».

* 25 Voir pour plus de détails le rapport spécial de Jean-Marie Mizzon relatif à la participation de la France au budget de l'Union européenne, annexé au rapport général relatif au projet de loi de finances pour 2023.

* 26 En application de l'article 10 de la LOLF, dans sa rédaction résultant de la révision de la loi organique du 28 décembre 2021, les dépenses de l'État inscrites au tableau d'équilibre du budget figurant à l'article 26 du projet de loi de finances incluent désormais les seuls remboursements et dégrèvements d'impôts locaux.

* 27 Cet agrégat inclut certains budgets annexes et comptes spéciaux mais exclut notamment la charge de la dette.

* 28 Comme l'a expliqué le rapporteur général dans le tome I de son rapport sur le projet de loi de finances pour 2022 et supra , les crédits de ce programme correspondent à un simple jeu d'écriture et ne réduisent pas réellement l'encours de dette publique, puisqu'ils augmentent le besoin de financement à la hauteur du montant consacré au remboursement de la dette.

* 29 Programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 ».

* 30 Rapport n° 86 (2022-2023) de Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, déposé le 27 octobre 2022.

* 31 Les dépenses de pension sont bien comprises dans le périmètre des dépenses de l'État, car il inclut le compte d'affectation spéciale « Pensions » lui-même.

* 32 Cette diminution est toutefois hypothétiques car il s'agit par nature de crédits évaluatifs et les crédits importants ouverts en 2022 ne seront pas nécessairement consommés dans leur totalité.

* 33 Article 3 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 34 Une analyse plus fine pourrait aussi prendre en compte les comptes d'affectation spéciale ne présentant pas un risque de double compte, ainsi que le compte de concours financiers « Audiovisuel public » qui est assimilable à une affectation de taxe à des opérateurs. Toutefois l'état F n'indique pas explicitement quels comptes spéciaux sont associés à chaque mission.

* 35 Hors comptes spéciaux : la présentation faite à l'état F intègre les dépenses du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » aux moyens globaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ce qui fait de celle-ci la mission dotée des moyens globaux les plus importants avec 173,6 milliards d'euros.

* 36 Dont 195,0 millions d'euros pour la mission « Recherche et enseignement supérieur » et 132,9 millions d'euros pour la mission « Culture ».

* 37 Rapport n° 831 (2020-2021) de Jean-François Husson et Claude Raynal, fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, déposé le 15 septembre 2021.

* 38 Annexe générale « Fonction publique » annexée au projet de loi de finances pour 2023.

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