III. EXAMEN DU RAPPORT (2 NOVEMBRE 2022)

Réunie le mercredi 2 novembre 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2023.

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant, comme chaque année, les grandes lignes du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et son contexte économique et financier.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Après avoir eu l'occasion d'examiner, la semaine dernière, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 en commission, et débuté depuis quinze jours l'examen des missions budgétaires, je vous présente ce matin mon analyse concernant les principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2023.

Un certain nombre des observations que j'avais formulées restent les mêmes en particulier en ce qui concerne le scénario macroéconomique proposé pour l'année 2023. Il apparaît trop optimiste, voire d'ores et déjà dépassé.

Le Gouvernement retient donc la prévision d'une croissance du PIB de 2,7 % en 2022 et de 1 % en 2023. Ces prévisions ont certes été révisées depuis la présentation du programme de stabilité cet été. Le Gouvernement est un peu plus optimiste qu'il ne l'était s'agissant de l'année 2022 et il l'est un peu moins concernant l'année 2023.

Dans le détail, le Gouvernement estime que la croissance sera principalement portée par la consommation des ménages et, dans une moindre mesure, par les dépenses des administrations publiques.

Avant de dire plus précisément ce que je pense de ces prévisions, je veux rappeler qu'en 2022 et - pour ce qu'il nous est permis d'en savoir - en 2023, l'économie française a été et demeurera soumise à de nombreux chocs exogènes.

Le plus important d'entre eux est, bien sûr, la hausse des prix de l'énergie. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) nous a indiqué ici même lors d'une table ronde organisée à l'initiative de notre commission que, entre 2021 et 2023, la croissance économique aura été amputée d'environ 2,5 points de PIB sous l'effet de l'augmentation des prix de l'énergie. D'autres chocs doivent être considérés, à commencer, par exemple, par l'effet de la remontée des taux d'intérêt qui, en cumulé, pourrait représenter une perte de croissance de près de 1 point de PIB.

Je considère toujours que la prévision de croissance retenue par le Gouvernement pour l'année 2023 est trop optimiste. Ainsi, elle se situe aujourd'hui près de 0,7 point au-dessus de la moyenne du Consensus Forecasts et dans la fourchette haute des prévisions. Plus encore, cette prévision, qui, je le rappelle, n'a pas été révisée depuis la fin du mois de septembre, apparaît très fragilisée par les récents développements conjoncturels.

Au niveau national, l'Insee vient de faire paraître les comptes nationaux au troisième trimestre de l'année 2022, qui montrent un ralentissement de la croissance du PIB. En outre, dans sa note de conjoncture du début du mois d'octobre, l'Insee considérait que la croissance du PIB serait nulle au quatrième trimestre, ce qui implique que l'acquis de croissance en 2023 serait égal à zéro.

Au niveau international, les prévisions de croissance concernant nos principaux partenaires sont mauvaises. Ainsi, la zone euro, dans son ensemble, devrait connaître une croissance égale à zéro en 2023, tandis que l'Allemagne serait tout bonnement en récession de près de 1 %. Je rappelle que la stagnation pour la zone euro et la récession en Allemagne n'étaient absolument pas anticipées lors de la construction du PLF l'été dernier. Ainsi, le rapport économique, social, et financier (RESF) mentionne l'hypothèse d'une croissance du PIB en zone euro de 1,5 % et de 0,8 % en Allemagne. Il m'apparaît donc très clair que le PLF pour l'année 2023 est construit sur des hypothèses de croissance trop fragiles.

Je souhaite faire un point concernant l'évolution des prix.

Contrairement à la prévision de croissance, il me semble que la prévision d'évolution de l'inflation présente un caractère relativement central en comparaison du consensus économique. En 2023, elle devrait, selon le Gouvernement, atteindre environ 4,3 %, ce qui est significatif. L'inflation en France demeure très majoritairement importée et c'est ce qui justifie, je crois, de continuer à mettre en oeuvre et à améliorer les dispositifs de soutien.

Ainsi, le prix des ressources en comptabilité nationale - il mesure le prix de la valeur ajoutée produite sur le territoire et le prix des importations - a progressé d'un peu plus de 7 % au troisième trimestre 2022 par rapport à l'année dernière. Sur cette forte progression, environ 6,7 points s'expliquent par la seule hausse du prix des importations. Cette hausse s'explique, quant à elle, pour près de 60 %, par l'augmentation des prix de l'énergie et, dans une moindre ampleur, par celle des produits manufacturés. Pour beaucoup, cette hausse des prix à l'importation provient des tensions d'approvisionnement liées à la guerre dans le cas de l'énergie. Toutefois, une autre explication peut être recherchée dans la dépréciation très rapide de l'euro face au dollar et d'autres monnaies qui lui sont liées. En effet, l'euro a perdu en un an près de 20 % de sa valeur face au dollar et près de 15 % face à l'ensemble des monnaies mobilisées pour payer les importations françaises. Pour mémoire, plus du quart des importations françaises et la quasi-totalité des importations d'énergie sont réglées en dollar.

Cette forte hausse du prix des importations et particulièrement de l'énergie entraîne une « dégradation des termes de l'échange », c'est-à-dire qu'à quantité égale nos importations nous coûtent plus cher que ce que nos exportations nous rapportent. D'après l'Insee, en 2022, la hausse des prix de l'énergie devrait ainsi représenter un prélèvement net sur le revenu national d'environ 1,5 point.

Le caractère encore très largement importé de notre inflation justifie, je le disais, que nous continuions à mettre en oeuvre des dispositifs de soutien en faveur des ménages, des entreprises et des collectivités locales. En effet, ces mécanismes ont jusqu'ici montré des résultats probants même si c'est - il faut le dire clairement - au prix fort pour les finances publiques.

Ainsi, les dispositifs mis en oeuvre depuis cette année auraient, d'après le Gouvernement, permis de réduire l'inflation totale en France de 2 à 3 points.

De fait, les prévisionnistes considèrent que l'inflation en France sera en 2022 et 2023 bien plus faible que dans la plupart des économies développées. Cela a un coût : près de 50 milliards d'euros en 2022 et probablement plus de 56 milliards d'euros en 2023. Pour nécessaires qu'elles soient, ces dépenses doivent nous rappeler à observer une grande vigilance puisque, comme vous le savez, les conditions de financement de la France ne sont plus exactement les mêmes que par le passé.

En effet, l'inflation a également contribué à une augmentation rapide des taux nominaux sur le marché des obligations souveraines.

Depuis octobre 2021, c'est-à-dire il y a environ un an, le taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) françaises à dix ans a augmenté de 290 points de base. Ce mouvement a été observé dans d'autres pays, à commencer par nos partenaires de la zone euro et au Royaume-Uni.

Pour autant, la perception que les investisseurs ont du risque des obligations françaises s'est détériorée. Ainsi, depuis janvier 2021, l'écart entre le taux des obligations à dix ans françaises et allemandes s'est accentué de 0,4 point de pourcentage. La situation est encore plus préoccupante en Italie, où cet écart s'est accentué de 1,5 point, laissant craindre un risque de fragmentation du marché obligataire en zone euro, qui a contraint la Banque centrale européenne (BCE) à réagir l'été dernier. D'après les prévisions dont nous disposons, et sans doute grâce à l'action de la BCE, les écarts de taux devraient se stabiliser. D'après le Consensus Forecasts , les écarts français et italiens devraient diminuer d'environ 0,1 point d'ici à un an.

J'en viens maintenant à la présentation de la situation des finances publiques.

Je veux alerter sur le fait que les mesures de crise ne peuvent pas expliquer toute la dégradation de nos comptes publics et qu'il est urgent de mettre en oeuvre une stratégie de maîtrise des dépenses ordinaires. En 2023, le déficit du solde public devrait atteindre 5 % du PIB et l'endettement environ 111,2 %.

S'agissant des recettes publiques, j'observe qu'elles progresseront d'environ 137 milliards d'euros entre 2021 et 2023. La majorité de cette hausse s'observera en 2022 avec une progression de 80 milliards d'euros des prélèvements obligatoires, contre « seulement » 43 milliards d'euros en 2023. Cette différence s'explique par un ralentissement des perspectives de croissance, mais aussi par une hypothèse d'élasticité des recettes plus forte en 2022 : 1,5 contre 0,6 en 2023.

Plusieurs mesures nouvelles viendront réduire le rendement fiscal, à commencer par la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, la poursuite de la suppression de la taxe d'habitation et, sauf s'il en est décidé autrement, la suppression de la part communale et intercommunale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Les recettes liées à la crise de l'énergie apporteront une contribution positive à l'évolution des recettes. Cela peut sembler paradoxal à première vue, mais cette situation s'explique par le fait que l'État va bénéficier de versements, pour environ 20 milliards d'euros sur deux ans, de la part des producteurs d'énergie. En temps normal, en effet, l'État verse des subventions à ces producteurs, dont le montant est calculé en fonction de la différence entre un prix de référence et le prix de marché de l'électricité. Actuellement, le prix de marché est au-dessus de ce prix de référence. En conséquence, l'État ne verse plus de subventions et il encaisse des recettes. Ces dernières permettront d'ailleurs de financer les mesures qui, elles, présentent bien un coût pour l'État que ce soit en recettes - comme la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) - ou en dépenses - comme la remise à la pompe.

Les dépenses vont également progresser de 111 milliards d'euros environ entre 2021 et 2023, avec une plus forte contribution de l'année 2022.

En réalité, la hausse des dépenses est beaucoup plus importante, car l'État - je viens d'en donner l'exemple avec le cas des subventions aux producteurs d'énergie - bénéficie de moindres dépenses tout à fait conjoncturelles.

Les dépenses primaires retraitées du coût des mesures de crise progresseront ainsi de 137 milliards d'euros sur les deux années, dont 65 milliards d'euros en 2023. En parallèle, les dépenses de crise diminueront d'environ 27 milliards d'euros sous l'effet, principalement, de l'extinction des mesures liées au covid et au plan de relance. En outre, les administrations bénéficieront d'une moindre dépense de l'ordre de 26 milliards d'euros liée au non-versement des subventions au profit des producteurs d'électricité. Les mesures de revalorisation des pensions et du traitement des fonctionnaires contribueront à augmenter la dépense d'environ 16 milliards d'euros. Enfin, la charge de la dette progresserait d'environ 10 milliards d'euros sous l'effet, pour l'instant, du renchérissement des intérêts versés au titre des obligations indexées sur l'inflation.

Il me semble utile de préciser que la hausse des dépenses primaires hors coût des mesures de crise en 2022 et en 2023 est particulièrement sensible en comparaison historique.

Ainsi, en 2022, les dépenses primaires, hors mesures de crise, augmenteront d'environ 2,6 points de PIB, ce qui n'a pas été constaté depuis 1993 et qui plaide pour engager rapidement une trajectoire de consolidation des comptes publics.

Pour votre information, le solde public restera particulièrement dégradé en raison de la situation financière de l'État.

Les comptes des administrations publiques locales seront à l'équilibre en 2023, et j'observe même que les collectivités locales présenteront un excédent. En effet, le déficit des administrations publiques locales s'explique par la prise en compte de certains organismes comme la Société du Grand Paris (SGP) - largement pilotée par l'État - et qui eux sont en déficit.

Les administrations sociales parviendraient à l'équilibre grâce à l'amélioration du solde du régime général. Pour autant, malgré l'extinction des dépenses liées au covid, la progression des dépenses reste forte en raison, notamment, de la revalorisation des prestations sociales et des retraites.

Ce tableau des années 2022 et 2023 doit être replacé dans la perspective plus longue que trace le projet de loi de programmation des finances publiques. La trajectoire que nous y proposait le Gouvernement n'était pas raisonnable. En effet, elle consistait à laisser filer la dépense de l'État et à n'imposer d'efforts réels qu'aux administrations locales. La semaine dernière, notre commission des finances a donc adopté une trajectoire d'évolution des dépenses plus ambitieuse, qui prévoit que les administrations centrales réaliseront une baisse de dépense primaire hors mesures de crise de l'ordre de 0,5 % en volume chaque année. Cette trajectoire nous permettra de revenir en dessous de 3 % de déficit public dès 2025 ; il me semble que c'est la direction qu'il faut suivre.

Comme je vous l'avais indiqué, cette trajectoire implique la réalisation d'efforts dès le PLF pour 2023. En l'occurrence, une économie de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros doit être recherchée. Je souhaite qu'elle préserve les dépenses sociales, les dépenses de sécurité ainsi que celles qui sont relatives à l'éducation. J'aurai l'occasion, en séance, de vous présenter les mesures d'économies par mission que je propose d'appliquer.

La seconde partie de cette présentation sera centrée sur le budget de l'État, qui fait l'objet de l'autorisation en loi de finances. En un mot, le déficit comme les dépenses restent sur les sommets atteints pendant la crise sanitaire, et le Gouvernement ne semble pas trouver, voire même chercher, les moyens d'en redescendre.

Voyons d'abord où nous en sommes pour l'année en cours. La situation n'a guère évolué par rapport au collectif budgétaire de l'été : le déficit serait un peu moins élevé que prévu grâce à de bonnes rentrées fiscales et en raison d'un prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne moins important que prévu. Le déficit budgétaire de l'État dépasserait donc les 170 milliards d'euros, comme en 2020 et 2021.

Ces éléments sont toutefois provisoires et ne prennent pas en compte les mouvements de crédits réalisés par le projet de loi de finances rectificative de fin d'année, qui pourrait modifier de manière significative les conditions de l'équilibre budgétaire en 2022.

En 2023, le projet de loi de finances prévoit une nette diminution du déficit budgétaire par rapport à l'exécution 2022 ; il atteindrait 158,5 milliards d'euros. Toutefois c'était déjà le cas les trois années précédentes et des collectifs budgétaires sont venus, à chaque fois, dégrader les perspectives en cours d'année.

La demi-suppression de la CVAE produit des effets contrastés : d'un côté, une nouvelle part de TVA est affectée aux collectivités territoriales ; de l'autre, la CVAE est désormais affectée à l'État en attendant sa suppression complète en 2024.

Le versement européen annuel au titre du plan de relance devrait être supérieur de 5,3 milliards d'euros à son montant de 2022. Enfin, les dépenses liées à la crise sanitaire devraient bien sûr diminuer considérablement. Les autres dépenses du budget général, elles, devraient augmenter de 14,2 milliards d'euros.

Je reviendrai plus en détail dans un instant sur les recettes comme sur les dépenses, mais un point particulier introduit une certaine confusion entre les unes et les autres : c'est le bouclier tarifaire. En effet, comme je l'ai indiqué précédemment, les producteurs d'énergies renouvelables, qui bénéficient des prix très élevés de l'électricité qu'ils vendent sur les marchés, reversent à l'État la différence entre ces prix de marché et les prix figurant sur leurs contrats. Mais au lieu d'isoler cette recette dans le budget, le programme 345 « Service public de l'énergie » opère une sorte de compensation avec les sommes que l'État verse par ailleurs aux opérateurs afin de compenser le coût du gel des tarifs de l'électricité et du gaz, c'est-à-dire le bouclier tarifaire. Suivant les informations que j'ai obtenues, la procédure de rétablissement de crédits a été suivie, mais les documents budgétaires sont muets sur ces procédures et sur leur justification au point de vue du principe d'universalité budgétaire.

Pour la quatrième année consécutive, le déficit budgétaire devrait donc dépasser le niveau, auparavant jamais atteint, de 150 milliards d'euros. Ce budget est celui de tous les records : jamais un projet de loi de finances n'avait été présenté avec un tel niveau de déficit dès le début de la discussion budgétaire ; jamais un budget n'a prévu un tel niveau d'emprunts nouveaux - 270 milliards d'euros en 2023 - ; jamais non plus la France n'a dû rembourser autant d'emprunts arrivés à l'échéance - 156,5 milliards d'euros. La France décaissera plus, en 2023, pour rembourser des emprunts que pour financer, hors pensions, l'éducation nationale, la recherche et les armées réunies.

L'accumulation des déficits, à laquelle le Gouvernement ne prévoit pas réellement de mettre fin dans le projet de loi de programmation des finances publiques, pousse les curseurs de la dette toujours plus haut. Arrivé à de telles altitudes, l'emprunt toujours renouvelé place le pays sous respirateur artificiel, et la facture commence à être présentée : c'est la charge de la dette qui, dès cette année, dépasse les 50 milliards d'euros en comptabilité budgétaire.

Or la dette climatique s'ajoute à la dette budgétaire. Les dépenses défavorables au climat doublent de montant en 2023, à un niveau de 19,6 milliards d'euros ; encore ce montant est-il probablement sous-estimé, car, au lieu de prendre en compte la totalité du bouclier tarifaire de 45 milliards d'euros, le rapport « budget vert » ne considère que le coût net, estimé à 8,9 milliards d'euros de crédits budgétaires.

Face à ces dépenses, la fiscalité énergétique est toujours aussi inégalitaire : elle pèse plus sur les ménages à revenus modestes, ainsi que sur ceux qui vivent dans des communes rurales ou dans de petits pôles urbains.

Il ne faut guère espérer des recettes qu'elles aident l'État à infléchir la trajectoire de la dette en 2023, car elles devraient être de 345,1 milliards d'euros, soit en diminution de 5,8 milliards d'euros en valeur ou de 2,7 % en volume.

Les deux principaux phénomènes affectant l'évolution des recettes fiscales sont la suppression progressive de la CVAE et la poursuite du bouclier tarifaire.

Le coût pour l'État de la première phase de la suppression de la CVAE est estimé à 3,6 milliards d'euros avec, d'une part, l'affectation d'une fraction de TVA aux collectivités et, d'autre part, l'affectation de la CVAE au budget de l'État. La poursuite du bouclier tarifaire annule les recettes de la TICFE, alors que ces recettes étaient en 2021 de 7,4 milliards d'euros.

Le produit de la TVA est ainsi de plus en plus émietté entre des affectataires divers, dont l'audiovisuel public depuis l'été dernier. L'État ne perçoit plus que 45,3 % de la TVA nette totale, ce qui aura nécessairement des implications sur la politique fiscale : toute décision relative à la TVA et à l'application de ses taux réduits devra prendre en compte les conséquences éventuelles sur le financement des autres administrations affectataires.

Le produit de l'impôt sur les sociétés devrait diminuer de 3,7 milliards d'euros en 2023, mais cette évolution doit s'apprécier par rapport au niveau exceptionnel attendu en 2022. Celui de l'impôt sur le revenu restera stable, car l'indexation du barème devra annuler à peu près l'évolution spontanée.

Enfin la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), comme la TVA, subit une affectation supplémentaire de son produit à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Ses recettes diminueront pour l'État de 1,2 milliard d'euros.

Parmi les recettes non fiscales, l'élément le plus notable ces dernières années est le cofinancement, par l'Union européenne, du plan de relance au titre de la facilité pour la reprise et la résilience. Un versement de 12,7 milliards d'euros est attendu en 2023, après 7,4 milliards d'euros en 2022 et 5,1 milliards d'euros en 2021. Toutefois, alors qu'il était prévu au départ un financement total, sur l'ensemble de la période, de 39,4 milliards d'euros, ce montant a été révisé par la Commission européenne à 37,5 milliards d'euros : en effet, il était en partie indexé sur la reprise de l'activité, qui au cours de l'année 2021 a été plus rapide que prévu.

Enfin, le prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne serait de 24,6 milliards d'euros, en baisse de 0,4 milliard d'euros, mais cette prévision est toujours un peu incertaine, car elle dépend des budgets rectificatifs adoptés au niveau européen. Les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales, eux, devraient être à peu près stables à 43,7 milliards d'euros.

Face à la réduction des recettes, le réflexe budgétaire devrait être d'agir sur les dépenses ; c'est bien pour cela que la loi de finances comprend deux parties, et que le vote des recettes précède l'examen des crédits. On en est loin : le Gouvernement choisit les dépenses qui doivent augmenter, mais pas les économies qui devraient les compenser. Il prépare donc la poursuite de la dégradation des finances publiques.

La mission « Engagements financiers de l'État » redevient la deuxième mission du budget général devant la mission « Défense ». C'est la conséquence de la reprise de la charge de la dette, mais aussi, il faut le dire, de l'ouverture de 6,6 milliards d'euros de crédits « virtuels » sur le programme d'amortissement de la dette covid. Je rappelle que ce programme est un pur artifice budgétaire, car la dette qu'il annule est celle qu'il a lui-même créée par cette ouverture de crédits.

Les hausses de crédits entre 2022 et 2023 reflètent l'application des lois de programmation en cours et les priorités données à certaines politiques, notamment l'enseignement scolaire, la défense et la justice.

L'analyse est différente selon qu'on prend comme référence la loi de finances initiale pour 2022 ou les crédits totaux ouverts en cours d'année. Par exemple, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » a été fortement renforcée par le décret d'avance du 7 avril et par la loi de finances rectificative du 16 août : par rapport à ce sommet, les crédits diminuent de 3,2 milliards d'euros en 2023, alors qu'ils augmentent de 6,1 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Dans une vision pluriannuelle, qui est d'ailleurs renforcée dans les documents budgétaires en application de la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du 28 décembre dernier, les perspectives ne sont guère rassurantes.

Le niveau des restes à payer, c'est-à-dire des dépenses qu'il faudra bien assurer pour couvrir les engagements déjà pris, a augmenté de plus de 50 % depuis 2017. Ils portent principalement sur un petit nombre de missions, qui engagent par nature des dépenses portant sur plusieurs années.

Enfin la trajectoire des dépenses, telle qu'elle résulte du projet de loi de programmation des finances publiques, prévoit ici encore le maintien sur un palier élevé en volume : il semble impossible, malgré la sortie de la crise sanitaire, de revenir au niveau de dépenses antérieur.

Il ne faut pas attendre une économie sur les dépenses de personnel. Si le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une stabilité des schémas d'emploi, il prend prudemment comme référence l'année 2023, c'est-à-dire après l'augmentation de 10 000 emplois prévue par le présent projet de loi de finances. Cette augmentation porte principalement sur les ministères régaliens, ainsi que sur l'éducation nationale.

L'augmentation des emplois, mais aussi et surtout celle des rémunérations, avec l'effet en année pleine de la hausse du point d'indice, et la revalorisation des rémunérations des enseignants, conduisent, pour la deuxième année consécutive, à une forte hausse de la masse salariale de 9,1 % en deux ans, ce qui constitue un record supplémentaire.

On le constate, sur les dépenses de personnel comme sur l'ensemble des crédits des politiques publiques, le Gouvernement ne fait pas de choix : il favorise certaines politiques, qui en ont certainement besoin, mais n'affiche aucune volonté de décider celles qui devraient au contraire voir leurs moyens réduits. Dès le début du quinquennat, l'heure des choix est renvoyée au prochain quinquennat.

M. Vincent Delahaye . - Je remercie notre rapporteur général pour cette analyse du déséquilibre - et non de l'équilibre ! - de nos finances publiques, qu'il a chiffré en valeur absolue, et non seulement en points de pourcentage du PIB : c'est plus clair ! Si l'on regarde bien, le déficit est bien plus important encore. On continue à emprunter non pas pour investir, mais pour financer des dépenses courantes.

Le solde des administrations locales est à l'équilibre, mais les collectivités territoriales présentent un excédent. Cela signifie-t-il que les autres administrations locales sont en déficit ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Je souscris à l'analyse de notre rapporteur général. Les dépenses courantes sont trop élevées. Le Gouvernement annonce une baisse des dépenses, mais c'est trompeur, car il prend pour base de comparaison le niveau du budget atteint pour faire face au covid : en définitive, le déficit reste plus élevé qu'avant la crise !

Comme il semble difficile de baisser les dépenses courantes, une solution pourrait être, selon les économistes et le Gouvernement, de « travailler plus » ; c'est le sens de la réforme des retraites, qui vise à augmenter le taux d'emploi des seniors. Pensez-vous que cette réforme dégagerait suffisamment de gains budgétaires ? Mais il convient aussi de trouver le bon réglage budgétaire dans la conjoncture économique actuelle pour éviter la récession. Quelle est la part des dépenses publiques « positives » qui ont permis de réduire l'inflation et eu sur l'économie un effet bénéfique ? Quelle est la rentabilité budgétaire du bouclier tarifaire et des mesures similaires ?

Nul ne sait où se situe le point de bascule en ce qui concerne le déficit. On ne le connaît en général que lorsqu'il est trop tard, comme le montrent le revirement britannique ou la position du nouveau gouvernement italien en faveur de l'orthodoxie budgétaire. Ces expériences doivent nous inciter à la prudence. Les Allemands considèrent qu'il y a un découplage entre leur pays et la France, ils considèrent que la France fait cavalier seul en Europe sur le plan budgétaire et qu'elle dépense trop.

M. Marc Laménie . - Quelles sont les perspectives d'évolution du déficit budgétaire à court terme ? La mission « Engagements financiers de l'État » est la seconde mission du budget général : quelles sont là encore les perspectives d'évolution ? Quel sera l'impact de la politique budgétaire pour les collectivités territoriales ?

M. Vincent Segouin . - S'agissant du budget, les années se suivent et se ressemblent, et la situation s'aggrave. La suppression de la CVAE s'inscrit dans une tendance de diminution des prélèvements directs des collectivités. Pourtant celles-ci sont à l'équilibre. À l'inverse, les dépenses de l'État progressent, mais celui-ci est un mauvais gestionnaire. On invoque souvent la décentralisation, mais en matière fiscale, celle-ci n'existe pas !

Le projet de loi de finances repose sur une prévision de croissance de 1 %. Mais les banques centrales remontent leurs taux d'intérêt : quelles seront les conséquences sur la croissance et nos finances publiques ?

M. Pascal Savoldelli . - Connaît-on l'identité de ceux auprès de qui la France emprunte ? Les taux d'intérêt ont longtemps été négatifs. Cela ne constitue-t-il pas un petit matelas financier pour l'État ?

Ensuite, êtes-vous favorable à une hausse des recettes de l'État ? Quelles sont vos préconisations ?

M. Roger Karoutchi . - Je partage l'analyse de notre rapporteur général. Le déséquilibre entre l'État et les collectivités territoriales s'accroît, mais le Gouvernement s'en moque. Cela finira mal, car quand les collectivités territoriales ne pourront plus investir, on en verra les conséquences sur l'économie réelle.

Le projet de loi de finances repose sur une prévision de croissance de 1 %. Je ne comprends pas pourquoi l'exécutif ne parvient pas à mieux tenir compte des réalités. Il avait déjà, en dépit de nos mises en garde, sous-estimé l'ampleur et le coût de la crise du covid. Au printemps, j'ai alerté le Gouvernement sur le coût de la guerre en Ukraine. Une crise avec la Corée du Nord est possible ; un conflit entre l'Arabie saoudite et l'Iran semble imminent, qui aura des conséquences sur le prix du pétrole, notamment. Mais on a l'impression que le Gouvernement vit dans une bulle, ignorant la situation internationale : il veut être optimiste comme le dit M. Le Maire, pour ne pas inquiéter les Français, mais, en fait, il ne tient pas compte des réalités.

Mme Vanina Paoli-Gagin . - Les prévisions de croissance de la zone euro tiennent-elles compte du plan de relance de 200 milliards d'euros annoncé par l'Allemagne et des délocalisations industrielles, notamment dans l'automobile, vers l'Asie ?

Mme Christine Lavarde . - Quelle est l'évolution du ratio entre les mesures fiscales favorables et les mesures fiscales défavorables au climat ? D'après la trajectoire pluriannuelle des finances publiques, ce ratio devrait augmenter, mais la baisse de la TICFE ne va pas dans le bon sens à cet égard.

M. Christian Bilhac . - Autant je suis critique sur le projet de loi de programmation des finances publiques, autant je serai plus indulgent sur le projet de loi de finances. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. La politique du rabot n'est pas une bonne solution, même si je suis conscient de la nécessité de faire baisser les dépenses de l'État. Pour faire des choix, il faut s'inscrire dans la durée. Les collectivités territoriales seront les premières victimes. Or elles sont déjà étranglées financièrement, et ce n'est pas en éteignant les lumières la nuit qu'elles pourront compenser le surcoût de la facture énergétique ni la hausse du point d'indice des fonctionnaires. Mais dans quelles missions faut-il faire des économies ? Les besoins sont énormes. Seule une nouvelle phase de décentralisation permettrait de faire des économies, et non une politique de rabot.

Mme Sylvie Vermeillet . - Quels seront les effets de la hausse de l'inflation sur l'épargne des ménages ? Comment s'explique la forte hausse de la charge de la dette ? Pourriez-vous aussi nous donner plus de précisions sur la création de 208 équivalents temps plein (ETP) dans les services de la Première ministre ?

M. Stéphane Sautarel . - Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » s'élèvent à 60 milliards d'euros : cela suffira-t-il à faire face au renchérissement de notre dette en raison de la hausse des taux d'intérêt ?

L'impact de la fiscalité énergétique est inégal selon les territoires. Les aides de l'État, comme la remise à la pompe ou le bouclier tarifaire, ne dureront pas éternellement. Comment le Gouvernement entend-il aider les ménages ?

M. Jean-Claude Requier . - Le constat de notre rapporteur général est froid et réaliste. L'évolution de la TVA m'inquiète : celle-ci était un impôt d'État, mais plus de la moitié de son produit est désormais préaffecté. On se souvient que la baisse de la TVA dans la restauration a profité aux restaurateurs, et peu aux clients !

L'État fonctionne grâce à la dette. Mais comment maîtriser la dépense publique ? Quelles dépenses réduire ? En France, dès qu'un problème surgit, on demande à l'État d'agir. La décentralisation constitue une piste ; je rappelle toutefois que lorsque les collectivités ont reçu la charge des lycées, elles ont dû les rénover et mettre à contribution les contribuables locaux. Aujourd'hui les intercommunalités se développent, embauchent et les impôts augmentent. En conclusion, pour prolonger les propos de M. Karoutchi, je rappellerai qu'en 1939, alors que la guerre menaçait, la chanson à la mode était Tout va très bien, Madame la marquise ...

M. Arnaud Bazin . - Le déficit de notre balance commerciale atteint des sommets, ou des abysses... Pourtant la France a un différentiel d'inflation plutôt favorable par rapport à ses voisins. Quel est l'effet de ce déficit sur nos finances publiques ?

M. Michel Canévet . - J'étais heureux en apprenant que le Gouvernement prévoyait plus de 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires dans le projet de loi de finances rectificative, mais la présentation de notre rapporteur général sur le projet de loi de finances me sape le moral ! On peut se demander si nous sommes capables de maîtriser les dépenses ! Serons-nous en mesure de sortir du bouclier tarifaire sur l'énergie ? Nos entreprises sont fragilisées par la hausse considérable des prix de l'énergie.

Les dépenses de personnel augmentent. Quelles sont vos pistes d'économies ? Enfin, les prévisions de recettes non fiscales ne sont-elles pas sous-estimées ? Les entreprises se portent bien ; les recettes liées aux dividendes devraient être meilleures.

M. Daniel Breuiller . - Le constat de notre rapporteur général est inquiétant. Je ne comprends pas comment le Gouvernement peut choisir de poursuivre les baisses d'impôt : suppressions de la CVAE, de la redevance audiovisuelle, de la taxe d'habitation, etc. Les boucliers tarifaires bénéficient aussi à celles et ceux qui appartiennent aux déciles les plus élevés. Les baisses d'impôt ne sont pas ciblées. Notre rapporteur général fait la description d'une économie malade, mais les entreprises ont versé 60 milliards d'euros de dividendes... La répartition des richesses est en fait de plus en plus inégalitaire.

La dette climatique est inquiétante. Il importe désormais d'en chiffrer le coût, car les conséquences du réchauffement s'amplifient année après année. On subventionne massivement le pétrole à cause de la crise, mais cela ne fait qu'accroître notre dette climatique.

L'an dernier, la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés s'est accompagnée d'une forte hausse de son produit. Si les recettes baissent, faut-il alors augmenter les taux d'imposition ? Certaines entreprises ont des marges élevées.

Je remercie notre rapporteur général pour son analyse du poids de la fiscalité énergétique en proportion du revenu des ménages en fonction des territoires. J'aimerais avoir la même analyse en fonction des déciles de revenu. On pourrait mieux cibler nos décisions budgétaires en fonction des situations sociales et géographiques des ménages.

M. Rémi Féraud . - Les éléments fournis par notre rapporteur général n'incitent pas à l'optimisme. Comme chaque année... Mais le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 repose sur des hypothèses optimistes et semble ignorer les risques de crise à cause de la situation internationale.

Nous ne sommes pas d'accord sur les dépenses. Alors que la dette climatique s'accroît, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » diminuent de 3,2 milliards d'euros en 2023. Notre rapporteur soutient plutôt la politique de l'offre du Gouvernement. Toutefois, nous partageons une même préoccupation quant à la dette et au déficit, notamment à un moment où les taux d'intérêt se tendent. N'est-il pas urgent, dès lors, d'arrêter la baisse des impôts ? La suppression de la CVAE, par exemple, entraîne une hausse des dépenses de l'État, car il faut la compenser.

M. Bernard Delcros . - M. Savoldelli a posé une question sur les recettes. Symétriquement, il convient de réduire les dépenses. Quelles dépenses proposez-vous de baisser ? Pour quel montant ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général. - Monsieur Delahaye, les collectivités locales sont en excédent, en effet, mais les autres administrations locales, comme la Société du Grand Paris, sont en déficit.

Monsieur Laménie, le projet de loi de programmation fixe des objectifs de croissance, modérée certes, des crédits de presque toutes les missions, mais il ne prévoit que très peu de baisses. C'est pourtant le rôle de l'exécutif de définir des orientations et de faire des choix. Bruno Le Maire a dit qu'il attendait du Parlement des propositions de réduction des dépenses. J'en ferai. Il faut non seulement examiner les crédits de chaque mission budgétaire, mais il faut aussi s'interroger sur la pertinence de poursuivre des politiques engagées dans le passé, qui ne sont peut-être plus justifiées en raison de l'évolution du contexte.

Les crises s'accumulent : covid, guerre en Ukraine, crise énergétique, désorganisation des circuits d'approvisionnement, tension sur les matières premières, etc. Cette situation pèse sur tous les pays. Nous devons donc coordonner nos actions. Le choix de l'Allemagne de lancer un plan de soutien massif constitue à cet égard un coin dans la construction européenne. On accuse souvent l'Europe de tous les maux, mais celle-ci nous protège aussi, pourvu que l'on parvienne à s'accorder sur des choix convergents.

Si la poursuite de la trajectoire de la programmation militaire me semble justifiée, il faudrait sans doute revoir d'autres programmations ou certaines dépenses fiscales. Il faut analyser les choses avec lucidité. Songez à l'éducation nationale par exemple : le nombre des élèves baisse, le nombre d'enseignants augmente, ainsi que leur rémunération ; pourtant nos résultats dans les tests internationaux mesurant les acquis de connaissances et le niveau scolaire général ne nous placent pas en tête... Il est donc légitime de s'interroger sur ce qui dysfonctionne. Il en va de même dans la santé : les plans se succèdent, mais leurs effets tardent à se faire sentir et certains personnels ont été oubliés. La situation des urgences pédiatriques est préoccupante. Il importe d'identifier nos faiblesses pour essayer de les corriger, mais cela ne signifie pas qu'il faille conserver les acquis dans tous les secteurs ; sinon rien ne bougera et les déficits continueront à se creuser, alors même que les recettes fiscales baissent et que le coût de la dette augmente. La parité entre l'euro et le dollar ne nous est pas favorable non plus. Un mouvement de délocalisation est déjà perceptible, pas seulement vers l'Asie d'ailleurs, mais aussi vers les États-Unis.

Monsieur Capo-Canellas, nous devons réduire nos dépenses, pour sortir de l'effet ciseaux entre un PIB qui augmente peu et des dépenses qui progressent. La remise à la pompe et le bouclier tarifaire ont contribué à contenir l'inflation en France d'environ deux à trois points d'après le Gouvernement.

Monsieur Karoutchi, les règles européennes imposent que les prévisions macroéconomiques soient réalisées par un organisme indépendant : en France, c'est la direction du Trésor...

M. Roger Karoutchi . - On est rassuré !

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Madame Lavarde, le ratio entre les dépenses favorables au climat et les dépenses défavorables se dégrade fortement en 2023, notamment en raison de la mise en oeuvre du bouclier tarifaire : nous l'avions d'ailleurs voté, il est vrai, car il fallait répondre à l'urgence, mais il a pour conséquence de soutenir la consommation des énergies fossiles, ce qui n'est pas très vertueux en effet.

Monsieur Breuiller, il est important, lorsque l'on parle d'écologie ou de transition énergétique, d'en évaluer les enjeux territoriaux et sociaux, de s'interroger, comme le Sénat le fait, sur le coût relatif des énergies fossiles et renouvelables : il convient de clarifier ces points si l'on veut identifier les leviers d'action. Il ne faut pas demander aux collectivités de faire l'effort à la place de l'État. Celui-ci a délégué aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) le soin d'élaborer les plans de protection de l'atmosphère (PPA) ou les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), mais sans leur octroyer de financements... Le Gouvernement ne doit pas se contenter de distribuer les bons et les mauvais points lorsque la mise en oeuvre ne va pas assez vite. L'instauration du mécanisme des zones à faibles émissions (ZFE) a été très rapide, pour ne pas dire brutale. L'État doit accompagner les collectivités.

En ce qui concerne les données sociales, je ne connais pas la répartition du poids relatif de la fiscalité en fonction des déciles de revenu. Il serait utile de disposer de ces éléments, en effet. En tout cas, selon une étude de l'Insee, une hausse de 3 points de la TVA entraîne une baisse de 2 % du niveau de vie pour les personnes du premier décile et une baisse de 0,6 % pour les personnes du décile 9 ce qui confirme ce que nous savions déjà : la TVA pèse davantage sur les personnes aux revenus les moins élevés.

Monsieur Bazin, le projet de loi de finances tient compte du déficit du commerce extérieur à travers ses effets sur la croissance. Nous avons un problème de compétitivité, car nous sommes les champions d'Europe des prélèvements obligatoires. Ces derniers constituent une contrainte pour notre économie. Une part importante - environ 40 % - de notre déficit commercial est due au coût de l'énergie. De plus, comme la parité de l'euro vis-à-vis du dollar se dégrade et que les achats de pétrole sont effectués en dollars, le déséquilibre de notre balance extérieure s'accroît encore davantage.

Monsieur Canévet, les recettes non fiscales sont difficiles à prévoir. En ce qui concerne les dividendes, je vous renvoie au rapport de notre collègue Victorin Lurel sur le compte d'affectation spéciale relatif aux participations financières de l'État.

La hausse des taux d'intérêt aux États-Unis aurait un effet négatif sur la croissance si la BCE augmentait également ses taux. Si elle ne le faisait pas, toutefois, le risque est que le dollar reste élevé, renchérissant nos importations énergétiques. Le point d'équilibre est difficile à trouver.

Madame Paoli-Gagin, les prévisions de croissance pour l'Allemagne sont celles du Consensus Forecasts . Elles agrègent les prévisions d'une quinzaine d'instituts économiques qui prennent en compte le plan de relance annoncé.

Monsieur Savoldelli, selon l'Agence France Trésor, 49 % de la dette française négociable est détenue par des non-résidents.

Monsieur Delcros, j'ai évoqué des pistes pour réduire les dépenses. La réforme des retraites a été mentionnée. Il est évident que plus le nombre d'actifs sera élevé, plus la production de richesses sera importante et plus l'équilibre des comptes sociaux sera aisé à trouver. Mécaniquement les déficits publics baisseront. Mais la réforme des retraites doit surtout avoir pour premier objectif de garantir un bon niveau des pensions, cohérent avec le niveau des revenus d'activité.

Nous devrons apporter collectivement des réponses pour réduire le déficit lorsque nous examinerons les missions budgétaires. Je ne suis pas un adepte de la politique du rabot, mais il est temps d'amorcer un mouvement de réduction des dépenses publiques et de ne plus laisser nos déficits dériver.

Madame Vermeillet, les personnes aux revenus modestes doivent puiser dans leur épargne pour faire face à la hausse du coût de la vie. Inversement, les ménages les plus aisés ont tendance à augmenter leur épargne de précaution. Nous devons réfléchir aux moyens de mobiliser cette épargne.

En ce qui concerne les créations de postes dans les services de la Première ministre, le plafond d'emplois augmente bien de 199 équivalents temps plein travaillés, dont 98 pour le programme « Coordination du travail gouvernemental ».

Monsieur Sautarel, je ne saurais dire si le niveau des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » destinés à financer la dette est sous-estimé. Il est difficile de faire des prévisions dans le contexte actuel ; les économistes reconnaissent eux-mêmes qu'ils n'avaient pas anticipé le retour de l'inflation.

La dimension territoriale des mesures budgétaires représente un vrai enjeu. Nous voulons un traitement équitable des territoires et en même temps on réclame davantage de décentralisation, voire un pouvoir de différenciation. Un pilotage fin s'impose en fonction des lieux et des populations, car la situation est différente dans les territoires d'industrie et en région parisienne, par exemple, où les salaires sont plus élevés, mais où la vie est aussi plus chère.

M. Claude Raynal , président . - La période est d'une rare complexité. Les inconnues sont nombreuses. Il est bien difficile d'élaborer un budget dans ces conditions.

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