CHAPITRE VI BIS

FAVORISER L'EMPLOI DES SENIORS ET RAMENER LE SYSTÈME DE RETRAITES À L'ÉQUILIBRE

Article additionnel après l'article 37 bis
Mesures de soutien à l'emploi des seniors, de compensation de la pénibilité du travail, du handicap et des carrières longues et de redressement des comptes de la branche vieillesse

Cet article vise à favoriser le maintien des seniors dans l'emploi, à assurer la prise en compte de la pénibilité du travail, du handicap et des carrières longues pour l'ouverture et le calcul des droits à pension et à permettre le retour du système de retraites à l'équilibre

La commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

I - La situation financière du système de retraites est particulièrement précaire

A. Une sensible dégradation du solde de la branche vieillesse est prévue pour les prochaines années

Sous l'effet du vieillissement de la population, qui se traduit par le départ en retraite des générations du « baby-boom », les déterminants démographiques du solde du système de retraites tendent à se dégrader sensiblement. Ainsi, la France ne devrait plus compter que 1,2 cotisant par retraité à l'horizon 2070, contre 1,7 aujourd'hui .

Évolution du nombre de cotisants par retraité

Source : Conseil d'orientation des retraites, septembre 2022

À droit constant, il en résultera une sensible détérioration des comptes de la branche vieillesse, qui devrait afficher un déficit de près de 16 milliards d'euros d'ici à 2026 (d'après la trajectoire établie par le Gouvernement en postulant une réforme des retraites dont les paramètres n'ont pu être communiqués au rapporteur, mais dont les effets sur les recettes de la branche sont estimés à + 8 milliards d'euros bruts - hors mesures compensatoires - à l'horizon 2027).

Évolution du solde de la branche vieillesse des ROB de 2020 à 2026

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après la LFSS pour 2022 et le PLFSS pour 2023

Le système de retraites dans sa globalité, quant à lui, devrait passer d'un excédent de 0,1% du PIB en 2022 (3,2 milliards d'euros) à un déficit de
- 0,4 % du PIB (- 10 milliards d'euros) en 2027
du fait de dépenses plus dynamiques que la croissance, phénomène aggravé par les politiques de maîtrise de la masse salariale dans la fonction publique territoriale et hospitalière, qui entravent la dynamique des recettes.

En fonction de l'hypothèse de croissance de la productivité retenue, le déficit du système de retraites devrait atteindre de - 1,8 % à 0,2 % du PIB (entre - 45 et +5 milliards d'euros) à l'horizon 2070 en convention EPR 574 ( * ) .

Projections de solde du système de retraites d'ici 2070

Source : Conseil d'orientation des retraites, septembre 2022

B. Seule l'adoption de mesures paramétriques permettra de redresser la situation financière du système de retraites

À législation constante, compte tenu, notamment, des mesures de relèvement de l'âge d'ouverture des droits (AOD) et d'allongement de la durée d'assurance requise (DAR) pour l'obtention du taux plein mises en oeuvre depuis 2010 et d'une entrée toujours plus tardive sur le marché du travail, l'âge moyen conjoncturel de départ en retraite 575 ( * ) est déjà supérieur à l'âge légal . Approchant actuellement 62 ans et demi, il devrait atteindre un peu moins de 64 ans dès la fin des années 2030 .

Évolution de l'âge moyen conjoncturel de départ en retraite

Source : Conseil d'orientation des retraites, septembre 2022

Ainsi, bien que l'AOD soit fixé à 62 ans 576 ( * ) , en pratique, les nouvelles générations partent d'elles-mêmes à la retraite au-delà de cet âge , sous l'effet combiné de l'allongement de la DAR, de l'allongement de la durée des études et des difficultés d'insertion sur le marché du travail 577 ( * ) .

Cette tendance n'est toutefois pas suffisante : d'après les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), en recourant au seul levier de l'âge d'ouverture des droits, en convention EPR et en retenant une hypothèse de croissance annuelle moyenne de la productivité de 1 %, l'âge de départ permettant d'équilibrer structurellement le système de retraites chaque année jusqu'en 2070 s'élèverait à 64,3 ans en 2032 (soit 0,9 an de plus que l'âge moyen conjoncturel projeté à cette date à législation inchangée), à 65 ans en 2040 (1,1 an de plus) et à 65,3 ans en 2050 (1,4 an de plus).

Ajustement de l'âge conjoncturel pour équilibrer structurellement le système de retraites chaque année jusqu'à 2070

Source : Conseil d'orientation des retraites, septembre 2022

Selon la Direction générale du Trésor (DGT), un relèvement de l'AOD de 62 à 64 ans au rythme de 3 mois par génération permettrait, au terme de sa montée en charge, d'accroître le produit des cotisations d'assurance vieillesse de 0,1 point de PIB, soit environ 2,5 milliards d'euros , et celui de diverses recettes supplémentaires (autres cotisations sociales, impôts directs et indirects) de 0,6 point de PIB, soit environ 15 milliards d'euros .

Cette mesure entraînerait également une réduction des dépenses de retraite de l'ordre de 0,4 point de PIB, soit environ 10 milliards d'euros . Il faudrait déduire de ce montant une augmentation des dépenses de prestations sociales de l'ordre de 0,2 point de PIB, soit environ 5 milliards d'euros 578 ( * ) .

Il en résulterait au total une amélioration du solde du système de retraites de l'ordre de 0,5 point de PIB, soit environ 12,5 milliards d'euros , et du solde global des administrations publiques de 0,9 point de PIB, soit environ 22,5 milliards d'euros .

Conséquences financières d'un relèvement de l'âge d'ouverture des droits à 64 ans au terme de sa montée en charge

Source : Direction générale du Trésor, janvier 2022

À défaut d'augmenter les cotisations ou de diminuer les pensions, ce qui n'est pas acceptable compte tenu du niveau des prélèvements obligatoires en France et dans un contexte de forte inflation, qui plus est après plusieurs années de désindexation des pensions par rapport à l'évolution du niveau général des prix, le report de l'AOD et l'allongement de la DAR apparaissent donc comme le seul moyen de ramener le système de retraites à l'équilibre .

Le rapporteur rappelle que l'AOD en France est l'un des plus bas de ceux des pays suivis par le COR .

Âges inconditionnels d'ouverture des droits au 1 er janvier 2022 et à terme dans les pays suivis par le COR

Source : Conseil d'orientation des retraites, janvier 2022

C. Le soutien à l'emploi des seniors doit être un corollaire indispensable à toute réforme des retraites

Une telle réforme n'aurait toutefois aucun sens sans amélioration substantielle du taux d'emploi des seniors, qui figure parmi les moins élevés des principaux pays développés .

Taux d'emploi des 60-64 ans dans les principaux pays développés en 2020

Source : DARES, tableau de bord des seniors, données à fin décembre 2021, avril 2022

En effet, malgré une progression tendancielle du taux d'emploi des seniors sous l'effet des réformes des retraites successives, un tiers des personnes nées en 1950 n'étaient pas en emploi au cours de l'année ayant précédé la liquidation de leur pension .

Situation principale d'activité au cours de l'année précédant la liquidation des droits à retraite

Source : DREES, Les retraités et les retraites , 2022

Pour ces personnes, un report de l'AOD reviendrait à allonger la durée de chômage, d'invalidité ou d'inactivité, ce qui absorberait une partie des retombées financières de la réforme . Cette dernière doit donc impérativement s'accompagner de mesures de soutien au retour ou au maintien dans l'emploi des seniors.

II - Réformer le système de retraites dans le dialogue, la justice et l'équité

La commission a adopté un amendement n° 102 du rapporteur visant à confier à une convention nationale pour l'emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraites composée de représentants des partenaires sociaux, de l'État et des associations familiales et de retraités, ainsi que de personnalités qualifiées la charge de proposer des mesures tendant à :

- favoriser le maintien des seniors dans l'emploi , notamment par l'adaptation des dispositifs de retraite progressive et de cumul emploi-retraite ;

- garantir une juste prise en compte de la pénibilité du travail, du handicap et des carrières longues dans la définition des conditions d'ouverture et de calcul des droits à pension et d'accès aux minima de pension, ainsi que pour l'aménagement du temps de travail ;

- harmoniser les règles d'attribution des pensions de réversion et des majorations de pension pour enfants entre les régimes obligatoires de base ;

- assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- et rétablir l'équilibre financier de l'ensemble des régimes obligatoires de base à l'horizon 2033 .

Ces préconisations feraient alors l'objet d'un projet de loi ou de dispositions spécifiques en PLFSS pour 2024 et seraient débattues par le Parlement.

Dans le cas où la convention n'aboutirait pas à un compromis, plusieurs mesures paramétriques seraient appliquées à compter du 1 er janvier 2024 pour faire face à la dégradation du solde financier de la branche vieillesse et éviter aux générations futures de travailler au-delà de 65 ans , à savoir :

- le maintien de l'âge d'obtention automatique du taux plein à 67 ans ;

- l'accélération de la mise en oeuvre de la réforme dite « Touraine » de 2014 579 ( * ) , de façon à porter la DAR à 172 trimestres, soit 43 annuités, dès la génération 1967 au lieu de la génération 1973 ;

- le report progressif de l'AOD à 64 ans à compter de la génération 1967 ;

- la convergence des régimes spéciaux vers ces paramètres avant 2033 , selon des conditions et un calendrier fixés par décret en Conseil d'État.

À la demande de la commission, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) a procédé à des simulations des effets des mesures paramétriques ainsi proposées :

- le report de l'AOD à 64 ans permettrait d'améliorer le solde financier du système de retraites de 13,6 milliards d'euros en 2030 ;

- l'accélération de la réforme « Touraine » susciterait une amélioration de 2,9 milliards d'euros à la même échéance .

Effets d'un report de l'AOD sur le solde du système de retraites

(en milliards d'euros 2020)

Source : Caisse nationale d'assurance vieillesse, octobre 2022

Effets d'un allongement de la DAR sur le solde du système de retraites

(en milliards d'euros 2020)

Source : Caisse nationale d'assurance vieillesse, octobre 2022

La commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet par l'amendement n° 102.


* 574 En convention « équilibre permanent des régimes » (EPR), l'État équilibre annuellement le régime de la fonction publique d'État et les autres régimes spéciaux. Cette convention correspond à la règlementation actuellement en vigueur.

* 575 Il s'agit de l'âge moyen de départ en retraite pour une génération fictive qui aurait, à chaque âge, la même proportion de retraités que celle observée au cours d'une année donnée.

* 576 Article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

* 577 D'après la DREES ( Les retraités et les retraites , 2022), entre les générations 1950 et 1976, l'âge moyen de première validation d'une année complète est passé de 18,8 ans à 22,3 ans pour les hommes et de 19,3 ans à 23 ans pour les femmes.

* 578 Dont 1,8 milliard d'euros de pensions d'invalidité, 1,3 milliard d'euros d'allocations chômage, 970 millions d'euros d'indemnités journalières maladie, 830 millions d'euros de prestations de solidarité (AAH, ASS et RSA) et 80 millions d'euros de rentes AT-MP.

* 579 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, article 2.

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