Rapport n° 86 (2022-2023) de M. Jean-François HUSSON , fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 octobre 2022

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N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

272 , 282 et T.A. 24

Sénat :

71 , 73 et 87 (2022-2023)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE TROP OPTIMISTE

A. LE GOUVERNEMENT ANTICIPE UNE CROISSANCE MOYENNE DU PIB DE 1,6 % PAR AN ET L'ATTEINTE DU PLEIN EMPLOI D'ICI 2027

1. Une croissance effective qui serait portée par la consommation des ménages et une croissance potentielle renforcée par l'investissement et l'atteinte du plein emploi

Le projet de loi de programmation des finances publiques ainsi que le projet de loi de finances pour 2023 reposent sur l'hypothèse d'une croissance du PIB en volume de 2,7 % en 2022 et de 1 % en 2023.

Le Gouvernement a donc révisé ses projections en comparaison de celles présentées en juillet 2022 lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative et du programme de stabilité.

Évolution de la prévision de croissance du PIB du Gouvernement

(en volume - en pourcentage et en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Pour l'année 2022, la prévision de croissance est rehaussée de 0,2 point de pourcentage ce qui se justifierait, d'après le rapport économique, social et financier (RESF), par une orientation plus favorable qu'anticipée de la consommation des ménages.

Quant à l'année 2023, le Gouvernement indique avoir pris acte d'une accélération plus rapide qu'anticipée de l'inflation (+ 1 point par rapport au programme de stabilité), du resserrement de la politique monétaire et d'un environnement international moins porteur.

Toutefois, ces explications ne manqueront pas d'être nuancées dans la suite du présent exposé (cf. infra ), les anticipations du Gouvernement pour 2023 apparaissant en particulier toujours optimistes malgré cette révision.

Sur la période 2021-2023, le Gouvernement retient l'hypothèse d'une croissance en volume du PIB de 3,7 %. Celle-ci reposerait principalement sur la consommation des ménages (2,1 points) et des administrations (0,9 point).

Dans le même temps, on peut relever que l'investissement des ménages (qui désigne essentiellement les achats immobiliers) ne progresserait pas en volume en raison de la normalisation attendue du nombre de transactions immobilières.

Le commerce extérieur contribuerait négativement (- 0,2 point) malgré le dynamisme des exportations en 2022 sous le double effet du ralentissement de la demande internationale en 2023 et de la hausse plus rapide des importations de produits énergétiques en 2022 et 2023.

Déterminants de l'évolution du PIB entre 2021 et 2023

(en volume - base 100 en 2021)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE et les documents budgétaires

Le Gouvernement estime, par ailleurs, que l'économie française évolue en 2022 et continuera d'évoluer en 2023 en-dessous de ses capacités potentielles.

Ainsi, l'écart de production - qui mesure la différence entre le PIB potentiel et le PIB effectif - s'élèverait à - 1,1 % en 2022 et se creuserait à - 1,4 % en 2023. Il resterait négatif sur l'ensemble de la période de programmation tout en se refermant progressivement pour atteindre 0 % en 2027.

En présentant une hypothèse d'écart de production négatif, le Gouvernement signale ainsi qu'il considère que l'économie française dispose d'une capacité de rebond susceptible d'accélérer sa croissance au-delà du niveau de la croissance potentielle.

Dans ce contexte, le scénario macroéconomique retient, pour les années 2023 à 2027, une prévision de croissance annuelle moyenne du PIB
de 1,6 % en volume
effectivement supérieure à celle de la croissance du PIB
potentiel (+ 1,35 % sur la période).

Croissance du PIB et du PIB potentiel

(en volume - base 100 en 2021)

Note : « croissance pot. » : croissance potentielle ; « croissance effect. » : croissance effective.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La croissance potentielle serait, selon le Gouvernement, principalement soutenue par l'investissement en capital (0,5 point) qui resterait dynamique grâce aux mesures passées (réforme de l'impôt sur les sociétés et plan de relance) et à venir (plan France 2030 et réforme des impôts de production). Le Gouvernement fait également l'hypothèse de l'atteinte du plein emploi à l'horizon 2027.

Comme le rapporteur le précisera infra , l'estimation de l'écart de production ainsi que celle de la croissance potentielle sont l'objet d'un débat parmi les économistes.

2. L'hypothèse d'une normalisation progressive de l'inflation mais une hausse soutenue des taux d'intérêt souverains...

Selon les prévisions du Gouvernement, l'indice des prix à la consommation atteindrait 5,3 % en 2022 soutenu, notamment, par le renchérissement des prix de l'énergie mais contenu, par ailleurs, à hauteur de deux points par les effets du bouclier tarifaire et la remise sur le carburant.

En 2023, l'inflation décélèrerait pour atteindre + 4,2 % notamment en raison d'un reflux progressif des prix du pétrole et du maintien du bouclier tarifaire. En sens inverse, et sous l'effet de la diffusion de la hausse des prix du gaz et de l'électricité, l'inflation des prix de l'alimentation, des produits manufacturés et des services resterait à des niveaux comparables à ceux de l'année 2022.

Au bilan, d'après les hypothèses retenues par le Gouvernement, l'indice des prix à la consommation (hors tabac) aura progressé de 11,8 % entre 2019 et 2023 soit + 2,8 % par an en moyenne.

Le rapporteur observe que malgré la hausse brutale et très importante des prix de l'énergie, les prix auront surtout progressé dans les services (+ 4,5 points en 2023 par rapport à la situation avant crise). De même, la hausse des prix dans l'alimentation apparait très importante sur la période (+2,7 points).

Décomposition de l'évolution de l'indice
des prix à la consommation hors tabac

(base 100 en 2019)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE et les documents budgétaires

La progression des prix dans les services résulterait, en 2022 et
en 2023, de l'évolution des salaires
qui serait plus dynamique que par le
passé. En effet, le salaire moyen par tête (SMPT) progresserait en valeur
de 4,7 % par an en moyenne sur la période 2021-2023 contre + 0,8 % par an en moyenne sur la période 2012-2019.

Il est à noter que cette augmentation des salaires alimente l'inflation et ne se traduit donc pas par un gain de pouvoir d'achat pour les travailleurs. Ainsi, alors qu'il a continument augmenté sur la période 2012-2018, le salaire réel (c'est-à-dire dire en volume) moyen par tête devrait se réduire entre 2021 et 2023.

Évolution du salaire moyen par tête

(base 100 en 2012)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE et les documents budgétaires

À moyen terme, le Gouvernement prévoit une normalisation progressive de l'évolution de l'indice des prix. Ainsi, l'inflation hors tabac convergerait à nouveau vers 2 % par an à compter de 2025.

Prévision d'inflation de l'indice des prix
à la consommation hors tabac du Gouvernement

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat

Considérant le niveau encore élevé de l'inflation anticipée en zone euro, le Gouvernement fait l'hypothèse que la Banque centrale européenne continuera de resserrer sa politique monétaire au travers, notamment, d'une augmentation de ses taux directeurs.

En conséquence, le rapport annexé au projet de loi de programmation prévoit une hausse notable des taux de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans et des bons du Trésor à taux fixe (BTF) à trois mois.

Prévision gouvernementale d'évolution
du taux des obligations souveraines

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la Banque de France et les documents budgétaires

Cette remontée des taux d'intérêt souverains conduit, par ailleurs, le Gouvernement à prévoir une hausse de la charge des intérêts de la dette en valeur comme en point de PIB.

Ainsi, sur le périmètre de l'ensemble des administrations publiques la charge de la dette représenterait 2,1 % du PIB en 2027 soit près de 65 milliards d'euros.

Prévision gouvernementale d'évolution de la charge
de la dette publique

(en milliards d'euros et en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

3. ... ainsi qu'une augmentation de la population active et un taux de chômage à 5 % à l'horizon 2027

Le Gouvernement retient des hypothèses d'augmentation de la population active (sous l'effet notamment d'une réforme des retraites) et une baisse importante du taux de chômage , même si le projet de programmation des finances publiques n'indique pas de cibles quantitatives en la matière.

Toutefois, certains de ces éléments ont été publiés dans d'autres documents relatifs à la programmation pluriannuelle des finances publiques, tels que le programme de stabilité pour les années 2022 à 2027, ou communiqués - en tant qu'hypothèses de travail - à certains organismes comme le Conseil d'orientation des retraites (COR).

Ainsi, comme l'indique le COR dans son rapport annuel sur l'évolution et les perspectives des retraites en France publié en
septembre 2022, les hypothèses macroéconomiques qui lui ont été transmises par la direction générale du Trésor font état de l'objectif d'atteindre 5 % de chômage en 2027 contre 7,9 % en 2021.

Évolution du taux de chômage

(en pourcentage de la population active)

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

En parallèle, les projections figurant au programme de stabilité pour les années 2022-2027 montrent que le Gouvernement anticipe une progression du nombre des emplois en équivalent temps plein (+ 1,4 million). L'évolution constatée au cours de la période 2022-2027 serait toutefois moins importante (+ 0,7 % par an) qu'au cours du précédent quinquennat (+ 1,1 % par an).

Évolution du nombre d'emplois

(en milliers)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE et le programme de stabilité pour les années 2022-2027

Enfin, l'effet d'une réforme visant à reculer l'âge de départ à la retraite sur la population active a donné lieu à des travaux en 2016 et en 2022 réalisés par la direction générale du Trésor 1 ( * ) et par l'OFCE 2 ( * ) au profit
du COR.

Sous toutes réserves, il en ressort qu' une réforme visant à reculer progressivement de deux ans l'âge de départ à la retraite à raison d'un trimestre par génération pourrait accroître la population active d'environ 0,6 % en 2027 en comparaison des projections de l'INSEE.

Évolution de la population active

(en nombre d'actifs)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les projections de population active de l'INSEE, les travaux de l'OFCE (OFCE - Les effets économiques d'une hausse de l'âge d'ouverture des droits à la retraite - 26 janvier 2022) et les travaux de la direction générale du Trésor (DGT - Les effets macroéconomiques d'un recul de l'âge de l'ouverture des droits à la retraite - 19 octobre 2016)

B. LE SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT REPOSE SUR DES HYPOTHÈSES TROP OPTIMISTES ET FINALEMENT FRAGILES

1. Le Gouvernement retient une prévision de croissance effective et potentielle en décalage avec le consensus économique

En comparaison des prévisions produites par les instituts de conjoncture, l'hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement pour l'année 2023 apparait optimiste.

Déjà relativement supérieure au consensus lors du dépôt du projet de loi de programmation, la prévision de croissance du PIB de 1 % en 2023 est, en octobre, très proche des estimations les plus hautes du Consensus Forecasts (+ 1,2 % - Bank of America ) et 0,7 point au-dessus de la moyenne des conjoncturistes (+ 0,3 %).

Évolution de la prévision de croissance
du PIB pour l'année 2023

(en volume - en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les prévisions janvier-octobre 2022 du Consensus Forecasts

L'une des principales sources d'écarts entre la prévision gouvernementale et celle de la moyenne des conjoncturistes concerne la progression de la consommation des ménages.

En effet, le Gouvernement fait l'hypothèse qu'entre 2021 et 2023, la consommation des ménages progressera de 3,9 % ce qui permettrait d'augmenter la croissance économique de 2,1 points.

Or, les instituts interrogés par le Consensus Forecasts considèrent en moyenne que les dépenses de consommation ne soutiendraient la croissance économique, entre 2021 et 2023, qu'à hauteur de 1,3 point de PIB. Les estimations les plus hautes des conjoncturistes (+ 1,9 point) sont même inférieures à celle retenue par le Gouvernement.

Contribution de la consommation des ménages
à la croissance du PIB entre 2021 et 2023

(en point de PIB)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et la prévision de croissance du Consensus Forecasts d'octobre

Parmi, les conjoncturistes « institutionnels », seule la Banque de France et le FMI proposent des estimations du PIB en 2023 relativement récentes (septembre et octobre). La Commission européenne n'a, quant à elle, pas actualisé sa prévision (+ 1,4 %) depuis l'été 2022.

On peut relever, également, que devant les incertitudes liées à l'évolution des prix des matières premières, la Banque de France a fourni deux estimations de croissance pour 2023 correspondant à un scénario « optimiste » (+ 0,8 % de croissance) et « pessimiste » (- 0,5 % de croissance).

Contribution de la consommation des ménages
à la croissance du PIB entre 2021 et 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les prévisions de moyen terme de la Banque de France en septembre 2022, le Global Economic Outlook du FMI d'octobre 2022 et la prévision macroéconomique pour la France de la Commission européenne de mai 2022

Sur l'horizon de moyen terme, la trajectoire de croissance du PIB du Gouvernement ne fait pas consensus parmi les conjoncturistes et apparait, dans l'ensemble, sans doute un peu optimiste.

En effet, d'après le Consensus Forecasts , le PIB devrait évoluer moins rapidement sur la période 2023-2027 (+ 1,3 % par an, en moyenne) que ce que ne prévoit le Gouvernement (+ 1,6 % par an, en moyenne). Ainsi, en 2027, le PIB pourrait se situer 1,4 point en dessous de la projection retenue au projet de loi de programmation des finances publiques.

Évolution du PIB sur la période 2021-2027

(en volume - base 100 en 2021)

Source : commission des finances du Sénat d'après la prévision de long terme du Consensus Forecasts d'octobre 2022 et les documents budgétaires

Pour rappel, à moyen terme, la croissance économique est supposée tendre vers son niveau potentiel ce qui justifie que, conventionnellement, le Gouvernement considère que l'écart de production sera proche de zéro à l'horizon de la programmation.

Dans ce contexte et hors chocs exogènes, la trajectoire du PIB effectif dépend principalement de deux facteurs : l'estimation de l'écart de production en début de période, d'une part, et la prévision de croissance du PIB potentiel, d'autre part.

Afin d'éclairer les travaux de la commission des finances, le Président et le Rapporteur général ont pris l'attache de plusieurs conjoncturistes et réalisé un sondage portant sur l'estimation de l'écart de production et sur l'évolution du PIB potentiel . Les résultats obtenus ont été complétés par les prévisions d'autres organismes à l'instar du FMI.

Si un débat entre économistes s'est fait jour quant à la possibilité que - au regard, notamment, des tensions sur le marché du travail - l'économie française n'ait pas évolué en 2022 à son niveau potentiel, les résultats du sondage montre que l'hypothèse retenue par le Gouvernement (- 1,1 %) demeure centrale.

Prévision de l'écart de production
sur la période 2022-2027

(en point de PIB potentiel)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les données fournies par les répondants au sondage, les prévisions d'octobre 2022 du FMI et les documents budgétaires

En d'autres termes, s'agissant de l'écart de production, le Gouvernement et les conjoncturistes interrogés s'accordent - en moyenne - sur la situation de départ de l'économie française en 2022.

À l'inverse, le Gouvernement diverge des conjoncturistes interrogés en ce qui concerne l'évaluation de la croissance potentielle qu'il estime à + 1,35 % par an sur la période de programmation alors que les répondants estiment en moyenne qu'elle s'établirait aux environs de +1,05 % par an sur la période.

Prévision de la croissance potentielle
sur la période 2022-2027

(en volume - base 100 au PIB effectif
de l'année 2021)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les données fournies par les répondants au sondage, les prévisions d'octobre 2022 du FMI et les documents budgétaires

Le possible biais optimiste du Gouvernement pourrait trouver une explication dans le fait qu' il anticiperait un peu trop les effets positifs à attendre des différentes réformes structurelles envisagées : assurance-chômage, retraites, minimas sociaux etc.

À titre d'exemple, les effets sur le PIB à l'horizon 2027 d'une réforme des retraites apparaissent relativement modestes et incertains au regard des conclusions des travaux réalisés sur le sujet.

Dans un document de travail 3 ( * ) remis au COR en janvier 2022, la direction générale du Trésor estimait qu'une réforme visant à reculer progressivement de deux ans l'âge de départ à la retraite à raison d'un trimestre par an augmenterait le PIB de 0 à 1 point d'ici 5 ans .

Il s'agit d'un écart large dont la borne supérieure apparait un peu optimiste puisque que dans un exercice de simulation comparable effectué au profit du COR, l'OFCE 4 ( * ) estimait que cette même réforme réduirait le PIB de l'ordre de 0,1 point à l'horizon de cinq ans.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le scénario de croissance du Gouvernement à court comme à moyen terme se caractérise par un optimisme certain en comparaison du consensus économique.

2. Le scénario d'évolution de l'inflation est réaliste tandis que celui de remontée des taux d'intérêt apparaît conservateur

À l'inverse, le scénario retenu par le Gouvernement s'agissant de l'évolution de l'inflation et des taux d'intérêt présente un caractère central voire prudent.

Prévisions d'évolution des prix entre 2022 et 2027

(en pourcentage)

IPC : indice des prix à la consommation ; IPCH : indice des prix à la consommation harmonisée ; IPCHT : indice des prix à la consommation hors tabac.

Source : commission des finances du Sénat d'après les institutions ou organismes cités

En effet, tant le Consensus Forecasts que les conjoncturistes institutionnels comme le FMI prévoient une évolution tendancielle de l'inflation similaire à celle indiquée par le Gouvernement.

Concernant l'évolution des taux d'intérêt, il convient de distinguer deux périodes de temps. En 2022 et 2023, la prévision du Gouvernement concernant le taux des obligations souveraines à 10 ans apparaît un peu basse.

En réalité, sauf retournement, la prévision gouvernementale pour la fin de l'année 2022, à 2,5 %, est d'ores et déjà dépassée puisque le taux moyen de l'OAT à 10 ans au mois de septembre atteignait 2,7 %.

Le Consensus Forecasts du mois d'octobre 2022 tient compte de cette situation en retenant effectivement un taux des obligations souveraines à 10 ans à 2,7 % pour cette année et relève, en conséquence, son estimation de taux d'intérêt pour 2023 de 2,1 % (prévision d'août) à 2,7 % dans sa dernière prévision. À moyen-terme, la prévision gouvernementale apparaît prudente voire conservatrice et à l'horizon 2027 elle se situe 0,6 point au-dessus de la moyenne du Consensus Forecasts .

Prévisions d'évolution du taux de l'obligation assimilable
du Trésor à 10 ans

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les prévisions d'octobre 2022 du Consensus Forecasts

Pour autant que le scénario des conjoncturistes se réalise, il constituerait une bonne nouvelle pour les finances publiques en permettant de limiter la progression de la charge de la dette.

3. L'objectif de réduire le chômage à 5 % est louable mais ne constitue pas une hypothèse macroéconomique prudente

Les prévisions d'emploi particulièrement favorables retenues par le Gouvernement peuvent être analysées comme correspondant à un objectif volontariste du Gouvernement en la matière. Pour autant, elles apparaissent - précisément - sans doute trop optimistes et, en tout cas, ne font pas l'objet d'une documentation suffisante pour en évaluer la crédibilité .

D'une part, il convient de rappeler qu'atteindre l'objectif retenu par le Gouvernement de 5 % de chômage en 2027 serait parfaitement inédit depuis 1979 et impliquerait une baisse de 2,2 points par rapport à 2022.

D'autre part, l'on observe que parmi les conjoncturistes qui produisent une estimation de l'évolution du taux de chômage, peu d'entre eux partagent l'optimisme du Gouvernement.

À cet égard, tant le FMI que l'OFCE dans leurs évaluations les plus récentes estiment que le taux de chômage à l'horizon 2027 devrait plutôt se situer autour de 7,5 %.

Prévision de l'évolution du taux de
chômage en France

(en pourcentage de la population active)

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de septembre 2022 du Conseil d'orientation des retraites, les travaux de l'OFCE (OFCE - Quelle trajectoire pour l'économie française au cours du prochain quinquennat ? - 21 juillet 2022) et du FMI (prévision d'octobre 2022)

Comme l'a indiqué Madame Agnès Bénassy-Quéré, cheffe économiste de la direction générale du Trésor, lors de son audition par le rapporteur, cette trajectoire repose sur l'engagement de réduire le niveau du chômage structurel.

Or, les réformes envisagées pour parvenir à ce résultat sont simplement énumérées par le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques qui évoque « la réforme des retraites, [...] la réforme du RSA, [...] la réforme de contra-cyclicité de l'assurance chômage, [...] l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi (transformation de Pôle Emploi en France Travail), [...] l'élargissement au lycée professionnel du succès de l'apprentissage et [...] la mise en place d'un service public de la petite enfance » .

À ce stade, aucune documentation n'accompagne cette trajectoire afin d'évaluer l'impact attendu de chaque réforme sur le taux de chômage.

Paradoxalement, certaines d'entre elles pourraient même, a priori, avoir des effets négatifs à court terme sur l'évolution du taux de chômage .

Tel est par exemple le cas de la réforme des retraites qui, selon les calculs de la direction générale du Trésor et de l'OFCE, augmenterait le taux de chômage de 0,5 à 0,6 point de pourcentage à l'horizon 5 ans.

En outre, certaines des réformes évoquées n'auraient, à ce jour, pas de traduction dans la trajectoire budgétaire. C'est notamment le cas de l'élargissement de l'apprentissage, comme le faisait observer Eric Heyer, directeur de la prévision de l'OFCE, lors de son audition par la commission des finances 5 ( * ) .

Dans ce contexte, il est permis de s'interroger sur le fait que la cible de taux de chômage retenue par le Gouvernement - qui a des incidences importantes sur l'évolution des finances publiques par le canal des prélèvements assis sur le travail et celui des dépenses - constitue un horizon crédible pour une programmation budgétaire ou un affichage politique .

4. L'optimisme du scénario macroéconomique interroge quant à la solidité de la trajectoire de finances publiques retenue par le Gouvernement

Dans la mesure où les prévisions macroéconomiques retenues par le Gouvernement apparaissent en décalage avec le consensus économique, la solidité de la trajectoire des finances publiques - qui sera présentée infra - peut être interrogée.

En particulier, l'évolution des recettes publiques est largement assise sur celle du PIB, ce qui implique qu'une activité moins dynamique qu'anticipée se traduirait par un niveau de recettes plus faible.

À scénario de dépenses inchangé mais en révisant les hypothèses d'évolution du PIB effectif et potentiel ainsi que celles des recettes publiques, la trajectoire de finances publiques du Gouvernement proposée à
l'article 3 du projet de loi apparaitrait particulièrement dégradée.

Comparaison des trajectoires des finances publiques
selon le scénario macroéconomique retenu

(en point de PIB sauf mention contraire)

Trajectoire de solde public du Gouvernement
(article 3 du projet de loi de programmation)

Solde en % du PIB

-5,0

-4,7

-4,5

-4,0

-3,4

-2,9

... dont solde conjoncturel

-0,6

-0,8

-0,7

-0,5

-0,3

0,0

... dont mesures temporaires et ponctuelles (en pt. de PIB potentiel)

-0,1

-0,2

-0,1

-0,1

0,0

0,0

... dont solde structurel (en pt. de PIB potentiel)

-4,3

-3,7

-3,7

-3,4

-3,1

-2,9

Trajectoire de solde public du Gouvernement tenant compte d'un scénario
macroéconomique plus central*

Solde en % du PIB

-5,0

-5,2

-5,0

-4,5

-4,3

-3,7

... dont solde conjoncturel

-0,6

-1,2

-0,9

-0,6

-0,7

-0,1

... dont mesures temporaires et ponctuelles (en pt. de PIB potentiel)

-0,1

-0,2

-0,1

-0,1

0,0

0,0

... dont solde structurel (en pt. de PIB potentiel)

-4,3

-3,8

-4,0

-3,8

-3,6

-3,6

* Le scénario macroéconomique alternatif retenu correspond à une progression du PIB de 1,25 % en volume chaque année entre 2023 et 2027 et du PIB potentiel de 1,05 % sur la même période. Ces valeurs correspondent aux résultats du sondage réalisé par le Président de la commission des finances et le rapporteur auprès d'instituts de conjoncture. Ce sondage a été complété des évaluations réalisées par la Commission européenne et le FMI en octobre 2022 ainsi que par les prévisions du Consensus Forecasts à la même période.

Source : calculs de la commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des évaluations mentionnées ci-avant

II. UNE TRAJECTOIRE DES FINANCES PUBLIQUES PEU AMBITIEUSE ET QUI FRAGILISE LA FRANCE AU PLAN EUROPÉEN

Compte tenu du scénario macroéconomique qu'il retient - et nonobstant sa fragilité comme le montrent les développements supra - la trajectoire budgétaire présentée par le Gouvernement au projet de loi de programmation des finances publiques prévoit de réduire
entre 2022 et 2027 :

- la dépense publique de 3,8 points de PIB ;

- les prélèvements obligatoires de 0,9 point de PIB ;

- le déficit public de 2,1 points de PIB ;

- l'endettement public de 0,6 point de PIB.

Évolution des indicateurs des finances publiques (avant examen du projet de loi de finances pour 2023 par l'Assemblée nationale)

(en pourcentage du PIB)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Taux de prélèvements obligatoires

45,2

44,7

44,2

44,3

44,3

44,3

Dépense publique

57,6

56,6

55,6

55,0

54,3

53,8

Solde effectif

-5,0

-5,0

-4,5

-4,0

-3,4

-2,9

Solde structurel (en points de PIB potentiel)

-4,2

-4,0

-3,7

-3,4

-3,1

-2,8

Dette au sens de Maastricht

111,5

111,2

111,3

111,7

111,6

110,9

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'amélioration du solde public reposerait principalement sur les administrations centrales qui réduiraient leur déficit d'environ 1,1 point de PIB sur la période alors qu'il s'élèverait, en 2022, à 5,4 points de PIB.

Dans le même temps, les administrations locales et de sécurité sociale, dont le solde public est d'ores et déjà respectivement nul et excédentaire, devraient l'améliorer encore d'environ 0,5 point de PIB d'ici à 2027.

L'effort de réduction du déficit public repose surtout sur une baisse des dépenses dont le Gouvernement estime qu'elles progresseront en valeur et volume moins rapidement que les recettes sur l'ensemble de la période de programmation.

A. UNE BAISSE MODESTE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Entre 2022 et 2027, le Gouvernement prévoit une diminution de près de 1 point de PIB du taux de prélèvements obligatoires qui devrait s'établir en 2022 à 45,2 % du PIB.

Si l'effort à réaliser est comparable à celui annoncé au mois de juillet 2022, la trajectoire de baisse des prélèvements obligatoire est, dans l'ensemble, un peu moins ambitieuse que ce qui était proposé dans le cadre du programme de stabilité pour les années 2022-2027.

Ainsi, en proportion du PIB, les prélèvements obligatoires s'élèveraient à 44,3 % en 2027 contre 44,0 % tel qu'annoncé dans le programme de stabilité.

Prévision de l'évolution des prélèvements obligatoires

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En 2022, le rendement des prélèvements obligatoires devrait être d'environ 18 milliards d'euros supérieur à ce qui était anticipé par le programme de stabilité.

Si une partie de cet écart s'explique par une prévision de croissance du PIB en 2022 plus favorable , plus de la moitié (environ 9,6 milliards d'euros) provient, toutefois, d'un changement de méthode de comptabilisation des gains sur charges de services public de l'électricité (SPE°).

En dehors des effets liés au traitement des gains sur charges de service public, il apparait que, sur l'ensemble de la période de programmation, le Gouvernement prévoit de réaliser un montant de baisses de prélèvements obligatoires d'environ 10 milliards d'euros en cumulé et qui serait principalement réparti sur les années 2023 et 2024.

Décomposition de l'évolution des prélèvements obligatoires

(en milliards d'euros)

SPE : service public de l'électricité.

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Au titre de la seule année 2023 - pour laquelle le Gouvernement fournit une documentation des mesures nouvelles en recettes dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2023 - la baisse des prélèvements obligatoires proviendrait pour l'essentiel :

- de la mise en oeuvre du dernier volet de la réforme portant suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (- 2,8 milliards d'euros) ;

- de la suppression de la part communale et intercommunale de CVAE prévue à l'article 5 du projet de loi de finances initiale pour 2023 (- 4,1 milliards d'euros) ;

- la transformation du dispositif de crédit d'impôt pour les services à la personne (SAP).

Au bilan, l'ampleur de la réduction du poids des prélèvements obligatoires dans le PIB au cours des années 2023-2027 reste relativement modeste et celui-ci demeurera très élevé en comparaison historique.

Évolution sur longue période des prélèvements obligatoires

(en pourcentage du PIB)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Parallèlement, compte tenu de l'impératif de réduire le déficit et l'endettement publics, l'effort doit surtout porter sur une baisse durable de la dépense publique, ce que le Gouvernement ne propose pas véritablement.

B. UNE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DE DÉPENSES PUBLIQUES EN TROMPE L'oeIL QUI REPOSE SUR LES EFFORTS DES SEULES ADMINISTRATIONS LOCALES ET DE SÉCURITÉ SOCIALE

1. Une trajectoire en trompe-l'oeil

Le projet de loi de programmation propose que les dépenses des administrations publiques atteignent 1 708 milliards d'euros en valeur en 2027. Exprimé hors charges des intérêts de la dette et en volume - c'est-à-dire en neutralisant les effets de l'inflation anticipée par le Gouvernement -, l'objectif proposé correspond à contraction moyenne d'environ 0,4 % par an de la dépense primaire sur la période 2022-2027.

Objectif du Gouvernement d'évolution des dépenses primaires
prévu au projet de loi de programmation des finances publiques

(base 100 en 2022)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Selon la présentation du Gouvernement, les dépenses des administrations centrales et locales diminueraient en volume au cours de la période tandis que celles des administrations de sécurité sociale augmenteraient d'environ 0,4 %.

En d'autres termes, le « pouvoir d'achat » des administrations centrales et locales serait appeler à se contracter puisque les dépenses en valeur progresseraient moins vite que l'inflation.

La présentation retenue par le Gouvernement est toutefois un trompe-l'oeil car le périmètre des dépenses pris en compte intègre les mesures mises en oeuvre depuis 2022 pour faire face à la crise sanitaire et économique et à la crise de l'énergie.

Or, ces dépenses ont, par nature, vocation à être temporaires et devraient être neutralisées pour mesurer le véritable effort de l'État à réduire la dépense publique et, en conséquence, à contribuer au redressement des comptes publics . Doit ainsi être privilégié le périmètre des « dépenses primaires ordinaires », hors mesures en dépense liées à la crise sanitaire, au plan de relance et à la réponse face à la crise énergétique.

Le périmètre des « dépenses primaires ordinaires » hors mesures en dépense liées à la crise sanitaire, au plan de relance et à la réponse face à la crise énergétique

Afin d'analyser l'effort de maîtrise des dépenses publiques, le rapporteur a entendu exclure du périmètre des calculs la charge de la dette (dont l'évolution résultant des taux d'intérêt n'est pas pilotable) et l'ensemble des mesures en dépenses engagées pour répondre aux crises sanitaire, économique et énergétique. En effet, ces mesures de crise n'ont, par définition, pas vocation à être pérennes.

Au regard des réponses apportées par les services du ministre chargé des comptes publics, l'ensemble des mesures figurant dans le tableau ci-après sont considérées comme exclues du périmètre des « dépenses primaires ordinaires ». Les critères mis en oeuvre pour identifier ces dépenses sont que la mesure :

- doit être regardée comme une dépense au sens de la comptabilité nationale (ce qui n'est pas le cas, par exemple, de la baisse de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité) ;

- doit présenter un caractère temporaire, ce qui n'est notamment pas le cas de la revalorisation des prestations sociales ou du point d'indice de la fonction publique.

Liste des mesures exclues du périmètre des dépenses primaires ordinaires des administrations publiques

(en milliards d'euros)

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Administrations centrales

89,4

97,8

88,4

74,5

52,3

55,1

60,8

Charges des intérêts de la dette

31,2

42,0

38,0

45,0

49,0

54,0

60,0

Mesures du plan de relance

21,0

17,9

8,6

7,6

3,1

0,8

0,7

Mesures d'urgence face à la crise sanitaire

32,5

3,8

1,9

1,2

0,2

0,3

0,1

Activité partielle (hors APLD du plan de relance)

5,4

0,2

Autres dépenses sous norme pilotable

1,0

Autres mesures de soutien spécifiques (masques, permittents, etc.)

1,9

0,2

Fonds de solidarité et aides annexes, y compris sport montagne culture

23,9

1,1

Sinistralité BEI (Banque européenne d'investissement)

0,3

0,4

0,2

Sinistralité PGE (prêts garantis par l'État) nette des primes

0,3

1,7

1,2

0,7

0,2

0,3

0,1

Trésorerie de l'Agence de services et de paiement (ASP) et de Santé publique France (SPF)*

0,3

0,3

0,3

Mesures engagées face à la crise énergétique

4,7

34,1

39,9

20,7

Aide exceptionnelle de rentrée

1,1

0,0

Aides sectorielles

1,1

Autre

1,6

Bouclier électricité - manque à gagner des fournisseurs d'électricité

11,3

24,4

19,8

Bouclier gaz compensation aux fournisseurs de gaz

0,4

8,1

11,1

0,9

Bouclier gaz stockage de gaz

1,4

1,3

Chèque énergie exceptionnel

0,5

1,8

Indemnité inflation

3,8

0,0

Remise sur les prix du carburant

7,6

Soutien aux ménages modestes chauffés au fioul

0,2

Subventions aux entreprises énergo-intensives

1,5

1,5

Administrations locales

0,9

1,0

2,0

2,0

3,0

3,0

3,0

Charges des intérêts de la dette

0,9

1,0

2,0

2,0

3,0

3,0

3,0

Administration de sécurité sociale

30,8

16,9

7,0

4,9

4,3

3,1

3,1

Charges des intérêts de la dette

2,6

3,0

5,0

4,0

4,0

3,0

3,0

Mesures du plan de relance

1,9

2,0

1,0

0,9

0,3

0,1

0,1

Mesures d'urgence face à la crise sanitaire

26,3

11,9

1,0

Activité partielle (hors APLD du plan de relance)

2,7

0,1

Dépenses de santé

18,3

11,5

1,0

Prolongation des revenus de remplacement et décalage de l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance-chômage

5,3

0,3

Ensemble des administrations publiques

121,2

115,7

97,4

81,4

59,6

61,2

66,9

Or, en retraitant ces dépenses « extraordinaires » (dépenses de santé, activité partielle, bouclier tarifaire etc.) et qui ont vocation à s'éteindre, il apparaît qu'en réalité, seules les administrations publiques locales seront appelées à réduire leurs dépenses en volume entre 2022 et 2027.

Objectif du Gouvernement d'évolution des dépenses primaires prévu au projet de loi de programmation des finances publiques retraitées des mesures de crise (sanitaire et énergétique)

(base 100 en 2022)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

2. Un effort de maîtrise des dépenses qui est très inéquitablement réparti entre les administrations publiques

Afin d'apprécier le montant des économies qui devraient être réalisées pour atteindre la trajectoire de dépenses proposées, il est conventionnel et utile de calculer une trajectoire contrefactuelle « à politique inchangée ».

Dans le projet du Gouvernement, le taux de croissance des dépenses primaires qui a été retenu s'élève à environ + 1,25 % par an à compter de l'année 2021. Toutefois, il n'est pas fait état de la décomposition de ce tendanciel entre les différentes catégories d'administrations.

Le rapporteur a souhaité évaluer un tendanciel d'évolution des dépenses primaires par catégorie d'administration pour mesurer l'effort demandé à chacune d'entre elles.

Pour cet exercice, il a considéré que la croissance tendancielle en volume des dépenses primaires était égale à la moyenne des taux de croissance de ces dépenses constatés sur la période 2009-2019, soit :

+ 0,9 % par an pour l'État et les opérateurs ;

+ 1,1 % par an pour les administrations locales ;

+ 1,6 % par an pour les administrations de sécurité sociale ;

+ 1,25 % pour l'ensemble des administrations publiques (ce qui correspond au taux retenu par le Gouvernement).

Au regard des résultats obtenus, il apparait que sur le périmètre des dépenses primaires ordinaires seules les administrations locales et de sécurité sociale seraient appelées à réaliser un effort d'économie en dépenses tandis que l'État et les opérateurs n'en fourniraient quasiment aucun en comparaison historique.

Économies devant être réalisées en 2027 par rapport à un scénario contrefactuel (+1,25 % de dépenses primaires en volume/an)

(en euros 2022)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

3. Des mesures d'économies qui ne sont pas véritablement documentées

Comme indiqué supra on peut observer que - hors mesures non pérennes liées à la crise sanitaire et au soutien au pouvoir d'achat - seules les administrations locales et de sécurité sociale seraient vraisemblablement amenées à réaliser un effort de réduction de leurs dépenses par rapport au tendanciel.

Dans le cas des administrations de sécurité sociale, un quantum d'économies d'environ 27 milliards d'euros devrait ainsi être réalisé d'ici 2027.

Sur ce point, le Gouvernement se borne, dans le rapport annexé, à indiquer que ce résultat « serait permis par la dynamique modérée des dépenses de la branche vieillesse, avec la mise en place d'une réforme des retraites, et par la maîtrise des dépenses d'assurance maladie (...) » ainsi que par une baisse des dépenses de chômage.

La situation des administrations sociales fait l'objet d'une analyse plus détaillée infra , toutefois, s'agissant des deux premières pistes citées, les perspectives d'économies paraissent plus qu'incertaines.

En ce qui concerne les dépenses de chômage , on peut évaluer
à 1,3 % par an leur évolution tendancielle- ce qui correspond à la croissance moyenne observée entre 2000 et 2019 hors crise.

Sous cette hypothèse, les dépenses de chômage devraient atteindre 48 milliards d'euros en 2027, soit 1,5 % du PIB, équivalent à sa moyenne sur longue période.

En face, le Gouvernement a indiqué à l'occasion du programme de stabilité 2022-2027 qu'il estimait que les dépenses de chômage représenteraient en 2027 environ 1,2 % du PIB soit 38,2 milliards d'euros.

L'économie d'environ 10 milliards d'euros qui devrait ainsi être réalisée le serait, selon le Gouvernement, à la faveur :

- d'une baisse importante du taux de chômage qui selon ses projections atteindrait 5 % en 2027 contre 7,2 % en 2022 ;

- d'une diminution des allocations chômage dans le cadre de la réforme en cours de l'assurance-chômage.

Or, comme indiqué supra , l'hypothèse d'atteindre 5 % de chômage en 2027 ne fait pas consensus parmi les conjoncturistes et doit donc être regardée comme fragile.

En ce qui concerne les retraites, les effets d'une réforme des retraites sur les comptes publics (recettes et dépenses) prennent du temps à se matérialiser. Ainsi, d'après l'OCFE dans une publication récente au terme de cinq années après le déclenchement de la réforme, l'effet de cette dernière sur le solde public se limite à 0,09 point de PIB.

En effet, la réforme des retraites - justifiée par l'impératif d'assurer l'équilibre à long terme du système - ne produit d'effets d'ampleur et durables sur le PIB et le solde public qu'à moyen-long terme.

À court terme, et pour éminemment nécessaire qu'elle soit, ses effets budgétaires restent limités ce qui interroge sur le choix du Gouvernement d'évoquer cette réforme comme un axe central de la cohérence de sa programmation des finances publiques.

En tout état de cause, à politique inchangée, la dynamique des dépenses de retraites n'est pas compatible avec les objectifs du Gouvernement en matière de finances publiques.

En effet, comme l'indique le Conseil d'orientation des retraites dans son rapport public de septembre 2022 « pour tenir ces objectifs, la croissance des dépenses publiques doit être limitée à 0,6 % en volume entre 2022 et 2027 [...] or, les dépenses de retraites [...] progresseraient sur la période de 1,8 % en termes réels. » .

Dans le cas des administrations locales, le Gouvernement propose une contraction de l'ensemble des dépenses locales (fonctionnement et investissement) en volume d'environ 0,5 % par an jusqu'en 2027 - soit - 0,6 % par an analysé au périmètre des dépenses hors charge de la
dette - ce qui représente un quantum d'économies d'environ 24 milliards d'euros.

Pour autant, il n'indique pas comment cet objectif pourrait être réalisé renvoyant l'ensemble des modalités à la concertation tout en prévoyant, néanmoins, un instrument de contrainte des dépenses de fonctionnement à l'article 23 du projet de loi de programmation.

Comme le rapporteur aura l'occasion de le préciser aux commentaires des articles 16 et 23 du projet de loi de programmation des finances publiques, il est permis de douter de la pertinence de ces instruments pour assurer le double objectif de maîtriser les dépenses publiques et de préserver l'autonomie et les capacités d'intervention des collectivités locales.

Enfin, s'agissant des administrations publiques centrales, le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publique se borne à indiquer que « cette maîtrise de la dépense publique reposera notamment sur des mesures de transformation structurelle et une évaluation renforcée de la qualité des dépenses (...) » .

Ainsi que le développe plus amplement la partie infra consacrée aux dépenses de l'État, ce dernier ne se donne manifestement pas les moyens de réduire durablement ses dépenses ordinaires, en particulier les dépenses de personnel.

C. UNE STRATÉGIE QUI PÉNALISE LA FRANCE AU PLAN EUROPÉEN

La trajectoire de consolidation des comptes publics qui est proposée par le Gouvernement nous écarte d'une application normale de nos engagements européens et nous distingue négativement de nos partenaires.

La trajectoire d'ajustement de solde structurel qui est proposée au projet de loi de programmation apparait reposer sur une lecture très favorable des dispositions du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

En effet, son article 3 prescrit que les États parties se fixent - lorsque leur endettement public est supérieur à 60 % du PIB - un objectif de moyen terme de solde structurel supérieur à - 0,5 % du PIB potentiel, d'une part, et « veillent à assurer une convergence rapide » vers cet objectif.

Le calendrier de cette convergence doit être proposé par la Commission européenne « compte tenu des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques », ce qui offre des flexibilités dans la réalisation de la trajectoire.

Or, si le contexte macroéconomique particulièrement défavorable et la situation particulièrement dégradée des finances publiques post-crises devraient très certainement être prises en compte par la Commission européenne, la seule mise en oeuvre des flexibilités devrait difficilement rendre acceptable la trajectoire française.

Ainsi, alors que le traité prescrit une convergence « rapide » vers l'objectif de moyen terme, au rythme proposé par le Gouvernement il ne serait pas atteint avant 2035.

Évolution du solde structurel

(en point de PIB potentiel)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'activation, par la Commission européenne, en 2020 et
jusqu'en 2024, de la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance conduit, toutefois, à ce que la France ne soit, à ce jour, pas concernée par un objectif quantitatif en matière de solde et d'endettement public.

Ainsi, dans sa recommandation du 23 mai 2022 concernant le programme national de réforme pour la France pour 2022 6 ( * ) , le Conseil de l'Union européenne se borne à recommander que « la France s'attache (...) à mener une politique budgétaire prudente » en 2023 et dans les années à venir.

Par ailleurs, une revue du Pacte de stabilité et de croissance est actuellement en cours au niveau européen. Il pourrait aboutir à des règles moins en contradiction avec la trajectoire budgétaire française.

Pour autant, cela n'est pas garanti et la trajectoire française ne pourrait, en cas de réactivation sans réforme des règles budgétaires, être regardée comme conforme aux engagements européens qu'à la suite d' un dialogue avec la Commission européenne dont l'issue demeure incertaine.

Cette situation fragilise d'autant plus la France que nos principaux partenaires ont prévu de consolider leurs comptes publics à un rythme bien plus rapide.

Ainsi, parmi le groupe de pays constitués de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche, de l'Italie, de l'Espagne et de la Grèce, la France est le seul État membre dont le déficit public ne sera pas revenu sous les 3 % du PIB en 2025.

Trajectoire des déficits publics en Europe

(en point de PIB)

Source : commission des finances d'après les programmes de stabilité et les projets de budget pour l'année 2023 des États concernés

D. LES OBJECTIFS DU GOUVERNEMENT PAR SOUS-SECTEUR

1. La trajectoire de l'État : une évolution des dépenses des missions sans ambition sur les dépenses de personnel
a) La plupart des missions verraient leurs moyens progresser en volume jusqu'en 2025

Comme dans la précédente loi de programmation des finances publiques, l'évolution des crédits est encadrée par deux dispositifs :

- d'une part, un agrégat dénommé « périmètre des dépenses de l'État » est défini et plafonné pour l'ensemble de la période couverte par la loi de programmation, c'est-à-dire jusqu'en 2027 7 ( * ) ;

- d'autre part, les dépenses des missions du budget général sont plafonnées sur la période allant jusqu'à 2025 8 ( * ) .

Le périmètre des dépenses de l'État (PDE) couvrirait d'une manière générale les dépenses de l'État, qu'elles soient inscrites au budget général, aux budgets annexes ou aux comptes spéciaux, mais en excluant celles liées aux remboursements et dégrèvements , à la charge de la dette , aux participations financières et aux avances ou prêts .

Cette définition marque une volonté de mieux couvrir les dépenses effectives de l'État que l'ancienne norme de dépenses pilotables définie par la précédente loi de programmation, en incluant notamment les dépenses de pensions et les prélèvements sur recettes. Toutefois cet agrégat constituera un « thermomètre » moins précis des résultats de l'action de l'État , justement parce qu'il comprend une proportion importante de crédits sur lesquels il est plus difficile d'agir.

En outre, l'intégration dans cette norme des contributions de l'État au financement des collectivités territoriales , qui en avaient été exclues
en 2017, peut laisser craindre une volonté d'introduire une pression sur les ressources des collectivités , alors même que bon nombre de ces contributions correspondent au nécessaire financement de compétences transférées et que cet agrégat a pour objet la mesure des dépenses de l'État lui-même.

Sur ce périmètre, les dépenses de l'État passeraient de 490 milliards d'euros en 2022 9 ( * ) à 509 milliards d'euros en 2027, soit une progression
de 3,9 % en valeur et une diminution de 8,5 % en volume .

Cette évolution doit s'apprécier par rapport au niveau exceptionnel des dépenses atteint en 2022 notamment liée aux mesures de crise documentée supra . En excluant ces dépenses, la baisse des crédits s'élèverait à 1,7 % en volume par rapport au niveau prévu en loi de finances initiale pour 2022.

Comme évoqué supra, une fois retraitées des mesures de crise qui n'ont pas vocation à être pérennes, les dépenses de l'État ne diminueraient pas mais resteraient globalement stables en volume.

Pourtant nécessaire, les éventuels efforts de la maîtrise de la dépense ne font l'objet d'aucune documentation précise.

S'agissant ainsi des missions du budget général , les crédits de la plupart des missions augmenteraient en valeur, la seule diminution importante concernant la mission « Plan de relance ». En volume, les dépenses de dix-neuf missions augmenteraient, dont douze d'un montant supérieur à 500 millions d'euros. Celles de quatorze missions diminueraient, mais seule la mission « Plan de relance » connaîtrait une diminution de crédits supérieure à 500 millions d'euros.

Principales hausses et diminutions de dépenses en volume des missions du budget général
entre 2022 et 2025, hors mission « Plan de relance »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques et des réponses au questionnaire du rapporteur pour l'évolution de l'indice des prix. Les évolutions inférieures à 0,5 milliard d'euros ne sont pas représentées

Si les projets annuels de performances, en application de la révision de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021, présentent pour chaque programme une évolution prévisionnelle des crédits au cours des années 2023 à 2025, ils ne précisent pas sur quels dispositifs porteraient les diminutions de crédit en volume.

b) Les dépenses de personnel ne font l'objet d'aucune tentative de diminution

Aucun effort n'est prévu , en tout état de cause, concernant les dépenses de personnel .

Alors que le quinquennat précédent avait fixé un objectif de réduction des effectifs de l'État de 50 000 postes, objectif qui n'a pas été atteint, l'article 10 du présent projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une stabilité de l'exécution des schémas d'emploi de 2023 à 2027 pour l'État et ses opérateurs.

Cet objectif ne porte toutefois pas sur l'année 2023 par rapport à l'année 2022. Il ressort de l'exposé des motifs des articles 32 et 33 du projet de loi de finances pour 2023 que le schéma d'emplois augmenterait de plus de 10 764 équivalents temps plein en 2023 10 ( * ) .

En conséquence, ce n'est pas une stabilité des emplois que l'État et ses opérateurs connaîtraient sur la période de programmation, mais une augmentation . Si celle-ci resterait limitée à moins de 0,5 % des emplois, force est de constater que le Gouvernement n'affiche aucune ambition particulière en termes de maîtrise de l'emploi public.

Il faut remonter au quinquennat 2007-2012 pour connaître une véritable baisse des effectifs de l'État, qui avait été de plus de 26 000 équivalents temps plein travaillés (ETPT) par an entre 2008 et 2012, soit 6,0 % en cinq ans.

S'agissant de la masse salariale , le présent projet de loi de programmation des finances publiques ne comporte aucune mesure ni engagement sur la période 2023-2027. Toutefois, il ressort du projet de loi de finances pour 2023, sur la première année de programmation, une forte progression de 4,3 % de la masse salariale cette année-là, après + 4,6 % entre 2021 et 2022.

La prévision de stabilité, voire de légère progression, de l'emploi de l'État au cours des années 2023 à 2027 permet d'anticiper une augmentation continue de la masse salariale durant la période.

Évolution de la masse salariale de l'État depuis 2007

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données des rapports sur le budget de l'État, des projets de loi de finances et des réponses aux questionnaires budgétaires. Périmètre : budget général, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions »

2. La trajectoire des administrations de sécurité sociale

Le sous-secteur des administrations de sécurité sociale (ASSO) comprend, au sens de la comptabilité nationale :

- d'une part, les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) , les régimes de retraite complémentaire obligatoires (AGIRC et ARRCO, IRCANTEC notamment) ainsi que le régime d'indemnisation du chômage , les fonds participant au financement de ces organismes (dont le Fonds de solidarité vieillesse - FSV), la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et le Fonds de réserve des retraites (FRR) ;

- d'autre part, les organismes dépendant des assurances sociales (ODAS), principalement les hôpitaux et Pôle emploi.

Les dépenses des ASSO passeraient de 700 milliards d'euros en 2022 à 811 milliards d'euros en 2027, soit une progression de 15,9 % en valeur et de 2 % en volume . Plus précisément, elles diminueraient de 1 % en volume en 2023, en raison principalement d'un moindre surcoût des dépenses liées à la crise sanitaire, puis progresseraient de 3 % en volume de 2024 à 2027.

La trajectoire de la programmation des finances publiques prévoit une contribution constamment positive des ASSO au solde des administrations publiques sur la période 2023-2027 , comprise entre 0,7 et 1 point de PIB.

Cette situation ne peut être valablement appréciée qu'au regard des données relatives aux différentes administrations de sécurité sociale, dans la mesure où les prévisions associées au projet de loi de financement de la sécurité sociale témoignent d'un déficit persistant des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, qui représentent les quatre cinquièmes des dépenses des ASSO, sur la période 2023-2026.

Évolution du solde des administrations de sécurité sociale (2023-2027)

(en points de PIB)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Régime général et FSV

- 0,6

- 0,3

- 0,2

- 0,2

- 0,2

- 0,2

Unédic

0,2

0,2

0,3

0,3

0,4

0,5

Régimes complémentaires

0,3

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

Cades/FRR

0,6

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

Odass

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Ensemble des ASSO

0,5

0,8

0,8

0,7

0,8

1,0

a) Un solde positif essentiellement lié à la contribution de la CADES et à des prévisions d'excédents croissants de l'assurance chômage

Il apparaît ainsi que l'excédent prévu sur l'ensemble de la période, malgré la situation déficitaire des régimes obligatoires de base, résulte de deux facteurs de nature différente :

- une contribution positive, de l'ordre de 0,5 point de PIB, provenant de l'ensemble formé par la CADES et le FRR ;

- un excédent croissant de l'assurance chômage et, dans une moindre mesure, un excédent des régimes complémentaires obligatoires de retraite.

En comptabilité nationale, la CADES présente systématiquement une situation fortement excédentaire , représentant la différence entre ses recettes (de l'ordre de 20 milliards d'euros par an) et ses charges financières. Le résultat positif est consacré à l'amortissement de la dette sociale qui lui a été transférée et n'entre pas, en comptabilité nationale, dans les dépenses des ASSO.

Ainsi, le solde de la CADES serait positif à hauteur de 16,8 milliards d'euros en 2022 et 16,4 milliards d'euros en 2023 11 ( * ) , mais il est consacré à l'apurement de la dette passée et ne compense pas les déficits présents des régimes de sécurité sociale.

Hors prise en compte de la CADES, le solde des ASSO demeurerait très légèrement positif, mais s'améliorerait sous l'effet des excédents de l'assurance chômage qui représenteraient 0,5 point de PIB en 2027 .

L'Unédic, déficitaire depuis 2009, a annoncé le retour à une situation excédentaire en 2022 , avec un solde positif estimé à 4,4 milliards d'euros cette année et se stabilisant à 4,2 milliards d'euros en 2023 puis en 2024.

Dans l'annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le Gouvernement prévoit quant à lui un excédent de 4,1 milliards d'euros en 2022 et de 4,5 milliards d'euros en 2023.

Enfin, le rapport économique, social et financier mentionne un solde positif, exprimé en comptabilité nationale, de 4,6 milliards d'euros en 2022 et 4,8 milliards d'euros en 2023.

Selon les réponses apportées par le Gouvernement aux questions du rapporteur, « le solde du régime d'indemnisation du chômage se redresserait significativement entre 2023 et 2027 grâce à un emploi dynamique et sous l'effet des mesures qui contribueraient à accroître l'offre de travail et à atteindre le plein emploi. Ces effets permettraient de diminuer progressivement les dépenses sur la période. L'amélioration du solde serait aussi soutenue par la hausse des recettes du fait du dynamisme de la masse salariale ».

Le Gouvernement rappelle qu'il « engagera dès l'automne 2022 une concertation avec les partenaires sociaux sur les règles d'indemnisation, puis sur la gouvernance de l'assurance chômage » et actionnera « plusieurs autres leviers [...] dont le rapprochement de Pôle emploi et des acteurs locaux du service public de l'emploi au sein de France Travail pour améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi ».

Il précise que « la trajectoire intègre à ce titre des économies de l'ordre de 2 milliards d'euros dès 2024 ».

C'est donc à la fois sur les recettes et sur les dépenses que joueraient ces différentes hypothèses pour aboutir à un solde positif représentant 0,5 point de PIB en 2027. La dette de l'Unédic ayant atteint 63,3 milliards d'euros fin 2021, ces excédents seraient consacrés à son remboursement progressif.

b) Un déficit persistant des régimes de base de sécurité sociale

L'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit un déficit des ROBSS et du FSV ramené à 6,8 milliards d'euros en 2023, puis une détérioration sensible sur les années ultérieures, avec un déficit de 8,8 milliards d'euros en 2024, 12,7 milliards d'euros en 2025 et 11,8 milliards d'euros en 2026.

C'est donc une dégradation des comptes sociaux qui est projetée alors même que cette trajectoire repose sur des hypothèses de croissance, et donc de masses salariale et de recettes, que le Haut Conseil des finances publiques juge « optimistes » 12 ( * ) .

La trajectoire des régimes obligatoires de base de sécurité sociale résulte d' évolutions contrastées entre les différentes branches , plus dynamique pour les branche famille, autonomie et surtout vieillesse que pour la branche maladie .

Taux d'évolution des dépenses des ROBSS

2023

2024

2025

Prestations famille

4,7 %

4,7 %

4,2 %

Prestations retraite

4,4 %

6,3 %

4,5 %

ONDAM

3,7 %

2,7 %

2,7 %

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques

La branche famille , dont les dépenses augmenteraient fortement
en 2023 du fait d'un transfert de charges de 2 milliards d'euros provenant de la branche maladie et de la revalorisation de l'allocation de soutien familial, connaîtrait encore une progression soutenue de ses dépenses à compter de 2024 , liée à la création d'un service public de la petite enfance, avec le développement de nouvelles places en crèche ainsi que l'amélioration et l'extension du complément de mode de garde à compter de 2025.

Les dépenses de la branche autonomie seraient également en hausse sous l'effet de la création de postes supplémentaires d'aides-soignants et d'infirmiers dans les EHPAD et l'accroissement des moyens consacrés au maintien à domicile.

S'agissant de la branche vieillesse , une réforme des retraites est intégrée dans la trajectoire de la programmation . En réponse au questionnaire du rapporteur, le Gouvernement a indiqué que « les économies « brutes » générées par une montée en charge progressive du relèvement moyen de l'âge de départ provisionnées dans la trajectoire s'élèvent autour de 9 milliards d'euros par an d'ici 2027 ». Mais il n'a pas précisé, dans ce montant, la part revenant à l'effet des mesures déjà en vigueur sur l'augmentation de l'âge effectif de départ et celle qui résulterait d'une réforme à venir. Il précise en outre que cette « économie brute » ne tient pas compte de mesures d'accompagnement telles que le relèvement du minimum de pension.

En tout état de cause, cette réforme serait engagée tardivement au regard des perspectives de dégradation de la situation financière des régimes de retraite, confirmées par le Conseil d'orientation des retraites dans son rapport de septembre dernier. Comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques, « les économies qui en découleraient seraient de toute façon progressives et limitées à l'horizon de la période de programmation » 13 ( * ) .

Quant à la branche maladie , la programmation prévoit une évolution relativement modérée de ses dépenses , leur maîtrise apparaissant donc comme un élément clé pour ne pas aggraver un déficit qui s'accentue dès 2024 et persiste à un niveau élevé.

Le Haut Conseil des finances publiques observe ainsi que « les dépenses d'assurance maladie dans le champ de l'ONDAM (+ 2,7 % en 2024 et 2025 puis 2,6 % en 2026 et 2027) sont inscrites en progression sensiblement moins rapide que le PIB (+ 4,1 % puis + 3,5 %, 3,3 % et 3,4 %), ce qui s'est rarement produit par le passé ».

Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 présente diverses mesures de nature à maîtriser le niveau de l'ONDAM, celui-ci progressera néanmoins de 3,7 % hors dépenses liées à la crise sanitaire. En outre, ces mesures destinées à maîtriser l'évolution de l'ONDAM, telles que le renforcement de la pertinence des prescriptions ou des actions de contrôle et de lutte contre la fraude, ne sont pas précisément documentées.

Enfin, des efforts supplémentaires de maîtrise des dépenses d'assurance maladie seront nécessaires sur chacune des autres années de programmation pour tenir une évolution de l'ONDAM de 2,7 % par an en 2024 et 2025, puis 2,6 % sur les deux années suivantes.

3. Une contraction des dépenses des administrations locales

Au sens de la comptabilité nationale, les administrations locales (APUL) incluent les collectivités territoriales ainsi que les organismes divers d'administrations locales (ODAL) : centres communaux d'action sociale, caisses des écoles, syndicats de collectivités etc.

Il convient de noter que depuis 2016, la Société du Grand Paris (SGP) est rattachée à la catégorie des administrations publiques locales de même que, depuis 2020, la Société du Canal Seine-Nord Europe.

Pour la période de programmation 2023-2027, le Gouvernement prévoit :

- une baisse des dépenses locales de l'ordre de 0,8 point de PIB ;

- une baisse des recettes locales de l'ordre de 0,2 point de PIB ;

- une amélioration du solde des administrations locales de 0,6 point de PIB.

Évolution des dépenses, recettes et solde
des administrations locales

(en point de PIB)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Dépenses totales

11,2

11,0

10,9

10,8

10,5

10,2

Recettes totales

11,1

10,9

10,8

10,8

10,7

10,7

Solde

0,0

-0,1

-0,1

0,0

0,2

0,5

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques

Comme le précise l'article 3 du projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement prévoit que les dépenses des administrations publiques locales augmenteraient en valeur de 31 milliards d'euros entre 2022 et 2027.

Neutralisée de l'inflation, cette évolution correspond toutefois à une baisse équivalente à 7 milliards d'euros en euros de l'année 2022. Ainsi, le Gouvernement envisage de réduire d'environ 0,5 % par en volume les dépenses des administrations locales.

Cet objectif ne doit pas être confondu avec celui proposé à l'article 16 du projet de loi de programmation et traduit en termes opérationnels par le mécanisme présenté à l'article 23 qui se substitue aux anciens « Contrats de Cahors ».

En effet, ces deux articles portent uniquement sur le périmètre des collectivités territoriales et ne concernent que les dépenses de fonctionnement de ces dernières dont le Gouvernement souhaite qu'elles diminuent de 0,5 % par an en volume à compter de 2023. Comme cela est développé infra dans les commentaires des articles 16 et 23, ces dispositifs apparaissent contestables.

L'objectif prévu à l'article 3 concerne quant à lui l'ensemble des administrations locales (collectivités et organismes divers) et porte sur l'ensemble des dépenses (investissement et fonctionnement).

S'il ne constitue qu'un objectif programmatique, il est d'une ampleur relativement forte en comparaison historique . Ainsi, au cours des trois derniers quinquennats - et s'il est fait omission des années 2020 et 2021 en raison de la crise sanitaire -, les dépenses locales ont progressé en moyenne annuelle et en volume de 0,3 % à 2,2 %.

Évolution des dépenses des administrations locales

(en euros de l'année 2022)

Source : commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE et les documents budgétaires

III. IL EST NÉCESSAIRE DE CONSTRUIRE DÈS MAINTENANT UNE TRAJECTOIRE AMBITIEUSE DE BAISSE DES DÉPENSES PUBLIQUES

1. Une stratégie ambitieuse et crédible doit être recherchée

Comme le rapporteur l'a montré, les efforts de maîtrise des dépenses publiques présentés par le Gouvernement à l'occasion de ce projet de loi de programmation, s'appliquent uniquement aux administrations de sécurité sociale et aux collectivités locales, dès lors qu'on s'intéresse au périmètre des dépenses primaires ordinaires.

Sur la période de programmation, les dépenses primaires ordinaires progresseraient de 0,6 % en volume par an en moyenne. Le déficit ne reviendrait sous le niveau de 3 % qu'à compter de 2027 ce qui fragilise notre pays par rapport à nos principaux partenaires européens qui eux atteindront cet objectif dès 2025 au plus tard.

Dans ce contexte, une trajectoire plus ambitieuse d'évolution des dépenses doit donc être proposée et mise en oeuvre. Pour autant, celle-ci se doit d'être crédible, c'est-à-dire de ménager les effets récessifs sur la croissance du PIB, d'une part, et atteignable, c'est-à-dire s'appuyer sur des pistes d'économies identifiées et réalistes .

Pour cette raison, le rapporteur n'entend pas proposer de trajectoire qui pour aussi « compréhensible » qu'elle soit pour l'opinion publique ne serait pas réalisable.

Il a, à cet effet, décidé d'écarter, une stratégie que l'on pourrait qualifier de « zéro volume en dépense pour toutes les administrations ». Celle-ci aurait, au plan comptable, pourtant permis de réduire le déficit à 3 % du PIB dès 2025 et de le situer à moins de 1,5 % du PIB en 2027, ce qui est un résultat qui n'a pas été observé depuis 2001.

Néanmoins, elle aurait impliqué de contraindre très fortement l'évolution des dépenses sociales alors que les besoins vont croissants en matière de santé, de dépendance et de vieillesse.

Le rapporteur estime que la trajectoire de réduction des dépenses doit permettre d'assurer l'équité entre les catégories d'administration.

Il n'est pas acceptable que, hors dépenses de crise, les administrations centrales ne fournissent aucun effort (+ 0,9 % de dépenses primaires ordinaires en volume par an) quand les autres administrations publiques sont - elles - appelées à faire un effort en réduisant leurs dépenses primaires en volume chaque année.

2. La proposition du rapporteur : un effort équitable entre les administrations centrales et locales pour consolider les comptes publics

Dans ce contexte, il paraît à la fois plus ambitieux et cohérent que les administrations centrales réalisent le même effort que celui demandé aux administrations locales , à savoir - 0,5 % de dépenses en volume chaque année. En revanche, l'évolution des dépenses sociales proposée par le projet de loi serait préservée .

Cet effort de l'État porterait sur le périmètre des dépenses primaires ordinaires, de sorte qu'il ne contraindra pas le financement des dispositifs de crise , en particulier ceux visant à préserver le pouvoir d'achat des Français.

Il permettrait de limiter la progression en volume des dépenses primaires ordinaires de l'ensemble des administrations publiques à 0,2 % par an en moyenne contre + 0,6 % dans le scénario du Gouvernement.

Évolution des dépenses primaires ordinaires des administrations publiques

(en volume - base 100 en 2022)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ce scénario implique que les administrations centrales réalisent un montant sensible d'économies tout au long de la période de programmation.

Différence entre les niveaux de dépenses proposés par le Gouvernement
et par le rapporteur

(en milliards d'euros)

Lecture : en 2023, les administrations centrales devront réaliser 3,8 milliards d'euros d'économies supplémentaires par rapport à ce que le Gouvernement propose dans le projet de loi de programmation. En sens inverse, les administrations locales pourront voir leurs dépenses progresser de 1,3 milliard d'euros de plus que ce que ne proposait le Gouvernement.

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, dans la mesure où l'effort demandé serait réparti linéairement sur la période de programmation - ce qui n'est pas le cas de la trajectoire proposée par le Gouvernement - les administrations locales bénéficieront d'un allégement de l'objectif de baisse de dépenses en 2023 - comparativement à ce que propose le Gouvernement - leur permettant de faire davantage face aux conséquences de la crise.

Ainsi, pour respecter la trajectoire que propose le rapporteur, il sera nécessaire dès le projet de loi de finances pour 2023 de réaliser 3,8 milliards d'euros d'économies sur le périmètre des dépenses des administrations centrales.

A moyen-terme, comparativement à la trajectoire proposée par le Gouvernement, il sera nécessaire (en euros courant) de réaliser 36,6 milliards d'euros d'économies en 2027.

Si des mesures immédiates seront proposées dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, les exercices à venir appelle à dégager des pistes d'économies structurelles ambitieuses dans le fonctionnement des administrations centrales.

L'ensemble de ces mesures d'économies devront préserver les champs régaliens que sont la défense et la sécurité. De même, une attention particulière devra être apportée à l'enseignement scolaire et à la situation de la justice.

D'abord, certaines dépenses envisagées dans le cadre de lois de programmation pluriannuelle pourraient être limitées ou décalées
dans le temps.

À titre d'exemple, la progression de l'aide publique au développement - qui ne participe pas à augmenter notre activité économique et qui pourrait être resserrée sur des projets présentant un fort intérêt diplomatique et sécuritaire - pourrait être remise en cause ce qui permettrait d'économiser près de 2 milliards d'euros d'ici 2025.

Ensuite, l'organisation de certains services publics pourrait être repensée. Ainsi, dans le secteur de la culture, des économies structurelles de l'ordre d'un milliard d'euros peuvent être attendues à moyen terme par la restructuration de France Télévisions et notamment l'engagement d'une réflexion sur le futur du canal 5.

En outre, une action résolue doit être entreprise s'agissant de l'évolution des dépenses de personnel de l'État et des opérateurs. Celle-ci impliquerait de ralentir la progression puis de diminuer le nombre des agents publics - fonctionnaires ou contractuels.

La mise en oeuvre de cette trajectoire permettra de consolider plus rapidement nos comptes publics tout en limitant le risque de grever l'activité économique.

Évolution du solde public

(en pourcentage du PIB)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ainsi, à trajectoire de recettes publiques inchangée par rapport au scénario retenu par le Gouvernement, le déficit reviendrait en-dessous de 3 % dès 2025 ce qui est plus en ligne avec les stratégies adoptées par nos partenaires européens.

L'endettement public s'en trouverait également amélioré puisqu'il se situerait, en fin de programmation, près de 3 points de PIB en dessous de ce que prévoit le Gouvernement dans sa propre trajectoire.

Évolution de l'endettement public

(en pourcentage du PIB)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER

ORIENTATIONS PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES

ARTICLE 1er

Approbation du rapport annexé

. Le présent article prévoit l'approbation du rapport annexé au projet de loi des finances publiques pour les années 2023-2027.

Comme le montre l'exposé général, les hypothèses macroéconomiques que présente le rapport annexé sont plus qu'optimistes.

Pour autant, la commission propose de prendre acte de ces hypothèses et de ce rapport en ce qu'ils constituent la position du Gouvernement et le point de départ sur les dispositions de fonds du projet de loi, notamment la trajectoire d'évolution des dépenses publiques.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA PRÉSENTATION D'UN RAPPORT ANNEXÉ AU PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

En application des dispositions de l'article 1 E de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 14 ( * ) , un rapport annexé au projet de loi de programmation est soumis à l'approbation du Parlement.

Il doit mentionner :

« 1° Les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la
programmation ;

2° Une présentation, pour l'ensemble de la période de la programmation, des principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d'investissement au sens du dernier alinéa de l'article 1er A, compte tenu de leur contribution à la croissance potentielle du produit intérieur brut, à la transformation structurelle du pays et à son développement social et environnemental à long terme. Cette présentation retrace notamment leur nature, leur montant et leurs effets attendus ;

3° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d'endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs, exprimées en valeur et selon les conventions de la comptabilité nationale ;

4° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, une évaluation minimaliste, moyenne et maximaliste de l'évolution des taux d'intérêt et de son impact sur les comptes de l'État ;

5° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, l'estimation des dépenses d'assurance vieillesse et des dépenses d'allocations familiales ;

6° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses et de solde des régimes complémentaires de retraite et de l'assurance chômage, exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ;

7° Les mesures de nature à garantir le respect de la programmation ;

8° Toute autre information utile au contrôle du respect des plafonds et objectifs mentionnés aux 2° et 3° de l'article 1er B, notamment les principes permettant de comparer les montants que la loi de programmation des finances publiques prévoit avec les montants figurant dans les lois de finances de l'année et les lois de financement de la sécurité sociale de l'année ;

9° Les projections de finances publiques à politiques inchangées, au sens de la directive 2011/85/ UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, et la description des politiques envisagées pour réaliser l'objectif à moyen terme au regard de ces projections ;

10° Le montant et la date d'échéance des engagements financiers significatifs de l'État en cours n'ayant pas d'implication immédiate sur le solde structurel ;

11° Les modalités de calcul de l'effort structurel mentionné à l'article 1er A de la présente loi organique, la répartition de cet effort entre chacun des sous-secteurs des administrations publiques et les éléments permettant d'établir la correspondance entre la notion d'effort structurel et celle de solde structurel ;

12° Les hypothèses de produit intérieur brut et de produit intérieur brut potentiel retenues pour la programmation des finances publiques. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;

13° Les hypothèses ayant permis l'estimation des effets de la conjoncture sur les dépenses et les recettes publiques, notamment les hypothèses d'élasticité à la conjoncture des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d'indemnisation du chômage. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;

14° Les modalités de calcul du solde structurel annuel mentionné à
l'article 1er A.

Ce rapport présente également la situation de la France, par rapport aux autres États membres de l'Union européenne, au regard des objectifs stratégiques européens. »

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA DEMANDE D'APPROBATION DU RAPPORT ANNEXÉ

Le présent article propose l'approbation du rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : PRENDRE ACTE D'UN RAPPORT QUI CONSTITUE LA POSITION DU GOUVERNEMENT

Comme l'exposé général le montre, les hypothèses notamment macroéconomiques sur lesquelles sont fondées le projet de loi de programmation et que le rapport annexé présente sont trop optimistes.

Dans ce contexte, il pourrait être justifié de réviser le rapport annexé ainsi que l'ensemble du scénario macroéconomique sous-jacent au projet de loi de programmation afin de lui préférer un scénario plus proche du consensus des économistes.

Le rapporteur ne souhaite pas aller dans cette direction.

En effet, l'apport essentiel de la loi de programmation des finances publiques doit être de déterminer une trajectoire crédible et ambitieuse de réduction des dépenses et de maitrise du déficit public, ce que ne propose pas le Gouvernement à ce stade.

Or, réviser le scénario macroéconomique impliquerait de modifier l'ensemble des agrégats de finances publiques qui sont exprimés en rapport au PIB (dépenses publiques, prélèvements obligatoires, solde, endettement etc.) ou au PIB potentiel (solde structurel, effort structurel etc.).

Une telle révision du scénario nuirait à la clarté du débat entre le Gouvernement et le Parlement sur l'ajustement de la trajectoire des finances publiques, ce qui n'est pas souhaitable.

Ainsi, la commission des finances vous propose d'adopter le rapport annexé sans modification, en le considérant comme la position du Gouvernement et comme le point de départ d'une discussion de fond à engager sur les différents articles du projet de loi de programmation.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE PREMIER

LE CADRE FINANCIER DE L'ENSEMBLE DES ADMINISTRATIONS

ARTICLE 2

Objectif à moyen terme (OMT) des administrations publiques

. Le présent article prévoit de fixer l'objectif de moyen terme de solde structurel des administrations publiques à - 0,4 % du PIB potentiel. En parallèle, il propose une trajectoire d'évolution du solde structurel qui aboutit à un déficit structurel de - 2,8 % du PIB potentiel en 2027.

La commission a révisé la trajectoire de solde structurel proposée au présent article de sorte à tenir compte, d'une part, de la révision de l'estimation de solde pour l'année 2023 intervenue lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 à l'Assemblée nationale et, d'autre part, de la détermination d'un objectif de maitrise des dépenses publiques plus ambitieux que celui proposé par le Gouvernement.

La commission a adopté le présent article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'OBLIGATION DE DÉTERMINER UN OBJECTIF DE MOYEN TERME DU SOLDE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES ET UNE TRAJECTOIRE DE CONVERGENCE VERS CET OBJECTIF

Pour la transposition des obligations européennes résultant du Pacte de stabilité et de croissance et du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de 2012, l'article 1 A de la loi organique
du 1 er août 2001 relative aux lois de finances 15 ( * ) prévoit que « la loi de programmation des finances publiques fixe l'objectif à moyen terme des administrations publiques » et « détermine, en vue de [sa] réalisation (...) les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels successifs des comptes des administrations publiques ».

Aux termes des dispositions de l'article 3 du TSCG, l'objectif de moyen terme ne peut être inférieur :

- à - 1 % du PIB potentiel lorsque la dette publique n'excède pas 60 % du PIB ;

- à - 0,5 % du PIB potentiel lorsque la dette publique excède 60 % du PIB.

Lorsque l'objectif de moyen terme n'est pas atteint, les États doivent déterminer une trajectoire de solde structurel assurant une « convergence rapide » vers cet objectif.

À cet égard, il revient, d'après la lettre du traité, à la Commission européenne de proposer un calendrier de convergence tenant compte de la situation des finances publiques de l'État concerné.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN OBJECTIF DE MOYEN TERME DE - 0,4 % DU PIB POTENTIEL QUI NE SERAIT PAS ATTEINT EN 2027

Le présent article fixe l'objectif de moyen terme de solde structurel à - 0,4 % du PIB potentiel tel qu'il résulte du scénario macroéconomique présenté au rapport annexé.

Le présent article fixe par ailleurs la trajectoire d'évolution du solde structurel et prévoit l'atteinte, en 2027, d'un solde structurel équivalent à -- 2,8 % du PIB potentiel.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA PRISE EN COMPTE DES EFFETS DE LA RÉVISION DU SOLDE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN 2023 ET LE SOUHAIT DE PROPOSER UNE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DES DÉPENSES PLUS AMBITIEUSE

Ainsi que le rapporteur l'a développé dans l'exposé général, si l'objectif de moyen terme des administrations publiques proposé par le Gouvernement (- 0,4 %) du PIB est conforme aux obligations qui découlent du TSCG, la conformité de la trajectoire d'évolution du solde structurel à nos obligations européennes est plus discutable.

En effet, l'ajustement structurel proposé - c'est-à-dire la variation entre deux exercices du solde structurel - ne permet pas d'atteindre l'objectif de moyen terme (qui est de - 0,4 % du PIB potentiel) à l'issue de la période de programmation puisque le solde structurel s'établirait, en 2027, à - 2,8 % du PIB potentiel.

Si l'ajustement structurel proposé pendant la période de programmation (environ 0,3 point de PIB potentiel par an) était poursuivi après 2027, il faudrait attendre l'année 2035 avant que la France n'atteigne son objectif de moyen terme.

Certes, il appartiendra à la Commission européenne d'indiquer, le cas échéant, si la situation des finances publiques et de l'économie française justifie de lisser dans le temps la trajectoire d'atteinte de l'objectif de moyen terme.

Pour autant, il n'est pas certain qu'une durée de 12 années puisse être regardée comme une « convergence rapide » au sens du TSCG vers l'objectif de moyen terme de solde structurel.

Il apparait donc nécessaire de proposer une trajectoire qui s'inscrive davantage dans l'esprit de nos engagements européens.

Atteindre l'objectif de moyen terme dès 2027 ne parait, toutefois, ni pertinent au regard des risques macroéconomiques que poserait une contraction aussi rapide de la dépense publique (environ - 0,9 point de PIB potentiel par an à scénario de recettes constantes) ni nécessaire compte tenu de la suspension temporaire depuis 2020 des obligations quantitatives au niveau communautaire en matière de solde public , d'une part, et des flexibilités que la situation d'après-crise des finances publiques imposent nécessairement, d'autre part.

Comme cela a été développé dans l'exposé général, la trajectoire d'évolution des dépenses publiques proposées par le Gouvernement n'est pas assez ambitieuse et singularise négativement la France par rapport à ses partenaires européens.

Ainsi, le rapporteur propose de réviser la trajectoire proposé par le Gouvernement en introduisant le principe d'une diminution en volume des dépenses primaires hors mesures de crise des administrations centrales
de 0,5 % par an entre 2022 et 2027.

Cette nouvelle trajectoire, plus ambitieuse, implique par construction une amélioration du solde structurel bien plus rapide que celle que propose le Gouvernement . En conséquence, la commission a adopté un amendement du rapporteur COM-94 tendant à réviser la trajectoire de solde structurel proposé à l'article 2 en tenant compte de deux éléments :

- d'une part, de la révision de l'estimation du solde public pour l'année 2023 (passant de - 5 % du PIB à - 4,7 % du PIB) lors du dépôt à l'Assemblée nationale du texte de la première partie du projet de loi de finances pour 2023 sur lequel le Gouvernement engage sa responsabilité aux termes de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution ;

- d'autre part, de l'effet sur l'évolution du solde public de la trajectoire d'économies en dépense que le rapporteur propose à l'article 3 du projet de loi de programmation des finances publiques (amendement COM-95 ).

Ainsi modifié, la trajectoire d'évolution du solde structurel prévoirait un ajustement structurel de l'ordre de 0,6 point en moyenne sur la période 2023-2027. Dans ce contexte, l'objectif de moyen terme serait atteint en 2030 et non en 2035 comme la trajectoire du Gouvernement le sous-tend.

Évolution du solde structurel (en tenant compte de la révision du solde public pour l'année 2023 intervenue lors de l'examen du PLF
pour 2023 à l'Assemblée nationale)

(en point de PIB potentiel)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel (projet du Gouvernement)

-4,3

-3,7

-3,7

-3,4

-3,1

-2,8

Ajustement structurel

0,6

0,0

0,3

0,3

0,3

Solde structurel (proposition du rapporteur)

-4,3

-3,6

-3,6

-2,5

-2,2

-1,7

Ajustement structurel

0,7

0,0

1,1

0,4

0,4

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3

Décomposition de la trajectoire de solde effectif entre sa composante structurelle, sa composante conjoncturelle
et les mesures ponctuelles et temporaires

. Le présent article présente la trajectoire du solde, des dépenses, des prélèvements obligatoires et d'endettement des administrations publiques. En parallèle, il fixe une trajectoire en euros courants et en volume d'évolution des dépenses de chacun des secteurs d'administrations publiques.

La trajectoire présentée par le Gouvernement ne permet pas de différencier les dépenses ordinaires de celles engagées pour répondre aux conséquences des crises sanitaire, économique et énergétique - qui sont par définition temporaires.

Ce faisant, l'objectif de maîtrise des dépenses publiques qu'affiche le Gouvernement (- 0,2 % par an en moyenne et en volume entre 2022 et 2027) est artificiellement élevé. En effet, retraitées de l'ensemble des mesures de crises, la dépense publique progresserait, en réalité, de 0,6 % en volume par an sur la même période.

En tout état de cause, la trajectoire proposée par le Gouvernement n'est pas assez ambitieuse et conduirait le déficit à revenir seulement au niveau de 3 % du PIB en 2027.

Pour cette raison, la commission des finances a adopté un nouvel objectif d'évolution des dépenses publiques qui prévoit une diminution de 0,5 % en volume des dépenses ordinaires des administrations centrales, hors domaine régalien. Cette trajectoire permettra d'atteindre 3 % de déficit dès 2025 et de présenter un déficit équivalent à 1,7 % du PIB en 2027.

En outre, la commission des finances a souhaité renforcer la lisibilité de l'information donnée au citoyen en indiquant explicitement le montant attendu des dépenses ordinaires - c'est-à-dire hors charge de la dette et mesures engagées pour répondre aux crises - ainsi que le taux d'évolution en volume de ces dépenses.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE PRÉSENTATION DE L'OBJECTIF D'ÉVOLUTION DES DÉPENSES ET DU SOLDE PUBLICS

Aux termes des dispositions des articles 1 A et 1 B de la loi organique du 1 er août 2021 relative aux lois de finances, la loi de programmation des finances publiques doit présenter :

- les calculs permettant le passage des soldes structurels aux soldes effectifs pour chaque année de la période de programmation ;

- la décomposition des soldes effectifs annuels par sous-secteurs d'administrations publiques ;

- un objectif annuel d'évolution en volume et de montant en valeur des dépenses des administrations publiques déclinés par sous-secteurs ;

- une prévision d'évolution en volume et une prévision en valeur du montant des dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d'investissement.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN TABLEAU PRÉSENTANT UN OBJECTIF D'ÉVOLUTION DES DÉPENSES ET DU SOLDE PUBLICS

Conformément aux dispositions organiques, le présent article présente un tableau récapitulant les prévisions d'évolution des dépenses publiques, des prélèvements obligatoires ainsi que du solde et de l'endettement public.

L'exposé général procède à une analyse détaillée de ces objectifs à laquelle le lecteur est invité à se référer.

Décomposition du solde public par composante et trajectoire de l'endettement public proposé par le Gouvernement (avant prise en compte des effets des votes intervenus à l'Assemblée nationale lors de l'examen du PLF pour 2023)

(En points de produit intérieur brut sauf mention contraire)

Ensemble des administrations publiques

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

- 4,2

- 4,0

- 3,7

- 3,4

- 3,1

- 2,8

Solde conjoncturel (2)

- 0,6

- 0,8

- 0,7

- 0,5

- 0,3

0,0

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

- 0,1

- 0,2

- 0,1

- 0,1

0,0

0,0

Solde effectif (1+2+3)

- 5,0

- 5,0

- 4,5

- 4,0

- 3,4

- 2,9

Dépense publique

57,6

56,6

55,6

55,0

54,3

53,8

Dépense publique (en Md€)

1 522

1 564

1 600

1 637

1 669

1 709

Évolution de la dépense publique en volume ( %) *.

- 1,1

- 1,5

- 0,6

0,3

0,2

0,6

Agrégat des dépenses d'investissement** (en Md€).

-

25

28

31

33

35

Évolution de l'agrégat de dépenses d'investissement en volume (%)

-

-

7

9

6

2

Taux de prélèvements obligatoires

45,2

44,7

44,2

44,3

44,3

44,3

Dette au sens de Maastricht

111,5

111,2

111,3

111,7

111,6

110,9

État et organismes divers d'administration centrale

Solde effectif

- 5,4

- 5,6

- 5,2

- 4,7

- 4,5

- 4,3

Dépense publique (en Md€)

629

636

637

643

655

675

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

0,0

- 2,6

- 2,5

- 1,1

0,4

1,6

Administrations publiques locales

Solde effectif

0,0

- 0,1

- 0,1

0,0

0,2

0,5

Dépense publique (en Md€)

295

305

314

322

323

326

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

0,1

- 0,6

0,1

0,4

- 1,3

- 1,1

Administrations de sécurité sociale

Solde effectif

0,5

0,8

0,8

0,7

0,8

1,0

Dépense publique (en Md€)

700

721

747

772

792

811

Évolution de la dépense publique en volume ( %)*.

- 2,6

- 1,0

0,5

1,2

0,7

0,6

* Hors crédit d'impôt, hors transferts, à champ constant

** Dépenses considérées comme des dépenses d'investissement au sens du dernier alinéa de l'article 1 A et du deuxième alinéa de l'article 1 E de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances

Source : article 3 du projet de loi de programmation des finances publiques

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE TRAJECTOIRE EN TROMPE-L'oeIL ET QUI MANQUE D'AMBITION

Comme le rapporteur l'a détaillé dans son exposé général, la trajectoire d'évolution des dépenses publiques proposée par le Gouvernement présente trois caractéristiques :

- elle affiche un effort de maîtrise des dépenses artificiellement élevé (- 0,2 % sur la période 2022-2023) puisque les mesures engagées pour faire face à la crise sanitaire, économique et énergétique - qui sont pourtant temporaires et exceptionnelles - ne sont pas retraitées de sorte à permettre d'évaluer l'évolution de la dépense « ordinaire » ;

- elle implique un effort réparti de façon tout à fait inéquitable puisqu'une fois retraitée des dépenses exceptionnelles liées aux crises, la trajectoire ne prévoit une contraction des dépenses des administrations en volume ou par rapport à un tendanciel d'évolution moyen que pour les seules administrations sociales et locales ;

- elle est peu ambitieuse puisqu'elle ne permettrait de faire revenir le niveau du déficit public qu'à compter de 2027 quand la plupart de nos partenaires européens y seront parvenus dès 2025.

Évolution en volume des dépenses hors charge de la dette

(base 100 en 2022)

Avant retraitement des dépenses de crises

Après retraitement des dépenses de crises

Source : calculs de la commission des finances à partir des documents budgétaires et des réponses au questionnaire du rapporteur

Dans ce contexte, le rapporteur a proposé à la commission de réviser l'objectif d'évolution des dépenses publiques au cours de la période 2022-2027. La trajectoire qu'il propose poursuivrait trois objectifs :

- prévoir une contribution à la maîtrise des dépenses aux administrations centrales à la hauteur de celle demandée aux administrations locales ;

- tout en sanctuarisant la progression des dépenses sociales et des dépenses régaliennes ;

- et en permettant de réduire plus rapidement le déficit public afin qu'il soit inférieur à 3 % du PIB dès 2025.

En pratique, la trajectoire proposée consiste à prévoir une diminution des dépenses des administrations centrales hors charge de la dette et hors mesures liées aux crises égale à celle demandée aux administrations locales, soit - 0,5 % par an en volume , ce qui correspond à l'effort annuel moyen demandé par le Gouvernement aux administrations locales.

Conséquemment, la commission a adopté l'amendement COM-95 du rapporteur qui modifie le tableau présenté à l'article 3 afin :

- de modifier la trajectoire d'évolution des dépenses publiques au regard des objectifs arrêtés ;

- de faire mention, pour chaque année, du montant des dépenses publiques ordinaires , c'est-à-dire retraitées de la charge de la dette et des mesures en dépenses engagées pour répondre aux crises ;

- de faire mention, pour chaque année, du taux d'évolution en volume des dépenses ordinaires .

Présentation de la trajectoire de solde des administrations résultant de l'amendement COM-95 du rapporteur (en tenant compte de la première partie du PLF pour 2023 tel qu'adoptée par l'Assemblée nationale)

(En points de produit intérieur brut sauf mention contraire)

Ensemble des administrations publiques

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

- 4,3

- 3,6

- 3,6

- 2,5

- 2,2

- 1,7

Solde conjoncturel (2)

- 0,6

- 0,8

- 0,7

- 0,5

- 0,3

0,0

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

- 0,1

- 0,2

- 0,1

- 0,1

0

0

Solde effectif (1+2+3)

- 5,0

- 4,6

- 4,4

- 3,0

- 2,4

- 1,7

Dépense publique

57,6

56,5

55,5

54,1

53,3

52,6

Dépense publique (en Md€)

1 522

1 561

1 595

1 609

1 640

1 674

Évolution de la dépense publique en volume (%) *.

- 1,2

- 1,6

- 0,8

- 1,2

0,2

0,3

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

1 407

1 467

1 513

1 550

1 579

1 608

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

- 0,4

0,0

0,2

0,3

0,1

0,0

Agrégat des dépenses d'investissement** (en Md€).

-

25

28

31

33

35

Évolution de l'agrégat de dépenses d'investissement en volume (%)

-

-

7

9

6

2

Taux de prélèvements obligatoires

45,2

44,7

44,2

44,3

44,3

44,3

Dette au sens de Maastricht

111,5

110,8

111,0

110,5

109,5

107,9

État et organismes divers d'administration centrale

Solde effectif

- 5,4

- 5,5

- 5,0

- 3,8

- 3,6

- 3,1

Dépense publique (en Md€)

629

632

633

618

626

638

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

0,0

- 3,6

- 2,8

- 4,4

- 0,4

0,2

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

531

547

557

565

571

578

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

- 1,1

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

Administrations publiques locales

Solde effectif

0,0

- 0,1

- 0,1

0,1

0,2

0,4

Dépense publique (en Md€)

295

306

313

319

323

328

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

0,0

- 0,5

- 0,7

- 0,2

- 0,6

- 0,2

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

294

304

311

316

320

325

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

0,1

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

Administrations de sécurité sociale

Solde effectif

0,5

0,8

0,8

0,7

0,8

1,0

Dépense publique (en Md€)

700

721

747

772

792

811

Évolution de la dépense publique en volume (%)*.

- 2,8

- 1,0

0,5

1,2

0,7

0,6

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

659

684

704

726

740

753

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

-0,2

0,4

1,0

1,2

0,8

0,6

* Hors crédit d'impôt, hors transferts, à champ constant

** Dépenses considérées comme des dépenses d'investissement au sens du dernier alinéa de l'article 1 A et du deuxième alinéa de l'article 1 E de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4

Trajectoire d'effort structurel

. Le présent article prévoit la trajectoire de l'effort structurel des administrations publiques qui permet de mesurer la part, dans la variation du solde structurel qui s'explique par les décisions prises par les pouvoirs publics (en dépenses ou en recettes.

Cette trajectoire découle directement des hypothèses macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement. Dans la mesure où la commission des finances a révisé la trajectoire des dépenses publiques proposée à l'article 3, il est nécessaire d'en tirer les conséquences sur celle relative à l'effort structurel.

Tel est l'objet de l'amendement adopté par la commission sur cet article.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'OBLIGATION ORGANIQUE DE DÉFINIR L'EFFORT STRUCTUREL RÉALISÉ PAR LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

L'article 1 A de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances 16 ( * ) prévoit que la loi de programmation des finances publiques détermine « l'effort structurel au titre de chacun des exercices de la période de programmation ».

Pour mémoire la variation du solde structurel d'une année sur l'autre - que l'on nomme « ajustement structurel » - peut être décomposée en deux éléments :

- une composante discrétionnaire - l'effort structurel - mesurant la part de la variation expliquée par les décisions des pouvoirs publics en recettes ou en dépenses ;

- une composante non-discrétionnaire représentant l'effet de l'évolution des recettes hors prélèvements obligatoires et de la variation de l'élasticité des prélèvements obligatoires.

L'effort structurel se décompose également en deux éléments :

- l'effort en dépense qui mesure le différentiel entre le taux d'évolution des dépenses publiques en volume et le taux de croissance potentielle du PIB ;

- l'effort en recettes qui représente l'incidence des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA PRÉSENTATION DE L'EFFORT STRUCTUREL DÉCOULANT DES HYPOTHÈSES DU GOUVERNEMENT AU PLAN MACROÉCONOMIQUE ET DE SON SCÉNARIO DE FINANCES PUBLIQUES

Compte tenu du scénario de croissance potentielle ainsi que de la trajectoire de finances publiques retenus par le Gouvernement, le présent article présente la décomposition de l'effort structurel pour chacune des années entre 2022 et 2027.

Décomposition de l'effort structurel proposé par le Gouvernement

(En points de produit intérieur brut potentiel)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Effort structurel

- 0,2

1,3

0,3

0,4

0,5

0,3

Dont :

Contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

- 0,3

0

- 0,5

- 0,1

0

0

Effort en dépense (y compris crédits d'impôt)

0,1

1,3

0,8

0,5

0,5

0,3

Source : article 4 du projet de loi de programmation des finances publiques

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RÉVISION DE L'EFFORT EN DÉPENSE QUI TIENT COMPTE DE LA NOUVELLE TRAJECTOIRE DE DÉPENSES PUBLIQUES ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES FINANCES

Dans la mesure où l'effort structurel se constate au regard des hypothèses macroéconomiques et d'évolution des finances publiques retenues par le Gouvernement, le présent article n'appelle pas d'autres observations que celles présentées au rapport général et au commentaire, notamment, de l'article 3 du projet de loi de programmation.

Toutefois, la commission ayant révisé la trajectoire de dépenses des administrations publiques présentée à l'article 3 du projet de loi de programmation, il est nécessaire d'en tirer les conséquences du point de vue du calcul de l'effort structurel. Elle a adopté l'amendement COM-96 du rapporteur à cet effet.

Décomposition de l'effort structurel tenant compte de la trajectoire d'évolution des dépenses adoptée par la commission des finances à l'article 3
du projet de loi de programmation

(En points de produit intérieur brut potentiel et en milliards d'euros)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Effort structurel

- 0,2

1,4

0,4

1,2

0,5

0,5

Contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (inchangée)

- 0,3

0

- 0,5

- 0,1

0

0

Dépense publique (Md€) [A]

1 522

1 561

1 595

1 609

1 640

1 674

Crédits d'impôts (Md€) [B]

16

16

16

12

12

12

Mesures exceptionnelles et temporaires (Md€) [C]

3,1

4,8

3,9

2,2

1

2

Hypothèse conventionnelle de coût des dépenses de chômage 17 ( * ) (1,4 % du PIB - Md€) [D]

37

39

40

42

43

45

Semi-élasticité conventionnelle des dépenses de chômage 18 ( * ) [E]

- 3,23

- 3,23

- 3,23

- 3,23

- 3,23

- 3,23

Écart de production [F]

- 1,1

- 1,4

- 1,2

- 0,8

- 0,5

0

Dépense conjoncturelle de chômage [G] (E * F/100 * D)

1,3

1,7

1,6

1,1

0,7

0,0

Dépense structurelle [H] (A + B - C -G)

1 534

1 571

1 605

1 618

1 650

1 684

Taux d'évolution en volume de la dépense structurelle (déflateur du PIB %) [I]

1,3

- 1,1

- 0,2

- 1,0

0,4

0,4

Croissance potentielle (%) [J]

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

Différence [K] (J - I)

0,1

2,5

1,6

2,3

1,0

0,9

Effort en dépense (~0,55 * K)

0,1

1,4

0,9

1,3

0,5

0,5

Source : calculs de la commission des finances à partir des documents budgétaires

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5

Mécanisme mis en place en cas de constatation d'un « écart important » par rapport à la trajectoire de solde structurel

. Le présent article prévoit que lorsque le Haut Conseil des finances publiques identifie un écart important entre les trajectoires constatées et programmées d'évolution du solde structurel, les mesures proposées par le Gouvernement pour réduire cet écart devront s'inscrire dans un calendrier de deux ans au plus.

Cette disposition figurait déjà en loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DES PRÉCISIONS À APPORTER EN LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES QUANT AU CALENDRIER DE MISE EN oeUVRE DES MESURES DE CORRECTION EN CAS D'ÉCART À LA TRAJECTOIRE DE SOLDE STRUCTUREL PRÉVUE

Pour la transposition du traité sur la coordination, la stabilité et la gouvernance (TSCG) de 2012, les dispositions prévues à
l'article 62 de la loi organique relative aux lois de finances- (LOLF) 19 ( * ) prévoient qu' un mécanisme est institué afin d'alerter et de prévoir des dispositions corrective en cas d'écart de la trajectoire du solde structurel à celle prévue en loi de programmation.

La loi organique confie au Haut Conseil des finances publiques la mission de constater, à l'occasion de l'avis qu'il rend sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, la survenue d'un « écart important » .

Lorsqu'un écart important est constaté, il appartient au Gouvernement d'en justifier la survenue lors de l'examen du projet de loi de règlement et de préciser les dispositions envisagées pour faire revenir le niveau du solde structurel vers la trajectoire de solde prévue .

L'ampleur et le calendrier des mesures de correction doivent respecter des règles dont la détermination est confiée à la loi de programmation des finances publiques, en vertu de la LOLF.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE PÉRIODE DE DEUX ANNÉES LAISSÉE AUX POUVOIRS PUBLICS POUR RÉDUIRE LES ÉCARTS ENTRE L'ÉXECUTION ET LA PROGRAMMATION

Le présent article prévoit que les mesures de correction visées à l'article 62 de la loi organique relative aux lois de finances doivent permettre de réduire l'écart à la trajectoire de solde structurel prévue en loi de programmation dans un délai de deux ans.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA RECONDUCTION D'UN DISPOSITIF DÉJÀ PRÉVU PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2018-2022

La précision apportée par le présent article correspond à la reconduction d'une disposition déjà prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 (article 6).

Lors de l'examen de la précédente LPFP, la commission des finances avait déjà estimé que le délai proposé était adapté et satisfaisant au regard de nos obligations européennes.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 6

Plancher annuel des mesures nouvelles afférentes
aux prélèvements obligatoires

. Le présent article prévoit un plancher d'incidence des mesures nouvelles en matière de prélèvements obligatoires sur l'évolution des recettes publiques.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'OBLIGATION DE DÉFINIR UN PLANCHER D'INCIDENCE DES MESURES NOUVELLES AYANT UN EFFET SUR LES RECETTES FISCALES ET SOCIALES

Le 4° de l'article 1 B de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 20 ( * ) prévoit que la loi de programmation des finances publiques précise pour chaque année auxquelles elle se rattache « l'incidence minimale des dispositions nouvelles , législatives ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire, relatives aux impositions de toutes natures et aux cotisations sociales , en distinguant l'incidence des dispositions portant sur les dépenses fiscales et des dispositions portant sur les exonérations, abattements d'assiette et réductions de taux applicables aux cotisations sociale » .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA PRÉSENTATION D'UN PLANCHER DE BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DE 16,5 MILLIARDS D'EUROS SUR LA PÉRIODE DE PROGRAMMATION

Sur l'ensemble de la période de programmation, le Gouvernement propose de limiter l'impact des mesures nouvelles prise par l'État en matière de prélèvements obligatoires à une baisse de leur rendement
de 16,5 milliards d'euros en cumulé.

Plancher annuel de l'incidence budgétaire des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

(en milliards d'euros)

2023

2024

2025

2026

2027

Incidence de l'ensemble des
mesures

- 7

- 5

- 1,5

- 1,5

- 1,5

...dont incidence relative aux dépenses fiscales

- 1

0

0

0

0

...dont incidence relative aux exonérations, abattements d'assiette et réductions de taux applicables aux cotisations sociales

- 1

0

0

0

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Source : article 4 du projet de loi de programmation des finances publiques

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN PLANCHER DE BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES QUI N'APPELLE PAS DE MODIFICATION

Le présent article ne constitue pas un objectif de baisse des prélèvements obligatoires mais un plancher venant limiter - de façon programmatique et non-obligatoire - l'ampleur des éventuelles réductions d'impôts et cotisations sociales décidées par l'État.

La stratégie de baisse des prélèvements obligatoires envisagée par le Gouvernement fait l'objet d'une analyse plus détaillée dans l'exposé général auquel le lecteur est invité à se reporter.

La commission des finances estime que cette stratégie est cohérente - au moins au plan quantitatif - avec les besoins de l'économie, d'une part, et la nécessité d'améliorer nos finances publiques, d'autre part.

Dans la mesure où le plancher proposé au présent article est purement programmatique et compatible avec la stratégie développée dans le rapport annexé, la commission des finances estime qu'il n'y a pas lieu de le modifier.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 7

Bornage des dépenses fiscales nouvellement créées
et de leurs prorogations

. Le présent article limite à quatre années, avec une seule prorogation éventuelle, la durée des dépenses fiscales à caractère incitatif ou constituant une aide sectorielle, instituées à compter du 1 er janvier 2023.

La commission a limité à trois années la durée des dépenses fiscales et a prévu la remise d'une évaluation avant toute prorogation. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LES DÉPENSES FISCALES NOUVELLEMENT INSTITUÉES ONT UNE DURÉE LIMITÉE À QUATRE ANNÉES ET LEUR MONTANT EST ENCADRÉ

A. LES DÉPENSES FISCALES SONT DES ÉCARTS À LA NORME FISCALE, QUI RÉDUISENT LES RECETTES FISCALES DE L'ÉTAT

Le tome II de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances définit traditionnellement les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la norme, c'est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français » 21 ( * ) , avant d'ajouter : « cette norme n'est pas définie de manière intangible ».

La qualification de dépense fiscale nécessite donc une compréhension a posteriori de l'intention du législateur et les évolutions de législation nationale ou communautaire entraînent chaque année des classements ou déclassements de dépenses fiscales, retracés dans chaque projet de loi de finances. Un déclassement peut avoir lieu si la mesure peut être assimilée au barème de l'impôt, si elle résulte de l'application du droit conventionnel ou encore si elle correspond à des reports d'imposition ou est destinée à éviter certains « frottements fiscaux ». Un classement ou un déclassement peut aussi survenir si un impôt est affecté ou n'est plus affecté à l'État.

La pratique des déclassements contribue, sur le long terme, à réduire le montant des dépenses fiscales recensées : en 2011, l'historienne du droit Katia Weidenfeld calculait que les déclassements réalisés entre 2006 et 2010 avaient permis de réduire le périmètre des dépenses fiscales de 80 milliards d'euros 22 ( * ) . Jusqu'en 2009, par exemple, l'ancienneté suffisait à déclasser une dépense fiscale, alors que les années passant ne sauraient retirer à une dépense fiscale son caractère dérogatoire par rapport à la norme.

En conséquence, les documents budgétaires définissent, pour chaque impôt, ce qui constitue la « norme » . Par exemple, pour l'impôt sur le revenu, la norme inclut la progressivité du barème et la redistributivité. Certaines modalités de calcul particulières, telles que le quotient conjugal qui est considéré comme une forme de redistribution, constituent donc des éléments de la norme et ne sont pas classées en dépenses fiscales 23 ( * ) .

Les dépenses fiscales entraînent également des coûts de gestion, conduisant par exemple à une activité de rescrit, en raison de la complexité de la norme et des règles relatives aux règles fiscales.

B. LES TENTATIVES D'ENCADREMENT DES DÉPENSES FISCALES N'ONT PAS PERMIS DE RÉDUIRE LEUR MONTANT

La prise de conscience au sujet de l'importance des dépenses fiscales remonte en France à la fin des années 1970 24 ( * ) .

Depuis 1980, le projet de loi de finances comprend chaque année un rapport sur les dépenses fiscales 25 ( * ) . Depuis le projet de loi de finances pour 2006, le projet annuel de performances de chaque mission présente les dépenses fiscales qui lui sont liées 26 ( * ) , de manière à rendre compte de l'ensemble des moyens contribuant à l'atteinte des objectifs d'une politique publique donnée.

Pour la première dans le projet de loi de finances pour 2023, en application de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021 27 ( * ) , le montant des dépenses fiscales figure dans un nouvel état F qui apporte une vision d'ensemble des moyens consacrés à chaque mission du budget général et des budgets annexes 28 ( * ) . Il ressort de cet état que les dépenses fiscales jouent un rôle très variable selon les politiques publiques : elles représentent ainsi 73,9 % des moyens complets alloués pour la mission « Outre-mer », 63,2 % pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative », et leur montant est de 15,9 milliards d'euros pour la seule mission « Cohésion des territoires » (soit 45 % des moyens complets), tandis que d'autres politiques publiques n'y recourent pas du tout 29 ( * ) .

L'importance des dépenses fiscales étant connue, les lois de programmation des finances publiques successives ont tenté d'introduire des dispositifs d'encadrement afin de limiter leur coût :

- l'article 14 de la loi de programmation pour 2012-2017 30 ( * ) a ainsi mis en place un plafonnement du montant des dépenses fiscales, exprimé en euros courants à périmètre constant ;

- la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a prévu deux dispositifs relatifs aux dépenses fiscales : d'une part, son article 19 a fixé un plafond sur le montant total des dépenses fiscales et leur montant hors CICE, d'autre part, son article 21 a prévu que les dépenses fiscales et niches sociales créées à partir du 1 er janvier 2015 seraient « revues » à l'issue d'une période de trois années . En outre, le Gouvernement devait présenter au Parlement, au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée, une évaluation de celle-ci et, le cas échéant, justifier son maintien pour une durée supplémentaire de trois années ;

- l'article 20 de la loi de programmation des finances publique 2018-2022 a également prévu deux modalités d'encadrement des dépenses fiscales. D'une part, leur montant a été limité , annuellement, à une fraction inférieure à 28 % du total (recettes fiscales nettes + dépenses fiscales nettes) pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l'année 2020, 26 % pour l'année 2021 et 25 % pour l'année 2022. D'autre part, les dépenses fiscales créées ou étendues à partir du 1 er janvier 2018 ne pouvaient l'être que pour une durée maximale de quatre ans.

Ces règles ont été peu contraignantes .

Les limites relatives au montant des dépenses fiscales ont été fixées de manière à laisser une marge significative et l'intégration des dépenses fiscales dans le dénominateur avait d'ailleurs pour effet de limiter la progression du rapport dans le cas où les dépenses fiscales augmentaient par rapport aux recettes fiscales nettes. La limite a ainsi été respectée chaque année pendant la durée de programmation 2018-2022 , alors que le niveau en valeur absolue des dépenses fiscales est resté stable, passant de 93,4 milliards d'euros en 2018 à un niveau estimé à 94,2 milliards d'euros en 2022.

En outre, cette stabilité est uniquement due à la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégement pérenne de charges. Hors CICE, le coût des dépenses fiscales est passé de 77,7 milliards d'euros en 2017 à 88 milliards d'euros en 2022 , soit une augmentation de 13,3 %.

Dépenses fiscales et recettes fiscales nettes entre 2018 et 2022

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Enfin et peut-être surtout, le chiffrage des dépenses fiscales a une fiabilité limitée . Sur les 465 dépenses fiscales recensées en projet de loi de finances pour 2023, 56 n'ont pas de chiffrage au titre de 2021, dernier exercice clos, parce que leur coût n'a pas pu être déterminé. En outre, 123 dépenses fiscales ne sont connues que par un ordre de grandeur .

En conséquence, toute considération sur le montant des dépenses de fiscale ou leur rapport aux recettes fiscales nettes ne peut constituer qu'une approximation .

S'agissant de la limitation dans le temps des dépenses fiscales nouvellement créées , elle conduit à prévoir en effet une durée limitée pour ces dispositifs. Toutefois, rien n'empêche de les prolonger par la suite, ce qui fait l'objet très fréquemment de dispositions adoptées dans les lois de finances successives, sans que leur efficacité ait réellement été évaluée.

D'une manière générale, en effet, les dépenses fiscales font l'objet d'un déficit patent d'évaluation , malgré les tentatives de certaines lois de programmation en ce sens 31 ( * ) . La dernière tentative systématique d'évaluation remonte à 2011, avec le rapport du Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume. Depuis, certaines dépenses fiscales font l'objet de rapports des corps d'inspection de l'État, mais de manière peu organisée.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ENCADREMENT DANS LE TEMPS DES DÉPENSES FISCALES ET DE LEUR PROROGATION

Le présent article prévoit, d'une part, que les dépenses fiscales instituées par un texte promulgué à compter du 1 er janvier 2023 sont applicables pour une durée précisée par le texte qui les institue et qui ne peut excéder quatre ans , si elles ont un caractère incitatif ou constituent une aide sectorielle.

D'autre part, les dépenses fiscales ne pourraient être prorogées que pour une période maximale également fixée à quatre ans .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LIMITER À TROIS ANNÉES LA DURÉE DES DÉPENSES FISCALES ET EXIGER UNE ÉVALUATION AVANT LEUR PROROGATION

Le présent article reprend l'un des deux dispositifs prévus par la précédente loi de programmation des finances publiques afin de limiter la progression des dépenses fiscales.

En revanche, il ne prévoit pas de nouveaux dispositifs limitant le montant des dépenses fiscales . Force est de constater, comme on l'a vu supra , la difficulté à fonder ces dispositifs sur une base objective, notamment en raison d'une qualité de chiffrage insuffisante. La règle de la précédente loi de programmation, qui limitait le poids des dépenses fiscales relativement à celui des recettes fiscales nettes, n'a pas démontré sa pertinence opérationnelle. Il est regrettable que l'administration ne dispose pas des moyens pour mieux évaluer le coût des dépenses fiscales , ce qui rend nécessairement difficile, voire impossible, toute évaluation exhaustive.

La limitation dans le temps des dépenses fiscales , en revanche, est utile afin de conduire le Gouvernement et le Parlement à revoir périodiquement l'utilité de ces dispositifs. Il en est de même de l'ajout constitué, par rapport à la précédente loi de programmation des finances publiques, par l'interdiction d'une prorogation des dépenses fiscales pour une période supérieure à quatre ans .

Cette disposition doit donc être approuvée dans son principe, même si elle n'a qu'une portée limitée.

La commission a adopté :

- un amendement rédactionnel COM-97 du rapporteur ;

- un amendement COM-3 , de M. Féraud et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui limite à trois années la durée des dépenses fiscales et de leur prorogation ;

- un amendement COM-49 , du Gouvernement, prévoyant la présentation d'une évaluation lors de toute prorogation d'une dépense fiscale.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 8

Plafonnement des taxes affectées

. Le présent article reprend un dispositif déjà inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022. D'une part, les impositions affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale doivent faire l'objet d'un plafonnement. D'autre part, le niveau du plafond ne peut excéder de plus de 5 % le rendement prévu de l'imposition.

La commission a adopté l'article moyennant une modification rédactionnelle.

I. LE DROIT EXISTANT : UN ENCADREMENT PROGRESSIF DES AFFECTATIONS DE TAXES

Le volume important des recettes fiscales affectées a suscité, s'agissant des organismes autres que les collectivités territoriales, leurs groupements et les organismes de sécurité sociale, la définition progressive d'un encadrement des conditions d'affectations de ces taxes et de leur plafonnement .

A. UN VOLUME TOUJOURS IMPORTANT DE RECETTES FISCALES AFFECTÉES

Le principe d' universalité budgétaire prévoit que l'ensemble des recettes doivent être décrites dans le budget , sans qu'une recette soit liée spécifiquement à une dépense. Il a pour objet de préserver la transparence du budget et la capacité de l'État à décider du bon usage des deniers publics en fonction des priorités de son action.

Ce principe souffre de nombreuses dérogations avec, notamment, le phénomène de l'affectation de taxes à des organismes particuliers.

En application de la loi organique relative aux lois de finances 32 ( * ) (LOLF), le tome I du document « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances présente la liste et l'évaluation, par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires, des ressources affectées à des personnes morales autres que l'État. Cette liste est également, depuis quelques années, présentées sous forme de données ouvertes 33 ( * ) . Il en ressort que la fiscalité affectée représente un montant de 366,6 milliards d'euros en 2023 .

Si les organismes affectataires sont de natures juridiques très variées, la majorité de ces taxes, soit 242,5 milliards d'euros , sont affectées à des organismes de sécurité sociale . La contribution sociale généralisée (CSG) et la TVA nette, affectées à ces organismes, représentent un montant prévisionnel respectif de 145,1 milliards d'euros et 60,2 milliards d'euros en 2023.

Le secteur local (collectivités territoriales et groupements, établissements locaux et organismes consulaires) reçoit un montant total de 58,0 milliards d'euros et les organismes d'État , dont les opérateurs et les établissements publics nationaux, un montant de 43,1 milliards d'euros . Les autres bénéficiaires , dont les associations, sont affectataires de taxes à hauteur de 23,0 milliards d'euros .

Répartition des recettes affectées en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du tome I de l'annexe « Voies et moyens »

Le montant total des taxes affectées est ainsi passé de 259,0 milliards d'euros en 2017 à un montant prévisionnel de 366,6 milliards d'euros en 2023 , soit une augmentation supérieure à 40 % . Au cours des années passées, chacun des quatre grands secteurs d'organismes affectataires (secteur social, secteur local, organismes divers d'administration centrale et autres bénéficiaires) a vu le produit de la fiscalité qui lui était affecté progresser de manière notable.

Progression des taxes affectées selon le secteur d'affectation

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires. Le montant très élevé affecté aux organismes d'administration centrale en 2018 correspond en réalité à une différence ponctuelle dans la méthodologie de classification 34 ( * )

Dans le même temps, les recettes fiscales nettes de l'État , qui étaient supérieures au montant des taxes affectées en 2017 avec un produit de 284,1 milliards d'euros, n'ont progressé que de 10,6 % pour atteindre 314,3 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023, et sont désormais inférieures de plus de 50 milliards d'euros au montant des taxes affectées .

Évolution comparée des taxes affectées et des recettes fiscales nettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'affectation de taxes à des organismes de sécurité sociale ou aux collectivités territoriales , en particulier de parts de TVA, constitue une tendance forte des années récentes et a généralement pour objet soit d'accompagner des transferts de compétence de l'État vers ces administrations, soit de compenser des suppressions ou réductions d'impôts décidées par la loi. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit par exemple d'affecter une part supplémentaire de TVA aux collectivités territoriales afin de compenser la suppression, sur deux ans, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et d'ajuster la fraction de TVA à la sécurité sociale afin de compenser la baisse de cotisations des travailleurs indépendants 35 ( * ) .

Le présent article porte sur l'encadrement des affectations de taxes à des tiers autres que ces administrations .

Le rapport annexé à la précédente loi de programmation observait à juste titre que « à l'inverse des dotations versées par le budget général de l'État, l'affectation directe d'impositions de toute nature fait échapper ce financement public au contrôle annuel du Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances ».

Il s'agit également d'une dérogation au principe d'universalité budgétaire , selon lequel les recettes doivent être toutes versées dans un compte commun, à savoir le budget général de l'État.

Une troisième difficulté liée au recours aux taxes affectées est que, si le montant peut être approprié l'année où l'affectation est décidée, la dynamique de la taxe correspond rarement à celle des besoins de l'organisme concerné , qui peut alors être financé de manière excessive ou souffrir d'un sous-financement rendant difficile l'exercice de ses missions.

Il est donc souhaitable de mieux définir les conditions selon lesquelles une taxe peut être affectée à un organisme autre que les collectivités locales ou les organismes de sécurité sociale.

Cet encadrement fait l'objet, dans le droit existant, de deux types de dispositions : en premier lieu les conditions auxquelles doit satisfaire une taxe pour être affecté à un opérateur, en second lieu le niveau maximum (plafonnement) du produit de cette taxe qui peut lui être versé.

B. UN LIEN DOIT EXISTER ENTRE LA TAXE ET L'ORGANISME BÉNÉFICIAIRE

L'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances 36 ( * ) (LOLF) précise que « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui ». En outre, l'affectation à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, en application de l'article 36.

Cette règle a été complétée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, mais sera remplacée par une règle plus précise en 2025 en application de la révision de la LOLF du 28 décembre 2021.

1. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit trois cas d'affectation d'une taxe à un tiers

Afin d'encadrer le recours aux taxes affectées, le I de l'article 18 de la précédente loi de programmation des finances publiques a prévu que, à compter du 1 er janvier 2018, une taxe ne pourrait être affectée à un tiers , autre que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale, que si elle remplit l'une des trois conditions suivantes , précisées par la doctrine d'affectation des taxes annexée à cette loi :

la ressource résulte d'un service rendu par l'affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s'apprécier sur des bases objectives : la taxe est une « quasi-redevance » ;

la ressource finance, au sein d'un secteur d'activité ou d'une profession, des actions d'intérêt commun : c'est le cas de prélèvements finançant des actions de mutualisation ou de solidarité dans un secteur d'activité ;

la ressource finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières , dans une logique assurantielle et de mutualisation du risque.

Cette doctrine présentait toutefois certaines difficultés, pointées par le Conseil d'État en 2021 dans son avis sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques précitée : il estimait que les deuxième et troisième critères étaient difficilement compatibles avec l'exigence de la LOLF selon laquelle une imposition de toute nature ne peut être directement affectée à un tiers qu'à raison des missions de service public qui lui sont confiées.

2. Des conditions strictes de recours aux taxes affectées entreront en vigueur en 2025

La doctrine des taxes affectées instituée par la précédente loi de programmation doit être remplacée, à compter de 2025, par les nouvelles règles instituées par l'article 2 de la LOLF dans sa rédaction résultant de la réforme du 28 décembre 2021.

À cette date, les impositions de toutes natures ne pourront être affectées à un tiers autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et leur affectation ne peut être maintenue que si, d'une part, ce tiers est doté de la personnalité morale et, d'autre part, ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées .

Cette disposition a une portée importante car, contrairement à celle de la précédente loi de programmation, elle s'impose aux affectations de taxes existantes et son effet juridique est renforcé par son inscription dans la loi organique.

Son application nécessitera donc une revue de l'ensemble des taxes affectées existantes , qui n'est pas entreprise dans le projet de loi de finances pour 2023 et ne fait pas non plus l'objet de dispositions dans le présent projet de loi de programmation des finances publiques.

À titre d'exemple, le fonds de solidarité pour le développement (FSD) et le fonds national d'aide au logement (FNAL), qui ne possèdent pas la personnalité juridique, conservent pour le moment le bénéfice de l'affectation de certaines taxes.

De même, l'affectation d'une part de TVA au financement de l'audiovisuel public , décidée par la loi de finances rectificative du 16 août dernier, ne constitue qu'une solution temporaire , comme l'a expliqué le rapporteur lors de l'examen de cette loi 37 ( * ) .

C. LE MONTANT VERSÉ AU TITRE D'UNE AFFECTATION DE TAXE DOIT ÊTRE PLAFONNÉ POUR CHAQUE ORGANISME BÉNÉFICIAIRE

L'article 46 de la loi de finances initiale pour 2012 38 ( * ) a posé le principe du plafonnement des taxes affectées : cet article précise jusqu'à quel plafond le produit de chaque taxe est reversé à chaque organisme affectataire. Lorsque le produit effectif de la taxe dépasse ce plafond, l'excédent est reversé au budget général de l'État. Ce principe est repris au II de l'article 18 précité de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Dans certains cas, une même taxe peut être reversée à plusieurs affectataires avec plusieurs plafonds successifs ; seul le reliquat revient à l'État.

Comme l'indique le tome I du document « Voies et moyens », ce plafonnement permet de renforcer le contrôle et le suivi d'ensemble du niveau des ressources affectées. Au cours des années, un nombre croissant de taxes ont été soumises au principe du plafonnement : de 46 dans la loi de finances pour 2012 à 71 aujourd'hui. Les ajustements de plafond sont centralisés dans un article unique des lois de finances 39 ( * ) .

Ce suivi est renforcé par l'intégration , à compter de 2018, du niveau global des plafonds des taxes affectées dans la norme de dépenses pilotables , puis à compter de 2023 dans le périmètre des dépenses de l'État défini par l'article 9 du présent projet de loi. Elles sont ainsi assimilées fonctionnellement à des charges de l'État, qui peuvent faire l'objet d'un pilotage au même titre que les dépenses budgétaires, même si elles s'analysent en comptabilité budgétaire comme des diminutions de recettes.

Le plafonnement permet de supprimer les risques d'effet d'aubaine, lorsqu'une taxe affectée atteint un niveau exceptionnel et non prévu.

D. LA LIMITATION DU PLAFOND EN FONCTION DU RENDEMENT PRÉVU

La précédente loi de programmation a enfin prévu, au III de son article 18 précité, que le plafond d'affectation d'une taxe ne pourrait excéder de plus de 5 % le rendement de l'imposition prévu pour l'année considérée.

Cette disposition a été introduite dans le texte à l'initiative de la commission des finances du Sénat, qui avait constaté que certains plafonds étaient supérieurs au rendement attendu de la taxe 40 ( * ) , ce qui entraîne deux séries de conséquences.

D'une part, l'affectataire peut alors bénéficier de ressources supplémentaires en fonction de la dynamique de l'assiette de la taxe . Cette situation ne pourrait se justifier que dans des cas où le rendement de la taxe serait directement en lien avec les besoins de l'opérateur, ce qui est rarement le cas.

D'autre part, un plafond bien supérieur au rendement de la taxe peut être diminué sans aucun effort d'économies réelles de la part de l'affectataire . Une réduction du plafond permettrait ainsi de faciliter le respect optique des normes de dépenses de l'État sans réduction effective des dépenses.

Enfin, une telle pratique fausse l'appréciation, par le Parlement, des moyens financiers réels dont dispose l'opérateur .

La règle a été partiellement appliquée . Selon les rapports remis chaque année entre 2019 et 2021 par le Gouvernement à l'occasion de la discussion du débat d'orientation budgétaire 41 ( * ) , 29 impositions sur 93, soit 31,2 %, étaient plafonnées en 2018 à un niveau supérieur de 5 % au rendement prévisionnel. Cette proportion est passée à 17,0 % en 2019 et à 19,2 % en 2020.

E. LA DIFFICULTÉ DE RÉDUIRE LE NOMBRE DES TAXES AFFECTÉES

Le précédent Gouvernement a affiché une volonté de simplification de la fiscalité , passant par un programme pluriannuel de suppression des taxes à faible rendement présenté dans une circulaire du 29 mars 2018 et dont la mise en oeuvre a débuté dans le cadre de la loi de finances pour 2019 avec la suppression de 26 taxes à faible rendement.

Ce programme n'a eu qu'une application limitée. Comme l'indique le tome I du document « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2023, le nombre de taxes supprimées a été de 20 dans la loi de finances initiale pour 2020, 7 dans la loi de finances initiale pour 2021, 4 dans la loi de finances initiale pour 2022 et aucune n'est prévue dans le projet de loi de finances pour 2023.

En tout état de cause, la suppression de taxes à faible rendement, par définition, ne peut avoir qu'un effet limité sur les ressources de l'État . Elle demeure toutefois souhaitable afin de simplifier l'état du droit, de réduire certaines formalités pour les personnes concernées, de réduire les frais de recouvrement et de gestion et enfin de renforcer l'application du principe d'universalité budgétaire.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA REPRISE DU DISPOSITIF ACTUEL DE PLAFONNEMENT DES TAXES AFFECTÉES

Le présent article reprend les dispositions du II et du III de l'article 18 précité de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, à savoir :

- d'une part, le principe du plafonnement , sauf dérogation justifiée, des impositions de toutes natures affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale, conformément au mécanisme prévu à l'article 46 de la loi de finances initiale pour 2012 ;

- d'autre part, la limitation du plafond à 5 % au-dessus du rendement de l'imposition prévu à l'annexe « Voies et moyens ».

Le I du même article, qui définit la doctrine de recours aux taxes affecté, n'est pas repris dans la mesure où la LOLF elle-même, dans son article 2, encadre désormais de manière plus précise les conditions d'affectation des taxes.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPROUVER LE MAINTIEN DES RÈGLES D'ENCADREMENT DES TAXES AFFECTÉES

Le plafonnement des taxes affectées présente le grand avantage de contribuer à la transparence sur le recours aux taxes affectées , en imposant une discussion en loi de finances chaque fois que les ressources d'un établissement nécessitent d'être augmentées au moyen d'une ressource publique telle que l'affectation d'une taxe.

Cette transparence est accrue, à compter du projet de loi de finances pour 2023, par la publication dans le texte même de la loi de finances, en application de la révision de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021, d'un tableau complet des taxes affectées, avec leur bénéficiaire et le rendement prévisionnel de la taxe 42 ( * ) .

En conséquence, il apparaît opportun de maintenir les règles existantes du présent projet de loi de programmation .

La commission a adopté deux amendements rédactionnels identiques COM-98 du rapporteur et COM-51 du Gouvernement.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

CHAPITRE II

LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES

ARTICLE 9

Définition et montant du « périmètre des dépenses de l'État »

. Le présent article substitue aux deux normes de dépenses de l'État prévues par la précédente loi de programmation une nouvelle norme de dépense intitulée « périmètre des dépenses de l'État », qui inclut l'ensemble des dépenses de l'État, hors remboursements et dégrèvements et dépenses liées à la charge ou au remboursement de la dette, ainsi que le produit des taxes affectées faisant l'objet d'un plafonnement.

La commission a précisé que les objectifs relatifs au périmètre des dépenses de l'État devraient correspondre à des plafonds, et non à des cibles, et a prévu la présentation par le Gouvernement d'une décomposition détaillée des catégories de dépenses constituant le périmètre des dépenses de l'État.

Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA PRÉCÉDENTE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES A INSTAURÉ DEUX AGRÉGATS DE DÉPENSES DE L'ETAT

A. LES NORMES DE DÉPENSES SONT UN DISPOSITIF DE PILOTAGE MAIS AUSSI D'INFORMATION SUR LA DÉPENSE DE L'ÉTAT

Une norme de dépenses est une prévision d'évolution des dépenses au respect de laquelle le Gouvernement s'astreint .

Plusieurs normes d'évolution des dépenses de l'État ont été introduites depuis la fin des années 1990.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014 a mis en place une double norme de dépenses 43 ( * ) , reprise par la loi de programmation pour les années 2014 à 2019 44 ( * ) :

- d'une part, les dépenses du budget général de l'État et les prélèvements sur recettes, hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État , devaient être stabilisés en valeur à périmètre constant : c'est la norme « zéro valeur » ;

- d'autre part, la progression annuelle des crédits du budget général de l'État et des prélèvements sur recettes, y compris charge de la dette et dépenses de pension , devait être, à périmètre constant, au plus égale à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation : c'est la norme « zéro volume » .

Ces normes ont subi l'exclusion de certaines dépenses considérées comme exceptionnelles, telles qu'une dotation au Mécanisme européen de stabilité (MES) ou la participation à une augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement (BEI).

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a remplacé les normes « zéro valeur » et « zéro volume » par deux nouvelles agrégats 45 ( * ) .

Tout d'abord, la « norme de dépenses pilotables » inclut à la fois les dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux et le total des plafonnements des taxes affectées 46 ( * ) , mais en excluant les remboursements et dégrèvements, les dépenses liées aux pensions, à la charge de la dette, au désendettement ou destinées à l'Union européenne ou au financement des collectivités territoriales. La norme de dépenses n'inclut pas non plus des dépenses considérées comme exceptionnelles, ce qui désignait à l'origine celles du programme d'investissement d'avenir (PIA) ; plus tard, les dépenses du plan d'urgence et du plan de relance engagées à l'occasion de la crise sanitaire ont également été exclues de la norme de dépenses pilotables présentée dans les lois de finances.

Ensuite, l'« objectif de dépenses totales de l'État » (ODETE) comprend l'ensemble des dépenses couvertes par la norme de dépenses pilotables, ainsi que celles liées aux pensions, à la charge de la dette ou destinées à l'Union européenne ou au financement des collectivités territoriales, ainsi que les dépenses jugées exceptionnelles.

La définition de ces agrégats était accompagnée de plafonds d'évolution sur la durée de la programmation . La norme de dépenses pilotables ne devait ainsi pas dépasser 257,9 milliards d'euros en 2018, 259,5 milliards d'euros en 2019, 260,5 milliards d'euros en 2020, 262,5 milliards d'euros en 2021 et 264,5 milliards d'euros en 2022, correspondant à une cible de diminution de 1 % en volume à compter de 2020.

L'objectif de dépenses totales de l'État était fixé, en euros courants, à 425,4 milliards d'euros en 2018, 432,7 milliards d'euros en 2019, 438,7 milliards d'euros en 2020, 442,8 milliards d'euros en 2021 et 450,9 milliards d'euros en 2022.

Comme l'a noté la commission des finances 47 ( * ) , budget après budget, la norme de dépenses pilotables n'a pas été respectée au cours du précédent quinquennat. Dès l'année 2019, les dépenses avaient commencé à remonter en volume, et ce mouvement a été amplifié au cours des années suivantes, même en excluant les dépenses classées comme exceptionnelles.

Évolution des dépenses pilotables en volume
au cours du quinquennat 2017-2022

(en base 100 en 2017)

Les dépenses pilotables des années 2017 à 2022, ramenées au format de la loi de finances initiale pour 2021, sont indiquées dans le dossier de presse du projet de loi de finances pour 2022. Les montants sont donnés hors inflation, celle-ci étant mesurée par l'indice des prix à la consommation (prévisions d'augmentation de 1,5 % en 2021 et 2022), et ramenés à une base 100 en 2017.

Source : calculs commission des finances, à partir des documents budgétaires et de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022

B. LA DÉFINITION DU PÉRIMÈTRE DES AGRÉGATS DÉPEND DE L'UTILISATION QU'ON SOUHAITE EN FAIRE

Les évolutions qu'ont connues les normes de dépenses reflètent la difficulté à définir l'agrégat le plus pertinent pour des utilisations qui répondent à des objectifs différents.

D'une part, pour servir de guide à l'action de l'État , telle qu'elle s'exprime notamment dans les lois de finances, la norme devrait se limiter aux dépenses sur lesquelles l'État a une marge de manoeuvre directe .

Cette notion n'est toutefois pas facile à appréhender. Il faut définir une échéance : la charge de la dette dépend à court terme de facteurs exogènes tels que l'évolution de l'inflation et des taux d'intérêt, mais à plus long terme elle est éminemment pilotable, car elle dépend de la dette, qui n'est autre que la somme des déficits budgétaires et reflète donc, en France, le véritable choix pour la dette fait par un pays qui a d'ores et déjà intégré dans ses objectifs le fait d'atteindre un demi-siècle sans excédents budgétaires 48 ( * ) .

D'autre part, les normes sont utilisées comme des indicateurs du montant des dépenses de l'État . Elles doivent alors englober l'éventail le plus large possible des dépenses. L'objectif de dépenses totales de la précédente loi de programmation est ainsi particulièrement étendu et n'exclut guère que les remboursements et dégrèvements et les comptes de concours financiers 49 ( * ) .

En conséquence, l'intégration de certaines dépenses dans les normes de dépenses a été variable .

C'est le cas des prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales . Comme l'indiquait le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, leur inclusion dans les normes de dépenses au cours des années antérieures à 2018 avait pesé dans les choix tendant à limiter les concours aux collectivités en volume et à les faire baisser, choix qui avait fortement pesé sur les marges de manoeuvre des collectivités. En 2017, il a donc été décidé d'exclure ces prélèvements sur recettes de la norme de dépenses pilotables , l'évolution des dépenses locales faisant l'objet d'un système de contractualisation dit « de Cahors » 50 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA DÉFINITION D'UN NOUVEL AGRÉGAT SITUÉ ENTRE LES DEUX NORMES DE DÉPENSES DE LA PRÉCÉDENTE LOI DE PROGRAMMATION ET POUR LEQUEL UN OBJECTIF D'ÉVOLUTION EST FIXÉ

La norme de dépenses pilotables et l'objectif de dépenses totales de l'État ne sont pas prorogés par le présent texte 51 ( * ) .

Le présent article les remplace dans son I par un agrégat unique intitulé « périmètre des dépenses de l'État » (PDE). Il comprend de manière générale les dépenses inscrites au budget de l'État, hors charge de la dette et remboursements et dégrèvements, ainsi que le produit des taxes faisant l'objet d'un plafonnement et le montant des prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités territoriales.

Il serait ainsi composé de huit éléments :

1° les crédits du budget général hors dépenses de contribution aux pensions civiles et militaires, charges de la dette, amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 et remboursements et dégrèvements ;

2° les impositions de toutes natures plafonnées conformément au mécanisme prévu à l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 52 ( * ) ;

3° les budgets annexes ;

4° les dépenses des comptes d'affectation spéciale, à l'exception du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », du programme « Désendettement de l'État » du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routier » et du programme « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » du compte d'affectation spéciale « Pensions » 53 ( * ) ;

5° les dépenses du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » ;

6° le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ;

7° les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales ;

8° certains retraitements de flux internes au budget de l'État.

Le II définit le montant, en euros courants, des dépenses de ce périmètre entre 2023 et 2027.

L'évolution du périmètre des dépenses de l'État

(en milliards d'euros)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Périmètre des dépenses de l'État

480

485

496

501

509

Source : article 9 du projet de loi

Le III prévoit que le Gouvernement présente de manière précise et détaillée le périmètre des dépenses de l'État dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPROUVER LA NOUVELLE DÉFINITION DE LA NORME DE DÉPENSES EN PRÉCISANT QU'IL S'AGIT D'UN PLAFOND ET NON D'UNE CIBLE

Le périmètre des dépenses de l'État défini par le présent article se situe entre la norme de dépenses pilotables et l'objectif de dépenses totales de l'État définis par la précédente loi de programmation des finances publiques.

Comparaison des agrégats de dépenses entre la LPFP 2018-2022 et
le projet de LPFP 2023-2027

Norme de dépenses pilotables

LPFP 2018-2022

Périmètre de dépenses de l'État

Projet de LPFP 2023-2027

Objectif de dépenses totales de l'État

LPFP 2018-2022

Hors agrégats

Budget général

Dépenses exceptionnelles, dont PIA, France 2030, mission « Plan de relance »

Contributions au CAS Pensions

Charge de la dette, R&D

Autres crédits du budget général
(hors contributions au CAS Pensions)

Impositions de toutes natures plafonnées

Budgets annexes

Comptes spéciaux

CAS Pensions 54 ( * )

CAS Participations financières de l'État

Dépenses des CAS portant à titre principal sur des contributions aux collectivités territoriales

Dépenses des CAS liées aux engagements financiers

Autres dépenses des CAS
(hors participations financières de l'État)

CCF Avances à l'audiovisuel public

Autres CCF

Prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales

Retraitements de flux internes au budget de l'État

Fraction de TVA affectée aux collectivités territoriales 55 ( * )

CAS : compte d'affectation spéciale. CCF : Compte de concours financiers. R&D : remboursements et dégrèvements.

Source : commission des finances, à partir de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Les composantes du périmètre des dépenses de l'État
dans le projet de loi de finances pour 2023

Composantes du périmètre des dépenses de l'État

Montant
en milliards d'euros

1° Crédits du budget général inclus dans le périmètre

327,1

2° Impositions de toutes natures plafonnées

20,2

3° Budgets annexes

2,3

4° Dépenses des comptes d'affectation spéciale inclus dans le périmètre

64,9

5° Dépenses du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public »

3,8

6° Prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne

24,6

7° Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

43,7

8° Retraitements de flux internes au budget de l'État

-6,0

Total

480,5

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'évolution fixée par le présent article peut paraître volontariste , puisqu'elle prévoit que les dépenses de l'État seraient, en 2027, inférieures de 8,5 % à celles de 2022, telles qu'elles ressortent de la loi de finances rectificative du 16 août 2022. Elle doit toutefois s'apprécier par rapport au niveau de dépenses très élevé atteint en 2022.

Évolution en valeur et en volume du périmètre des dépenses de l'État
entre 2022 et 2027

(en milliards d'euros et en pourcentage)

en valeur :

en volume (base 100 en 2022) :

Source : commission des finances, à partir de l'article 9 et, pour l'année 2022, de l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2023

La crédibilité de cette évolution souffre , d'une part, de l'expérience des normes de dépenses précédentes , qui ont été peu suivies en pratique et, d'autre part, du manque de documentation sur les mesures qui permettraient de la respecter .

Elle suppose en effet non seulement un arrêt effectif des dépenses exceptionnelles de 2022 mais aussi des mesures d'économies supplémentaires. Or le présent texte ne précise pas quelles mesures permettraient de réduire effectivement la dépense de l'État en euros constants.

En tout état de cause, et comme cela a pu être développé plus avant dans le rapport (dans l'exposé général et le commentaire de l'article 3 en particulier), les efforts exigés par la présente loi de programmation pour l'État s'avèrent insuffisants, au regard du nécessaire redressement des comptes publics mais aussi des objectifs imposés par ailleurs aux autres administrations, en particulier les collectivités territoriales et leurs groupements .

Par ailleurs, un point d'attention doit être l'intégration à cet agrégat d'éléments peu pilotables à court et moyen terme que sont les dépenses de pensions et celles des prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales et de l'Union européenne.

S'agissant des collectivités territoriales , l'intégration au PDE peut se comprendre dans la mesure où cet agrégat, conçu sur un périmètre large, a plus une vocation d'information que de pilotage à court terme des dépenses de l'État. il ne devra néanmoins pas être utilisé comme moyen de pression sur les ressources des collectivités .

Il convient d'apprécier positivement l'intégration des dépenses « exceptionnelles » , ce qui n'était pas le cas dans la précédente norme de dépenses pilotables. Comme l'indique explicitement le rapport annexé au présent projet de loi, ce périmètre inclut les missions qui n'ont pas vocation à être pérennes telles que « Investir pour la France de 2030 » ou encore la mission « Plan de Relance », ainsi que des dotations qui visent à porter des investissements en capital, comme l'abondement du budget général au compte d'affectation spéciale (CAS) des participations financières de l'État (PFE).

La définition apparaît ainsi plus claire et moins sujette à incertitudes que celle des normes de dépenses précédentes . Elle ne devrait donc évoluer que peu au cours des années de programmation, sauf pour prendre en compte des modifications de périmètre, par exemple à l'occasion de transferts de compétences entre l'État et d'autres administrations publiques.

S'agissant du III, qui prévoit une présentation précise et détaillée du périmètre des dépenses de l'État dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances, elle est mise en oeuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 actuellement en cours d'examen par le Parlement : une annexe à l'exposé des motifs présente les évolutions de périmètre ayant un impact sur cet agrégat entre les exercices 2022 et 2023. Celle-ci serait toutefois plus utile si elle présentait effectivement la décomposition du périmètre des dépenses de l'État sur chacune des composantes définies au I.

La commission a adopté :

- deux amendements rédactionnels identiques COM-99 du rapporteur et COM-53 du Gouvernement ;

- un amendement de correction technique COM-100 du rapporteur ;

- deux amendements rédactionnels identiques COM-101 du rapporteur et COM-54 du Gouvernement ;

- un amendement COM-102 du rapporteur, précisant que les objectifs relatifs au périmètre des dépenses de l'État correspondent à des plafonds et non à des cibles ;

- un amendement COM-103 du rapporteur, prévoyant la présentation par le Gouvernement d'une décomposition détaillée des catégories de dépenses constituant le périmètre des dépenses de l'État.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10

Objectif de stabilité globale pour l'exécution
des schémas d'emploi 2023-2027

. Le présent article fixe un objectif de stabilité à l'exécution des schémas d'emplois de 2023 à 2027 pour l'État et ses opérateurs.

La commission a prévu que l'objectif de stabilité de l'emploi devrait constituer un plafond et non une cible. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LES LOIS DE PROGRAMMATION PRÉCÉDENTES PLAFONNENT L'ÉVOLUTION DES EMPLOIS DE L'ÉTAT

L'article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit que l'incidence, en 2022, des schémas d'emplois 56 ( * ) exécutés de 2018 à 2022 pour l'État et ses opérateurs est inférieure ou égale à - 50 000 emplois exprimés en équivalents temps plein travaillés.

Cette disposition résultait d'un amendement adopté par la commission des finances du Sénat, reprenant alors un engagement pris par le Président de la République. Il s'agissait d'inscrire dans la loi de programmation les objectifs en matière d'emploi de l'État et de ses opérateurs, au même titre que pour les dépenses des missions. Un tel article figurait déjà dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, dont l'article 9 prévoyait que le plafond global des autorisations d'emplois de l'État et de ses opérateurs était stabilisé pour les années 2012 à 2017.

Schémas d'emploi et plafonds d'autorisations d'emploi

Le schéma d'emploi correspond au solde des créations et des suppressions d'emplois sur une année civile. Exprimé en équivalents temps plein (ETP), il est présenté chaque année, par mission du budget général et des budgets annexes, en loi de règlement.

Les effectifs annuels sont mesurés en équivalents temps plein travaillés (ETPT) qui, contrairement aux ETP, prennent en compte la quotité de temps travaillé au cours de l'année : recrutement en cours d'année, travail à temps partiel, etc. Le plafond des autorisations d'emploi, exprimé en ETPT, est approuvé pour chaque mission du budget général et des budgets annexes, ainsi que pour les opérateurs, par la loi de finances initiale 57 ( * ) .

Les créations et suppressions d'emploi ont un effet sur le temps total travaillé qui dépend notamment du moment où elles ont eu lieu en cours d'année : un recrutement à temps plein en fin d'année porte surtout des effets, en temps plein travaillé, sur l'année suivante.

Effet d'un recrutement survenu en fin d'année
sur les effectifs travaillés

(en ETP et en ETPT)

L'impact des schémas d'emploi sur les effectifs exprimés en ETPT de l'année est indiqué, pour chaque mission, par la loi de règlement, ainsi que pour l'ensemble de l'État dans l'exposé des motifs de l'article du projet de loi de finances qui approuve les plafonds d'autorisations d'emploi.

Source : commission des finances

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PRÉVOIR LA STABILITÉ DES EMPLOIS DE L'ÉTAT ET DES OPÉRATEURS SUR LA PÉRIODE 2023-2027

Le présent article dispose que le schéma d'emploi de l'État et de ses opérateurs, exprimé en équivalents temps plein, sera globalement stable entre 2023 et 2027.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : PRÉCISER QUE LA STABILITÉ DES EMPLOIS EST UN PLAFOND ET NON UNE CIBLE

En premier lieu, il convient de noter que le projet de loi de programmation proposé par le Gouvernement se contente de prévoir une stabilisation des emplois. Tout objectif de réduction de l'emploi public semble ainsi abandonné pour l'État et ses opérateurs.

Ensuite, l'objectif de stabilité ne porte pas sur la durée totale du quinquennat , mais seulement sur les années 2023 à 2027 .

Or il ressort de l'exposé des motifs des articles 32 et 33 du projet de loi de finances pour 2023 que le schéma d'emploi de cette année-là est de + 8 960 emplois pour l'État et + 1 804 pour les opérateurs, exprimés comme le prévoit le présent article en équivalents temps plein (ETP).

En conséquence, ce n'est pas véritablement une stabilité des emplois que l'État connaîtrait sur la période de programmation, mais une augmentation de plus de 10 764 emplois. Cette hausse correspond à moins de 0,5 % des emplois de l'État et de ses opérateurs.

Quoi qu'il en soit, ces objectifs montrent que ce quinquennat se place dans le prolongement des dernières années du précédent, en évitant d'afficher des objectifs de diminution de l'emploi public.

L'objectif n'est d'ailleurs pas exprimé en plafond, mais en cible , comme à l'article 9 pour l'objectif d'évolution du périmètre des dépenses de l'État. Les économies nécessaires à la réduction du déficit public ne viendraient donc pas de ce paramètre qui est pourtant l'un des principaux postes de dépenses de l'État.

Or les marges d'action sur l'emploi public sont réelles , dans la mesure notamment où la fonction publique de l'État connaît un flux annuel important, avec plus de 150 000 sortants chaque année 58 ( * ) . Celui-ci est lié aux départs à la retraite, la moitié des fonctionnaires sortants étant âgés de 60 ans et plus, mais aussi à d'autres facteurs : près d'un tiers des sortants ont moins de 50 ans, et cette proportion est bien plus importante parmi les contractuels.

Il convient en conséquence de préciser que la stabilité des emplois n'est pas une cible qu'il conviendrait d'atteindre, mais un plafond à ne pas dépasser. La commission a adopté en ce sens un amendement COM-104 du rapporteur.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 11

Règles applicables aux plafonds des autorisations d'emploi

. Le présent article reprend une disposition de la précédente loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022, en application de laquelle les plafonds d'autorisations d'emploi ne peuvent être supérieurs de plus de 1 % au nombre d'emplois du dernier exercice exécuté, modifié en fonction des mesures, par exemple les recrutements, prises depuis cet exercice et tendant à une variation des emplois.

Cette disposition permettant une meilleure transparence sur les autorisations d'emploi, elle est reconduite pour la nouvelle période de programmation et étendue aux opérateurs de l'État, avec un écart de 5 % afin de prendre en compte les particularités de ces organismes.

La commission a prévu une réduction progressive de la vacance sous plafond d'autorisations d'emploi des opérateurs de l'État, qui serait limitée à 4 % en 2025 et 2026 et 3 % en 2027. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE MESURE PERMETTANT DE RENDRE PLUS TRANSPARENTE LES AUTORISATIONS D'EMPLOI DE L'ÉTAT

En application de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la première partie de la loi de finances, dans son dernier article dit « article d'équilibre », fixe le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État , exprimé en équivalents temps plein travaillés (ETPT) 59 ( * ) .

La deuxième partie fixe, par ministère et par budget annexe, le plafond des autorisations d'emploi . Il en est de même pour le plafond d'autorisation des emplois des opérateurs de l'État ainsi que pour les emplois des établissements à autonomie financière 60 ( * ) et les autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale 61 ( * ) .

Toutefois, ces plafonds ne constituaient qu'une contrainte limitée jusqu'à la mise en application de la précédente loi de programmation des finances publiques. En effet, pour certains ministères, une marge conséquente existait entre le montant des emplois réels et le plafond fixé en loi de finances.

S'agissant à titre d'exemple de l'exercice 2016, les plafonds des autorisations d'emplois prévus pour le budget général de l'État s'élevaient à 1 908 758 ETPT, mais la consommation de ces emplois s'est élevée en exécution à 1 887 218 ETPT seulement, soit un écart (dit « vacance sous plafond ») supérieur à 30 000 ETPT.

Cette situation affaiblissait la portée de l'autorisation parlementaire et ne permettait pas à ces plafonds d'être utilisés comme un indicateur fiable des emplois de l'État.

En conséquence la commission des finances du Sénat a proposé, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, de limiter les plafonds d'autorisations d'emploi en fonction des résultats d'exécution du dernier exercice connu, en prenant en compte les mesures prises depuis cet exercice, par exemple les recrutements, et tendant à une augmentation ou une diminution des emplois . Cette disposition a été affinée au cours de la suite de la discussion.

L'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit ainsi que, à compter de l'existence 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale , spécialisé par ministère, ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois (c'est-à-dire de la variation du nombre de postes, à la hausse ou à la baisse), des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus.

L'application de cette règle a été progressive mais réelle . Les plafonds d'emplois des ministères ont fait dans l'objet d'un abattement technique de 10 805 ETPT dans la loi de finances rectificative du 10 décembre 2018 et, par coordination, dans la loi de finances initiale pour 2019. Les lois de finances successives ont procédé à des ajustements complémentaires.

La vacance sous plafond, qui était de 31 500 ETPT en 2017, est ainsi passée à 26 287 ETPT en 2018, 22 994 ETPT en 2019 et 19 444 ETPT en 2020 avant de remonter à 20 881 en 2021, soit quasiment 1 % des autorisations d'emploi.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PROROGER CET ENCADREMENT ET L'ÉTENDRE AUX OPÉRATEURS DE L'ÉTAT

Le I du présent article reprend la disposition de la précédente loi de programmation en prévoyant que le plafond des autorisations d'emplois de l'État prévu en loi de finances initiale, spécialisé par ministère, ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 62 ( * ) , corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus.

Le II introduit une disposition identique pour le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État, avec une limite de 5 %.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPROUVER LA PROROGATION ET L'EXTENSION AUX OPÉRATEURS, EN PRÉVOYANT UNE RÉDUCTION PROGRESSIVE DE LA VACANCE SOUS PLAFOND POUR CEUX-CI

La disposition introduite à l'initiative de la commission des finances dans la précédente loi de programmation des finances publiques correspondait à un vrai besoin de pilotage budgétaire et de transparence sur la fixation des autorisations d'emploi . Elle a été dans l'ensemble appliquée, sans constituer une contrainte excessive.

Il est donc souhaitable de la reconduire pour la nouvelle période de programmation et de l'étendre aux opérateurs . Il s'agit toutefois d'une disposition technique qui n'a pas pour effet de contribuer à la maîtrise de l'emploi public.

Si l'écart de 5 % prévu pour ceux-ci peut paraître élevé, le Gouvernement a indiqué au rapporteur qu'il avait pour but de tenir compte de la situation particulière de ces organismes, dont les situations respectives sont très différentes en termes de vacance d'emplois et d'effectif réel. Un traitement uniforme serait susceptible d'être trop contraignant pour certains d'entre eux. Le rapporteur prend acte de ces justifications et considère qu'il sera utile, une fois le nouveau système expérimenté, d'examiner si cet écart peut être abaissé.

La commission a adopté un amendement COM-55 du Gouvernement, qui prévoit une réduction progressive de la vacance sous plafond d'autorisations d'emploi des opérateurs de l'État , qui serait limitée à 4 % en 2025 et 2026 et 3 % en 2027.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté l'article ainsi modifié.

ARTICLE 12

Plafonds pluriannuels des crédits des missions

. Le présent article définit les plafonds de crédits pour les missions du budget général en 2023, 2024 et 2025, à périmètre courant, hors charges de la dette, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors remboursements et dégrèvements.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE BUDGET PLURIANNUEL CONSTITUE UN POINT DE RÉFÉRENCE UTILE POUR LES DÉPENSES DE L'ÉTAT

Sans remise en cause du principe d'annualité du budget, en application duquel les crédits sont autorisés pour une durée d'une année, la prise en compte de la pluriannualité dans la programmation budgétaire a constitué l'un des points forts de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2001.

Il s'agissait de faciliter le respect des engagements européens, mais aussi d'adapter la gestion budgétaire à des obligations qui, en droit ou en fait, pèsent sur les dépenses pendant plusieurs années : le développement de la dette publique, le statut de la fonction publique, les conséquences des perspectives démographiques 63 ( * ) .

La loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques de 2012 a ainsi prévu 64 ( * ) que les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l'État pendant chacune des années de la programmation figurent dans chaque loi de programmation des finances publiques. Cette disposition a été reprise au 5° de l'article 1 B de la LOLF, dans sa rédaction résultant de la révision du 28 décembre 2021 65 ( * ) .

Cette prévision au niveau des missions , qui relève de la loi de programmation , est désormais précisée au niveau des programmes dans chaque loi de finances : en application de la même révision de la LOLF, les projets annuels de performances comprennent à compter du projet de loi de finances pour 2023, pour chaque programme, le montant des crédits proposés pour l'année considérée et, à titre prévisionnel, pour les deux années suivantes 66 ( * ) .

S'agissant de la présentation pluriannuelle des plafonds de crédits figurant dans la loi de programmation, le périmètre exact des plafonds de crédits n'est pas précisé dans la loi organique. Dans la pratique, ils sont exprimés en milliards d'euros courants, à périmètre constant et en crédits de paiement, en excluant les dépenses de pensions, ainsi que les remboursements et dégrèvements. Dans la précédente loi de programmation, ces crédits étaient également présentés hors charge de la dette.

Lors de la période de programmation 2018-2022, les crédits par mission devaient correspondre à des crédits fermes et définitifs pour les deux premières années, hors répartition éventuelle en 2019 d'une réserve de budgétisation définie pour financer des aléas imprévisibles et incompressibles. À partir de la troisième année, les crédits par mission pouvaient faire l'objet d'ajustements, dans le respect du plafond global de dépenses.

Une nouvelle programmation devait donc être établie en 2020. Tel n'a pas été le cas, comme l'a regretté la commission des finances du Sénat. Si la crise sanitaire a joué un rôle dans cette absence de mise à jour de la programmation, il s'agit aussi d'une tendance à espacer les lois de programmation dans le temps . Alors que celles-ci étaient prises à peu près tous les deux ans entre 2019 et 2014 67 ( * ) , la loi de programmation suivante n'a été prise que plus de trois ans plus tard, au début de 2018 68 ( * ) , et elle est toujours en vigueur après quatre ans et neuf mois et de nombreux bouleversements qui auraient pu justifier la présentation au Parlement d'une nouvelle loi de programmation.

Date et durée des lois de programmation
des finances publiques

Lecture : la loi de programmation des finances publiques promulguée le 3 février 2009 a porté sur la période 2009-2012, soit une durée de 3 ans.

Source : commission des finances

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE AUGMENTATION DES PLAFONDS DE CRÉDITS SUPÉRIEURE À 42 MILLIARDS D'EUROS EN VALEUR SUR LA PÉRIODE 2022-2027

En application du 5° précité de l'article 1 B de la LOLF, le présent article définit , en milliards d'euros courants, les plafonds de crédits des missions du budget général de l'État pour les années 2023 à 2025, hors charge de la dette, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors remboursements et dégrèvements.

Le tableau inclut, à titre d'information, les crédits des programmes relatifs à la dette, à savoir le programme 355 « Charge de la dette de SCNF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État » et le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » de la même mission, qui sont exclus des plafonds. Le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, mobilité et développement durable » précitée et le programme 379 « Compensation à la Sécurité sociale (FRR et dons de vaccins) » de la mission « Santé » sont également présentés à titre d'information dans ce tableau, sans être exclus des plafonds.

Sur le périmètre des dépenses incluses dans le tableau, les crédits des missions augmenteraient entre 2022 et 2027 de 42,6 milliards d'euros 69 ( * ) , soit + 12,2 % en valeur , ou + 2,6 % en volume 70 ( * ) .

Les plus fortes hausses en valeur concerneraient les engagements financiers de l'État et les missions « Défense » et « Enseignement scolaire ». Seules six missions verraient leurs crédits diminuer, toutes pour un montant inférieur ou égal à 0,3 milliard d'euros à l'exception de la mission « Plan de relance » qui a vocation à s'éteindre progressivement.

Évolution des dépenses des missions entre 2022 et 2025 en valeur

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques

L'évolution des crédits serait contrastée selon les années . Elle serait en valeur de + 37,5 milliards d'euros en 2023, - 4,7 milliards d'euros en 2024 et + 9,8 milliards d'euros en 2025.

La diminution en 2024 serait due notamment à celle de la charge de la dette cette année-là : cette évolution n'a qu'une signification limitée, car la charge budgétaire de la dette ne dépend pas seulement des tendances de fond, mais aussi, à court terme, des variations de l'inflation et du nombre de titres arrivant à échéance et devant être renouvelés. Les autres missions connaissent une évolution plus linéaire, à l'exception de la mission « Travail et emploi » qui, après une hausse de crédits exceptionnelle de 6,2 milliards d'euros en 2023, connaîtrait une diminution de 3,8 milliards d'euros en 2024 ; cette diminution importante repose sur l'hypothèse, qui demandera à être vérifiée, de la non-reconduction de la subvention donnée à France Compétences en 2023 et d'une amélioration de la situation de l'emploi qui permettrait de réduire le montant des aides.

Évolution des plafonds des trois premières missions
du budget général

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir de l'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques. Hors remboursements et dégrèvements et contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions »

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : PRENDRE ACTE DE L'ÉVOLUTION PRÉVUE PAR CET ARTICLE

Les évolutions de crédits prévus par le présent article sont variées selon les missions.

L'augmentation de la charge de la dette résulte d'abord de la prévision d'augmentation des taux, qui se propage progressivement au stock de dette au fur et à mesure du renouvellement des titres, ainsi que de celle d'une inflation plus forte, qui s'étend immédiatement au stock de dette indexée.

Pour d'autres missions, il s'agit de choix faits lors du précédent quinquennat à travers des lois de programmation en cours d'exécution (notamment les missions « Défense » et « Justice ») ou lors du présent quinquennat (missions « Enseignement scolaire », « Écologie, développement et mobilité durables »).

Force est toutefois de constater que ces choix vont tous dans le sens de l'augmentation des crédits des missions désignées comme prioritaires , pas pour identifier des économies dans les autres politiques.

Le rapporteur prend acte de l'évolution des crédits des missions prévue par cet article , destiné à servir d'indicateur pour analyser, dans les années à venir, les éventuels écarts à la trajectoire pluriannuelle.

Une trajectoire plus rigoureuse et ambitieuse, dans la ligne d'un redressement des comptes publics, nécessiterait que les évolutions de certaines missions soient révisées.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 13

Plafonds évaluatifs des concours de l'État
aux collectivités territoriales

. Le présent article précise, pour la période 2023-2027, le montant maximal de l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales et fixe le périmètre des concours « plafonnés ».

Contrairement à la précédente loi de programmation des finances publiques (LPFP), seul le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) ne serait pas strictement plafonné. A l'inverse, la TVA affectée aux régions, au même titre que les autres concours financiers et les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » serait intégrée dans l'enveloppe « normée ».

Or, cette inclusion de la TVA des régions dans les concours plafonnés génère un risque de minoration des autres concours financiers en cas de dynamisme de cette ressource supérieur aux prévisions actuellement disponibles.

Aussi, et afin de prévenir cet aléa, il est proposé par un amendement de distinguer la trajectoire de la TVA affectée aux régions en précisant que ce concours, au même titre que le FCTVA, est exclu de l'enveloppe « normée ».

La commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DES CONCOURS FINANCIERS STABLES LORS DE LA PRÉCÉDENTE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES (LPFP)

A. DÉFINITION DU PÉRIMÈTRE DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT ET PLAFOND DÉFINI LORS DE LA LPFP 2018-2022

Les concours financiers de l'État aux collectivités locales se composent de trois ensembles :

- les prélèvements sur les recettes de l'État (PSR) au profit des collectivités territoriales ;

- les crédits du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) ;

- le produit de l'affectation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux régions, au Département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane 71 ( * ) .

L'article 16 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 avait fixé les plafonds de ces concours, exprimés en milliards d'euros courants et à périmètre constant, comme suit :

Évolution des concours financiers inscrits en LPFP 2018-2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir de la LPFP 2018-2022

L'article 16 de la loi de programmation pour la période 2018-2022 précisait, par ailleurs, que l'ensemble des concours financiers « autres que le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) prévu à l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales et que le produit de l'affectation de la taxe sur la valeur ajoutée aux régions, au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane prévue à l'article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 est plafonné, à périmètre constant, aux montants du tableau ci-dessus ».

Il en résulte que les montants mentionnés au titre du FCTVA et de la fraction de TVA affectée aux régions, aux départements de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, Martinique et Guyane ne sont pas des montants plafonds mais des montants indicatifs et que seuls sont plafonnés les PSR (hors FCTVA) et les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

La précédente LPFP prévoyait une très légère hausse des concours financiers aux collectivités territoriales (+ 0,79 % entre 2018 et 2022) mais essentiellement à la faveur du FCTVA et de la TVA affectée aux régions en compensation de leur ancienne DGF qui enregistraient respectivement des hausses de 2,32 % (130 millions d'euros) et 13,1 % (540 millions d'euros) alors que parallèlement, les autres concours financiers enregistraient une baisse escomptée, pour cette même période, de 0,70 % soit 270 millions d'euros.

B. L'EXÉCUTION DES CONCOURS FINANCIERS SUR LA PÉRIODE 2018-2022

À l'issu de la période 2018-2022, la trajectoire a été dépassée en raison de prévisions en lois de finances initiales (LFI) supérieures à la programmation de la LPFP d'une part, et d'une sur-exécution des crédits inscrits en LFI d'autre part.

1. Le dépassement des plafonds de la loi de programmation dès l'adoption des lois de finances initiales

Ainsi, les crédits inscrits en LFI au titre des PSR, de la mission RCT et de la fraction de TVA affectée aux régions en compensation de leur ancienne DGF sont supérieurs, sur la période 2018-2022, de 9,11 milliards d'euros (en AE) par rapport à ceux mentionnés dans la LPFP (et de 7,38 milliards d'euros en CP).

Crédits inscrits en LFI au titre des concours financiers entre 2018 et 2022 et écarts par rapport à la LPFP

(en AE, en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des annexes budgétaires « transferts financiers aux collectivités territoriales »

L'analyse détaillée révèle que le niveau de ces dépassements de crédits inscrits en LFI s'est accentué au cours de la période, passant de 250 millions d'euros la première année de la LPFP à 4,32 milliards d'euros en 2022, dernière année de la programmation quinquennale.

Sur les 9,11 milliards d'euros de dépassement, 7,76 milliards d'euros sont dus aux concours financiers et 1,32 milliard d'euros sont dus au FCTVA. La TVA des régions, a pour sa part, dépassé les montants indiqués en LFPF de 50 millions d'euros.

Ainsi, les crédits inscrits en LFI ont enregistré une hausse de 9,2 % alors que la LPFP prévoyait une hausse sur la période de 0,79 %.

2. Les dépassements de la LPFP en exécution

Les crédits exécutés sont, quant à eux, supérieurs à ceux inscrits en LPFP de 7,13 milliards d'euros en AE entre les seules années 2018-2021, l'exécution 2022 n'étant pas encore achevée (et de 5,36 milliards d'euros en CP).

En revanche, les écarts entre les crédits inscrits en LFI et ceux exécutés sont moindres, atteignant un total de 2,3 milliards d'euros en AE entre 2018 et 2021 (et de 1,76 milliard en CP).

Crédits exécutés au titre des concours financiers
entre 2018 et 2021

(en AE, en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des jaunes budgétaires « transferts financiers aux collectivités territoriales »

Ces dépassements interviennent malgré le mécanisme des variables d'ajustement mis en place dès la LFI 2018 à hauteur de 293 millions d'euros en 2018, 159 millions d'euros en 2019, 120 millions d'euros en 2020 et 50 millions d'euros en 2021 et 2022, soit un total de 674 millions d'euros.

Ces minorations représentent 7,4 % du montant total (9,11 milliards) des dépassements sur la période 2018-2022 en termes de crédits inscrits en LFI.

La commission des finances avait, dans ses précédents rapports, contesté le principe même de ces variables d'ajustement dans la mesure où ce mécanisme revient à minorer des dotations supposées compenser à l'euro près les collectivités territoriales des conséquences de précédentes réformes fiscales (au cas d'espèce, la réforme de la taxe professionnelle et la compensation d'exonérations de fiscalité locale) . De surcroit, elle avait estimé que ce mécanisme était encore moins justifiable dans un contexte où la trajectoire des concours financiers, fixée en 2017 pour la LPFP 2018-2022, était largement devenue caduque dans le contexte de crise sanitaire qui a touché le pays depuis début 2020.

Elle avait enfin rappelé la nécessité de définir des mécanismes adéquats pour assurer le respect de la prochaine trajectoire quinquennale qui ne consisteraient pas à minorer des dotations de compensation liées à des réformes fiscales décidées par le Gouvernement.

A posteriori , elle maintient ses observations et s'interroge sur l'efficacité et l'impact de ces minorations qui n'ont pas empêché le dépassement de 9,11 milliards susmentionné mais qui ont pourtant eu des effets négatifs sur les finances de certaines collectivités en difficulté.

Objectifs et mécanisme des variables d'ajustement

Afin de rendre les évolutions des concours financiers aux collectivités territoriales plus compatibles avec les objectifs de maîtrise des dépenses publiques, ceux-ci ont fait l'objet de mesures de maîtrise dès la LFI pour 2008 qui prévoyait de réduire à la seule inflation la progression de l'ensemble des concours de l'État. Dès lors, les dotations dont les taux de croissance étaient supérieurs à l'inflation était compensée par la baisse corrélative d'autres dotations, dites « variables d'ajustement », dont le montant était ajusté en conséquence. Dans le prolongement de cette logique, la LFI pour 2009 a étendu le nombre de ces variables de manière à répartir plus équitablement la charge entre les différentes dotations faisant l'objet d'une minoration.

Depuis, dès l'élaboration du projet de loi de finances, les évolutions tendancielles des prélèvements sur recettes au profit des collectivités ou des dotations budgétaires doivent être gagées au sein des concours financiers par la minoration de certains concours.

Entre 2017 et 2019, l'assiette des variables a été élargie pour neutraliser la dynamique importante d'un certain nombre de dotations et prélèvements sur recettes. Ainsi :

- l'article 33 de la loi de finances pour 2017 a inclus à l'assiette des compensations soumises à minoration : la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des régions et des départements, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et la totalité de la dotation de compensation pour transferts des compensations d'exonération de fiscalité directe locale (DTCE dite « dotation carrée ») des régions et des départements ;

- l'article 77 de la loi de finances pour 2019 a élargi le périmètre des variables d'ajustement à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

- l'article 73 de la loi de finances pour 2020 a élargi l'assiette au PSR de compensation du versement transport , destiné à compenser aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) la perte de recettes consécutive au relèvement en 2016 du seuil d'assujettissement (de 9 à 11 salariés) des entreprises au versement transport.

Plus spécifiquement, sur la période 2018-2022, l'objectif affiché de ces variables d'ajustement est de respecter la trajectoire d'évolution du montant des concours financiers de l'État aux collectivités locales telle que fixée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018-2022.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'APPARENCE D'UNE HAUSSE DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT

A. PÉRIMÈTRE DES CONCOURS FINANCIERS

Le présent article évalue la trajectoire des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, exprimés en milliards d'euros courants, et à périmètre constant, comme suit :

Évolution des concours financiers inscrits en LPFP 2023-2027

(en CP, en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir de la LPFP 2022-2027

Comme pour la précédente trajectoire, le II du présent article précise que les concours financiers sont constitués par :

- les prélèvements sur recettes de l'État établis au profit des collectivités territoriales ;

- les crédits du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » à l'exclusion de ceux prévus au titre des paiements liés aux autorisations d'engagement ouvertes dans le cadre de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 ;

- le produit de l'affectation de la taxe sur la valeur ajoutée aux régions, au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane prévue à l'article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

En revanche, il convient de souligner que la fraction de TVA allouée aux départements, à compter de 2021, en fonction de critères de ressources et de charges, créée en LFI pour 2020 72 ( * ) (dite fonds de sauvegarde), bien que faisant partie des concours financiers n'a pas été intégrée dans le périmètre de la LPFP.

Cependant, contrairement à la précédente trajectoire, sont strictement plafonnés les PSR hors FCTVA, les crédits de la mission RCT ainsi que la fraction de TVA affectée aux régions.

Or, dans la LPFP 2018-2022, la part de TVA revenant aux régions en remplacement de leur ancienne DGF, prévoyait un montant indicatif non strictement plafonné au même titre que le FCTVA.

B. ÉVOLUTION DE LA TRAJECTOIRE

Cette trajectoire prévoit une hausse de 2,67 % des concours sur la période 2023-2027 soit 1,42 milliard d'euros.

Cette hausse est également répartie entre la hausse du FCTVA qui passerait, sous la période 2023-2027, de 6,7 milliards d'euros à 7,4 milliards d'euros soit une augmentation de 700 millions d'euros et la hausse des autres concours financiers (PSR hors FCTVA, crédits de la mission RCT et fraction de TVA affectée aux régions) qui enregistrerait également une hausse à hauteur de 720 millions d'euros.

La hausse du FCTVA s'explique en partie par le dynamisme de l'investissement local avec un pic attendu à 7,5 milliards d'euros en 2026, année des prochaines élections municipales.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE ÉVOLUTION À RELATIVISER DES CONCOURS FINANCIERS ET L'EXCLUSION DE LA FRACTION DE TVA AFFECTÉE AUX RÉGIONS DE L'ENVELOPPE « NORMÉE »

Il convient de noter que le Gouvernement a opté pour une hausse des concours financiers, alors qu'ils étaient à la baisse lors de la LPFP 2016-2021 et stables lors de la précédente loi de programmation couvrant la période 2018-2022.

Parallèlement, le Gouvernement prévoit un mécanisme d'encadrement d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales à l'article 23 de la présente loi, qui suscite bien davantage de critiques et de réserves 73 ( * ) .

Par ailleurs, le dispositif des variables d'ajustement est maintenu et vient de nouveau minorer certains PSR dans les années à venir, comme c'est déjà le cas en 2023.

A. DES PRÉVISIONS D'INFLATION QUI VIENNENT MINORER CETTE HAUSSE APPARENTE

1. Des prévisions d'inflation à des niveaux relativement hauts mais marquées par de nombreuses incertitudes

La différence de niveau des concours entre euros constants et euros courants en raison d'une inflation qui devrait rester, selon les prévisions même du Gouvernement, supérieure à 2 % jusqu'en 2025, relativise l'effort affiché au présent article.

En effet, au cours de la période 2023-2027, le niveau de l'inflation devrait se réduire progressivement, selon les prévisions du Gouvernement. Ainsi, l'évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) serait de 4,3 % en 2023, 3 % en 2024, 2,1 % en 2025 et 1,75 % en 2026 et 2027, soit un niveau de long terme dans la cible de la Banque centrale européenne.

Cependant, cette prévision reste empreinte d'incertitudes avec l'aléa majeur que représente l'évolution du conflit en Ukraine et ses conséquences. Le scénario retenu par le Gouvernement intègre l'effet négatif sur l'activité des prix de gros de l'énergie (pétrole, gaz, électricité) restant à des niveaux élevés en 2023 mais n'intègre pas de rupture majeure d'approvisionnement en énergie durant l'hiver 2022- 2023, en France et à l'étranger.

2. Une contraction des concours financiers sous l'effet de l'inflation

Il en résulte que cette hausse des concours financiers de l'État à hauteur de 1,42 milliard d'euros, certes plus importante que celle de la précédente LPFP (380 millions), revient cependant, en euros constants, à une contraction des concours financiers alloués aux collectivités territoriales qui passeraient de 52,2 milliards en 2022 à 48,1 milliards en 2027 soit 4,1 milliards d'euros de moins. Cette contraction pourrait s'avérer plus importante encore en cas d'inflation supérieure au niveau retenu par le Gouvernement dans ses prévisions. Sur la période couverte par la LPFP, soit 2023 à 2027, la baisse serait de 2,9 milliards d'euros.

Évolution des concours financiers inscrits en LFPF 2023-2027
retraités de l'inflation

(en CP, en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir de la LPFP 2023-2027

B. LE TRAITEMENT DU FCTVA ET DE LA TVA DES RÉGIONS LORS DE LA PRÉCÉDENTE LPFP

Lors de la précédente LPFP, le texte déposé par le Gouvernement prévoyait d'inclure, dans le plafond, la TVA affectée aux régions ainsi que le FCTVA.

À l'initiative du rapporteur de la commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement au motif que s'il est justifié d'inclure ces deux recettes au sein de la catégorie des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, les prévoir dans les plafonds d'évolution conduirait à neutraliser par une baisse des autres concours financiers les éventuels écarts à la hausse constatés par rapport aux prévisions actuellement disponibles. Cet amendement prévoyait donc :

- de compléter le tableau en faisant apparaître les montants du FCTVA, du produit de TVA transféré aux régions et des concours financiers une fois ces deux montants retranchés ;

- que les montants du tableau relatifs au FCTVA et au produit de TVA transféré aux régions ne constituent pas des plafonds mais une évaluation ;

- de préciser que seuls les concours financiers autres que le FCTVA et le produit de TVA transféré aux régions sont plafonnés aux montants indiqués dans le tableau.

Cet amendement permettait ainsi de s'assurer qu'en cas d'évolution supérieure aux prévisions, la différence ne sera pas retranchée des concours financiers .

Le Sénat, à l'initiative de son rapporteur général, avait alors adopté un amendement allant plus loin et visant :

- à ôter du périmètre des concours financiers de l'État la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) transférée aux régions, au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guadeloupe;

- à séparer le FCTVA de « l'enveloppe normée » en créant un tableau distinct de celui des concours financiers.

L'amendement de l'Assemblée nationale avait finalement été retenu dans la rédaction définitive du texte.

C. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXCLUSION DE LA TVA DES RÉGIONS DE L'ENVELOPPE « NORMÉE »

La raison qui avait présidé à cette évolution lors de la précédente loi de programmation vaut toujours en 2022 même si le contexte diffère quelque peu.

En effet, le dynamisme spécifique de la TVA affectée aux régions comme celui du FCTVA, qui peut être supérieur aux prévisions, risque de réduire les montants disponibles pour le reste des concours au sein de l'enveloppe des concours financiers.

En 2018, l'enveloppe spécifique aux « autres » concours financiers prévoyait une baisse de 270 millions d'euros. Le dynamisme prévu pour la TVA aux régions et au FCTVA, difficilement prévisible, générait un risque de diminution des autres concours financiers pour respecter le plafond, alors que les concours présentaient déjà une tendance baissière pour la période 2018-2022.

En 2022, l'enveloppe prévue au titre des concours financiers pour la période 2023-2027 est en très légère hausse (130 millions d'euros). Cependant, le contexte inflationniste pourrait générer une hausse de TVA supérieure à celle estimée. Si tel était le cas, il ne revient pas aux « autres » concours financiers d'en supporter les conséquences.

Cette difficulté dans le traitement de la TVA affectée aux régions trouve son origine dans la distinction faite par le Gouvernement entre la « fiscalité transférée » qui recouvre l'attribution d'impositions nationales au titre de la compensation financière de transferts de compétences lors des différents actes de décentralisation et la « fiscalité substituée » sans lien avec des transferts de compétences mais en remplacement de dotations de l'État supprimées ou à des parts de fiscalité directe locale supprimées dans le cadre de diverses réformes.

Or, cette distinction, comme la Cour des comptes l'analyse à juste titre dans son rapport sur le financement des collectivités territoriales 74 ( * ) , est largement artificielle et le rapporteur estime qu'elle ne peut servir de prétexte à une prévisible minoration des « autres » concours financiers.

La commission a donc adopté l' amendement COM-105 , afin d'aligner la rédaction de l'article 13 sur celle de la précédente loi de programmation en précisant que le FCTVA et la TVA des régions sont exlus de l'enveloppe « normée ».

La répartition entre les ensembles est alors la suivante :

Répartition des concours financiers

(en CP, en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des éléments transmis par la direction du budget

Cette modification permet ainsi de voir la hausse distincte de chaque catégorie de concours financiers :

- 700 millions d'euros pour le FCTVA ;

- 640 millions d'euros pour la TVA affectée aux régions ;

- 560 millions d'euros pour les autres concours financiers (retraitement fait du filet de sécurité de 430 millions d'euros voté lors de la loi de finances rectificative n°2022-1157 pour 2022 du 16 aout 2022).

La commission a également adopté un amendement rédactionnel COM-56 du Gouvernement.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté le présent article ainsi modifié.

ARTICLE 14

Objectif de diminution de l'impact environnemental du budget de l'État

. Le présent article prévoit que le rapport entre les dépenses considérées comme défavorables à l'environnement et celles considérées comme favorables et mixtes, dans l'annexe au projet de loi de finances relative au « budget vert », diminue de 10 % entre la loi de finances pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2027.

La commission a renforcé cet objectif en fixant la diminution à 20 % et a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE « BUDGET VERT » PRÉSENTE UNE COTATION TRÈS LACUNAIRE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT

Depuis la loi de finances pour 2020, une annexe générale au projet de loi de finances 75 ( * ) présente un rapport sur l'impact environnemental du budget , dit « budget vert ».

Ce rapport présente notamment l'ensemble des dépenses du budget général de l'État et des ressources publiques, y compris les dépenses fiscales présentées dans le projet de loi de finances de l'année, ayant un impact favorable ou défavorable sur l'environnement. Malgré un périmètre en théorie très large, il ne couvre en réalité qu'une fraction réduite des dépenses.

A. LES DÉPENSES SONT COTÉES SELON LEUR IMPACT PAR RAPPORT À L'ENVIRONNEMENT

L'impact de chaque dépense est apprécié par rapport à six axes, recevant sur chacun d'entre eux une note égale à - 1 (dépense défavorable à l'environnement), 0 (dépense neutre), 1, 2, ou 3 (dépense favorable).

Les six axes environnementaux du budget vert

Source : rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État, annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 10

La note - 1 indique que la dépense constitue une atteinte directe à l'environnement ou incite à des comportements défavorables à celui-ci.

La note 0 correspond à une dépense sans effet significatif sur l'environnement.

Les notes positives concernent :

- les dépenses favorables mais à l'impact controversé, par exemple si des effets de court terme favorables peuvent présenter un risque de verrouillage technologique à long terme : note 1 ;

- celles sans objectif environnemental, mais ayant un impact indirect avéré : note 2 ;

- les dépenses ayant un objectif environnemental principal ou participant directement à la production d'un bien ou service environnemental (éco-activité) : note 3.

S'agissant par exemple des dépenses budgétaires et fiscales soutenant la construction de logements neufs, une quote-part est appliquée sur l'axe « Biodiversité » en fonction de la part « artificialisante » du projet et une cotation défavorable est également retenue sur l'axe « Atténuation du climat » en raison des émissions liées à la construction, à l'artificialisation 76 ( * ) et aux déplacements induits, impact toutefois atténué par la meilleure performance environnementale des bâtiments neufs.

Une dépense est considérée comme globalement favorable si elle est favorable ou neutre sur les six axes ; à l'inverse, elle est considérée comme globalement défavorable si elle est défavorable ou neutre sur les six axes. Elle est considérée comme globalement neutre si les six notes sont égales à zéro. Dans les autres cas (donc si elle est favorable sur au moins un axe et défavorable sur au moins un axe), elle est considérée comme mixte .

B. LE PÉRIMÈTRE DES DÉPENSES THÉORIQUEMENT CONCERNÉ EST PARTICULIÈREMENT LARGE...

Le champ des dépenses couvertes est large : il comprend l'ensemble des dépenses du périmètre des dépenses de l'État défini à l'article 9 du présent projet de loi, qui lui-même inclut les dépenses budgétaires du budget général, des budgets annexes et de certains comptes spéciaux, hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements, ainsi que les plafonds de taxes affectées à des tiers et les prélèvements sur recettes. Ce périmètre représente 480 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023.

Sont également cotées les dépenses fiscales, de sorte que le montant total couvert est de 569,4 milliards d'euros .

Jusqu'à l'exercice 2022, le champ des dépenses concernées comprenait les dépenses relevant de l'objectif des dépenses totales de l'État, qui comprend également les dépenses liées à la charge de la dette et aux remboursements et dégrèvements.

C. ... MAIS SEULES UNE PETITE MINORITÉ DE DÉPENSES SONT EFFECTIVEMENT COTÉES COMME FAVORABLES OU DÉFAVORABLES

Toutefois, seule une minorité de dépenses font l'objet d'une cotation effective en tant que dépenses « favorables », « défavorables » ou « mixtes ».

En effet, en premier lieu, le budget vert distingue également des dépenses « non cotées » pour lesquelles :

- soit l'état actuel des connaissances scientifiques ne permet pas d'évaluer l'impact environnemental de manière consensuelle . Le rapport se refuse notamment à coter les dépenses numériques et le soutien aux sites électro-intensifs ;

- soit l'évaluation est empêchée à cause du manque de données disponibles . Par exemple, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales sont attribués selon un principe de libre emploi qui ne permet pas de leur appliquer la méthodologie définie par le « budget vert ». Le rapport fait également valoir que les dépenses de fonctionnement et la plupart des dépenses immobilières sont réparties dans de nombreuses lignes de crédit où elles ne peuvent pas être identifiées et restituées.

En outre la cotation dépend de la nomenclature budgétaire , ce qui constitue un choix fort en raison du niveau de granularité peu fin de cette nomenclature. Étant établie au niveau de l'action, ou le cas échéant de la sous-action, la cotation ne peut pas prendre en compte de manière fine les mesures parfois très diverses financées à ce niveau.

La plupart de ces obstacles ne paraîtraient pourtant pas insurmontables, si les données nécessaires étaient bien collectées, ce qui n'est pas actuellement le cas. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 77 ( * ) , le rapporteur, en sa qualité de rapporteur, a estimé qu' un budget vert véritablement opérationnel , pouvant servir de guide pour l'action, nécessiterait la mise en place d'une « comptabilité analytique environnementale » , dans laquelle les activités de l'État seraient décrites à un niveau suffisamment fin pour permettre d'ajouter un axe d'analyse environnemental à la description purement budgétaire des crédits.

Ainsi, le montant des dépenses non cotées est de 93,9 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023.

En second lieu, la très grande majorité des dépenses cotées sont jugées « neutres » , soit 416,1 milliards d'euros en projet de loi de finances pour 2023, sur un périmètre total de 569,4 milliards d'euros, c'est-à-dire que leur notation est égale à 0 sur les six axes.

La cotation neutre relève d'un choix méthodologique qui, de fait, exclut une grande partie des dépenses . À titre d'exemple, une dépense n'ayant qu'un effet de revenu est considérée comme neutre, ce qui est le cas des dépenses de masse salariale 78 ( * ) , des transferts sociaux aux ménages ou des transferts généraux aux entreprises non assortis d'une conditionnalité environnementale.

Cotation des dépenses
dans le projet de loi de finances pour 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA DIMINUTION DE 10 % DU RAPPORT ENTRE LES DÉPENSES CONSIDÉRÉES COMME DÉFAVORABLES À L'ENVIRONNEMENT ET CELLES CONSIDÉRÉES COMME FAVORABLES OU MIXTES

Le présent article prévoit une diminution de 10 %, entre la loi de finances pour l'année 2022 et le projet de loi de finances pour 2027 du rapport entre :

- d'une part, les dépenses considérées comme défavorables au titre du « budget vert » ;

- d'autre part, les dépenses considérées comme favorables ou mixtes.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : RENFORCER L'OBJECTIF EN LE FIXANT À MOINS 20 %

Le projet de loi n'indique pas explicitement le montant pris comme point de référence en 2022, c'est-à-dire le montant des dépenses favorables, défavorables ou mixtes sur le périmètre des dépenses de l'État.

Le rapport « budget vert » annexé au projet de loi de finances met principalement en avant l'évolution des dépenses entre 2021 et 2023 sur le périmètre des dépenses de l'État, hors dépenses liées au plan de relance et aux dispositifs et impacts exceptionnels liés à la hausse des prix de l'énergie (bouclier tarifaire et soutiens aux énergies renouvelables).

Cette présentation , certes flatteuse pour l'année 2023 puisqu'elle conduit à constater une progression plus importe pour les dépenses vertes que pour les dépenses brunes, est caractéristique de la dimension de « communication » que présente trop souvent ce rapport : elle méconnaît l'impact environnemental important des dépenses du bouclier tarifaire.

En incluant au contraire l'ensemble des dépenses, il apparaît qu' en 2023 les dépenses favorables à l'environnent stagneraient , voire diminueraient légèrement entre la loi de finances initiale, tandis que les dépenses défavorables augmenteraient de plus de 80 % .

En conséquence, le rapport visé par le présent article se dégraderait considérablement , passant de 26,7 % en 2022 à 49,2 % en 2023. Autrement dit, pour deux euros dépensés en faveur de l'environnement ou avec un effet mixte, un euro est consacré à des dépenses qui lui sont défavorables.

Dépenses favorables, mixtes et défavorables de 2021 à 2023

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir du rapport sur le « budget vert » et du rapport de l'Assemblée nationale 79 ( * )

Ce résultat est d'autant moins satisfaisant que , comme on l'a vu supra , seule une petite partie des crédits sont cotés comme favorables, défavorables ou mixtes : les neuf dixièmes du budget ne sont pas concernés. Le montant des dépenses favorables à l'environnement paraît ainsi particulièrement insuffisant.

La disposition proposée par le présent article suppose donc que l'année 2023 ne soit qu'une parenthèse, le point de référence étant l'année 2022. Elle ne constitue toutefois qu'une contrainte limitée : une diminution de 10 % sur cinq ans ne représente qu'une ambition modérée à l'heure de l'urgence causée par le changement climatique .

La disposition portée par cet article doit donc être considérée non comme une cible , mais comme un strict minimum , l'accomplissement de la transition écologique nécessitant d'aller bien plus loin.

Elle peut ainsi être approuvée sous cette réserve , tout en comptant que des améliorations de la méthodologie du « budget vert » permettent de lui donner une portée plus grande par une meilleure couverture des dépenses de l'État.

La commission a adopté deux amendements identiques COM-31 de M. Daniel Breuiller et plusieurs de ses collègues du groupe écologiste, solidarité et territoire et COM-87 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Emmanuel Capus, prévoyant une diminution de 20 %, et non de 10 %, du ratio entre les dépenses défavorables à l'environnement et les dépenses favorables ou mixtes .

Elle a également adopté l'amendement COM-29 de M. Daniel Breuiller et plusieurs collègues du groupe écologiste, solidarité et territoire, remplaçant le ratio entre, d'une part, les dépenses défavorables et, d'autre part, les dépenses mixtes et favorables par un ratio entre, d'une part, les dépenses défavorables et mixtes et, d'autre part, les dépenses favorables .

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 15

Durée maximale de cinq ans pour les nouveaux dispositifs
d'aide de l'État aux entreprises

. Le présent article prévoit qu'à partir de 2023, les créations ou modifications de dispositifs d'aides aux entreprises ne seraient applicables que pour une durée maximale de cinq années et que leur extension ou prolongation devrait être précédée d'une évaluation présentée au Parlement.

La commission a précisé que l'article ne s'appliquait qu'à des dispositifs instaurés par l'État et a prévu la définition, par un arrêté, de la liste des dispositifs d'aide aux entreprises soumis au présent article. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA NOTION D'AIDE AUX ENTREPRISES REGROUPE DE NOMBREUX DISPOSITIFS DIFFÉRENTS

La notion d' aides aux entreprises recouvre une grande diversité de dispositifs .

Ces dispositifs peuvent avoir, pour l'État, un impact budgétaire définitif (subventions ou dépenses fiscales), temporaire (avances) ou incertain (garantie de prêts).

Le nombre des dispositifs concernés, sans faire l'objet d'une liste formalisée, est probablement considérable.

La Chambre des métiers et de l'artisanat recense plus de 2 100 aides publiques financières à destination des entreprises, dont 422 ont une couverture nationale 80 ( * ) . Bpifrance identifie ainsi 81 ( * ) :

- 56 aides à la création d'entreprise et 28 aides à la reprise d'entreprise ;

- 76 aides pour l'emploi et la formation ;

- 192 aides pour la gestion financière et exonérations diverses ;

- 86 aides au développement commercial ;

- 31 aides à l'export ;

- 54 aides à l'innovation ;

- 58 aides à l'éco-développement ;

- 61 aides aux investissements matériels, immatériels et immobiliers ;

- 4 aides à la transmission.

Le fondement juridique de ces aides peut être une loi ou un décret.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE LIMITATION À CINQ ANNÉES DE LA DURÉE DES DISPOSITIFS D'AIDE AUX ENTREPRISES

Le présent article prévoit dans son I que les créations , extensions ou prolongations d'un dispositif d'aides aux entreprises instaurées après le 1 er janvier 2023, ne sont applicables que pour une durée précisée par le texte qui les institue, dans la limite de cinq ans .

Dans son II , il exige la présentation au Parlement, par le Gouvernement, d'une évaluation de toute nouvelle mesure d'extension ou de prolongation d'un dispositif d'aides aux entreprises . Cette évaluation doit être présentée au plus tard le 1 er avril de l'année au cours de laquelle le dispositif d'aide prend fin. Elle doit notamment présenter les principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure et apporter des précisions sur son efficacité et son coût.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPROUVER LA DISPOSITION MOYENNANT UNE CLARIFICATION DE LA RÉDACTION

Cet article, contrairement à d'autres articles du présent projet de loi de programmation des finances publiques, ne constitue pas la reprise d'un dispositif existant dans les précédentes lois de programmation.

Le dispositif de limitation dans le temps des aides aux entreprises s'apparente toutefois, dans son esprit , à celui qui , à l'article 7, fixe une échéance aux dépenses fiscales à caractère incitatif ou sectoriel .

Sur le principe, il convient d'approuver un principe de limitation dans le temps des régimes d'aide aux entreprises , en notant, d'une part, qu'il ne s'applique qu'aux régimes d'aide instaurés à compter du 1 er janvier 2023 et, d'autre part, qu'il ne s'oppose pas à une prolongation de ces régimes d'aide s'ils ont fait au préalable l'objet d'une évaluation remise au Parlement.

La portée de cet article est toutefois limitée par l'absence de définition de la notion de régime d'aide aux entreprises . D'après le Gouvernement, le champ du présent article pourrait être plus large que celui des aides recensées par Bpifrance.

Selon les réponses apportées au questionnaire du rapporteur, il n'existe pas non plus de liste exhaustive des dispositifs qui seront étendus ou prorogés après cette date. La liste diffusée par Bpifrance ne concerne que les aides à la création ou à la reprise d'entreprise et a donc un champ plus étroit que celui visé au présent article.

En conséquence, il paraît important que le champ des aides couvertes par ces nouvelles exigences soit mieux défini , afin de lui donner un caractère opératoire.

Par ailleurs, il paraît utile de préciser que l'article s'applique aux seuls régimes d'aide institués par l'État , et non à ceux créés par d'autres acteurs, notamment l'Union européenne et les collectivités territoriales , en cohérence avec l'insertion du présent article dans le chapitre II intitulé « Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques centrales » du titre I er « Orientations pluriannuelles des finances publiques » du projet de loi.

La commission a adopté :

- un amendement COM-106 du rapporteur, précisant à titre de clarification que l'article ne s'applique qu'à des dispositifs instaurés par l'État ;

- un amendement COM-107 du rapporteur, prévoyant la définition, par un arrêté, de la liste des dispositifs d'aide aux entreprises soumis au présent article.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté l'article ainsi modifié.

CHAPITRE III

LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

ARTICLE 16

Objectif d'évolution de la dépense locale

. Le présent article fixe un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) pour les années 2023 à 2027. Compte-tenu des prévisions d'inflation sur la période, le respect de cet Odedel implique une diminution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales de 0,5 % par an en volume.

La trajectoire proposée au présent article est encore plus rigoureuse que celles qui avaient été prévues par les précédentes lois de programmation.

Alors que les collectivités territoriales ont déjà réalisé de considérables efforts de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement au cours des dernières années, il est pris acte de l'effort ici demandé aux collectivités face à l'urgence du rétablissement de nos finances publiques.

Il est toutefois demandé et tout-à-fait normal qu'un effort similaire soit imposé à l'État pour ses propres dépenses, ce qui est proposé par la commission des finances à l'article 3 du présent projet de loi .

La commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES LOIS DE PROGRAMMATION 2014-2019 ET 2018-2022 AVAIENT DÉJÀ INSTITUÉ UN OBJECTIF D'ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE LOCALE

A. UN PREMIER ODEDEL AVAIT ÉTÉ FIXÉ POUR LA PÉRIODE 2014-2017

L'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (LPFP 2014-2019) 82 ( * ) avait institué pour la première fois un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) sur la période 2014-2017 visant à traduire la contribution attendue des collectivités territoriales au redressement des finances publiques.

La dépense publique locale, alors exprimée en valeur, est définie au sens de l'Odedel comme la somme des dépenses réelles en comptabilité générale des sections de fonctionnement et d'investissement, nettes des amortissements d'emprunts.

L'Odedel 2014-2017 se déclinait en deux sous-objectifs : un objectif d'évolution de la dépense totale des collectivités territoriales et un objectif d'évolution des seules dépenses de fonctionnement.

Odedel pour les années 2014 à 2017

(en pourcentage, en valeur)

2014

2015

2016

2017

Taux d'évolution de la dépense publique locale en valeur

1,2

0,5

1,9

2,0

Dont évolution de la dépense de fonctionnement

2,8

2,0

2,2

1,9

Source : article 11 de la LPFP 2014-2019

L'article 30 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoyait qu'à partir de 2016, l'Odedel devait être actualisé et décliné par niveau de collectivité territoriale après consultation du comité des finances locales. Les projets de loi de finances pour les années 2016 et 2017 ont ainsi procédé à une actualisation de cet objectif et à sa déclinaison par niveau de collectivité territoriale (cf. tableau ci-dessous).

Odedel pour 2016 et 2017
actualisé et décliné par niveau de collectivité territoriale

(en pourcentage, en valeur)

2016

2017

Collectivités locales
et leurs groupements

1,20 %

2,00 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

1,60 %

1,70 %

Bloc communal

1,00 %

2,10 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

1,10 %

1,30 %

Communes

1,20 %

2,10 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

1,30 %

1,30 %

EPCI à fiscalité propre

0,60 %

2,10 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

0,70 %

1,30 %

Départements

1,90 %

2,20 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

2,70 %

2,60 %

Régions

0,40 %

0,80 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

0,60 %

1,10 %

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2017 « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales »

L'Odedel n'était fixé qu'à titre indicatif - un objectif contraignant pour l'ensemble des collectivités territoriales sans discrimination ni possibilité de modulation étant en tout état de cause contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Le ralentissement de la progression des dépenses locales (+ 1,4 % par an en moyenne sur la période contre + 2,3 % par an en moyenne entre 2009 et 2013) était néanmoins pensé comme la conséquence, de la baisse de 11 milliards d'euros des concours financiers de l'État programmée par la même loi de programmation sur la période .

B. UN SECOND ODEDEL FIXÉ POUR LA PÉRIODE 2018-2022

L'article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (LPFP 2018-2022) 83 ( * ) a ensuite reconduit un Odedel pour l'ensemble de la programmation.

Le dispositif prévoyait désormais une trajectoire d'évolution des seules dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, correspondant à une hausse des dépenses de fonctionnement de 1,2 % par an en valeur .

Odedel pour les années 2018 à 2022

(base 100 en 2017)

2018

2019

2020

2021

2022

Dépenses de fonctionnement

101,2

102,4

103,6

104,9

106,2

Source : article 13 de la LPFP 2018-2022

Le même article prévoyait en outre un objectif national d'évolution du besoin annuel de financement des collectivités territoriales et de leurs EPCI à fiscalité propre, qui devait réduire de 2,6 milliards d'euros par an.

Comme sous la précédente loi de programmation, l'Odedel 2018-2022 n'était pas contraignant. En revanche, en contrepartie d'une stabilisation des concours financiers de l'État sur la période, l'article 29 de la même loi a institué un mécanisme de contractualisation financière avec les plus grosses collectivités, appelé « contrats de Cahors » (voir encadré).

Les contrats de Cahors

Institués par l'article 29 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022, les contrats « de Cahors » avaient été élaborés à l'occasion de la conférence nationale des territoires (CNT) du 14 décembre 2017.

Il était prévu que les régions, les départements, les communes et les groupements à fiscalité propre dont les dépenses de fonctionnement du budget principal dépassent les 60 millions d'euros concluent des contrats avec le représentant de l'État, pour la période 2018-2020, portant sur un objectif contraignant d'évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement, un objectif de réduction de leur besoin de financement et, le cas échéant, une trajectoire d'amélioration de leur capacité de désendettement.

L'objectif individuel d'évolution des dépenses de fonctionnement pouvait faire l'objet d'une modulation par rapport à l'objectif national de 1,2 %, avec un plancher à 0,75 % et un plafond à 1,65 %. En cas de dépassement, une reprise financière à hauteur de 75 % de l'écart constaté devait être appliquée. Le taux de reprise devait être de 100 % pour les collectivités territoriales ayant refusé de conclure un tel contrat.

Sur 321 collectivités territoriales éligibles, 228 ont signé un contrat avec l'État. L'application des contrats a été suspendue en 2020 pour leur dernière année d'exécution dans le contexte de la crise sanitaire.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN OBJECTIF DE DIMINUTION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT DE 0,5 % PAR AN EN VOLUME SUR LA PÉRIODE DE PROGRAMMATION

Le I du présent article réaffirme le principe d'une contribution des collectivités territoriales à l'effort de maîtrise du déficit public et à l'effort de maîtrise de la dépense publique.

Le II prévoit qu'à l'occasion du débat sur les orientations budgétaires, chaque collectivité territoriale ou EPCI à fiscalité propre présente son objectif concernant l'évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement, exprimées en valeur, en comptabilité générale de sa section de fonctionnement. Ces éléments doivent être présentés, d'une part, pour les budgets principaux et, d'autre part, pour chacun des budgets annexes.

Le III fixe l'Odedel proprement dit pour les années 2023 à 2027. Comme sous la précédente loi de programmation, celui-ci ne porte que sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre. Il prévoit un taux d'évolution de ces dépenses pour chaque année de la programmation en pourcentage, en valeur et à périmètre constant. Compte tenu des prévisions d'inflation du Gouvernement, ce taux correspond à une diminution de ces dépenses de 0,5 % par an en volume. L'Odedel est fixé à titre indicatif et n'a, par lui-même, aucune valeur contraignante.

Odedel proposé pour les années 2023 à 2027

(en pourcentage)

2023

2024

2025

2026

2027

Taux d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en valeur (article 16 LPFP 2023-2027)

3,8

2,5

1,6

1,3

1,3

Indice des prix à la consommation (hors tabac)

4,3

3,0

2,1

1,8

1,8

Taux d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en volume

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

Source : commission des finances, d'après le projet de LPFP 2023-2027 et le RESF annexé au PLF 2023.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN EFFORT FINANCIER CONSIDÉRABLE DEMANDÉ AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES COMPTE TENU DE LEURS POIDS DANS LES FINANCES PUBLIQUES

A. UN OBJECTIF D'ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE LOCALE ENCORE PLUS STRICT QUE LES PRÉCÉDENTS

La trajectoire proposée au présent article, impliquant une diminution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales de 0,5 % par an est nettement plus rigoureuse que celles qui avaient été prévues lors de l'adoption des deux précédentes lois de programmation , elles-mêmes plus strictes que le tendanciel d'évolution de ces dépenses sur la période antérieure (2009-2014), qui avait servi de référence pour l'examen de la LPFP 2018-2022.

Comparaison entre les Odedel depuis 2014

(base 100)

Note : N : première année de programmation. Les trajectoires des Odedel sont exprimées en volume à partir des hypothèses d'inflation disponibles au moment où ils ont été fixés pour refléter la volonté du législateur (respectivement : RESF annexés au PLF 2015 ; au PLF 2018 et au PLF 2023) et non de l'inflation constatée. Le tendanciel d'évolution de la dépense publique locale 2019 est exprimé en volume sur la base d'un taux de croissance annuel moyen en valeur constaté de 2,5 % et d'un taux annuel moyen d'inflation constaté de 1,2 %.

Source : commission des finances du Sénat

Les économies qui seraient réalisées sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales seraient substantielles . Compte tenu des hypothèses d'inflation actuelles, son respect strict impliquerait une économie de l'ordre de 6 milliards d'euros en 2027 par rapport à une trajectoire « zéro volume » (progression des dépenses de fonctionnement au rythme de l'inflation).

Auditionnées par le rapporteur, les administrations du ministère de l'économie et des finances ont indiqué que, contrairement aux travaux préparatoires à la précédente loi de programmation, l'Odedel proposé au présent article n'avait pas été établi par référence à un tendanciel. Ce choix est critiquable car, bien que l'établissement d'un tendanciel pose immanquablement certaines difficultés méthodologiques, une telle référence permet à tout le moins de disposer d'un ordre de grandeur des efforts réels demandés aux collectivités territoriales pour la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement et partant sur la juste répartition de l'effort entre les différentes catégories d'administrations publiques.

Ainsi, en se fondant sur un tendanciel d'évolution en volume des dépenses de fonctionnement sur une période longue (2009-2019) incluant pour moitié une période non couverte par un quelconque Odedel (2009-2014) et pour moitié une période couverte (2014-2019), et excluant les années particulières de crise sanitaire (2020-2021), on peut estimer à 16 milliards d'euros les économies à réaliser .

Comparaison de l'Odedel proposé avec le tendanciel d'évolution
des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales
et avec une trajectoire « zéro volume »

(en milliards d'euros)

Note : le tendanciel a été établi sur la base de l'évolution des dépenses de fonctionnement en volume sur la période 2009-2019 d'après les données de l'OFGL et du taux d'inflation annuel établi par l'INSEE, soit un taux de croissance annuelle moyen de 0,9 %. Le niveau de dépenses de fonctionnement 2022 a été estimé sur la base d'une hypothèse de croissance de 4,9 % par rapport à 2021 (Banque postale).

Source : commission des finances du Sénat

B. SI LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, QUI ONT DÉJÀ MAÎTRISÉ LEURS DÉPENSES PUBLIQUES, SONT APPELÉES À POURSUIVRE LEURS EFFORTS, L'ÉTAT DOIT EN FAIRE AUTANT

Si la participation de l'ensemble des catégories d'administrations publiques au rétablissement des finances publiques du pays est légitime et nécessaire, force est de constater que la situation financière des collectivités territoriales constitue déjà un facteur d'équilibre pour nos comptes publics.

En premier lieu, il convient de rappeler que celles-ci sont régies par la « règle d'or » prévue par l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, qui impose l'équilibre des budgets des collectivités territoriales et proscrit le recours à l'emprunt sur leur section de fonctionnement. L'endettement des collectivités territoriales, contrairement à celui de l'État, ne peut ainsi servir qu'au financement de l'investissement public.

À fin 2021, la dette des administrations publiques locales (APUL) ne représente en tout état de cause que 9 % de la dette publique totale, et celles-ci contribuent même à la réduction du déficit public en dégageant un excédent de 4,7 milliards d'euros.

Surtout, les collectivités territoriales ont déjà réalisé de considérables efforts de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement. Sur la seule période 2018-2021, les économies par rapport au tendanciel établi pour la construction de la LPFP 2018-2022 sont estimées à environ 11 milliards d'euros.

Économies réalisées par les collectivités territoriales
sur la période 2018-2021

(en millions d'euros)

Dépenses réelles de fonctionnement

2017

2018

2019

2020

2021

Tendanciel

187 576

192 265

197 072

201 999

207 049

Constaté

187 576

188 352

191 233

191 501

196 404

Économies

0

3 913

5 839

10 498

10 645

Source : réponse au questionnaire du rapporteur

Pour la période 2023-2027, l'application d'une règle d'évolution simple et mécanique (- 0,5 % par an en volume), tout comme l'absence de référence à un quelconque tendanciel permettant d'estimer l'effort réel demandé aux collectivités territoriales, donne l'impression que l'objectif a été calculé dans le seul but d'atteindre l'objectif de déficit des administrations publiques prévu par le présent projet de loi de programmation des finances publiques à horizon 2027. La construction d'une loi de programmation équilibrée aurait pourtant dû reposer sur une réflexion approfondie sur la juste contribution qui devrait être celle de chaque catégorie d'administration publique à l'effort commun.

Or, la trajectoire proposée par l'Odedel correspond ici à un effort nettement supérieur à celui demandé à l'État . En effet, dans le même temps, comme le rapporteur l'a montré dans son exposé général, les dépenses de ce dernier progresseraient même sur la période de programmation si l'on neutralise l'effet de l'extinction naturelle des dépenses du plan d'urgence, du plan de relance et liées à la crise énergétique (bouclier tarifaire...) 84 ( * ) .

Face à l'urgence du rétablissement de nos finances publiques, il est pris acte de la trajectoire rigoureuse demandée aux collectivités territoriales. Un effort similaire doit néanmoins s'imposer à l'État pour ses propres dépenses . C'est la raison pour laquelle la commission des finances propose à l'article 3 un durcissement de la trajectoire d'évolution des administrations publiques centrales (APUC), ainsi que des mesures d'économies dès l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2023.

En termes de méthode, le rapporteur fait également le pari de la confiance, les élus locaux ayant démontré leur esprit de responsabilité et la rigueur de la gestion . Il proposera pour cette raison la suppression du dispositif d'encadrement des finances locales appelé à succéder aux contrats de Cahors, proposé à l'article 23 85 ( * ) .

C. L'APPROCHE FONDÉE SUR LES SEULES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT N'EST PAS EXEMPTE DE LIMITES ET DOIT ÊTRE INTERROGÉE POUR L'AVENIR

Enfin, la reconduction, programmation après programmation, d'une approche focalisée sur les dépenses de fonctionnement mérite d'être interrogée . Celle-ci est en effet problématique à trois titres au moins :

- de nombreux élus considèrent qu'elle représente dans son principe une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ;

- le postulat selon lequel ces dépenses seraient « mauvaises » par nature et par opposition aux dépenses d'investissement est bien trop schématique compte tenu de la très grande hétérogénéité des dépenses de cette section (dépenses de personnel, dépenses d'intervention...)

- la perspective d'une contrainte exercée à long terme sur l'évolution des dépenses de fonctionnement n'est pas neutre du point de vue de l'investissement puisque celle-ci a pour effet de freiner le lancement de projets impliquant, une fois réalisés, d'importantes charges de gestion ou d'entretien - comptabilisées en section de fonctionnement.

Les associations d'élus entendues par le rapporteur préconisent de substituer à une logique centrée sur les dépenses une logique centrée sur les soldes, qui reflètent davantage la qualité de la gestion. Une telle proposition se heurterait cependant à des difficultés techniques de mise en oeuvre du point de vue de l'État. En tout état de cause, il serait opportun de mener, en concertation avec les collectivités territoriales, un travail de renouvellement de l'approche de la maîtrise des dépenses publiques locales pour l'avenir.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE IV

LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

ARTICLE 17

Objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM)
et taux d'évolution de ses sous-objectifs

. Le présent article encadre l'évolution des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, de l'ONDAM et de ses sous-objectifs au cours de la période 2023-2025.

Avant de l'adopter, la commission a complété cet article en précisant l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2026, ainsi que le montant maximal de l'ONDAM pour 2026 et 2027.

I. LE DROIT EXISTANT : L'EXIGENCE D'OBJECTIFS DE DÉPENSES POUR LES ADMINISTATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

L'article 1 er B (3°) de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose que les orientations pluriannuelles des finances publiques définies par la loi de programmation des finances publiques comprennent « l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble de ces régimes et le taux d'évolution de ses sous-objectifs ».

Reprise de l'article 2 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, cette obligation a été intégrée dans la LOLF par l'article 1 er de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

À cette occasion ont été apportés deux compléments :

- l' inclusion, dans les orientations pluriannuelles, de l'objectif de dépenses des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale , qui n'était pas visé par les dispositions organiques de 2012 et permet de prendre en compte le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- outre l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), l' indication du « taux d'évolution de ses sous-objectifs » , élément que ne mentionnaient pas les dispositions organiques antérieures.

En application de l'article 1 er C de la LOLF, il revient à la loi de programmation des finances publiques de préciser, « pour chacune des orientations pluriannuelles qu'elle définit, la période de programmation couverte. Cette période représente une durée minimale de trois années civiles » 86 ( * ) .

Les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et les organismes concourant à leur financement constituent le champ des lois de financement de la sécurité sociale, tel que défini par les articles L.O. 111-3-3 à 111-3-5 du code de la sécurité sociale. L'ONDAM de l'ensemble de ces régimes, ainsi que ses sous-objectifs, sont fixés par les lois de financement de la sécurité sociale en application des mêmes articles.

Les ROBSS et les organismes concourant à leur financement représentent la part la plus importante des administrations de sécurité sociale (ASSO), sous-secteur des administrations publiques qui couvre également l'assurance chômage, les régimes complémentaires de retraite et les organismes dépendant des administrations de sécurité sociale, essentiellement les hôpitaux et Pôle emploi.

L'article 12 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 avait fixé, en pourcentage du PIB et en milliards d'euros courants, l'objectif de dépenses des ROBSS pour les années 2018, 2019 et 2020 ainsi que l'ONDAM pour les mêmes années.

Ces objectifs se limitaient donc aux trois premières années de la période de programmation, comme le permettent les dispositions organiques relatives à la programmation des finances publiques. Dès lors, les dépenses effectivement réalisées par les ROBSS ne pouvaient être appréciées, au regard des objectifs établis en programmation, que pour ces trois premières années.

La trajectoire des dépenses des ROBSS et de l'ONDAM a été globalement conforme à la programmation pour les années 2018 et 2019 , avant de s'en écarter fortement en 2020 sous l'effet de la crise sanitaire , dont le surcoût brut sur l'ONDAM a été évalué à 18,3 milliards d'euros pour cette seule année.

Dépenses des ROBSS au regard des objectifs
de la LPFP 2018-2022

2018

2019

2020

Objectif en % du PIB

21,8

21,0

20,8

Objectif en Mds€ courants

497,7

508,1

519,1

Réalisé en Mds€ courants

499,5

509,3

536,6

Dépenses sous ONDAM au regard des objectifs
de la LPFP 2018-2022

2018

2019

2020

Objectif en Mds€ courants

195,2

199,7

204,3

Réalisé en Mds€ courants

195,2

200,2

219,4

Sur le même périmètre (hors FSV et hors branche « autonomie »), les dépenses des ROBSS ont légèrement fléchi en 2021 (en raison principalement d'un effet de périmètre lié à la création de la branche autonomie) avant de progresser de nouveau pour dépasser, d'après les prévisions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, 553 milliards d'euros en 2022.

Les dépenses constatées relevant du champ de l'ONDAM ont pour leur part atteint 240,1 milliards d'euros en 2021 et sont évaluées à 245,9 milliards d'euros pour 2022.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DES OBJECTIFS DE DÉPENSES MARQUÉS PAR UNE PROGRESSION DES PRESTATIONS RETRAITE ET FAMILLE PLUS SOUTENUE QUE CELLE DES PRESTATIONS MALADIE SUR LA PÉRIODE 2023-2025

Conformément aux dispositions de l'article 1 er B (3°) de la LOLF, l'article 17 précise les orientations pluriannuelles relatives :

- à l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement ; par rapport à la précédente loi de programmation, cet ensemble comprend désormais le Fonds de solidarité vieillesse , qui n'était pas couvert par le cadre organique antérieur, mais également la branche autonomie, rattachée à la sécurité sociale en 2021 ;

- à l'ONDAM de l'ensemble de ces régimes ;

- au taux d'évolution des sous-objectifs de l'ONDAM , éléments qui n'étaient pas compris dans le cadre organique antérieur.

Comme lors de la précédente loi de programmation, ces orientations pluriannuelles ne couvrent que la période minimale de trois années mentionnées par l'article 1 er C de la LOLF.

A. L'OBJECTIF DE DÉPENSES DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

Selon le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, les prévisions de dépenses des ROBSS et du FSV s'établissement à 589,6 milliards d'euros pour 2022, soit environ 22 % du PIB.

L'article 17 prévoit une stabilisation de la part de ces dépenses à 21,8 % du PIB à compter de 2023 et pour les deux années suivantes, alors que pour l'ensemble des dépenses publiques, l'article 2 du présent projet de loi retient une trajectoire de diminution régulière de la part dans le PIB qui passe de 57,6 % en 2022 à 56,6 % en 2023, 55,6 % en 2024 et 55 % en 2025.

Après une augmentation de 2,1 % en 2023, les dépenses des ROBSS et du FSV progresseraient en valeur de 4,2 % en 2024 et de 3,7 % en 2025, soit un rythme à peu près comparable à celui du PIB compte tenu des hypothèses de croissance et d'inflation hors tabac, mais supérieur à celui des dépenses des autres administrations publiques.

Objectif de dépenses des ROBSS et des organismes concourant à leur financement

(en pourcentage du PIB et en milliards d'euros courants)

2023

2024

2025

En % du PIB

21,8

21,8

21,8

En milliards d'euros courants

601,8

627,3

650,3

Source : commission des finances d'après l'article 17 du projet de loi de programmation

La trajectoire des régimes obligatoires de base de sécurité sociale résulte cependant d' évolutions contrastées entre les différentes branches , plus dynamique pour les branche famille, autonomie et surtout vieillesse que pour la branche maladie .

Taux d'évolution des dépenses des ROBSS

(en pourcentage)

2023

2024

2025

Prestations famille

4,7 %

4,7 %

4,2 %

Prestations retraite

4,4 %

6,3 %

4,5 %

ONDAM

3,7 %

2,7 %

2,7 %

Source : commission des finances d'après le rapport annexé au projet de loi de programmation

La branche famille , dont les dépenses augmenteraient fortement en 2023 du fait d'un transfert de charges de 2 milliards d'euros provenant de la branche maladie au titre du financement d'une partie des indemnités de maternité et de la revalorisation de l'allocation de soutien familial, connaîtrait une progression soutenue de ses dépenses à compter de 2024 .

La création d'un service public de la petite enfance , avec le développement de nouvelles places en crèches, représenterait un coût de 300 millions d'euros en 2024 pour une montée en charge à 900 millions d'euros à l'horizon 2027. La réforme du calcul du complément de mode de garde , avec un reste à charge aligné sur celui des crèches, et son extension aux familles monoparentales ayant un enfant de 6 à 12 ans, dont l'entrée en vigueur est envisagée au second semestre 2025, représenterait un coût de près 500 millions d'euros en 2025 et plus de 600 millions d'euros en 2026 87 ( * ) .

Les dépenses de la branche autonomie seraient marquées par les effets de l'objectif de création, à termes, de 50 000 postes supplémentaires d'aides-soignants et d'infirmiers dans les EHPAD , l'accroissement des moyens consacrés au maintien à domicile avec le développement des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et par le « financement de temps dédiés au lien social auprès des personnes âgées qui bénéficient d'un plan d'aide à domicile » 88 ( * ) .

S'agissant de la branche vieillesse , le rapport annexé au présent projet de loi évoque une « dynamique modérée des dépenses... avec la mise en place d'une réforme des retraites » alors que l'annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 considère qu'elle « bénéficierait de l'objectif d'élévation progressive de l'âge effectif de départ sur le quinquennat » tout en soulignant qu'elle serait affectée « par les effets démographiques du vieillissement (augmentation de la taille des générations qui partent à la retraite) ».

De fait, une réforme des retraites est intégrée dans la trajectoire de la programmation . En réponse au questionnaire du rapporteur, le Gouvernement a indiqué que la trajectoire incluait également des mesures d'accompagnement : « les économies « brutes » générées par une montée en charge progressive du relèvement moyen de l'âge de départ provisionnées dans la trajectoire s'élèvent autour de 9 milliards d'euros par an d'ici 2027. Ce chiffre ne tient toutefois pas compte des mesures d'accompagnement et des mesures favorables qui seraient proposées pour accompagner la réforme (départs anticipés, pénibilité, minimum de pension) » 89 ( * ) . Toutefois, la répartition, dans cette évaluation, de l'effet sur les dépenses du relèvement de l'âge effectif de départ en retraite lié à des mesures déjà en vigueur (notamment la majoration progressive de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein) d'une part et des économies qui résulteraient de la réforme envisagée d'autre part, n'est pas précisée.

L'inclusion d'une réforme des retraites dans la trajectoire met d'autant plus en lumière le rythme élevé de progression des dépenses de retraites (+ 6,3 % en 2024 et + 4,5 % en 2025, après une augmentation de 4,4 % en 2023).

L'annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 indique qu'« à partir de 2024, à législation inchangée, les prestations continueraient d'être portées par le contexte d'inflation persistant, mais avec un effet retard moyen d'une année pour les pensions et les autres prestations, alors que les recettes réagiraient davantage au contexte contemporain de l'année ». Cet effet est particulièrement sensible pour les branches vieillesse et famille.

C'est en définitive la branche maladie qui freinerait l'impact de la progression des dépenses des branches famille et vieillesse , avec une évolution particulièrement modérée des dépenses relevant du champ de l'ONDAM qui en forment la plus grande partie.

B. L'ONDAM ET LES TAUX D'ÉVOLUTION DE SES SOUS-OBJECTIFS

Par rapport à la prévision de dépenses pour 2022, l'ONDAM reculerait de 1,8 milliard d'euros en 2023 (- 0,7 %), puis progresserait de 2,7 % en 2024 et 2025.

Toutefois, comme le précise le rapport annexé au présent projet de loi, la progression des dépenses sous ONDAM s'élèverait « à 3,7 %, une fois neutralisée les dépenses de santé directement liées à la crise sanitaire 90 ( * ) , prévues à 1 milliard d'euros en 2023 . Elles intègrent notamment l'effet année pleine de la revalorisation du point d'indice dans la fonction publique hospitalière. À partir de 2024, la progression des dépenses sous ONDAM deviendrait plus modérée : ces dernières évolueraient de 2,7 % en 2024 et 2025, puis de 2,6 % en 2026 et 2027 ». Selon le rapport annexé, « cette modération sera permise notamment par la maîtrise de certaines typologies de dépenses de soins de ville et de produits de santé, ainsi que le développement de la politique de prévention ».

Évolution de l'ONDAM (2023-2025)

(en milliards d'euros courants et en pourcentage)

2023

2024

2025

En milliards d'euros courants

244,1

249,7

256,4

Évolution

+ 3,7 %

+ 2,7 %*

+ 2,7 %

* Le taux d'évolution pour 2020 (+ 2,7 %) est calculé sur la base de l'ONDAM 2023 hors dépenses liées à la crise sanitaire, soit 243,1 milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après l'article 17 et le rapport annexé au projet de loi de programmation

En application de l'article 1 er B de la LOLF, tel qu'il résulte de la loi organique du 28 décembre 2021, l'article 17 précise également les taux annuels que ne peut excéder l'évolution des sous-objectifs de l'ONDAM.

Taux annuels d'évolution des sous-objectifs de l'Ondam

(en pourcentage)

2023

2024

2025

Soins de ville

2,9 %

2,3 %

2,3 %

Établissements de santé

4,1 %

2,9 %

2,8 %

Établissements et services pour personnes âgées

5,1 %

4,8 %

4,8 %

Établissements et services pour personnes handicapées

5,1 %

3,1 %

3,1 %

Fonds d'investissement régional et soutien à l'investissement

1,7 %

2,0 %

2,0 %

Autres prises en charge

3,9 %

3,2 %

3,2 %

Source : commission des finances

Le sous-objectif « soins de ville », qui représente en 2022 plus de 43 % des dépenses sous ONDAM, connaitrait ainsi une évolution plus modérée que le sous-objectif « établissement de santé » qui représentait la même année près de 40 % de ces dépenses.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE TRAJECTOIRE IMPLIQUANT UN EFFORT ACCRU DE MAÎTRISE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

• Les orientations pluriannuelles retenues par la programmation témoignent d'une évolution des dépenses de sécurité sociale plus soutenue que celle des autres administrations publiques .

Cette trajectoire de dépenses intègre cependant une évolution modérée des dépenses d'assurance maladie qui représentent à elles seules près de 40 % des dépenses des ROBSS.

Le Haut Conseil des finances publiques observe ainsi que « les dépenses d'assurance maladie dans le champ de l'ONDAM (+ 2,7 % en 2024 et 2025 puis 2,6 % en 2026 et 2027) sont inscrites en progression sensiblement moins rapide que le PIB (+ 4,1 % puis + 3,5 %, 3,3 % et 3,4 %), ce qui s'est rarement produit par le passé ». Cela suppose , à ses yeux « une action résolue pour freiner la dépense, en particulier de soins de ville , malgré l'impact haussier du vieillissement de la population et du progrès technique, dont les modalités ne sont pas documentées dans le projet de loi de programmation » 91 ( * ) .

La Cour des comptes souligne pour sa part, en ce qui concerne les objectifs d'évolution des dépenses d'assurance maladie, que leur « niveau nominal est équivalent à celui des années précédant la crise sanitaire (2,6 % à 2,7 %) mais est en réalité plus exigeant, dans le contexte d'une inflation plus élevée » 92 ( * ) .

La maîtrise de l'évolution des dépenses d'assurance maladie sera donc un élément clé du respect de la trajectoire des régimes de sécurité sociale au cours de la programmation.

À ce titre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 , qui prévoit une évolution de l'ONDAM de 3,7 % hors dépenses liées à la crise sanitaire, comporte diverses mesures d'économies (mise en place d'un mécanisme de régulation des dépenses de biologie médicale, mesures de régulation des dépenses de médicament, limitation des arrêts de travail prescrits par téléconsultation), dont certaines pourraient toutefois voir leur impact atténué à l'issue de la discussion parlementaire (en particulier s'agissant des dépenses de médicaments). Il intègre un transfert de 150 millions d'euros de prises en charge de l'assurance maladie vers les organismes complémentaires, dont la teneur précise doit néanmoins faire l'objet de concertations entre ceux-ci et le Gouvernement. Il intègre également dans la construction de l'ONDAM d'autres sources d'économies telles qu'un renforcement de la pertinence des prescriptions (720 millions d'euros) ou des actions de contrôle et de lutte contre la fraude (180 millions d'euros).

À ce stade, et indépendamment de l'aléa portant sur les dépenses liées à la crise sanitaire, provisionnées à hauteur de 1 milliard d'euros seulement en 2023 pour un surcoût évalué à 11,5 milliards d'euros en 2022, un certain nombre d'économies sous-tendant l'évolution de l'ONDAM en 2023 ne sont pas acquises .

Des efforts supplémentaires de maîtrise des dépenses d'assurance maladie seront nécessaires sur chacune des autres années de programmation pour tenir une évolution de l'ONDAM de 2,7 % par an en 2024 et 2025, puis 2,6 % sur les deux années suivantes.

En ce qui concerne les dépenses de retraite , qui représentent quant à elles près de la moitié des dépenses des régimes de sécurité sociale, on peut constater que malgré l'augmentation de l'âge effectif de départ en retraite, qui devrait passer, tous régimes confondus, de 62,2 ans en 2020 à 63 ans en 2026 sous l'effet des réformes antérieures (relèvement de l'âge d'ouverture des droits et de la durée d'assurance requise) 93 ( * ) , le Conseil d'orientation des retraites, dans son dernier rapport 94 ( * ) , confirme, quel que soit le scénario retenu, une dégradation sensible du solde du système de retraites.

S'il est difficile d'apprécier la trajectoire proposée par le projet de loi de programmation dès lors que les contours et le calendrier de la réforme à venir, et donc ses incidences financières, ne sont pas précisés, le Haut Conseil des finances publiques estime que « les économies qui en découleraient seraient de toute façon progressives et limitées à l'horizon de la période de programmation » 95 ( * ) .

Cette réforme, constamment repoussée, serait donc en tout état de cause mise en oeuvre trop tardivement pour avoir un effet sensible sur le rythme de progression des dépenses de retraites d'ici 2027.

Il faut rappeler que dès l'automne 2014, le Sénat avait quant à lui, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, souhaité relever graduellement l'âge d'ouverture des droits au-delà du 1 er janvier 2017 pour le fixer à 64 ans au 1 er janvier 2024 pour la génération née en 1960.

Engagée plus tôt, une telle réforme, aujourd'hui jugée indispensable par le Gouvernement pour contenir la progression des dépenses, garantir l'équilibre du système de retraites et soutenir l'emploi et la croissance en vue de financer notre système social et les politiques publiques, aurait abouti à une toute autre trajectoire des finances publiques que celle présentée dans ce projet de loi de programmation.

Enfin, c'est aussi au regard des soldes figurant dans la trajectoire des finances publiques que doivent être appréciés les objectifs pluriannuels de dépenses des régimes de sécurité sociale pour les années 2023 à 2025, tels que les précise l'article 17.

L'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit ainsi un déficit des ROBSS et du FSV ramené à 6,8 milliards d'euros en 2023, puis une détérioration sensible sur les années ultérieures, avec un déficit de 8,8 milliards d'euros en 2024, 12,7 milliards d'euros en 2025 et 11,8 milliards d'euros en 2026.

C'est donc une dégradation des comptes sociaux qui est projetée alors même que cette trajectoire repose sur des hypothèses de croissance, et donc de masse salariale et de recettes, que le Haut Conseil des finances publiques juge « optimistes » 96 ( * ) .

• Sur la forme, comme indiqué précédemment, en se limitant à ne préciser les orientations pluriannuelles des dépenses des ROBSS et de l'ONDAM que pour les trois premières années de la période de programmation, l'article 17 se conforme à l'article 1 er C de la LOLF précisant que la période couverte est au minimum de trois années civiles.

Toutefois, l' article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale (troisième et quatrième alinéas), tel qu'il résulte de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, dispose que le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année présente désormais, « pour chacun des exercices de la période de programmation de la loi de programmation des finances publiques en vigueur , les écarts cumulés entre, d'une part, les prévisions de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement qui figurent dans cette même loi et, d'autre part, les objectifs de dépenses décrits dans ce rapport . Le rapport précise les raisons et hypothèses expliquant ces écarts ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues par le Gouvernement pour les réduire ».

Si la LOLF prévoit que les objectifs de dépenses des ROBSS doivent couvrir une période minimale de trois ans, l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale impose qu'ils soient fixés pour l'ensemble de la période de la loi de programmation des finances publiques de manière à ce que chaque projet de loi de financement de l'année puisse être apprécié au regard du respect d'une trajectoire pluriannuelle de programmation . Cette disposition introduite dans la loi organique du 14 mars dernier visait précisément à remédier à la situation prévalant jusqu'à présent dans laquelle aucun objectif de référence ne figure en programmation pour certains projets de loi de financement, en dernier lieu pour les années 2021 et 2022.

Il serait ainsi nécessaire que les objectifs de dépenses des ROBSS et du FSV soient précisés dans le présent projet de loi pour les années 2026 et 2027 . Cette exigence paraît d'autant moins insurmontable à satisfaire que l'article 3 précise pour l'ensemble des années 2023 à 2027 le montant en valeur des dépenses des ASSO, dont les ROBSS constituent le déterminant essentiel.

À tout le moins est-il possible de préciser dans l'article 17 l'objectif de dépenses des ROBSS et du FSV pour l'année 2026 , puisqu'il figure dans l'annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. La commission des finances a adopté en ce sens deux amendements identiques COM-93 du rapporteur et COM-44 d'Élisabeth Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, saisie pour avis.

Elle a également adopté l'amendement COM-45 d'Élisabeth Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, visant à inscrire dans le présent article les montants maximaux de l'ONDAM pour 2026 et 2027, tels qu'ils résultent des taux d'évolution précisés dans le rapport annexé au projet de loi.

Elle a enfin adopté deux amendements rédactionnels, COM-58 et COM-59 , du Gouvernement

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 18

Objectif de stabilité des dépenses de gestion administratives des régimes obligatoires de sécurité sociale

. Le présent article fixe un objectif de stabilité, en valeur et en moyenne, des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires de sécurité sociale et de l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) sur la période 2023-2027.

Avant de l'adopter, la commission a modifié cet article de manière à préserver les marges de manoeuvre des organismes de sécurité sociale et de ne pas exclure une éventuelle diminution des dépenses de gestion administrative.

I. LE DROIT EXISTANT : UN OBJECTIF DE DIMINUTION DES DÉPENSES DE GESTION ADMINISTRATIVE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

L'article 14 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dispose que « les dépenses de gestion administrative exécutées dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion signées à compter du 1 er janvier 2018 entre l'État et les régimes obligatoires de sécurité sociale doivent diminuer globalement d'au moins 1,5 % en moyenne annuelle sur la période 2018-2022 , à périmètre constant. Les dépenses de gestion administrative exécutées par l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique sont également soumises à cette contrainte ».

Instituées pour les caisses nationales du régime général de sécurité sociale par l'ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale, les conventions d'objectifs et de gestion (COG) , désormais conclues avec la plupart des autres régimes (Mutualité sociale agricole, régimes spéciaux) formalisent dans un document contractuel la délégation de gestion par l'État du service public de la sécurité sociale aux organismes gestionnaires., notamment les objectifs à atteindre et les moyens destinés à leur mise en oeuvre.

L'amélioration de la qualité de service et l'optimisation des coûts de gestion ont été retenus parmi les axes prioritaires des COG signées avec les différents régimes ou organismes ces dernières années.

Source : annexe 10 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023

Selon les informations figurant dans le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, les dépenses de fonctionnement limitatives de gestion administrative exécutées dans le cadre des COG du régime général, exprimées à périmètre constant, ont diminué d'environ 2,1 % par an sur les trois années 2018-2020, avant de progresser de 2,8 % en 2021.

La commission des comptes de la sécurité sociale souligne que « l'évolution des dépenses de gestion au cours des exercices depuis 2018 reflète la mise en oeuvre des orientations de gestion contractualisées, en particulier la réduction des effectifs, à un rythme modulé en fonction de la situation de chaque branche ; un encadrement croissant des rémunération ... ; l'encadrement des autres dépenses de fonctionnement courant (à l'exception de celles concourant à la réalisation des projets informatiques), qui ont diminué de 14,3% sur la précédente période conventionnelle ». Cependant, en 2022 « comme l'année précédente, les impacts budgétaires liés à la crise sanitaire devraient être significatifs (gestion du contact tracing et de la campagne de vaccination) ».

On peut aussi observer, en 2021 et surtout en 2022, une remontée des dépenses de fonctionnement autres que de personnel liée au rattrapage de projets mis en pause du fait de la crise sanitaire en 2020.

Dépenses limitatives de fonctionnement des caisses du régime général

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

2021

2022 (prév.)

Dépenses de personnel

8 068

7 891

7 627

7 790

7 969

7 828

Autres dépenses de fonctionnement

2 154

2 066

2 021

1 790

1 883

2 166

10 222

9 957

9 648

9 581

9 851

9 984

Note : Les dépenses limitatives brutes de fonctionnement sont présentées à périmètre constant 2020, année au cours de laquelle les frais de gestion de l'ex-RSI et de l'action sociale gérée par la CNAF ont été intégrés dans le fonds national de gestion administrative des organismes du régime général

S ource : commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 2022

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN OBJECTIF DE STABILITÉ POUR LA PÉRIODE 2023-2027

L'article 18 fixe un objectif de stabilité, et non de diminution, des dépenses de gestion administratives prévues par les COG signées à compter du 1 er octobre 2022 entre l'État et les régimes obligatoires de sécurité sociale, et de celles de l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP).

Cet objectif de stabilité s'apprécie à périmètre constant et sur les dépenses en valeur, en moyenne sur la période 2023-2027.

Il concernera principalement les caisses du régime général de sécurité sociale, dont les COG arrivent à échéance fin 2022 (voir tableau ci-dessus), excepté la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie dont la COG a été signée en 2021.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : NE PAS EXCLURE UNE DIMINUTION DES DÉPENSES DE GESTION ADMINISTRATIVE

Le choix d'un objectif de stabilisation en valeur des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires de sécurité sociale, et non d'un objectif de diminution comme c'était le cas pour la période 2018-2022, se justifie par le contexte de plus forte inflation qui affecte l'ensemble des dépenses de fonctionnement et administratives, mais aussi les dépenses de personnel.

À ce titre, l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) a annoncé le 12 octobre dernier une revalorisation de 3,5 %, à compter du 1 er octobre 2022, du point d'indice des rémunérations des personnels des caisses de sécurité sociale, une revalorisation complémentaire pour les salariés dont le salaire se situe au jusqu'à 15 % au-dessus du Smic et une majoration de l'intéressement pour les salariés qui peuvent y prétendre.

La commission des finances a adopté l'amendement COM-46 d'Élisabeth Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, précisant que les dépenses de gestion administrative ne doivent pas augmenter en valeur et en moyenne annuelle sur la période, afin de préserver la marge de manoeuvre des organismes de sécurité sociale en permettant leur éventuelle diminution.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 19

Mise en réserve d'une fraction de l'ONDAM
au début de chaque exercice

. Le présent article prévoit de reconduire la mise en réserve, au début de chaque exercice, d'une fraction représentant au moins 0,3 % du montant de l'ONDAM.

Avant de l'adopter, la commission a complété cet article en précisant que la mise en réserve s'applique de manière uniforme à chacun des sous-objectifs de l'ONDAM.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE MISE EN RÉSERVE D'UNE FRACTION DE L'ONDAM AU DÉBUT DE CHAQUE EXERCICE DEPUIS LA LOI DE PROGRAMMATION 2011-2014

Le II de l'article 12 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, toujours en vigueur, dispose qu' « à compter du 1 er janvier 2015, une fraction représentant au moins 0,3 % du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale mentionnés à l'article L.O. 111-3-5 du code de la sécurité sociale est mise en réserve au début de chaque exercice ».

Une telle disposition figurait déjà, sous des formulations différentes, dans les deux précédentes lois de programmation, couvrant les années 2011 à 2014 et 2012 à 2017.

Bien que l'ONDAM ne constitue pas un plafond de dépenses, comme les crédits limitatifs encadrant les dépenses budgétaires de l'État, mais un objectif de dépenses, la mise en réserve d'une partie de son montant en début d'exercice a été systématiquement appliquée depuis 2010 .

Montant par année des mises en réserve initiales et finales

(en millions d'euros)

Etablissements de santé

Etablissements médico-sociaux

FIR

Autres

Total

2017

initiales

412

145

35

10

602

finales

16

75

35

10

136

2018

initiales

415

152

45

13

625

finales

0

117

45

13

175

2019

initiales

416

150

25

10

601

finales

0

150

0

10

160

2020

initiales

426

154

21

15

616

finales

0

154

0

15

169

2021

initiales

479

109

25

64

677

finales

0

69

25

64

158

2022

initiales

482

115

25

87

709

finales

nd

nd

nd

nd

nd

Source : réponse au questionnaire du rapporteur.

Les mises en réserve initiales ont été supérieures à 600 millions d'euros ces cinq dernières années et les dotations finalement annulées comprises entre 136 et 175 millions d'euros

Si la norme de mise en réserve s'applique au montant global de l'Ondam, sa mise en oeuvre n'est pas uniforme pour l'ensemble de ses sous-objectifs. Elle porte, pour une très large part, sur les dépenses des établissements de santé et des établissements médico-sociaux .

L'État dispose notamment à cet effet de la possibilité d'appliquer un coefficient prudentiel 97 ( * ) aux tarifs nationaux servant de base à la prise en charge par l'assurance maladie des prestations de soins que délivrent les établissements de santé pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). En fin d'exercice, il « dégèle » tout ou partie de la différence entre le montant correspondant à l'application intégrale des tarifs de prise en charge et le montant minoré par le coefficient prudentiel. Pour 2022, ce coefficient est de 0,7 % 98 ( * ) .

Pour les établissements et activités financés sous forme de dotations , la mise en réserve s'applique sur le montant de ces dotations.

La mise à disposition, en fin d'exercice, de tout ou partie des montants mis en réserve tient notamment compte des avis qu'émet au moins deux fois par an le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie . Ce dernier est chargé d'informer le Parlement, le Gouvernement et les caisses d'assurance maladie en cas d'évolution des dépenses incompatible avec le respect de l'Ondam.

La mise en réserve ne s'applique pas aux dépenses de soins de ville qui représentaient, en 2021, plus de 43 % de la réalisation de l'Ondam.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA RECONDUCTION D'UNE MISE EN RÉSERVE DU MONTANT DE L'ONDAM FIXÉE À AU MOINS 0,3 %

L'article 19 reconduit, en le rendant applicable à compter du 1 er janvier 2023, l'obligation d'une mise en réserve représentant au moins 0,3 % du montant de l'Ondam, figurant à l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 qui s'appliquait depuis lors et dont l'article 24 du présent projet de loi propose l'abrogation.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE LARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MISE EN RÉSERVE APPLICABLE À TOUS LES SOUS-OBJECTIFS DE L'ONDAM

La commission des finances a adopté l'amendement COM-47 d'Élisabeth Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, précisant que la mise en réserve, fixée à 0,3 % du montant de l'ONDAM, s'applique de manière uniforme à chacun de ses sous-objectifs.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 20

Encadrement des « niches sociales »

. Le présent article reconduit le principe de limitation à trois ans des créations de « niches sociales » et l'étend aux dispositions de prorogation. Il reconduit également le plafonnement du montant total de ces « niches sociales » à 14 % des recettes des régimes de sécurité sociale majorées du montant des exonérations non compensées.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN PLAFONNEMENT GLOBAL DU MONTANT DES « NICHES SOCIALES » ET UNE LIMITATION À TROIS ANS DE CELLES NOUVELLEMENT CRÉÉES

Le II de l'article 21 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dispose que « les créations ou extensions d'exonérations ou abattements d'assiette et de réductions de taux s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, instaurées par un texte promulgué à compter du 1 er janvier 2018 ne sont applicables que pour une durée maximale de trois ans, précisée par le texte qui les institue ».

Toutes les lois de programmation des finances publiques antérieures, depuis la première loi de programmation des finances publiques qui couvrait les années 2009 à 2012 99 ( * ) , ont posé un principe de limitation dans le temps des « niches sociales » , soit en mentionnant cette durée maximale (de quatre ans ou de trois ans), soit en précisant que les dispositions les instituant devaient être bornées dans le temps, soit en prévoyant la durée au terme de laquelle elles devaient nécessairement être revues.

Dans son I, l'article 21 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a en outre apporté une innovation en définissant un plafonnement des « niches sociales » , celles-ci ne devant dépasser une fraction, fixée à 14 %, de l'ensemble formé par les recettes de la sécurité sociale et le montant des exonérations qui ne lui sont pas compensées . Ainsi, « chaque année, le rapport entre, d'une part, le montant annuel des exonérations ou abattements d'assiette et réductions de taux s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et, d'autre part, la somme des recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement et des exonérations de cotisations sociales non compensées par crédit budgétaire ne peut excéder 14 % ».

Selon les indications fournies au rapporteur par le Gouvernement, le ratio défini par cet article a atteint 12,6 % en 2020 et 12,8 % en 2021 hors mesures exceptionnelles d'exonérations et hors aides au paiement des cotisations sociales mises en place en 2020 pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire. En réintégrant ces mesures exceptionnelles, le ratio s'élève à 13,3 % pour 2020 et 13,5 % pour 2021.

Pour l'année 2022, ce ratio est estimé à 13,7 % . Il resterait ainsi inférieur au ratio maximum de 14 % pour l'ensemble de la période couverte par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022.

L'annexe 4 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 100 ( * ) précise que le coût de l'ensemble des mesures d'exonération de cotisations et contributions de sécurité sociale , qu'elles soient compensées ou non, a atteint 61,6 milliards d'euros en 2021 répartis comme suit :

- les allègements généraux sur les bas salaires, qui représentent 51,2 milliards d'euros et sont compensés, « pour solde de tout compte » , par l'affectation à la sécurité sociale d'une fraction de TVA ;

- les mesures compensées par crédits budgétaires, qui représentent 8,145 milliards d'euros ;

- et les mesures non compensées qui représentent 2,267 milliards d'euros.

Par ailleurs, la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a introduit dans le code de la sécurité sociale deux dispositions relatives aux « niches sociales » :

- elle a précisé, dans un nouvel article L.O. 111-3-16 , que seules les lois de financement de la sécurité sociale peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale établies pour une durée égale ou supérieure à trois ans , lorsqu'elles ont un effet sur les recettes de la sécurité sociale, sur l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de ces mêmes cotisations et contributions ;

- elle a également précisé, dans le 3° d'un nouvel article L.O. 111-4-4 que la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale comporte une annexe énumérant l'ensemble des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale ; en outre, cette annexe évalue d'une part leur impact financier et d'autre part, pour au moins le tiers d'entre elles, leur efficacité au regard de l'objectif poursuivi, chaque mesure devant faire l'objet d'une évaluation une fois tous les trois ans .

Le Gouvernement précise 101 ( * ) que « l'IGAS et de l'IGF se sont vus confier une nouvelle mission afin de répondre aux dispositions prévues par la loi organique du 14 mars 2022, qui prévoient une évaluation triennale de l'ensemble des dispositifs d'exonération de cotisations et de contributions sociales à compter de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale au titre de l'année 2022 ». Les objectifs de cette nouvelle mission sont d'examiner du périmètre des dispositifs qu'il est pertinent de soumettre à l'évaluation régulière, de proposer une méthode d'évaluation commune à l'ensemble des dispositifs et de les évaluer en appliquant la méthodologie proposée.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA RECONDUCTION DU PLAFONNEMENT ET DU BORNAGE DES « NICHES SOCIALES »

Le I de l'article 20 reprend, pour les textes promulgués à compter du 1 er janvier 2023, les dispositions du II de l'article 21 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 limitant à trois ans les créations ou extensions d'exonérations ou abattements d'assiette et de réductions de taux s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale. Il étend également ce principe de limitation dans le temps aux prorogations d'exonérations ou d'abattements d'assiette et de réductions de taux intervenant après le 1 er janvier 2023.

Le II de l'article 20 reconduit les dispositions du I de l'article 21 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 qui plafonnent le montant des exonérations ou abattements d'assiette et réductions de taux applicables aux cotisations et contributions de sécurité sociale à 14 % de l'ensemble formé par les recettes des régimes obligatoires de base et des exonérations qui ne leur sont pas compensées par crédit budgétaire.

L'article 26 du projet de loi propose en conséquence l'abrogation de l'article 21 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN PRINCIPE CONFORTÉ PAR LES NOUVELLES DISPOSITIONS ORGANIQUES RELATIVES AUX LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

La portée du principe de limitation dans le temps des « niches sociales » posé par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 et proposé par l'article 20 du présent projet de loi demeure réduite dans la mesure de telles dispositions ne font pas juridiquement obstacle à l'insertion dans un texte législatif d'une disposition contraire à ce principe.

Le nouvel article L.O. 111-3-1 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 14 mars 2022, institue en revanche une nouvelle « irrecevabilité sociale » s'opposant à l'insertion dans un texte autre que le projet de loi de financement de la sécurité sociale de mesures d'exonération d'une durée supérieure à trois ans. Il établit ainsi un monopole des lois de financement de la sécurité sociale sur toute dérogation au principe de limitation à trois ans des mesures d'exonération .

La commission des finances approuve néanmoins la reconduction de ce principe de limitation dans le temps des mesures d'exonération dans le projet de loi de programmation, ainsi que celle du plafonnement du montant total de ces mesures.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET À L'INFORMATION ET AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

CHAPITRE PREMIER

ENSEMBLE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

ARTICLE 21

Dispositif pérenne d'évaluation de la qualité de l'action publique

. Le présent article prévoit que le Gouvernement remette chaque année au plus tard le 1 er avril des évaluations de la qualité de l'action publique afin d'éclairer la préparation du projet de loi de finances.

Cette disposition manque - pour être pleinement utile à un Parlement et à un débat public qui ne manque pas d'informations sur la qualité des dépenses publiques - de plusieurs ajustements visant à assurer l'information du Parlement sur la liste des travaux à venir, à permettre aux personnes concernées par les évaluations d'exercer un droit de réponse ou encore à assurer la publication sous format numérique des données utilisées.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE CAPACITÉ D'ÉVALUATION DES DÉPENSES PUBLIQUES PAR ET POUR LE PARLEMENT LARGEMENT DÉVELOPPÉE

Afin d'évaluer la qualité de la dépense publique, le Parlement dispose de prérogatives et de moyens importants . Ceux-ci peuvent se distinguer un trois catégories :

- les évaluations réalisées par les parlementaires dans le cadre des pouvoirs généraux de contrôle (commission d'enquête et mission d'information) et des pouvoirs de contrôle en matière budgétaire reconnus spécifiquement aux commissions des finances, à leurs rapporteurs généraux et à leurs rapporteurs spéciaux ;

- les évaluations réalisées pour le compte du Parlement par des organismes tiers comme la Cour des comptes (article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances et VIII de l'article LO 111-3 du code la sécurité sociale), du Conseil des prélèvements obligatoires
(article 331-3 du code des juridictions financières ou des instituts de recherche comme l'Institut des Politiques Publiques (IPP) 102 ( * ) ;

- les évaluations réalisées au profit du Parlement par le Gouvernement en application de dispositions organiques (annexes budgétaires générales prévues au 7° de l'article 51 de la loi organique du 1 er août 2001 et annexes relevant du III de l'article LO 111-4 du code la sécurité sociale) ou relevant de la législation ordinaire (demande de rapport).

En outre, les parlementaires peuvent bénéficier, comme l'ensemble des citoyens, des analyses produites et publiées par les corps d'inspection de l'administration et par les différents organismes publics concourant à l'évaluation des politiques publiques : Conseil d'État, Cour des comptes, France Stratégie etc.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LE PRINCIPE DE LA REMISE D'ÉVALUATIONS SUR LA QUALITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AU PARLEMENT AU MOIS D'AVRIL

Le présent article propose que le Gouvernement remette chaque année, au plus tard le 1 er avril, des évaluations sur la qualité de l'action publique « en vue d'éclairer la préparation du projet de loi de finances ». Ces évaluations pourraient porter sur :

- l'ensemble des dépenses et des moyens des administrations publiques ou des entités bénéficiant de fonds publics ainsi que sur les crédits d'impôt ;

- les dépenses fiscales et les exonérations ou abattements d'assiette ainsi que les réductions de taux s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base et aux organismes concourant à leur financement.

Ces évaluations auront pour objet, notamment, d'identifier les mesures d'amélioration de l'efficacité, de l'efficience et des coûts des politiques et des structures évaluées.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI DOIT ÊTRE COMPLÉTÉ POUR NE PAS ÊTRE UNE SIMPLE MESURE D'AFFICHAGE

Selon les termes du ministre des comptes publics 103 ( * ) M. Gabriel Attal, l'introduction du présent article au sein du projet de loi de programmation des finances publiques « fait suite immédiatement aux dialogues de Bercy » durant lesquels un débat s'était fait jour concernant l'évaluation de la qualité de la dépense publique .

Le rapporteur estime que la pertinence de la mesure proposée peut être interrogée.

D'une part, il est permis de douter qu'elle renforce véritablement les moyens du Parlement quant à l'évaluation des politiques publiques et de l'efficacité de la dépense publique.

En effet, comme le rappelle le I du commentaire du présent article, le Parlement dispose déjà d'une information riche sur ce sujet soit qu'il la produise pour son compte au travers de ses pouvoirs de contrôle et d'évaluation, soit qu'elle soit produite à son profit.

À cet égard, on peut relever qu' au cours du précédent quinquennat, la seule commission des finances du Sénat a adopté et publié 109 rapports d'information qui ont tous vocation à évaluer la qualité de la
dépense publique.

Bilan quantitatif des rapports déposés
par la commission des finances du Sénat

2018

2019

2020

2021

2022

Nombre de rapports d'information publiés par la commission des finances du Sénat

13

25

20

22

29

D'autre part, le Gouvernement s'engage sur le principe d'une restitution d'évaluations alors que, jusqu'ici, il peine déjà à respecter les obligations que lui confie la loi en matière d'élaboration de rapports sur l'efficacité des politiques publiques.

Ainsi, comme l'a montré le rapport d'information 104 ( * ) de la vice-Présidente Pascale Gruny sur le bilan annuel de l'application des lois
au 31 mars 2022, depuis 2015 plus de la moitié des rapports devant être remis par le Parlement au Gouvernement ne l'ont pas étés.

Dispositions législatives prévoyant le dépôt d'un rapport
depuis la session parlementaire 2015-2016

Nombre de dispositions législatives imposant le dépôt d'un rapport

Rapports déposés

Rapports dont la disposition législative qui les prévoit a été abrogée ou réécrite

Rapports devenus sans objet (autres motifs)

Rapports en attente

Taux de remise

2015-2016

12

6

0

5

1

50%

2016-2017

16

8

0

7

1

50 %

2017-2018

36

27

3

2

4

75 %

2018-2019

23

9

1

4

9

39 %

2019-2020

55

20

0

1

34

37°%

2020-2021

21

7

0

0

14

33 %

Total

163

77

4

19

63

47 %

Source : Rapport d'information n° 658 (2021-2022) de Mme Pascale Gruny sur le bilan de l'application des lois au 31 mars 2022

Enfin, au plan opérationnel le dispositif proposé par le Gouvernement parait manquer des précisions pourtant nécessaires pour en assurer l'utilité.

Ainsi, il ne précise pas comment seront définis les thèmes sur lesquels porteront les évaluations ni quelles seront les garanties d'objectivité ou d'exhaustivité des points de vue dans les analyses réalisées.

Dans ce contexte, le rapporteur considère que la mesure proposée par le Gouvernement relève davantage d'un objectif d'affichage que d'un véritable levier pour « éclairer la préparation du projet de loi de finances ».

Sans le supprimer, le dispositif a été amélioré par la commission des finances en adoptant l'amendement COM-108 du rapporteur qui vise à prévoir que :

- la liste des évaluations devant être réalisées chaque année est déterminée l'année précédant la restitution du rapport et ferait l'objet d'une information au Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances ;

- les évaluations remises au Parlement mentionnaient de façon exhaustive la liste des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, auditionnées ou ayant participé directement ou indirectement aux travaux conduits afin d'assurer la transparence des travaux réalisés ;

- les évaluations remises au Parlement seraient accompagnées - sur le modèle des rapports publiés par la Cour des comptes - d' une réponse aux principales observations et recommandations élaborée, à leur demande, par les personnes concernées par les travaux conduits afin d'assurer l'exhaustivité des points de vue ;

- les données utilisées ou présentées dans le cadre des travaux d'évaluation ou de leur restitution seraient mises à la disposition du grand public dans des formats numériques largement ré-exploitables afin de renforcer l'appropriation et la valorisation des résultats par le grand public.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

CHAPITRE II

ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES

ARTICLE 22

Exceptions à l'interdiction faite aux ODAC d'émettre des titres d'emprunt ou de contracter un emprunt bancaire

. Le présent article reprend les dispositions prévues à l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui porte une interdiction générale pour les organismes divers de l'administration centrale (ODAC) de contracter des emprunts pour une durée supérieure à 12 mois.

Deux types d'exception sont prévus et repris au présent article.

D'une part, certaines entités ne sont pas soumises à cette interdiction de recourir à de l'emprunt à moyen et long terme. Il s'agit par exemple de l'État ou de la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Le présent article permet d'ajouter à cette liste la société anonyme de gestion des stocks stratégiques (SAGESS), une société financée par les opérateurs pétroliers et qui a pour mission de maintenir les stocks de produits pétroliers stratégiques.

D'autre part, ne sont pas concernés les emprunts contractés auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI), auxquels le présent article les emprunts contractés auprès de la Banque de développement du Conseil de l'Europe.

L'interdiction de portée générale faite aux ODAC d'emprunter sur une durée supérieure à un an a permis, hors effets de périmètre liés à la requalification de certaines entités en ODAC par l'Insee, de réduire la contribution des ODAC à l'endettement public et d'éviter qu'ils ne s'endettent à des conditions souvent moins avantageuses que celles proposées pour l'État. Sa reprise dans le présent projet de loi de programmation apparaît donc tout à fait souhaitable et les nouvelles exceptions prévues n'en amoindrissent pas la portée.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA DISPOSITION DE PORTÉE GÉNÉRALE INTERDISANT AUX ODAC D'EMPRUNTER POUR UNE DURÉE SUPÉRIEURE À 12 MOIS A ÉTÉ INSÉRÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS EN LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2011 À 2014

A. LES ODAC, UN « POINT DE FUITE » DANS LA MAÎTRISE DE L'ENDETTEMENT

Le règlement relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux 105 ( * ) définit les organismes relevant de la catégorie des administrations publiques centrales (ODAC) comme l'une des deux composantes de l'administration centrale. En France, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a précisé que la catégorie des ODAC regroupait les organismes répondant aux caractéristiques suivantes :

- ils ont reçu de l'État une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national ;

- ils sont contrôlés et financés majoritairement par l'État ;

- ils ont une activité principalement non marchande.

Relèvent par exemple de la catégorie des ODAC le centre national de la recherche scientifique (CNRS), Météo France, l'Autorité des marchés financiers (AMF), les agences régionales de santé ou encore les chancelleries des universités. Le plus souvent opérateurs de l'État, environ 700 ODAC sont décomptés par l'Insee , qui met régulièrement à jour la liste de ces organismes, en requalifiant parfois leur statut de manière rétroactive .

L'endettement des ODAC ainsi que leur santé financière suscitent fréquemment des interrogations, ce qui avait d'ailleurs conduit le Parlement a demandé à ce que le « jaune » budgétaire relatif aux opérateurs de l'État soit complété afin de présenter le montant de leurs dettes , le fondement juridique de leur recours à l'emprunt et les principales caractéristiques des emprunts contractés 106 ( * ) .

La progression de l'endettement des opérateurs avait en effet été considérée comme pouvant constituer un « point de fuite » susceptible d'amoindrir la portée des normes appliquées à la maîtrise de la dépense de l'État et de l'endettement public 107 ( * ) . Par exemple, dans son rapport visant à « réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », le groupe de travail mis en place après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et présidé par Michel Camdessus avait ouvertement déploré qu'il soit permis aux ODAC de s'endetter à moyen et long terme 108 ( * ) .

B. L'INSTAURATION DEPUIS 2011 D'UNE RÈGLE GÉNÉRALE D'INTERDICTION DE RECOURS À L'EMPRUNT

L'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 109 ( * ) (LPFP 2011-2014) a introduit pour la première fois une disposition de portée générale interdisant aux organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales (ODAC) de contracter un emprunt dont le terme est supérieur à 12 mois auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de financement . Un arrêté du ministre chargé du budget doit fixer la liste des organismes concernés et reprend dans les faits la liste des ODAC dressée par l'Insee, hors exceptions prévues à l'article 12. Pour les organismes requalifiés en ODAC ou nouvellement inscrits sur la liste fixée par arrêté, l'interdiction de contracter un emprunt pour une durée supérieure à 12 mois s'applique un an après la publication de l'arrêté.

Auparavant, le recours à l'emprunt par les ODAC faisait l'objet d'un encadrement au cas par cas , qui pouvait résulter tant de la loi que du règlement, par exemple dans le cadre des décrets constitutifs des organismes. La disposition inscrite en LPFP 2011-2014 s'applique ainsi nonobstant toute disposition contraire des textes applicables aux ODAC, des exceptions à cette interdiction générale étant nominalement prévues pour l'État, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), la Caisse de la dette publique (CDP), le fonds de garantie des dépôts et de résolution et la Société de prises de participation de l'État . Une autre exception est prévue depuis 2012 110 ( * ) pour tous les ODAC et concerne les emprunts contractés auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui bénéficie d'une excellente signature sur les marchés financiers.

Il s'agit par cette disposition, maintenue depuis 2011 dans le texte de la LPFP 2011-2014 en dépit de l'adoption de nouvelles lois de programmation des finances publiques, de limiter le risque de progression de l'endettement public par les ODAC et d'éviter que ces organismes ne soient encouragés à emprunter dans des conditions moins favorables que celles qui s'appliquent à l'État.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE REPRISE DE L'INTERDICTION GÉNÉRALE FAITE AUX ODAC DE CONTRACTER DES EMPRUNTS POUR UNE DURÉE SUPÉRIEURE À 12 MOIS, SOUS RÉSERVE DE L'AJOUT DE NOUVELLES EXCEPTIONS

Le présent article reprend les dispositions de l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014, sous trois réserves.

La liste des entités nominalement non soumises à l'interdiction faite aux ODAC d'emprunter pour une durée supérieure à 12 mois serait complétée de la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS) en plus de l'État, de la Cades, de la CDP, du fonds de garantie des dépôts et de résolution et de la Société de prises de participation de l'État. La SAGESS a pour mission de maintenir les stocks stratégiques de produits pétroliers, sous le pilotage du comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP).

Par ailleurs, cette interdiction d'emprunter sur une durée supérieure à 12 mois ne s'appliquerait pas aux emprunts contractés auprès de la Banque de développement du Conseil de l'Europe (BDCE), en plus de ceux contractés auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI).

Enfin, il est précisé que les ODAC ne pourront pas non plus émettre de titre de créance d'une durée supérieure à un an, en plus de ne pas pouvoir contracter d'emprunts de cette durée auprès des établissements de crédit ou des sociétés de financement.

Pour le reste, les dispositions sont identiques : il s'agit toujours d'une interdiction de portée générale, nonobstant toute disposition contraire des textes applicables aux ODAC. Un arrêté du ministre devra définir la liste des ODAC concernés et l'interdiction s'appliquera aux organismes nouvellement inscrits sur la liste un an après sa publication.

En conséquence, l'article 26 du présent projet de loi de programmation abroge l'article 12 de la LPFP 2011-2014.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ENCADREMENT DE L'ENDETTEMENT DES ODAC QUI A DÉMONTRÉ SON UTILITÉ ET QUI DOIT ÊTRE PROLONGÉ

L'encadrement plus strict des conditions d'emprunt des ODAC depuis 2011 a eu un double-effet en volume et en relatif : le montant de la dette des ODAC a eu tendance à diminuer, tout comme la part de leur endettement dans l'endettement public total. Pour apprécier ce double-effet, il convient de tenir compte des requalifications en ODAC opérées par l'Insee : le net rebond constaté en 2016 compte tenu de la requalification de SNCF Réseau en ODAC 111 ( * ) . Or, la dette de SNCF Réseau représente 84 % de la dette des ODAC, qui correspond elle-même désormais essentiellement à la dette résiduelle des entités reclassées ces dernières années dans le champ des ODAC 112 ( * ) .

Évolution de la dette des ODAC

(en milliards d'euros et en part de l'endettement public)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Insee sur les comptes des administrations publiques

Plus généralement, et si le dispositif d'encadrement des conditions d'emprunt par les ODAC a fait ses preuves, il importe en effet de tenir compte des conséquences des requalifications opérées par l'Insee .

Par exemple, l'ajout de la Société anonyme de gestion de stocks de sécurité (SAGESS) dans la liste des ODAC exemptés de l'interdiction de recourir à l'emprunt ou d'émettre des titres de créance pour une durée supérieure à un an s'explique par la volonté de clarifier les conditions d'emprunt de la SAGESS . L'Insee l'a en effet qualifiée d'ODAC en 2014 113 ( * ) , conduisant de fait à son inscription sur l'arrêté pris par le ministre pour lister les ODAC interdits de recourir à des emprunts de plus d'un an. La justice administrative a toutefois annulé l'inscription de la SAGESS sur cette liste, même si la société reste considérée comme un ODAC par l'Insee 114 ( * ) .

Par ailleurs, les stocks de sécurité sont entièrement financés par la SAGESS, elle-même intégralement financée par les opérateurs pétroliers. Les emprunts de long terme lui permettent de limiter le coût du renouvellement des stocks de pétrole. Dans le cas contraire, elle serait obligée, pour refinancer sa dette, de céder des stocks ou de recourir à des billets de trésorerie à court terme, au risque de fragiliser son modèle économique à long terme.

Se pose également, et depuis plus récemment, la question d'Action Logement Services , qui vient d'être requalifiée d'ODAC par l'Insee au mois de juillet 2022. Au sein du groupe Action Logement, cette société 115 ( * ) est chargée de collecter la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et de distribuer aides et services aux entreprises. Elle doit à présent négocier le renouvellement de sa convention quinquennale, qui porte en partie sur ses conditions d'équilibre financier, et a fréquemment recours à l'emprunt . Elle a ainsi procédé à deux émissions obligataires en 2021, pour un montant total de deux milliards d'euros. Sa trésorerie est par ailleurs régulièrement mise à contribution : le projet de loi de finances pour 2023 prévoit par exemple que la société verse 300 millions d'euros au Fonds national des aides à la pierre 116 ( * ) .

Des interrogations subsistent dans ce cadre quant aux effets pour Action Logement Services de se voir interdite de contracter des emprunts sur une durée supérieure à un an, notamment au regard de la préservation de l'équilibre de sa trésorerie , du bon exercice de ses missions et du maintien de sa capacité à poursuivre la mise en oeuvre de son plan d'investissement volontaire , lancé en 2019, et qui a connu quelques retards dans l'atteinte des cibles fixées pour la rénovation et l'adaptation des logements.

En revanche, l'ajout dans la liste des exceptions des emprunts contractés auprès de la Banque de développement du Conseil de l'Europe (BDCE), aux côtés de ceux contractés auprès la Banque européenne d'investissement (BEI), n'appelle pas d'observations particulières . La BDCE dispose d'une expertise dans le financement de projets sociaux et, tout comme la BEI, propose des conditions de financement avantageuses pour les emprunteurs . À l'instar de la BEI, la BDCE bénéficie de la meilleure notation de crédit possible (AAA) et poursuit des activités à but non lucratif : elle peut donc répercuter à ses bénéficiaires les conditions avantageuses dont elle jouit pour ses emprunts sur les marchés. Depuis 2012, elle a approuvé 2,9 milliards d'euros de financements en France dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la formation professionnelle et du logement pour les personnes à faibles revenus 117 ( * ) .

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE III

ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

ARTICLE 23

Modalités de participation des collectivités territoriales
au redressement des finances publiques

. Le présent article prévoit d'instituer un mécanisme visant à garantir le respect de l'objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) fixé à l'article 16 du présent projet de loi de programmation.

Le dispositif comporterait un premier volet préventif : à compter de 2023, le respect de l'Odedel serait surveillé à l'échelle des catégories de collectivités territoriales (régions, département, bloc communal).

Il prévoit également un volet correctif : si l'objectif fixé n'est pas respecté par une catégorie dans son ensemble, les collectivités et groupements qui, en son sein, dépasseraient l'objectif se verraient exclues de l'octroi des dotations de l'État, et devraient conclure avec l'État un accord de retour à la trajectoire portant sur la progression de leurs dépenses réelles de fonctionnement d'une inspiration très comparable à celle qui prévalait sous la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 avec les contrats dits « de Cahors ».

Les collectivités territoriales ont démontré ces dernières années leur esprit de responsabilité ainsi que la rigueur de leur gestion. En outre, l'article 16 du présent projet de loi de programmation prévoit déjà une contrainte sur la progression de leurs ressources de fonctionnement.

Par ailleurs, la mise en place d'un tel mécanisme de surveillance pourrait déboucher, au terme d'un raisonnement par catégorie de collectivités pour le moins douteux, sur la conclusion de contrats léonins assortis de sanctions.

Pour toutes ces raisons, le dispositif proposé par le présent article apparaît à la fois illégitime et superflu.

Enfin, la mise en oeuvre d'un mécanisme de contrôle et de sanction aussi rigide que celui qui est proposé semble mal adaptée à la situation actuelle. Si l'Odedel peut rester une référence, il convient tout de même de rappeler que le contexte est marqué par de très fortes incertitudes liées aux évolutions de la guerre en Ukraine et ses conséquences sur le marché de l'énergie, dont la hausse des prix pourrait peser sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales dans une ampleur inconnue.

En conséquence, la commission des finances a adopté plusieurs amendements identiques de suppression du présent article.

I. LE DROIT EXISTANT : LA LOI DE PROGRAMMATION 2018-2022 AVAIT INSTITUÉ LES CONTRATS DITS « DE CAHORS »

L'article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (LPFP 2018-2022) 118 ( * ) avait fixé un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) pour l'ensemble de la programmation.

Le dispositif prévoyait une trajectoire d'évolution des seules dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, à hauteur de + 1,2 % par an en valeur.

Odedel pour les années 2018 à 2022

(base 100 en 2017)

2018

2019

2020

2021

2022

Dépenses de fonctionnement

101,2

102,4

103,6

104,9

106,2

Source : article 13 de la LPFP 2018-2022

Le même article prévoyait en outre un objectif national d'évolution du besoin annuel de financement des collectivités territoriales et de leurs EPCI à fiscalité propre, qui devait réduire de 2,6 milliards d'euros par an, soit une économie de 13 milliards d'euros sur la période.

L'Odedel 2018-2022 n'était pas contraignant. En revanche, en contrepartie d'une stabilisation des concours financiers de l'État sur la période, l'article 29 de la même loi a institué un mécanisme de contractualisation financière avec les plus grosses collectivités pour garantir la réalisation d'une partie des économies attendues, appelé « contrats de Cahors ».

Cette nouvelle méthode avait été élaborée à l'occasion de la conférence nationale des territoires (CNT) qui s'est tenue le 14 décembre 2017 à Cahors.

Il était prévu que les régions, les départements, les communes et leurs groupements à fiscalité propre dont les dépenses de fonctionnement du budget principal dépassent les 60 millions d'euros concluent des contrats avec le représentant de l'État portant, pour la période 2018-2020 , sur :

- un objectif contraignant d'évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement ;

- un objectif de réduction de leur besoin de financement ;

- une trajectoire d'amélioration de leur capacité de désendettement pour les collectivités territoriales et groupements dont la capacité de désendettement en 2016 dépasse 12 ans pour les communes et EPCI à fiscalité propre, 10 ans pour les départements et 9 ans pour la métropole de Lyon.

L'objectif individuel d'évolution des dépenses de fonctionnement pouvait, en application du IV du même article, faire l'objet d'une modulation par rapport à l'objectif national de 1,2 %, avec un plancher à 0,75 % et un plafond à 1,65 % en fonction des caractéristiques du territoire (voir encadré).

En tout état de cause, le niveau des dépenses réelles de fonctionnement considéré prend en compte les éléments susceptibles d'affecter leur comparaison sur plusieurs exercices, et notamment les changements de périmètre ainsi que les transferts de charges entre collectivité et établissement à fiscalité propre ou la survenance d'éléments exceptionnels affectant significativement le résultat. En particulier, il était prévu que, pour les départements et la métropole de Lyon, l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement soit appréciée en déduisant du montant des dépenses constatées la part supérieure à 2 % liée à la hausse des dépenses exposées au titre du revenu de solidarité active, de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap

Possibilités de modulation à la hausse ou à la baisse du taux de croissance
annuel individuel des collectivités ayant contractualisé

Le taux de croissance annuel peut être modulé à la baisse en tenant compte des trois critères suivants, dans la limite maximale de 0,15 point pour chacun :

1° la population de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre a connu entre le 1 er janvier 2013 et le 1 er janvier 2018 une évolution annuelle inférieure d'au moins 0,75 point à la moyenne nationale ;

2° le revenu moyen par habitant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est supérieur de plus de 15 % au revenu moyen par habitant de l'ensemble des collectivités ;

3° les dépenses réelles de fonctionnement de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ont connu une évolution supérieure d'au moins 1,5 point à l'évolution moyenne constatée pour les collectivités de la même catégorie ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre entre 2014 et 2016.

Le taux de croissance annuel peut être modulé à la hausse en tenant compte des trois critères suivants, dans la limite maximale de 0,15 point pour chacun :

1° la population de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre a connu entre le 1 er janvier 2013 et le 1 er janvier 2018 une évolution annuelle supérieure d'au moins 0,75 point à la moyenne nationale ou la moyenne annuelle de logements autorisés ayant fait l'objet d'un permis de construire ou d'une déclaration préalable en application du chapitre I er du titre II du livre IV du code de l'urbanisme, entre 2014 et 2016, dépasse 2,5 % du nombre total de logements au 1 er janvier 2014 ;

2° le revenu moyen par habitant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est inférieur de plus de 20 % au revenu moyen par habitant de l'ensemble des collectivités ou, pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la proportion de population résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville est supérieure à 25 % ;

3° les dépenses réelles de fonctionnement de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ont connu une évolution inférieure d'au moins 1,5 point à l'évolution moyenne constatée pour les collectivités de la même catégorie ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre entre 2014 et 2016.

Source : article 29 de la LPFP 2018-2022

En cas de dépassement de l'objectif d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement contractualisé, une reprise financière à hauteur de 75 % de l'écart constaté devait être appliquée. Le taux de la reprise devait être de 100 % pour les collectivités territoriales ayant refusé de conclure un tel contrat . En tout état de cause, le montant de cette reprise ne peut toutefois excéder 2 % des recettes réelles de fonctionnement du budget principal de l'année considérée.

À l'inverse, en cas de respect des objectifs fixés, le représentant de l'État peut accorder aux communes et aux EPCI signataires d'un contrat une majoration du taux de subvention pour les opérations bénéficiant de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

Sur 321 collectivités territoriales éligibles, 228 ont signé un contrat avec l'État .

Il est à noter que leur application a été suspendue en 2020 pour leur dernière année d'exécution dans le contexte de la crise sanitaire 119 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN DISPOSITIF VISANT À GARANTIR LE RESPECT DE L'OBJECTIF D'ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE LOCALE

A. LE VOLET PRÉVENTIF : UNE SURVEILLANCE DU RESPECT DE L'ODEDEL EN VOLUME AU NIVEAU DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Une référence à un objectif national de diminution des dépenses réelles de fonctionnement de - 0,5 % par an en volume

L'article 16 du présent projet de loi de programmation fixe un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) pour les années 2023 à 2027. Il prévoit à ce titre un taux d'évolution de ces dépenses pour chaque année de la programmation en pourcentage, en valeur et à périmètre constant. Compte tenu des prévisions d'inflation du Gouvernement, ce taux correspond à une diminution de ces dépenses de 0,5 % par an en volume. L'Odedel est fixé à titre indicatif et n'a, par lui-même, aucune valeur contraignante.

Odedel proposé pour les années 2023 à 2027

(en pourcentage)

2023

2024

2025

2026

2027

Taux d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en valeur (article 16 LPFP 2023-2027)

3,8

2,5

1,6

1,3

1,3

Indice des prix à la consommation (hors tabac)

4,3

3,0

2,1

1,8

1,8

Taux d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en volume

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

- 0,5

Source : commission des finances, d'après le projet de LPFP 2023-2027 et le RESF annexé au PLF 2023

Le présent article vise à assurer un suivi de l'Odedel en volume
(- 0,5 % par an) sur l'ensemble de la période de programmation pour :

- les régions , la collectivité de Corse, la collectivité territoriale de Guyane, la collectivité territoriale de Martinique et le département de Mayotte ;

- les départements ainsi que la métropole de Lyon ;

- les communes, les EPCI à fiscalité propre et les établissements publics territoriaux dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l'année 2022 sont supérieures à 40 millions d'euros , et la ville de Paris .

Au total, selon l'évaluation préalable, 488 collectivités territoriales et groupements seraient concernés , représentant 65 % des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et groupements.

Le I prévoit que la cible annuelle de progression des dépenses de fonctionnement puisse évoluer pour tenir compte de l'évolution du taux d'inflation . Ainsi, lorsqu'en cours d'année, dans le cadre d'une nouvelle loi de finances, ou du programme de stabilité, et au moins tous les six mois, l'hypothèse d'inflation 120 ( * ) retenue fait l'objet d'une réévaluation de plus de 0,5 point, il est prévu qu'un arrêté modificatif conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et du budget puisse fixer un nouvel objectif, correspondant à cette nouvelle hypothèse minorée de 0,5 point, dans les conditions déterminées par décret.

Le II apporte des précisions sur la comptabilisation des dépenses de fonctionnement prises en compte. Au sens du présent article, elles s'entendent comme le total des charges nettes de l'exercice entraînant des mouvements réels au sein de la section de fonctionnement des collectivités territoriales ou établissements concernés. Il est précisé que, s'agissant des aux communes membres de la métropole du Grand Paris, les dépenses réelles de fonctionnement devraient être minorées des contributions au fonds de compensation des charges territoriales. S'agissant des collectivités territoriales ou EPCI ayant fait l'objet d'une création, d'une fusion, d'une extension ou de toute autre modification de périmètre, les comparaisons devraient être effectuées sur le périmètre ou la structure en vigueur au 1 er janvier de l'année concernée.

2. Une surveillance opérée à l'échelle des strates de collectivités territoriales

Le premier alinéa du A du III du présent article prévoit qu'à compter de 2023, il soit constaté chaque année la différence entre le niveau des dépenses réelles de fonctionnement exécuté à l'échelle nationale, pour chacune des catégories de collectivités territoriales (régions, départements, bloc communal sur le champ des EPCI concernés) , et l'objectif annuel de dépenses réelles de fonctionnement fixé pour l'année.

Tant qu'une catégorie respecte l'objectif au niveau national, aucun mécanisme de correction ne serait appliqué .

B. LE VOLET CORRECTIF : POUR LES COLLECTIVITÉS RESPONSABLES DU DÉPASSEMENT DE L'OBJECTIF PAR LEUR STRATE, UNE EXCLUSION DES DOTATIONS DE L'ÉTAT ET LA NÉCESSITÉ DE CONCLURE UN ACCORD DE RETOUR À LA TRAJECTOIRE

Dans le cas où les dépenses réelles de fonctionnement d'une catégorie dans son ensemble dépasseraient l'objectif pour une année donnée, l'application d'un mécanisme de correction est prévue.

1. Une exclusion de l'octroi des dotations de l'État

Le deuxième alinéa du A du III prévoit en premier lieu une exclusion de l'octroi de certaines dotations de l'État pour les seules collectivités territoriales ou EPCI à fiscalité propre de la catégorie concernée ayant dépassé l'objectif et pour celles-ci uniquement dans des conditions prévues par décret . Les dotations concernées sont :

- la dotation politique de la ville (DPV) ;

- la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ;

- la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) ;

- les crédits du fonds de transition écologique dont la création est proposée par le projet de loi de finances pour 2023 en cours d'examen au Parlement.

Dans le cas où, pour la catégorie concernée, l'augmentation des dépenses réelles de fonctionnement s'avèreraient finalement inférieure à l'objectif en valeur compte tenu de l'inflation constatée à la suite d'une réévaluation de la cible, le troisième alinéa du même A précise que la sanction cesserait de s'appliquer.

2. La conclusion d'un accord à la trajectoire

Les B, C et D du III du présent article prévoient que les collectivités territoriales ou groupements concernées par l'exclusion des dotations concluent un accord de retour à la trajectoire avec le représentant de l'État au plus tard le 1 er octobre de l'exercice suivant le dépassement de l'objectif et dont la durée court jusqu'à 2027.

Comme les contrats de Cahors, ces accords prévoiraient :

- un objectif contraignant d'évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement déterminé sur la base de la cible nationale en volume ;

- un objectif de réduction de leur besoin de financement ;

- pour les collectivités territoriales et groupements dont la capacité de désendettement en 2016 dépasse 12 ans pour les communes et EPCI à fiscalité propre, 10 ans pour les départements et 9 ans pour la métropole de Lyon, une trajectoire d'amélioration de leur capacité de désendettement .

Le E du III prévoit que la trajectoire d'évolution des dépenses de fonctionnement puisse être modulée, dans la limite de 0,45 point à la hausse ou à la baisse, selon des critères identiques à ceux posés au IV de l'article 29 de la LPFP 2018-2022 (à raison de 0,15 point maximum par critère), à savoir :

- la population de la collectivité territoriale ou de l'EPCI à fiscalité propre a connu entre le 1 er janvier 2018 et le 1 er janvier 2023 une évolution annuelle supérieure d'au moins 0,75 point à la moyenne nationale ;

- le revenu moyen par habitant de la collectivité territoriale ou de l'EPCI à fiscalité propre est inférieur de plus de 15 % au revenu moyen par habitant de l'ensemble des collectivités ou, pour les communes et les EPCI à fiscalité propre, la proportion de population résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville est supérieure à 25 % ;

- les dépenses réelles de fonctionnement de la collectivité territoriale ou de l'EPCI à fiscalité propre ont connu une évolution inférieure d'au moins 1,5 point à l'évolution moyenne constatée pour les collectivités de la même catégorie entre 2019 et 2021.

Le IV du présent article prévoit qu'en cas de dépassement de l'objectif d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement contractualisé, une reprise financière à hauteur de 75 % de l'écart constaté devait être appliquée. En tout état de cause, le montant de cette reprise ne peut toutefois excéder 2 % des recettes réelles de fonctionnement du budget principal de l'année considérée.

Le troisième alinéa du même IV précise bien que le niveau des dépenses réelles de fonctionnement considéré puisse prendre en compte les éléments susceptibles d'affecter leur comparaison sur plusieurs exercices, et notamment les changements de périmètre et les transferts de charges entre collectivités et EPCI à fiscalité propre ou la survenance d'éléments exceptionnels affectant significativement le résultat, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État.

Il est prévu que le représentant de l'État propose le montant de la reprise financière. La collectivité territoriale ou l'EPCI disposerait d'un mois pour lui adresser ses observations avant que son montant, s'il y a lieu, ne soit arrêté. La collectivité ou l'EPCI serait informé de cette décision qui serait assortie d'une motivation explicite.

Le V du présent article prévoit que les collectivités territoriales et EPCI concernées ayant refusé de signer un accord de retour à la trajectoire se voient notifier par le représentant de l'État un niveau maximal d'évolution annuelle de leurs dépenses réelles de fonctionnement. En cas de dépassement de cet objectif, un taux de reprise de 100 % de l'écart constaté est appliqué, dans la limite du plafond de 2 % des recettes réelles de fonctionnement.

Qu'elle ait signé ou non l'accord de retour à la trajectoire, la collectivité territoriale ou l'EPCI à fiscalité propre serait exonéré du paiement de la reprise financière si, au titre de l'exercice considéré, il s'avérait que les collectivités territoriales de la catégorie à laquelle elle appartient aient respecté la cible nationale d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement

Le VI du présent article prévoit enfin la remise par le Gouvernement d'un rapport d'étape sur le bilan et les modalités d'application du dispositif proposé au plus tard le 1 er septembre 2025, puis un rapport définitif au plus tard le 1 er septembre 2027.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : SUPPRIMER UN DISPOSITIF MAL CONÇU, RÉVÉLATEUR D'UNE RÉELLE DÉFIANCE À L'ÉGARD DES COLLECTIVITÉS

A. UN DISPOSITIF D'INSPIRATION TRÈS COMPARABLE À CELLE DES CONTRATS DE CAHORS

1. Si le dispositif se distingue des contrats de Cahors par l'application d'un volet préventif, assimilable à une « liberté surveillée » ...

Annoncé par le Gouvernement comme un « pacte de confiance » et le reflet d'une nouvelle méthode d'association des collectivités territoriales au redressement des finances publiques, le dispositif proposé s'avère finalement d'inspiration très comparable à celle des anciens contrats de Cahors, à quelques nuances près.

La première et principale différence avec les contrats de Cahors est l'absence de mesure contraignante pour la première année de la programmation 2023 . Mais compte tenu de la perspective de sanctions renforcées en cas de non-respect de l'Odedel pour les collectivités et groupements concernés - qui passent de 321 à 488 - cette période s'apparente largement à une « liberté surveillée ».

La seconde différence notable concerne l'approche par catégorie de collectivités à l'échelle nationale avant toute application de mécanismes de correction individuels. Si cette méthode devrait conduire à limiter le nombre de collectivités ou groupement in fine concernés par des mécanismes de corrections, elle ne manque pas de soulever certaines difficultés :

- sur le principe, la pertinence de cette approche est douteuse compte tenu de l'absence d'instruments juridiques permettant, pour une catégorie de collectivités territoriales, d'organiser la répartition de l'effort de maîtrise de la dépense en son sein ;

- surtout, le dispositif créée une situation d' « aléa moral », dans la mesure où une collectivité n'est pas incitée à maîtriser sa dépense dès lors qu'elle perçoit sa catégorie comme « vertueuse » dans son ensemble. Ainsi, une collectivité dépassant légèrement l'Odedel dans une catégorie qui ne l'a pas respecté au niveau national peut se voir appliquer des sanctions, à l'inverse d'une collectivité dépassant largement l'Odedel mais appartenant à une catégorie « vertueuse ».

La troisième différence notable, et cette fois-ci bienvenue, concerne la possibilité d'ajuster « en temps réel » l'Odedel exprimé en volume en fonction de l'évolution de l'inflation. Cette règle est préférable à un objectif fixe en valeur (comme sous la LPFP 2018-2022) dans la période actuelle marquée par une forte incertitude sur l'évolution du niveau des prix.

2. ... le volet correctif reprend pour l'essentiel le mécanisme des contrats de Cahors, en renforçant même l'ampleur des sanctions

Les accords de retour à la trajectoire devant être conclus par les collectivités ou groupements dépassant l'objectif national au sein des catégories qui le dépassent dans leur ensemble, reprennent, pour l'essentiel, le mécanisme des contrats de Cahors :

- l'accord porte sur les mêmes éléments (dépenses de fonctionnement, besoin de financement, capacité de désendettement) ;

- les possibilités de modulation de l'objectif d'évolution des dépenses sont quasiment identiques, et très limitées (plus ou moins 0,45 point maximum) ;

- les modalités de reprise financière en cas de dépassement de l'objectif sont rigoureusement identiques.

L'encadrement national des dépenses de fonctionnement prises en compte serait encore plus contraignant . La définition des règles de retraitement de dépenses susceptibles d'affecter la comparaison entre les exercices ne relèverait plus de la négociation avec le préfet mais du décret.

Le dispositif proposé ne prévoit pas non plus de dispositif visant à limiter la prise en compte des dépenses d'allocations individuelles de solidarité (AIS), par nature non pilotables par les départements . Alors que l'article 29 de la LPFP 2018-2022 prévoyait que leur dynamique ne soit pas prise en compte au-delà de 2 %, aucun dispositif de cette nature n'est prévu par le présent article. Si les déclarations du Gouvernement lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale comme les réponses au questionnaire du rapporteur indiquent que le sujet pourrait être traité par voie réglementaire, cette solution offre moins de garanties aux départements.

Il est à cet égard important de noter que dans sa décision relative au « contrat de Cahors », le Conseil constitutionnel n'avait admis la constitutionnalité du dispositif qu'au terme d'un raisonnement au cours duquel le Conseil avait notamment relevé que « le mécanisme d'encadrement est adapté pour tenir compte des contraintes particulières pesant sur les départements et la métropole de Lyon en matière de revenu de solidarité active, d'allocation personnalisée d'autonomie et de prestation de compensation du handicap » 121 ( * ) . Pour mémoire, concernant la contractualisation, le Conseil constitutionnel avait considéré que « le législateur n'a pas porté à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte d'une gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et 72-2 de la Constitution », en particulier compte tenu de la nécessité de concilier ce principe avec l'objectif à valeur constitutionnelle d'équilibre des comptes des administrations publiques .

Surtout, le dispositif comporte une « innovation » inacceptable : l'exclusion, avant même la signature de tout contrat, de l'octroi de certaines dotations d'investissement de l'État . Une telle proposition est même contradictoire avec la philosophie affichée du dispositif et du discours gouvernemental qui prétend faire porter l'effort de maîtrise des dépenses sur la seule section de fonctionnement sans affecter l'investissement local. Comme l'ont récemment rappelé Charles Guené et Claude Raynal; rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales », la finalité des dotations de l'État doit être de financer des projets correspondant aux besoins des territoires et non de « récompenser » des collectivités s'inscrivant dans les démarches impulsées par l'État 122 ( * ) .

Comparaison entre les contrats de Cahors
et le dispositif proposé par le présent article

Contrats de Cahors

Dispositif proposé à l'article 23

Objectif national

+ 1,2 % par an d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en valeur

- 0,5 % par an d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement en volume (ajustable en fonction de l'évolution constatée de l'inflation)

Collectivités et groupements concernées

Régions, départements, et communes et EPCI dont le budget est supérieur à 60 millions d'euros (321 entités)

Régions, départements, et communes et EPCI dont le budget est supérieur à 40 millions d'euros (488 entités)

Période concernée

2018-2020 (suspension du dispositif en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire)

2023-2027

Condition d'activation du mécanisme d'encadrement

Activation pour l'ensemble des collectivités ou EPCI concernés dès la première année de la programmation

Activation à compter de 2024 dans les seules strates n'ayant pas respecté l'Odedel en 2023 et, en son sein, pour les seules collectivités ou EPCI ayant dépassé l'objectif.

Mise en oeuvre du mécanisme d'encadrement

Contractualisation portant sur la progression des dépenses de fonctionnement (avec possibilité de modulation à la marge selon les caractéristiques de la collectivité), le besoin de financement et la capacité de désendettement.

Accord de retour à la trajectoire portant sur la progression des dépenses de fonctionnement (avec possibilité de modulation à la marge selon les caractéristiques de la collectivité), le besoin de financement et la capacité de désendettement.

Comptabilisation des dépenses de fonctionnement

Retraitements possibles des éléments susceptibles d'affecter la comparaison sur plusieurs exercices dans des conditions déterminées par négociation avec le préfet.

S'agissant des départements, la loi prévoit directement le retraitement des hausses de dépenses d'allocations sociales supérieures à 2 %.

Retraitements possibles des éléments susceptibles d'affecter la comparaison sur plusieurs exercices dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

Absence de disposition spécifique pour les dépenses sociales des départements (possibilité de traiter la question par décret)

Sanction en cas de non-respect de la trajectoire

En cas de dépassement de l'objectif individuel d'évolution des dépenses de fonctionnement, une reprise financière est appliquée (75 % de l'écart pour les collectivités ayant conclu un contrat et 100 % pour les autres, dans la limite de 2 % des recettes réelles de fonctionnement

Exclusion du bénéfice des dotations de l'État avant même la signature de l'accord de retour à la trajectoire pour les collectivités concernées par le dépassement à compter de 2024.

En cas de dépassement de l'objectif individuel d'évolution des dépenses de fonctionnement, une reprise financière est appliquée (75 % de l'écart pour les collectivités ayant conclu un accord et 100 % pour les autres, dans la limite de 2 % des recettes réelles de fonctionnement

Bonus en cas de respect du contrat

Possibilité pour le préfet d'accorder une majoration du taux de subvention DSIL.

Aucun

Source : commission des finances du Sénat

B. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES N'ONT PAS BESOIN D'ÊTRE MISES SOUS TUTELLE POUR TENIR LEUR COMPTES ET PARTICIPER AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

L'expérience des contrats de Cahors est rejetée par la majorité des collectivités territoriales, qui l'ont perçue comme une atteinte à leur libre administration . Le fait que 71 % des collectivités concernées se soient engagées dans cette démarche n'est en aucun cas la marque d'une adhésion de leur part, mais la conséquence des sanctions applicables aux collectivités refusant de signer.

Plusieurs associations d'élus entendues par le rapporteur ont ainsi fait part de leur étonnement et de leur déception à la découverte de ce nouveau dispositif largement similaire à l'ancien , alors que la promesse d'un changement de méthode leur avait clairement été faite pendant l'été.

Comme l'indique le tableau ci-dessous, les collectivités territoriales ont mené d'importants efforts sur leurs dépenses de fonctionnement sur la précédente période de programmation, y compris en 2020 et 2021, années non couvertes par les contrats de Cahors , et même si l'impact de la crise sanitaire et de la fermeture de certains services publics en période de confinement explique une partie des économies réalisées.

Économies réalisées par les collectivités territoriales
sur leurs dépenses de fonctionnement entre 2017 et 2021

(en millions d'euros)

Dépenses réelles de fonctionnement

2017

2018

2019

2020

2021

Tendanciel

187 576

192 265

197 072

201 999

207 049

Constaté

187 576

188 352

191 233

191 501

196 404

Économies

0

3 913

5 839

10 498

10 645

Source : réponse au questionnaire du rapporteur

Les collectivités territoriales sont pleinement conscientes de l'urgence du rétablissement de nos finances publiques et sont prêtes à y prendre leur part, sans qu'il soit besoin de les placer sous la tutelle de l'État, dont la gestion financière propre ne saurait être érigée en exemple . En effet, comme le rapporteur l'a montré dans son exposé général, les dépenses de ce dernier progresseraient même sur la période de programmation si l'on neutralise l'effet de l'extinction naturelle des dépenses du plan d'urgence, du plan de relance et plus généralement des dépenses de crise (bouclier tarifaire...).

Il est également à noter que la trajectoire des concours financiers de l'État prévue par l'article 13 du présent projet de loi de programmation exerce déjà une contrainte importante sur la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Celle-ci implique en effet une baisse de leur montant global de l'ordre de 4,1 milliards d'euros en termes réels à horizon 2027, soit une contrainte sur les recettes d'une ampleur représentant près des trois quarts de l'effort sur les dépenses de fonctionnement exigé par l'Odedel (fixé à l'article 16) par rapport à une trajectoire « zéro volume » 123 ( * ) .

Comparaison de la trajectoire de concours financiers de l'État proposée à l'article 13 et de l'Odedel proposé à l'article 16

(en milliards d'euros)

Note : les hypothèses d'inflation sont celles présentées dans le RESF annexé au PLF 2023. Le niveau de dépenses de fonctionnement 2022 a été estimé sur la base d'une hypothèse de croissance de 4,9 % par rapport à 2021 (Banque postale).

Source : commission des finances du Sénat

Dans la mesure où, d'une part, les collectivités territoriales ont démontré ces dernières années leur esprit de responsabilité ainsi que la rigueur de leur gestion et où, d'autre part, le présent projet de loi de programmation prévoit déjà une contrainte sur la progression de leurs ressources de fonctionnement , la mise en place d'un tel mécanisme de surveillance apparaît à la fois illégitime et superflu. Au terme d'un raisonnement par catégorie de collectivités pour le moins douteux, il aboutirait ainsi à la conclusion de contrats léonins assortis de sanctions .

Par ailleurs, la mise en oeuvre d'un mécanisme de contrôle et de sanction aussi rigide semble mal adaptée à la situation actuelle. Si l'Odedel peut rester une référence, le contexte est marqué par de très fortes incertitudes liées aux évolutions de la guerre en Ukraine et ses conséquences sur le marché de l'énergie, dont la hausse des prix devrait inexorablement peser sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales dans une ampleur encore inconnue.

En conséquence, la commission a adopté les amendements identiques de suppression du présent article COM-17 de M. Féraud et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, COM-90 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues du groupe Les Indépendants - République et Territoires, COM-23 de M. Breuiller et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, COM-81 de M. Savoldelli et plusieurs de ses collègues du groupe Communiste républicain citoyen et écologiste, et COM-109 du rapporteur.

Décision de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.

CHAPITRE IV

LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

ARTICLE 24

Décomposition annuelle du solde du sous-secteur des administrations
de sécurité sociale

. Le présent article prévoit la transmission annuelle au Parlement de la décomposition du solde des administrations de sécurité sociale entre les régimes et organismes relevant de la loi de financement de la sécurité sociale et les autres administrations de sécurité sociale.

Par une réécriture complète de l'article, la commission a précisé que ces informations étaient exprimées en pourcentage du PIB et en valeur et elle a prévu qu'elles seraient également transmises, pour l'exercice clos, lors du dépôt de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Elle a ensuite adopté l'article.

I. LE DROIT EXISTANT : L'OBLIGATION DE FOURNIR AU PARLEMENT UNE INFORMATION DÉTAILLANT LE SOLDE DES DIFFÉRENTES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

L'article 28 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dispose que « le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, avant le 15 octobre, une décomposition du solde du sous-secteur des administrations de sécurité sociale entre les régimes obligatoires de base et les organismes concourant à leur financement, les organismes concourant à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, les autres régimes d'assurance sociale et les organismes divers de sécurité sociale ».

Le sous-secteur des administrations de sécurité sociale (ASSO) comprend, au sens de la comptabilité nationale :

- d'une part, les régimes obligatoires de base de sécurité sociale , les régimes de retraite complémentaire obligatoires (AGIRC et ARRCO, IRCANTEC notamment) ainsi que le régime d'indemnisation du chômage , les fonds participant au financement de ces organismes (dont le Fonds de solidarité vieillesse - FSV), la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et le Fonds de réserve des retraites (FRR) ;

- d'autre part, les organismes dépendant des assurances sociales (ODAS) , principalement les hôpitaux et Pôle emploi.

La décomposition du solde du sous-secteur des ASSO figure chaque année dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année.

Cette information doit notamment permettre de mieux apprécier les éléments relatifs aux recettes, aux dépenses ou au solde des ASSO , qui ne figurent que de manière globale dans les lois de programmation des finances publiques et les lois financières 124 ( * ) , au regard de la contribution propre de chacun des sous-secteurs .

Il s'agit en particulier de pouvoir détailler la part prise par les différentes entités couvertes par le projet de loi de financement de la sécurité sociale , à savoir les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS), les organismes concourant à leur financement (FSV), les organismes concourant à l'amortissement de leur dette (CADES) ou à la mise en réserve de recettes à leur profit (FRR).

En effet la décomposition du solde des ASSO détaille les données relatives à ces organismes, mais également celles concernant les régimes de retraite complémentaire et le régime d'assurance chômage. Elle est toutefois exprimée en comptabilité nationale, comme le sont les comptes de l'ensemble des administrations publiques dans le cadre du système européen des comptes nationaux, et non en comptabilité budgétaire, comme les lois financières.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA RECONDUCTION DE L'OBLIGATION FIGURANT DANS LA DERNIÈRE LOI DE PROGRAMMATION

L'article 24 reprend intégralement les dispositions de l'article 28 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dont l'article 26 du présent projet de loi propose l'abrogation.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ASSURER UNE INFORMATION DU PARLEMENT SUR LES DIFFÉRENTES COMPOSANTES DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE LORS DU PLFSS ET DU PROJET DE LOI D'APPROBATION DES COMPTES

La commission des finances a adopté un amendement COM-48 d'Élisabeth Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, précisant et complétant le texte de cet article qu'il réécrit complètement afin :

- de préciser que la décomposition du solde du sous-secteur des ASSO est exprimée en pourcentage du produit intérieur brut et en milliards d'euros courants , pour l'exercice en cours et pour l'exercice à venir ;

- de prévoir également la transmission de la décomposition du solde du sous-secteur des ASSO concernant l'exercice clos lors du dépôt de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale mentionnée à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale 125 ( * ) ; cette transmission vise à éclairer l'article liminaire qui, en application de l'article L.O. 111-3-13, doit figurer dans cette loi et retracer les recettes, les dépenses et le solde des ASSO relatifs à l'exercice écoulé.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

CHAPITRE V

AUTRES DISPOSITIONS

ARTICLE 25

Bilan annuel des lois de programmation des finances publiques
en vigueur

. Le présent article prévoit que le Gouvernement transmet chaque année au Parlement un bilan des lois de programmation des finances publiques en vigueur, rendu public en même temps que le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année.

La commission a précisé les éléments qui, dans la présente loi, doivent faire l'objet de ce bilan. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE GOUVERNEMENT PUBLIE CHAQUE ANNÉE UN BILAN DÉTAILLÉ DES LOIS DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

En application des lois de programmation des finances publiques successives, le Gouvernement remet chaque année , en même temps que le rapport prévu à l'article 48 de la loi organique aux lois de finances (LOLF), un bilan des dispositions encore en vigueur dans les lois de programmation des finances publiques.

L'article 32 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, actuellement en vigueur, précise que ce bilan est décliné par sous-secteurs des administrations publiques , qu'il indique en particulier les données d'exécution , le cas échéant à périmètre constant, des objectifs et orientations prévus dans certains articles de la loi de programmation. Il présente également une justification des éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne et les prévisions de la loi de programmation.

Pour mémoire, jusqu'à sa révision opérée par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, l'article 48 de la LOLF prévoyait la remise au Parlement d'un rapport préalable au débat d'orientation sur les finances publiques (DOFP). Ce rapport devait être remis au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, en pratique vers la fin du mois de juin.

Dans la rédaction du I de cet article en vigueur depuis le 1 er janvier 2022, ce rapport doit désormais être publié avant le 15 juillet, avec un contenu recentré sur des éléments relatifs au prochain projet de loi de finances.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : RECONDUIRE CE BILAN, SANS PRÉCISER SON CONTENU

Le présent article prévoit que le Gouvernement transmet chaque année au Parlement un bilan des lois de programmation des finances publiques en vigueur , rendu public en même temps que le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année.

Contrairement à l'article 32 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, il ne précise pas le contenu de ce bilan.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : PRÉCISER LES ÉLÉMENTS À PRÉSENTER DANS LE BILAN DES LOIS DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Le bilan des lois de programmation des finances publiques se présente comme une description systématique de l'application de chacune des dispositions de la loi de programmation des finances publiques, annexée au tome I du rapport prévu à l'article 48 de la LOLF.

Ce document est très utile pour mesurer l'état de mise en oeuvre de la programmation des finances publiques. La reconduction de ce dispositif est donc tout à fait souhaitable car il participe pleinement à l'information du Parlement .

Encore faudra-il toutefois que le Gouvernement applique cette disposition . En effet, ce bilan n'a pas été publié, en 2022, en même temps que le rapport prévu à l'article 48 de la LOLF 126 ( * ) .

En outre, la disposition prévue par cet article est en retrait par rapport à la précédente loi de programmation, puisqu'elle prévoit la remise d'un bilan sans en décrire son contenu.

Or, il est nécessaire de préciser les éléments qui sont attendus dans ce bilan , par référence aux articles de la présente loi, de manière analogue à la précédente loi de programmation. La commission a adopté un amendement en ce sens COM-110 du rapporteur, prévoyant que ce bilan, décliné par sous-secteurs des administrations publiques, indiquerait en particulier les données d'exécution, le cas échéant à périmètre constant, des objectifs et orientations prévus aux articles 2 à 4 et 6 à 20 de la présente loi. Il devra présenter également une justification des éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne et les prévisions de la présente loi.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 26

Diverses abrogations de dispositions de LFPP antérieures

. Le présent article abroge la plupart des dispositions des précédentes lois de programmation des finances publiques encore en vigueur.

La commission a adopté l'article moyennant une coordination technique.

I. LE DROIT EXISTANT : DE NOMBREUSES DISPOSITIONS DEMEURENT EN VIGUEUR DANS LES PRÉCÉDENTES LOIS DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Cinq lois de programmation des finances publiques ont été promulguées depuis 2009 :

- la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ;

- la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ;

- la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ;

- la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ;

- la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ces lois ont généralement abrogé une partie des articles des lois de programmation précédentes lorsqu'elles en reprenaient ou modifiaient les dispositions, mais elles en ont également laissé en vigueur certains.

Ainsi, dans l'état actuel du droit, seule la loi du 9 février 2009 est entièrement abrogée , tandis que sont toujours en vigueur :

- les articles 12, 14 et 16 de la loi du 28 décembre 2010 ;

- les articles 17 et 20 de la loi du 31 décembre 2012 ;

- le II de l'article 12, les articles 26, 28, 30, 32 et 34 de la loi du 29 décembre 2014 ;

- la loi du 22 janvier 2018, à l'exception de son article 31 127 ( * ) et, à compter du 1 er janvier 2023, du I de l'article 18 128 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE ABROGATION DE LA QUASI-TOTALITÉ DES DISPOSITIONS ENCORE EN VIGUEUR DANS LES LOIS DE PROGRAMMATION ANTÉRIEURES

Le présent article abroge :

- la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, c'est-à-dire les articles précités encore en vigueur ;

- l'article 20 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ;

- les articles 12, 26, 28, 30 et 32 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ;

- la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

En conséquence, deux articles seulement demeureraient en vigueur dans les lois de programmation précédentes :

- l'article 17 de la loi du 31 décembre 2012, qui prévoit que les projets d'investissements civils financés par l'État, ses établissements publics, les établissements publics de santé ou les structures de coopération sanitaire font l'objet d'une évaluation socio-économique préalable, transmise au Parlement ;

- l'article 34 de la loi du 29 décembre 2014, en application duquel les organismes divers d'administration centrale (ODAC), visés également à l'article 22 du présent projet de loi, ainsi que les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique, ne peuvent conclure des contrats de partenariat ou des autorisations d'occupation temporaire, des baux emphytéotiques administratifs, des baux emphytéotiques hospitaliers ou des contrats de crédit-bail qui ont pour objet la réalisation, la modification ou la rénovation d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels répondant à un besoin précisé par la collectivité publique et destinés à être mis à sa disposition ou à devenir sa propriété.

L'exposé général des motifs du projet de loi indique que l'article conserve certaines règles de gouvernance ou d'information du Parlement que le Gouvernement souhaite maintenir compte tenu de leur capacité à concourir au retour à l'équilibre des comptes publics et à la qualité du débat public.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPROUVER CETTE SIMPLIFICATION DU DROIT EXISTANT

Le rapporteur prend acte de ces abrogations , qui simplifient le droit existant en concentrant la quasi-totalité des dispositions dans la nouvelle loi de programmation.

Si deux articles restent encore en vigueur dans les lois du 31 décembre 2012 et du 29 décembre 2014, leurs dispositions n'ont qu'un lien assez distant avec la programmation des finances publiques. En conséquence, leur « codification » dans la nouvelle loi de programmation ne ne paraît pas indispensable et présenterait une valeur ajoutée limitée.

La commission a adopté un amendement de coordination technique COM-111 du rapporteur.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MM. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE, ET DE GABRIEL ATTAL, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS (26 SEPTEMBRE 2022)

M. Claude Raynal , président . - Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, pour évoquer devant nous le projet de loi de finances pour 2023 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, deux textes présentés ce matin en conseil des ministres.

Nous recevrons mercredi matin le président du Haut Conseil des finances publiques, qui nous présentera l'avis du Haut Conseil sur ces deux textes, ainsi que sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Le projet de loi de finances applique pour la première fois la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, promulguée le 28 décembre 2021. Comme vous le savez, certains articles renforcent l'information du Parlement sur les crédits et sur la trajectoire pluriannuelle. Par ailleurs, la répartition des articles entre la première et la seconde partie est, je crois, clarifiée.

Ce budget constitue aussi la première étape de mise en oeuvre de la future loi de programmation des finances publiques. Le texte proposé par le Gouvernement vise à ramener le déficit à 2,9 % du PIB en 2027 et fixe des orientations pour l'évolution des crédits des budgets de l'État, des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale.

Comme d'habitude - mais peut-être plus encore cette année -, ces deux textes sont soumis à de nombreuses incertitudes : je pense à l'évolution de la situation internationale et à ses effets sur les coûts de l'énergie et sur l'inflation, mais aussi aux changements du cadre européen des finances publiques, de nouvelles règles pouvant entrer en vigueur au cours de la mise en oeuvre de la loi de programmation.

Même si vous avez fait précéder ce dépôt d'une phase de consultation originale sous la forme des « dialogues de Bercy », auxquels certains d'entre nous ont participé, nos collègues auront certainement de nombreuses questions à vous poser sur ces deux textes.

Messieurs les ministres, je vous laisse la parole pour un propos liminaire, avant d'en venir à mes questions, à celles du rapporteur et de l'ensemble des sénateurs membres de la commission des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Je suis très heureux de vous retrouver avec Gabriel Attal pour vous présenter ce premier budget du nouveau quinquennat, le sixième de notre majorité.

L'objectif de ce projet de loi de finances est de tenir l'équilibre entre la protection de nos compatriotes et de nos entreprises face à l'inflation et le nécessaire rétablissement de nos finances publiques, avec comme objectif un déficit public ramené à moins de 3 % en 2027.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, les incertitudes n'ont jamais été aussi grandes : je pense aux conséquences de la guerre en Ukraine sur les prix de l'énergie, aux difficultés économiques de nos principaux partenaires et aux incertitudes politiques au sein de la zone euro.

Dans ce contexte, je tiens à rappeler la très bonne résistance de l'économie française. Le taux de croissance devrait atteindre 2,7 % au cours de l'année 2022, les créations d'emplois restent dynamiques, la consommation des ménages se maintient et l'investissement des entreprises reste solide. C'est ainsi que nous maintenons notre prévision de croissance à 1 % pour l'année 2023.

La priorité va à la lutte contre l'inflation, qui restera à un niveau élevé dans les mois qui viennent, à hauteur de 6 %, contre une prévision de 4 % pour 2023.

Nous avons adopté une stratégie singulière de protection des ménages au sein de la zone euro. Dès l'automne 2021, nous les avons préservés de l'augmentation des prix de l'énergie : nous avons gelé les prix du gaz, plafonné l'augmentation du prix de l'électricité à 4 % et contenu l'inflation à un niveau le plus faible parmi les pays de la zone euro.

Nous maintiendrons ce bouclier tout en l'adaptant progressivement : les prix du gaz et de l'électricité augmenteront de 15 % au début de l'année 2023. Cette hausse s'élèverait à plus de 100 % si nous suivions les prix du marché, ce qui serait intolérable. Ce bouclier représente un coût de 16 milliards d'euros - 11 milliards d'euros pour le gaz et 5 milliards d'euros pour l'électricité - inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023. Cette somme représente un coût net : il convient de retrancher au coût brut de ce dispositif, beaucoup plus élevé, la somme de près de 20 milliards d'euros, correspondant aux prélèvements sur les énergéticiens.

À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de rappeler que nous n'étions pas favorables à des taxes exceptionnelles sur les superprofits, des taxes ordinaires et permanentes pesant sur les profits de toutes les entreprises. En revanche, nous entendons récupérer la rente dont bénéficient les énergéticiens.

Nous protégeons également nos compatriotes en privilégiant le travail qui paie. Nous avons décidé de revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu (IR) du montant de l'inflation, soit 5,4 %. Ce faisant, nous évitons à tous les contribuables soumis à cet impôt de payer davantage, même si leurs revenus augmentent. Le revenu disponible après impôt restera le même. Tel est l'objectif de notre politique économique : faire en sorte que le travail permette de vivre dignement. Il est essentiel de protéger de l'inflation nos compatriotes qui travaillent, en particulier ceux des classes moyennes.

Nous voulons aussi protéger les entreprises. Chacun a pris conscience que l'arrivée des factures d'énergie inquiète les chefs d'entreprise. Le tarif régulé de l'électricité est maintenu pour les très petites entreprises de moins de 10 salariés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros : les hausses de prix seront contenues à 15 %.

Pour toutes les autres, nous avons demandé à la Commission européenne d'établir des critères plus simples afin de renforcer les aides accordées aux entreprises qui sont exposées à la concurrence internationale et qui souffrent de la flambée des prix de l'énergie. Le critère de 3 % de consommation énergétique dans le chiffre d'affaires de l'entreprise doit être adapté afin que l'année de référence ne soit pas 2021, mais 2022 ou 2023. Avant la crise, la part de l'énergie dans les chiffres d'affaires de nombreuses entreprises représentait 1 ou 2 %. Celles-ci ne sont donc pas éligibles aux dispositifs d'aide, alors que le coût de l'énergie représente désormais une charge pouvant aller jusqu'à 5 % de leur chiffre d'affaires. Il est indispensable de revoir le mécanisme.

Par ailleurs, nous estimons que le critère de l'EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) négatif durant trois mois est absurde : cela revient à condamner les entreprises, qui ne peuvent faire face à une telle situation. Nous avons demandé que celui-ci soit remplacé par une baisse de bénéfice durant un mois.

Enfin, j'ai demandé le doublement du plafond des aides d'État que nous pourrions apporter à ces entreprises, afin qu'aucune d'entre elles ne soit contrainte à la fermeture en raison de la flambée des prix de l'énergie. Nous avons d'ores et déjà obtenu que la révision du cadre des aides d'État intervienne non pas au 1 er janvier 2023, mais bien dans le courant du mois d'octobre pour que les entreprises bénéficient de ce soutien le plus rapidement possible.

Enfin, nous aidons les collectivités locales, via un fonds d'un montant de 430 millions d'euros créé, avec votre aide, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022.

Notre objectif consiste également à transformer notre économie pour rétablir nos finances publiques et garantir la baisse de la dette publique, alors que les taux d'intérêt augmentent. Nous gardons la même stratégie : la réduction des dépenses, le soutien à la croissance et les réformes structurelles.

Concernant les dépenses, nous sommes sortis du « quoi qu'il en coûte ». Celui-ci était approprié pour lutter contre les conséquences du covid-19, mais il constituerait une faute économique dans la lutte contre l'inflation, qu'il ne ferait que nourrir. Nous devons abandonner les dispositifs transversaux au profit d'aides ciblées. Ceux qui critiquent le manque d'ambition du projet de loi de finances pour 2023 en matière de réduction des dépenses publiques sont les mêmes qui réclamaient d'apporter un soutien à toutes les entreprises, quelles que soient les circonstances. Je ne vise pas les sénateurs présents aujourd'hui ; je réclame de la cohérence.

Par ailleurs, maintenir une croissance forte suppose de continuer à soutenir la compétitivité de nos entreprises et la politique de l'offre. Nous confirmons la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Dans un esprit de responsabilité, cette réforme sera menée en deux temps, en 2023 et en 2024, pour un montant total de 8 milliards d'euros. La trajectoire de suppression de la CVAE sera inscrite dans ce projet de loi de finances afin d'apporter toutes les garanties nécessaires aux chefs d'entreprise.

La croissance repose également sur l'innovation : nous inscrivons 6 milliards d'euros d'engagements au titre du plan France 2030.

Enfin, une stratégie crédible de restauration des finances publiques suppose d'engager des réformes structurelles. Dans un pays comptant près de 400 000 emplois non pourvus, il me paraît légitime de durcir les règles de l'assurance chômage.

Il me paraît également nécessaire de mener la réforme des retraites en vue de son application dès l'été 2023 afin de financer notre modèle de protection sociale sans augmenter les impôts. Lorsque je compare la France aux autres nations développées, je constate que notre pays réussit partout, mais que le volume global de travail est insuffisant dans notre pays. Le taux d'emploi des personnes âgées de plus de 55 ans est inférieur de 20 points à celui de l'Allemagne par exemple. Cela entraîne une perte de compétences, de savoir-faire et d'expérience.

Ce projet de loi de finances concrétise notre détermination à accélérer la transition écologique. Je reconnais cependant que les sommes importantes allouées au bouclier énergétique ont un impact sur la qualité du budget vert. Nous devons faire mieux dans les mois qui viennent. Les crédits de MaPrimeRénov' s'élèveront à 2,5 milliards d'euros. Quelque 1,3 milliard d'euros seront consacrés au verdissement du parc automobile et 1,5 milliard d'euros seront versés au fonds destiné à aider les collectivités territoriales à faire face au changement climatique.

Je tiens à souligner une décision politique majeure : la France renonce pour la première fois aux assurances crédit-export pour tous les projets liés aux énergies fossiles.

Enfin, ce budget reste conforme aux engagements pris en matière de finances publiques. Nous souhaitons que l'augmentation des dépenses en volume reste cantonnée, toutes administrations confondues, à hauteur de 0,6 % durant le quinquennat, contre 1 % au cours des dix dernières années et 2 % pendant les vingt dernières années. Nous ralentissons l'accroissement en volume de la dépense publique. Mais il est toujours possible de mieux faire : toutes les propositions de réduction des dépenses des sénatrices et des sénateurs seront examinées avec le plus grand intérêt.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics . - Face aux aléas géopolitiques et économiques, il nous est très difficile de prévoir l'avenir. Nous n'avons pas de boule de cristal, mais nous disposons d'une boussole : la protection de nos concitoyens.

Comme l'a rappelé Bruno Le Maire, le bouclier tarifaire, d'un montant net de 16 milliards d'euros, limitera la hausse des prix de l'énergie à 15 %, contre 120 ou 140 % si nous n'avions pas agi.

Certains soutiennent que la revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu serait automatique. Or ce n'est pas nécessairement le cas chaque année. Cela relève toujours du choix d'un gouvernement. Cette année, la question se posait, car le coût de la mesure est estimé à 6,4 milliards d'euros, compte tenu de l'importance de l'inflation que nous connaissons actuellement.

La protection de nos concitoyens passe par la poursuite de nos actions en faveur de l'emploi. Conformément à l'objectif fixé par le Président de la République, nous souhaitons que notre pays compte prochainement 1 million d'apprentis, ce qui explique la revalorisation des crédits du ministère du travail, pour un montant de 6 milliards d'euros. C'est aussi l'enjeu de l'augmentation des crédits du ministère de l'éducation nationale, à hauteur de 3,7 milliards d'euros. À la rentrée 2023, aucun enseignant ne touchera moins de 2 000 euros net par mois et tous les professeurs connaîtront une hausse de salaire de 10 %.

Les fonctions régaliennes sont renforcées. Plus de 3 milliards d'euros supplémentaires seront accordés au ministère de la défense, conformément à la loi de programmation militaire. Le ministère de l'intérieur recevra 1,4 milliard d'euros de crédits additionnels. Le budget du ministère de la justice connaîtra une hausse importante de 8 %, pour la troisième année consécutive.

Nous protégeons également nos comptes publics. Nous sommes passés du « quoi qu'il en coûte » au « combien ça coûte ». Chaque euro dépensé doit être utile. La trajectoire de maîtrise de la dépense publique est la plus ambitieuse depuis vingt ans. Durant le quinquennat, les dépenses de l'État baisseront chaque année de 0,4 % en moyenne, et celles des collectivités territoriales de 0,5 %. En revanche, les dépenses de santé continueront d'augmenter en volume : ce choix politique vise à soutenir l'hôpital.

Dans le projet de loi de finances, le poids des dépenses publiques dans le PIB recule, de 57,6 % l'année dernière à 56,6 % en 2023, pour atteindre 53,8 % en 2027. En matière de finances publiques, le coeur de notre stratégie reste la création de valeur et l'amélioration du taux d'emploi.

Je remercie les sénatrices et sénateurs ayant participé aux « dialogues de Bercy », qui, de l'avis général, ont été utiles. À cette occasion, nous avons retenu certaines propositions : plusieurs participants ont déploré la suspension de l'actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels, qui aurait conduit à une hausse de la fiscalité pour les commerces de centre-ville et à une baisse pour les hypermarchés en périphérie de nos villes, ce qui ne correspond pas à notre stratégie de revitalisation des centres urbains.

J'ai annoncé aujourd'hui au comité des finances locales (CFL) que la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) seraient abondées de 210 millions d'euros afin de garantir la stabilité de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Ainsi, 70 % des communes auront une dotation stable, voire en augmentation. Un amendement au projet de loi de finances concrétisera cette décision.

Une enveloppe supplémentaire d'un million d'euros a été débloquée pour soutenir les communes forestières en proie aux scolytes - Sylvie Vermeillet nous avait alertés à ce sujet. Une mesure fiscale incitera les propriétaires forestiers à replanter des arbres. De plus, un amendement tendra à sanctuariser les effectifs de l'Office national des forêts (ONF), toujours suite aux dialogues de Bercy.

Des propositions visent également à améliorer la qualité de l'évaluation de la dépense publique : une liste recensera les dépenses pour lesquelles l'État sera soumis à une obligation d'évaluation.

Dans une démocratie, il est sain de ne pas être d'accord sur tout, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons discuter de rien. À cet égard, les « dialogues de Bercy » ont été fructueux. Je forme le voeu que nos échanges futurs le soient tout autant.

M. Claude Raynal , président . - Les « dialogues de Bercy » ont permis de gagner du temps.

Je me réjouis que vous ayez apporté des solutions à quelques problèmes. Toutefois, votre copie reste conforme à l'original sur certains points essentiels. Je pense à la question de la suppression des impôts de production, notamment la CVAE. Je n'aborderai pas la question de la compensation de cette décision pour les collectivités locales. Le projet de loi de finances se fonde sur une prévision de croissance de 1 %. Je ne la contesterai pas : il est normal que le ministre de l'économie soit optimiste et cherche à inspirer la confiance.

Cependant, la confiance n'exclut pas de prévoir le pire : si la croissance était nulle en 2023, le Gouvernement devrait alors trouver entre 10 et 15 milliards d'euros supplémentaires. Cette somme est importante, mais, aujourd'hui, les milliards vont et viennent, mes chers collègues ! Je le répète : dans ces périodes difficiles, durant lesquelles la croissance n'est pas assurée, priver l'État de recettes n'est pas une bonne chose, comme l'ont d'ailleurs souligné le Premier président de la Cour des comptes, le gouverneur de la Banque de France et de nombreux économistes. En outre, vous avez lissé cette dépense de 8 milliards d'euros sur deux ans, ce qui montre bien que celle-ci pèse sur le budget de l'État. Par ailleurs, ceux qui sollicitaient cette baisse protestent aujourd'hui énergiquement contre cet étalement : messieurs les ministres, c'est fort de café, et le moins que l'on puisse dire est que vous n'êtes pas récompensés ! Selon eux, le signal ne serait plus assez clair et l'effet de choc amoindri. Si elle ne sert plus à rien, autant supprimer totalement cette mesure ! Nous pourrions en examiner l'opportunité en 2027, comme le proposent certains experts.

À ces 8 milliards d'euros, ajoutons les suppressions d'impôt pour nos concitoyens les plus riches, qui s'élèvent à 3 milliards d'euros supplémentaires, soit un total de 11 milliards d'euros. Si la croissance était plus faible que prévu, nous disposerions de l'argent nécessaire pour faire face à la situation et nous ne serions pas obligés de chercher des économies dans notre système de retraite.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Nous apprécions la présence des deux ministres pour l'examen des textes financiers au Sénat. En ce début de quinquennat, j'y vois, d'une certaine manière, un changement de méthode.

Ma lecture concernant la croissance est moins optimiste que celle du président de notre commission. Les économistes prévoient pour nombre d'entre eux une croissance proche de 0 % tandis que votre prévision s'élève à 1 %. Quelles sont les raisons, messieurs les ministres, qui vous conduisent à cet optimisme ? Si malheureusement la croissance ne devait pas être aussi favorable, nous pourrions payer pendant un certain temps le scénario macroéconomique que vous aurez retenu.

Deuxièmement, le Haut Conseil des finances publiques constate, en excluant les mesures prises en lien avec la crise sanitaire ou la hausse de l'inflation et la crise de l'énergie, que la dépense en volume devrait croître de près de 1 % entre 2022 et 2023. Or une croissance de 1 % ne fait pas une baisse ! Vous évoquez une baisse de la dépense publique entre 2022 et 2023.

Troisièmement, le projet de loi de programmation des finances publiques remplace les dépenses pilotables par un « périmètre des dépenses de l'État » qui inclut, cette fois, les prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités territoriales. En fait, vous renversez le sablier. Alors que lors du premier quinquennat vous aviez exclu les collectivités locales, vous les replacez à présent dans la trajectoire. Je vous alerte sur ce point. Quelles sont donc les raisons qui vous conduisent à contraindre les collectivités territoriales, dont vous connaissez très bien l'importance dans l'investissement public et dont les règles budgétaires diffèrent de celles de l'État ?

Quatrièmement, vos propos sur la transition écologique ont été très brefs et, pour tout vous dire, ils m'inquiètent. J'ai eu l'occasion de vous l'expliquer ces dernières années : ce que vous qualifiez de « budget vert » s'apparente plutôt à de la peinture à l'eau. Faire intervenir Mme Valérie Masson-Delmotte pour sensibiliser le Gouvernement aux enjeux climatiques était une bonne initiative, mais cela ne suffit pas. M. le ministre des comptes publics indiquait à l'instant que l'enjeu écologique avait été évoqué en début de réunion. La prise de conscience doit être d'une tout autre ampleur ; il va falloir y mettre de l'intelligence et des moyens. Nous avons déjà perdu un temps considérable, il est donc absolument nécessaire de changer de logiciel. Quand je regarde les crédits de paiement, je m'interroge sur la façon dont tout cela va fonctionner.

Par ailleurs, vous avez évoqué un fonds vert auquel les collectivités locales seraient associées. Je ne peux que m'en réjouir, si cela peut permettre, enfin, d'articuler les actions du mieux possible pour les rendre productives. Le meilleur contre-exemple est finalement MaPrimeRénov' : quelque 2 000 logements rénovés sur un objectif de 80 000 rénovations de passoires thermiques, je le dis comme je le pense, c'est nul ! Évidemment, il faut progresser sur ce point, et je pense que nous y parviendrons.

Enfin, mon dernier point concerne la CVAE. J'ai personnellement participé aux « dialogues de Bercy », dont je salue l'initiative. Je regrette tout de même une forme de déséquilibre entre la représentation des forces politiques et celle de nos commissions, dont la raison d'être est tout de même de travailler sur ce sujet. Certains des nôtres, qui n'ont pas été invités, ont pu avoir l'impression qu'il existait deux types d'élus.

Il y a sur la CVAE un problème de forme. L'étalement de sa suppression sur deux ans répond certes à une demande et vous conservez une incitation pour les collectivités à attirer de l'activité économique sur leurs territoires. Le Gouvernement propose ainsi la dynamique de la TVA versée en remplacement de la CVAE abonde un fonds dont les ressources seraient réparties en fonction de critères locaux d'activité économique à compter de 2024, sans plus de précisions. Mais quelle serait la gouvernance de ce fonds ? Selon quelles modalités les élus locaux et parlementaires pourraient participer à la définition des critères de répartition de son produit ? Je ne comprends pas la méthode. Vous proposez une concertation après une décision qui vient d'en haut. Conformément à la culture du compromis qu'a proposée Mme la Première ministre, j'aurais préféré que vous élaboriez un projet concerté avec les collectivités et leurs représentants, puis que vous le proposiez ensuite à l'approbation du Parlement, laquelle serait venue plus naturellement.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Monsieur Raynal, vous dites que c'est fort de café, de la part du Medef, de critiquer notre budget pour son manque d'ambition. Je suis de cet avis.

M. Claude Raynal . - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre . - C'est fort de café en effet de nous reprocher de supprimer la CVAE en deux fois, quand nous le faisons pour tenir compte de la situation des finances publiques. Personne ne peut remettre en cause la parole du Gouvernement, de la majorité ou du Président de la République, ni douter de notre détermination à tenir notre ligne sur la baisse des impôts. Nous avions promis la baisse de l'impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %, c'est fait. Nous avions promis un prélèvement forfaitaire unique à 30 %, c'est fait. Nous avions promis de baisser les impôts de production pour la première fois depuis vingt ans, c'est fait.

C'est fort de café également de nous demander moins de dépenses publiques, mais plus de soutien pour les entreprises. Il ne serait pas mauvais de faire preuve de cohérence et surtout de garder un esprit constructif, à un moment où l'économie française est confrontée à des défis considérables. Pour ce qui nous concerne, nous tenons notre ligne politique de l'offre : baisse des impôts de production pour soutenir l'outil productif français et rétablissement des comptes publics. Cela témoigne au contraire de notre ambition économique pour le pays.

J'en viens aux raisons qui nous ont conduits à supprimer la CVAE. Nous ne nous sommes pas réveillés, un matin, avec cette volonté soudaine. Cela fait plus de cinq ans maintenant que je suis ministre de l'économie et des finances et j'ai toujours considéré - comme nombre d'entre vous ici - que la reconquête industrielle était une ardente obligation dans un pays qui, je le rappelle, a détruit des emplois industriels par centaines de milliers et qui a connu une hémorragie industrielle comme aucun autre grand pays industriel en Europe. Ni l'Italie ni l'Allemagne n'ont connu pareille hémorragie. Il y a donc eu faute économique, faute politique, faute collective sur l'industrie nationale.

Cette reconquête ne peut toutefois se faire en une année ni par un claquement de doigts. Elle demande une stratégie continue, résolue, déterminée et constante, qui repose sur trois piliers.

Le premier pilier est la baisse des charges et l'allègement de la fiscalité sur les entreprises industrielles. J'ai visité il y a quelques jours pour la cinquième ou sixième fois mes amis décolleteurs dans la vallée de l'Arve. Vous ne pouvez pas demander à des industriels qui sont confrontés à de tels défis de traîner ce boulet d'impôts de production sept fois plus élevés que leurs voisins allemands. Vous ne pouvez pas leur demander d'être compétitifs quand leurs cotisations patronales sont beaucoup plus élevées que celles de leurs grands voisins européens. Nous avons remédié à ces difficultés. Je rappelle que c'est cette majorité qui a transformé les allègements de charges, qui étaient un crédit d'impôt, en allègements définitifs. C'est cette majorité qui a engagé la baisse des impôts de production, qui a fait de la France le territoire le plus attractif pour les investissements étrangers.

Ce premier pilier de la reconquête industrielle n'est pas le plus facile à faire comprendre. À chaque fois que nous baissons les impôts sur les entreprises, on nous dit « cadeau pour les entreprises ». Je réponds cadeau pour l'industrie, pour les ouvriers, pour la culture industrielle nationale. C'est différent.

Le deuxième pilier est évidemment la formation et la qualification, qui passent par une reconquête culturelle de l'industrie française. Il n'est pas normal que dans un centre de formation d'apprentis aussi remarquable que celui que j'ai visité, en Haute-Savoie, où l'employabilité est de 100 % à la sortie et où chaque jeune bénéficie à lui seul de trois offres d'emploi, seules 300 places sur les 400 disponibles soient pourvues. Il faut montrer à nos enfants et en particulier aux jeunes femmes - le taux de féminisation est beaucoup trop faible - que l'industrie, ce n'est plus Zola, mais de la création, du savoir-faire, de la technologie, des ingénieurs, de la valeur ajoutée, de bons salaires et des perspectives de carrière.

Enfin, troisièmement, le combat pour la reconquête industrielle passe par la simplification de la vie des industriels, notamment pour l'installation de nouveaux sites. Dès le début de l'année 2023, je ferai des propositions très concrètes à la Première ministre et au Président de la République sur ce sujet. Mon objectif est que la France retrouve 15 % de part de l'industrie dans la richesse nationale d'ici quinze ans. Nous sommes tombés à 10 ou 11 % alors que rien ne le justifiait. Je fixe donc cette ambition, avec les sites industriels, les technologies et les emplois qui vont avec.

Au sujet des prévisions de croissance, il est bien entendu que d'autres scénarios existent. Mais quand on présente un budget, on choisit un scénario central. Dans ses scénarios les plus sombres, la Banque de France part du principe qu'il pourrait y avoir des coupures d'énergie, des délestages sur les sites industriels, des arrêts de production massifs sur le territoire. Ce n'est pas notre scénario central. Les actions que nous avons menées avec Agnès Pannier-Runacher - le plan d'économie d'énergie, le remplissage à 94 % des stocks de gaz, la diversification des sources d'approvisionnement - visent précisément à éviter ce scénario que je n'écarte pas - cela serait très audacieux de ma part - d'un revers de la main. Je dis simplement que notre scénario central reste une croissance positive en 2023 à hauteur de 1 %.

Par ailleurs, au-delà des mesures que nous avons prises sur l'énergie, nous avons eu aussi à coeur de soutenir la demande des ménages français. Protéger les ménages contre l'inflation - la France est l'un des seuls pays de la zone euro où le pouvoir d'achat continuera à progresser en 2023 - est aussi une manière de soutenir notre croissance. Enfin, les réserves d'épargne restent élevées dans notre pays ; c'est aussi un motif de confiance.

En ce qui concerne la transition écologique, je partage totalement votre ambition. Je vous invite simplement à ne pas sous-estimer l'ampleur des transformations que nous avons engagées avec le Président de la République et la Première ministre en la matière. Tout en ayant parfaitement conscience qu'il faut aller plus vite, faire mieux, déployer encore plus massivement nos dispositifs, je crois que nous sommes dans la bonne direction.

D'abord, nous avons engagé un plan de sobriété qui sera présenté le 6 octobre prochain et qui est absolument clé. Je veux vraiment bien faire comprendre que les économies d'énergie que nous allons tous devoir faire dans les semaines qui viennent ne visent pas à passer l'hiver, mais à passer le siècle. Elles doivent nous permettre de bénéficier, dans les prochaines décennies, d'une situation climatique plus favorable. Ne pensons pas que les économies d'énergie sont une réponse à un problème conjoncturel. Le problème est évidemment structurel et ce sont des changements de comportement complets auxquels nous devons être conduits, nous, citoyens, entreprises, administrations, pour réussir à lutter contre le réchauffement climatique.

Le fonds vert des collectivités locales annoncé par Élisabeth Borne représente 1,5 milliard d'euros. Nous pourrons discuter ensemble de son déploiement afin de nous assurer qu'il sera le plus efficace possible. L'accompagnement des ménages pour l'achat de véhicules électriques et le dispositif MaPrimeRénov' sont aussi des aides budgétaires massives. Je suis prêt à regarder comment l'on passe de rénovations par geste à des rénovations plus globales qui, on le sait, sont mille fois plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique et éviter les pertes thermiques.

Enfin, je rappelle que France 2030 consacre la majorité de ses investissements à la lutte contre le réchauffement climatique et aux investissements verts. Je veux redire aussi que la stratégie énergétique présentée par le Président de la République à Belfort - sobriété, accélération sur les énergies renouvelables et réalisation de six nouveaux EPR - est une manière de garantir la réduction de notre empreinte carbone.

M. Gabriel Attal, ministre . - En réponse à la question de M. Jean-François Husson, nous avons effectivement adopté une nouvelle présentation budgétaire : le « périmètre des dépenses de l'État (PDE) » remplace les deux définitions précédentes, à savoir la norme de dépenses pilotables et l'objectif total de dépenses de l'État.

Cette nouvelle présentation doit apporter une meilleure visibilité. Elle couvre un périmètre plus large, afin d'améliorer le suivi et le pilotage de la dépense publique, y compris les prélèvements à destination de l'Union européenne et les prélèvements sur recettes en direction des collectivités locales. La maîtrise de la progression des dépenses publiques demandée aux collectivités locales n'est pas liée à ce nouveau périmètre, mais à nos engagements d'une maîtrise globale de la progression des dépenses en vue de tenir nos objectifs de déficit public. Il s'agit là de deux sujets différents.

Concernant la suppression de la CVAE, nous avons précisément mené une concertation nourrie avec les associations d'élus, afin de définir les modalités de sa compensation. Au cours de ces dernières semaines, nous avons multiplié les réunions avec Christophe Béchu, Caroline Cayeux et les associations d'élus que nous avons toutes rencontrées au moins deux fois. Il en résulte que la copie qui vous est présentée n'est pas celle que nous envisagions avant ces échanges.

Je note par exemple une évolution majeure dans le passage d'un prélèvement sur recettes à une fraction de TVA. Au départ, il est vrai que nous voulions compenser la suppression de la CVAE par un prélèvement sur recettes, auquel on aurait appliqué la dynamique moyenne de CVAE des huit dernières années, à savoir 2,5 % par an. Cela nous semblait être un gage de visibilité. Nous étions peu favorables à la solution d'une fraction de TVA, en raison d'une prévisibilité moindre, mais aussi parce que, avec cette compensation, les recettes de TVA affectées à l'État seraient en effet inférieures à 50 % des recettes de TVA, dont l'essentiel irait aux organismes de sécurité sociale ou aux collectivités locales. Cela ne change pas grand-chose sur le fond, si ce n'est qu'à l'avenir, des majorités qui auraient à prendre des décisions sur la TVA pourraient rencontrer des réticences parmi les principaux bénéficiaires de cet impôt. Sur ce point, le Gouvernement a fait évoluer sa position. Nous avons choisi comme solution la fraction de TVA, conformément au souhait des associations d'élus.

La question se pose ensuite de la territorialisation de la dynamique de la compensation de la CVAE. Autrement dit, comment permet-on aux maires et aux patrons d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'affirmer à leurs administrés que l'accueil d'une activité économique sur le territoire reste intéressant également pour les recettes de la collectivité ?

Nous avons commencé à en discuter avec les associations d'élus et des membres de cette commission, dans le cadre des « dialogues de Bercy ». Pour l'instant, nous envisageons de nous appuyer sur les bases de cotisation foncière des entreprises (CFE), qui figurent déjà parmi les critères de territorialisation des recettes de CVAE. Plusieurs associations d'élus et des parlementaires ont suggéré d'enrichir ces critères. Nous sommes ouverts à leurs propositions, que pour l'heure nous n'avons pas reçues. Je suis convaincu qu'elles nourriront les prochains débats parlementaires. Mon objectif est que la gouvernance du fonds ait le moins de décisions possible à prendre et que l'affectation des recettes de CVAE se fasse à partir de critères suffisamment efficaces pour mesurer l'attractivité économique des territoires.

Enfin, je suis très ouvert à ce que l'on révise le périmètre des « dialogues de Bercy ». Nous avions retenu comme participants les membres des bureaux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat plus un représentant par groupe, en considérant que ce dernier communiquerait les informations à ses collègues et qu'un format resserré permettrait de fluidifier les échanges. Personnellement, je vois plutôt un bon signe dans le fait que des candidatures s'expriment pour participer aux prochaines éditions.

M. Claude Raynal , président . - Nous démarrons maintenant la série de questions.

Mme Christine Lavarde . - En entendant M. le ministre Le Maire, il m'a semblé que ses critiques à l'égard de ceux qui demandent moins de dépenses publiques et davantage de soutien aux entreprises visaient le groupe Les Républicains.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Non, je ne vous visais pas.

Mme Christine Lavarde . - Je rappellerai que le Gouvernement se félicite de recettes fiscales meilleures que prévu, notamment du fait des rentrées provenant des entreprises. C'est pourquoi nous pensons qu'il est utile de les soutenir.

Après les précisions de M. le ministre Attal sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), je comprends que la version du texte dont nous disposons est déjà obsolète, puisqu'il convient d'ajouter aux crédits déjà inscrits des crédits supplémentaires à hauteur de 210 millions d'euros. Peut-être faudrait-il nous expliquer le mécanisme, car le texte prévoit bien une augmentation de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR), financée sur l'enveloppe normée.

Ma deuxième question concerne la réforme des valeurs locatives professionnelles. Monsieur le ministre, vous dites nous avoir entendus lors des « dialogues de Bercy » à ce sujet. Envisagez-vous un simple report ou allez-vous revoir complètement la méthode ? Un report à l'automne prochain déboucherait en effet sur les mêmes écueils.

Par ailleurs, si le sujet du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ne figure pas dans le texte - hormis une faible augmentation des crédits -, le Sénat ne l'a pas oublié et vous le trouverez sur votre route sur ce sujet.

Toujours concernant les collectivités locales, M. le rapporteur général a évoqué l'article 16 du projet de loi de programmation, qui encadre la trajectoire des dépenses. Sur ce point, vous annoncez une concertation, mais vous demandez aux collectivités de présenter des éléments dans leur débat d'orientation budgétaire qui a lieu, pour certaines d'entre elles, début décembre. Cela rend la tâche très difficile, d'autant que l'article, assez flou, se borne à indiquer que l'augmentation doit se limiter à 3,8 %. Je vous rappelle que la masse salariale, qui pèse pour toutes les collectivités pour plus de 50 % des dépenses, augmente déjà de 3,5 % et que l'inflation des dépenses du volet énergie-alimentation-papier nous amène bien au-delà des 3,8 %. En résumé, vous demandez aux collectivités de diminuer drastiquement leurs dépenses. En aval, prévoyez-vous un régime de sanctions pour les collectivités qui ne respecteraient pas les objectifs des contrats de Cahors ? Prévoyez-vous des déclinaisons selon les collectivités, qui ne sont pas toutes exposées de la même manière au choc d'inflation ? J'entends concertation avec les collectivités, mais selon quel calendrier ?

Enfin, la dernière salve est la salve verte. Pour nous non plus, le compte n'y est pas. J'ai certes relevé que l'article 14 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit un rééquilibrage d'ici à 2027, avec une diminution des dépenses fiscales défavorables par rapport aux dépenses fiscales favorables. Je relève simplement que les réformes envisagées lors du premier quinquennat ont toujours été reportées à des temps meilleurs. J'ai envie de vous croire, mais le différentiel est tellement important qu'il ne sera pas difficile de faire mieux.

Quant à l'article 7 - « adaptation du système fiscal aux exigences de la transition énergétique » -, nous devons l'examiner en détail, mais je ne vois pas en quoi les mesures proposées répondraient aux exigences. Lors des « dialogues de Bercy », le besoin d'une véritable rénovation des bâtiments a été largement soulevé. Or je n'ai absolument rien trouvé sur ce thème dans l'ensemble des documents qui nous ont été proposés.

M. Roger Karoutchi . - Je reviens sur le taux de croissance que vous retenez. Pour rappel, lorsque je doutais ici même, en 2020 et en 2021, du réalisme de vos prévisions, vous me traitiez de Cassandre tout en affichant votre confiance. De fait, nous sommes très loin des taux de croissance que vous aviez annoncés pour 2020, 2021 et pour les années suivantes.

Bien sûr, il y a eu la crise de la covid. Bien sûr, il y a eu la guerre en Ukraine. Bien sûr, il y a la crise de l'énergie. Bien sûr, il y a l'inflation. Mais tout cela disparaît-il en 2023 ? Qui vous dit que la guerre en Ukraine va cesser ? Qui vous dit que la crise énergétique ne va pas s'aggraver, en fonction de la nouvelle politique des pays producteurs ? Dans ces conditions, l'inflation ne baissera certainement pas en 2023 !

Quand vous affirmez retenir le chiffre moyen de 1 %, de quelle moyenne parlez-vous ? La Banque de France prévoit un taux de croissance de 0,5 %, l'OCDE de 0,6 %, et encore... L'entrée probable en récession de l'Allemagne en 2023 entraînera des conséquences pour la France, dont la croissance pourrait être ramenée à zéro. À ma connaissance, aucun organisme ne prévoit le taux de croissance de 2 % qui vous aurait permis d'atteindre une moyenne de 1 %. Vous avez donc adopté une vision très optimiste.

M. Attal nous dit qu'il n'a pas de boule de cristal, mais une boussole. Cette boussole n'est-elle pas tout de même un peu désorientée ? Sous le prétexte d'une politique volontariste, vous affichez un optimisme qui m'inquiète. Vous annoncez vous-même que la France empruntera 270 milliards d'euros, que les déficits s'élèveront au bas mot à 5 % du PIB en 2023, probablement à 6 %. Vous créez des postes dans le domaine de la sécurité, vous créez 6 000 places d'hébergement. Je ne conteste pas cette politique volontariste, mais on ne voit pas, en parallèle, de réduction des dépenses.

Alors que le Président de la République nous avait annoncé, dans un environnement extrêmement difficile, un budget de guerre et de crise, nous avons l'impression d'être face à un budget classique, très optimiste et probablement inatteignable.

M. Jean-Marie Mizzon . - N'ayant pas participé aux « dialogues de Bercy » - j'ai suffisamment de mal à honorer les invitations que je reçois pour ne pas me rendre là où je ne suis pas invité -, j'aborderai un sujet qui ne relève pas de la stratégie globale du projet de loi de finances pour 2023, mais que M. Le Maire a évoqué. Comme d'autres ici j'imagine, j'ai rencontré un certain nombre de chefs d'entreprise qui m'ont exprimé leurs angoisses face à la multiplication, par plus de dix, des prix de l'électricité qui leur sont proposés. Ces chefs d'entreprise sont désemparés et très inquiets.

Monsieur le ministre, êtes-vous favorable à la mise en place de nouvelles règles, dans le sens attendu par les fournisseurs et les clients pour l'approvisionnement en 2023 ? Je pense en particulier aux règles de fonctionnement de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ainsi qu'à l'organisation du marché de l'électricité. Je sais que ces règles dépendent essentiellement du niveau européen, que le volume d'Arenh a été porté à 120 térawattheures et que le prix de l'Arenh ne peut être désormais inférieur à 49,50 euros, en application de la loi sur la protection du pouvoir d'achat du mois d'août dernier. Seriez-vous néanmoins favorable à une nouvelle augmentation du plafond du volume de l'Arenh ?

Par ailleurs, envisagez-vous de permettre à tous les clients de bénéficier d'offres grâce à une garantie de l'État qui serait apportée aux fournisseurs ? Certains fournisseurs ne trouvent pas d'offres, tout simplement, parfois, parce qu'elles n'existent pas. Le marché est totalement insécurisé : certaines offres sont émises à onze heures, prennent fin à midi et on se réserve le droit de les annuler avant si les marchés fluctuent. Un fournisseur de dernier recours, qui pourrait être l'État, pourrait permettre à ces entreprises de trouver une solution.

Enfin, ma dernière question s'adresse à M. Attal, qui a évoqué la commission de révision de la valeur locative des locaux professionnels. Je suis dans un département où la commission n'a pas fini ses travaux. Doit-elle les arrêter ?

M. Éric Bocquet . - Je voudrais évoquer deux points : la CVAE et, sujet cher à Bruno Le Maire, les superprofits.

Je rêve d'une république où l'on demanderait l'avis des maires quand on décide de supprimer des impôts -- taxe professionnelle en son temps, taxe d'habitation et CVAE aujourd'hui...

Nous sommes nombreux, ces temps-ci, à participer à des assemblées générales ou des congrès d'associations d'élus dans les départements -- j'étais pour ma part à celle de l'association des maires ruraux la semaine dernière dans le Nord et serai à celle de l'association des maires du Nord à Douai ce vendredi -- et ce qui revient avec force, c'est l'inquiétude et parfois même la panique par rapport à la hausse des prix de l'énergie. Les maires se demandent comment ils vont honorer leurs factures et maintenir l'équilibre de leur budget.

Quelque chose d'important se passe : les maires ruraux ont ainsi adopté une motion à l'unanimité -- ce qui n'est pas dans leurs habitudes --, pour demander la mise en place d'un bouclier tarifaire sur l'énergie.

À titre d'exemple, une commune de 27 000 habitants de la métropole lilloise, qui prévoyait dans son budget primitif 900 000 euros de dépenses, compte 2,4 millions d'euros de dépenses effectives, sur un fonctionnement de 34 millions d'euros sur une seule année. Cela veut dire que cette commune honorera ses factures d'ici à la fin de l'année, mais que l'excédent disponible l'an prochain sera en nette diminution.

Pensez-vous donc vraiment qu'il soit responsable de supprimer la CVAE, impôt très dynamique, sans demander leur avis aux élus, à un moment où les collectivités territoriales vont rencontrer des difficultés accrues ?

Je sais que vous avez réitéré cet engagement face au Medef fin août, mais vous auriez pu le différer de deux, trois ou quatre ans sans problème. Est-ce une bonne idée de priver les collectivités de cette ressource ? Une préoccupation forte monte chez les élus et vous en entendrez sans doute parler au congrès des maires en novembre.

Ma deuxième question porte sur la taxation des superprofits. Sans doute pensiez-vous que le débat serait clos après la discussion du PLFR cet été, qui avait abouti au rejet des amendements des différents groupes portant cette mesure. Or, il réapparaît avec force en cette rentrée. Vous dites ne pas savoir ce que sont des superprofits. Une proposition simple : prenez les trois années antérieures à la crise covid -- 2017, 2018 et 2019 --, faites une moyenne des profits réalisés par les groupes du CAC 40 à cette époque-là et on aura une petite idée de la notion de superprofits.

Le débat n'est pas clos et nous reviendrons, avec d'autres, sur le sujet au cours des débats à venir, car je ne vois rien de cette nature dans le PLF.

Mme Vanina Paoli-Gagin . - En premier lieu, je salue, au nom du groupe Les Indépendants, la dynamique de consultation engagée via les « dialogues de Bercy » en amont de la discussion du PLF.

Ma première question concerne les forêts. Les précisions que vous avez apportées, monsieur le ministre chargé des comptes publics, sont louables.

Êtes-vous ouvert à la mise en place de dispositifs supplémentaires ? Nous allons prochainement discuter une proposition de loi, que je porte, sur la valorisation des externalités positives de la forêt. Nous envisageons de mettre en place un dispositif fiscal à l'endroit des particuliers et des entreprises qui souhaiteraient financer, via le mécénat, les communes forestières, nombre d'entre elles étant en difficulté. À cet égard, le Gouvernement est-il ouvert à des aménagements pour enrichir les dispositifs que vous décrivez ?

Je souhaite ensuite évoquer le crédit d'impôt recherche, car j'ai entendu que des collègues, à l'Assemblée nationale, planchaient sur une réforme, or je n'ai rien vu dans le budget. Là encore, nous avons mené au Sénat une mission d'information sur le sujet.

Nous souhaiterions qu'à enveloppe constante, une partie du crédit d'impôt recherche soit fléchée vers les PME. Après le « quoi qu'il en coûte », le « combien ça coûte », l'heure du « mieux qu'il en coûte » est arrivée, et l'effet de levier du crédit d'impôt recherche sur les PME est trois fois supérieur à celui des dépenses des grands groupes.

Concernant les collectivités territoriales, je voudrais évoquer le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), qui devait être transitoire et ne fait pas que des heureux dans la ruralité. Les modifications que vous prévoyez à l'article 45 du PLF, notamment sur le critère d'exclusion de reversement du Fpic, vont-elles affecter la clé de répartition ?

J'ai enfin une question similaire sur la taxe d'aménagement, dont les modalités d'attribution ont été modifiées récemment : le reversement de la taxe perçue par la commune aux EPCI a été rendu obligatoire, ce qui a été mal perçu dans les zones rurales et a modifié des équilibres économiques. Avez-vous prévu de revenir sur cette décision ? Disposez-vous de retours d'expérience sur ce nouveau régime de taxe d'aménagement ?

M. Rémi Féraud . - Éric Bocquet a évoqué la question des superprofits, qui est au centre du débat politique. Sans trop y revenir, je précise, messieurs les ministres, que la proposition de taxation n'entre pas dans les impôts de production. Elle est par ailleurs temporaire, et non pérenne. Même si nous ne partageons pas la philosophie politique du Gouvernement, il me semble qu'il s'agit d'une position d'équilibre, à un moment très particulier de l'histoire, qui ne remet pas en cause l'ensemble de votre politique.

J'ai deux questions à vous poser.

Comment s'inscrit l'éventuelle réforme des retraites dans la loi de programmation des finances publiques ? Nous avons compris que vous considérez -- sûrement à juste titre -- qu'elle n'aurait pas d'impact budgétaire en 2023, mais elle en aurait forcément sur la loi de programmation des finances publiques. Vous l'avez d'ailleurs dit dans votre introduction, mais dans le texte lui-même, la phrase est très courte et sibylline : « La soutenabilité de notre trajectoire reposera notamment sur les réformes structurelles engagées. » Je ne sais pas si la réforme des retraites entre dans ces réformes structurelles engagées, mais cela demande des précisions et des chiffres.

Ensuite, nous avons parlé de la CVAE, de la CFE, de la difficulté à trouver des dispositifs pour compenser la perte de ces recettes pour les collectivités locales et des besoins de tenir compte des dynamiques territoriales. Êtes-vous prêts à regarder comment retrouver ces dynamiques sur d'autres sujets ? Je pense notamment aux dispositifs qui peuvent être revus pour abonder les objectifs de politique de logement : taxe sur les logements vacants, taxe sur les résidences secondaires...

Par ailleurs, seriez-vous prêts à revoir les limitations actuellement imposées sur la taxe de séjour ? C'est une question importante pour beaucoup de communes dont Paris, où je suis élu. Cette taxe reposant en premier lieu sur les touristes étrangers, son augmentation ne pèserait pas sur les Français et pourrait éviter à des communes d'augmenter leur taxe foncière.

Êtes-vous prêts, en somme, à redonner des marges de manoeuvre sur différents modes d'imposition aux collectivités locales ?

M. Daniel Breuiller . - En introduction de vos propos, monsieur le ministre, vous avez évoqué les incertitudes très fortes qui pèsent sur le plan énergétique et sur l'inflation ; j'y ajoute l'accélération gravissime de la crise climatique que nous traversons.

Pour ceux qui pourraient encore en douter, les événements majeurs survenus cet été -- sécheresse, incendies -- l'ont bien illustrée.

Il s'agit d'un problème international, et non national. L'exemple du Pakistan montre les enjeux géostratégiques que cette crise climatique fait peser sur le devenir des populations, sur les migrations, sur la possibilité même de vivre dans certains territoires.

J'estime donc que les propositions que vous nous faites, même si les mots annoncent des inflexions, sont très loin du compte.

Puisque nous sommes dans le « combien ça coûte », je vais vous dire combien ça coûtera de ne pas nous mettre à la bonne hauteur.

Il y a eu 40 milliards d'euros, il va y avoir 36 milliards ou 16 milliards nets de bouclier énergétique, dont 2,5 milliards sur l'isolation des bâtiments. Mais, si on veut sortir de notre dépendance au gaz russe et ne pas tomber dans la dépendance au gaz de schiste, il faut mettre un facteur 10 sur cet engagement. Il faut mettre a minima 10 milliards d'euros sur l'isolation thermique. Il faut mettre des crédits aussi pour accroître la place du rail.

Nous ne sommes pas du tout dans les ordres de grandeur qui permettent un bouleversement.

Le volet de la sobriété, qui n'est d'ailleurs pas toujours coûteux, ne mérite pas les mesurettes annoncées, mais un vrai engagement collectif pour une sobriété heureuse.

Il est nécessaire de dégager des moyens d'action sur ces sujets. Dans cette perspective, nous estimons que ce n'est donc pas le moment de supprimer la CVAE, car cela constitue un désarmement de la capacité de l'État à agir, dans ce domaine comme dans celui de la justice sociale.

Vous devriez, a minima , messieurs les ministres, proposer des conditionnalités climatiques ou sociales chiffrées pour les entreprises qui vont bénéficier d'une réduction de leurs impôts.

Toutes les décisions que nous prenons devraient être mesurées à l'aune de leur impact sur la crise climatique ou sur la justice sociale. Certaines niches fiscales méritent d'être regardées. La taxation des superprofits doit être étudiée -- je regrette, monsieur Le Maire, que vous n'ayez pas lu ou apprécié à sa juste valeur la proposition déposée par les groupes de gauche qui définit exactement ce qu'est cette taxation et n'en fait pas une taxation pérenne.

Nous proposons également un impôt sur la fortune (ISF) climatique pour aider les personnes les plus aisées, qui émettent le plus de CO 2 , à réduire leurs émissions.

Enfin, le fonds vert à destination des collectivités territoriales de 1,5 milliard d'euros n'est pas à la hauteur non plus. Or ces dernières seront sans nul doute le premier acteur de la transition écologique du pays. Dans une république décentralisée, nous devrions prendre au moins autant soin des collectivités territoriales que vous le faites des entreprises.

La commune dont j'ai été maire a vu ses frais d'énergie augmenter de 2 millions d'euros ; l'institut Gustave-Roussy, que j'ai visité il y a quelques jours avec le président du Sénat, a vu les siens augmenter de 5 millions d'euros. Je pense également aux universités, souvent vétustes et mal isolées. Où trouver cet argent ? Il faut un bouclier tarifaire sur l'énergie pour les collectivités.

M. Jean-Claude Requier . - Monsieur le ministre, vous dites ne pas être récompensé des efforts fournis en faveur de certaines catégories sociales, mais je ne suis pas sûr qu'en faisant des efforts sur l'éducation, vous obteniez le vote des enseignants ni qu'en faisant des efforts sur l'écologie, vous ayez celui des écologistes. Mais ce n'est pas le débat, nous sommes là pour gérer un pays et non gagner des catégories sociales.

Il y a, dans ce budget, beaucoup de dépenses et assez peu d'économies, mais je comprends que nous devions soutenir l'économie qui est en difficulté.

Je voudrais dire un mot sur les dispositifs de relance, qui vont se terminer en 2023 : quelle est la proportion de crédits engagés consommés à l'heure actuelle et dispose-t-on d'une évaluation de leur efficacité ?

Ma deuxième question porte sur les crédits accordés à l'Ukraine. Nous en avons voté lors du PLFR, ce sera sûrement le cas également pour le PLF ; a-t-on une idée de leur montant ?

Ma troisième question porte sur la CVAE. Une compensation pour les départements sera-t-elle proposée, comme cela existe pour le RSA, lors du PLFR ?

Enfin, ce PLF est relativement court, nous verrons si on peut s'attendre à des modifications lors de l'examen parlementaire.

M. Pascal Savoldelli . - Nous nous trouvons dans une situation inédite du fait de la forte hypothèse de 49.3 à l'Assemblée nationale. J'ai l'impression que nous sommes ici dans une bulle, car une épée de Damoclès plane en réalité sur nos dialogues !

Sans jouer les victimes, en tant qu'opposition au Sénat, avec un 49.3 annoncé à l'Assemblée et un budget de droite, cela fait droite plus droite plus droite.

Je ne vois aucune proposition concrète de dialogue adressée aux groupes d'opposition parlementaire. Il faut un langage de vérité.

À cet égard, je vous remercie pour votre honnêteté, monsieur le ministre, lorsque vous avez reconnu dès le départ qu'il y avait non pas 45 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire, mais seulement16 milliards. Dont acte.

Quand je vous entends parler de la même manière des collectivités territoriales et des entreprises, en retenant les mêmes critères -- 2 millions de chiffre d'affaires ou moins de 10 salariés -- je me dis que j'assiste à un virage historique.

Vous avez beau arguer des négociations européennes, il faut malgré tout s'occuper des collectivités. Vous nous annoncez 430 millions d'euros d'aides, mais nous les avons déjà votées ; ce sont des plats réchauffés.

Aurez-vous la volonté politique de revenir à la tarification réglementée de la vente de l'énergie pour les collectivités territoriales et les entreprises demandeuses ? Pour cela, il faut indexer au prix de production, et désindexer du prix du marché et de la spéculation. Voilà une proposition responsable !

Sur la question de l'imposition des hauts revenus, abordée par le président Raynal - il n'a d'ailleurs pas obtenu de réponse -, je vous fais tout de suite une économie d'au moins 3 milliards d'euros ! Vous allez faire un cadeau fiscal à 905 000 foyers qui disposent de plus de 100 000 euros de revenu fiscal.

Revaloriser les premières tranches, je suis d'accord, je ne suis pas obstiné. Pardonnez ma véhémence, mais après la taxe d'habitation et la redevance audiovisuelle, ces gens-là ont-ils besoin d'un nouveau cadeau fiscal ? C'est aussi cela qui gronde dans la société, une révolte intériorisée, qui n'est pas une affaire de gauche ou de droite.

M. Bernard Delcros . - Sur les superprofits, vous connaissez la position de mon groupe. Concernant les collectivités locales, une DGF stable, en période d'inflation forte, représente une perte de pouvoir d'achat et de capacité d'autofinancement.

Il semble qu'en moyenne, la capacité d'autofinancement des collectivités baisse finalement assez peu. Mais derrière cette moyenne se cachent des inégalités très fortes. Je pense notamment -- mais pas seulement -- aux collectivités rurales, où l'inflation est de 1 à 2 points supérieure. Il faut remédier à ces disparités.

Cela a été fait pour 2022 par le biais du PLFR et je me réjouis de l'annonce d'un abondement de 210 millions d'euros de la DSR et de la DSU, qui n'est donc pas pris sur l'enveloppe normée et permet de financer la péréquation.

Cela étant dit, comment le Gouvernement envisage-t-il, en 2023, d'accompagner les collectivités et les ménages les plus touchés par l'inflation ?

J'approuve le fonds vert annoncé à hauteur de 1,5 milliard d'euros, car la transition écologique passe par les territoires. Quelle forme prendra-t-il ? S'agira-t-il d'appels à projets ?

J'ai par ailleurs une question sur les dispositions fiscales adossées aux politiques d'aménagement du territoire. La mission qui a été confiée à trois députés par le Gouvernement propose la suppression de ces dispositions fiscales adossées à un certain nombre de zonages, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR). Je n'y suis évidemment pas favorable, ayant travaillé sur ces questions notamment avec mes collègues Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau. Pouvez-vous nous assurer qu'il n'en sera rien ?

Enfin, j'ai cru comprendre qu'il était question de baisser la taxe sur les frais des chambres de métiers et d'artisanat. Pouvez-vous nous donner un peu de visibilité sur cette question ?

M. Thierry Cozic . - Mon collègue Bernard Delcros a anticipé mon intervention, je vais donc être très bref : le Gouvernement est-il prêt à regarder de près une indexation de la DGF sur l'inflation pour accompagner les collectivités ?

Mme Sylvie Vermeillet . - L'évolution de la charge de la dette n'a pas été abordée : elle dépasserait les 50 milliards d'euros en 2023. De quelles marges de manoeuvre disposons-nous ?

Sur le chapitre de la mise en réserve de crédits, nécessaire pour faire face à des imprévus, vous prévoyez un gel de précaution de 8,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce rabot, en quelque sorte général, peut être une piste. Mais quelles doivent-être ses déclinaisons, sachant que les budgets de certains ministères -- intérieur, justice, armées, éducation nationale... -- augmentent ? Où trouver les économies ?

Sur la question de la suppression de la CVAE, une piste aurait été de la reporter, de la même manière que nous avions préconisé le report de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, qui représente tout de même 3,7 milliards d'euros. Je pense que le « zéro artificialisation nette » fait beaucoup plus de mal aux entreprises que les bienfaits de la suppression de la CVAE.

Pour terminer, je vous remercie pour le million d'euros supplémentaire en direction des communes forestières, dont certaines font face à de réelles difficultés.

M. Jean-Michel Arnaud . - Je reviens sur le fil directeur de nos échanges : la hausse du prix de l'énergie. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, dans quelles conditions serait plafonnée l'augmentation des prix à hauteur de 15 % à partir de janvier 2023 pour la plupart des particuliers.

Je me permets d'insister sur deux angles morts qui émergent des remontées de terrain. Le premier est évidemment la question de la compensation des collectivités locales. Hormis un accompagnement autour de 450 millions d'euros, décidé dans le PLFR grâce à l'action déterminante de certains de mes collègues et repris dans le PLF, il n'y a, me semble-t-il, aucune avancée sur ce sujet. C'est une alerte majeure.

Nos collectivités locales doivent-elles suivre le conseil du Président de la République émis le 22 septembre : « Ne signez pas aujourd'hui vos contrats quand ils sont à des prix fous » ? Il s'adressait aux entreprises, mais peut-être est-ce valable pour les collectivités locales...

Il semblerait que les copropriétés, qui sont sous un statut de personne morale, ne puissent pas bénéficier du tarif régulé du gaz et de l'électricité. Cela pose d'énormes problèmes et risque de mettre en grande difficulté les plus précaires, que ce soit dans le logement social ou simplement dans le logement privé classique.

Enfin, en tant qu'élu de la montagne, permettez-moi de vous interroger sur les suites des discussions des divers groupes de travail pour accompagner les stations de tourisme, en particulier sur la question des remontées mécaniques, quel que soit leur statut, y compris sous forme de régies. Face à des augmentations qui multiplient parfois par dix le montant des contrats précédents, allons-nous aboutir à des propositions pour réguler le prix des remontées mécaniques, alors que tout a déjà été commercialisé pour la saison à venir ? Il y va de l'attractivité et de la compétitivité du secteur des sports d'hiver, très important pour le tourisme.

M. Vincent Segouin . - Monsieur le ministre, vous titrez la présentation du PLF 2023 « Protéger les Français et aller vers le plein emploi ». À combien fixez-vous l'objectif chiffré sachant que le taux de chômage est actuellement de 7,1 % ?

Nous ne voyons dans le budget ni recettes supplémentaires ni baisses de dépenses. Nous apprenons au contraire que le ministère du travail va être pourvu de 6,2 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour la formation et les maisons France Travail. Avions-nous besoin de remettre du budget sur ce poste déjà bien pourvu ? Changer l'enseigne de Pôle emploi pour France Travail, est-ce une solution pour régler nos problèmes de plein emploi ?

M. Gérard Longuet . - Je m'adresse à nos deux ministres, dont la tâche n'est pas facile : je m'étonne que, dans cette présentation, vous ne regroupiez pas les recettes et les dépenses prévisibles à moyen et long terme sur des secteurs stratégiques, dont les lignes de force sont évidentes : la démographie, l'énergie et la défense.

En ce qui concerne la démographie, nous aurons des recettes, car moins d'élèves, et donc moins de besoins quantitatifs d'enseignants, même si nous avons des besoins qualitatifs.

Le sujet de l'emploi va s'analyser d'une façon différente dans un pays où la démographie est négative et où les perspectives de main-d'oeuvre diminuent.

Nous aimerions une présentation sur les dépenses futures, en moins et en plus ; je n'imagine pas que le Gouvernement n'envisage pas une politique familiale pour soutenir la démographie et reconstituer la vitalité de la population française.

Pour ce qui est de l'énergie, si le renouvelable est sans doute nécessaire, nous ne réglerons pas les besoins en énergie électrique, qui ont été délibérément et scandaleusement sous-évalués ces dix dernières années, sans le nucléaire. En développant ce dernier de manière soutenue à moyen et long terme, nous pouvons espérer réduire les dépenses liées à la contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui comptent pour un quart de la facturation des ménages.

Sur le plan de la défense, trop d'inconnues empêchent d'ouvrir le débat de manière sommaire.

Vous faites des efforts -- tant mieux ! -- mais nous aimerions connaître votre projet de moyen et long terme dans un environnement où le Président de la République déclarait il y a quelques années que l'OTAN se trouvait dans un état de mort cérébrale et alors que l'on s'aperçoit de la nécessité d'une défense européenne.

Imaginez-vous regrouper sur de grands axes stratégiques votre présentation du budget avec les recettes et dépenses prévisibles ?

M. Sébastien Meurant . - Nous sommes tous d'accord sur l'ambition d'une reconquête industrielle. L'une des principales raisons de l'inflation est la hausse de l'énergie. Grâce aux investissements massifs de nos aïeux, la France a longtemps disposé d'un avantage compétitif sur nos concurrents, notamment allemands : avoir une énergie peu chère. De mauvais choix ces dernières années, dont la loi Nome, intervenue dans des conditions de marché certes tout autres, nous ont menés à cette folie de produire de l'énergie peu chère tout en voyant les prix exploser.

Les ménages et les entreprises sont pris à la gorge et j'aimerais comprendre comment des intercommunalités qui voient leurs dépenses d'électricité multipliées par six vont pouvoir s'en sortir. Aidera-t-on les collectivités qui ont été prudentes et bien gérées au même titre que d'autres qui se trouvent dans des situations plus délicates et ont parfois été moins bien gérées ?

Envisage-t-on, au niveau français, de faire comme l'Espagne et le Portugal en découplant le prix de l'électricité de celui du gaz ?

En ce qui concerne la dette, nous revenons à une période plus normale après avoir bénéficié de taux d'intérêt négatifs pendant des années -- ce qui était une aberration financière. La dette va certes continuer à augmenter, mais la charge de la dette va relativement peu augmenter et sera en 2025 sensiblement identique à celle de 2023, ce qui est extrêmement positif pour l'avenir.

Enfin, je suis favorable à une politique de l'offre, mais le résultat de cette politique, depuis quelques années, c'est le déficit commercial - 156 milliards d'euros en prévision en 2022 et 154 milliards en 2023. La compétitivité de la France vis-à-vis de ses concurrents européens ne s'améliore guère.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Je vous propose de répondre en regroupant les grandes questions qui ont été posées.

Je veux d'abord insister sur un principe. Je l'avais déjà affirmé lors de la discussion du PLFR : nous entrions avec 22 milliards d'euros de dépenses supplémentaires et nous devions sortir avec 22 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Cela vaut pour le PLF : nous entrons avec 5 % de déficit, nous sortirons avec 5 % de déficit. Je veux redire à quel point la France est à l'euro près.

J'entends bien toutes les remarques sur les collectivités locales, sur les services publics, sur des personnes qui seraient davantage protégées ou sur un bouclier pour les entreprises... Tout cela n'est tout simplement pas à la portée de la France. Il faut donc faire des choix.

À ceux qui veulent indexer la DGF sur l'inflation ou instaurer un bouclier tarifaire pour toutes les entreprises, je dis que ce n'est pas à la portée de notre bourse, et que nous devons tenir les 5 % de déficit public.

Il faut bien sûr protéger certaines entreprises exposées à la concurrence internationale. Les décolleteurs de la vallée de l'Arve, qui doivent vendre des pièces de véhicules automobiles en Asie, où il n'y a pas de flambée des prix, ne peuvent pas augmenter leurs tarifs et doivent être protégés. Mais d'autres commerçants, par exemple restaurateurs, peuvent faire passer une partie de la hausse dans leur prix de vente. Je ne rétablirai donc pas de mesures de « quoi qu'il en coûte », car ce serait dispendieux pour les finances publiques et ne ferait qu'augmenter un peu plus l'inflation dans les mois qui viennent.

Pour les communes, c'est la même chose : certaines doivent être aidées, d'autres sont moins en difficulté ou n'ont pas fait le bon choix de gestion au cours des deux ou trois dernières années. Est-il juste de traiter tout le monde de la même manière ? Je n'en suis pas certain, et il n'est pas sûr que nos compatriotes approuveraient une telle mesure.

Il faut donc regarder toutes les situations de près et tenir le déficit de 5 % du PIB, ce qui ne fait par ailleurs pas de nous les bons élèves de la zone euro. Nous ne faisons que respecter la trajectoire qui nous permettra d'atteindre les 3 % de déficit en 2027, seuil en deçà duquel nous serons l'un des derniers États européens à passer.

Je serai donc intraitable sur ce sujet, parce qu'il y va de la crédibilité de la France, de nos finances publiques, et qu'il n'y a aucune raison que la France accuse des déficits plus importants que ceux de ses grands voisins européens.

En ce qui concerne la croissance, je n'ai pas grand-chose à ajouter. Bien sûr que l'environnement est incertain, mais je constate qu'en 2021, la reprise a été plus forte que prévu. Parmi les grandes économies de la zone euro, le premier pays à avoir retrouvé son niveau économique d'avant-crise est la France, parce que sa politique de relance a été rapide, efficace et puissante.

Alors que les prévisionnistes disaient que nous ne pourrions pas dépasser 2,3 % de croissance en 2022, elle va s'élever à 2,7 %. Croyez-moi, je suis tout aussi surpris qu'eux par la vigueur de la demande, de l'activité touristique, du retour de l'activité des services dans notre pays, et tant mieux !

Le pire, même s'il faut s'y préparer, n'est pas certain. Mon rôle de ministre de l'économie - cela a été rappelé par le président Raynal - n'est pas de verser dans la prophétie autoréalisatrice, mais plutôt de pousser le pays vers ce qu'il peut accomplir de meilleur, c'est-à-dire 1 % de croissance en 2023.

Sur la CVAE, je veux commencer par dire au président du comité des finances locales, M. Laignel, dont j'ai lu les déclarations, que je trouve un peu révoltant de parler de cadeau au Medef. Ces propos ne sont ni dignes ni acceptables. Le ministre de l'économie et des finances ne prend pas des mesures pour faire plaisir à qui que ce soit, mais parce qu'il estime que c'est bon pour le pays.

Nous estimons, en conscience, que la reconquête industrielle ne se réalisera pas avec des impôts de production sept fois plus élevés que ceux de nos voisins. C'est maintenant que cela se joue ; il y a urgence. Si nous n'avions pas baissé les impôts de production de 10 milliards d'euros, jamais GlobalFoundries n'aurait investi chez ST Microelectronics à Crolles et à Grenoble, et la France ne compterait pas parmi les nations capables de maîtriser les technologies de semi-conducteurs, y compris dans les gravures les plus fines.

Nous pouvons, comme c'est le cas ici, discuter des procédés, échanger, contester nos approches, mais je n'accepte pas une stigmatisation maladroite, inappropriée et injuste.

Beaucoup de questions ont été posées sur le bouclier tarifaire ; c'est un enjeu majeur, la plus grande nouvelle dépense publique de 2023. Nous mettons 45 milliards d'euros sur la table, c'est ce que cela va nous coûter pour protéger nos compatriotes, y compris les entreprises.

Quand on dit du prix de l'électricité que c'est 15 % de hausse, je rappelle que le marché, c'est 100 % ! Donc si vous voulez qu'on fournisse de l'électricité et du gaz, il faut bien compenser les producteurs qui y perdent. C'est une réalité économique : il y a le marché et nous ne sommes pas seuls au monde. Si nous voulons du gaz et de l'électricité, nous devons le payer au prix du marché. Sinon, c'est la pénurie et la chute économique.

Cette compensation coûte 45 milliards d'euros. Cela pourra être plus si les prix augmentent ; cela pourra être un peu moins si les prix baissent.

À partir de là, nous avons des recettes : 19 milliards d'euros nous reviennent des énergies renouvelables. Je reviendrai sur la question de la taxation, qui est tout à fait digne politiquement et importante. Les énergéticiens qui ont réalisé des investissements coûteux sur le renouvelable, l'éolien ou le solaire, qui ne rapportaient pas beaucoup car les prix étaient bas, ont été remboursés pendant des années, en compensation, à hauteur de milliards d'euros. Quand le prix de l'énergie est supérieur à ce prix garanti, c'est nous qui récupérons l'argent. J'y suis très favorable, parce que c'est une rente et qu'il n'y a aucune raison qu'il y ait des rentes dans notre pays. Cela a rapporté 8 milliards d'euros en 2022, cela rapportera 19 milliards en 2023.

Là-dessus, vous retranchez encore 9 milliards d'euros de taxes intérieures de consommation finale sur l'électricité (TICFE) que nous ne prélèverons pas. Cela vous amène à 17 milliards d'euros. Vous retirez un milliard d'euros de recettes qui viennent de l'énergie hydraulique, qui n'était pas concernée jusqu'à présent, vous arrivez à 16 milliards d'euros de coût net. Mais ce que dépense l'État, en brut, ce qu'il met dans la poche des Français, c'est 45 milliards d'euros.

Donc personne ne peut dire que nous ne protégeons pas massivement, mais nous réduisons la note grâce à ce système de marché, qui a d'ailleurs été adopté par l'Union européenne.

Comme M. Savoldelli, j'aurai des propos modérés et enthousiastes : ceux qui travaillent en ont ras-le-bol de payer toujours plus d'impôts. Pour eux, la coupe est pleine. M. Savoldelli redoute une fronde sociale. En ce qui me concerne, je redoute la fronde de nos concitoyens qui estiment payer trop d'impôts. Je rappelle que 10 % des contribuables payent 70 % de l'impôt sur le revenu dans notre pays. Vous vous préparez à des jours difficiles avec les classes moyennes si vous voulez profiter de l'inflation pour récolter davantage d'impôts. Souvent, celles-ci ont été à l'origine des révolutions, car elles refusaient qu'on leur prenne trop. Avoir indexé le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation est une décision juste.

La question de la taxation des superprofits n'est pas anodine. À juste titre, les Français considèrent que les entreprises faisant des bénéfices liés uniquement à la flambée des prix de l'énergie doivent participer à l'effort collectif. Je souscris à leur point de vue, puisque je récupère 19 milliards d'euros l'année prochaine, soit par l'intermédiaire du mécanisme de marché que je viens d'indiquer, soit via une contribution directe des entreprises, comme en témoigne la remise de 20 centimes d'euro à la pompe décidée par TotalEnergies. Le plafonnement des tarifs bancaires à 2 % profite directement à nos compatriotes. Notre position ne souffre d'aucune ambiguïté : les Français doivent bénéficier de l'argent des rentes.

En revanche, derrière le terme très séduisant de taxation exceptionnelle des superprofits se cache en réalité une taxation permanente de tous les profits de toutes les entreprises du CAC 40. J'ai examiné attentivement la proposition de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), qui consiste à taxer toute entreprise dont le résultat fiscal serait supérieur en 2023 de 25 % à la moyenne des résultats constatés entre 2017 et 2019. Toute entreprise dont les profits ont augmenté de 25 % sur cinq ans serait taxée. La logique est claire : dès que vous réussissez, vous êtes imposé. Je me bats depuis des années contre cette maladie française. On commence par taxer les profits des grandes entreprises et on finit par le faire pour toutes les sociétés, PME comprises. Les auteurs de cette proposition soutiennent que la mesure revêt un caractère exceptionnel. Or ce n'est pas le cas, puisque ses auteurs fixent son échéance à l'année 2025. Une telle réforme deviendrait alors permanente. Telle n'est pas la bonne solution : je lui préfère le dispositif européen, qui vise à prélever les énergéticiens uniquement en 2022 d'une taxe de 20 % lorsque les résultats de l'entreprise sont supérieurs de 20 % en 2021 par rapport à 2019. Ce dispositif est raisonnable. Chacun doit dévoiler la réalité de ses intentions dans le débat sur la fiscalité.

M. Gabriel Attal, ministre . - Je concentrerai mon propos sur la question des collectivités territoriales. Des propositions intéressantes en faveur des forêts ont été formulées. Je précise que le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI forêt) sera renforcé.

À la fin de l'année 2021, la situation globale des collectivités locales était très bonne, notamment en raison d'un transfert important de l'État durant la crise sanitaire, à hauteur de 10 milliards d'euros. Avec le « quoi qu'il en coûte », l'État s'est endetté, mais des dépenses des collectivités locales ont été évitées.

Pour l'année 2022, la photo est plus floue. Les collectivités territoriales doivent faire face à des dépenses supplémentaires, telles que l'augmentation du point d'indice ou la hausse de prix de l'énergie et de l'alimentation. Toutefois, certaines recettes continuent leur progression, notamment les impositions foncières ou la TVA. Ce matin, lors du comité des finances locales, j'ai annoncé qu'en 2022 la fraction des recettes de TVA allouée aux collectivités territoriales augmenterait de 9,6 %, contre des prévisions établies à 2,89 % au mois de mars dernier. Cela représente une recette supplémentaire d'un milliard d'euros tant pour les conseils régionaux que pour les conseils départementaux. La ville de Paris recevra quant à elle une somme de 500 millions d'euros. Certes, la situation n'est pas parfaite pour toutes les collectivités, mais certaines recettes ont globalement progressé deux fois plus vite que l'inflation en 2022.

Les communes assurant des charges de centralité sont davantage fragilisées. Je me réjouis de l'adoption cet été du filet de sécurité et je tiens à remercier les sénatrices et les sénateurs d'avoir enrichi le dispositif adopté par l'Assemblée nationale. Le décret d'application sera publié dans les prochains jours. Les premiers acomptes seront versés durant le mois de novembre aux communes éligibles à ce dispositif - soit environ 25 % d'entre elles. La hausse des dépenses d'énergie et d'alimentation sera prise en charge à hauteur de 70 %. Le soutien pour faire face à l'augmentation des charges de la masse salariale pourra aller jusqu'à 50 %.

Indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) serait irréaliste. Durant le quinquennat de François Hollande, cette pratique avait justifié les coupes claires qui avaient ensuite été décidées par le gouvernement. Comme je l'expliquais ce matin à M. André Laignel, il serait difficile de retirer demain aux collectivités locales un filet de sécurité indexé sur l'inflation si notre pays entrait en récession. Nous privilégions l'accompagnement des collectivités qui en ont le plus besoin. L'année prochaine, nous pourrons adapter ce dispositif en fonction des résultats constatés en 2022.

Et pour répondre à la question de Christine Lavarde, nous allons en effet adapter le texte qui vous est transmis aujourd'hui à la suite des « dialogues de Bercy ». Nous n'avons pas eu le temps d'indiquer dans le texte initial que nous allions abonder la DSU et la DSR de 210 millions d'euros. Très concrètement, cela représente 90 millions d'euros sur la DSU, 90 millions d'euros sur la DSR et 30 millions d'euros pour les intercommunalités.

Si nous ne prenions pas cette mesure, deux tiers des communes verraient, du fait des règles de la péréquation, leur DGF baisser l'an prochain, alors même que l'enveloppe globale est stable et sanctuarisée depuis 2017. Avec cette mesure en revanche, 70 % des communes verront leur DGF augmenter l'an prochain. Cette garantie a été qualifiée d'historique, y compris par des spécialistes du sujet et nous réfléchissons ainsi à renforcer la DSR péréquation.

M. Mizzon a demandé si, dans le cadre de l'actualisation des valeurs locatives, les commissions devaient poursuivre leurs travaux. La réponse est oui : ce travail est utile, ne serait-ce que parce que les premières remontées des commissions départementales nous ont permis de faire une forme de synthèse et d'arriver à la conclusion qu'il fallait suspendre l'application de la réforme.

En effet, ces synthèses affichaient des hausses de fiscalité de plus de 40 % pour les commerces de centre-ville et des baisses de 40 % pour des hypermarchés de périphérie. Quand bien même on appliquerait des mesures correctives - plafonnement, « planchonnement », lissage, etc. -, on arriverait toujours à +15 % pour le centre-ville et -15 % pour la périphérie. La décision a donc été prise - c'est aussi l'intérêt des « dialogues de Bercy » - de suspendre l'actualisation.

Tant que le système restera basé sur les valeurs locatives, la valeur locative au mètre carré en centre-ville sera supérieure, par définition, à celle de la périphérie. Aussi, j'estime qu'il convient probablement de réinterroger le modèle et les critères. Certains évoquent la valeur vénale, d'autres le chiffre d'affaires au mètre carré sur les dernières années. Voilà un beau de sujet de débat et de travail en commun qui pourrait nous permettre d'imaginer un système plus efficace, qui ne pénalise pas l'activité économique en centre-ville.

En ce qui concerne la CVAE, je ferai remarquer que la fraction de TVA est plus dynamique que la CVAE : ces dernières années, les recettes de TVA ont ainsi progressé davantage que les recettes de CVAE. Au travers de cette compensation, les collectivités sont donc gagnantes. Par ailleurs, la fraction de TVA est moins volatile que ne le sont les recettes de CVAE, qui varient beaucoup d'une année sur l'autre. L'exemple le plus édifiant est celui des collectivités disposant sur leur territoire d'un réacteur nucléaire à l'arrêt pour maintenance. La commune de Civaux, dans la Vienne, verra ainsi son montant de CVAE passer de 3,8 millions d'euros cette année à 53 000 euros l'année prochaine. Avec le système que nous proposons - suppression de la CVAE et compensation -, aucune commune ne pourra voir, par définition, sa CVAE baisser à l'avenir. Au mieux cette dernière sera stable et s'il existe une activité économique, elle augmentera. Cette garantie me semble intéressante.

La taxe d'aménagement a fait l'objet, elle aussi, d'une alerte dans le cadre des « dialogues de Bercy ». Il était demandé aux collectivités de rendre une délibération avant le 1 er octobre pour le partage avec les EPCI. À la suite de cette alerte, nous avons accordé un délai supplémentaire, jusqu'au 31 décembre. Toutes les collectivités n'en ont pas encore connaissance, je vous remercie donc de nous aider à relayer cette information.

Concernant la taxe de séjour, nous sommes toujours ouverts pour examiner les dossiers, mais nous devons, me semble-t-il, nous poser les bonnes questions sur la manière d'équilibrer des budgets. La taxe de séjour ne me semble pas être le moyen d'équilibrer durablement un budget. Méfions-nous des solutions de court terme qui font rentrer plus d'argent sur une année, mais pénalisent sur le long terme et font chuter l'activité touristique dans la capitale. Cela me fait penser aux loyers capitalisés. Nous avons voulu mettre fin à ce système de fuite en avant qui engrangeait des recettes de court terme sur l'année n, mais engageait en même temps la ville sur des dépenses pour les années à venir.

Afin d'équilibrer les budgets de certaines collectivités, nous considérons, il est vrai, qu'appliquer les trente-cinq heures aux fonctionnaires serait plus efficace que d'aller chercher des recettes supplémentaires en taxant les touristes. Sur cette question, il existe encore des marges de progrès.

M. Rémi Féraud . - Les trente-cinq heures s'appliquent déjà aux fonctionnaires de la ville de Paris !

M. Gabriel Attal, ministre . - Des contournements ont encore lieu.

S'agissant enfin du fonds vert, Christophe Béchu et Caroline Cayeux mènent actuellement un travail visant à définir les meilleures modalités. Notre ministère débloque les fonds ; il revient ensuite à mes collègues de définir les critères. Je peux vous dire néanmoins que j'ai attiré leur attention sur deux points particuliers : d'abord, la nécessité d'essayer de sortir de la logique d'appel à projets, qui représente un coût d'entrée trop important pour les collectivités ; ensuite, le souhait de déconcentrer au maximum le fonds, pour que l'interlocuteur des collectivités puisse être le préfet.

II. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (28 SEPTEMBRE 2022)

M. Claude Raynal , président . - Nous recevons ce matin M. Pierre Moscovici, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes.

En application des dispositions de l'article 61 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) révisée en décembre dernier, le Haut Conseil rend un avis sur les prévisions macroéconomiques, sur lesquelles reposent le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l'année, ainsi que sur la cohérence de l'article liminaire au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques. Le HCFP se prononce également sur le réalisme - j'insiste sur ce mot, qui a fait l'objet d'une bataille - des prévisions de recettes et de dépenses du projet de loi de finances de l'année.

Cette année voyant la présentation d'un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), destiné à succéder à une trajectoire 2018-2022 fort peu respectée, le Haut Conseil doit également se prononcer sur les prévisions macroéconomiques et l'estimation du produit intérieur brut (PIB) potentiel sur lesquelles repose cette programmation.

Alors que les hypothèses de croissance s'assombrissent à mesure des effets des tensions internationales, de la crise énergétique, mais aussi de l'inflation et de la remontée des taux d'intérêt, votre éclairage sur la sincérité et la crédibilité de la trajectoire budgétaire présentée, à la fois pour l'année qui vient, mais également pour la période quinquennale qui s'ouvre, sera précieux.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques . - Je vous remercie de m'avoir invité devant votre commission, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, afin de vous présenter les principales conclusions de nos deux avis, l'un relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2023 et l'autre au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Nous sommes clairement à un moment charnière pour nos finances publiques. Sous les effets de la crise sanitaire et du « quoi qu'il en coûte », nos finances publiques ont subi une détérioration inédite, en raison à la fois du repli de l'activité économique et des mesures de soutien d'urgence adoptées pour y faire face. Ces mesures étaient nécessaires : elles ont préservé la situation des ménages et des entreprises, maintenu la cohésion sociale et permis le rebond économique, fort et rapide, enregistré en 2021.

Pour autant, nos niveaux de déficit et de dette constituent toujours des freins pour l'avenir. Je ne suis ni un « ayatollah de l'austérité » ni une « Cassandre de la dette », mais un endettement trop important ne permet pas de dégager des marges de manoeuvre et affecte les capacités d'investissement pour répondre aux défis de demain - la transition énergétique, la santé, l'éducation - d'abord en les limitant, puis en les annulant.

C'est dans ce contexte que vous aurez à examiner la LPFP, dont la vocation est de constituer une ancre pour notre trajectoire budgétaire au cours des prochaines années et de permettre de se projeter sur le long terme, ainsi que les PLF et PLFSS pour l'année prochaine.

N'oublions pas que si la crise sanitaire a conduit la Commission européenne à déclencher la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance (PSC), autrement dit à suspendre l'application du PSC, cette clause devrait être désactivée en 2024 et le pacte devrait à nouveau s'appliquer. Nous ne sommes donc pas exonérés de l'obligation de construire une trajectoire soutenable des finances publiques ; nous sommes toujours membre de la zone euro et nous avons des engagements à respecter.

Les deux avis du Haut Conseil s'inscrivent pour la première fois dans le cadre du nouveau mandat que le législateur a bien voulu lui confier lors de l'adoption de la loi organique du 28 décembre 2021. Nous sommes saisis des prévisions macroéconomiques et nous devons également apprécier le réalisme - je me souviens bien des discussions sur ce mot - des prévisions de recettes et de dépenses des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Je m'en réjouis, car je suis convaincu que le Haut Conseil peut mieux jouer son rôle au service du Parlement et, à travers vous, des citoyens.

Je vais vous présenter successivement notre avis sur les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2023, puis celui concernant le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Je commencerai par un retour rapide sur la situation économique internationale et ses derniers développements.

Je ne vous surprendrai pas en vous rappelant que l'environnement économique international s'assombrit, que notre économie subit de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine, qui se sont notamment traduites par de fortes tensions sur les marchés de matières premières. Certes, des baisses ont eu lieu, notamment concernant le prix du baril de Brent, qui a retrouvé son niveau de février. Cependant, de très fortes hausses se sont produites : les prix de l'électricité et du gaz se sont envolés, poussés à la hausse par le risque d'une rupture complète d'approvisionnement en gaz russe, que nous ne pouvons d'ailleurs pas totalement exclure. Les chaînes d'approvisionnement restent encore perturbées, en raison de la crise du covid-19 et notamment des mesures de confinement imposées en Chine qui n'ont pas été levées, même si progressivement les difficultés sont en voie d'atténuation.

Les contraintes sur l'offre alimentent la hausse des coûts de production et, dans son sillage, celle des prix à la consommation. L'inflation atteint des niveaux très élevés - à 8,3 % sur un an aux États-Unis et à 9,1 % sur un an en zone euro en août -, conduisant les banques centrales à relever fortement leurs taux d'intérêt. Aux États-Unis, la Réserve fédérale a d'ores et déjà relevé de 300 points de base la fourchette de ses taux directeurs.

La Banque centrale européenne (BCE) a augmenté ses taux plus tardivement, puisqu'on se situe à 125 points de base depuis le mois de juillet, mais elle connaît aussi des hausses fortes, de 75 points de base par exemple le mois dernier. La BCE comme la Réserve fédérale ont d'ailleurs annoncé la poursuite du cycle de resserrement monétaire au cours des prochains mois, dans le but de respecter leur mandat qui est de lutter contre l'inflation.

Le cumul des chocs extérieurs, le maintien de l'inflation à des niveaux élevés sous l'effet de la diffusion progressive des hausses de coûts de production et le durcissement des politiques monétaires sont trois facteurs qui devraient peser sur l'activité mondiale au cours des prochains trimestres.

L'« atterrissage en douceur » des économies, visé par les banques centrales et retenu dans les prévisions des organisations internationales comme du Gouvernement, est, d'expérience, assez difficile à réussir. Il ne faut pas se le cacher : le resserrement monétaire en cours comporte un risque de récession économique, souligné par plusieurs organismes internationaux. Le dernier en date a été l'Organisation mondiale du commerce (OMC), hier ou avant-hier. La Banque de France donne des fourchettes, qui peuvent aller d'un peu plus de -1 jusqu'à + 0,8 %. Enfin, le président de la Réserve fédérale a été clair sur ce point ; il estime qu'une récession américaine est probable, voire nécessaire.

Dans ce contexte, l'avis du Haut Conseil sur les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023 porte deux messages importants. D'abord, concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement, le Haut Conseil considère que le taux de croissance retenu pour 2023 paraît un peu élevé. En revanche, il estime que les prévisions d'inflation, à + 4,2 %, et de masse salariale dans les branches marchandes, à +5,0 %, sont plausibles.

Le second message porte sur les prévisions de finances publiques. Le Haut Conseil estime que, bien que s'appuyant sur des hypothèses optimistes, le redressement des finances publiques prévu pour 2023 s'annonce lent et incertain : sous les hypothèses du Gouvernement, le déficit public effectif serait stable, l'amélioration du solde structurel très limitée et le ratio de dette quasi stable.

Je vais détailler ces deux messages.

Selon le scénario du Gouvernement, la croissance du PIB s'établirait à 2,7 % en 2022 et 1 % en 2023.

Pour 2022, bien que des incertitudes pèsent encore sur l'activité de fin d'année, le fort dynamisme des recettes rend crédible et plausible l'hypothèse de 2,7 %.

En revanche, pour 2023, la prévision du Gouvernement s'écarte sensiblement du consensus forecast , c'est-à-dire des hypothèses des instituts de prévision. Les instituts auditionnés par le Haut Conseil fournissent des fourchettes de prévision de croissance comprises entre 0 et 0,6 %, traduisant un net ralentissement, voire une baisse, de l'activité au cours de l'hiver prochain, suivi d'un rebond très modéré. Le consensus des économistes est à 0,6 %. Les dernières prévisions relatives à l'économie allemande, comme celles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parues ce lundi, anticipent une récession en 2023 alors que la prévision du Gouvernement est à 0,8 point. Or nous sommes interdépendants avec nos partenaires allemands. Cette dégradation du contexte international risque donc de peser sur les exportations françaises plus que prévu par le Gouvernement, alors que ce dernier prévoit plutôt une contribution positive du commerce extérieur.

Les hypothèses du Gouvernement sur lesquelles sont construites les prévisions de consommation et d'investissement sont de plus fragiles, dans un contexte marqué par l'inflation.

Notons que des aléas baissiers importants existent. Le scénario du Gouvernement n'intègre pas de difficulté majeure en matière d'approvisionnement en gaz ou en électricité, non plus que la perspective d'une récession qui pourrait résulter de tensions énergétiques ou d'un durcissement brutal des conditions financières. Enfin, des conditions sanitaires plus défavorables que prévu - même si elles ne sont évidemment pas souhaitables - ne peuvent être exclues.

Le Haut Conseil estime, par conséquent, que la prévision du Gouvernement à +1 % est un peu élevée.

Selon le Gouvernement, la progression de l'indice des prix à la consommation serait de 5,3 % en moyenne annuelle en 2022, ce qui est jugé crédible par le Haut Conseil.

L'inflation attendue en 2023 a été révisée en forte hausse, à 4,2 % en moyenne annuelle contre 3,2 % dans le programme de stabilité que vous avez examiné l'été dernier. Plusieurs facteurs continueront de jouer dans des sens contraires l'année prochaine. Nous estimons qu'ils s'équilibrent et que cette prévision est crédible.

Le Haut Conseil considère également que la prévision de masse salariale et d'emploi pour 2022 et 2023 est plausible.

Je récapitule donc notre avis sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement pour 2023 : une prévision de croissance un peu élevée - j'espère seulement un peu élevée -, une prévision d'inflation crédible, des prévisions d'emploi et de masse salariale plausibles.

Venons-en maintenant aux prévisions sur les finances publiques.

Le Gouvernement prévoit un solde public effectif de -5,0 points de PIB en 2022 et 2023, après -6,5 points de PIB en 2021.

En 2022, la prévision de recettes paraît un peu basse, compte tenu des rentrées fiscales observées et de l'évolution prévue de la masse salariale. Selon le Haut Conseil, le déficit public pourrait donc être un peu inférieur à 5 points de PIB.

En revanche, pour 2023, même si les prévisions sont très incertaines, comme l'est la prévision macroéconomique, les recettes pourraient pâtir de l'impact négatif d'une croissance plus faible que prévu, mais bénéficier en retour d'un effet de base des recettes sur 2022 favorable. Le niveau de dépenses publiques paraît incertain et les risques sont plus orientés à la hausse qu'à la baisse, notamment au regard de la situation sanitaire. En 2022, il pourrait être un peu inférieur à 5 points de PIB, et en 2023, un peu supérieur à 5 points de PIB. Ce qui peut être attendu est donc, au mieux, une stabilisation du déficit public effectif.

Détaillons d'abord plus précisément les prévisions d'évolution des recettes.

Le Gouvernement prévoit une hausse très nette des prélèvements obligatoires (PO), de 7,8 % en 2022, qui les porterait à 1 194 milliards d'euros, chiffre qui pourrait même être légèrement dépassé.

Pour 2023, la prévision de PO est de 1 234 milliards d'euros, soit + 3,3 % par rapport à 2022. Elle est inférieure à celle de la croissance du PIB en valeur, soit une élasticité inférieure à l'unité due au net ralentissement attendu par le Gouvernement de quelques grands impôts, ce qui nous paraît justifié. C'est par exemple le cas de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés.

Pour 2022 comme pour 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions de prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu. Les données de rentrées fiscales tendent toutefois à indiquer des recettes un peu plus élevées en 2022, tandis que les aléas sont plus équilibrés pour 2023.

Passons maintenant à l'analyse de l'évolution des dépenses publiques.

En 2022, les dépenses publiques, hors crédits d'impôt, devraient progresser de 4,2 % pour atteindre 57,6 points de PIB. Corrigées du déflateur du PIB, indice des prix pertinent pour l'analyse des finances publiques, elles progresseraient de 1,4 point en volume.

C'est une croissance soutenue, en dépit du fort repli des dépenses de soutien face à la crise sanitaire. Une fois neutralisées les dépenses liées à la crise sanitaire, celles de relance et les mesures prises pour faire face à la hausse des prix de l'énergie, les dépenses publiques déflatées par les prix du PIB progresseraient tout de même de 3,5 %.

En 2023, la dépense publique devrait ralentir à 2,8 %, ce qui, avec une inflation élevée, devrait conduire à une baisse de la dépense publique en volume de - 0,8 point de PIB, avec le déflateur du PIB. Cela s'explique toutefois essentiellement par le reflux des dépenses exceptionnelles dues à la crise sanitaire et celles de relance.

Une fois ces dépenses déflatées, la dépense publique progresserait au contraire de 0,7 point en volume. Les dépenses dans le champ de l'Ondam, à +3,7 % hors dépenses liées à la crise sanitaire, progresseraient plus rapidement qu'avant la crise sanitaire, tandis que, tirées par la hausse des crédits de plusieurs ministères - emploi, intérieur, justice, défense en particulier -, les dépenses de l'État sur le champ très large de la nouvelle « norme », qui regroupe la très grande majorité des dépenses de l'État, sont inscrites en hausse de 24 milliards d'euros.

Les hypothèses de dépense publique restent affectées par des incertitudes fortes relatives au coût des boucliers tarifaires sur l'électricité et le gaz, qui peuvent jouer à la hausse comme à la baisse. Des risques de dépassement existent par ailleurs pour certaines dépenses, par exemple celles dans le champ de l'Ondam qui comprennent une provision de seulement 1 milliard d'euros au titre des dépenses de covid-19 sur les achats de vaccins et la campagne de tests. Cette provision suppose une chute massive des dépenses de tests, à savoir une division par 20, et risque de se révéler très insuffisante. Par ailleurs, le maintien d'une inflation élevée en 2023, pour la deuxième année consécutive, pourrait entraîner une hausse plus forte que prévu de certaines dépenses de fonctionnement difficilement compressibles ou d'investissement, tandis que la prévision suppose - je le souligne à votre intention - l'absence de revalorisation du point fonction publique.

Aussi le Haut Conseil considère-t-il que certaines dépenses pourraient être sous-estimées. La prévision de déficit pour 2023, de 5,0 points de PIB, semble par conséquent également légèrement sous-estimée, même si elle reste marquée par une grande incertitude.

Je résume l'analyse de la situation des finances publiques qui résulte de notre examen : bien que s'appuyant sur des hypothèses optimistes, le Gouvernement prévoit pour 2023 une simple stabilité du déficit public effectif, une amélioration limitée du solde structurel et une quasi-stabilité du ratio de dette. Le redressement des finances publiques s'annonce ainsi lent et incertain en 2023.

Le Haut Conseil a également examiné le projet de loi de programmation des finances publiques qui vous est soumis. Trois missions lui incombent : apprécier l'estimation du PIB potentiel proposée par le Gouvernement, se prononcer sur les prévisions macroéconomiques associées à ce projet, examiner la cohérence de la programmation envisagée au regard de l'objectif d'équilibre structurel à moyen terme retenu et des engagements européens de la France.

S'agissant de la croissance potentielle et de l'écart de production, soit l' output gap , le Haut Conseil considère que les hypothèses d'écart de production et de croissance potentielle sont toutes deux optimistes.

La croissance potentielle de l'économie serait ainsi, selon le Gouvernement, de 1,35 % sur la période 2023-2027. Cette hypothèse est légèrement plus élevée que celles du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), beaucoup plus élevée que celles de la Commission européenne et de l'OCDE, qui la situent plutôt autour de 1 %, tout comme les travaux du Haut Conseil.

L'estimation du Gouvernement suppose notamment que le net ralentissement de la population active prévu par l'Insee sera plus que compensé par les effets des réformes qu'il annonce - réformes du revenu de solidarité active, de l'assurance chômage, de l'apprentissage, des retraites - sur lesquelles il a fourni peu d'informations au Haut Conseil. Nous n'en connaissons ni les modalités ni le calendrier. Cependant, même si ces réformes étaient mises en oeuvre rapidement, elles ne pourraient en tout état de cause produire leurs effets que progressivement.

Le Gouvernement estime que l'écart de production s'établirait en 2022 à - 1,1 point de PIB. Cette estimation est, elle aussi, optimiste. Elle se situe dans le bas de la fourchette des organisations internationales, à comparer notamment à - 0,4 % pour la Commission européenne ou encore - 0,7 % pour le FMI. Elle n'est pas confirmée par les données d'enquêtes de conjoncture auprès des entreprises. Elle semble notamment incompatible avec les difficultés de recrutement déclarées par les entreprises dans de nombreux secteurs de l'économie.

Ce scénario de croissance potentielle et d'écart de production optimiste conduit à un scénario macroéconomique pour la période 2023-2027, qui l'est tout autant, selon nous.

J'ai déjà évoqué 2023, je n'y reviens pas. Pour la période qui suit, de 2024 à 2027, le Gouvernement retient une croissance du PIB de 1,7 % par an en moyenne.

Cette hypothèse de croissance suppose que soient réunis plusieurs facteurs favorables. Elle repose d'abord sur une baisse rapide du taux d'épargne des ménages, qui n'est nullement garantie au regard de leurs comportements habituels. La prévision de croissance du Gouvernement suppose également que l'investissement des entreprises se maintienne, sur toute la période, à son niveau de 2020-2021, qui était supérieur à celui atteint les vingt années précédentes, alors que les conditions de financement se durcissent. Enfin, dans le scénario du Gouvernement, le commerce extérieur contribuerait également positivement à la croissance, grâce à des gains de parts de marché à l'exportation, ce qui suppose une rupture forte avec la tendance des deux dernières décennies ; les derniers chiffres ne vont pas tout à fait dans ce sens.

Enfin, le Gouvernement suppose que l'inflation se résorberait avec une remontée seulement modérée des taux d'intérêt, alors même que des incertitudes fortes entourent la remontée de taux qui sera effectivement nécessaire pour maîtriser l'inflation.

Si aucune de ces hypothèses prises isolément n'est totalement irréaliste, chacune d'elles est favorable et leur combinaison conduit à un cadrage d'ensemble optimiste.

Enfin, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la programmation avec l'objectif à moyen terme, d'une part, et avec les engagements européens de la France, d'autre part.

Ces engagements européens résultent principalement du pacte de stabilité et de croissance ainsi que du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, signé en 2012. Ces textes nous engagent. Comme vous le savez, la Commission européenne a déclenché, en mars 2020, la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, qui permet aux États membres de s'écarter des exigences budgétaires normalement applicables, à condition de ne pas mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme, mais seulement en principe jusqu'à la fin de l'année 2023.

Au-delà, le pacte de stabilité modifié - il doit l'être, j'espère qu'il le sera, mais il ne sera pas supprimé - devrait donc retrouver sa pleine application. Or la trajectoire présentée ici s'écarte des engagements qui en découlent à plusieurs égards.

Premièrement, le retour du déficit effectif sous les 3 % ne s'opère pas avant 2027, alors que pour la plupart de nos partenaires de l'Union européenne et de la zone euro, ce retour est prévu avant 2025.

Deuxièmement, la convergence vers l'objectif de moyen terme, fixé à - 0,4 point de PIB, est lente et reportée après la période de programmation, probablement longtemps après. En effet, le projet de LPFP prévoit d'atteindre un solde structurel de - 2,8 points en 2027, soit un écart de plus de 2 points par rapport à cet objectif.

Troisièmement, l'ajustement structurel prévu, c'est-à-dire l'amélioration du déficit structurel d'une année sur l'autre, est sensiblement inférieur à 0,5 point de PIB par an, alors que selon les règles applicables à la France, il devrait être supérieur.

Enfin, il convient de noter que le ratio de dette publique s'infléchirait seulement légèrement en fin de période de programmation pour s'établir à 111 points de PIB en 2027, alors même que les hypothèses de croissance sont plutôt optimistes.

Cette trajectoire est trop peu ambitieuse et sa crédibilité doit être renforcée. En effet, bien que l'ajustement structurel prévu soit très graduel, la trajectoire repose sur une quasi-stabilité en volume des dépenses publiques, soit une maîtrise nettement plus forte que celle qui a prévalu pendant les deux dernières décennies et qui n'est guère documentée.

Ce sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, avec le concours de l'équipe qui m'entoure et qui travaille toujours dans des conditions extrêmement tendues ; nous sommes saisis tardivement sur des données parfois incomplètes. Je profite donc de l'occasion pour la remercier de la qualité de son travail.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Nos équipes travaillent elles aussi dans l'urgence et reçoivent tardivement des documents budgétaires qui engagent pourtant le pays pour une longue durée. On peut donc parler de parallélisme en termes de forme, mais aussi d'efforts !

Le président a rappelé vos propos sur le réalisme des prévisions. Pour ma part, je pense qu'il faut dire la vérité aux Français sur la gravité des crises que nous traversons. Malgré les « boucliers » mis en place pour les protéger, les Français ont l'impression que les institutions et les représentants politiques ne vivent pas les mêmes situations qu'eux. Je le dis aujourd'hui afin d'éviter des débordements lors des prises de parole publiques, mais aussi un embrasement de l'opinion et la montée des colères.

Je vous poserai à présent trois questions.

La prévision de croissance retenue par le Gouvernement, que vous jugez un peu élevée, peut-être même élevée, apparaît très optimiste compte tenu du contexte. Dès lors, comment croire à la crédibilité du scénario macroéconomique et d'évolution des finances publiques ?

Si l'on met en perspective l'évolution tendancielle des dépenses de chacune des catégories d'administration avec la cible proposée par le Gouvernement, on constate que les efforts demandés aux collectivités locales sont relativement plus importants que ceux qui sont demandés à l'État et à la sécurité sociale. Pensez-vous qu'il faudrait davantage chercher des leviers d'économies dans la sphère sociale et dans les dépenses de l'État ?

Vous avez fait très justement remarquer dans votre avis que la trajectoire d'évolution de notre solde structurel n'est pas conforme à nos engagements européens, même si ceux-ci sont encore temporairement mis en sommeil. Cette situation n'affaiblit-elle pas notre position dans la négociation sur la gouvernance budgétaire à l'échelon européen ?

En outre, dans la mesure où la trajectoire du solde structurel s'éloigne très fortement des standards sur lesquels on pourrait envisager que la négociation européenne aboutisse, doit-on considérer que cette loi de programmation n'est que temporaire et qu'une autre devra être prise pour tenir compte du résultat des négociations ?

M. Claude Raynal , président . - Dans son projet de budget pour 2023, le Gouvernement poursuit la baisse des impôts - après la suppression de la redevance, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la troisième tranche de la taxe d'habitation pour les hauts revenus - pour un montant total de 11 milliards d'euros. Une baisse des dépenses ou une augmentation des recettes d'un montant équivalent est-elle prévue ?

M. Pierre Moscovici . - Pour faire suite à vos propos, monsieur le rapporteur général, je tiens à dire que nous sommes toujours attentifs à livrer à temps nos travaux aux commissions des finances des deux assemblées, devant lesquelles j'ai toujours plaisir à venir.

Le Haut Conseil juge la prévision de croissance « un peu élevée », mais elle pourrait devenir « élevée ». Le Gouvernement s'adapte progressivement. Il a pour l'instant retenu le taux de croissance qui faisait consensus précédemment. Le consensus se situe aujourd'hui à 0,6 %. C'est pour cela que je dis qu'un taux de 1 % est un peu élevé. Si nous nous trouvions dans une situation plus dégradée, le taux retenu par le Gouvernement serait carrément élevé. Cela aurait des effets au premier chef sur les recettes. Pour résumer, nous jugeons le taux de croissance envisagé un peu élevé aujourd'hui et incertain.

J'ai donné précédemment les chiffres sur les efforts demandés aux collectivités locales. Les dépenses des ministères s'élèvent à 24 milliards d'euros et continuent de croître. J'ai par ailleurs souligné l'évolution de l'Ondam. Dans le domaine de la santé, il y a à la fois des gisements d'économie - dans le numérique et dans l'organisation de notre système de soins - et des sources de dépenses supplémentaires, à l'hôpital et dans les Ehpad. Un rapport de la Cour des comptes a montré que nous devions investir plus pour nos anciens.

Enfin, sur le solde structurel, incontestablement, nous n'y sommes pas. Je pense que nous avons des difficultés de convergence au sein de la zone euro. Il existe aujourd'hui deux groupes : un groupe de onze pays dont la dette publique est inférieure à 80 % du PIB et un groupe de sept pays, dont nous faisons partie, dont la dette publique est supérieure à 100 % du PIB. Dans ce groupe, comme dans l'ensemble de la zone euro, nous sommes le pays dont l'effort de redressement des finances publiques est le plus lent. Le déficit de la quasi-totalité de nos partenaires sera inférieur à 3 % en 2025, quand nous prévoyons d'atteindre cet objectif la dernière année de la programmation. Nous soulignons qu'il faut être plus ambitieux. Une fois les règles « rebranchées », la Commission européenne tiendra compte des engagements que nous avons pris et de leur respect, mais aussi du respect des règles en général. Il y va donc de notre crédibilité.

Le Haut Conseil ne se prononce pas sur la baisse des impôts ni sur les différentes dépenses publiques. La Cour des comptes a souligné, elle, que, avec des déficits très élevés, une croissance plutôt limitée, des dépenses publiques soutenues, il existe peu de marges de manoeuvre pour baisser les impôts, sauf à augmenter encore le déficit et la dette. Donc oui, les baisses d'impôts doivent être compensées par une hausse des recettes à due concurrence ou par une maîtrise de la dépense accrue. Il me semble que les chiffres que je vous ai donnés sont une réponse à votre question, monsieur le président.

M. Claude Raynal , président . - Merci de le confirmer, monsieur le président !

Mme Christine Lavarde . - Monsieur le président, vous nous avez dépeint un tableau très noir de la situation ! Après vous avoir écouté, nous n'avons plus aucune certitude sur l'ensemble des documents qui nous ont été transmis.

Pensez-vous que l'objectif d'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités locales de 3,8 % prévu à l'article 16 de la LPFP soit atteignable, compte tenu des charges qui pèsent sur ces collectivités, notamment la revalorisation du point d'indice de 3,5 %, mais aussi les dépenses d'alimentation et de transport ?

Ma deuxième question porte sur les différentes stratégies mises en oeuvre par les États membres de l'Union européenne pour concevoir leur trajectoire budgétaire. Bruno Le Maire se réjouissait lundi dernier, car le taux de croissance de la France devrait être positif en 2023 quand l'Allemagne connaîtra a priori une récession. Il soulignait que la politique menée ces derniers mois était plus bénéfique. Comment évaluer si l'argent public a été mieux investi en en dépensant beaucoup avant et un peu moins ensuite ? Le regard objectif du Haut Conseil serait intéressant.

Enfin, vous n'avez pas parlé ce matin de la sensibilité de la charge de la dette à la remontée des taux. Les taux sont très volatils en ce moment. Avez-vous fait des calculs pour le futur ?

M. Didier Rambaud . - Vous l'avez dit et nous n'en sommes pas surpris, notre pays a besoin d'un programme d'économies solides. Force est de reconnaître que, en tant que parlementaires, nous voyons rarement des propositions véritablement audacieuses de réduction des dépenses. On a plutôt tendance à penser qu'il y a des dépenses qui peuvent rapporter et des économies qui peuvent coûter...

Quelles pistes doivent être privilégiées, au-delà de la réforme de l'assurance chômage et de celle des retraites, pour réaliser plus d'économies ?

À l'échelon européen, vous avez rappelé que la trajectoire présentée par le Gouvernement est peu ambitieuse. Or ne faudrait-il pas considérer que les règles européennes sont aujourd'hui désuètes, contraignantes et inadaptées au contexte de crise que nous connaissons et eu égard aux investissements que nous devons réaliser en matière de transition énergétique ?

Mme Isabelle Briquet . - Dans le contexte d'incertitudes que nous connaissons, alors que des dépenses de solidarité peuvent s'imposer, pensez-vous qu'il soit opportun de se priver de recettes ou de s'entêter à ne pas en chercher de nouvelles, en taxant notamment les profits exceptionnels ?

M. Michel Canévet . - Comme Didier Rambaud, je constate que très peu de propositions sont faites pour réduire les dépenses. Selon vous, le projet de loi de finances pour 2023 traduit-il l'ambition de maîtriser les dépenses de fonctionnement ? La distinction est-elle suffisamment faite entre les dépenses de fonctionnement, qui doivent être réduites, et les investissements nécessaires, par exemple à la transition énergétique ?

Par ailleurs, on constate une hausse des recettes fiscales de l'État. Doit-on s'attendre à une baisse significative de ces recettes, dans un contexte de baisse des prélèvements obligatoires ?

M. Sébastien Meurant . - Ma première question porte sur la dette et la charge des intérêts de la dette. On sait que la dette va continuer d'augmenter. Alors que les taux actuels devraient baisser et être presque négatifs, pourquoi la charge des intérêts de la dette serait-elle sensiblement égale ?

Sur l'énergie, les règles européennes sont désuètes également. L'Espagne et le Portugal, en étant sortis du marché européen régulé de l'énergie, se portent beaucoup mieux. Quel est l'intérêt pour nous, Français, avec une production décarbonée, nucléaire, de rester dans ce marché de l'énergie ?

M. Pierre Moscovici . - Madame Lavarde, je ne donnerai pas de couleur au tableau que j'ai peint. Le Haut Conseil est une instance indépendante, formée d'économistes pour l'essentiel, nommés par les différentes autorités de l'État. Ils travaillent en toute indépendance et en toute objectivité. Je le dis franchement, nos avis méritent d'être lus en détail, y compris pour préparer les discussions que vous allez avoir avec l'exécutif dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, car ils contiennent des appréciations nuancées et précises.

J'ajoute que nous sommes dans un contexte de très grande incertitude. Une autre loi de programmation des finances publiques sera-t-elle ou non nécessaire ? Il est trop tôt pour le dire. Le fait est qu'il faut au moins une loi, car il est compliqué de fonctionner sans loi de programmation des finances publiques. C'est compliqué pour le Haut Conseil, mais aussi pour la Commission européenne. Il faut une ancre budgétaire.

Le Haut Conseil a souligné que le contexte inflationniste provoquait des risques de dépassement pour les collectivités locales. L'objectif est atteignable, mais peut-être un petit peu optimiste.

Je ne m'engagerai pas dans un débat politique sur la comparaison entre la France et l'Allemagne. Les évolutions allemandes sont spécifiques et liées à deux facteurs : d'une part, la dépendance de l'Allemagne au gaz russe, qui n'est pas la nôtre ; d'autre part, le fait qu'elle est une économie beaucoup plus industrielle et exportatrice que la nôtre, qu'elle est davantage dépendante des difficultés dans les chaînes d'approvisionnement à l'échelle mondiale. Il n'est pas absolument certain qu'il s'agisse là d'évolutions de long terme.

La hausse des taux a déjà entraîné une hausse de la charge de la dette en 2022, à hauteur de 12 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques. L'essentiel de la dette étant contracté à long terme, ce sont les taux à long terme qui constituent le principal risque. Or les taux à long terme ont déjà augmenté, de 150 points de base depuis un an pour les taux à dix ans. Cela commence déjà à se voir dans la charge de la dette. En 2023, l'impact sera limité, mais à long terme, sur dix ans, cette hausse représentera 70 milliards d'euros en plus, si la hausse des taux à long terme se maintient au niveau actuel, ce qui n'est pas acquis. On voit les conséquences d'un niveau d'endettement élevé et la nécessité de réduire la dette, alors que les risques sont clairement haussiers.

Monsieur Rambaud, l'appréciation du Haut Conseil sur les règles de l'Union européenne est nuancée. Nous ne nous interdisons pas de nous prononcer sur ce sujet. Ces règles sont en partie obsolètes et elles devront être modifiées. Des projets sont d'ailleurs en cours d'élaboration, mais il ne faut pas se faire d'illusions : nous avons besoin d'une ancre pour les finances publiques. On ne sait pas faire de finances publiques sans règles ! Certaines règles seront probablement conservées. La règle des 3 % est assez robuste. C'est le niveau à partir duquel la courbe de la dette s'infléchit. En revanche, la règle selon laquelle la dette ne doit pas représenter plus de 60 % du PIB n'est pas tenable. Il y aura sans doute une appréciation plus nationale des niveaux de dette, ce qui ne sera pas forcément un cadeau pour les pays qui sont plus endettés que d'autres. Enfin, la question de la prise en compte de certains investissements, notamment ceux qui sont liés à la transition énergétique, se pose. Attendons-nous donc à ce que les règles soient modifiées, moins rigides, plus lisibles. N'imaginons pas toutefois que ces modifications exonéreront un pays fortement endetté de se désendetter.

J'en viens à la taxation des superprofits. Le rôle du Haut Conseil n'est pas de porter un regard sur les décisions politiques. Il a été question que le Haut Conseil puisse se prononcer sur le chiffrage des mesures nouvelles. Il serait assez utile que notre mandat soit modifié en ce sens parce que nous avons comme vous parfois des problèmes de documentation sur des mesures qui sont proposées. Toute évolution de nos prélèvements doit selon nous être examinée à l'aune de la situation d'équilibre de nos finances publiques. Je redis que les baisses d'impôt qui ne seraient pas financées par des réductions de dépenses ou l'augmentation d'autres impôts iraient à l'encontre de la préservation de la soutenabilité de nos finances publiques.

J'ai écouté avec attention les autres questions : soit j'y ai déjà répondu, soit je ne peux pas y répondre. Sur le marché de l'électricité, je vous renvoie, monsieur Meurant, au rapport publié par la Cour des comptes avant l'été. Il pourra, je pense, être utile à votre réflexion.

M. Claude Raynal , président . - Je vous remercie de vos réponses, monsieur le Président.

III. AUDITION DE MM. MAXIME DARMET, ÉCONOMISTE FRANCE À ALLIANZ, DENIS FERRAND, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE COE-REXECODE ET ÉRIC HEYER, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT ANALYSE ET PRÉVISION DE L'OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ÉCONOMIQUES (OFCE), SUR LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES DE LA FRANCE POUR LES ANNÉES 2023 À 2027 (19 OCTOBRE 2022)

Présidence de M. Bernard Delcros, vice-président.

M. Bernard Delcros , président . - Nous recevons, dans le cadre d'une audition commune consacrée aux perspectives économiques de la France pour les années 2023 à 2027, M. Denis Ferrand, directeur général de l'institut Rexecode, M. Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et M. Maxime Darmet, économiste senior chargé des États-Unis et de la France pour le groupe Allianz.

Cette audition s'inscrit dans le cadre des travaux de notre commission relatifs à l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du président de la commission et du rapporteur général, qui regrettent de ne pouvoir participer à cette audition.

Ces deux projets de loi sont construits sur un ensemble d'hypothèses macroéconomiques formulées par le Gouvernement et sur lesquelles notre commission souhaite entendre vos analyses, après avoir entendu, en septembre dernier, M. Pierre Moscovici en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1 % en 2023, « hypothèse haute » en comparaison du consensus des économistes. En outre, il considère que les capacités potentielles de l'économie française progresseraient entre 2023 et 2027 comme avant la crise, c'est-à-dire à un rythme d'environ 1,35 % par an en volume. Par ailleurs, il estime qu'actuellement l'économie fonctionne en dessous de ses capacités potentielles, ce qui implique que nous bénéficierions d'un potentiel de rebond.

Sur l'ensemble de la période 2023-2027, le Gouvernement retient plusieurs hypothèses : une croissance annuelle moyenne d'environ 1,7 %, une normalisation progressive de l'inflation, une hausse du taux d'activité et une baisse durable du taux de chômage. Nous attendons vos observations, compte tenu également des éléments les plus récents dont vous disposez.

M. Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode . - En fait, et c'est souvent le propre des prévisionnistes, il nous faut expliquer ce qu'on n'a pas forcément vu venir hier ! Actuellement, les économies sont très perturbées par les évolutions de prix, qui n'avaient pas vraiment été anticipées.

Permettez-moi de revenir sur les mécanismes qui ont été mis en place depuis la crise de la covid.

Au moment du confinement, la production a été soumise à une contrainte maximale, tandis que la demande est restée relativement stable, les revenus des ménages et les liquidités des entreprises étant préservés grâce aux mesures publiques.

À partir du second semestre de 2020 et tout au long de l'année 2021, on a assisté à un rebond extrêmement fort de l'activité économique, mais très disparate selon les secteurs : ce sont les achats de biens qui en ont essentiellement profité, la contrainte s'exerçant davantage sur la demande de services. Aux États-Unis, la consommation de biens durables a même augmenté de 30 %, ce que personne n'aurait pu anticiper en 2019, alors que l'outil de production n'était pas encore totalement opérationnel. Les pénuries matérielles très fortes qui en ont résulté ont eu pour conséquence la hausse du prix de nombreuses matières premières et des tensions sur l'offre.

En 2022, c'est à une mécanique inflationniste que l'on est confronté, à laquelle s'ajoute le choc lié à l'augmentation du prix de l'énergie.

Pour résumer : un déséquilibre offre-demande sur le marché des biens en sortie de confinement ; une accélération intense (+14 %) de la masse monétaire en 2021 ; une relance très forte, notamment aux États-Unis, où une décorrélation s'installe entre le revenu des ménages et la production de richesses ; une mobilité accrue de la main-d'oeuvre, notamment aux États-Unis, où un emploi sur six avait été supprimé pendant le confinement, cette mobilité étant propice à une hausse des salaires - les salaires des personnes ayant changé d'emploi ont progressé de 7 %, contre 5 % pour les autres.

À ce détonateur qu'ont été les pénuries matérielles s'est ajouté un second détonateur, le conflit ukrainien, lequel n'a pas été le véritable déclencheur de l'inflation.

Partant, trois phénomènes se sont manifestés.

Premièrement, on observe un recul du pouvoir d'achat pour les revenus non indexés, provoquant une tension à la baisse sur la demande, et des entreprises qui ne répercutent pas l'intégralité des hausses de coûts de production, ce qui entraîne une contraction de leur demande.

Deuxièmement, on note une baisse de la valeur réelle de l'épargne, sachant que le patrimoine, c'est le pouvoir d'achat futur de l'épargnant. Pour notre part, nous faisons le pari que celui-ci voudra préserver la valeur réelle de son épargne, ce qui conduira les ménages, mais aussi les entreprises, à fournir un effort d'épargne plus important. Ce ne sera pas sans effet sur l'activité.

Troisièmement, les revenus indexés sur l'inflation, par exemple ceux qui sont produits par les obligations indexées, ainsi que l'atténuation du choc inflationniste par l'intervention publique constituent une forme de persistance de l'inflation. S'y ajoute la dépréciation du taux de change euro/dollar, entretenant une inflation importée. En retour, on assiste à une réaction des politiques monétaires.

Notre hypothèse de croissance n'est pas tout à fait celle du Gouvernement : nous penchons davantage pour une stagnation de l'activité en 2023, avant une lente récupération.

Quand survient un ralentissement économique, des tensions se dénouent. Par exemple, les délais de livraison des fournisseurs sont désormais revenus à la normale. Les situations de pénurie s'atténuent.

Aux États-Unis, l'offre et la demande de travail tendent à converger de nouveau, alors que, auparavant, l'offre de travail, inférieure à la demande, exerçait une pression haussière sur les salaires, ce qui devrait atténuer l'inflation salariale. En zone euro, le diagnostic est un peu moins bon : les anticipations de prix formulées par les chefs d'entreprise qui avaient commencé à reculer, repartent à la hausse en raison de la crise énergétique. L'écart actuel de 300 euros le mégawattheure entre le prix spot sur le marché de l'électricité et le prix à trois mois indique que les acteurs anticipent un hiver compliqué.

Le taux d'investissement des entreprises est élevé et les créations d'emplois sont très nombreuses. Jusqu'à présent, elles n'avaient pas été contraintes, comme c'est habituellement le cas en période de ralentissement de la conjoncture, car leur viabilité n'était pas menacée - quand elles ne peuvent pas faire face à une échéance de paiement -, car leur liquidité a été préservée. Vont-elles désormais être plus prudentes en matière d'investissements et d'emplois ? De notre point de vue, c'est en train de changer, ce qui doit nous alerter.

Les défaillances d'entreprises ont été d'un niveau très bas en 2019 ; en revanche, sur les neuf premiers mois de 2022, les radiations d'entreprises ont augmenté de 37 % par rapport à 2019.

En résumé, l'économie fait face à des chocs d'offre négatifs, particulièrement en Europe, avec des contraintes sur la production, sur la quantité, avec une inflation importée et une réduction des bilans. La hausse des taux se traduit d'ores et déjà par une baisse de la valeur des obligations à hauteur de 20 %, ce qui réduit les possibilités d'arbitrages. Ne négligeons pas ce krach muet que subissent les valeurs obligataires !

Les circonstances exceptionnelles que nous avons connues sont en train de se résorber et l'économie est à la recherche d'un nouvel équilibre. Les écarts vont se réduire, mais au prix d'une récession. La situation de très faible croissance que nous vivons actuellement peut assez rapidement se muer en récession. Ainsi, en Allemagne, les anticipations sont très dégradées.

Pour finir, quelques observations sur les finances publiques.

Les perturbations des années récentes ajoutent des menaces aux changements de tendance en cours : du fait du ralentissement démographique, la population en âge de travailler recule depuis 2011 et la population active ne progresse plus ; nous observons un affaiblissement des gains de productivité ; quant à la nécessité d'accélérer la décarbonation, elle n'est pas un facteur de croissance potentielle additionnelle, mais une réallocation d'objectifs d'investissements ; enfin les conditions de financement sont plus difficiles, avec des taux plus élevés pour une plus longue période.

Selon les prévisions du Gouvernement, l'écart de production serait encore positif entre le niveau de PIB potentiel et le niveau de PIB attendu. Selon nous, cet écart de production est résorbé compte tenu des tensions fortes sur l'activité et du fort taux d'utilisation des capacités de production. Nous anticipons une croissance potentielle d'environ 0,9 %, en actant les gains de productivité antérieurs.

Dans la mesure où la population active ne progresse plus, tout ce qui permettra d'augmenter le taux d'activité, notamment des salariés les plus âgés, sera bénéfique pour la croissance potentielle. À côté de cela, la transition énergétique, indispensable, c'est aussi de la destruction accélérée du capital, ou bien son simple remplacement, ce qui a des conséquences sur le processus productif.

Tous ces éléments nous invitent donc à retenir des hypothèses de croissance potentielle très prudentes, sachant aussi que toute récession altère le potentiel productif. En conséquence, nous tablons sur un déséquilibre des finances publiques plus marqué que celui qui est envisagé par le Gouvernement. Ainsi, nous envisageons une dette publique représentant 120 points de PIB pour l'année 2027, contre 112 actuellement.

M. Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques . - Voilà déjà neuf mois que la France a rattrapé le niveau d'activité d'avant-crise. Depuis, nous sommes sur un plateau. Seuls les États-Unis font mieux que nous. Mais certains secteurs sont encore en crise. L'industrie, par exemple, est toujours 6 % en dessous du niveau d'avant-crise ; la construction, à 3 %. Les services, eux, l'ont dépassé. Quant à l'énergie, elle traverse un moment très particulier, avec la crise actuelle, qui devrait toutefois être transitoire. Les performances catastrophiques dans le secteur des matériels de transport nous inquiètent, car elles peuvent réduire la croissance potentielle. Déjà, elles dégradent le commerce extérieur et réduisent nos parts de marché.

À très court terme, nous analysons le moral des chefs d'entreprise pour en inférer un taux de croissance prévisible. Malgré toutes les incertitudes, malgré toutes les catastrophes, les chefs d'entreprise ont encore un moral au-dessus de la moyenne. Les modèles en déduisent des taux de croissance positifs pour les trimestres à venir. C'est d'ailleurs aussi ce que dit l'Insee dans sa note de conjoncture. Pourquoi ont-ils le moral ? Parce que les carnets de commandes sont pleins à craquer : ils ont pour cinq à sept mois de production commandée, contre trois mois habituellement. Nous avons actuellement un problème pour produire, mais pas pour vendre. Dans l'industrie, les difficultés concernent surtout l'approvisionnement ; dans les services, le recrutement. En tout cas, les chefs d'entreprise gardent leur main-d'oeuvre, car ils savent qu'il y a de la production à venir.

Le revenu des ménages a été bien préservé pendant la crise, et ceux-ci ont été partiellement empêchés de consommer. Résultat : une sur-épargne s'est accumulée. En France, elle a atteint 166 milliards d'euros en 2021, soit onze points de revenu des ménages ! Le même phénomène s'observe partout dans le monde. Aux États-Unis, on parle de 2 600 milliards de dollars. Cette sur-épargne est pour l'instant surtout placée sur des comptes en banque. Si elle est consommée, l'inflation induite sera gigantesque - la croissance aussi. Si elle est investie, elle servira à acheter des actions, des obligations, de la dette publique... En tout cas, on ne peut pas faire comme si cette sur-épargne n'existait pas. C'est pourtant ce que nous faisons dans nos prévisions, puisqu'on ne sait pas dire avec précision ce que les ménages vont en faire.

Il y a un an, la prévision qui faisait consensus pour 2022, c'était une croissance de 4 %, sans compter l'utilisation de cette sur-épargne. Quand on imaginait que 20 % de ces sommes seraient dépensés, la croissance en France passait de 4 à 6 % ! Cela en dit long sur le potentiel de rebond qui était présent sans tensions inflationnistes sous-jacentes.

D'ailleurs, il faut arrêter pendant un moment de parler d'inflation : mieux vaut parler du niveau de prix. Lorsqu'il y a simultanément un choc de demande et d'offre, dans un premier temps les prix baissent, puis ils remontent. Si l'on compare les prix prévus en 2022 par rapport à ceux de 2019, l'inflation semblerait sous contrôle. L'inflation vient du fait qu'en 2020 et 2021, les prix ont été plus bas que la normale. Même observation sur le taux de croissance : après -8 % en 2020, un rebond à +6 % ne veut rien dire. Dans les deux cas, c'est le niveau qui compte.

La Banque centrale a raison de dire que l'inflation va se tarir. La question est de savoir à quel niveau de prix nous allons arriver. À mon avis, les prix vont rester élevés, mais avec une progression faible, en tout cas cohérente avec l'objectif de la Banque centrale européenne (BCE). La croissance, elle, devait être considérable en 2022. Avec 4 %, après -8 % en 2020 et +6 % en 2021, nous aurions nettement dépassé le niveau d'avant-crise.

Pour prendre une métaphore, nous avions lancé la bille du flipper très vite, et cette bille est allée frapper des champignons pendant toute l'année 2022 : le variant omicron, qui a surpris et a eu une incidence sur le taux d'absences dans les entreprises ; la stratégie du zéro covid en Chine, due à la faible efficacité du vaccin chinois, qui n'était pas anticipée, a provoqué une rupture dans la chaîne d'approvisionnement ; la guerre en Ukraine, enfin, que personne, honnêtement, n'a intégrée dans ses prévisions, et qui a généré une grande partie de l'inflation en faisant monter les prix de l'énergie. Le choc sur le pétrole était gérable : nous avons déjà connu un baril à plus de 100 dollars. C'est sur le gaz, dont le prix a été multiplié par huit, que le choc a été considérable.

Nos prévisions sont actuellement très difficiles à établir. Nous nous en tenons au dernier point connu : prix du gaz à 200 dollars, prix du baril à 100 dollars. Si l'on stabilise ces prix, l'inflation énergétique devrait disparaître, mais le niveau des prix restera très élevé.

Ce qui n'était pas anticipé, en revanche, c'est la réaction très rapide des politiques monétaires, nouveau champignon heurté par la boule du flipper... La rapidité de l'augmentation des taux constitue un choc, d'abord aux États-Unis, puis au Royaume-Uni, et en Europe. Un point de hausse de taux d'intérêt, c'est 0,4 point de croissance en moins - et 0,1 point d'inflation en moins, alors que nous sommes à 10 % ! L'idée est donc moins de faire baisser immédiatement l'inflation que d'ancrer les anticipations, en faisant passer le message que la Banque centrale va lutter contre l'inflation. À court terme, toutefois, cela provoque une récession. La politique qui permet de lutter contre l'inflation à court terme, c'est la politique budgétaire. Aujourd'hui, le bouclier tarifaire diminue l'inflation de trois points. Actuellement, les anticipations d'inflation à cinq ans en zone euro sont à 2,2 % : proche de la cible. Aux États-Unis, elles sont à 2,5 %, maîtrisées également, donc.

Les problèmes d'approvisionnement avaient atteint des niveaux historiques. L'indicateur calculé par la Réserve fédérale des États-Unis est très scruté : un choc d'approvisionnement s'y reflète normalement par un écart-type, ou un peu plus. Nous sommes montés jusqu'à quatre écarts-types - et c'est non linéaire ! On observe cependant un retour rapide à la normale. Nos prévisions extrapolent ces tendances, même si on ne sait pas ce qui va se passer demain, notamment en Chine, entre le zéro covid, le congrès du Parti communiste et les tensions avec Taïwan. À l'OFCE, nous essayons surtout de comprendre les chocs identifiés, qui sont déjà là, et d'analyser leurs conséquences. La Chine va-t-elle envahir Taïwan ? Allons-nous manquer de carburant demain ? Y aura-t-il une crise sociale dans les mois à venir ? Nous n'en savons rien. Nous construisons donc des scénarios alternatifs pour en tenir compte.

En 2022, nous devions avoir 4 % de croissance. Omicron nous a retiré 0,2 point, le choc des taux nous a enlevé encore 0,2 point, celui des incertitudes géopolitiques a coûté 0,5 point, et le choc énergétique nous enlève encore l'équivalent : au total, en tenant compte aussi des politiques budgétaires qui ont essayé de compenser tout cela, on arrive à 2,6 % pour cette année. Pour l'année 2023, nous modélisons la continuation des mêmes difficultés. À politique budgétaire inchangée, et sans nouveaux chocs, nous serions à 0,6 % de croissance. Certains voient donc ce chiffre comme un maximum, les chocs potentiels devant être plutôt négatifs. Mais nous avons retenu des prix de l'énergie relativement élevés.

Par rapport à ce qu'on prévoyait avant la crise, presque tous les pays sont en retard. Les pays scandinaves sont en avance, et c'est aussi le cas de l'Italie, pays pour lequel cette crise n'a pas eu d'incidence sur le potentiel de croissance. Le grand perdant de cette crise, c'est l'Asie. Certes, le PIB y est supérieur à celui de 2019, mais il est plus faible que ce qu'il aurait été sans cette crise.

L'écart de production prévu par le Gouvernement est-il optimiste ou pessimiste ? La question se posait déjà en 2019. Le Gouvernement parlait d'écart positif, ce qui signifie que le taux de chômage était inférieur à son niveau structurel. Or il était à 8,4 %, avec une inflation sous-jacente de 0,9 %. Cela ne paraît pas convaincant. D'ailleurs, le taux de chômage a diminué sans créer de tensions inflationnistes. C'est bien que le taux de chômage structurel en France n'était pas de 8,4 %.

La crise a-t-elle eu une incidence sur le potentiel de croissance ? Une crise ordinaire en a, mais la covid était une crise atypique. Les politiques qui ont été mises en place, très rapidement et à grande échelle, ont justement été taillées pour préserver le tissu productif et la capacité des ménages à consommer. De ce fait, le niveau de production potentielle ne s'est pas affaibli pendant cette crise. Il n'y a pas eu de destruction de capital. La Banque de France prévoyait au départ une incidence négative de 2,5 % sur la croissance potentielle. Actuellement, elle parle de +0,2 %. Certes, des investissements n'ont pas eu lieu, ce qui enlève 0,5 point de production potentielle. En niveau, donc, le choc est majeur. Mais en croissance potentielle, il faut être beaucoup plus prudent. Pour notre part, nous avons simplement prolongé les tendances précédentes, ce qui aboutit à peu près aux prévisions du Gouvernement.

En revanche, la croissance potentielle va diminuer avec le temps - sur ce point nous sommes d'accord avec Rexecode - car la population active diminue. C'est ce qui rend nécessaire une grosse réforme des retraites, et nous oblige à faire augmenter fortement le taux d'emploi. Et encore, cela ne suffirait pas à compenser, à long terme, la baisse de la croissance potentielle. À court terme, cela pourrait la faire monter de 0,3 point.

Le gros problème, pour la croissance potentielle, c'est le marché du travail. La tendance, dans les grands pays, est au ralentissement de la productivité depuis trente ans. Son rythme de progression s'établit, en moyenne, un peu en dessous de 1 %. En France, on produit à peu près la même chose qu'il a deux ans et demi - 0,8 % de plus, en fait. Avec les gains de productivité, on devrait avoir des destructions d'emplois, puisque les salariés d'aujourd'hui sont 2 % plus productifs que les salariés de 2019. On retrouve cette tendance partout en Europe, à l'exception de l'Italie. Ce n'est pas une spécificité française.

Si une partie de ce décalage peut s'expliquer en France par la durée du travail et l'apprentissage, une autre reste inexpliquée. Deux hypothèses peuvent être avancées.

Premièrement, les gains de productivité ont été surévalués, et nous assistons réellement à une baisse de productivité. Certains mettent en avant un effet du télétravail - la Banque de France estime au contraire que le télétravail se traduit par une hausse de productivité - ou de la « démission silencieuse », qui se traduirait par un moindre investissement au travail.

Deuxièmement - l'hypothèse que nous privilégions -, ce décalage s'explique pour d'autres raisons.

L'Urssaf indique ainsi un recul du travail dissimulé, les entreprises préférant déclarer complètement leurs salariés pour toucher les aides étatiques. De même, on compte moins de travailleurs détachés qu'auparavant. Autant de personnes qui n'étaient pas comptabilisées dans l'emploi, mais dont le travail avait pour effet d'augmenter la valeur ajoutée. Ces évolutions peuvent donner temporairement l'illusion d'une perte de productivité.

Nous croyons aussi à une rétention importante, mais temporaire, de main-d'oeuvre de la part des entreprises.

Parce que les carnets de commandes sont pleins, qu'il existe des difficultés de recrutement et que les taux d'absence restent très élevés, les entreprises préfèrent conserver un surplus de main-d'oeuvre à disposition. Il n'y a aucune certitude en la matière, mais, pour nous, cette rétention de main-d'oeuvre dans les entreprises nous semble plus vraisemblable qu'un réel effondrement de la productivité. Nous l'estimons à 600 000 emplois environ.

Les chefs d'entreprise risquent donc de procéder petit à petit à des ajustements et, dans ce cas de figure, le chômage repartirait à la hausse, contrairement aux prévisions du Gouvernement. La croissance de demain serait moins riche en emplois, car les chefs d'entreprise utiliseraient cette réserve de productivité.

Notre hypothèse de croissance n'est pas si différente de celle du Gouvernement, mais là où il prévoit 115 000 créations d'emplois, nous prévoyons 170 000 destructions, avec des gains de productivité qui reviendraient à des niveaux normaux au cours des trois prochaines années.

Si nos prévisions se réalisaient, le taux de chômage serait de 8 % environ fin 2023.

M. Maxime Darmet, économiste France à Allianz . - Nous anticipons très clairement une récession technique aux États-Unis avant la fin 2022 ou le début 2023. La forte inflation rogne le pouvoir d'achat des ménages américains et la remontée rapide des taux d'intérêt entraîne un retournement assez spectaculaire du marché immobilier. Plus près de chez nous, les dernières enquêtes sur l'Allemagne et l'Italie indiquent aussi un ralentissement très fort, avec certainement une entrée en récession au quatrième trimestre 2022, du fait principalement du choc énergétique.

Nous avons aussi essayé de dresser un état du marché gazier européen à la suite des coupures russes. Nous importions 1 650 térawatts-heure (TWh) de gaz russe. En compensation, les offres alternatives représentent 550 TWh, essentiellement en provenance des États-Unis, du Qatar, de la Norvège et de l'Algérie, et la réactivation des usines à charbon permet de fournir 100 TWh supplémentaires, notamment en Allemagne.

La réduction spontanée de consommation des agents économiques face à la hausse vertigineuse des prix devrait, de son côté, se traduire par une économie de gaz de l'ordre de 600 TWh. En Allemagne, notamment, de nombreuses industries ont déjà commencé à réduire leur production.

Les pays européens ont par ailleurs des stocks de gaz à des niveaux très satisfaisants, qu'ils peuvent mobiliser. Dans l'hypothèse de stocks ramenés à 40 % - ils atteignent presque 90 % actuellement en France -, cela permettrait de fournir 400 TWh.

Selon la rigueur de l'hiver, nous pourrions donc avoir un manque de gaz compris entre 100 et 300 TWh, ce qui correspondrait tout de même à une baisse de PIB comprise entre 1 % et 2 %, et jusqu'à 3 % potentiellement en Allemagne selon le pire scénario.

Dans ce contexte, les États européens ont pris de nombreuses mesures de soutien aux ménages et aux entreprises. L'équivalent de 3 % du PIB a été mis sur la table en moyenne dans les pays européens, la France se situant plutôt au milieu du tableau, contrairement aux idées reçues, et l'Allemagne clairement en tête. Nous sommes vigilants sur ces mesures, qui réduisent certes l'inflation à court terme - 2 points en France en 2022 -, mais de quelle manière les États choisiront-ils d'y mettre un terme ?

L'une des origines de la grande inflation des années 1970 tient à la forte augmentation des dépenses publiques américaines sous l'administration Johnson entre 1962 et 1968, sans hausse de taxes concomitantes pour équilibrer le budget. Or, sur la période 2016-2022, on constate que les dépenses gouvernementales des grands pays européens ont également augmenté de façon importante, en particulier sous l'effet de la crise de la covid, notamment en Espagne.

Si le climat des affaires reste pour le moment plutôt bon en France, on constate un début de dégradation dans le secteur manufacturier, en raison notamment d'un fort ralentissement des industries les plus énergivores - chimie, métaux et papier.

L'indicateur de sentiment économique de la Commission européenne, qui porte à la fois sur les ménages et les entreprises, ralentit aussi fortement, mais reste compatible avec une croissance positive du PIB français au troisième trimestre 2022.

Allianz pense toutefois que l'économie française connaîtra une récession relativement modérée de l'ordre de 0,6 % en 2023, à cause de l'entrée en récession de nos principaux partenaires et d'une baisse des dépenses de consommation des ménages, qui devraient fortement ralentir dans les trimestres à venir. Le marché immobilier devrait lui aussi souffrir du resserrement monétaire très fort opéré par la BCE, la baisse des demandes de crédits immobiliers des ménages étant déjà très nette.

Notre prévision de déficit public diffère logiquement de celle du Gouvernement : nous l'estimons à 5,5 % du PIB pour 2023.

Les besoins de consolidation budgétaire sont par ailleurs très importants en France. Nous avons simulé l'effet d'une hausse de 100 points de base des taux d'intérêt d'emprunt sur la dette française : le coût supplémentaire pour les finances publiques serait à terme de 70 milliards d'euros, ce qui devrait peser sur la croissance des années à venir. C'est pourquoi nous sommes plus pessimistes que le Gouvernement sur les prévisions de croissance du PIB jusqu'en 2027.

Le taux de chômage structurel a en effet un peu baissé en France, mais cela s'explique avant tout par le vieillissement de la population active, les personnes âgées de plus de 49 ans, qui ont davantage de compétences techniques et d'expérience, ayant un taux de chômage plus faible que les personnes de moins de 25 ans.

Toutefois, il ne faut pas négliger non plus l'effet des réformes à venir. Nous avons retenu comme hypothèse l'adoption de la réforme de l'assurance chômage, et nous pensons qu'elle renforcera la tendance à la baisse du chômage structurel. Nous estimons son taux à 7,2 % d'ici à 2027, contre 8 % actuellement.

Le taux implicite de taxation à l'entrée en emploi d'un chômeur reste en effet élevé en France, de 75 %, contre 65 % en moyenne pour l'OCDE. Cela signifie que 75 % du surplus de salaire généré par la reprise d'activité est absorbé par des hausses d'impôt et des baisses d'aides diverses.

Les perspectives du chômage structurel sont donc plutôt orientées à la baisse : nous nous attendons à un taux de chômage structurel de l'ordre de 7,2 % en 2027, contre 8 % actuellement. Néanmoins, il nous paraît difficile de parvenir au plein emploi, sauf à combiner plusieurs réformes. Nous sommes en particulier plutôt pessimistes sur le niveau général de formation de la population. Dans tous les domaines - lecture, mathématiques, sciences -, la France affiche en effet un niveau bien plus dégradé que la moyenne de l'OCDE. Or si l'on en croit les dernières enquêtes, les choses ne devraient guère s'arranger.

Par ailleurs, le coin fiscalo-social, qui correspond au niveau des prélèvements, cotisations sociales et taxation des revenus en pourcentage du coût du travail, reste élevé en France. Tant que le salaire net n'augmentera pas, il sera difficile de stimuler l'offre de travail et d'inciter les chômeurs à retrouver un emploi. Comme la formation, la rémunération du travail est donc un facteur favorisant la recherche du plein emploi, que nous situons autour de 5 % de chômage structurel.

En matière d'investissement, les perspectives demeurent favorables en dépit de conditions financières de plus en plus dures. Ainsi, l'investissement total en pourcentage du PIB est en hausse très nette depuis 2015-2016. C'est une bonne nouvelle pour les perspectives de croissance. Le potentiel d'investissement dans les énergies renouvelables est par ailleurs important, compte tenu du retard qu'a pris la France - 30 % seulement de l'investissement privé total dans les énergies renouvelables dans la période post-covid, contre près de 60 % aux États-Unis par exemple - par rapport à ses voisins.

Nos prévisions de croissance s'établissent à 0,9 %. Elles divergent essentiellement de celles du Gouvernement - il table sur un taux de 1,35 % - sur la question de la croissance tendancielle de la productivité. En général, les chocs énergétiques entraînent en effet un ralentissement fort et brutal de la productivité - nous avons pu le constater en 1973 et 1979, la productivité n'ayant jamais retrouvé en France son niveau d'avant le choc pétrolier. Or le choc gazier actuel dû à la coupure des approvisionnements russes affecte la France - moins que ses voisins certes -, à hauteur de 2 % du PIB, soit un taux presque équivalent aux crises des années 1970. Dans ce contexte, nous pensons que si la crise énergétique dure, elle réduira les perspectives de productivité. Le tissu industriel connaît actuellement une forme de destruction ; or l'industrie est un des principaux facteurs de croissance de la productivité.

M. Jérôme Bascher . - Quand on fait une projection, il est important de savoir d'où l'on part. Aussi, nous aimerions connaître l'écart de production entre 2022 et 2023.

J'aime beaucoup votre idée associant chômage et baisse de productivité. À en croire la programmation annuelle des finances publiques ou le Haut Conseil des finances publiques, l'écart expliquant les différences de croissance potentielle s'expliquerait essentiellement par la productivité globale des facteurs (PGF). Vous avez évoqué la baisse de la productivité du travail. Le contenu de la croissance en emplois est, selon moi, également à considérer : si vous remplissez les hôtels, cafés et restaurants, vous obtenez une productivité extrêmement faible et des emplois faiblement qualifiés...

M. Éric Heyer . - Nous en tenons compte.

M. Jérôme Bascher . - Compte tenu des niveaux de croissance potentielle évoqués, quelle crédibilité accordez-vous finalement à l'hypothèse d'un retour au plein emploi ?

M. Didier Rambaud . - L'élément positif me semble être le niveau d'épargne, voire de surépargne, qui se chiffre à 170 milliards d'euros environ pour la France. Comment la mobiliser ? Faut-il encourager la consommation, l'investissement productif, un mixte des deux ?

Par ailleurs, compte tenu du dérèglement climatique et de la fonte des glaces qui libère des virus, nous serons malheureusement confrontés à d'autres pandémies et, donc, à de nouveaux chocs d'inflation. Comment peut-on les juguler pour éviter qu'ils ne cassent la reprise d'activité ?

M. Michel Canévet . - Vos analyses montrent bien le décalage entre les prévisions de croissance gouvernementales et celles que vous effectuez. Quel sera l'impact de la réforme des retraites, qui ne peut être immédiat, sur la croissance du PIB ? Par ailleurs, ce dossier ne risque-t-il pas d'entraîner une réduction de l'activité ? Je pense aux mouvements sociaux qui s'annoncent et qui pourraient perturber significativement les perspectives économiques.

Quels seront en outre, selon vous, les effets de la baisse - 8 milliards d'euros - des impôts de production sur la croissance ? Enfin, sur l'emploi, j'estime que le niveau de plein emploi se situe autour de 6 % de chômage, compte tenu des dispositifs de solidarité existant dans notre pays. Partagez-vous cette analyse ?

M. Marc Laménie . - Avez-vous pu mesurer précisément les conséquences de la crise sanitaire et des aléas climatiques sur la croissance ?

M. Denis Ferrand . - Nous estimons que nous sommes en écart de production fermé, ce qui ne signifie pas que le chômage structurel ne pourra plus baisser. Néanmoins, plus on s'attaque à des populations éloignées de l'emploi, plus le coût du retour à l'emploi est important : il nécessite un investissement, de la part des entreprises et en termes de formation. Or nous notons un écart avec les pays de l'OCDE, non pas sur le taux d'emploi des personnes les plus formées ou de formation intermédiaire, mais sur le taux d'emploi des personnes qui ont reçu une faible formation initiale. La baisse du chômage pourrait par ailleurs jouer sur le niveau de la productivité.

S'agissant de la réforme des retraites, il ne faut pas en attendre un impact immédiat en termes de taux d'emploi additionnel. Le taux d'emploi des 60-64 ans, autour de 30 %, est très faible : nous nous sommes habitués à exclure de l'emploi et du processus de formation les personnes approchant de l'âge de la retraite. Nous devons changer certaines habitudes dans le mode de fonctionnement des entreprises, mais aussi dans le mode de représentation des salariés et nous poser la question de l'accompagnement des personnes pour qu'elles restent le plus longtemps possible dans l'emploi.

S'ils ne seront pas immédiats, les effets de la réforme des retraites sont assez certains en termes d'augmentation du potentiel de production. Reste à savoir quand ils interviendront... D'une certaine manière, il est presque plus facile de faire de la prévision à long terme que de la prévision à court terme.

Peut-être est-il possible, à court terme de s'appuyer sur la sur-épargne, qui peut être réinvestie ? J'attire toutefois l'attention sur le fait que la valeur de cette épargne s'érode progressivement.

S'agissant de la sur-épargne constatée, nous devons nous demander comment l'orienter vers le haut de bilan, notamment pour financer la transition énergétique ? Ce débat, c'est un peu l'Arlésienne en France, la même question revenant toujours : comment associer épargne et fonds propres ?

Ce débat est également parasité par l'augmentation vertigineuse de la dette publique, qui a besoin d'être financée.

Rexecode défend depuis toujours la baisse des impôts de production, pour être en harmonie avec nos voisins européens. À valeur ajoutée égale, nous avons en France 35 milliards d'euros d'impôts de production en plus que la moyenne des États de l'Union européenne. La question est de savoir comment financer cette baisse, mais, à nos yeux, il est préférable de créer les conditions de la production, puis de prendre éventuellement de l'impôt sur la valeur créée, plutôt que de brider la production dès l'origine. Il y a un équilibre à trouver à cet égard.

M. Éric Heyer . - Pour nous, le chômage structurel en France se situe peu ou prou autour de 6,3 %. Cela veut dire que, pour atteindre le plein emploi, que je situe autour de 4,5 %, voire 5 %, il y a des réformes à faire.

On a beaucoup parlé de formation, mais je pense que l'immobilier est une problématique qui n'est pas assez prise en compte. Or le mal logement est une source fondamentale de mauvaise intégration dans l'emploi, et elle commence à produire ses effets dès l'enfance. Quand on est mal logé, on n'est pas dans de bonnes conditions pour réussir son parcours scolaire. Une étude du Collège de France montre que l'on est en mesure de dire à 82 % à la fin de la maternelle ou du cours préparatoire qui va décrocher scolairement à 16 ans ou être en situation d'échec au vu des conditions de logement durant son enfance.

Par ailleurs, on peut évoquer la mobilité, mais c'est la plupart du temps lié au logement. On a voulu faire une France des propriétaires. Résultat : une fois que l'on accède à la propriété, on est fixé à son territoire et on ne bouge plus.

Ce qui nous différencie des autres scénarios, c'est que l'on ne sait pas dire s'il y aura un rationnement de l'énergie, d'autres crises sanitaires ou des catastrophes naturelles. La crise sociale, c'est différent, car elle est latente depuis 2019.

Depuis lors, selon l'Insee, le taux de pauvreté s'est stabilisé grâce au « quoi qu'il en coûte », mais les inégalités se sont creusées au profit des 20 % les plus riches, qui ont pratiqué la sur-épargne. De même, les effets du choc énergétique ne sont pas les mêmes pour tout le monde : 5 % d'inflation au niveau national, ce n'est pas 5 % pour tout le monde.

Si, en plus, on fait des économies sur le chômage et les retraites, il y a des chances que la crise sociale nous revienne comme un boomerang. À mon sens, il sera très compliqué de dire que l'on continue à baisser les impôts dans les années qui viennent, d'autant qu'il y a eu 200 milliards d'euros de dette en plus ces dernières années.

Un dernier point sur le climat, avec une question un peu iconoclaste : le réchauffement climatique est-il bon pour la croissance économique ? Cela dépend du niveau initial des températures. Si elles sont basses à l'origine, le réchauffement a du bon pour l'économie, en revanche, si elles sont déjà hautes... À l'évidence, les incidences négatives du réchauffement climatique sont plus importantes pour le Sud que pour le Nord, ce qui aura des conséquences sur les flux migratoires, qui vont devenir gigantesques. Comment va-t-on les gérer ? Le choc risque d'être si violent qu'il sera impossible à gérer à l'horizon de 2050.

M. Maxime Darmet . - L'écart entre le Gouvernement et Allianz s'explique en partie par la différence de calcul de la productivité globale des facteurs.

Pour nous, le covid a perturbé durablement les chaînes de valeur. Avant la crise, il s'agissait de réduire considérablement les stocks. C'était la logique du « juste à temps ». Aujourd'hui, les entreprises sont plus prudentes et ont reconstitué leurs stocks : on est passé à une logique de « au cas où » . Mais cela coûte plus cher et cela affecte la productivité globale des facteurs.

En ce qui nous concerne, nous ne pensons pas que la sur-épargne soit susceptible de booster la croissance dans les années à venir. L'équation budgétaire des ménages se complique avec l'inflation forte, et ils préfèrent garder l'argent de côté.

Sur le plein emploi, je n'ai pas de dissonances majeures avec mes collègues, même si, pour ma part, je préfère mettre l'accent sur le manque de compétences techniques et la formation. Il faut miser sur les moins formés et mieux rémunérer les emplois les moins qualifiés. Le Smic net est sans doute trop bas. Il y a des marges en France pour augmenter le salaire net. C'est une question de financement.

M. Denis Ferrand . - Le Fonds monétaire international (FMI) a produit une évaluation sur la transition énergétique, qui coûterait en moyenne 0,2 point de croissance par an à moyen terme. Les effets arriveront bien plus tôt qu'en 2050.

En 1979, nous avons connu un choc énergétique, qui était mondial. Aujourd'hui, la crise du gaz a une dimension locale, et elle contribue donc à déséquilibrer la compétitivité entre les continents. Songez que le prix du gaz est aujourd'hui 14 fois plus élevé en Europe, 8 fois plus en Asie et 3 fois plus aux États-Unis qu'en septembre 2019.

M. Éric Heyer . - La différence de prévision sur l'emploi avec le Gouvernement tient à l'apprentissage. Nous ne croyons pas à l'objectif de 1 million d'apprentis, car il n'est pas budgété. En effet, ce sont des emplois aidés de façon un peu différente. Au demeurant, ils permettent d'afficher des taux de chômage beaucoup plus faibles.

M. Bernard Delcros , président . - Merci à tous de votre participation.

IV. EXAMEN EN COMMISSION (27 OCTOBRE 2022)

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Je salue Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales et rapporteure pour avis sur ce texte, qui présentera les articles dont sa commission s'est saisie.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Nous avons aujourd'hui à examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui, comme vous le savez, a été rejeté mardi par l'Assemblée nationale.

De mon côté, tout en émettant certaines critiques, je ne proposerai pas le rejet du texte. Au contraire, je vais vous soumettre des amendements reflétant ce que je crois être la trajectoire corrigée et la bonne programmation de nos finances publiques pour les années à venir.

Commençons par le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement, détaillé au rapport annexé au projet de loi, à commencer par le taux de croissance retenu et l'objectif de plein emploi.

À court terme, le Gouvernement retient une hypothèse de croissance de 2,7 % en 2022 et de 1 % en 2023. Sur cette base, il estime que la croissance du PIB entre 2021 et 2023 aura principalement été portée par la consommation des ménages et, dans une ampleur moindre mais tout de même remarquable, par la consommation des administrations publiques.

À moyen terme, c'est-à-dire entre 2023 et 2027, le scénario gouvernemental s'appuie sur l'hypothèse d'une croissance de 1,7 % par an en volume et en moyenne, ce qui est au-dessus de sa prévision de croissance potentielle de 1,35 % et permettrait de refermer l'écart de production à la fin de la période de programmation.

Comme nos auditions l'ont montré, la prévision de croissance du Gouvernement à l'horizon 2027 s'appuie sur les effets attendus d'un certain nombre de réformes structurelles, notamment sur l'emploi. Sont principalement citées les réformes de l'assurance-chômage et des retraites.

À cet égard, d'après les données transmises au Conseil d'orientation des retraites, le Gouvernement considère que le taux de chômage refluera au niveau de 5 % de la population active en 2027, ce qui serait une première depuis 1978.

En parallèle, le rapport annexé indique que la population active pourrait augmenter à la faveur d'une réforme des retraites. Ainsi, d'après nos calculs fondés sur les travaux réalisés par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et la direction générale du Trésor, une réforme visant à reculer de deux ans l'âge d'ouverture des droits à raison d'un trimestre par génération pourrait faire augmenter la population active d'environ 0,6 % en 2027 par rapport aux projections de l'Insee.

Enfin, le Gouvernement estime que l'inflation devrait se normaliser progressivement à compter de 2025, c'est-à-dire revenir à des niveaux proches de 2 % ou inférieurs. Les taux souverains se stabiliseraient en conséquence, mais demeureraient à des niveaux très importants. Ainsi, en comparaison de la situation à la fin de l'année 2021, le taux de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à dix ans serait supérieur, en 2027, d'après le Gouvernement, de plus de 255 points de base.

À l'exception des prévisions en matière d'inflation, et si l'on écarte à ce stade la question des taux d'intérêts, le scénario macroéconomique du Gouvernement repose sur des hypothèses très - pour ne pas dire « trop » - favorables.

Pour commencer, la prévision de croissance de 1 % en 2023 semble en réel décalage avec le consensus des économistes. Ainsi, au mois d'octobre 2022 le Consensus Forecasts estimait la croissance du PIB à 0,3  % pour l'année 2023. Certes, l'intervalle des prévisions est large, mais celle du Gouvernement se situe dans la limite très haute, ce qui n'en renforce pas la crédibilité.

Concernant la croissance potentielle, le président Raynal et moi-même avons sollicité les estimations de plusieurs instituts de conjoncture afin de les comparer à celle du Gouvernement, qui est, je le rappelle, de +1,35 % par an. En l'occurrence, les réponses des conjoncturistes, que nous avons complétées des évaluations du Fonds monétaire international (FMI) et de la Commission européenne, convergent vers une croissance potentielle moyenne de 1,05 % par an, ce qui est très en dessous de l'estimation du Gouvernement.

On peut l'expliquer, entre autres, par le fait que le Gouvernement surestime, dans son projet de loi de programmation, les effets à court terme des réformes structurelles qu'il souhaite engager.

Que l'on me comprenne bien : l'ensemble des réformes structurelles évoquées par le Gouvernement sont absolument nécessaires. Nous avons besoin d'une réforme des retraites qui permette d'en assurer l'équilibre à long terme. Nous avons besoin de renforcer le taux d'activité des seniors. Nous avons besoin de réformer le fonctionnement de l'assurance chômage et du service public de l'emploi pour réduire le taux de chômage.

M. Pascal Savoldelli . - Des réformes !

M. Jean-François Husson , rapporteur . - À chaque fois que ces réformes seront proposées et que leur contenu répondra vraiment aux enjeux économiques, nous répondrons présents.

Mais il faut également garder en tête un élément de lucidité et de responsabilité : les effets positifs de ces réformes de long terme ne se feront ressentir qu'après quelques années.

Aussi, lorsque le Gouvernement indique que l'activité augmentera grâce à une réforme des retraites qu'il ne fait pour l'instant qu'annoncer, il convient de lui rappeler que, selon les modèles macroéconomiques mobilisés par la direction du Trésor, une telle réforme ne fait augmenter le PIB qu'au bout de dix ans.

Enfin, s'agissant de l'hypothèse d'une réduction du taux de chômage à 5 % en 2027, attention à ne pas confondre slogan de campagne et scénario macroéconomique rigoureux. Je souhaite à notre pays d'atteindre ce résultat, mais, à ce stade, le Gouvernement est bien seul à faire cette prévision : tant le FMI que l'OFCE considèrent que le chômage devrait se maintenir aux environ de 7,5 % d'ici à 2027. J'estime donc que le scénario macroéconomique retenu repose sur des hypothèses si favorables qu'il en devient fragile.

J'ai envisagé de réviser l'ensemble de ce scénario afin de lui préférer des hypothèses plus crédibles et proches du consensus des économistes, avant d'écarter cette option : il est primordial que le débat sur la trajectoire des finances publiques ait lieu. Or modifier le scénario macroéconomique du Gouvernement impliquerait, une fois décidées les options retenues, de réviser l'ensemble des agrégats de finances publiques : part des dépenses et des recettes dans le PIB, solde public, solde structurel, etc. En aussi peu de temps et avec les moyens dont nous disposons, cela me semble difficile. De plus, cela introduirait une véritable confusion dans nos débats, alors que je souhaite proposer une trajectoire de finances publiques alternative à celle du Gouvernement, plus rigoureuse et sérieuse, y compris à l'égard de nos partenaires européens. Je partirai donc de ce scénario macroéconomique pour pouvoir comparer notre proposition et trancher sur le véritable point essentiel : l'ampleur des efforts à réaliser pour redresser nos finances publiques.

Sous ces réserves, la trajectoire de finances publiques proposée par le Gouvernement apparaît peu ambitieuse.

Ainsi, le déficit public resterait supérieur à 3 % du déficit jusqu'en 2027. Pour rappel, nos partenaires européens repasseraient sous la barre des 3 % de déficit avant 2025.

Notre endettement public ne refluerait pas avant 2026 et resterait à des niveaux encore très importants : près de 111 % du PIB en 2027.

Je dirai quelques mots sur chacun des secteurs d'administration publique.

Le projet de loi programme une augmentation de crédits pour la plupart des missions du budget général, la seule baisse notable concernant la mission « Plan de relance », qui est, par nature, en extinction progressive. La charge de la dette aura un impact majeur dans cette trajectoire, également marquée par les principales priorités affichées, telles que la défense, l'éducation nationale et l'écologie. Le Gouvernement a choisi les politiques sur lesquelles il convient de rajouter des crédits, pas celles sur lesquelles des économies seraient possibles.

La programmation prévoit aussi une stabilité de l'emploi entre 2023 et 2027, en partant de l'année 2023, marquée par une hausse d'environ 10 000 emplois. En conséquence, aucun effort particulier n'est engagé. Quant à la masse salariale, le projet de loi de programmation ne comporte aucune mesure ni engagement. Elle connaît pourtant, en 2023, une forte progression de 4,3 %, après 4,6 % entre 2021 et 2022. La prévision de stabilité, voire de légère progression, de l'emploi de l'État au cours de la période permet d'anticiper une augmentation continue de la masse salariale durant cette même période.

Les administrations locales contribueront fortement à l'amélioration du solde public. En effet, le Gouvernement prévoit une diminution de leurs dépenses de 0,5 % par an en volume. En 2027, les administrations dégageront un excédent d'environ 0,5 point de PIB. Cet effort est particulièrement important en comparaison de la contribution que les administrations centrales seront amenées à fournir à la maîtrise des dépenses. En passant, je considère que les instruments proposés par le Gouvernement pour parvenir à ce résultat, en l'occurrence la contractualisation prévue à l'article 23, n'est pas respectueuse des collectivités locales. Nous y reviendrons.

Les administrations sociales, elles, présenteraient un excédent de l'ordre d'un point de PIB en 2027. Pour l'essentiel, ce résultat s'explique par la contribution de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), mais aussi par une prévision d'amélioration du solde de l'Unédic qui me paraît très optimiste. En effet, comme je l'ai dit, le Gouvernement fait l'hypothèse d'atteindre le plein-emploi en 2027, ce qui est loin de faire consensus.

En parallèle, j'observe que les régimes de base de sécurité sociale continueront de présenter un déficit persistant. Je ne doute pas que notre collègue Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales et rapporteure pour avis sur ce texte, en dira un mot.

Sur l'ensemble des administrations publiques, je considère que la trajectoire de dépenses publiques présentée par le Gouvernement n'est pas assez ambitieuse et, surtout, présente un effort en trompe-l'oeil.

Un volume important de dépenses a été engagé depuis 2020 pour faire face aux différentes crises que nous avons traversées - sanitaire, économique et, aujourd'hui, énergétique. Or ces dépenses ne sont pas retraitées ni même au moins indiquées dans la présentation de la trajectoire de dépenses du Gouvernement. Il en va de même des dépenses de charge de la dette, alors que la bonne mesure d'un effort en dépense reste la dépense primaire, c'est-à-dire hors charge des intérêts de la dette.

Au final, l'ensemble de ces dépenses que je qualifierais de « non ordinaires », c'est-à-dire incluant les dépenses de crise et d'intérêts de la dette, représente près de 116 milliards d'euros en 2022. En ne retraitant pas ces dépenses, le Gouvernement s'assure de présenter une trajectoire d'évolution des dépenses publiques qui témoigne d'un effort artificiellement surestimé. Ainsi, selon le scénario présenté par le Gouvernement, les dépenses publiques diminueraient d'environ 0,2 % par an en moyenne en volume entre 2022 et 2027. Toutefois, une fois retraitées les dépenses non ordinaires, les dépenses publiques progresseront en réalité de 0,6 % par an en volume. On constate également une inversion assez spectaculaire de la dynamique des dépenses des administrations centrales, qui, plutôt que de se réduire, augmenteront de près de 0,9 % par an.

En outre, la répartition de l'effort à fournir par chacune des catégories d'administration publique pour réaliser cette trajectoire est loin d'être équitable.

Pour apprécier l'effort à réaliser, j'ai estimé un tendanciel de croissance des dépenses par catégorie d'administration publique. En effet, si la dépense d'une administration augmente tendanciellement de 1 % chaque année, lui demander de ne laisser croître que de 0,5 % cette dépense revient à lui demander de réaliser une économie équivalant à 0,5 point. À l'inverse, si la dépense d'une administration augmente tendanciellement de 1 % et qu'on lui demande d'en limiter la croissance à 2 %, alors on l'autorise, en réalité, à augmenter ses dépenses.

En l'espèce, nous aboutissons à un tendanciel pour l'ensemble des administrations publiques équivalant à 1,2 %, soit le même niveau que celui qu'a retenu le Gouvernement dans le rapport annexé. Sur cette base, la trajectoire du Gouvernement implique 25 à 27 milliards d'euros d'économies à réaliser pour les administrations locales et sociales. Les administrations centrales, elles, n'en réaliseraient pas. C'est une situation tout à fait inéquitable.

Je pars donc de ces deux constats : d'abord, la proposition du Gouvernement manque d'ambition en termes de redressement des comptes publics et de baisse de la dépense ; ensuite, il n'est pas acceptable que l'on demande moins d'effort à l'État qu'aux autres administrations publiques.

Je propose, par conséquent, une révision de la trajectoire de dépenses des administrations publiques qui vise à soumettre les dépenses de l'État, hors charge de la dette et hors coût des mesures de crise - c'est-à-dire le périmètre des dépenses ordinaires -, à une norme d'évolution en volume de - 0,5 %, comme cela est demandé aux administrations locales.

Cette proposition répond à quatre objectifs : faire refluer le déficit et l'endettement public plus rapidement que ne le prévoit le Gouvernement ; assurer la pleine contribution des administrations centrales ; préserver les dépenses sociales et régaliennes ; conserver des marges d'intervention face à la crise.

Au final, cette trajectoire conduirait les dépenses publiques ordinaires à n'évoluer que de 0,1 % par an, contre 0,6 %, comme le propose le Gouvernement. Cette trajectoire impliquerait de réaliser des efforts dès 2023, à hauteur de 3,8 milliards d'euros en l'état actuel du projet de loi de finances.

Au cours des années 2023 à 2027, nous devrons trouver de nouvelles sources d'économies en mettant en oeuvre des réformes structurelles : baisse à long terme des effectifs ; engagement d'une réforme des retraites plus ambitieuse que celle annoncée hier par le Président de la République ; réorganisation de certains services publics, comme celui de l'audiovisuel ; décalage dans le temps des trajectoires programmatiques d'évolution des crédits de certaines politiques publiques non régaliennes ; réformes des prestations sociales ; maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.

Pour mémoire, notre commission des finances a rendu, depuis 2015, 109 rapports riches de mesures, qui viendront nourrir nos réflexions.

Quoi qu'il en soit, les efforts que je propose d'engager au travers de cette trajectoire parfaitement crédible nous permettraient de réduire significativement notre déficit et notre endettement dès 2023. Ainsi, à recettes constantes, notre déficit reviendrait sous la barre des 3 % de PIB dès 2025, comme la plupart de nos partenaires européens, et nous atteindrions 1,7 % en 2027. Quant à l'endettement, il se situerait 3,1 points en dessous de ce que prévoit le Gouvernement.

Cette modification de la trajectoire constitue l'évolution majeure que je propose dans ce projet de loi de programmation. Elle se traduit dans plusieurs des amendements que je vous propose, puisque cela modifie à la fois l'évolution du solde structurel, l'effort structurel et différents objectifs fixés aux administrations publiques, comme l'évolution de leur solde par sous-secteur, le niveau de dépenses ou d'endettement.

Vous l'aurez compris, cet effort de redressement des comptes publics concerne uniquement l'État et les autres administrations centrales. Les administrations sociales ne sont pas touchées ; au demeurant, la trajectoire proposée par le projet de loi repose déjà sur un scénario optimiste, en particulier pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Mme Doineau, rapporteure au nom de la commission des affaires sociales et, surtout, rapporteure générale de cette même commission, pourra nous en dire quelques mots. Nous proposons un amendement identique afin d'étendre jusqu'à 2026 - faute de connaître le montant pour l'année 2027 -, la trajectoire de l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) telle que présentée par le Gouvernement. Il s'agit là de faire respecter la toute récente disposition introduite à l'occasion de la révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), que le Gouvernement ne respecte déjà pas. Les autres mesures proposées par la commission des affaires sociales au travers de ses amendements recueillent mon accord.

S'agissant des administrations locales, je ne prévois pas de modifications sur la trajectoire des concours financiers, même si - ne soyons pas dupes - leur évolution en valeur cache, en réalité, une contraction en volume. Je vous propose, en revanche, un amendement pour faire sortir la TVA affectée aux régions de l'enveloppe normée des concours financiers. En effet, il convient d'éviter que, en cas d'évolution supérieure aux prévisions du produit de TVA affectée, la différence ne soit retranchée des autres concours financiers.

À cela s'associe un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) intégrant l'effort de baisse de 0,5 % en volume des dépenses de fonctionnement auquel j'ai fait référence. Depuis des années, les collectivités territoriales ont pris leur part dans le redressement des comptes publics ; elles gèrent efficacement leurs budgets. Elles ont réalisé 11 milliards d'euros d'économies sur leurs dépenses de fonctionnement sur la période 2019-2021, alors même que les contrats de Cahors n'ont pas été appliqués en 2020 et 2021. Dans le projet de loi, le Gouvernement propose une contrainte à la fois sur l'évolution de leurs dépenses et sur la progression de leurs ressources, avec une trajectoire de diminution des concours financiers de l'État. Nous ne pouvons accepter ces termes que si l'État fait de même. Ce sera l'objet de mes amendements.

Par ailleurs, je considère le mécanisme de l'article 23 comme inacceptable. Il vise à garantir le respect de l'Odedel par ce qui a été présenté par le Gouvernement comme un « pacte de confiance » dans l'association des collectivités territoriales au redressement des comptes publics, mais s'avère finalement très comparable aux anciens contrats de Cahors - ce que j'appelle le « Cahors 2 ». Certes, le dispositif se donne l'apparence de la différence en prévoyant une année d'observation de l'évolution des dépenses et en distinguant les catégories de collectivités à l'échelle nationale, avant d'envisager l'application de mécanismes de correction individuels pour les collectivités ou groupements appartenant à une catégorie ayant dépassé l'objectif. Je trouve cela très étonnant : suivant la situation de la catégorie à laquelle appartient la collectivité vis-à-vis de l'Odedel, la collectivité pourrait se voir ou non appliquer des sanctions si elle-même dépasse l'objectif.

Les mécanismes de correction ressemblent quant à eux à ceux des contrats de Cahors, en particulier au regard des éléments prévus dans les accords de retour à la trajectoire qui devront être signés par les collectivités ou leurs groupements.

Mais cet article contient surtout une innovation inacceptable : l'exclusion des collectivités concernées, avant même la signature de tout contrat, de l'octroi de certaines dotations d'investissement de l'État. Une telle proposition est, au demeurant, parfaitement contradictoire avec la philosophie affichée du dispositif et du discours gouvernemental qui prétend faire porter l'effort de maîtrise des dépenses sur la seule section de fonctionnement, sans affecter l'investissement local.

Par ailleurs, la mise en oeuvre d'un mécanisme de contrôle et de sanction aussi rigide est pour le moins inadaptée à la situation actuelle. Les incertitudes sont fortes pour tous - ménages, entreprises mais aussi collectivités - face à la hausse des prix et à la crise énergétique dans un contexte de guerre en Ukraine. Le poids de ces contraintes exogènes devrait inexorablement peser sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales dans une mesure encore inconnue ou difficile, voire impossible à évaluer.

Pour toutes ces raisons, je vous proposerai la suppression pure et simple de l'article 23. Il s'agit d'un système inacceptable de surveillance de la dépense locale et de sanction, loin du principe de libre administration des collectivités territoriales et de la relation de confiance qu'attendent les collectivités territoriales et leurs groupements.

Je vous proposerai ensuite plusieurs amendements qui s'inscrivent dans un objectif de plus grande rigueur dans la maîtrise de la dépense.

Ainsi, à l'article 9, qui définit une nouvelle norme de dépense avec le « périmètre des dépenses de l'État », je propose de préciser que les montants prévus pour chaque année constituent non pas des cibles, mais des plafonds de dépenses. De même, un amendement à l'article 10 tend à faire de la stabilité en exécution des schémas d'emplois de l'État un plafond d'emplois, et non une simple cible.

Sur ce point, comme je l'ai déjà indiqué, les efforts affichés restent limités, alors qu'en 2023 serait ainsi crantée la création de 10 000 nouveaux emplois. Pour autant, la dernière loi de programmation, qui prévoyait une baisse de 50 000 emplois, n'a absolument pas été respectée, comme j'ai eu l'occasion de le démontrer à maintes reprises. Je n'exclus pas d'évoluer vers une disposition plus exigeante d'ici à l'examen en séance.

Concernant le « périmètre des dépenses de l'État », j'ai également déposé un amendement pour que la présentation de cette nouvelle norme dans le PLF opère une distinction entre différentes composantes : crédits du budget général tels que prévus dans ce périmètre, impositions de toutes natures plafonnées, budgets annexes, etc.

Outre les amendements rédactionnels ou de correction technique du texte, qui sont, pour l'essentiel, des reprises d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale, je vous propose aussi des amendements guidés par un souci de vigilance quant à la mise en oeuvre effective des mesures que nous adoptons. Souvent, les bonnes intentions affichées dans les lois de programmation ne se reflètent pas dans l'application. Les cinq années écoulées en sont une bonne illustration.

D'abord, l'article 15 prévoit que les créations ou modifications de dispositifs d'aides aux entreprises ne soient applicables que pour une durée maximale de cinq années et que leur extension ou prolongation soit précédée d'une évaluation présentée au Parlement. Je propose qu'un arrêté établisse la liste des dispositifs concernés, faute de quoi le contrôle de l'application effective de cet article ne sera pas possible. Un autre amendement en restreint le périmètre aux dispositifs d'aide aux entreprises de l'État.

Ensuite, l'article 21 prévoit que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un ensemble d'évaluations portant sur l'efficacité de l'action publique et des dépenses publiques. Le dispositif est peu précis et incantatoire. Considérant qu'il pourrait toutefois constituer le point de départ utile à l'évaluation des politiques publiques, je propose divers compléments pour le rendre plus opérationnel, notamment que l'on dispose d'une liste de ces évaluations à réaliser tous les ans.

Enfin, je précise dans un amendement le contenu de ce qui sera attendu dans les bilans des lois de programmation des finances publiques prévus à l'article 25.

M. Claude Raynal , président . - Madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, je vous donne la parole, puisque notre rapporteur a fait appel à deux reprises à vos lumières !

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales . - La commission des affaires sociales s'est saisie des articles 17 à 20 et de l'article 24 de ce texte.

Comme vous, nous sommes sceptiques vis-à-vis de la trajectoire financière des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse, et plus spécifiquement de celle de l'Ondam. Celui-ci devrait frôler les 250 milliards d'euros dès 2024, soit cinq fois plus que le budget de la défense et quatre fois plus que celui de l'Éducation nationale.

La trajectoire affichée est pour le moins ambitieuse et, en tout cas, difficilement tenable.

Difficilement tenable, car les incertitudes sont grandes sur l'impact financier de la crise sanitaire en 2023 et dans les années suivantes.

Difficilement tenable, car nous voyons bien l'ampleur des besoins de santé, l'ampleur des attentes en matière de rénovation de l'hôpital, mais aussi l'ampleur de l'impact financier que représente le choc d'innovation dans le secteur du médicament, nécessaire pour relocaliser notre industrie et assurer notre autonomie.

Difficilement tenable, car le contexte inflationniste rend le taux réel de progression de l'Ondam bien moindre que celui qui est affiché. Si le ministre chargé des comptes publics considère que l'inflation ne se reproduit pas de manière identique sur les dépenses de santé, celle-ci est parfois plus forte encore sur certaines des charges principales des hôpitaux, comme l'énergie.

Difficilement tenable, enfin et surtout, car le Gouvernement comme le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) reconnaissent qu'il faudra prendre des mesures fortes d'économies pour garantir le respect de cette trajectoire. Quelles seraient ces mesures ? Nous n'avons obtenu aucune information sur ce point. Régulera-t-on enfin l'Ondam de ville et, si oui, comment ? À moins que cela ne signe le retour explicite d'économies sur l'hôpital...

Quant au reste des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, je ne peux là encore que regretter le caractère particulièrement lacunaire des informations transmises par le Gouvernement. Pour m'en tenir à l'exemple le plus significatif, l'évolution des dépenses de la branche vieillesse est censée intégrer dès 2023 les effets d'une réforme des retraites, mais ni ses paramètres ni même son impact financier ne sont précisés dans un quelconque document. Et, malgré mes demandes réitérées, je n'ai eu aucune précision - pas plus que votre commission, semble-t-il.

Néanmoins, eu égard au rôle qui doit être celui d'une loi de programmation, c'est à dire, en premier lieu, permettre au Gouvernement de vérifier chaque année si la trajectoire fixée est respectée ou non, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des articles dont elle était saisie, sous réserve de l'adoption de cinq amendements, que je vais vous présenter brièvement.

À l'article 17, la commission des affaires sociales a adopté deux amendements dont l'objet est de prolonger la trajectoire des dépenses des Robss et de l'Ondam. En effet, le « compteur des écarts » entre les dépenses prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et celles figurant dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) doit concerner toutes les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) jusqu'à l'année 2027. La nouvelle rédaction de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale fait même de ce « compteur des écarts » un élément obligatoire de la LFSS de l'année. Il importe donc que l'horizon de programmation ne se limite pas à l'année 2025.

À l'article 18, nous avons adopté un simple amendement de précision.

J'évoquerai plus en détail l'article 19, qui porte sur la « mise en réserve » de l'Ondam. Le montant minimal est fixé, depuis 2010, à « au moins 0,3 % » et suit en réalité ce taux. Pour 2022, cela représente 710 millions d'euros. Or, mes chers collègues, dans le silence de la loi, comment cette réserve a-t-elle été concrètement mise en oeuvre jusqu'à présent ? Pour 47 %, cette année, au moyen du « coefficient prudentiel » appliqué sur les tarifs hospitaliers, qui permet de les minorer en début d'année. Pour 21 %, en gelant une partie des dotations hospitalières. Pour 0 % sur l'Ondam de ville, parce que cela n'a pas de sens de mettre en réserve le remboursement des feuilles de soins et qu'aucun mécanisme de régulation n'existe sur les rémunérations, mêmes forfaitaires, des professionnels de santé.

L'hôpital porte donc en réalité 68 % des mises en réserve, ce qui représente un gel de 0,51 % de ses crédits. Dans ces conditions, notre commission a souhaité dire qu'il fallait cesser de faire porter les débordements de l'Ondam de ville par la régulation de l'hôpital.

À cette fin, nous proposons, d'une part, de fixer le taux de la mise en réserve : ce serait non plus un « plancher », mais un taux fixe ; d'autre part, d'inscrire de manière claire que la mise en réserve est homogène sur l'ensemble des sous-objectifs, de manière à mettre fin à l'effort supplémentaire demandé à l'hôpital.

Enfin, l'article 24 propose que le Gouvernement transmette chaque année au Parlement une décomposition du solde du sous-secteur des administrations de sécurité sociale (Asso), tout en précisant les différents éléments de cette décomposition. En cohérence avec la création des lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale, notre commission a adopté un amendement dont l'objet principal est d'assurer qu'une telle décomposition soit également transmise au Parlement, pour ce qui concerne l'exercice clos chaque année, avant le 1 er juin, soit au moment du dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, j'espère que la commission des finances partagera notre approche et pourra intégrer ces amendements dans le texte qu'elle établira à l'issue de cette réunion.

M. Vincent Capo-Canellas . - Qu'adviendra-t-il si ce projet de loi n'est pas adopté, compte tenu du vote de l'Assemblée nationale ?

En tout état de cause, la trajectoire proposée par le rapporteur nous paraît plus vertueuse pour endiguer la dérive des finances publiques et plus cohérente s'agissant des efforts demandés aux collectivités locales. Reste la question éternelle : comment procède-t-on ? Quelles dépenses vise-t-on ?

M. Sébastien Meurant . - Ce débat me fait penser à Churchill, qui disait ne croire les statistiques que lorsqu'il les avait lui-même falsifiées...

Ma question est simple : les lois de programmation ont-elles jamais été respectées ?

M. Claude Raynal , président . - La réponse est dans la question, mon cher collègue...

M. Bernard Delcros . - Le taux de 1 % de croissance du PIB en 2023 retenu par le Gouvernement et conservé par le rapporteur me semble raisonnable.

L'effort demandé à l'État doit être au même niveau que celui qui est demandé aux collectivités locales. Nous sommes sur la même ligne de redressement, mais, à notre sens, il faut non seulement une baisse des dépenses, mais également une augmentation des recettes. Nous ferons des propositions en ce sens.

Vous proposez une baisse de 3,8 milliards d'euros de dépenses non régaliennes. Pouvez-vous être plus précis sur le périmètre que vous envisagez ?

M. Éric Bocquet . - Le rapporteur est en forme. C'est un véritable tapis de bombes qu'il a lâché sur le Gouvernement en reprenant, en quelque sorte, le programme du quinquennat non avenu de Mme Pécresse. Vous avez franchi le Rubicon, pour reprendre l'expression d'un ancien Président de la République issu de vos rangs. J'entendais récemment Mme Louwagie regretter le manque d'ambition du Gouvernement sur les finances publiques. Vous en avez pour lui...

S'agissant des collectivités locales, vous ne dites rien sur la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). J'imagine donc que vous allez voter les amendements de rétablissement que nous allons proposer...

La dette a progressé, sous le quinquennat, précédent de 203 milliards d'euros, dont 7 % du fait des collectivités locales. C'est très injuste de les faire payer de nouveau.

Plus globalement, où pensez-vous faire des économies ? Sur la santé ? L'école ? La justice ? Je sais que vous finissez toujours par réduire les dépenses sociales, mais je ne saurais trop vous conseiller de regarder ce qui s'est passé au Royaume-Uni avec Mme Truss.

Mme Christine Lavarde . - Je ne suis pas mécontente d'entendre la référence que vous faites à Mme Pécresse. La trajectoire que propose M. le rapporteur nous convient parfaitement et ne me parait pas comparable avec celle présentée, il y a quelques semaines, par Elizabeth Truss au Royaume-Uni. Aucune modification de l'Ondam ou des dépenses de santé n'est proposée, mais nous partageons les inquiétudes de Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il faudra que le Gouvernement nous apporte des explications.

M. Rémi Féraud . - L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le texte, c'est la première fois que nous ne savons pas si nous aurons une loi de programmation des finances publiques. Ce n'est pas parce que les LPFP ne sont jamais respectées qu'il ne faut pas en avoir...

Votre trajectoire des recettes ressemble quand même fort à celle du Gouvernement. Êtes-vous d'accord avec lui à cet égard, exception faite de la CVAE ?

Il y a un côté inachevé dans la copie du Gouvernement et vous ne répondez pas aux questions qui se posent.

À quoi bon baisser de 3 points l'endettement si l'on n'arrive pas à remettre à niveau un certain nombre de services publics ?

S'agissant des dépenses régaliennes que vous souhaitez sanctuariser, je regrette, en tant que rapporteur spécial, que vous ne mentionniez pas les crédits de l'action extérieure de l'État. Compte tenu de l'évolution du monde, cette faiblesse pose problème.

M. Roger Karoutchi . - J'apprécie les efforts du rapporteur, mais je suis sceptique sur les lois de programmation. C'est, à mon sens, un concours de beauté un peu vain. Qu'en reste-t-il à l'arrivée ?

Cependant, s'il n'y a pas de volonté réelle du Gouvernement de trouver une voie de passage avec le Parlement, c'est problématique, surtout après tous les discours sur le compromis qu'il nous adresse.

Je suivrai, malgré tout, les recommandations du rapporteur, car elles me paraissent plus réalistes et rigoureuses.

Le Gouvernement est-il prêt à avancer avec le Sénat sur les collectivités locales et la baisse des dépenses publiques ?

M. Patrice Joly . - En dix ans, le président Macron aura réduit les recettes fiscales potentielles de 400 milliards d'euros, soit plus d'un budget annuel.

Dans quel secteur envisagez-vous de réduire les emplois publics ? Connaissez-vous l'impact économique des dépenses de l'État, qui participent aussi aux cycles économiques ?

M. Daniel Breuiller . - Je remercie le ministre des finances Jean-François Husson d'avoir proposé une trajectoire pour les finances publiques dans les cinq ans à venir... Trêve de plaisanterie : s'il y a un seul point sur lequel je suis d'accord avec le rapporteur, c'est la suppression de l'article 23.

Il est louable de demander autant d'efforts à l'État qu'aux collectivités locales, mais, pour ma part, j'en aurais demandé moins à ces dernières, car celles-ci ne sont pas responsables de la situation. C'est injuste de les traiter ainsi.

Avec la trajectoire proposée, on peut dire que nous arriverons à l'effondrement en bonne santé financière... C'est la récession annoncée !

Pour ce qui concerne la réduction du nombre d'emplois publics, j'ai bien vu ce qui s'est passé avec l'Office national des forêts (ONF). Pendant des années, on a sabré dans les effectifs. Résultat : avec les méga-feux de cet été, on s'est aperçu que la forêt française n'était pas assez entretenue.

Il faut bien préciser où vous comptez faire des économies, monsieur le rapporteur.

Enfin, pour moi, la nécessité d'une réforme des retraites n'est pas évidente. Nos concitoyens partiront, de fait, avec des pensions moindres, ce qui sera bénéfique pour les finances publiques, mais injuste socialement et humainement.

M. Pascal Savoldelli . - Il semble y avoir unanimité sur la suppression de l'article 23, ce qui est plutôt positif.

Cela dit, le rapporteur a eu une position très politique, en nous proposant un résumé du pacte de stabilité. Il a aussi laissé entendre qu'il approuvait le Gouvernement sur un certain nombre de réformes.

Monsieur le rapporteur, j'ai quatre questions à vous poser. Quid des recettes ? Vous ne proposez pas de contre-programmation. Quid de l'inflation dans vos projections ? Quid des taux d'intérêt de la dette à dix ans ? Êtes-vous d'accord avec l'évolution annoncée par le Gouvernement de la balance commerciale ?

M. Claude Raynal , président . - Il me semble qu'il y a une réelle volonté du Gouvernement de voir une loi de programmation votée, notamment pour l'image que nous renverrons à nos partenaires européens - il faut dire aussi que certains financements européens sont subordonnés à l'adoption d'une telle programmation. Je pense qu'il manifestera la volonté de trouver une solution avec le Sénat.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - J'abonde dans votre sens, monsieur le président.

On ne peut pas tourner le dos à l'Europe. Ce serait suicidaire. Quand ça souffle, il faut tenir le cap, et je ne veux pas me tromper de combat. Il nous faut un texte. Aussi, faisons entendre la voix du Sénat : c'est la voix de la responsabilité en ces temps graves. Notre assemblée a une représentativité différente, mais nous sommes tout aussi légitimes dans ce débat.

Monsieur Delcros, je vous l'indique, les grands sujets régaliens sont la justice, la sécurité, l'éducation et la santé.

S'agissant des économies possibles, nous avons rendu 109 rapports depuis 2015 : nous avons donc des pistes.

J'entends les critiques et je les respecte, mais nous devons tous faire des efforts ; nous avons connu l'époque du rabot, méthode imparfaite qui avait toutefois le mérite de trancher quand personne ne voulait prendre de décision.

La guerre aux portes de l'Europe aura des conséquences qui pourraient exiger une forme de ralentissement des lois de programmation, d'autant plus qu'avant même que ne commence cette guerre, à l'été 2021, une crise énergétique majeure a débuté. Je suis intervenu à de nombreuses reprises, ces dernières années, pour rappeler au Gouvernement le terrible impact de la crise énergétique sur le commerce extérieur. Il y a quelques années, plus de la moitié du déficit de la balance commerciale extérieure était liée à celui de la balance énergétique.

Après dix ans d'errements et de renoncements sur la question du nucléaire, chacun doit balayer devant sa porte. Les Français, s'ils ne trouvent pas mille et une vertus au nucléaire, ont le sentiment d'avoir été dépossédés de leur indépendance et de leur souveraineté énergétiques - et que cela leur coûte très cher ! Nous sommes tous interpellés sur cette question, et le ralentissement ne se fera pas du jour au lendemain.

Il est normal de tenir des comptes et de tenter d'alléger le poids de la dette, mais nous avons également la responsabilité de régler la dette écologique et environnementale, dont nous n'évaluons pas très bien le montant à l'échelle du pays et du monde.

Nous devons sortir des débats d'estrade et du bavardage intempestif et privilégier les résultats. Dans le cas contraire, cela pourrait se terminer dans la rue, à l'image de l'épisode des « gilets jaunes ».

Les semaines et les mois qui viennent comportent leur lot d'imprévisibilité et nous poussent à adopter une méthode solide et à nous exprimer clairement pour trouver la bonne ligne d'action. Il est important de bien définir notre trajectoire budgétaire.

Des réformes structurelles sont nécessaires. Sur les retraites, ma conviction est la suivante : l'espérance de vie en bonne santé a augmenté depuis le sortir de la Seconde Guerre mondiale et nous entrons plus tard sur le marché du travail ; nous devons donc cotiser plus longtemps pour toucher une meilleure retraite. En revanche, il n'est pas acceptable de faire travailler les gens plus longtemps pour une retraite plus faible. Les Français ont eu l'impression d'être pris dans une souricière sur cette question. Un débat serein doit être mené, avec pédagogie.

En ce qui concerne les recettes, je souscris aux déclarations du président du Sénat sur la suppression de la CVAE. Nous sommes dans une économie de guerre où la question énergétique est primordiale ; le bouclier énergétique prévu par le Gouvernement doit être à la hauteur. Soit nous mettons les moyens sur ce bouclier énergétique, soit nous supprimons la CVAE.

J'assume cet arbitrage et le dis aux chefs d'entreprises que je rencontre : nous devons maîtriser la dépense publique pour redresser notre balance commerciale et limiter notre endettement. Si notre effort démarre dès 2023, il sera moins douloureux que si nous attendons 2027.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-68 .

L'amendement COM-68 n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement de suppression COM-69 .

L'amendement COM-69 n'est pas adopté.

L'amendement COM-94 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Jean-François Husson , rapporteur . - J'émets un avis défavorable à l'amendement de suppression COM-70 .

L'amendement COM-70 n'est pas adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Mon amendement COM-95 revoit la trajectoire comme expliqué dans mon exposé introductif.

L'amendement COM-95 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-71 .

L'amendement COM-71 n'est pas adopté.

L'amendement COM-96 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je suis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-1 et COM-72 .

Les amendements identiques COM-1 et COM-72 ne sont pas adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - J'émets un avis défavorable à l'amendement COM-2 .

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'amendement rédactionnel COM-97 est adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je suis favorable à l'amendement COM-3 , qui vise à réduire à trois années le bornage dans le temps des dépenses fiscales.

L'amendement COM-3 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-83 rectifié bis devient sans objet.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - L'amendement COM-49 tend à présenter une évaluation lors de toute prorogation d'une dépense fiscale : avis favorable.

L'amendement COM-49 est adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je sollicite le retrait de l'amendement COM-4 ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 7

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je demande le retrait de l'amendement COM-50 ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-50 n'est pas adopté.

Article 8

Les amendements identiques COM-98 et COM-51 sont adoptés.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 8

M. Jean-François Husson , rapporteur . - À titre personnel, je suis favorable aux amendements identiques COM-24 et COM-52 , de même qu'à l'amendement COM-25 , mais je demande à ce qu'ils soient retirés afin que l'on puisse en débattre en séance publique.

Les amendements identiques COM-24 et COM-52 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement COM-25 .

Article 9

Les amendements identiques COM-99 et COM-53 sont adoptés.

L'amendement COM-100 est adopté.

Les amendements identiques COM-101 et COM-54 sont adoptés.

L'amendement COM-102 est adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je demande le retrait de l'amendement COM-84 rectifié bis ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-84 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement COM-103 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-5 et COM-73 .

Les amendements identiques COM-5 et COM-73 ne sont pas adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je sollicite le retrait des amendements COM-26 et COM-85 rectifié bis , au profit de mon amendement COM-104 .

Les amendements COM-26 et COM-85 rectifié bis ne sont pas adoptés. L'amendement COM-104 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je demande le retrait des amendements identiques de suppression COM-6 , COM-27 et COM-74 ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Les amendements identiques COM-6 , COM-27 et COM-74 ne sont pas adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-55 .

L'amendement COM-55 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je suis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-7 et COM-75 .

Les amendements identiques COM-7 et COM-75 ne sont pas adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je demande le retrait de l'amendement COM-28 ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-28 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté sans modification.

Article 13

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-8 et COM-76 .

Les amendements identiques COM-8 et COM-76 ne sont pas adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - J'émets un avis défavorable à l'amendement COM-86 rectifié , au profit de mon amendement COM-105 .

L'amendement COM-86 rectifié n'est pas adopté. L'amendement COM-105 est adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je suis favorable à l'amendement COM-56 .

L'amendement COM-56 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-29 .

L'amendement COM-29 est adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je demande le retrait des amendements COM-9 et COM-30 , au profit des amendements identiques COM-31 et COM-87 rectifié , pour lesquels j'émets un avis favorable.

Les amendements COM-9 et COM-30 ne sont pas adoptés. Les amendements identiques COM-31 et COM-87 rectifié sont adoptés.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15

L'amendement COM-106 est adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je demande le retrait des amendements COM-10 et COM-88 rectifié ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements COM-10 et COM-88 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-107 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-12 , COM-32 et COM-77 .

Les amendements identiques COM-12 , COM-32 et COM-77 ne sont pas adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement COM-13 .

L'amendement COM-13 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté sans modification.

Après l'article 16

M. Jean-François Husson , rapporteur . - J'émets un avis défavorable aux amendements COM-57 et COM-89 rectifié .

Les amendements COM-57 et COM-89 rectifié ne sont pas adoptés.

Article 17

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-14 et COM-78 .

Les amendements identiques COM-14 et COM-78 ne sont pas adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je suis favorable à l'amendement COM-58 .

L'amendement COM-58 est adopté.

Les amendements identiques COM-93 et COM-44 sont adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-59 .

L'amendement COM-59 est adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - J'émets un avis favorable à l'amendement COM-45 .

L'amendement COM-45 est adopté.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 18

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-79 .

L'amendement COM-79 n'est pas adopté.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-46 .

L'amendement COM-46 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je suis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-15 et COM-80 .

Les amendements identiques COM-15 et COM-80 ne sont pas adoptés.

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-47 .

L'amendement COM-47 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-60 devient sans objet.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 20

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Je demande le retrait de l'amendement COM-16 ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-16 n'est pas adopté.

L'article 20 est adopté sans modification.

Article 21

L'amendement COM-108 est adopté.

L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 22

L'article 22 est adopté sans modification.

Article 23

Les amendements identiques de suppression COM-109 , COM-17 , COM-23 , COM-81 et COM-90 rectifié sont adoptés. En conséquence, les amendements COM-61 et COM-82 , les amendements identiques COM-18 , COM-42 rectifié et COM-91 , les amendements identiques COM-19 , COM-43 rectifié et COM-92 , l'amendement COM-33 , l'amendement COM-34 , les amendements identiques COM-20 et COM-35 , les amendements COM-36 , COM-62 , COM-40 , COM-63 , COM-37 , COM-64 , COM-38 et COM-65 , les amendements identiques COM-21 et COM-39 , les amendements COM-22 , COM-66 et COM-41 deviennent sans objet.

L'article 23 est supprimé.

Article 24

M. Jean-François Husson , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-48 .

L'amendement COM-48 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-67 devient sans objet.

L'article 24 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 25

L'amendement COM-110 est adopté.

L'article 25 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 26

L'amendement COM-111 est adopté.

L'article 26 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Claude Raynal , président . - En ce qui concerne la recevabilité des amendements de séance, je vous informe que, pour la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, un périmètre n'est pas défini au titre de l'article 45 de la Constitution. Le périmètre des lois de programmation des finances publiques est, en effet, défini par les articles 1 A à 1 G de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) depuis sa dernière révision. Aussi, en application de l'article 45 du Règlement du Sénat, je serais conduit à déclarer irrecevables les amendements qui n'entreraient pas dans le périmètre défini par la loi organique.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

TITRE Ier : ORIENTATIONS PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES

Article 1er

Auteur

Sort de l'amendement

M. SAVOLDELLI

68

Rejeté

RAPPORT ANNEXÉ

Chapitre Ier : Le cadre financier pluriannuel de l'ensemble des administrations publiques

Article 2

Auteur

Sort de l'amendement

M. SAVOLDELLI

69

Rejeté

M. HUSSON, rapporteur

94

Adopté

Article 3

Auteur

Sort de l'amendement

M. SAVOLDELLI

70

Rejeté

M. HUSSON, rapporteur

95

Adopté

Article 4

Auteur

Sort de l'amendement

M. SAVOLDELLI

71

Rejeté

M. HUSSON, rapporteur

96

Adopté

Article 5

Article 6

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

1

Rejeté

M. SAVOLDELLI

72

Rejeté

M. FÉRAUD

2

Rejeté

Article 7

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

97

Adopté

M. FÉRAUD

3

Adopté

Mme PAOLI-GAGIN

83 rect. ter

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

49

Adopté

M. FÉRAUD

4

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 7

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

50

Rejeté

Article 8

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

98

Adopté

Le Gouvernement

51

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 8

Auteur

Sort de l'amendement

M. BREUILLER

24

Rejeté

Le Gouvernement

52

Rejeté

M. BREUILLER

25

Rejeté

Chapitre II : Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques centrales

Article 9

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

99

Adopté

Le Gouvernement

53

Adopté

M. HUSSON, rapporteur

100

Adopté

M. HUSSON, rapporteur

101

Adopté

Le Gouvernement

54

Adopté

M. HUSSON, rapporteur

102

Adopté

Mme PAOLI-GAGIN

84 rect. ter

Rejeté

M. HUSSON, rapporteur

103

Adopté

Article 10

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

5

Rejeté

M. SAVOLDELLI

73

Rejeté

M. BREUILLER

26

Rejeté

Mme PAOLI-GAGIN

85 rect. ter

Rejeté

M. HUSSON, rapporteur

104

Adopté

Article 11

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

6

Rejeté

M. BREUILLER

27

Rejeté

M. SAVOLDELLI

74

Rejeté

Le Gouvernement

55

Adopté

Article 12

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

7

Rejeté

M. SAVOLDELLI

75

Rejeté

M. BREUILLER

28

Rejeté

Article 13

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

8

Rejeté

M. SAVOLDELLI

76

Rejeté

Mme PAOLI-GAGIN

86 rect. bis

Rejeté

M. HUSSON, rapporteur

105

Adopté

Le Gouvernement

56

Adopté

Article 14

Auteur

Sort de l'amendement

M. BREUILLER

29

Adopté

M. FÉRAUD

9

Rejeté

M. BREUILLER

30

Rejeté

M. BREUILLER

31

Adopté

Mme PAOLI-GAGIN

87 rect. bis

Adopté

Article 15

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

106

Adopté

M. FÉRAUD

10

Rejeté

Mme PAOLI-GAGIN

88 rect. bis

Rejeté

M. HUSSON, rapporteur

107

Adopté

Chapitre III : Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques locales

Article 16

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

12

Rejeté

M. BREUILLER

32

Rejeté

M. SAVOLDELLI

77

Rejeté

M. FÉRAUD

13

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 16

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

57

Rejeté

Mme PAOLI-GAGIN

89 rect. bis

Rejeté

Chapitre IV : Le cadre financier pluriannuel des administrations de sécurité sociale

Article 17

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

14

Rejeté

M. SAVOLDELLI

78

Rejeté

Le Gouvernement

58

Adopté

M. HUSSON, rapporteur

93

Adopté

Mme DOINEAU

44

Adopté

Le Gouvernement

59

Adopté

Mme DOINEAU

45

Adopté

Article 18

Auteur

Sort de l'amendement

M. SAVOLDELLI

79

Rejeté

Mme DOINEAU

46

Adopté

Article 19

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

15

Rejeté

M. SAVOLDELLI

80

Rejeté

Mme DOINEAU

47

Adopté

Le Gouvernement

60

Satisfait ou sans objet

Article 20

Auteur

Sort de l'amendement

M. FÉRAUD

16

Rejeté

TITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET À L'INFORMATION ET AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

Chapitre IER : Ensemble des administrations publiques

Article 21

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

108

Adopté

Chapitre II : Administrations publiques centrales

Article 22

Chapitre III : ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

Article 23

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

109

Adopté

M. FÉRAUD

17

Adopté

M. BREUILLER

23

Adopté

M. SAVOLDELLI

81

Adopté

Mme PAOLI-GAGIN

90 rect. bis

Adopté

Le Gouvernement

61

Satisfait ou sans objet

M. PARIGI

82

Satisfait ou sans objet

M. FÉRAUD

18

Satisfait ou sans objet

M. BAZIN

42 rect. bis

Satisfait ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

91

Satisfait ou sans objet

M. FÉRAUD

19

Satisfait ou sans objet

M. BAZIN

43 rect. bis

Satisfait ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

92

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

33

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

34

Satisfait ou sans objet

M. FÉRAUD

20

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

35

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

36

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

62

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

40

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

63

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

37

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

64

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

38

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

65

Satisfait ou sans objet

M. FÉRAUD

21

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

39

Satisfait ou sans objet

M. FÉRAUD

22

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

66

Satisfait ou sans objet

M. BREUILLER

41

Satisfait ou sans objet

Chapitre IV : Administrations de sécurité sociale

Article 24

Auteur

Sort de l'amendement

Mme DOINEAU

48

Adopté

Le Gouvernement

67

Satisfait ou sans objet

Article 25

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

110

Adopté

Article 26

Auteur

Sort de l'amendement

M. HUSSON, rapporteur

111

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale du budget

- Mme Mélodie JODER, directrice du budget ;

- M. Stéphane ROBIN , sous-directeur chargé de la synthèse budgétaire ;

- M. Jean GUIS, adjoint au chef du bureau de la politique budgétaire.

Direction générale du Trésor

- Mme Agnès BÉNASSY-QUÉRÉ , chef économiste.

- M. Clovis KERDRAIN, sous-directeur des finances publiques ;

- M. Emmanuel BETRY , sous-directeur Diagnostic et prévisions ;

- Mme Anne BLONDY-TOURET, cheffe du service des politiques macro-économiques et des affaires européennes ;

- M. Antoine DERUENNES, chef de service des politiques publiques.

Table ronde

Régions de France

- M. Stéphane PERRIN, vice-président du conseil régional de Bretagne et président délégué de la commission administration générale.

Intercommunalités de France

- M. Sébastien MIOSSEC, président délégué d'Intercommunalités de France ;

- Mme Claire DELPECH, responsable du pôle finances et fiscalité ;

- Mme Montaine BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement.

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

- M. Pierre BRETEAU, co-président des finances et vice-président.

France Urbaine

- M. Franck CLAEYS, délégué adjoint.

Association des maires ruraux de France

- M. Gilles NOËL , président des maires ruraux de la Nièvre.

Contribution écrite

Assemblée des départements de France.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-071.html


* 1 DGT - Les effets macroéconomiques d'un recul de l'âge de l'ouverture des droits à la retraite - 19 octobre 2016.

* 2 OFCE - Les effets économiques d'une hausse de l'âge d'ouverture des droits à la retraite - 26 janvier 2022.

* 3 Direction générale du Trésor - Effet d'une mesure d'âge sur le solde des administrations
publiques - 27 janvier 2022.

* 4 OFCE - Les effets économiques d'une hausse de l'âge d'ouverture des droits à la
retraite - 26 janvier 2022.

* 5 Mercredi 19 octobre 2022 - Audition de la Commission des finances du Sénat - Perspectives économiques de la France pour les années 2023 à 2027.

* 6 COM (2022) 612 final.

* 7 Article 8 du présent projet de loi.

* 8 Article 12 du présent projet de loi.

* 9 Estimation faite sur la base de la loi de finances rectificative du 16 août 2022, selon l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2023.

* 10 Voir infra, article 10.

* 11 Rapport économique, social et financier (page 106).

* 12 Avis n° HCFP-2022-5 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 - 21 septembre 2022 (page 6).

* 13 Avis précité (page 17).

* 14 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 15 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 16 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 17 Telle que figurant rapport annexé.

* 18 Idem.

* 19 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 20 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 21 Tome II de l'annexe « Voies et moyens » annexée au projet de loi de finances pour 2023, p. 28.

* 22 Katia Weidenfeld, À l'ombre des niches fiscales , Economica, 2011.

* 23 Tome II de l'annexe « Voies et moyens » annexée au projet de loi de finances pour 2023, p. 8.

* 24 Conseil des impôts, Rapport sur les dépenses fiscales , 1979.

* 25 Une « annexe explicative analysant les prévisions de chaque recette budgétaire et présentant les dépenses fiscales » est prévue à l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

* 26 L'article 51 précité de la LOLF prévoit également que chaque projet annuel de performance présent une évaluation des dépenses fiscales.

* 27 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 28 Ces moyens incluent les crédits budgétaires, les dépenses des comptes spéciaux qui, le cas échéant, contribuent aux politiques publiques visées par la mission, les fonds de concours et attributions de produits, les dépenses fiscales, les prélèvements sur recettes le cas échéant et enfin les moyens alloués aux opérateurs.

* 29 D'une manière générale, les missions portant sur les politiques régaliennes (défense, justice, sécurités), aux services de l'État (transformation et fonction publiques, action extérieure de l'État...) ou aux pouvoirs publics ont peu ou pas du tout recours aux dépenses fiscales.

* 30 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 31 L'article 18 de loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoyait ainsi qu'un cinquième des dépenses fiscales seraient évaluées chaque année.

* 32 1° de l' article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 33 Direction du budget, Données chiffrées du projet de loi de finances pour 2023 , octobre 2022.

* 34 Dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2020, qui donne les chiffres définitifs pour 2018, les organismes de sécurité sociale ont été classés en tant qu'établissements publics non opérateurs de l'État, alors qu'ils sont rattachés au secteur social les années précédentes et suivantes.

* 35 Cette baisse de cotisations a été instituée par la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

* 36 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 37 Rapport n° 846 (2021-2022) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2022, déposé le 28 juillet 2022.

* 38 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 39 Article 15 pour ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2023.

* 40 Par exemple, le plafond de la taxe pour frais de contrôle sur les activités de transport public routier, affectée à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), était fixé à 1,1 million d'euros en 2017, alors même que le produit attendu s'élevait à 100 000 euros.

* 41 Ces rapports donnaient l'application des différentes dispositions de la loi de programmation en cours, en application de l'article 32 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 42 I de l'article 15 précité du projet de loi de finances pour 2023.

* 43 Article 5 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 44 Article 8 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 45 Article 9 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et rapport annexé.

* 46 Voir supra commentaire de l'article 8.

* 47 Voir notamment le rapport général n° 163 (2021-2022) de Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2022, déposé le 18 novembre 2021.

* 48 Le dernier excédent remonte à 1974 et la trajectoire pluriannuelle définie par le Gouvernement prévoit le maintien d'un déficit significatif jusqu'en 2027 au moins.

* 49 Le compte de concours financiers portant avances à l'audiovisuel public est toutefois intégré au périmètre de la norme de dépenses pilotables comme de l'objectif de dépenses totale, car il peut être assimilé en réalité à une dépense de l'État, par l'intermédiaire jusqu'en 2022 d'une affectation de taxe.

* 50 Voir le commentaire de l'article 23 du présent rapport.

* 51 Pour mémoire, l'article 26 du présent projet de loi abroge l'ensemble des dispositions de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 52 Voir supra , article 8.

* 53 Le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » est exclu de la définition du périmètre des dépenses de l'État, comme c'était le cas dans les précédentes normes de dépenses, car il s'agit d'un « programme-miroir » dont les dépenses sont également inscrites dans des dépenses sous norme du budget général.

* 54 Hors programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » (voir supra ).

* 55 Fraction de taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions, au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane telle que définie à l'article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 56 Voir l'encadré en page suivante pour la définition des schémas d'emploi et des plafonds d'autorisation d'emploi.

* 57 Voir à titre d'exemple les articles 32 et 33 du projet de loi de finances pour 2023.

* 58 Annexe budgétaire « Fonction publique » au projet de loi de finances pour 2023 : les sortants de la fonction publique de l'État ont été en 2020, en milliers d'agents, au nombre de 62,8 pour les fonctionnaires, 75,9 pour les contractuels et 14,5 pour les autres catégories et statuts, soit un total de 153,2. La fonction publique territoriale connaît des flux du même ordre.

* 59 La notion d'ETPT tient compte des postes à temps partiel ou occupés pendant une partie de l'année : un personnel recruté au mois de juillet sur un poste à mi-temps comptera pour 0,25 ETPT sur l'année en cours.

* 60 Ces établissements sont prévus par l' article 66 de la loi de finances pour 1974.

* 61 Pour ces trois catégories d'établissements, la fixation des plafonds résultait d'un usage jusqu'à l'an dernier d'une pratique suivie en loi de finances, qui a été inscrite dans la LOLF lors de sa révision du 28 décembre 2021.

* 62 La loi de règlement a été renommée en loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021.

* 63 Voir le rapport n° 343 (2000-2001) d'Alain Lambert, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi organique relative aux lois de finances, déposé le 29 mai 2001.

* 64 Article 2 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, abrogé par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 65 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 66 Ces tableaux sont spécialisés par titre dans les projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2023. Ils comprennent les prévisions d'ouvertures de recettes et celles de fonds de concours et d'attributions de crédits, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

* 67 Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 68 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 69 L'ensemble des calculs présentés ici sont définis avec une marge d'approximation, car les plafonds de crédits ne sont fixés qu'avec une précision de 0,1 milliard d'euros.

* 70 Le déflateur utilisé est l'indice des prix à la consommation harmonisé, estimé aux valeurs suivantes (réponses au questionnaire du rapporteur) :

2022

2023

2024

2025

2026

2027

5,4 %

4,3 %

3,0 %

2,1 %

1,75 %

1,75 %

* 71 En application du II de l'article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 qui prévoit qu'à compter de 2018, une fraction de TVA est affectée aux régions, au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane.

* 72 Articles 16 et 208 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 instaurant une part de TVA affectée aux départements, dite « fonds de sauvegarde ». À compter de 2022, cette fraction de TVA bénéficie de la dynamique nationale de TVA et est divisée en deux parts :

- une première part d'un montant fixe de 250 millions d'euros répartie entre les bénéficiaires en fonction de critères de fragilité sociale, reposant sur différents indicateurs (nombre de bénéficiaires du RSA, de l'allocation personnalisée d'autonomie, de la prestation de compensation du handicap et du revenu par habitant) ;

- une seconde part affectée à un fonds de sauvegarde des départements. En 2022, son montant sera égal à la différence entre le montant dynamique de la fraction et le montant fixé à la première part. À compter de l'année suivante, son montant sera augmenté annuellement de cette différence. La fraction du fonds de sauvegarde sera reversée aux collectivités concernées confrontées à une baisse importante de produit de DMTO et à une hausse importante des dépenses exposées au titre du revenu de solidarité active, de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap. La LFI pour 2022 prévoit un versement de la TVA affectée aux départements au titre du fonds de sauvegarde d'un montant de près de 264 millions d'euros.

* 73 Voir le commentaire de l'article 23.

* 74 « Le financement des collectivités territoriales : des scénarios d'évolution », rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2022.

* 75 Les annexes générales à la loi de finances sont prévues par l' article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 76 L'artificialisation nuit à la biodiversité, mais aussi au climat par la libération de carbone stocké dans les terres.

* 77 Rapport général n° 138 (2020-2021) de Jean-François Husson, tome I, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2021, déposé le 19 novembre 2020.

* 78 Par exception, la masse salariale des services et des autorités administratives ayant explicitement un objectif environnemental est considérée comme favorable.

* 79 Rapport n° 272 fait par Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur le projet de loi de programmation des finances publiques

pour les années 2023 à 2027, déposé le 4 octobre 2023.

* 80 Chambre des métiers et de l'artisanat, site https://www.aides-entreprises.fr .

* 81 Bpifrance, base nationale des aides publiques aux entreprises, site https://bpifrance-creation.fr/basedesaides . La somme est supérieure au nombre total d'aides, une aide pouvant avoir plusieurs objets.

* 82 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 83 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 84 Cf. supra l'exposé général du présent rapport.

* 85 Pour plus de détails, le lecteur est prié de se reporter au commentaire de l'article 23.

* 86 Reprise de l'article 3 de la loi organique du 17 décembre 2012.

* 87 Réponses au questionnaire du rapporteur.

* 88 Annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

* 89 Réponses au questionnaire du rapporteur.

* 90 Elles sont évaluées à 11,5 milliards d'euros sur l'année 2022.

* 91 Avis n° HCFP-2022-5 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 - 21 septembre 2022 (page 17).

* 92 Cour des comptes - Rapport annuel sur les lois de finances de la sécurité sociale - octobre 2022 (page 62).

* 93 « L'âge et les conditions de départ à la retraite, la durée de carrière et la durée de la retraite » - Secrétariat général du Conseil d'orientation des retraites - 27 janvier 2022.

* 94 Rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites - septembre 2022 (page 99).

* 95 Avis précité (page 17).

* 96 Avis précité (page 6).

* 97 Article L. 162-22-9-1 du code de la sécurité sociale.

* 98 Arrêté du 28 mars 2022 fixant pour l'année 2022 la valeur du coefficient mentionné au I de
l'article L. 162-22-9-1 du code de la sécurité sociale et pris en application de l'article R. 162-33-7
du code de la sécurité sociale.

* 99 Article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

* 100 Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - annexe 4 - Présentation des mesures de réduction et d'exonération de cotisations et contributions ainsi que de leur compensation.

* 101 Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - annexe 4 précitée.

* 102 Voir, par exemple, l'étude réalisée par l'Institut des Politiques Publiques dans le cadre de l'élaboration du rapport d'information de MM. Vincent ÉBLÉ et Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, sur la transformation de l'impôt de solidarité sur la
fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et création du prélèvement forfaitaire
unique (PFU).

* 103 Compte-rendu de la réunion de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale du 4 octobre 2022.

* 104 Rapport d'information n° 658 (2021-2022) de Mme Pascale GRUNY, président de la délégation du Bureau en charge du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances, déposé le 9 juin 2022.

* 105 Règlement (UE) n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l'Union européenne.

* 106 Article 107 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 107 Rapport n° 78 (2010-2011) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 octobre 2010, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 108 Michel Camdessus, « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », 25 juin 2010.

* 109 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 110 Article 8 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 111 À compter de 2016, les recettes marchandes de SNCF Réseau couvraient moins de 50 % de ses coûts de production, l'entité devenant dès lors une entité non marchande.

* 112 D'après les données publiées par la Cour des comptes, « La gestion de la dette publique et l'efficience du financement de l'État par l'Agence France Trésor », février 2022.

* 113 En se fondant sur le contrôle opéré par l'État et sur la nature non marchande de son activité.

* 114 D'après les informations transmises dans l'évaluation préalable du présent article.

* 115 Prévue à l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation.

* 116 Article 16 du projet de loi de finances pour 2023.

* 117 Selon les informations transmises dans l'évaluation préalable du présent article.

* 118 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 119 Article 12 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de
covid-19.

* 120 Indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac.

* 121 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018, loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 122 Entre contraintes budgétaires et priorités de l'État : quel rôle des dotations d'investissement pour les collectivités territoriales ? , Rapport d'information de MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL, fait au nom de la commission des finances n° 806 (2021-2022) - 20 juillet 2022

* 123 Pour plus de détails, le lecteur est prié de se reporter aux commentaires des articles 13 et 16.

* 124 En application de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la loi de finances de l'année, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale, ainsi que les lois de finances de fin de gestion (nouvelle appellation des lois de règlement) comprennent un article liminaire retraçant notamment, pour chaque sous-secteur d'administration publique, les prévisions de solde structurel et de solde effectif, l'objectif d'évolution en volume et la prévision en milliards d'euros courants des dépenses. Par ailleurs, l'article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, dispose que « dans son article liminaire, la loi de financement de l'année présente, pour l'exercice en cours et l'exercice à venir, l'état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale ».

* 125 Tel qu'il résulte de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

* 126 Pour mémoire, ce rapport a été publié le 8 août 2022, avec vingt-quatre jours de retard sur la date du 15 juillet prévue par l'article 48 de la LOLF.

* 127 Cet article, qui prévoyait la remise, en annexe au projet de loi de finances de l'année, d'un rapport relatif au « Grand plan d'investissement », a été transféré à l'article 179 de la loi de finances pour 2020, qui centralise l'ensemble des « jaunes ».

* 128 Ce I, qui définit la « doctrine des taxes affectées », a été abrogé avec effet à compter du 1 er janvier 2023 par la loi n° 2021-1577 du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques, en coordination avec le remplacement de cette doctrine dans la loi organique relative aux lois de finances (voir supra article 8).

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