II. UN TEXTE UTILISÉ POUR RÉMÉDIER À CERTAINES SITUATIONS INÉQUITABLES

A. L'ABOUTISSEMENT DU DÉBAT SUR LA DÉCONJUGALISATION DE L'AAH

La demande d'une suppression de la prise en compte des ressources du conjoint pour l'attribution et le calcul du montant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) se manifeste avec insistance depuis plusieurs années, traduisant une aspiration grandissante à l'autonomie financière au sein du couple 3 ( * ) . Cette revendication, qui a mis en lumière la situation particulièrement sensible des femmes en situation de handicap, a donné lieu à de multiples initiatives parlementaires qui n'ont pas abouti en raison de l'opposition du Gouvernement. À la suite d'un engagement présidentiel lors de la dernière campagne électorale, ce dernier a toutefois fait évoluer sa position.

L'article 5 bis , inséré en séance publique à l'Assemblée nationale, est le fruit d'un consensus politique reposant sur l'acceptation du principe de la « déconjugalisation » de l'AAH ainsi que sur la prise en compte de deux exigences :

- une date d'entrée en vigueur la plus précoce possible : celle-ci sera fixée par décret au plus tard le 1 er octobre 2023 . Ce délai semble nécessaire pour prévenir des difficultés, compte tenu du défi technique que représente la mise en oeuvre de cette réforme ;

- la neutralisation des effets de cette mesure pour les éventuels ménages « perdants », qui pourraient être plus de 44 000. Un mécanisme transitoire prévoit ainsi que toute personne bénéficiant de l'AAH à la date d'entrée en vigueur de la réforme pourra continuer d'en bénéficier selon les modalités prévues par le droit actuel jusqu'à l'expiration de ses droits à l'allocation, si ces modalités lui sont plus favorables . Ce mécanisme semble répondre aux préoccupations du Sénat sur le sort des éventuels perdants, même si des garanties doivent encore être apportées sur ses modalités d'applications qui seront précisées par décret.

La commission se félicite de la reconnaissance, à travers cette mesure, de la nature de prestation de compensation de l'éloignement de l'emploi, distincte d'un minimum social, de l'AAH.

Elle rappelle cependant que le chantier de la refonte de notre système de prise en charge du handicap ne se réduit pas à cette mesure et que toutes les conséquences du changement de logique de l'AAH n'ont pas encore été tirées.

B. LA SÉCURISATION JURIDIQUE DE L'ACCÈS AUX MINIMA DE PENSION DES RETRAITÉS EXERÇANT UN MANDAT ÉLECTORAL LOCAL

Au sein des régimes alignés (salariés, indépendants, agricoles), l'accès aux divers minima de pension (minimum contributif, pension majorée de référence ou complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire) et aux majorations de réversion est conditionné à la liquidation par l'assuré de l'ensemble de ses pensions personnelles de retraite .

Bien que, depuis la réforme dite « Touraine » de 2014, un assuré ayant repris une activité après la liquidation d'une pension de retraite de base ne constitue plus de droits à pension auprès d'aucun régime de base ou complémentaire, un dispositif dérogatoire s'applique aux élus locaux en vertu d'une lettre interministérielle du 8 juillet 1996. Sur cette base, les retraités exerçant un mandat local ouvrent des droits supplémentaires à pension auprès de l'Ircantec au titre de leurs indemnités de fonction, et ce même s'ils perçoivent déjà une pension servie par l'Ircantec .

Or, ces assurés ne peuvent solliciter le bénéfice des minima de pension et des majorations de réversion dans la mesure où, exerçant un mandat électoral, ils constituent encore des droits à pension. Afin d'éviter que cette situation décourage l'engagement des retraités dans la vie publique locale, le Gouvernement a invité les caisses de retraite, par une lettre interministérielle du 25 mars 2022 dérogeant aux dispositions législatives , à ne pas tenir compte des droits en cours de constitution auprès de l'Ircantec par les élus locaux pour l'attribution de ces minima.

Le Gouvernement n'ayant pas régularisé la règlementation applicable, l'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative du président André Chassaigne, l'article 5 ter , qui donne une base légale à l'instruction interministérielle du 25 mars 2022 .

La situation juridique de la lettre interministérielle du 8 juillet 1996 étant tout aussi fragile, la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la règle de droit commun en matière de non-constitution de droits à pension au titre d'une activité reprise après la liquidation d'une première pension ne fait pas obstacle à la constitution de tels droits auprès de l'Ircantec au titre des indemnités de fonction perçues par les élus locaux .


* 3 Voir le rapport n° 400 (2020-2021) de M. Philippe Mouiller, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 3 mars 2021, sur la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale.

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