II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL PAR PROGRAMME

A. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

Le principal enjeu de la mission Conseil et contrôle de l'État demeure l'adéquation des moyens du programme 165 avec la croissance continue du contentieux administratif, en particulier pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). La hausse des dépenses du programme par rapport à 2020, de 5 % en CP et 0,2 % en AE, a été inférieure à celle anticipée en LFI pour 2021.

Évolution des crédits du programme 165

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Une sous-exécution du schéma d'emplois qui perdure en 2021 et s'avère inopportune à l'aune de la hausse continue du contentieux administratif

En 2021, les créations nettes d'emplois dans les juridictions administratives se sont établies à 42 ETP. Afin de faire face à la hausse du contentieux administratif, les effectifs ont été significativement renforcés depuis 2018 de 318 ETP (106 ETP en 2018, 108 ETP en 2019 et 104 ETP en 2020).

Le schéma d'emplois est toutefois de nouveau sous-exécuté en 2021. Le schéma d'emploi initial était fixé à + 28 ETP, majoré de + 45 ETP au titre du rattrapage de la sous-exécution du schéma d'emplois de 2020, soit un schéma d'emplois rehaussé à + 73 ETP. Ainsi, les emplois créés en 2021, à hauteur de 42 ETP sont en deçà de l'autorisation en loi de finances initiale, et il subsiste 31 ETP non pourvus au regard du schéma d'emplois effectif. L'exécution du schéma d'emplois a été affectée par l'augmentation des départs temporaires de magistrats dans le cadre de leur mobilité, des départs à la retraite plus nombreux que prévus (101 au lieu de 31), ou encore le report de l'ouverture de la cour administrative d'appel (CAA) de Toulouse en 2022.

Par ailleurs, la répartition des emplois créés s'écarte de la prévision. Au regard du schéma d'emploi inscrit dans le projet annuel de performance du programme, les créations d'emplois sont inférieures de presque 30 ETP pour les magistrats administratifs et 9 ETP pour les personnels de catégories B. À l'inverse, 27 emplois de personnels de catégorie A et 25 de personnels de catégorie C ont été créés en plus.

Exécution du schéma d'emplois du programme 165 en 2021

(en ETP)

Catégorie d'emploi

Sorties

Entrées

Créations nettes d'emploi

Prévues

Réalisées

Prévues

Réalisées

Prévues PAP

Réalisées

Membres du Conseil d'État

30

28

33

31

+ 3

+ 3

Magistrats de l'ordre administratif

130

138,95

140

119

+ 10

- 19,95

Catégorie A

190

305,80

194

337,13

+ 4

+ 31,33

Catégorie B

80

77,79

86

75,06

+ 6

- 2,73

Catégorie C

180

233,86

185

264,48

+ 5

+ 30,62

Total

610

784,40

638

826,67

+ 28

+ 42,27

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Malgré un relèvement du plafond d'autorisation d'emplois de 4 224 ETPT en 2020 à 4 253 ETPT en 2021, la consommation est en deçà de ce plafond pour s'établir à 4 194 ETPT. Toutefois, la consommation 2021 connait une augmentation de 80 ETPT par rapport à la consommation 2020 . Cette hausse résulte, d'une part, de l'impact du schéma d'emplois réalisé en 2021 (+ 70 ETPT pour 42 créations d'emplois) et, d'autre part, de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2020 (+ 11 ETPT).

Ainsi, les crédits de titre 2 ouverts en LFI étaient de 367,3 millions d'euros pour une consommation de 360,3 millions d'euros .

Le rapporteur spécial regrette vivement la sous-consommation du plafond d'emplois accordé au programme 165 en 2021 , qui s'inscrit désormais dans la durée, et ce dans un contexte de forte pression sur les juridictions administratives, qui demeurent toutefois efficientes.

2. Des délais de jugement en baisse en 2021 au soutien de juridictions administratives efficientes

La réduction des délais de jugement a été un enjeu majeur pour les juridictions administratives au cours de ces vingt dernières années.

Entre 2002 et 2021, le délai prévisible moyen de jugement est passé en 1 ère instance de près de 20 mois à un peu plus de 9 mois. L'impact de la crise sanitaire en 2020 a été limité dans la mesure où les délais moyens de jugement devant les tribunaux administratifs ont été de 10 mois. En appel, ce délai est passé de 3 ans et 1 mois à 11 mois et 15 jours (1 an et 3 jours en 2020 sous l'effet de la crise sanitaire). Cette réduction doit d'autant plus être soulignée que l'augmentation des recours devant les juridictions administratives atteint plus de 5 % en moyenne annuelle depuis près de 50 ans . Pour 2021, 225 965 recours ont été déposés via l'application Télérecours, contre 194 553 en 2020, représentant ainsi une hausse de 16 % .

Le rapporteur spécial insiste de nouveau sur l'importance que représente le coût de la réduction des délais de jugement. Un gain d'un mois de délai moyen de jugement se traduit par une baisse des dépenses de 14 millions euros , sans compter le coût humain et social que peuvent représenter des procédures trop longues.

Délai moyen de jugement par niveau de juridiction
y compris procédures d'urgence

2019

2020

Prévision
LFI 2021

Réalisation 2021

Tribunaux administratifs

9 mois
et 4 jours

10 mois

10 mois

9 mois et 16 jours

Cours administratives d'appel

10 mois
et 26 jours

1 an et 3 jours

1 an

11 mois et 15 jours

Conseil d'État

7 mois
et 20 jours

7 mois et 29 jours

8 mois et 7 jours

7 mois et 8 jours

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'indicateur de délai moyen de jugement des affaires a connu une nette amélioration par rapport à 2020 . En effet, devant le Conseil d'État, le délai moyen constaté a diminué de 21 jours par rapport à 2020 et est inférieur d'un mois par rapport à la prévision 2021. De même, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, les délais ont été réduits respectivement 14 et 18 jours par rapport à 2020.

Cette embellie doit toutefois être quelque peu relativisée par une nouvelle forte hausse des référés devant les juridictions administratives , qui diminue artificiellement les délais moyens de jugement. Sur les 11 633 affaires jugées par le Conseil d'État en 2021, 937 ont été jugées en référés pour lesquelles il a statué dans un délai moyen de 18 jours. Il est à noter que cette hausse de 99 % des référés est circonstancielle dès lors que 44 % des référés portaient sur des mesures en lien avec le Covid-19. Ce phénomène est également observable pour les tribunaux administratifs puisque sur 233 254 affaires jugées, 46 100 l'ont été en urgence.

Une sensible augmentation du stock des dossiers anciens est constatée en 2021 pour les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (10 % par rapport à 8,9 % en 2020 pour les tribunaux et 5,2 % par rapport à 3,6 % en 2020 pour les cours), qui s'explique principalement par une reprise du contentieux au cours de l'année 2021. En revanche, devant le Conseil d'État, cette proportion est légèrement inférieure par rapport à l'année 2020 et à la prévision 2021.

Par ailleurs, au-delà de la réduction des délais de jugement au sortir de la crise sanitaire, le nombre d'affaires réglées par un magistrat et par un agent de greffe (indicateurs 3.1 et 3.2) progresse . Quel que soit le niveau de juridiction, le nombre d'affaires réglées par un magistrat ou un agent de greffe en 2021 est toujours supérieur à l'exercice 2020 et aux prévisions de la loi de finances initiale.

3. Vers une normalisation de l'activité pour la Cour nationale du droit d'asile après une année 2020 très perturbée

Le premier confinement a entraîné un arrêt total de la CNDA, qui n'a pu reprendre son activité complète qu'à partir du mois d'août 2020. De ce fait, les délais moyens de jugement en 2020 sont fortement supérieurs à ceux constatés en 2019.

L'année 2021 a été marquée par une nouvelle exposition de la CNDA à la crise sanitaire, mais les conséquences sur l'activité ont été limitées. Les entrées sont en hausse de 48 % par rapport à 2020 , et de 15 % par rapport à 2019, dernière année d'activité normale, avec 68 243 nouveaux recours enregistrés. La CNDA a rendu 68 403 décisions, soit une hausse de 63 % par rapport à 2020 et de 3 % par rapport à 2019.

De plus, le stock a été maîtrisé, passant de 33 513 dossiers en 2020 à 33 353 dossiers en 2021. À la suite de l'assainissement mené par la Cour sur le stock d'affaires en instance depuis plus d'un an, leur proportion est passée de 26,7 % en décembre 2020 à 12,1 % au 31 décembre 2021.

Le délai moyen de jugement, qui s'était fortement dégradé durant la crise sanitaire, s'établit à 7 mois et 8 jours, soit une diminution d'un mois en comparaison avec 2020. Pour les affaires relevant de la procédure normale, le délai a baissé de 2 mois par rapport à 2020 et s'élève à 8 mois et 16 jours. Pour les affaires relevant de la procédure accélérée, le délai s'est allongé de 7 jours pour s'établir en 2021 à 4 mois. Enfin, le délai prévisible moyen de jugement a significativement diminué, passant de 9 mois et 17 jours fin 2020 à 5 mois et 25 jours en 2021.

La CNDA estime qu'un retour à une activité normale , si aucun évènement ne venait perturber la productivité de la Cour, pourrait permettre de se rapprocher des délais de jugement fixés par le législateur dès 2022 .

Par conséquent, le rapporteur spécial insiste, au même titre que pour les juridictions de droit commun, pour ne pas faiblir dans le renforcement régulier des effectifs, adapté à la hausse de l'activité contentieuse.

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