II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. PROGRAMME 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE »

1. Une exécution très variable selon les actions

En 2021, la consommation des crédits de paiement du programme 112 s'est élevée à un montant total de 300,6 millions d'euros , dont 94,5 millions d'euros sur des engagements antérieurs à 2021 et 188 millions d'euros (soit 66,5 % des CP consommés) sur des engagements de l'année 2021.

Cela représente une croissance du programme de 33 % en AE et 6 % en CP, essentiellement du fait d'effets de cycle liés à la nouvelle génération de CPER 2021-2027 .

Les crédits du programme 112 sont inégalement répartis entre les différentes actions. Plus des deux-tiers passent par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) , qui concerne différentes actions qui concourent à mettre en oeuvre les choix stratégiques de la politique d'aménagement du territoire, dont les contrats de plan État-régions.

Répartition de la programmation des crédits du programme 112
en 2021 par action

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le projet de loi de finances pour 2021 avait autorisé l'ouverture de crédits pour le programme 112 à hauteur de 175 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 230 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

L'exécution 2021 se caractérise par l'importance des mouvements de crédits en gestion , qui ont presque doublé les crédits accordés en loi de finances initiale en AE.

Exécution budgétaire du programme 112 pour l'exercice 2021

(en millions d'euros)

AE CP

Commission des finances, à partir des données de Chorus

En conséquence, ces mouvements de crédits limitent la sincérité de la programmation, aboutissant à une surconsommation par rapport à la LFI et à une sous-consommation de 6 % en AE et 9,23 % en CP par rapport aux montants prévisionnels intégrant les fonds de concours .

Évolution des crédits par action du programme 112

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2020

Exécution 2021

Exécution / prévision 2021

Exécution 2021 / 2020

Crédits votés LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

11 - FNADT section locale

AE

110 336 377

75 246 423

142 967 531

67 721 108

+ 90,0%

110 336 377

+ 29,6%

CP

105 159 879

103 018 783

105 725 020

2 706 237

+ 2,6%

105 159 879

+ 0,5%

12 - FNADT section générale

AE

48 210 956

51 930 000

91 363 114

39 433 114

+ 75,9%

48 210 956

+ 89,5%

CP

55 463 573

56 613 000

86 042 209

29 429 209

+ 52,0%

55 463 573

+ 55,1%

13 - Soutien aux Opérateurs

AE

71 398 161

65 344 907

68 601 450

3 256 543

+ 5,0%

71 398 161

- 3,9%

CP

73 443 770

65 344 907

68 929 789

3 584 882

+ 5,5%

73 443 770

- 6,1%

14 - Prime d'aménagement du territoire, contrats de ruralité et pacte État-métropoles

AE

- 4 737 185

0

- 2 342 915

- 2 342 915

/

- 4 737 185

- 50,5%

CP

32 535 492

22 500 000

21 778 083

- 721 917

- 3,2%

32 535 492

- 33,1%

Total programme

AE

225 208 308

192 521 330

300 589 181

108 067 851

+ 56,1%

225 208 308

+ 33,5%

CP

266 602 713

247 476 690

282 475 101

34 998 411

+ 14,1%

266 602 713

+ 6,0%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En outre, l'exécution est très variable selon les actions, ce qui est lié au caractère spécifique de certaines d'entre elles. L'action 11, qui porte la section locale du FNADT, c'est-à-dire essentiellement des crédits contractualisés entre l'État et les collectivités territoriales, est en effet en nette hausse du fait de la nouvelle génération de CPER .

L'action 12 croît également fortement, notamment du fait de la montée en puissance du dispositif France services et de la croissance du nombre de maisons. La sur-exécution des crédits est cependant moindre qu'il n'apparaît, une fois soustraite la participation des opérateurs France services .

L'action 14 est en baisse de 33 % en CP et en AE, car les dispositifs qu'elle porte sont soit en extinction, soit rattachés aujourd'hui à d'autres programmes . La prime d'aménagement du territoire (PAT), qui constituait l'essentiel de l'action, a pris fin au 31 décembre 2020 2 ( * ) . En conséquence, les AE sont en chute constante au cours des dernières années, et plus aucun crédit ne figure en AE sur le programme 112 à ce titre en 2021. D'autre part, la loi de finances pour 2018 a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité et des pactes État-métropoles sur le programme 112, transférés vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) .

L'action 13 « Soutien aux opérateurs » est quant à elle en légère baisse, ce qui tranche avec la hausse des crédits de l'action depuis la création de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en 2020.

Consommation 2021 par dispositif et par action

(en euros)

Source : rapport annuel de performance

2. Une regrettable stabilité des crédits dédiés à l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

En 2021, la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l'ANCT s'est élevée à 61,97 millions d'euros en AE et en CP . En 2020, la SCSP versée à l'ANCT s'était élevée à 50,34 millions d'euros en AE et CP , auxquels s'étaient ajoutés 20,8 millions d'euros transférés à l'ANCT en gestion . En conséquence, les crédits sont en baisse par rapport à l'année précédente de 3,9 % en AE et 6,1 % en CP, malgré une sur-exécution de 5 % en 2021 par rapport à la prévision initiale. Un transfert d'un million d'euros à destination de l'ANCT est intervenu en cours de gestion, correspondant aux financements de dispositifs pour l'animation et la structuration du réseau des tiers lieux dans le cadre du programme Fabriques de territoires.

S'agissant du budget de l'ANCT, l'exécution 2021 est marquée par un faible taux d'exécution des dépenses (68 % en CP) et un fort taux de réalisation des recettes (97 %) . Le faible taux d'exécution des dépenses découle essentiellement d'une sous-réalisation de plusieurs dispositifs relevant du programme France relance.

Les dépenses de soutien à l'ingénierie locale par l'ANCT aux collectivités territoriales sont toutefois en hausse , du fait de l'enveloppe dédiée de 20 millions d'euros accordée en LFI. Ces dépenses ont été sur-exécutées à hauteur de 132 % en AE (exécution de 26,4 millions d'euros sur les 20 millions d'euros prévus) et exécutées à hauteur de 99 % en CP (exécution de 18,1 millions d'euros pour une enveloppe de 18,2 millions d'euros).

Le soutien de l'ANCT aux territoires s'est principalement fait par la mobilisation du marché d'ingénierie (14,7 millions d'euros) et le versement de subventions (11,6 millions d'euros). Cela semble très peu au regard de l'importante demande des collectivités pour un accompagnement en ingénierie de proximité .

Le rapporteur spécial avait indiqué l'année dernière qu'il semblait impératif de poursuivre le mouvement de hausse des crédits accordés à l'ingénierie . Cette observation est toujours d'actualité.

Comme l'année précédente, le plafond d'emplois de l'ANCT a été sous-consommé. L'agence devait exécuter un schéma d'emplois de - 6 ETP, ramené à - 3 ETP en cours de gestion du fait du relèvement du plafond d'emplois de 3 ETPT en LFR. Le plafond d'emplois constaté en LFR se situe ainsi à 327 ETPT mais le stock d'ETP s'élevait ainsi à 318 ETP en décembre 2021 . D'après les prévisions, l'ANCT devait disposer de 329 ETPT en 2021, dont 6 hors plafond, qui devaient permettre d'élargir le soutien à l'ingénierie pour les collectivités locales.

Toutefois, la stabilisation des dépenses de fonctionnement de l'ANCT depuis 2020 est à mettre en perspective avec la forte mobilisation de l'agence au cours des deux dernières années , dans un contexte de fragilisation des collectivités territoriales par la crise sanitaire, qui n'avait pas nécessairement été pleinement anticipée lors de sa création.

Le champ d'action de l'agence s'est notamment étendu , d'une part à travers le déploiement de ses programmes dans les territoires, et notamment « petites villes de demain », et d'autre part à travers la forte sollicitation de l'ANCT pour le déploiement de plusieurs dispositifs du plan de relance en 2021 et 2022 et la mise en place des contrats de relance et de transition écologique (CRTE).

3. L'engagement des dépenses de la nouvelle génération de CPER se traduit par une hausse des crédits de la section locale du FNADT

Le niveau élevé des crédits de l'action 11 est à relier avec la première année d'exécution des engagements de la génération des CPER 2021-2027 . Les AE consommées pour les engagements des CPER 2021-2027 représentent 32 % du montant total des AE exécutées sur le programme 112. Sur 77 millions d'euros au titre des CPER, 57,3 millions d'euros ont été consacrés au financement des restes à payer des générations précédentes de CPER.

En outre, en 2021, les CPER ont bénéficié d'un abondement complémentaire de crédits à hauteur de 77,6 millions d'euros en AE et 19,69 millions d'euros en CP au titre du programme 364 « Cohésion » du plan de relance , intégralement exécutés en AE et consommés à hauteur de 89 % en CP.

Crédits dédiés à la contractualisation avec les régions en 2020 et 2021

(en euros)

AE 2021

CP 2021

AE 2020

CP 2020

CPER 2007-2014

- 779 954

668 026

- 1 007 995

3 915 822

CPER 2015-2020

- 3 728 261

56 581 606

96 581 278

88 033 768

Contrats de convergence et de transformation (CCT) 2019-2022

4 949 451

1 887 886

3 309 663

1 876 798

Pactes de développement territorial

3 700 067

9 487 677

11 453 430

11 333 491

CPER 2021-2027

60 843 557

19 488 115

0

0

Relance CPER

77 982 671

17 611 710

0

0

Total

142 967 531

105 725 020

110 336 376

105 159 879

Source : commission des finances d'après Chorus

4. Une montée en puissance des mesures de l'Agenda rural

Plusieurs des 180 mesures de l'Agenda rural sont financées par le programme 112.

Au total, 43 millions en AE et en CP ont ainsi été consommés pour les maisons France services, dont 21,12 millions d'euros en AE et 21,04 millions d'euros en CP pour la part « État » . En 2022, les crédits du FNADT dédiés aux maisons France Services devraient s'élever à 36,4 millions d'euros pour la seule part de l'État selon les prévisions en LFI. Cette hausse est liée à l'augmentation rapide du nombre de maisons. Le nombre de maisons France services labellisées a presque doublé en deux ans pour atteindre 2 197 maisons en avril 2022.

Chaque maison France services est financée par un forfait de 30 000 euros par an et par maison. Le financement des maisons France services s'appuie sur le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) côté État, et côté opérateurs, sur le fonds national France services (FNFS). Le rapporteur spécial renvoie sur ce sujet aux conclusions du travail de contrôle qu'il a mené au premier semestre 2022 3 ( * ) .

Le programme Petites villes de demain est une autre des mesures de l'Agenda rural, dans le prolongement du programme « Action coeur de ville », qui a bénéficié à peu de petites villes et dont la réalisation a pu être considérée comme décevante . Il a été lancé au 1 er octobre 2020 et, sur la période 2021-2026, 3 milliards d'euros sont prévus pour le programme, au travers de crédits de droit commun et de crédits « relance ». 11,2 millions d'euros en AE et 9 millions d'euros en CP ont été consommés en 2021 pour ce programme.

Concernant le programme « Fabriques de territoires », 15,7 millions d'euros en AE et 14,6 millions d'euros en CP ont été mobilisés sur le programme 112, permettant un soutien forfaitaire de 50 000 euros aux 300 fabriques labellisées en 2021.

Enfin, les crédits transférés au programme 112 depuis la mission « Plan de relance » ont permis le financement de certains axes de l'Agenda rural, notamment l'embauche de 253 volontaires territoriaux en administration (VTA) pour une enveloppe de 3,75 millions d'euros.

5. Les dépenses fiscales rattachées au programme 112 représentent près de trois fois le montant des crédits budgétaires qui lui sont alloués

Plusieurs dispositifs de zonage, soit 18 dépenses fiscales sur impôt d'État, sont rattachés à ce programme, dont huit s'élevaient à moins d'un million d'euros. Ce sont le plus souvent des exonérations ou des réductions d'impôt associées au classement dans divers dispositifs de zonages, pour un total de 590 millions d'euros en 2021, contre 642 millions d'euros en 2020 et 631 en 2019.

Les zones de revitalisation rurales (ZRR, 193 millions d'euros en 2021), les taux de TVA adaptés à la Corse (195 millions d'euros) et le crédit d'impôt en faveur de l'investissement en Corse (CIIC, 100 millions d'euros) concentrent l'essentiel des dépenses fiscales. Il est indispensable d'assurer un suivi précis de ces coûts, qui représentent près de trois fois les crédits budgétaires affectés au programme 112 .

D'autre part, neuf dépenses fiscales sur des impôts locaux , mais prises en charge par l'État, sont également rattachées au programme 112, pour un total de 8 millions d'euros.

Un article visant à proroger plusieurs dispositifs zonés de soutien, dont les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les zones d'aide à finalité régionale (AFR), a été adopté lors du vote de la loi de finances pour 2022, dans l'attente d'une refonte de ces zonages.

Le rapporteur spécial salue le maintien d'un dispositif qui a fait ses preuves . Il a exprimé à plusieurs reprises l'objectif d'une pérennisation du zonage , lors d'un travail de contrôle sur l'avenir des ZRR mené avec ses collègues Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau 4 ( * ) ainsi que dans un rapport rendu au Gouvernement rédigé avec Frédérique Espagnac et deux députés, Anne Blanc et Jean-Noël Barrot. 5 ( * )

Principales dépenses fiscales associées au programme

(en millions d'euros et en %)

Crédit d'impôt

2019

2020

2021 (actualisé)

2022 (prévision)

Taux particuliers applicables à divers produits et services consommés ou utilisés en Corse

220

185

195

205

Exonération d'impôt sur les bénéfices dans les ZRR pour les entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2022

162

223

193

209

Crédit d'impôt pour investissement en Corse

100

113

100

110

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles qui se créent entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2020 dans les zones d'aide à finalité régionale ou qui se sont créées entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine

81

81

69

75

Exonération temporaire des mutations par décès portant sur des immeubles et des droits immobiliers situés en Corse

20

20

20

20

Exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises qui exercent ou créent entre le 1 er janvier 2007 et le 31 décembre 2017 une activité dans les bassins d'emploi à redynamiser

6

8

6

7

Exonération de la partie du trajet effectué à l'intérieur de l'espace maritime national pour les transports aériens ou maritimes de personnes et de marchandises en provenance ou à destination de la Corse

5

3

4

4

Exonération du droit budgétaire de 2 % de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce dans certaines zones prioritaires d'aménagement du territoire

0

0

0

0

Majoration de la base de calcul des amortissements des immobilisations acquises au moyen de primes de développement régional, de développement artisanal ou d'aménagement du territoire

1

1

0

0

Détaxe applicable aux supercarburants et essences consommés en Corse

1

1

1

1

Réduction de 25 % des bases imposées en Corse au profit des communes et des EPCI.
Suppression des parts départementales et régionales

7

7

7

7

Autres dépenses fiscales du programme

0

0

0

0

Total

631

642

595

638

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires


* 2 Conformément aux dispositions du décret n° 2014-1056 du 16 septembre 2014 relatif à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services.

* 3 Les maisons France services, leviers de cohésion sociale, rapport n° 778 de M. Bernard DELCROS au nom de la commission des finances, juillet 2022.

* 4 Rapport d'information n° 41 (2019-2020), Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR), un enjeu pour 2020, de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau.

* 5 Zones de revitalisation rurale, un enjeu pour l'attractivité des territoires ruraux, rapport au Premier ministre, mars 2022.

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