C. LA REBUDGÉTISATION PARTIELLE DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS FONCIERS ET LA MISE EN oeUVRE DU PLAN DE RELANCE ACCROISSENT LE PÉRIMÈTRE D'ACTION DU PROGRAMME 135

Le programme 135 porte des crédits consacrés à des actions liées à la construction et l'habitat , en particulier par les aides à la pierre pour la construction de logements sociaux, la rénovation thermique des logements privés et, désormais, le financement des établissements publics fonciers.

L' action 01 « Construction locative et amélioration du parc » porte des crédits budgétaires destinés à la rénovation des cités minières et à l'accueil des gens du voyage mais reçoit surtout, en exécution, des fonds de concours reversés au fonds national des aides à la pierre (FNAP). Elle représente 314,5 millions d'euros, soit 33,4 % des crédits de paiement consommés du programme 135 (voir infra ).

L' action 04 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » porte 32,8 % des crédits de paiement consommés en 2021 sur le programme 135, avec 309 millions d'euros en crédits de paiement, correspondant principalement aux crédits budgétaires destinés à l' Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements privés à hauteur de 270 millions d'euros. Les dépenses liées au contentieux de l'habitat (mise en oeuvre du droit au logement opposable ou DALO, recours de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, application des règlementations en vigueur dans le domaine de l'habitat) sont de 34 millions d'euros , ce qui correspond majoritairement aux astreintes à la charge de l'État versées au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).

S'agissant des autres actions, l' action 02 « Soutien à l'accession à la propriété » comprend des commissions de gestion versées à la société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFFAS), car cette politique passe par des dispositifs fiscaux et des crédits extrabudgétaires. L' action 03 « Lutte contre l'habitat indigne » retrace certaines dépenses prises en charge directement par l'État, cette politique étant mise en oeuvre à titre principal par l'ANAH. L' action 05 « Soutien » regroupe des crédits d'étude, de médiation, de communication, ainsi que des crédits liés aux applications informatiques et à la formation des personnels. Enfin l' action 07 « Urbanisme et aménagement » finance certaines actions en lien avec l'urbanisme et l'aménagement.

En 2021, deux actions nouvelles ont été créées dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de relance : les actions 08 « Crédits relance cohésion » (30,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2,8 millions d'euros en crédits de paiement) et 09 « Crédits relance écologie » (402,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 20,0 millions d'euros en crédits de paiement), alimentées entièrement par des transferts depuis la mission « Plan de relance » (voir infra ).

Évolution des crédits du programme 135 par action

(en millions d'euros et en %)

2020

2021

Exécution / prévision 2021

Exécution

2021 / 2020

Exécution

Crédits votés LFI

Prévision LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

01 - Construction locative et amélioration du parc

AE

374,4

19,0

471,0

363,0

- 108,0

- 22,9%

- 11,4

- 3,1%

CP

285,2

19,0

471,0

314,5

- 156,5

- 33,2%

+ 29,3

+ 10,3%

02 - Soutien à l'accession à la propriété

AE

4,1

4,1

4,1

3,6

- 0,5

- 11,3%

- 0,5

- 12,3%

CP

4,1

4,1

4,1

3,6

- 0,5

- 11,3%

- 0,5

- 12,3%

03 - Lutte contre l'habitat indigne

AE

9,0

15,5

15,5

11,3

- 4,2

- 27,1%

+ 2,3

+ 25,9%

CP

9,0

19,2

19,2

10,7

- 8,5

- 44,4%

+ 1,7

+ 18,9%

04 - Réglementation, politique technique et qualité de la construction

AE

120,6

217,4

217,4

309,2

+ 91,8

+ 42,2%

+ 188,6

+ 156,4%

CP

120,1

217,4

217,4

309,0

+ 91,6

+ 42,1%

+ 188,9

+ 157,2%

05 - Soutien

AE

35,3

26,1

26,1

48,0

+ 21,9

+ 84,1%

+ 12,7

+ 35,9%

CP

32,9

25,2

25,2

46,9

+ 21,7

+ 86,2%

+ 14,0

+ 42,5%

07 - Urbanisme et aménagement

AE

49,2

241,4

241,4

227,6

- 13,8

- 5,7%

+ 178,4

+ 362,9%

CP

58,7

238,6

238,6

233,7

- 4,9

- 2,1%

+ 175,0

+ 298,2%

08 - Crédits relance cohésion

AE

30,7

+ 30,7

+ 30,7

CP

2,8

+ 2,8

+ 2,8

09 - Crédits relance écologie

AE

402,2

+ 402,2

+ 402,2

CP

20,0

+ 20,0

+ 20,0

Total programme

AE

592,6

523,5

975,5

1 395,6

+ 420,2

+ 43,1%

+ 803,1

+ 135,5%

CP

510,1

523,5

975,5

941,2

- 34,2

- 3,5%

+ 431,1

+ 84,5%

LFI : loi de finances initiale. La prévision en LFI inclut les prévisions de fonds de concours (FDC) et d'attribution de produits (ADP), ce qui n'est pas le cas des crédits votés en LFI. L'exécution constatée dans le projet de loi de règlement inclut les FDC et ADP constatés.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits consommés sont en forte augmentation de 803,1 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit + 135,5 %, et de 431,1 millions d'euros en crédits de paiement, soit + 84,5 %, en raison, d'une part, de la rebudgétisation partielle des établissements publics fonciers et, d'autre part (surtout en autorisations d'engagement), de l'exécution sur le programme d'actions relevant du plan de relance (voir infra).

1. La gestion du programme 135 est marquée par l'importance des fonds de concours et, en 2021, des transferts

Les crédits de paiement consommés, tels qu'indiqués en loi de règlement, incluent, pour une part majoritaire, des montants versés par des tiers sous forme de fonds de concours. L'essentiel de l'action de l'État passe en réalité par des dépenses fiscales d'un coût de 12,1 milliards d'euros en 2020 4 ( * ) , décrites supra , et non par les crédits budgétaires proprement dit.

Les fonds de concours proviennent principalement des bailleurs sociaux pour le financement des aides à la pierre. Leur montant est considérable, soit un total de 955,0 millions d'euros, résultant pour 376,0 millions d'euros de fonds de concours non consommés en 2020 et reportés à 2021, et pour 579,0 millions d'euros de fonds de concours versés en 2021. Toutefois ces crédits ne sont que très partiellement consommés, puisque 642,4 millions d'euros de crédits issus de fonds de concours ont été soit annulés (100,4 millions d'euros), soit reportés à 2022 (541,9 millions d'euros).

Cette exécution particulièrement complexe est en fait liée à la « règle d'or » du FNAP 5 ( * ) , qui vise à stabiliser le niveau des restes à payer du fonds et selon laquelle de nouvelles opérations ne peuvent être engagées qu'à hauteur du montant total des versements effectués par le fonds au programme 135. Le montant des fonds de concours versés à l'État est donc davantage lié aux projets que le conseil d'administration souhaite approuver pour les années ultérieures qu'aux besoins effectifs de décaissement dans l'année. Une partie des crédits ne sont reportés à l'année suivante que pour permettre ensuite l'ouverture d'autorisations d'engagement, avant d'être annulés. La Cour des comptes recommande d'établir un mode de financement du FNAP permettant d'ajuster le montant des fonds de concours aux besoins réels en crédits de paiement de l'exercice.

Évolution des crédits en cours d'exercice

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

S'agissant des transferts , des crédits d'un montant de 210,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 68,9 millions d'euros en crédits de paiement ont été transférés par décret du 28 janvier 2021 en provenance de la mission « Plan de relance » (voir infra ). Ces crédits n'ont en fait été que très partiellement consommés (22,8 millions d'euros en crédits de paiement).

2. La rebudgétisation partielle des établissements publics fonciers ne devra pas entraver leur action en faveur de la maîtrise du foncier

L'augmentation des crédits du programme 135 est principalement due, en crédits de paiement, à la rebudgétisation partielle des établissements publics fonciers (EPF) : il s'agit d'un effet de périmètre, qui ne correspond pas à une augmentation des moyens mis à la disposition de ces établissements.

En effet, le produit des taxes spéciales d'équipement (TSE), qui constituent une ressource majeure pour ces établissements, a fortement diminué par l'effet des réformes récentes de la fiscalité locale. En conséquence, une dotation budgétaire a été inscrite sur le programme 135. Prévue à 181,1 millions d'euros en projet de loi de finances initial, elle s'est finalement élevée à 175,3 millions d'euros après une réévaluation en cours d'année.

Ce montant est versé pour 130,8 millions d'euros aux EPF d'État, pour 42,5 millions d'euros aux EPF locaux et pour 1,9 million d'euros aux agences des cinquante pas géométriques et aux établissements publics fonciers d'aménagement (EPFA).

Le rapporteur spécial prend acte de cette rebudgétisation, mais souligne , comme il l'a fait dans un travail de contrôle budgétaire sur les outils financiers en vue de l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette 6 ( * ) , que les EPF ne doivent pas servir de variable d'ajustement de la politique du logement et de l'urbanisme . Ils interviennent en particulier dans les opérations de redynamisation des centres villes et centres bourgs et contribuent directement à la politique de sobriété foncière à travers des opérations de recyclage de friches et de terrains déjà urbanisés.

Leur rôle essentiel dans la maîtrise publique du foncier doit conduire à garantir et renforcer leurs moyens dans les années à venir .

3. La production de logements sociaux est en nette diminution depuis 2017

Les objectifs de construction de logements sociaux n'ont pas été atteints en 2021. Le budget du fonds national des aides à la pierre (FNAP) en 2021 avait été élaboré sur la base d'un objectif d'agrément de 120 000 logements, dont 45 000 logements « très sociaux », financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), et la ministre chargée du logement avait annoncé la production de 250 000 logements sur la période 2021-2022.

En fin de compte, 94 775 logements sociaux seulement ont été agréés en 2021, dont 31 058 en PLAI. Non seulement le déficit de logements produits en 2020 n'est pas compensé, mais le niveau de production reste très inférieur à celui atteint au cours de toutes les années récentes. La tendance à la baisse de la production de logements sociaux depuis 2016 (- 22,9 %) se confirme .

Agréments de logements sociaux depuis 2009

(en nombre de logements financés ou agréés)

France métropolitaine, hors zone ANRU.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'année a également été marquée par l'établissement de relations plus apaisées entre l'État et le groupe Action Logement , à qui une contribution importante aux politiques du logement avait été demandée par les lois de finances successives : 500 millions d'euros en 2020 puis 1 milliard d'euros en 2021 pour le financement des aides au logement, 350 millions d'euros par an chaque année pour le financement des aides à la pierre entre 2020 et 2022 (contre 50 millions d'euros précédemment).

Il était reproché au groupe Action Logement de ne pas utiliser suffisamment ses ressources , ce qui conduisait à un niveau élevé de trésorerie, mais le groupe a clairement infléchi sa trajectoire . Le rapport annuel de l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) 7 ( * ) note que la mobilisation importante d'Action Logement au cours de l'exercice 2020 a conduit, pour la première fois au cours de la période quinquennale 2018-2022, à réaliser des emplois supérieurs aux ressources. Les emplois d'Action Logement ont été de 4,5 milliards d'euros en 2020, contre 2,6 milliards d'euros en 2018 et 2,2 milliards d'euros en 2019.

Le rapporteur spécial rappelle toutefois que la situation actuelle ne peut être que transitoire . Une nouvelle convention quinquennale doit être élaborée en 2022 avec Action Logement. C'est donc toute la question du financement des politiques auxquelles contribue le groupe (aides à la pierre, fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), politique de la ville...) qui devra être traitée par le nouveau Gouvernement dès les premiers mois de sa prise de fonction .

4. Certaines actions du plan de relance sont exécutées sur le programme 135

Dans le cadre du budget de l'État, le plan de relance fait l'objet, à titre principal, d'une mission intitulée « Plan de relance », dotée par la loi de finances initiale pour 2021 de 36,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 21,8 milliards d'euros en crédits de paiement.

Certaines mesures inscrites dans cette mission sont toutefois exécutées par transfert de crédits vers des programmes relevant d'autres missions du budget général.

Deux actions nouvelles ont ainsi été créées en exécution sur le programme 135.

L'action 08 « Crédits relance cohésion » a été alimentée par transfert de crédits issus du programme 364 « Cohésion » de la mission « Plan de relance » afin de mettre en oeuvre des actions inscrites dans ce programme : réhabilitation d'aires d'accueil des gens du voyage (engagements de 9,7 millions d'euros et paiements de 1,2 million d'euros), opérations d'humanisation des centres d'accueil de jour (engagements de 15,4 millions d'euros et paiements de 1,1 million d'euros), expérimentation de rachat d'hôtels (engagements de 2,5 millions d'euros en fin d'année, sans paiement), appel à manifestation d'intérêt pour la construction d'habitations d'hébergement modulaires (subvention d'un projet à hauteur de 2,6 millions d'euros).

Au total, la consommation sur cette action a été de 30,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et de seulement 2,8 millions d'euros en crédits de paiement .

L' action 09 « Crédits relance écologie » assure pour sa part la mise en oeuvre de certaines mesures du programme 362 « Écologie », pour un montant beaucoup plus important de 402,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 20,0 millions d'euros en crédits de paiement.

Ces crédits sont destinés à des opérations de réhabilitation lourde de logements sociaux et de rénovations de « passoires » thermiques (logements dotés d'une étiquette énergétique G ou F). Le montant total prévu était de 485 millions d'euros sur les deux années 2021-2022. Toutefois, les services ayant identifié un grand nombre d'opérations, le montant transféré a été de 415 millions d'euros dès 2021 en autorisations d'engagement. Les engagements finaux de 402,2 millions d'euros incluent 40 millions d'euros pour financer un appel à projet tendant à faire émerger des solutions industrielles de rénovations massives. Les paiements effectués au titre de 2021 ont été de 20 millions d'euros.

Le niveau important des engagements non couverts par des paiements permet de prévoir un niveau d'exécution élevé sur ces deux actions en 2022, voire au cours des années ultérieures .

5. L'Agence nationale de l'habitat poursuit sa montée en puissance pour l'objectif de rénovation du parc de logements privé

Si l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) reste un opérateur rattaché du programme 15, elle reçoit désormais d'importants crédits budgétaires du programme 174 (mission « Écologie, développement et aménagement durables ») et de la mission « Plan de relance ».

Après avoir été de 970,1 millions d'euros en 2019 et 1 424 millions d'euros en 2020, les engagements de l'Agence ont encore connu une nouvelle augmentation spectaculaire en 2021 avec 3,1 milliards d'euros de subventions au titre de l'aide à l'habitat privé et de la prime pour la transition énergétique « MaPrimeRénov', pour 751 646 logements aidés.

Le programme 135 a contribué au budget de l'ANAH en 2021 par une dotation de 170 millions d'euros, complétée par une dotation supplémentaire de 100 millions d'euros prévue par la deuxième loi de finances du 1 er décembre 2021.

En outre, l'ANAH est affectataire de deux taxes : les recettes issues de la vente aux enchères des quotas carbone, à hauteur de 420 millions d'euros, et une fraction du produit de la taxe sur les logements vacants pour 61 millions d'euros.

Le rapporteur spécial souligne toutefois que le financement de l'Agence n'est pas assuré pour les années à venir .

Elle a bénéficié depuis 2018 d'une ressource de trésorerie exceptionnelle liée au volume plus élevé qu'attendu, cette année-là, de la ressource issue des ventes de quotas carbone. Cette ressource est en passe d'être consommée alors que les besoins de rénovation de logements privés, impérieuse nécessité pour réussir la transition énergétique, ne seront pas comblés avant de nombreuses années.

Si une ouverture de crédits en loi de finances rectificative a permis à l'Agence de boucler son budget pour l'année 2021 et probablement pour l'année 2022, il sera nécessaire dans le prochain projet de loi de finances de définir les ressources permettant à l'Agence de faire face à ses missions .


* 4 Le coût de certaines dépenses fiscales en 2021 n'est pas encore connu.

* 5 Article R. 435-3 du code de la construction et de l'habitation.

* 6 Rapport d'information n° 743 (2021-2022) de Jean-Baptiste Blanc sur les outils financiers pour soutenir l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette, fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 juin 2022.

* 7 Agence nationale de contrôle du logement social, Rapport annuel statistique et financier, exercice 2020.

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