Rapport n° 792 (2021-2022) de M. Marc LAMÉNIE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022

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N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 5

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Rapporteur spécial : M. Marc LAMÉNIE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

10 , 16 et T.A. 2

Sénat :

787 (2021-2022)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comporte, en 2021, trois programmes d'ampleurs très inégales :

- le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale », qui représente 4 % des crédits budgétaires (86,03 millions d'euros), regroupe les dispositifs d'indemnisation en faveur des orphelins de victimes de la Seconde Guerre mondiale et de réparation des spoliations antisémites ;

- le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée », qui rassemble 1,8 % des crédits (38,8 millions d'euros), supporte une partie des dépenses rattachées à l'organisation des journées défense-citoyenneté (JDC) et du service militaire volontaire (SMV), ainsi que les politiques de mémoire. Ce programme disparaitra en 2022 et ses actions seront transférées au programme 169 ;

- le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » qui représente 94 % de l'exécution (1,97 milliard d'euros), a pour objectif de témoigner la reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens combattants et des victimes de guerre. Il finance notamment les pensions militaires d'invalidité (PMI) et les retraites du combattant.

2. Les crédits de la mission, consommés à hauteur de 2,101 milliards d'euros , ont fait l'objet en 2021 d'une surexécution d'environ 12 millions d'euros par rapport à la prévision initiale , du fait d'une surestimation des baisses de dépenses liées aux besoins de financement des PMI et des retraites du combattant.

3. Cette situation ne remet toutefois pas en cause la trajectoire de baisse des crédits alloués à cette mission , dont l'exécution a finalement été en 2021 inférieure de 3,8 % (environ 84,5 millions d'euros) à celle de 2020.

La baisse des dépenses s'explique par la diminution continue du nombre de bénéficiaires des prestations ainsi que par la revalorisation faible (0,13 %) du montant des pensions viagères. Le rapporteur spécial souhaite insister sur la nécessité d'un effort budgétaire en faveur des anciens combattants plus soutenu, notamment par une meilleure revalorisation des prestations.

4. L'ONACVG a connu un exercice 2021 excédentaire et a pu renforcer son fonds de roulement et sa trésorerie à l'encontre de la programmation budgétaire qui avait prévu un exercice déficitaire. Cependant, le niveau de sa trésorerie non fléchée continue de diminuer.

5. La crise sanitaire a de nouveau conduit à devoir adapter le déroulement de la JDC en 2021 . Si cela a entraîné des économies pour son organisation, le rapporteur spécial s'interroge sur la capacité de la JDC à remplir ses objectifs dans ces conditions, et notamment dans le cadre d'une réalisation en distanciel.

I. I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 202 1

Crédits ouverts par la loi de finances initiale de l'année 2021

(en millions d'euros)

Intitulé du programme

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

En % du total (CP) 1 ( * )

167

Liens entre la Nation et son armée

38,48

38,36

1,8 %

169

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

1 954,15

1 957,85

93,7 %

158

Indemnisations des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

93,14

93,14

4,4 %

Total

2 085,77

2 089,35

100 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

1. Des crédits légèrement surconsommés
a) Une légère surconsommation à l'échelle de la mission

La mission, dotée de 2,089 milliards d'euros de crédits de paiement en loi de finances initiale, a finalement occasionné près de 2,101 milliards d'euros de dépenses en 2021.

Elle a ainsi dégagé une surconsommation d'environ 12 millions d'euros par rapport à la programmation budgétaire initiale, ce qui a un peu réduit les économies programmées en loi de finances initiale (70,6 millions d'euros par rapport à la programmation pour 2020).

Exécution des crédits de la mission en 2021

(en millions d'euros)

Programme

Crédits votés en LFI 2021 2 ( * )

Crédits disponibles en 2021

Crédits exécutés en 2021

Exécution 2021/Crédits votés en LFI

167

AE

38,5

43,3

39

+ 0,2

CP

38,4

43,6

38,8

+ 0,4

169

AE

1 954,2

1 974,3

1 971,5

+ 17,3

CP

1 957,9

1 978,5

1 975,2

+ 17,3

158

AE

93,1

93,3

87,3

- 5,8

CP

93,1

93,3

87,3

- 5,8

Total

AE

2 085,7

2 110,9

2 097,8

+ 12,1

CP

2 089,4

2 115,4

2 101,3

+ 11,9

Note : les crédits disponibles en 2021 cumulent les crédits de la loi de finances initiale, les attributions de produits et rattachements de fonds de concours et les mouvements de crédits consolidés intervenus au cours de l'année.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits surconsommés sont issus d'une ouverture de crédits à hauteur de 25 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 26 millions d'euros de crédits de paiement dont la mission a bénéficié en cours d'exercice, portant le total de crédits disponibles au titre de l'année 2021 à 2 115 millions d'euros. Par conséquent, les crédits disponibles ont dépassés les ouvertures de la loi de finances initiale (+ 1,2 %).

Ces mouvements infra-annuels correspondent à 14,2 millions d'euros de crédits 2020 reportés, 9,1 millions d'euros issus de fonds de concours et 2,8 millions d'euros 3 ( * ) de crédits apportés par les lois de finances rectificatives n° 2021-953 du 19 juillet 2021 et n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021.

Les mouvements infra-annuels de crédits ont abouti à suréquilibrer les besoins, un reliquat de crédits finalement disponibles sur les dépenses étant constaté pour 15,3 millions d'euros.

Globalement, ces modifications n'ont apporté que peu d'évolutions à la programmation initiale. En s'établissant à 12 millions d'euros, le dépassement représente 0,5 % des crédits votés en LFI à l'échelle de la mission.

Les dépenses de la mission ont donc atteint 2 101,3 millions d'euros pour un total de crédits de paiement ouverts en début d'exercice de 2 089 millions d'euros, portés en gestion à 2 115 millions d'euros, une fois pris en compte les mouvements de crédits. Les crédits initiaux ont ainsi été consommés à hauteur de 100,5 %. Cependant, le taux de consommation des crédits disponibles n'a été que de 99,3 %, soit un montant équivalent à l'année précédente.

b) Une surconsommation concentrée sur le programme 169

Le programme 169 a connu des tensions en cours de gestion. A contrario , les programmes 167 et 158 étaient excédentaires une fois les mouvements liés à des fonds de concours et à des attributions de produits pris en compte.

Ainsi, le programme 158 a connu un taux d'exécution des crédits initiaux de 94 %. Le programme bénéficiait de 10,2 millions d'euros de reports de crédits 2020 en plus des 93,1 millions d'euros initial. 9,96 millions d'euros ont été annulés en cours de gestion et 5,85 millions d'euros ont fait l'objet d'un report de dépenses pour 2022.

La consommation du programme 167 s'établit à 38,8 millions d'euros, pour une dotation budgétaire de 38,4 millions d'euros auxquels se sont ajoutés 9 millions d'euros issus des fonds de concours « Contribution du fonds social européen au financement du SMV » 4 ( * ) et « contributions diverses et taxe d'apprentissage finançant le SMV » 5 ( * ) . Ainsi l'exécution s'établit à 101 % de la dotation budgétaire et à 82 % des crédits totaux. 7,47 millions d'euros ont été annulés en gestion et 1,15 million d'euros ont été reportés pour 2022. Les crédits reportés l'ont été vers le programme 169 puisque la loi de finance initiale pour 2022 prévoit la fusion des programmes 167 et 169.

Finalement, l'exécution considérée comme la plus tendue est celle du programme 169 dont les dotations issues de la loi de finances initiale ont été perçues comme insuffisantes et sur lequel des ouvertures ont dû intervenir en loi de finances rectificative (pour plus de 18 millions d'euros). Cette surexécution résulte principalement de deux facteurs : premièrement, le nombre des bénéficiaires d'une rente viagère à moins diminué qu'anticipé. Deuxièmement, elle résulte d'une moindre diminution qu'anticipé des remboursements à la Caisse nationale d'assurance maladie des prestations versées à certains grands invalides de guerre. Cette moindre diminution est la conséquence de l'augmentation des dépenses hospitalières à la suite du Ségur de la Santé et d'une hausse des hospitalisations. La surconsommation de crédit s'établit au final à 17,35 millions d'euros . Elle est toutefois restée modeste, représentant moins de 1 % de la prévision sur le programme.

2. Les crédits de la mission restent dans une trajectoire structurellement baissière

Trajectoire des plafonds de crédits de la mission dans la loi
de programmation des finances publiques 2018-2022

(en milliards d'euros)

Loi de finances
pour 2017

2018

2019

2020

2,54

2,46

2,34

2,25

Source : loi de programmation des finances publiques 2018-2022

Les crédits de la mission continuent en 2021 leur trajectoire baissière. La Cour des comptes a jugé cette évolution conforme à celle définie par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. 6 ( * )

a) Une trajectoire baissière déterminée par les crédits du programme 169 alloués à la reconnaissance envers les anciens combattants

Exécution des crédits en 2021 par rapport à 2020

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2020

Crédits exécutés en 2021

Exécution 2021/
Exécution 2020

167

AE

25,8

38,9

+ 13,1

CP

25,6

38,8

+ 13,2

169

AE

2 058,7

1 971,5

- 87,2

CP

2 071,9

1 975,2

- 96,7

158

AE

88,4

87,3

- 1,1

CP

88,3

87,3

- 1

Total

AE

2 172,9

2 097,7

- 75,2

CP

2 185,8

2 101,3

- 84,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

D'un point de vue budgétaire, l'évolution des dépenses de la mission est déterminée par le programme 169 et plus spécifiquement par son action 01 « Administration de la dette viagère ». Cette dernière représente 1,5 milliards d'euros, soit presque les trois quarts des crédits de la mission. Il s'agit des dépenses d'intervention en faveur des anciens combattants.

Cette action, dont le niveau de dépense dépend directement du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant et d'invalides de guerre, connait une trajectoire baissière forte et dégage chaque année des « économies de constatation ». Cela est dû au phénomène démographique de diminution des populations - très âgées - d'anciens combattants et d'invalides de guerre. Les revalorisations des rentes, généralement faibles, n'enrayent pas cette diminution.

Ainsi, entre 2010 et 2021, le nombre d'allocataires des pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre s'est replié de 137 505 personnes soit 44,5 %, ce repli atteignant 541 843 personnes pour les bénéficiaires de la retraite du combattant (environ - 40 %).

Évolution des effectifs des pensions militaires d'invalidité
et des retraites du combattant de 2010 à 2021

Source : rapport annuel de performances pour 2021

L'action 03, dont les crédits sont principalement dédiés à la majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre et s'adressent ainsi à la même population, connait la même trajectoire baissière pour les mêmes raisons.

L'exécution 2021 confirme, une fois de plus, cette tendance. Ainsi que l'a illustré le tableau récapitulant les données d'exécution des crédits par programme en 2021 (voir supra ), le programme 169 connait une baisse de ses crédits de 96,7 millions d'euros en exécution par rapport à 2020. Les crédits d'exécution de l'action 01 connaissant eux une baisse de 108,4 millions d'euros et les crédits de l'action 03 connaissent une baisse de 6 millions d'euros. Ces diminutions ont été limitées par les augmentations de crédits des actions 02 « gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité » (+ 12,4 millions d'euros) et 07 « action en faveur des rapatriés » (+ 5,2 millions d'euros).

L'augmentation des crédits de l'action 02, qui couvre essentiellement les soins médicaux et le remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides, est notamment due aux conséquences de la crise sanitaire. Cette dernière a emporté le report d'un nombre important d'opérations de soins qui ont ainsi été réalisées en 2021. Elle a également entrainé des mesures salariales au bénéfice des soignants (primes et complétement) et conduit à des achats de matériel spécifique (masques, oxygène, etc.).

S'agissant de l'action 07, il s'agit d'une rebudgétisation des crédits alloués aux actions en faveur des enfants de harkis, qui avaient été financées par un prélèvement sur la trésorerie de l'ONAC de 6 millions d'euros en 2020.

Contrairement aux crédits du programme 169, les crédits alloués au programme 158 sont restés quasi-stables (-1 million d'euros) entre 2019 et 2020. Ceux alloués au programme 167 ont connu une augmentation qui, bien que faible en valeur absolue (+13 millions d'euros) est significative à l'échelle du programme (+50 %).

b) Les crédits attribués à la mémoire, aux liens avec la nation et à l'indemnisation des orphelins de victimes de la seconde guerre mondiale stables ou en hausse

L'exécution du programme 167 s'est élevée en 2021 à 38,8 millions d'euros, soit 13,2 millions d'euros de plus qu'en 2020.

Le programme 167 a connu une moindre dépense de 4,7 millions d'euros du fait de la crise sanitaire, qui a entrainé la réalisation de la JDC sous un format adapté ou numérique. Ces formats ont conduit à une réduction des coûts liés au transport et aux repas des jeunes.

Cependant cette moindre dépense a été compensée par une hausse forte des autres facettes du programme :

- une augmentation des moyens alloués au Service Militaire Volontaire (SMV) de 6,8 millions d'euros portant notamment sur l'alimentation et le logement des stagiaires volontaires. Cette augmentation correspond à une montée en puissance du dispositif.

- une augmentation des moyens alloués à la politique de mémoire de 6,6 millions d'euros de crédits ouverts par la LFI et de 10,5 millions d'euros de crédits consommés . Ces crédits servent notamment à l'organisation des cérémonies nationales et à l'entretien des sépultures militaires. Cette augmentation correspond à un rétablissement des crédits habituellement alloués à la mission , ces derniers ayant connu une diminution drastique suite à la fin du centenaire 2014-2018.

L'exécution du programme 158 s'établit en 2021 à 87,3 millions d'euros, en très légère baisse par rapport à 2020 (- 1 million d'euros).

Ces crédits correspondent très majoritairement - pour plus de 80 millions d'euros - aux rentes viagères versées aux orphelins de victimes d'actes de barbarie ou de violences antisémites et aux frais de fonctionnement afférents. Pour le reste, il s'agit des fonds d'indemnisation des spoliations antisémites perpétrées durant la seconde guerre mondiale.

S'agissant des rentes viagères, ces dernières obéissent à la même logique d'érosion de la population des bénéficiaires que les rentes viagères versées aux anciens combattants. Elles sont cependant, à la différence des rentes versées aux anciens combattants, automatiquement revalorisées de 2,5 % chaque année. Les prévisions ont conduit à surestimer les besoins de crédits pour ce type de rente.

S'agissant des réparations des spoliations antisémites, ce poste budgétaire est très difficile à évaluer a priori puisqu'il dépend directement du nombre de dossiers déposés et traités au cours de l'année, qui peut varier fortement d'une année sur l'autre, ainsi que du montant desdits dossiers, ces derniers pouvant varier de quelques centaines d'euros à plusieurs millions. Pour 2021, la dotation initiale a été surévaluée de 800 000 euros, soit 13 % de la dotation (6 millions d'euros).

3. Un montant important de dépenses en lien avec les objectifs de la mission mais ne faisant pas partie de celle-ci

Les politiques portées par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont abondées par :

- des crédits relevant formellement d'autres missions budgétaires, dont notamment la mission « Défense » ;

- des dépenses fiscales importantes, s'élevant à plus de 700 millions d'euros

Les informations budgétaires communiquées par les ministères ont connu une régression considérable ces dernières années dès lors que les documents annexés aux projets de loi de finances ne comportent plus d'indication permettant d'apprécier les moyens totaux des politiques publiques rattachées à une mission budgétaire, mais qui peuvent bénéficier d'autres concours que ceux spécifiés par une mission particulière. L'amélioration de l'information sur les dépenses mobilisées par chacune des politiques publiques financées à travers le budget de l'État a été au coeur de la loi organique sur les lois de finances de 2001. De ce point de vue, la suppression des tableaux récapitulant les coûts budgétaires complets d'une politique donnée constitue un recul regrettable qu'il convient d'inverser au plus tôt.

Cette demande réitérée déjà un assez grand nombre de fois est restée sans suite, ce qu'il convient de déplorer, très vivement.

a) Des dépenses fiscales rattachées à la mission estimées à 30 % des crédits inscrits dans son budget

Les transferts réalisés au bénéfice des anciens combattants à travers les régimes fiscaux dérogatoires qui leur reconnaissent des avantages particuliers sont évalués par le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement à 710 millions d'euros, soit 33 % du budget de la mission.

Dans ces conditions, l'effort public consolidé consacré aux différents objectifs poursuivis par la mission doit être relevé d'un tiers par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale.

Le rapporteur spécial salue cependant la progression de la documentation budgétaire, qui est enfin complète dans son recensement des dépenses fiscales rattachées à la mission.

Il regrette cependant l'absence d'évaluation du coût entrainé par les exonérations des droits de mutation et de succession des rentes et capitaux versés au titre du programme 158, ainsi que l'absence d'évaluation du coût des exonérations de prélèvements sociaux des rentes versées au titre de la mission.

b) Les crédits budgétés sur d'autres missions servant à la mise en oeuvre des politiques de la mission « Anciens combattants »

En ce qui concerne les crédits « déversés » par d'autres missions budgétaires, ils correspondent principalement aux dépenses de personnel acquittées par le ministère de la défense pour organiser la journée défense et citoyenneté (JDC) et le service militaire volontaire (SMV).

L'organisation du SMV bénéficie également du soutien de certaines collectivités territoriales. Cependant seul le soutien de la collectivité Grand-Est est comptabilisé dans le cadre de la documentation budgétaire.

Le rapporteur spécial regrette qu'il ne soit pas possible de connaitre le coût d'exécution réel des politiques portées par la mission sur la base des documents budgétaires s'y rattachant.

4. Un rebond de la trésorerie et du fond de roulement de l'ONACVG constaté en exécution contraire à la programmation budgétaire

L'Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre (ONACVG) est le principal opérateur de la mission, mettant en oeuvre la quasi-totalité des politiques portées par cette dernière. Il fait aujourd'hui l'objet d'une restructuration prévue dans son contrat d'objectif et de performance 2020-2025 (COP) qui tire les conséquences de l'évolution de la population de ses ressortissants, qui, outre les anciens combattants, inclut également les conjoints et partenaires survivants des anciens combattants, les pupilles de la Nation, les victimes de terrorisme, etc.

Les années 2019 et 2020 avaient vu la trésorerie de l'ONACVG, jusqu'alors très excédentaire, fortement mise à contribution. Son niveau a diminué de plus de moitié sur la période . 2021 marque à cette égard une rupture non programmée.

En effet, l'exécution de 2021 est excédentaire de 12 millions d'euros au regard de la programmation initiale.

Ainsi, une programmation déficitaire de 5,7 millions d'euros s'est transformée à l'exécution en un excédent de 6,3 millions d'euros. Ce retournement trouve son origine d'une part dans la sous-consommation des enveloppes de personnel, de fonctionnement, d'intervention et d'investissement, menant à une moindre dépense de 5,5 millions d'euros et d'autre part dans la levée de la réserve de précaution portant sur les subventions de l'Office ainsi que des compléments de subventions en provenance du programme 167 et des recettes propres plus importantes que prévues, entraînant des recettes supplémentaires de 6,5 millions d'euros.

Cet excédent s'est traduit en un abondement de la trésorerie fléchée 7 ( * ) de 6,3 millions d'euros et en un prélèvement de la trésorerie non fléchée 8 ( * ) de 0,6 million d'euros . Elle s'élève au total à 25,1 millions d'euros, dont 17,7 millions fléchés et 7,4 millions non fléchés.

Le fonds de roulement de l'Office se voit également renforcé de 3,8 millions d'euros à la suite de cet exercice, pour s'établir à 22,1 millions d'euros.

Le rapporteur se félicite de ce résultat, qui, s'il n'était pas prévu, reste bienvenu. Il souligne cependant que l'amélioration globale du niveau de la trésorerie de l'ONAC ne doit pas occulter la diminution de sa trésorerie non fléchée, au risque de limiter ses marges de manoeuvre.

Les indicateurs concernant les délais moyens de traitement des dossiers se sont améliorés en 2021. S'agissant des demandes de pensions militaires d'invalidité, les délais restent longs (plus de 240 jours) et supérieurs à ceux de 2019. Ils sont cependant plus courts de 14 jours par rapport à 2020. Pour les dossiers de cartes et titres, les délais sont en très forte baisse en s'établissant à 91 jours en moyenne, soit 50 jours de moins qu'en 2020 et 45 jours de moins que la cible pour 2021. Cette baisse du délai moyen, en large partie due à la centralisation des demandes de cartes et titres, doit être saluée.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPECIAL

1. Le point PMI, indice de référence des pensions viagères, connait de nouveau une très faible revalorisation en 2021

La baisse des crédits alloués à la mission est due à la réduction des coûts des rentes viagères portées par le programme 169, qui s'élèvent en 2021 à 1 495,7 millions d'euros, ce qui représente plus de 80 % des crédits d'intervention de la mission. Cette baisse s'explique par la réduction naturelle du nombre des anciens combattants et des invalides de guerre, population en moyenne très agée, et par la faible revalorisation des rentes viagères.

Crédits de paiement consommés sur le titre 6 (dépenses d'intervention)
en 2021

Source : rapport annuel de performances pour 2021

Depuis 2005, la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI) est révisée proportionnellement à l'évolution de l'indice INSEE des traitements bruts de la fonction publique de l'État , à la date de cette évolution, suivant ainsi les règles du « rapport constant ». Ce point PMI sert de référence pour les pensions militaires d'invalidité et pour la retraite du combattant.

Ce régime du « rapport constant » a le plus souvent conduit à une revalorisation de la valeur du point de PMI ne permettant pas de compenser l'inflation.

La valeur du point PMI a ainsi connu une augmentation de 0,13 % en 2021, passant de 14,68 euros à 14,70 euros.

Du fait de l'augmentation du nombre de points PMI de la retraite du combattant 9 ( * ) , cette dernière connait une évolution supérieure à celle de l'inflation depuis 2006 . Elle reste cependant modeste en valeur absolue (764,40 euros annuels au 1 er janvier 2021).

Cependant, ces revalorisations plus faibles que l'inflation conduisent in fine à une perte de pouvoir d'achat pour les invalides de guerre , dont le nombre de points est déterminé par leur degré d'invalidité. Cette problématique est particulièrement prégnante pour les personnes lourdement invalides dont la pension constitue une source de revenus essentielle . Cette problématique sera d'autant plus importante en 2022 du fait d'une inflation record.

À ce titre, le rapporteur spécial réitère la demande déjà formulée d'une meilleure revalorisation des pensions.

D'autres allocations de reconnaissance, en particulier celles versées aux anciens membres des forces supplétives de la guerre d'Algérie et à leurs conjoints survivants, sont, quant à elles, indexées sur l'évolution des prix.

2. Les conséquences de la crise sanitaire sur la JDC : une réduction conjoncturelle de son coût et un affaiblissement notable de son rôle social

La crise sanitaire a conduit à une moindre dépense d'environ 4,7 millions d'euros pour l'organisation de la JDC. Cette dernière s'est tenue sous format numérique ou adapté du fait de la crise, ce qui a permis des économies sur les dépenses de transport et d'alimentation.

Mode de mise en oeuvre de la JDC en 2021

Période

Format

Présence des convoqués

Du 1 er janvier au 31 mai

En ligne

Journée entière

Du 1 er juin au 31 décembre

Adapté

Demi-journée

Source : rapport annuel de performance pour 2021

L'accueil en format adapté correspond à un format de demi-journée (3h30), réalisé en présentiel et piloté par un unique animateur.

Ces modalités d'accueil auront permis de recevoir 920 000 jeunes au cours de l'année 2021, sous format dématérialisé pour 550 000 jeunes et sous format adapté pour 370 000 jeunes . Le nombre de jeunes qui aurait du pouvoir réaliser une JDC en 2021 était estimé à 960 000, ce qui correspondait à 786 000 jeunes de la cohorte 2021 et pour le reste des jeunes n'ayant pas pu réaliser leur JDC en 2020 . Avec 920 000 jeunes accueillis, le nombre de jeunes en attente de JDC a largement été résorbé, cependant, selon les estimations initiales, 40 000 jeunes de la cohorte 2021 devront réaliser leur JDC en 2022.

S'il a eu un effet positif sur le nombre de jeunes ayant pu réaliser leur JDC, le format minimal de ces JDC pose des difficultés. Notamment, la détection de l'illettrisme a été interrompue et la détection de l'échec scolaire rendue plus complexe par la JDC en ligne . Ce constat est particulièrement problématique étant donné que cette modalité de réalisation de la JDC a concerné plus d'un demi-million de jeunes en 2021, auxquels s'ajoutent 165 000 jeunes en 2020 . C'est donc presque une génération entière qui n'aura pas bénéficié de cette détection .

Par ailleurs ces conditions d'accueil n'ont pas permis d'aussi bien susciter l'intérêt les jeunes pour les métiers de la défense, le taux d'intérêt - déclaratif et recueilli à la fin de la JDC - ayant été divisé par deux en 2021, passant de 25 % à 12 %. Le rapporteur spécial souligne par ailleurs qu'outre son rôle de sensibilisation aux métiers de la défense, la JDC s'est donné pour but de sensibiliser les jeunes à des thématiques civiques et notamment aux questions de mémoire, rôle dont il y a lieu de craindre qu'il n'a pas non plus pu être mis en oeuvre pour les mêmes raisons.


* 1 Arrondi au dixième de pourcent près.

* 2 Hors FdC et AdP.

* 3 Solde net, 18,16 millions d'euros CP ont été ouverts et 15,33 millions d'euros CP ont été annulés par ces deux lois de finances rectificatives.

* 4 Pour 6,9 millions d'euros.

* 5 Pour 2,1 millions d'euros.

* 6 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. »

* 7 Il s'agit de crédits dont dispose l'Office mais qui correspondent aux ressources affectées à une dépense déjà engagée. La circulaire relative à la gestion budgétaire et comptable publique des organismes et opérateurs de l'État pour 2022 rappelle que « Les recettes fléchées résultent d'un accord avec un tiers financeur et sont destinées à des dépenses explicitement identifiées par ce tiers dans le cadre d'un contrat/convention, potentiellement réalisées sur un exercice différent de celui de leur encaissement ».

* 8 Il s'agit de crédits dont dispose l'Office sans affectation particulière.

* 9 La retraite du combattants comptait 35 points PMI en 2006 et en compte 52 en 2021.

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