II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Des inquiétudes quant à la soutenabilité de la mission

Conformément aux orientations définies par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2018 et réaffirmées par la loi du 4 août 2021 précitée, la France s'est engagée sur une trajectoire de hausse de son APD devant
atteindre 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022 et 0,7 % du RNB
en 2025.

En 2021, d'après l'OCDE, l'ensemble des dépenses d'APD de la France ont représenté 0,52 % de son RNB après avoir atteint 0,53 % en 2020 résultat permis, notamment, par la forte contraction du RNB dans le contexte de la crise sanitaire.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que la programmation introduite par la loi du 4 août 2021 pose deux difficultés.

D'une part, elle est exprimée en point de revenu national brut alors même que les incertitudes macroéconomiques rendent très volatiles les prévisions d'évolution de cet agrégat à l'horizon 2025.

Dans ce contexte, il est difficile de pouvoir véritablement évaluer l'évolution attendue des crédits en euros et, par suite, la soutenabilité de cette trajectoire au plan budgétaire.

D'autre part, elle est - et ce n'est pas un reproche en soi - particulièrement ambitieuse au risque d'inciter l'État à multiplier les engagements en matière d'APD dans une logique quantitative plus que qualitative.

Au-delà des enjeux soulevés par la programmation décrite par la loi du 4 août 2021, les rapporteurs spéciaux relèvent comme l'année dernière que la mission se caractérise par un niveau important et croissant de restes à liquider (RAL - 8,7 milliards d'euros en 2021).

Environ 4,5 milliards d'euros de ces RAL portent sur la bonification de prêts aux États étrangers tandis que 1,4 milliard d'euros concerne le financement de nos engagements multilatéraux.

Enfin, pour mettre en oeuvre les engagements pris par le CICID
du 8 février 2018, l'Agence française de développement a engagé près d'un milliard d'euros en 2019 dans le cadre d'opérations de dons-projets
. Cette hausse des engagements de l'AFD génère en contrepartie une forte augmentation des besoins en crédits de paiement , évaluée à + 328 millions d'euros en 2021. Les rapporteurs spéciaux estiment, dans ce contexte, qu'une vigilance active de la tutelle doit être assurée sur l'AFD dont les activités constituent un déterminant majeur de la dynamique budgétaire de la mission à moyen terme.

2. L'importance de rouvrir un débat sur la pertinence des financements dits « innovants » de l'aide publique au développement

L'affectation des recettes issues de la TSBA et d'une partie de celles générées par la taxe sur les transactions financières (TTF), désignée sous le terme de « financements innovants » , correspond à un mécanisme de débudgétisation , c'est-à-dire au financement d'une partie des dépenses d'aide publique au développement par des moyens extrabudgétaires.

Comme en 2020, l'exercice 2021 témoigne des limites de cette débudgétisation : en cas de recettes fiscales inférieures au montant anticipé, le budget général de l'État doit venir compenser, dans l'urgence et au détriment d'autres dépenses, la perte de recettes.

Lors de l'examen du projet de loi de programmation, les auditions menées par le rapporteur pour avis, M. Jean-Claude Requier, avaient soulevé l'intérêt d'une rebudgétisation des financements dits « innovants ».

La direction du budget avait ainsi souligné le caractère imprévisible, et par conséquent aléatoire , de l'affectation de ces recettes au financement de l'aide publique au développement.

Dans sa note d'exécution budgétaire pour l'année 2020, la recommandation de la Cour des comptes était sans appel , puisqu'elle estimait que « l'ensemble des crédits d'aide publique au développement doivent (...) réintégrer le budget général de l'État. La rebudgétisation de l'intégralité des crédits restants au FSD doit être achevée ».

En 2021, la Cour réitère cette observation largement partagée par les rapporteurs spéciaux en rappelant que « l'affectation de ressources aléatoires à des dépenses pérennes constitue un risque » pour les programmes de la mission.

Néanmoins, les rapporteurs spéciaux rappellent que les débats qui se sont tenus lors de l'examen du projet de loi de programmation ont témoigné d'un attachement du Parlement à la participation de ces deux taxes affectées au financement de l'aide publique au développement, compte tenu du symbole politique fort de la contribution des secteurs aérien et financier à cette politique publique .

Pour autant, ils estiment qu'une réflexion doit être initiée sur l'utilisation des financements dits « innovants », afin d'évaluer de façon objective l'intérêt budgétaire de ce « totem politique ».

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