Rapport n° 792 (2021-2022) de MM. Vincent SEGOUIN et Patrice JOLY , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022

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N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 3

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL

Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent SEGOUIN et Patrice JOLY

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

10 , 16 et T.A. 2

Sénat :

787 (2021-2022)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Avec un niveau de dépenses de 3,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et une consommation des autorisations d'engagement (AE) de 3,58 milliards d'euros , les dépenses de la mission AAFAR sur crédits de paiement ont été supérieures en 2021 de 714 millions d'euros par rapport au niveau atteint l'année précédente et les dépenses sur AE supérieures de 626 millions d'euros. Cette exécution est supérieure de 561 millions d'euros aux ouvertures initiales en CP et de 557 millions d'euros en AE. L'année 2021 a été marquée par des contraintes non anticipées, dans le domaine climatique et des maladies animales.

2. L'exécution des crédits a été en 2021 très supérieure aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale (LFI), mais inférieure aux crédits finalement disponibles : les crédits ouverts en cours de gestion ont excédé les autorisations de la LFI de plus d'un milliard d'euros, tant en AE qu'en CP. Ainsi, la sous-consommation des CP finalement ouverts s'est élevée à 456 millions d'euros et celle des AE à 463 millions d'euros. Celle-ci a entraîné un niveau de reports de crédits sur l'année 2022 sans précédent (388 millions d'euros en AE et 402 millions d'euros en CP) et des annulations de crédits (74 millions d'euros en AE et 65 millions d'euros en CP). Si les ouvertures en fin de gestion ont eu pour objectif de financer les mesures d'indemnisation des exploitants agricoles victimes de l'épisode de gel tardif du printemps 2021, il semble qu'elles aient excédé les besoins et auraient dû figurer en loi de finances pour 2022.

3. L'exécution budgétaire du programme 149, qui s'établit à 2,4 milliards d'euros en CP, s'est révélée significativement éloignée de l'autorisation donnée en loi de finances initiale (+670 millions d'euros en CP). Le programme 149 a en effet bénéficié d'une ouverture supplémentaire de crédits en cours de gestion de plus de 800 millions d'euros, principalement afin de financer les mesures d'indemnisation des agriculteurs après l'épisode de gel tardif. Cette exécution résulte en réalité d'une sous-programmation structurelle des besoins d'accompagnement d'exploitations systématiquement confrontées aux effets des aléas climatiques, sous programmation qui a mis sous tension le programme 149 en 2021 et devrait à nouveau exercer ses effets délétères en 2022.

4. En 2021, les dépenses du programme 206 ont augmenté de 9 % par rapport à celles constatées en 2020. L' Influenza aviaire a eu un impact budgétaire important sur l'exécution du programme : la charge d'abattage, de nettoyage et d'indemnisation s'est élevée à 47 millions d'euros, financée notamment par l'ouverture de 36 millions d'euros d'AE et de CP par la loi de finances rectificative du 19 juillet 2021.

5 . Les rapporteurs spéciaux regrettent enfin la sous-exécution chronique des crédits de paiement du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR) , qui aboutit à l'augmentation continue du solde comptable du compte. De plus, ils souhaitent qu'une évaluation de l'impact des mesures financées par le CASDAR soit effectuée, dans une logique de mesure de la performance des dispositifs financés.

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) comprend trois programmes budgétaires distincts :

- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » (2 383 millions d'euros en 2021 contre 1 712,1 millions d'euros de crédits de paiement en 2020, soit + 33 %) correspond principalement à la composante nationale des interventions en faveur du développement rural portées au niveau européen par le FEADER mais aussi aux interventions en faveur de la pêche et de la forêt ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (608,3 millions d'euros en 2021 contre 555,6 millions d'euros de dépenses en 2020, soit + 9 %) couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer l'intégrité des animaux et végétaux, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (609 millions d'euros en 2021 contre 618,7 millions d'euros de dépenses en 2020, soit - 2 %) est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à couvrir les coûts de gestion des missions du ministère (hors éducation).

L'année 2021 a évidemment été marquée par la situation sanitaire, modifiant la structuration des interventions au profit des exploitations. L'exercice budgétaire 2021 a surtout été marqué par une augmentation importante des crédits exécutés, découlant majoritairement de soutiens apportés aux agriculteurs pour faire face aux aléas climatiques et aux maladies animales. Ces budgets supplémentaires sont déployés pour faire face à des crises qui se répètent et s'intensifient, sans que de nouveaux moyens pour une prévention plus efficace de ces aléas soient consentis parallèlement.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2021

1. L'exécution des crédits de la mission en 2021 excède largement les prévisions initiales...

Les ouvertures de crédits de la loi de finances de l'année 2021 avaient été supérieures à celles de l'exercice précédent. À peu près atones en autorisations d'engagement (+ 1 %), elles avaient en effet été beaucoup plus dynamiques en ce qui concerne les crédits de paiement (+ 3,3 %). Le programme 149 (+3,2 % en CP, soit 56 millions d'euros) intégrait notamment une nouvelle compensation de l'exonération de cotisations sociales à destination des employeurs de la filière viticole (80 millions d'euros) et le programme 206 voyait ses crédits augmenter de 5 %, afin d'intégrer de nouveaux moyens consacrés à la sécurité sanitaire, dans un contexte de Brexit.

Si les ouvertures de crédits en LFI étaient supérieures à celles de l'exercice précédent, les dépenses l'ont été encore davantage. Comme le montre le tableau ci-après, les crédits de paiement consommés (3,6 milliards d'euros) ont augmenté de 25 % par rapport à 2020 et les autorisations d'engagement de 21 %.

Données relatives à l'exécution des crédits de la mission en 2021

(en millions d'euros)

Programmes

Exécution 2020

Crédits ouverts en LFI 2021

Total des crédits ouverts en 2021

Exécution 2021

Variation 2021/2020

Écart exécution 2021/LFI 2021

149 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires »

AE

1 781,2

1 792,6

2 750

2 365,7

584,5

573,1

CP

1 712,1

1 811

2 760

2 383,1

671

572,1

206 « Sécurité et qualité
sanitaires de l'alimentation »

AE

557,7

599,9

655

612

54,3

12,1

CP

555,6

598,7

660

608,3

52,7

9,6

215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

AE

618,0

632,9

639

604,8

-13,2

-28,1

CP

618,7

629,5

636

609

-9,7

-20,5

Total Mission

AE

2 956,8

3 025,4

4 045

3 582,5

625,7

557,1

CP

2 886,4

3 039

4 056

3 600,3

713,9

561,1

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du RAP 2021 ; prévisions : prévision en loi de finances initiale hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP)

Avec un niveau de dépenses de 3,6 milliards d'euros en CP et une consommation des AE de 3,58 milliards d'euros, les dépenses de la mission AAFAR sur crédits de paiement ont été supérieures en 2021 de 714 millions d'euros par rapport au niveau atteint l'année précédente, soit davantage encore que par rapport aux ouvertures initiales (561,1 millions d'euros). Les consommations d'AE ont significativement augmenté (+ 625,8 millions d'euros), soit 557 millions d'euros au-delà de la programmation budgétaire.

Les dépenses ont connu des dynamiques contrastées entre programmes.

Le programme 149 a contribué à la quasi-totalité de l'augmentation des crédits consommés en CP (671 millions d'euros) quand le programme 206 a été légèrement plus dépensier qu'en 2020 (+ 52,7 millions d'euros), le programme 215 dégageant moins de dépenses (- 9,7 millions d'euros).

Pour les AE, des évolutions analogues se constatent avec un supplément de 585 millions d'euros pour le programme 149 et une certaine dynamique pour le programme 206 (+ 54 millions d'euros), pour une consommation inférieure à 2020 sur le programme 215.

2. ... mais est inférieure aux crédits disponibles en 2021

L'exécution des crédits a été en 2021 supérieure aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale, mais inférieure aux crédits finalement disponibles .

Comme le montre le tableau ci-dessus, les crédits ouverts finalement en cours de gestion ont excédé les autorisations de la LFI de plus de un milliard d'euros, tant en AE qu'en CP , principalement du fait des ouvertures opérées en lois de de finances rectificatives (835 millions d'euros), des reports de crédits (84 millions d'euros en AE et 136 millions d'euros en CP), et plus marginalement de fonds de concours et attributions de produits (26 millions d'euros).

Ces abondements en cours de gestion ont surtout concerné le programme 149, qui a bénéficié de près de 957 millions d'euros supplémentaires en AE et de 949 millions d'euros en CP , soit respectivement 53 % et 52 % des crédits prévus initialement. 97 % des ouvertures de crédits réalisées en lois de finances rectificatives ont d'ailleurs concerné ce programme.

Le programme 206 a bénéficié de l'ordre de 61 millions d'euros de CP supplémentaires, le programme 215 bénéficiant lui aussi d'ouvertures nettes (+ 7 millions d'euros).

Les ouvertures de crédits ont principalement résulté de deux lois de finances rectificatives , à hauteur de 835 millions d'euros (en AE et en CP). La première, la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, a ouvert 348 millions d'euros sur la mission (nets), notamment pour faire face aux conséquences de l'épisode de gel tardif , ayant fragilisé les exploitations agricoles. La deuxième, la loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021, a ouvert 486 millions d'euros nets sur la mission, pour la même raison.

Les reports de crédits de l'année 2020 sur l'année 2021 ont également été importants, en raison des retards dans la mise en oeuvre des mesures de soutien aux filières agricoles déployées dans le contexte de la crise sanitaire (136 millions d'euros en CP).

Au total, les crédits ouverts durant l'exercice 2021 ont excédé de près d'un milliard d'euros les prévisions de la LFI, pour atteindre 4 milliards d'euros (en AE et en CP). Or, la sous-consommation des crédits finalement ouverts s'est élevée à près de 463 millions d'euros en AE et 456 millions d'euros en CP, et concerne principalement le programme 149.

Mouvements infra-annuels de crédits sur les différents programmes
de la mission en 2021

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

3. Un niveau de reports de crédits sans précèdent

Comme le mentionne la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire relative à la présente mission, cette sous-consommation des crédits disponibles a entraîné un niveau significatif de reports de crédits sur l'année 2022 (388 millions d'euros en AE et 402 millions d'euros en CP), et des annulations importantes de crédits (74 millions d'euros en AE et 65 millions d'euros en CP).

Ces reports ont principalement concerné le programme 149 de la mission (377 millions d'euros en CP, soit 94 % des crédits reportés, et plus de 20 % des ouvertures de crédits en loi de finances initiale), et découlent de réactions tardives du Gouvernement, puisqu'il s'agit de reports d'ouvertures de crédits réalisées par la loi de finances rectificative du 1 er décembre 2021 : comme l'indique la Cour des comptes, ces ouvertures ont « excédé la réalité des besoins anticipés sur l'exercice 2021 » et auraient donc dû être imputés en loi de finances pour 2022 : les principes de sincérité et d'annualité budgétaires ne semblent pas avoir été respectés.

La Cour des comptes précise que ces reports concernent principalement les mesures d'indemnisation des agriculteurs après l'épisode de gel tardif et la compensation des exonérations des cotisations sociales au bénéfice des employeurs dans le secteur de la viticulture. Cette dernière, initialement évaluée à 80 millions d'euros, n'aurait été consommée qu'à hauteur de 4 millions d'euros en 2021, et pourrait atteindre 10 à 15 millions d'euros l'année prochaine. Ces exonérations semblent donc avoir eu moins de succès que les dispositifs spécifiques de soutien mis en place dans le contexte de l'épisode de gel tardif.

Les rapporteurs spéciaux constatent que la sous-consommation des crédits disponibles et le niveau sans précédent de reports jure avec les besoins structurels des actions publiques particulièrement cruciales pour atteindre les objectifs de notre politique agricole, de la forêt et de la pêche , une politique dont les enjeux sont particulièrement lourds et dont l'ambition doit être sérieusement rehaussée.

4. Un fort alourdissement des dépenses d'opérations financières et des dépenses d'intervention

En 2021, les dépenses d'opérations financières enregistrent de nouveau un bond, passant de 185 millions d'euros en 2020 à 513,5 millions d'euros en 2021 (+328,5 millions d'euros), lié une nouvelle fois à l'abondement du FNGA (cf. infra ) 1 ( * ) et au financement d'investissements informatiques de l'Agence de service de paiements pour la mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole commune.

Les dépenses d'intervention, qui constituent le coeur de la mission, atteignent 1,4 milliard d'euros en 2021 , soit une progression de 326 millions d'euros (+ 30 %), principalement en raison des mesures de soutien aux filières face à la crise sanitaire et des mesures d'indemnisation des agriculteurs face à l'épisode de gel tardif (cf. infra ).

Évolution des dépenses de la mission par titre
entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

2020

2021

Variation 2021/2020 (en valeur)

Variation 2021/2020 (en %)

Dépenses de personnel

859,8

849,6

-10,2

-1%

Autres dépenses

2 026,6

2 751

724,2

36%

Dont :

Dépenses de fonctionnement

777,7

847

69,3

9%

Dépenses d'investissement

5,9

7,3

1,4

24%

Dépenses d'intervention

1 057,8

1 383

325,2

31%

Dépenses d'opérations financières

185,1

513,5

328,4

177%

Total

2 886,4

3 600

714,1

25%

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2021

En ce qui concerne les dépenses de personnel , qui représentent près du quart des crédits de la mission et sont portées par les programmes 206 et 215, leur montant est stable en 2021 (850 millions d'euros contre 860 millions d'euros en 2020).

Le plafond d'emplois n'a pas été consommé en totalité, la sous-exécution demeurant assez marginale (autour de 2 %).

Au total, les ETPT mobilisés par la mission ont diminué, passant de 11 801 ETPT à 11 630 ETPT, soit une baisse de 1,4 % consécutive à la réduction de 1,6 % observée l'an dernier . Dans ce cadre, les évolutions d'emploi ont été très différenciées selon le programme considéré.

Le programme 206 a consommé le plafond d'emplois à hauteur de 97,2 %, avec une consommation de 4 842 ETPT en 2021 (contre 4 847 ETPT en 2020), pour un plafond fixé à 4 981 ETPT en prévision (4 806 ETPT en LFI, auxquels s'est ajoutée une ouverture de 106 ETPT en LFR au titre du Brexit, et un rétro-transfert de 69 ETPT compensant le maintien en gestion 2021 des agents du ministère devant rejoindre les secrétariats généraux communs départementaux).

Le rapport annuel de performances de la présente mission précise les raisons de cette légère sous-consommation, et indique qu'au 31 décembre 2021, les recrutements liés à l'entrée en vigueur de la nouvelle relation commerciale entre le Royaume-Uni et l'Union européenne au 1 er janvier 2021 ont correspondu à une consommation de 422 ETPT sur une dotation de 466 ETPT, en raison du décalage des recrutements associés à la nouvelle réglementation « export » dont l'entrée en vigueur est prévue en 2022 (qui a entraîné le report en 2022 de 35 ETP non recrutés).

En ce qui concerne le programme 215 , qui avait perdu 287 ETPT en 2020, il en perd 166 en 2021. Les effectifs du programme sont ainsi passés de 8 448 emplois à 6 788 emplois entre 2016 et 2021 (- 1 660 ETPT).

La réduction des effectifs a modérément impacté les fonctionnaires de catégorie A. En revanche, les personnels des catégories B et C qui effectuent des missions techniques ont été amputés de près de 10 %, ce qui doit susciter une forme d'inquiétude dès lors que les agents concernés participent à des missions que les gains de productivité ne peuvent pas nécessairement permettre de maintenir.

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (AAFAR) représente une part seconde des concours publics à l'agriculture

Les crédits de la mission AAFAR ne correspondent structurellement qu'à une partie des concours publics à l'agriculture, à la forêt et à la pêche 2 ( * ) , qui, en 2021, se seraient élevés à 22,7 milliards d'euros contre 21,7 milliards d'euros en 2020, soit une augmentation de 1 milliard d'euros.

L'examen du projet de loi de règlement devrait offrir l'occasion d'appréhender au plus près la contribution de la mission aux concours publics soutenant in fine les revenus agricoles, objectif d'autant plus légitime que les dépenses de la mission sont, pour une part importante, la contrepartie nationale d'interventions européennes.

Or, cette information n'est pas rendue disponible dans le rapport annuel de performances de la mission annexé au projet de loi de règlement . Les délais de confection des comptes nationaux agricoles sont en cause. À la date d'examen du projet de loi de règlement, seuls sont disponibles les comptes prévisionnels de l'agriculture publiés en décembre 2021. Quant aux concours publics à l'agriculture, le dernier document mobilisable porte sur l'année 2020.

Les rapporteurs spéciaux réitèrent leur demande que la commission des comptes de l'agriculture de la Nation puisse tenir compte du calendrier d'examen parlementaire des opérations budgétaires sur crédits nationaux pour organiser ses travaux. Il conviendra d'exposer les résultats de ces travaux dans les rapports de performances annexés aux projets de loi de règlement.

Dans ce contexte, l'évaluation publiée par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire fournit un point de repère précieux.

Ainsi qu'il ressort du graphique et des estimations de la Cour des comptes, la mission AAFAR ne représente qu'une part seconde des concours publics à l'agriculture (16 % du total).

Concours publics à l'agriculture, à la forêt et à la pêche (2014-2021)

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes

La première source de soutien provient du budget européen et les dépenses sur crédits de la mission AAFAR sont désormais très largement devancées par le total constitué des dépenses fiscales et des allégements de cotisations sociales.

2. La fin de l'imputation sur la mission d'une dépense fiscale sans lien avec l'activité agricole en 2021, mais une augmentation des dépenses fiscales à périmètre constant

L'année 2021 marque la fin de l'imputation sur la mission AAFAR d'une dépense fiscale qui n'a aucun lien avec l'activité agricole : le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole non routier sous condition d'emploi hors secteur agricole (1,3 milliard d'euros en 2020).

À partir de la loi de finances pour 2021, la partie de la dépense fiscale sous revue attribuée à tort à l'agriculture a été extraite de l'évaluation des dépenses fiscales rattachées à la mission. Les rapporteurs spéciaux se félicitent que cette dépense fiscale concernant surtout le secteur du bâtiment soit désormais détachée de la mission. Son estimation dans le RAP de 2020 conduisait à surestimer les dépenses fiscales en faveur de l'agriculture de plus d'un tiers.

Les dépenses fiscales rattachées à la présente mission représentent en 2021 un montant de 2,4 milliards d'euros , contre 3,5 milliards d'euros en 2020. En neutralisant le transfert de la dépense fiscale sur le gazole non routier non agricole vers le programme 174 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », les dépenses fiscales augmentent de 2 % en 2021.

Près de 60 % du coût des dépenses fiscales de la mission correspondent en 2021 uniquement aux taux réduits de taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) sur le gazole sous condition d'emploi et à l'avantage spécifique pour le gazole non routier (GNR), le fioul lourd, le gaz naturel et le gaz de pétrole liquéfié utilisés par les exploitants agricoles.

Pour un grand nombre de dispositifs, les chiffrages sont incertains, la plupart n'étant pas évalués. Cette situation n'est pas satisfaisante et il doit y être remédié, d'autant que le soutien public à l'agriculture passe de plus en plus par ces voies.

Une partie importante de l'augmentation des dépenses fiscales vient du bilan de l'innovation fiscale apportée par la loi de finances pour 2019 avec la déduction pour épargne de précaution (DEP). Son coût est passé de 80 millions d'euros en 2020 à 115 millions d'euros en 2021 (+ 44 %). Il reste inférieur aux coûts cumulés des déductions pour investissement (136 millions d'euros en 2019) et pour aléas (11 millions d'euros en 2019) auxquelles la DEP se substitue, mais cette hausse témoigne d'une montée en puissance du dispositif.

L'alourdissement des enjeux financiers du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique doit, à nouveau, être signalé . Il représente 69 millions d'euros contre 61 millions d'euros l'an dernier et 37 millions d'euros en 2018. La documentation budgétaire est anormalement en retard sur les évolutions réelles puisque le nombre des bénéficiaires demeure évalué sur la base des données de 2019 (18 633 entreprises), alors qu'entre 2019 et 2020, le nombre des exploitants en bio a augmenté.

Il est ainsi probable que le poids du crédit d'impôt bio soit sous-estimé, d'autant qu'il faut sans doute prendre en compte l'impact de l'entrée dans le dispositif d'exploitants auparavant exclus du fait des aides directes perçues par eux 3 ( * ) .

3. L'exécution des crédits du programme 149 apparaît heurtée par la crise sanitaire et les aléas climatiques

L'exécution budgétaire du programme 149 s'est révélée significativement éloignée de l'autorisation donnée en loi de finances initiale (+600 millions d'euros). Elle s'établit à 2,4 milliards d'euros en CP, ce qui par ailleurs représente 700 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2020 (+ 40 %).

Exécution budgétaire du programme 149 en CP pour l'exercice 2021

(en milliards d'euros)

Source : Commission des finances, à partir des données de Chorus

Le programme 149 a en effet bénéficié d'une ouverture supplémentaire de crédits en cours de gestion de près de 1 milliard d'euros, principalement par le truchement d'ouverture de crédits en lois de finances rectificatives (814 millions d'euros). 400 millions d'euros n'ont toutefois pas été consommés et ont fait l'objet d'un report pour 2022, mais l'exécution excède de près de 600 millions d'euros les prévisions faites en loi de finances initiale.

Cette exécution résulte en réalité d'une sous-programmation structurelle des besoins d'accompagnement d'exploitations de plus en plus systématiquement confrontées aux effets des aléas climatiques, sous-programmation qui a mis sous tension le programme 149 en 2021 et devrait à nouveau exercer ses effets délétères en 2022.

En effet, les dotations initiales pour 2021 allouées à la provision pour aléas, relevées à 190 millions d'euros, ont de nouveau été insuffisantes en 2021 pour faire face aux conséquences des aléas climatiques (sécheresse de 2020 et surtout, épisode de gel tardif au printemps 2021) et financer le fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA).

La Cour des comptes apporte des précisions sur la mobilisation de la dotation de la provision pour aléas de 190 millions d'euros :

- 70 millions d'euros ont été utilisés pour les calamités agricoles dites « classiques » au sein du FNGRA ;

- 20 millions d'euros ont été mobilisés pour la mise en oeuvre du fonds d'urgence départemental pour lutter contre le gel ;

- 92 millions d'euros ont été fléchés vers les calamités agricoles « exceptionnelles » au titre de l'épisode de gel d'avril.

Cette provision étant nettement insuffisante pour faire face aux aléas climatiques en cours de gestion, le programme 149 a dû bénéficier de 814 millions d'euros supplémentaires en 2021, notamment pour faire face à l'épisode de gel tardif, dans le contexte de l'aide de 1 milliard d'euros annoncée le 17 avril dernier par le Premier ministre 4 ( * ) .

En effet, le coût des indemnisations dues aux exploitants agricoles pour l'année 2021 a très largement dépassé les ressources dont dispose le FNGRA, contraignant l'État à abonder le fonds en cours de gestion à hauteur de 480 millions d'euros (contre un abondement de 150 millions d'euros en 2020) , dont 410 millions d'euros au titre du plan « gel » 5 ( * ) .

Dépenses, recettes et trésorerie du FNGRA de 2009 à 2021

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

Ces ouvertures ont toutefois excédé les besoins sur l'exercice 2021 et les crédits dédiés aux mesures d'indemnisation des agriculteurs après l'épisode de gel tardif ouverts en fin d'année ont fait l'objet d'un report.

L'exécution 2021 du programme a également été marquée par la poursuite du déploiement des mesures de soutien d'urgence aux filières agricoles qui subissent la crise économique débutée en 2020 .

La note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes apporte des informations sur le déploiement des aides et la répartition des AE et CP. Les dépenses d'aide aux filières agricoles s'élèvent au total à 185 millions d'euros sur les années 2020 et 2021. 140 millions d'euros en CP y ont été consacrés en 2021. 43,6 millions d'euros ont été versés en CP en 2020.

Aides apportées aux filières agricoles en 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

Les rapporteurs spéciaux considèrent que les dispositifs de couverture actuels des risques agricoles ne sont pas à la hauteur des évènements climatiques plus nombreux et fréquents que connaît notre pays et mettent en péril à moyen terme la soutenabilité budgétaire de la mission. Ils seront attentifs à la mise en oeuvre prochaine de la réforme introduite par la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, et aux crédits qui y seront consacrés sur le présent programme.

4. La sécurité sanitaire de l'alimentation : une exécution marquée par les crises sanitaires

En 2021, les dépenses du programme ont augmenté de 9 % par rapport à celles constatées en 2020 , l'exécution des crédits ayant conduit à adopter des ajustements significatifs par rapport à la prévision budgétaire.

Exécution budgétaire du programme 206 en CP
pour l'exercice 2021

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances, à partir des données de Chorus

Plusieurs maladies ont eu un impact budgétaire important sur l'exécution 2021, au premier rang desquelles l'Influenza aviaire .

Le rapport annuel de performances de la présente mission présente le bilan de la crise de l'hiver 2020-2021 et fait état de 492 foyers en élevage de volailles. La charge d'abattage, de nettoyage et d'indemnisation s'est élevée à 47 millions d'euros, financée notamment par l'ouverture de 36 millions d'euros d'AE et de CP par la loi de finances rectificative du 19 juillet 2021. Des reports de crédits de fonds de concours ont complété le financement. Un nouvel épisode a néanmoins débuté en décembre 2021, important tant sur le nombre de foyers que sur le nombre d'animaux impactés et aura nécessairement des conséquences budgétaires sur l'exécution 2022.

Les menaces sanitaires sont extrêmement vives et les risques tendent à se concrétiser, comme l'ont montré une série d'événements retentissants ces dernières années, les infections à plus bas bruits demeurant tout à fait ordinaires. L'année 2021 a ainsi été marquée par une lutte contre les maladies animales comme la tuberculose bovine , la salmonelle en élevage avicole et plusieurs foyers de capricorne asiatique actifs dans le domaine végétal.

S'agissant des résultats des indicateurs de performance, force est d'observer que la situation créée par le coronavirus a renforcé cette année encore les difficultés traditionnellement rencontrées pour en faire une analyse fiable.

À titre d'exemple, le nombre de « doses unités de pesticides » vendues avait marqué une diminution inédite en 2020 (78,6 millions), mais l'indicateur s'élève en 2021 à 88 millions, alors même que la cible était fixée à 78 millions. Tandis que le Gouvernement affirmait l'année dernière que cette très substantielle réduction attestait que les mesures mises en oeuvre « port(ai)ent enfin leurs fruits », les rapporteurs spéciaux avaient appelé à un peu plus de réserve. En effet, les achats très conséquents observés en 2018 et 2019 semblent avoir été réalisés par les agriculteurs à des fins de constitution de stocks de sorte que la baisse de 2020 n'était que transitoire, d'autant plus que les échanges internationaux, nécessaires à l'approvisionnement en produits phytopharmaceutiques (dont la Chine est le premier fournisseur selon l'OCDE) ont été fortement perturbés par la situation sanitaire. La performance réalisée en 2021 confirme donc cette analyse.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

A. UNE SOUS-CONSOMMATION CHRONIQUE DES CRÉDITS

Le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR) a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural orientées par les priorités du programme national de développement agricole et rural (PNDAR). Celui-ci a pour priorité de « conforter le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants à la fois du point de vue économique, environnemental et sanitaire » en s'appuyant sur les principes de l'agroécologie. Ce plan, qui couvre les années 2014 à 2020, a été prolongé d'un an jusqu'en 2021 pour tenir compte de la crise sanitaire et du décalage au niveau européen de la révision de la politique agricole commune.

1. Des recettes une nouvelle fois supérieures aux prévisions

Le CAS repose sur deux programmes : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

Les crédits du programme 775 sont principalement destinés aux chambres d'agriculture, aux organismes chargés de la sélection génétique des animaux d'élevage, à la fédération des coopératives agricoles (Coop de France) et à d'autres organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). Il s'agit de diffuser des bonnes pratiques et des connaissances auprès des agriculteurs . Le programme est géré par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE).

Quant au programme 776 , davantage orienté vers la recherche appliquée 6 ( * ) , il finance des recherches réalisées par une pluralité d'acteurs, au premier rang desquels les instituts techniques agricoles (la plupart se trouvant rattachés à des filières de production). Le programme est géré par la direction générale de l'enseignement et de la recherche. Par ailleurs, le pilotage de la recherche passe aussi par la procédure d'appel à projets .

Le CASDAR est alimenté par le produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts.

Pour 2021, comparées à une prévision de recettes abaissée de 136 millions d'euros en 2020 à 126 millions d'euros, les recettes finalement perçues ont atteint 138 millions d'euros soit une plus-value de 12 millions d'euros.

De façon plus problématique encore, une grande partie de cette taxe, qui pèse davantage sur les petites exploitations, reste inemployée (cf. infra ).

2. ... Combinées à une sous-exécution de crédits, aboutissant à l'augmentation continue du solde comptable du CASDAR

D'abord, l'exécution des crédits, de 126 millions d'euros en AE et de 114 millions d'euros en CP, apparaît en diminution par rapport à 2020 , de 5 % en AE et de 10,6 % en CP.

Il est à noter, outre l'arrêté de report de crédits budgétaires 2020, l'ouverture de 10 millions d'euros de crédits supplémentaires, en AE et en CP , tenant compte d'une actualisation du montant de recettes par rapport aux prévisions initiales, comme ce fut le cas l'année dernière pour la première fois. L'ouverture tardive de ces crédits n'a pas permis qu'ils soient engagés avant la clôture de l'exercice 2021.

Dépense et gestion des crédits de paiement du CASDAR

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

Surtout, si le taux de consommation des crédits votés ressort comme satisfaisant, une fois pris en compte les crédits reportés, la sous-consommation des crédits est manifeste : la consommation des crédits disponibles s'est ainsi élevée à 92 % en AE mais à 64 % en CP . Cette sous-consommation résulte principalement :

- d'une ouverture de crédits calculée chaque année en fonction des estimations de rendement de la taxe, sans que soient pris en compte les reports des exercices précédents, qui résultent de la pluriannualité des opérations financées par le CASDAR ;

- de prévisions de rendements de la taxe très prudentes (diminution des rendements estimés en 2021 de 10 millions d'euros, passant de 136 à 126 millions d'euros, alors que les recettes s'établissent in fine à 138 millions d'euros 7 ( * ) ).

En outre, la gestion des projets soutenus par le CAS implique, tout particulièrement pour le programme 776, un dépassement de l'annualité budgétaire. Ils sont conduits sur une durée souvent supérieure à l'année et mobilisent une séquence de versements qui l'excède. Dans ce contexte, des reports et des restes à payer interviennent à chaque fin d'exercice.

Un écart d'environ 7 millions d'euros est constaté depuis la création du CASDAR entre le solde comptable et les crédits reportés. Les justifications avancées par le ministère de l'agriculture font valoir que l'écart entre les crédits reportables et la capacité de reports tenant à la situation du solde comptable du compte proviendrait d'une erreur de programmation commise en 2006, les autorisations d'engagement alors inscrites n'ayant pas donné lieu à autant d'inscriptions en crédits de paiement à la suite de la cessation d'activité de l'Agence de développement agricole et rural. En outre, cet écart est amplifié depuis deux ans par des recettes supérieures aux prévisions et des crédits sous-consommés.

Par ailleurs, le ministère justifie la faible consommation des crédits notamment par la situation sanitaire, qui a ralenti certains travaux (recherches, laboratoires...). Or, les rapporteurs spéciaux relèvent que la sous-consommation des crédits apparaît chronique et non liée à la situation sanitaire .

Ainsi, la sous-exécution des crédits, combinée à des recettes plus importantes qu'escompté aboutit en 2021 à un résultat excédentaire de 25 millions d'euros, augmentant d'autant le solde cumulé du compte, qui s'élève à 118 millions d'euros en 2021, soit un montant représentant 85 % des recettes annuelles tirées de la taxe affectée. Le solde comptable a donc augmenté de 90 % depuis 2017.

En toute hypothèse, l'ampleur du solde comptable conduit à nourrir quelques inquiétudes sur les modalités de budgétisation du CASDAR dans l'avenir.

Dans ces conditions, les interrogations sur le financement du CAS, la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles pouvant se révéler lourdement procyclique en raison de la volatilité des conditions économiques de l'activité agricole, persistent ainsi que celles sur ses effets redistributifs et les modalités concrètes de son recouvrement.

Compte tenu de ces problématiques devenues chroniques (une sous-exécution des crédits, l'inemploi de plus de 85 % de la taxe prélevée sur les exploitations, la récurrence des subventions versées à plusieurs structures, l'absence de démonstration de l'efficacité des dispositifs financés, cf. infra ), la question se pose du maintien du CASDAR.

À ce titre, les rapporteurs spéciaux regrettent de n'avoir pas pu disposer pour l'examen du présent projet de loi du rapport de la mission conjointe de l'inspection générale des finances (IGF) et du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur l'évolution du CASDAR, dont les conclusions ont été rendues fin 2021.

Ils seront attentifs aux conclusions de ce rapport ainsi qu'aux suites qui y seront données par le Gouvernement.

Exécution et prévision des recettes du CASDAR
et dépenses constatées 8 ( * )

(en millions d'euros)

Année

Recettes LFI

Recettes constatées

Exécution (CP)

Solde cumulé

2006

134,46

145,96

99,70

46,26

2007

98,00

102,05

101,34

46,97

2008

102,50

106,30

98,47

54,8

2009

113,50

110,56

112,34

53,02

2010

114,50

104,89

111,21

46,7

2011

110,50

110,44

108,38

48,72

2012

110,50

116,76

114,35

51,13

2013

110,50

120,58

106,98

64,73

2014

125,50

117,10

132,40

49,43

2015

147,50

137,10

131,30

55,23

2016

147,5

130,8

129,2

56,83

2017

147,5

133,4

128,1

62,13

2018

136

136,5

131,2

67,6

2019

136

142,9

130,5

80

2020

136

140,3

127,2

93,2

2021

126

138

114

118

Source : commission des finances du Sénat

B. AMÉLIORER LES INFORMATIONS SUR LES PERFORMANCES ATTEINTES ET RECOURIR DAVANTAGE AUX APPELS À PROJETS POUR CONTRER LA LOGIQUE D'ABONNEMENT AUX AIDES

En l'état, la justification au premier euro des deux programmes du CASDAR présente, une fois de plus, un caractère lacunaire .

Pour le programme 775 , le rapport annuel de performances ne fournit pas d'information suffisamment détaillée sur l'utilisation des crédits destinés au réseau des chambres d'agriculture , à la fédération des coopératives agricoles et aux organismes nationaux de vocation agricole et rurale (ONVAR) .

L'indicateur utilisé consiste à suivre les effectifs desdits organismes consacrés par eux à atteindre les grands objectifs du programme national de développement agricole et rural. On se doute bien que là est leur pente naturelle et qu'il n'est pas très difficile de fournir au logiciel censé accueillir les déclarations des organismes les données permettant d'extérioriser des résultats probants.

Cet indicateur, mesurant les moyens humains mis en oeuvre, ne délivre aucun enseignement sur l'efficacité des soutiens attribués par le programme 775. Si réellement 70 % des personnels des organismes se consacraient à la transition agro-écologique, cette dernière aurait été sans doute accomplie de longue date. Il résulte de ce manque d'information une impossibilité de savoir si les crédits du programme servent aux projets de développement plus qu'aux structures qui sont censées les porter.

L'objectif du programme est modifié depuis le 1 er janvier 2022 : il s'agit d'« orienter l'action des structures chargées du conseil aux agriculteurs et de l'accompagnement des démarches collectives de développement », objectif mesuré par deux indicateurs : le nombre d'agriculteurs impliqués dans des groupements en transition agro-écologique et le nombre de documents de diffusion de connaissances inscrits annuellement par les différents réseaux dans une base de données. Ce dernier indicateur permettra de mesurer la diffusion de la connaissance et de l'innovation mais ne mesure par les changements de pratique dans les exploitations agricoles.

S'agissant du programme 776 , l'information est, là aussi, insuffisante. Le RAP décrit insuffisamment les projets sélectionnés dans le cadre des procédures d'appel à projets et les actions d'accompagnement thématiques innovantes .

Les rapporteurs spéciaux attendent davantage de précisions dans l'énoncé et le suivi des objectifs poursuivis. C'est l'orientation retenue dans le nouveau PNDAR pour les années 2022 à 2027, axé autour de neuf axes, et retenant des modalités de gestion simplifiées.

Les rapporteurs spéciaux seront attentifs à l'évaluation de la performance associée à ce nouveau programme. Il importe que le ministère de l'agriculture s'attache à restituer les résultats des recherches appliquées financées par les exploitations agricoles, qui, de leur côté, ont droit à cette information.

À l'heure où la thématique de l'agro-écologie oriente fortement les choix publics dans le domaine de l'agriculture, il est nécessaire de renforcer la programmation de la recherche, ce qui passe par une information plus satisfaisante du Parlement.

Enfin, il faut constater une diminution de la part de crédits consacrés aux appels à projets. La Cour des comptes, dans la note d'exécution budgétaire, en fait ressortir la diminution en 2021 dans les dépenses du programme 775 (11 % en 2021 contre 14,5 % en 2020) et la très grande dispersion, avec pour incidence la modestie des mises de fonds.

Elle met en regard de ces allocations de fonds, les abondements reconduits d'une année sur l'autre de quelques grands bénéficiaires du CASDAR. Ces derniers soutiens ne paraissent nullement condamnables en soi. Mais, dans le cadre d'un renforcement nécessaire de la recherche, il serait sans doute utile, tout en préservant les moyens des structures d'animation, de procéder à une amplification des moyens consacrés aux appels à projet, la question de l'inégale attribution des subventions pérennes pouvant utilement faire l'objet d'une analyse.

En ce qui concerne le programme 776 , la proportion des engagements sur appels à projets est sensiblement supérieure (un tiers des dépenses).

Répartition des dépenses du programme 776
en 2021

Source : Cour des comptes

La Cour des comptes relève la concentration des attributions, observation régulièrement faite par les rapporteurs spéciaux qui, pour traduire un état de l'offre d'assistance technique, justifie une évaluation de la contribution de chacun et de ce que pourrait apporter une diversification des intervenants.


* 1 Les dépenses d'opérations financières avaient enregistré l'an dernier un bond de 65,8 millions d'euros (+55,2 %), en raison d'un abondement de 150 millions d'euros du fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA) en cours de gestion, découlant d'une situation initiale de défaut de provisionnement du fonds

* 2 Il faut ajouter aux dépenses sur crédits nationaux les dépenses sur crédit européen, les dépenses fiscales et les dépenses sociales non compensées à partir de la mission.

* 3 On rappelle que le bénéfice du crédit d'impôt est dépendant du montant des aides directes versées aux exploitants, aides dont la durée a été d'autant plus raccourcie que les aides au maintien accessibles auprès du ministère de l'agriculture sont désormais supprimées.

* 4 Mesures de soutien aux agriculteurs sinistrés par les épisodes de gel , communiqué du Gouvernement, 17 avril 2021.

* 5 92 millions d'euros via la provision pour aléas, 160 millions d'euros par la loi de finances rectificative de juillet, 60 millions d'euros par le dégel de la réserve de précaution du programme, et 98 millions d'euros par la loi de finances rectificative de décembre.

* 6 La recherche fondamentale financée sur fonds publics est principalement prise en charge par les dispositifs fiscaux ou budgétaires mis en oeuvre par le ministère de la recherche.

* 7 Cette diminution de l'évaluation des recettes de la taxe découlait d'une prévision de réduction de chiffre d'affaires de certaines filières agricoles en 2020 et de mauvaises récoltes possibles à la suite des aléas climatiques.

* 8 Aux arrondis près jusqu'en 2018.

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