C. LE PROGRAMME 358 « RENFORCEMENT EXCEPTIONNEL DES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT DANS LE CADRE DE LA CRISE FINANCIÈRE »

La deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020 a créé le programme 358 « Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise financière » afin de soutenir l'économie en renforçant les ressources des entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables et dont la situation pourrait s'avérer critique en raison des conséquences économiques de la crise sanitaire. L'objectif affiché était notamment d'éviter une prise de participation hostile dans des sociétés cotées.

1. Moins de la moitié des crédits ouverts à l'origine ont été consommés

Ce programme a initialement été doté de 20 milliards d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Contrairement aux autres programmes de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », il n'a pas fait l'objet d'abondements dans les lois de finances ultérieures.

Les crédits ouverts sur ce programme avaient vocation, au fur et à mesure de la réalisation des opérations identifiées par l'Agence des participations de l'État (APE), à être transférés sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE), qui assure l'ensemble des opérations de soutien en fonds propres, quasi-fonds propres et titres de créances auprès des entreprises.

Seulement 8,3 milliards d'euros ont été consommés sur ce programme en 2020. Alors que le programme a été alimenté uniquement par des reports en 2021, la consommation a été de 671,8 millions d'euros seulement au cours de cette seconde année, soit un taux d'exécution global de 44,9 % par rapport aux crédits ouverts en avril 2020.

Les principales opérations soutenues en 2020 ont été :

- une souscription de l'État à l'augmentation de capital de la SNCF, intervenue le 15 décembre 2020, à hauteur de 4,1 milliards d'euros ;

- une avance en compte courant d'actionnaire consentie le 6 mai 2020 à la société Air France - KLM, pour 3,0 milliards d'euros ;

- la souscription à l'émission d'obligations à option de conversion ou d'échanges en actions nouvelles et existantes (OCEANEs) d'EDF, intervenue le 8 septembre 2020, pour un règlement de 1,1 milliard d'euros ;

- la souscription par l'État de parts dans le fonds Ace Aéro Partenaires, créé en juin 2020 pour accompagner les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises de la filière aéronautique, pour 150 millions d'euros.

Trois opérations ont eu lieu en 2021 :

- la souscription de l'État, le 14 avril 2021, à l'augmentation de capital de la société Air France-KLM, à hauteur de 593,2 millions d'euros, dont 516,8 millions d'euros versés par le programme 358 ;

- la souscription de l'État au fonds d'avenir automobile 2, intervenue le 18 janvier 2021 pour 105 millions d'euros.

- la souscription de la France au fonds France nucléaire le 12 octobre 2021, à hauteur de 50 millions d'euros.

2. Le programme a surtout servi de ressource de budgétisation pour des opérations sans lien ou avec un lien limité avec l'objectif initial

Les crédits ouverts en avril 2021 ont été utilisés en grande partie pour des opérations dont le lien avec les conséquences de la crise sanitaire paraît à tout le moins indirect , , notamment celles concernant la SNCF et EDF, comme la Cour des comptes l'a souligné 10 ( * ) . En outre les crédits non consommés ont été utilisés pour financer des mesures autres que celles pour lesquelles ils avaient été ouverts.

Utilisation des crédits ouverts sur le programme 358 en avril 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des données Chorus

S'agissant du premier point, la recapitalisation de la SNCF a d'ailleurs été comptabilisée au titre des 100 milliards d'euros du plan de relance. C'est également le cas de crédits imputés, à hauteur de 100 millions d'euros, sur le programme 358 en 2021 et consacrés au dispositif de soutien en fonds propres des filières automobile et aéronautiques.

En outre, les crédits versés à la SNCF fin 2020 à partir du programme 358 ont été immédiatement reversés par voie de fonds de concours au budget général sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Ils ont vocation à être progressivement débloqués de 2021 à 2023 pour financer des opérations de régénération du réseau ferroviaire, ce qui constitue un parcours budgétaire particulièrement opaque 11 ( * ) .

Les crédits ouverts ont été en fait majoritairement utilisés en 2020 , à hauteur de 7,2 milliards d'euros, pour compenser les dépenses créées par le décret d'avance du 19 mai 2021. Un décret d'avance doit en effet, contrairement à une loi de finances, être équilibré en dépenses et en recettes afin de ne pas dégrader le solde budgétaire.

Le passage de 2021 à 2022 a été marqué par la prolongation de ces pratiques.

Les crédits non utilisés en 2021 , soit 3,4 milliards d'euros, ont à nouveau été reportés sur 2022, mais une partie de ces crédits, soit 1,0 milliard d'euros, ont été reportés vers un dispositif différent , à savoir celui du financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », porté par le programme 367 de la mission « Économie ».

Quant aux crédits effectivement reportés sur le programme 358, la plus grande partie, soit 1,9 milliard d'euros, ont été utilisés à nouveau pour « gager » le décret d'avance du 21 avril 2022 , c'est-à-dire pour financer des mesures relevant non pas du dispositif prévu par le programme 358, ni même du plan d'urgence consécutif à la crise sanitaire, mais pour financer le nouveau « plan de résilience » mis en place par le Gouvernement en réponse aux nouvelles crises de l'année en cours.

Ainsi, des crédits dont l'ouverture avait été autorisée en avril 2020 ont été utilisés, un an puis deux ans plus tard , non pas pour les opérations en vue desquelles ils avaient été prévus, mais pour assurer la régularité formelle de dépenses distinctes ouvertes par voie réglementaire.

Si ces mouvements ne contreviennent pas nécessairement à la lettre de la loi organique relative aux lois de finances, ils illustrent la manière dont le Gouvernement a, depuis deux ans, eu recours à toutes les procédures disponibles pour contourner les principes d'annualité budgétaire et de spécialité des crédits .


* 10 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » pour 2020.

* 11 Pour plus de détail, voir le rapport n° 705 (2020-2021) de Jean-François Husson, rapporteur général, sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 juin 2021.

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