C. L'ÉVALUATION DES MESURES SERA DÉLICATE À CONDUIRE

1. Il est trop tôt pour une véritable évaluation des mesures du plan de relance

L'un des objectifs affichés par le Gouvernement lors du lancement du plan de relance était de retrouver dès la mi-2022 le niveau de croissance du produit intérieur brut (PIB) antérieur à la crise. Or ce niveau d'activité a été atteint dès la fin du troisième trimestre 2021 . Compte tenu du rythme de mise en oeuvre du plan de relance, celui-ci ne peut être que partiellement à l'origine de la reprise d'activité , comme l'a constaté le comité d'évaluation du plan de relance, dirigé par Benoît Coeuré et dont votre rapporteur spécial est membre, dans son premier rapport rendu public en octobre 2021 12 ( * ) .

Il en est de même du taux de chômage, qui non seulement a diminué en 2021, mais n'avait en fait guère augmenté pendant la crise en raison des mesures prises pour soutenir l'emploi, telles que le chômage partiel.

Le comité d'évaluation du plan de relance formule par ailleurs plusieurs réserves sur l'efficacité des dispositifs soutenus par le plan de relance. Il estime qu'il n'est pas acquis que les projets d'investissement soutenus par la mission auront un impact significatif sur l'environnement ou la résilience des chaînes de valeur industrielles, qui constituaient pourtant des objectifs pour ces mesures, au-delà de la relance à court terme. Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », il considère également incertains les effets à moyen terme de l'élargissement des dispositifs sur l'insertion professionnelle des jeunes.

2. Des objectifs de rapidité de la dépense, et non de qualité de celle-ci, ont été fixés

Courant 2021, le Gouvernement a fixé un objectif d'engagement de 70 % des 100 milliards d'euros du plan de relance, qui a été effectivement atteint en fin d'année.

Toutefois, sur le périmètre de la mission « Plan de relance », c'est bien un objectif de consommation de 100 % des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ouverts qui avait été assigné à chacun des trois programmes de la mission dès l'ouverture de la mission en loi de finances pour 2021.

Le rapporteur spécial a déjà souligné le caractère paradoxal de cet objectif , qui est redondant avec l'autorisation parlementaire 13 ( * ) . Sur le fond, la rapidité de la dépense n'est pas nécessairement gage de qualité , comme l'a également fait observer le comité d'évaluation du plan de relance pour des mesures telles que la mise en oeuvre de la rénovation des bâtiments publics et des logements privés (voir supra ).

Cet objectif n'est d'ailleurs pas atteint , le taux de consommation étant nettement inférieur à 100 %.

Taux de consommation des programmes 362, 363 et 364

(en milliards d'euros et en pourcentage des crédits ouverts sur chaque programme)

Source : commission des finances, à partir des valeurs des indicateurs de performance. Les crédits utilisés pour financer l'activité partielle d'urgence ne sont pas pris en compte sur le programme 364

Par ailleurs, ces taux de consommation ne tiennent pas compte des crédits transférés à des programmes relevant d'autres missions du budget général.

Les sous-consommations ont des causes variées. Il ressort du rapport annuel de performances que les délais des procédures d'appels à projet ont souvent été sous-estimés , avec un impact sur la rapidité des engagements et plus encore sur les décaissements effectifs en 2021. Ces procédures ont été particulièrement utilisées pour la mise en oeuvre des mesures des programmes 362 et 363.

3. Les autres objectifs de performance sont peu pertinents et, souvent, n'ont pas été atteints

D'une manière générale, l e dispositif de performance de la mission « Cohésion des territoires » ne permet pas d'évaluer réellement si les objectifs sont atteints .

Le dispositif de performance présente quatre principales limites .

Tout d'abord, le nombre nécessairement restreint des indicateurs de performance ne peut rendre compte de l'extrême hétérogénéité des mesures portées par la mission.

Ensuite, certains indicateurs portent sur des grandeurs dont le lien avec les mesures du plan de relance est difficile à établir . C'est le cas du nombre des créations d'emploi liées aux mesures de relance (indicateur 2.1 du programme 362).

En troisième lieu, pour certains indicateurs aucune cible n'a été fixée en loi de finances initiale, comme pour le cas des économies d'énergie attendues (indicateur de mission 2.1). Il n'est donc pas possible de déterminer si les objectifs ont été atteints. Le comité d'évaluation du plan de relance a fait la même observation, soulignant qu'il est difficile d'apprécier l'atteinte des objectifs.

Enfin, très souvent ces indicateurs sont définis de manière absolue, sans être rapportés à la dépense : ils permettent donc de mesurer l'ampleur des résultats, mais pas la performance de la dépense telle que le prévoit la loi organique relative aux lois de finances.

Parmi les quelques indicateurs pour lesquels une cible avait été fixée en loi de finances initiale, l'indicateur 3.1 du programme 362 prévoyait une diminution de 80 000 du nombre de logements qualifiés de « passoires thermiques » grâce au dispositif MaPrimeRénov'. Cet objectif, que le rapporteur spécial trouvait très ambitieux 14 ( * ) , est très loin d'être atteint puisque 2 200 logements seulement ont quitté ce statut en 2021 selon le rapport annuel de performances. Ce dernier rapport précise que le nombre réel est difficile à mesurer en raison des modalités d'obtention de l'étiquette de performance énergétique, remarque qui illustre bien le caractère insatisfaisant du dispositif de performance : une insuffisante réflexion a priori sur les modalités de mesure des effets du plan de relance rend l'évaluation a posteriori beaucoup plus difficile, voire impossible.

En revanche, la cible relative aux émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs (soit 95 gCO 2 /km), est plus qu'atteinte (résultat de 83 gCO 2 /km) grâce à l'essor des ventes de voitures électriques. S'il faut s'en réjouir, il convient également de s'interroger sur le lien entre ce résultat et le plan de relance : l'essor des ventes de voitures électriques a été observé dès l'année 2020 et constitue une évolution de fond, en lien avec celles qu'a connues la réglementation européenne applicable aux constructeurs automobiles, mais aussi les différents dispositifs nationaux d'aides et la baisse du coût des batteries.

Sur le programme 363, la Cour des comptes note que les indicateurs de performance visent presque exclusivement les dépenses au bénéfice des entreprises : ils sont donc loin de couvrir l'ensemble des dépenses du programme, qui finance également de nombreuses actions au profit des administrations.

L'indicateur 3.1, relatif au nombre d'emplois créés ou maintenus grâce aux dispositifs de relocalisations sectorielles ou territoriales, a atteint des valeurs très supérieures aux cibles (50 000 emplois pour les relocalisations sectorielles et 217 000 emplois pour les relocalisations territoriales, contre des objectifs de, respectivement, 20 000 et 13 300), mais moyennant un renforcement considérable des moyens en cours d'année. Le coût n'est d'ailleurs pas négligeable : le dispositif sectoriel de soutien à l'emploi industriel et à la sécurisation des approvisionnements dans les secteurs stratégiques aurait permis de créer ou de maintenir 50 000 emplois, mais les dépenses sont de 571 millions d'euros, équivalent à 11 400 euros par emploi, alors que l'objectif était de 10 000 euros par emploi.

Sur le programme 364, enfin, plusieurs indicateurs relatifs à l'activité partielle (nombre d'entreprises bénéficiaires d'une allocation d'activité partielle, nombre de salariés concernés par l'activité partielle et nombre d'heures chômées financées par l'activité partielle) comptabilisent en fait l'activité partielle d'urgence . Ils ne rendent donc pas compte de la très forte sous-exécution des dispositifs d'activité partielle qui devaient être portés par ce programme. En outre, comme d'autres indicateurs, ils sont indiqués en valeur absolue, sans être rapportés au coût des mesures.


* 12 Comité d'évaluation du plan France Relance - Premier rapport , 26 octobre 2021.

* 13 Jean-François Husson, rapport spécial sur la mission « Plan de relance » , annexé au rapport général n° 138 (2020-2021), fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

* 14 Jean-François Husson, rapport spécial sur la mission « Plan de relance » , annexé au rapport général n° 138 (2020-2021), fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page