N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 19

Médias, livre et industries culturelles

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Rapporteur spécial : M. Roger KAROUTCHI

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

10 , 16 et T.A. 2

Sénat :

787 (2021-2022)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La mission « Médias, livre et industries culturelles » est composée de deux programmes :

- le programme 180 « Presse et médias » dont les principaux objectifs visent la vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias, notamment au niveau local (276,10 millions d'euros en crédits de paiement exécutés en 2021) ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et à l'élargissement de la diffusion des oeuvres (469,42 millions d'euros en crédits de paiement exécutés en 2021).

2. Les dépenses de la mission s'élèvent en 2021 à 764,62 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 745,53 millions d'euros en crédits de paiement (CP). La poursuite de la crise sanitaire et l'impact des mesures de restriction sur les activités culturelles ont conduit le Gouvernement à adopter, en cours d'exercice, des mesures d'urgence à destination des secteurs concernés par la mission - principalement le cinéma et la musique -, afin de les aider à faire face à la crise . 145,9 millions d'euros (AE=CP) sont ainsi venus compléter les crédits initialement prévus. En découle un écart substantiel avec la prévision budgétaire retenue en loi de finances pour 2021. En découle, comme en 2020, des taux d'exécution largement supérieurs à 100 % : 122,71 % en AE et 124,81 % en CP.

3. Le montant de la dépense fiscale rattachée à la mission s'élève à 856 millions d'euros en 2021 . 59,8 % de cette dépense, soit 512 millions d'euros, relève du programme 180 « Presse et médias ». Il se concentre sur deux dispositifs d'exonération de TVA (502 millions d'euro), interrogeant en miroir l'efficience de quatre autres dispositifs en faveur des entreprises de presse, qui apparaissent insuffisamment documentés voire inopérants en dépit de leur relance pour accompagner le secteur face à la crise. S'agissant du programme 334 « Livre et industries culturelles », la baisse constatée de la dépense fiscale de 34 millions d'euros en 2021 pose la question de l'efficacité de l'instauration ou de la modernisation de certains dispositifs en lois de finances initiale ou rectificative (crédit d'impôt pour dépense de création audiovisuelle et cinématographique, crédit d'impôt pour dépenses de production déléguées d'oeuvres cinématographique et audiovisuelle).

4. Les crédits exécutés en 2021 en faveur du programme 180 « Presse et Médias » retrouvent un niveau comparable à celui d'avant crise sanitaire : 275,80 millions d'euros en CP. Ce montant n'illustre qu'imparfaitement l'effort de l'État en faveur de la filière, la mission Plan de relance prévoyant en 2021 54,4 millions d'euros en CP , quand bien même ces dispositifs, quoique faiblement utilisés, auraient toute leur place au sein du programme 180 dans le cadre du régime des aides à la presse, à l'image du soutien aux marchands de journaux ou de la majoration des crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse. L'aspect novateur des priorités du plan de filière en faveur de la presse apparait d'ailleurs à relativiser . Plus largement, le rapporteur spécial invite le Gouvernement à dépasser la vision défensive des aides avancée au sein du Plan de relance pour présenter une refonte du régime des aides à la presse écrite à moyen terme , afin d'accompagner la mutation industrielle de celle-ci et lui permettre de répondre au changement des habitudes de lecture et aux incidences de la crise sanitaire. Cette réforme pourrait passer par une simplification des dispositifs existants, avec la mise en place d'une aide unique au titre, évolutive en fonction de son niveau d'accessibilité en ligne, de sa participation à la connaissance et au savoir et de son degré d'indépendance. Un soutien temporaire au portage doit également être mis en oeuvre afin d'alléger la charge financière pesant sur La Poste au titre du soutien au transport postal de la presse.

5. L'exécution 2021 des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » est une nouvelle fois marquée par la mise en oeuvre de mesures d'urgences destinées à soutenir le secteur de la musique (38 millions d'euros) et celui du cinéma (112 millions d'euros) . Ces crédits sont complétés par ceux prévus par la mission « Plan de Relance » (175 millions d'euros en faveur du Centre national de la musique et 165 millions d'euros en faveur du Centre national du cinéma et de l'image animée). Les crédits versés aux opérateurs n'ont cependant pas pu être dans leur totalité réaffectés (110 millions d'euros en faveur de la musique et 43,8 millions d'euros en faveur du cinéma n'ont ainsi pas été consommés), en raison du versement en fin d'exercice des dotations complémentaires ou de la tenue tardive de commissions d'attribution. Les crédits restants devraient être reversés en 2022. Ces décalages illustrent une forme d'effet d'annonce quant à l'octroi de subventions massives pour faire face à l'urgence. Celle-ci peinent in fine à être consommées rapidement, ce qui interroge sur la fiabilité des prévisions budgétaires fournies au Parlement lors de l'examen des projets de loi de finances initiale ou rectificatives.

6. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » retrace l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public. La loi de finances pour 2021 avait fixé le montant total des dépenses des six programmes du compte à 3,72 milliards d'euros, en diminution de 70 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent. Pour chacun des programmes, l'exécution est conforme à la prévision de dépenses adoptée en loi de finances initiale. Le rendement de la contribution à l'audiovisuel public a, en revanche, été moins important que celui prévu initialement en loi de finances, les encaissements atteignant 3,19 milliards d'euros, soit un écart - compensé par l'État - de 42,7 millions d'euros avec la cible retenue. Une telle évolution confirme l'absence de dynamique de ce prélèvement, fragilisé à court terme par la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales sur laquelle il est adossé.

7. Les sociétés de l'audiovisuel public ont répondu à la trajectoire d'économies de 190 millions d'euros demandée par le Gouvernement au cours de la période 2018-2022. Cet effort doit cependant être relativisé à l'aune de s apports de l'État en vue d'amortir l'impact de la crise sanitaire (68 millions d'euros en 2021 via la mission « Plan de relance » ou des dotations en capital versées à France Télévisions, Radio France ou France Médias Monde afin de financer les plans de départs volontaires pour 25 millions d'euros en 2021). La trajectoire d'économies illustre d'ailleurs plus une logique de coup de rabot qu'une véritable réflexion stratégique sur le rôle, le périmètre et les missions du service public et n'est pas corrélée à un approfondissement des synergies à mettre en oeuvre (programmes communs France Bleu/France 3, offre numérique unifiée) ou à une politique ambitieuse de diversification des ressources pour France Télévisions (développement de la production interne, développement d'une véritable offre de distribution de droits audiovisuels).

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2021

A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

1. Une surconsommation des crédits dévolus au programme 334 « Livre et industries culturelles »

La mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général participe à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du développement et du pluralisme des médias, du secteur du livre et de la lecture, de l'industrie musicale et de la protection des oeuvres sur internet.

Elle est composée de deux programmes aux dotations quasi-équivalentes :

- le programme 180 « Presse et médias » centré sur le renforcement de la vitalité, du pluralisme et du développement de la presse et des médias, notamment au niveau local. Il n'intègre pas les crédits dédiés à l'audiovisuel public, retracés au sein d'un compte de concours financiers spécifique ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et à l'élargissement de la diffusion des oeuvres. Les crédits dédiés au cinéma sont constitués, pour l'essentiel, de taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et ne sont donc pas intégrés dans ce programme.

Les dépenses de personnel du ministère de la culture de titre 2 sont inscrites dans le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » rattaché à la mission « Culture ». Aucun crédit dédié n'est donc recensé au sein de la mission « Médias, Livre et industries culturelles ».

Les dépenses de la mission s'élèvent en 2021 à 764,62 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 745,52 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces montants restent très en deçà de ceux constatés en exécution 2020 : 1 147,25 millions d'euros en AE et 1 146,46 millions d'euros en CP. L'exercice précédent avait été marqué par des ouvertures de crédits conséquentes destinées à permettre aux secteurs couverts par la mission de faire face aux incidences de la crise sanitaire.

Les montants consommés en 2021 sont cependant supérieurs à ceux initialement envisagés en 2020 (613,96 millions d'euros en AE et 613,20 millions d'euros), signes d'un renforcement des moyens dédiés à la mission en vue d'accompagner la sortie de crise. Les dotations ont été renforcées avec l'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'exercice. 145,9 millions d'euros ont ainsi été dégagés en faveur des secteurs du cinéma (107,9 millions d'euros) et de la musique (38 millions d'euros) afin d'aider les entreprises concernées à faire face à la prorogation des mesures de fermeture en raison des conditions sanitaires. En découlent, comme en 2020, des taux d'exécution largement supérieurs à 100 % : 122,71 % en AE et 124,81 % en CP.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2021

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés en 2020

Crédits votés LFI 2021

Crédits ouverts 2021

Crédits exécutés 2021

Évolution exécution 2021 / 2020

Taux exécution 2021 / LFI 2021

P. 180 - Presse et médias

AE

419,18

287,36

298,80

275,75

65,78 %

95,96 %

CP

411,40

287,36

305,00

276,10

67,11 %

98,47 %

P. 334 - Livres et industries culturelles

AE

728,07

335,73

492,88

488,87

67,15 %

145,61 %

CP

735,06

316,93

478,04

469,42

63,86 %

148,12 %

TOTAL

AE

1 147,25

623,09

791,68

764,62

66,65 %

122,71 %

CP

1 146,26

604,30

783,04

745,53

65,03 %

123,37 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La surconsommation de crédits affecte uniquement le programme 334 dédié aux industries culturelles, au point d'interroger sur la pertinence d'une ouverture de crédits supplémentaires sur le programme 180 « Presse et médias ». 63 % des CP consommés au sein de la mission le sont au titre de ce programme, alors que la loi de finances initiale prévoyait que celui-ci ne concentre que 53 % des CP.

Répartition par programme
des crédits de paiement consommés en 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réserve de précaution du programme 334 (8,3 millions d'euros en AE et 7,5 millions d'euros en CP) a été partiellement dégelée en fin de gestion à hauteur de 6,81 millions d'euros en AE et 6,05 millions d'euros en CP. A l'inverse, les crédits gelés au titre de celle du programme 180 (11,49--millions d'euros AE = CP) ont été intégralement annulés.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2021

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2021

Fonds de concours

Décrets de virement

Arrêtés de report

Décrets de transfert /dépenses accidentelles

Loi de finances rectificatives

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2021

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P180

AE

287,36

-

-

32,71

-

-21,26

11,45

298,80

275,75

-11,61

CP

287,36

-

-

38,91

-

-21,26

17,65

305,00

276,10

-4,29

P334

AE

335,73

1,48

0,67

10,58

118

26,42

157,15

492,88

488,87

153,14

CP

316,93

1,48

0,67

14,54

118

26,42

161,11

478,04

469,42

152,49

Total mission

AE

623,09

1,48

0,67

43,29

118

5,16

168,60

791,68

764,62

141,53

CP

604,30

1,48

0,67

53,45

118

5,16

178,76

783,04

745,53

141,23

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. De nouveaux crédits ouverts pour les opérateurs rattachés à la mission

Quatre opérateurs sont rattachés au programme 334 « Livre et industries culturelles » : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (BPI), le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du livre (CNL). Aucun opérateur n'est rattaché au programme 180 « Presse et médias ».

Par ailleurs, bien que rattaché au programme 334, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) n'est pas, en principe, financé sur des crédits budgétaires et bénéficie de l'affectation du produit de taxes, non soumises à un plafond d'affectation :

- la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévisions (TST-D), assise sur les revenus publicitaires ;

- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;

- la taxe sur les entrées en salle de cinéma.

Pour aider le secteur à faire face à la prolongation de la crise sanitaire, le CNC a perçu en 2021 112 millions d'euros (AE=CP) depuis le programme 334. L'établissement public avait déjà perçu 147 millions d'euros au cours du précédent exercice.

Montant des crédits versés aux opérateurs rattachés
au programme 334 « Livres et industries culturelles » en 2020 et en 2021 1 ( * )

(en millions d'euros)

Exécution 2020

Prévision LFI 2021

Exécution 2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Bibliothèque nationale de France (BnF)

208,20

208,20

246,89

216,88

242,36

214,08

Bibliothèque publique d'information (BPI)

10,92

9,38

7,26

10,44

7,08

10,13

Centre national du livre (CNL)

53,63

53,63

24,72

24,72

23,62

23,62

Centre national de la musique (CNM)

161,03

161,03

15,79

15,79

58,32

58,32

Total

433,78

432,24

294,66

267,83

331,38

306,15

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'écart constaté entre les dotations initialement prévues pour les quatre opérateurs du programme 334 et les crédits effectivement consommés - 38,32 millions d'euros en CP - tient pour l'essentiel à l'ouverture de crédits supplémentaires en faveur du Centre national de la musique, afin qu'il maintienne son soutien aux entreprises musicales affectées par la prolongation des mesures sanitaires.

Écart entre les crédits de paiement prévus en LFI en 2021
pour les opérateurs du programme 334 et ceux effectivement consommés 2 ( * )

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Une multiplicité de dispositifs fiscaux dont l'efficience est sujette à caution

Le montant de la dépense fiscale rattachée à la mission est estimé à 856 millions d'euros en 2021.

59,8 % de cette dépense relève du programme 180. Le montant de la dépense fiscale afférente au dit programme s'est élevé à 512 millions d'euros en 2021 , enregistrant une progression de 21 millions d'euros par rapport à 2020 et de 30 millions d'euros par rapport à la cible retenue en loi de finances.

L'essentiel de cette dépense relève de la TVA applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision (taux réduit de 10 %) et aux publications de presse (taux réduit de 2,1 %). Le cumul de ces deux réductions est estimé à 502 millions d'euros.

L'État prend également en charge deux dépenses relevant de la fiscalité locale : les exonérations de cotisation sur la valeur ajoutée et de cotisation foncière des entreprises en faveur des diffuseurs de presse spécialistes (8 millions d'euros au total en 2021).

Le solde - environ 2 millions d'euros - relève de quatre dispositifs : déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse, exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif, réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse et crédit d'impôt au titre du premier abonnement à une publication d'information politique et générale. Le caractère marginal de ces dépenses fiscales laisse songeur quant à l'efficacité de ces dispositifs. Ceux-ci avaient pourtant été modernisés en loi de finances pour 2021 : les plafonds applicables pour les versements des particuliers au capital d'entreprises de presse effectués à partir du 1 er janvier 2021 ont été doublés 3 ( * ) et le principe d'une réduction d'impôt équivalant à 25 % du montant d'une souscription au capital d'une société de presse a été rétabli pour les opérations intervenant entre le 1 er janvier 2021 et le 31 décembre 2024 4 ( * ) .

Le rapporteur spécial s'interroge également sur le crédit d'impôt relatif au premier abonnement instauré en troisième loi de finances rectificative pour 2020 5 ( * ) . Ce dispositif est censé permettre d'augmenter le lectorat et de faciliter ainsi un redémarrage du marché publicitaire tout en garantissant un flux de trésorerie pour les entreprises de presse. Le dispositif avait été modifié lors des débats à l'initiative du Sénat afin de le rendre plus attractif en supprimant toute condition de revenus et de plafond de 50 euros, tout en ramenant la prise en charge à 30 % du montant de l'abonnement, contre 50 %. Il est accordé une fois pour un même foyer fiscal jusqu'au 31 décembre 2022. Le coût de la dépense fiscale en année pleine est évalué à 60 millions d'euros. Reste que ce crédit d'impôt a été déclaré conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État par la Commission européenne le 16 avril 2021 et n'a donc pu entrer en vigueur que le 9 mai suivant. Cette entrée en vigueur tardive justifie pour partie l'absence d'évaluation de la dépense dans le présent rapport annuel de performances. Le rapporteur spécial relève également que le dispositif apparaît pour l'heure mal connu et ne fait pas partie des arguments présentés par les éditeurs dans les offres d'abonnement.

Il rappelle plus largement les réserves exprimées à l'occasion de sa mission de contrôle budgétaire sur les aides à la presse réalisée en 2021 quant à la dépense fiscale en faveur de la presse. Les effets de celle-ci apparaissent incertains ou, à tout le moins, insuffisamment documentés.

Montant de la dépense fiscale rattachée au programme 180
en 2020 et 2021

(en millions d'euros)

2020

2021

Taux réduit de TVA applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision

335

350

Taux réduit de TVA applicable aux publications de presse

144

152

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des de diffuseurs de presse spécialistes

5

5

Exonération de cotisation foncière des entreprises en faveur des de diffuseurs de presse spécialistes et

5

3

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

1

1

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif

1

1

Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse

< 0,5

Dispositif abrogé

Application d'une assiette réduite pour le calcul de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision

< 0,5

< 0,5

Crédit d'impôt sur le revenu au titre du premier abonnement

-

NC

Total

491

512

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La dépense fiscale rattachée au programme 334 couvre, quant à elle, 5 dispositifs : crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques, crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles, crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutive établies hors de France, réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés anonymes agréées ayant pour seule activité le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles et crédit d'impôt pour la production phonographique.

Le montant de la dépense fiscale est établi à 344 millions d'euros en 2021, soit une diminution de 34 millions d'euros par rapport à 2020.

Montant de la dépense fiscale rattachée au programme 334 en 2020 et 2021

(en millions d'euros)

2020

2021

Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques

113

85

Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles

148

140

Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutive établies hors de France

73

77

Réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés anonymes agréées ayant pour seule activité le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles

27

25

Crédit d'impôt pour la production phonographique

17

17

Crédit d'impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique

-

Non communiqué

Total

378

344

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A ces dispositifs, s'ajoute le crédit d'impôt pour dépense de création audiovisuelle et cinématographique introduit à l'occasion de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 6 ( * ) et destiné à soutenir l'investissement des éditeurs de services de télévision en la matière face à la crise sanitaire. Le rapporteur spécial relève que l'évaluation de ce mécanisme n'est pas permise aux termes du rapport annuel de performances, faute d'information communiquée. Le décret d'application prenant acte de la validation du dispositif par la Commission européenne est quant à lui publié un mois plus tard, le 15 juin 2021 7 ( * ) , soit près de dix mois et demi après l'adoption d'une mesure censée répondre à une situation d'urgence. Ce délai assez long interroge sur l'efficience du dispositif et son caractère incitatif, faute de précision rapide sur sa compatibilité au droit européen.

Les articles 118 et 145 de la loi de finances pour 2021 avaient, de leur côté, aménagé le crédit d'impôt pour dépenses de production déléguées d'oeuvres cinématographique et audiovisuelle, prévu à l'article 220 sexie s du code général des impôts, afin de l'étendre aux oeuvres d'adaptation audiovisuelle de spectacle et majorer son taux, s'agissant des oeuvres documentaires. Le rapporteur spécial note que l'exécution n'a pu illustrer un quelconque effet sur le recours à ces dispositifs ainsi amendés, le décret mettant à jour la liste des dépenses éligibles au crédit d'impôt, créant un barème spécifique permettant de déterminer les oeuvres d'adaptation audiovisuelle de spectacles qui y sont éligibles et fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions visant les oeuvres documentaires n'ayant été adopté qu'en fin d'année 2021 8 ( * ) .

Le rapporteur spécial s'interroge également sur l'absence dans le montant retenu en 2021 de la dépense fiscale liée au crédit d'impôt « jeux vidéo » qui vise les dépenses afférentes à la création de ce type de programme (le CNC en charge de l'agrément table sur une dépense fiscale de 63 millions d'euros en 2021).


* 1 Ce tableau n'intègre pas les crédits versés à ces opérateurs au titre d'autres programmes.

* 2 Ce graphique n'intègre pas les crédits versés à ces opérateurs au titre d'autres programmes.

* 3 Article 114 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 4 Article 147 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 5 Article 2 de la loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 6 Article 49 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020

* 7 Décret n° 2021-764 du 15 juin 2021 fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions du I de l'article 49 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 relatives au crédit d'impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique, redevances versées aux organismes de gestion collective et rémunérations versées directement aux auteurs.

* 8 Décret n° 2021-1854 du 28 décembre 2021 pris pour l'application des articles 118 et 145 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

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