Rapport n° 792 (2021-2022) de M. Thierry MEIGNEN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022

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N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 17

Investissements d'avenir

Rapporteur spécial : M. Thierry MEIGNEN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

10 , 16 et T.A. 2

Sénat :

787 (2021-2022)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La loi de finances initiale (LFI) pour 2021 a intégré, à compter de 2021, un nouveau PIA 4 au sein de la mission « Investissements d'avenir », qui s'ajoute au PIA 3 et s'appuie sur les nouveaux programmes 424 « Financement des investissements stratégiques » et 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation ». Le PIA est doté de 20 milliards d'euros sur 5 ans, dont 16,56 milliards d'euros sont portés par la mission précitée.

2. La LFI pour 2021 a doté la mission de 16,56 milliards d'euros en AE et de 3,98 milliards d'euros en CP. En comparaison, la LFI pour 2020 n'avait ouvert aucune AE et avait doté la mission de 2,06 milliards d'euros de CP : ceux-ci ont donc augmenté de 93,3 %, soit 1,92 milliard d'euros, entre 2020 et 2021. Ces évolutions s'expliquent par la mise en place du PIA 4, qui concentre l'ensemble des AE créées, d'une part, et 2,06 milliards d'euros de CP, d'autre part, au sein des programmes 424 et 425.

3. En exécution, en 2021, 14,09 milliards d'euros ont été consommés en AE et 3,82 milliards d'euros en CP, soit respectivement 85,10 % (soit un écart de 2,47 milliards d'euros) et 96,13 % (écart de 153,74 millions d'euros) de ce que permettait la LFI. La sous-exécution des AE s'élève à 2 milliards d'euros sur le programme 424 et 313 millions d'euros sur le programme 425. S'agissant des CP, elle est causée par des redéploiements en LFI et des transferts entre missions.

4. S'agissant du PIA 3, au 31 décembre 2020, l'intégralité des AE ouvertes avait déjà été consommée. Les crédits de paiement des programmes du PIA 3 ont quant à eux connu en 2021 une exécution globale de 91,85 %, soit 47,89 % sur le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » , 92,42 % sur le programme 422 « Valorisation de la recherche » et 110,53 % sur le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ». La sur-exécution du programme 423 à hauteur de 92 millions d'euros s'explique en particulier par la forte mobilisation de ses actions dans le contexte de la crise sanitaire. Au total, 5,92 milliards d'euros ont été consommés à fin 2021 selon la Cour des comptes pour le PIA 3, soit environ 60 % des AE engagées de façon pluriannuelle.

5. Le PIA 4, créé par la LFI pour 2021, s'inscrit dans un cadre budgétaire identique, à beaucoup de points de vue, à celui qui avait été mis en place pour le PIA 3 : règles budgétaires dérogatoires, gestion des crédits par des opérateurs, utilisation des mêmes instruments de financement. Néanmoins, la création du PIA 4 a fait évoluer utilement le cadre applicable aux PIA 3 et 4 sur certains points , notamment s'agissant de la consécration d'une doctrine d'investissement, d'une nouvelle architecture de gouvernance, ainsi que d'un schéma de conventionnement simplifié.

6. La LFI pour 2021 a ouvert, au sein des programmes 424 « Financement des investissements stratégiques » et 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation », l'ensemble des AE prévus pour le PIA 4 dès 2021, à savoir 16,56 milliards d'euros. En exécution, en 2021, 86,04 % des AE ont été consommées (soit un écart de 2,31 milliards d'euros), ce qui témoigne d'une rapidité d'engagement des crédits par rapport à ce qui avait été constaté pour le PIA 3 . S'agissant des crédits de paiement des programmes 424 et 425, ils ont été sur-exécutés, à 100,11 % en 2021.

7. Le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) estime à 1,5 milliard d'euros le montant total des financements consacrés à la crise sanitaire tous PIA confondus. Ces crédits ont notamment été mobilisés à partir du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ».

8. Malgré la poursuite de l'accélération des décaissements des crédits du PIA 3 en 2021, ceux-ci sont loin d'être achevés. L'exécution 2021 témoigne d'une relative montée en puissance bienvenue dans les décaissements, avec une progression de 0,7 milliard d'euros sur trois trimestres en 2021, contre 0,7 milliard d'euros sur l'année en 2020 et 0,4 milliard d'euros en 2019. Le rapporteur spécial note cependant que le montant des restes à payer reste important et doit être résorbé.

9. Le rapporteur spécial regrette un déficit de lisibilité, aggravé depuis 2021 par la coexistence de deux PIA au sein de la même mission, des crédits dédiés aux investissements d'avenir. Si une certaine souplesse est nécessaire à la gestion de ces crédits, la situation actuelle obère considérablement la capacité de la représentation nationale à suivre et contrôler effectivement l'emploi des crédits.

10. En dépit de légères améliorations, l'évaluation des investissements consentis demeure insuffisante, au détriment du rôle du Parlement . Le rapporteur partage l'avis de la Cour des comptes qui souligne « l'intérêt de poursuivre l'évaluation ex post de l'ensemble des actions du PIA et de préparer l'évaluation systématique in itinere des actions en cours de déploiement ». Il ajoute que le lancement d'un quatrième PIA semble augurer d'une pérennisation de ces outils d'investissement originellement conçus pour demeurer exceptionnels, il est impératif que la représentation nationale dispose d'éléments d'appréciation plus consolidés et étayés pour se prononcer sur l'opportunité de prolonger ou non ou de modifier ces programmes dans les années à venir.

11. La mise en place, par la LFI pour 2022, de la mission « Investir pour la France de 2030 » intégrant les crédits de « France 2030 » rend les enjeux de lisibilité et d'évaluation d'autant plus aigus pour une mission dont la taille, en AE et CP, est quasiment multipliée par deux.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2021

Le troisième Programme d'Investissements d'avenir (PIA 3) a pris la suite des PIA 1 et 2, respectivement lancés en 2010 et 2014 et dotés de 35 milliards d'euros et de 12 milliards d'euros.

Lancé en 2017, le PIA 3 est quant à lui doté de 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et a été intégré au sein de la nouvelle mission « Investissements d'avenir », créée par la loi de finances initiale pour 2017 1 ( * ) . Il s'appuie sur les trois programmes initiaux de la mission, à savoir :

- le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » ;

- le programme 422 « Valorisation de la recherche » ;

- le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ».

La loi de finances initiale pour 2021 2 ( * ) a intégré, à compter de 2021, le nouveau PIA 4 dans la même mission. Pour ce faire, ont été créés deux nouveaux programmes, dont est également responsable le Secrétariat général pour l'Investissement (SGPI) :

- le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » ;

- le programme 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation ».

Les deux PIA, portés par les cinq programmes de la mission, sont dotés, sur toute leur période de mise en oeuvre et sous réserve de modifications en exécution, de 10 milliards d'euros pour le PIA 3 et de 20 milliards pour le PIA 4 (dont 16,56 milliards d'euros sont portés par la mission « Investissements d'avenir »).

La loi de finances initiale pour 2021 a doté la mission de 16,56 milliards d'euros en AE et de 3,98 milliards d'euros en CP. En comparaison, la LFI pour 2020 n'avait ouvert aucun AE et avait doté la mission de 2,06 milliards d'euros de CP, ceux-ci ayant donc augmenté de 93,3 %, soit 1,92 milliard d'euros, entre 2020 et 2021. Ces évolutions s'expliquent par la mise en place du PIA 4 , qui concentre l'ensemble des AE créés, d'une part, et 2,06 milliards d'euros de CP, d'autre part, au sein des programmes 424 et 425.

En exécution, 14,09 milliards d'euros ont été consommés en AE et 3,82 milliards d'euros en CP, soit respectivement 85,10 % (soit un écart de 2,47 milliards d'euros) et 96,13 % (écart de 153,74 millions d'euros) de ce que permettait la LFI. La sous-exécution des AE s'explique très majoritairement par l'absence d'engagement de crédits, à hauteur de 2 milliards d'euros, sur le programme 424 et de 313 millions d'euros sur le programme 425. S'agissant des CP, elle est causée par des redéploiements en LFI et des transferts entre missions (voir infra ).

Écart entre la loi de finances pour 2021 et l'exécution 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Exécution des CP de la mission de 2018 à 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Exécution des crédits de la mission par programme en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

1. L'exécution du PIA 3 est aujourd'hui bien avancée

Le PIA 3, créé par la loi de finances pour 2017, était doté en 2017 de 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) . Sur ces 10 milliards, seuls 5,08 milliards d'euros ont réellement été consommés en 2017, les 4,92 milliards d'euros d'AE restantes faisant l'objet d'un report anticipé sur l'année 2018. En 2018, puis en 2019, les AE reportées n'ont pas été intégralement exécutées, si bien que deux reports successifs ont été actés, à hauteur de 950 millions d'euros sur l'exercice 2019, puis de 232 millions d'euros sur l'exercice 2020. En 2020, ce montant a été minoré d'un transfert de 30 millions d'euros, l'exécution s'élevant donc à 202 millions d'euros d'AE. Par conséquent, au 31 décembre 2020, l'intégralité des AE ouvertes pour le PIA 3 avait été consommée.

S'agissant des crédits de paiement , les premiers CP ont été ouverts en 2018, à hauteur de 1,08 milliard d'euros, puis de 1,05 milliard d'euros en 2019, de 2,06 milliards d'euros en 2020 et enfin de 1,91 milliard d'euros en 2021 3 ( * ) , soit 6,01 milliards d'euros de CP ouverts sur la période 2017 à 2021 inclus . En exécution, 5,92 milliards d'euros de CP ont été consommés 4 ( * ) , soit environ 60 % des AE engagées. Il peut être attendu, à partir de 2022, un ralentissement du versement des crédits de paiement puisque si des CP resteront à ouvrir en subventions et en fonds propres jusqu'en 2023, au-delà de cette date, seuls les crédits de paiement en dotations décennales seront à ouvrir - et ce au maximum jusqu'en 2028.

En 2021, si aucun AE n'était prévu dans la LFI pour les programmes 421, 422 et 423, des mouvements ont eu lieu en exécution pour chacun de ces programmes.

Ainsi, les programmes 421 et 422 ont connu une consommation de respectivement - 318 millions d'euros et - 80 millions d'euros. Le programme 423 a quant à lui connu une consommation de 242 millions d'euros. Au total, les programmes du PIA 3 ont connu réduction des AE de - 156 millions d'euros en 2021 5 ( * ) . Cette évolution est toutefois en trompe l'oeil ; elle résulte en effet de mouvements de transferts, et notamment de la minoration, d'une part, de 46 millions d'euros liée aux redéploiements de crédits entre les programmes 422, 423 et 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable » de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » et, d'autre part, de 101 millions d'euros correspondant au transfert net de crédits, en particulier vers la mission Culture et depuis la mission Travail et emploi.

Les crédits de paiement des programmes du PIA 3 ont quant à eux connu en 2021 une exécution globale de 91,85 % soit plus précisément de 47,89 % (programme 421), de 92,42 % (programme 422) et de 110,53 % (programme 423). La sous-exécution significative des CP du programme 421, pour un montant de - 198 millions d'euros, concerne la totalité de ses sept actions, à l'exception de l'action 1 « Nouveaux cursus à l'université ». Si beaucoup de projets ont été sélectionnés en 2021, la consommation des crédits de paiement n'a pas été aussi rapide qu'anticipé par la LFI. Ont par exemple été financés en 2021, au sein de l'action n° 3 « Équipements structurants de recherche » des projets sélectionnés dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt - comprenant un volet « numérique » et un volet générique - publié en décembre 2019 et, au sein de l'action n° 7 « Territoires d'innovation pédagogique » les appels à projet des « Dispositifs territoriaux pour l'orientation vers les études supérieures ».

S'agissant du programme 422, la sous-exécution de 50 millions d'euros s'explique intégralement par un redéploiement de même montant vers le programme 423 en cours d'exécution au titre de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) « Capacity building », qui a pour objectif d'accompagner les structures dans l'industrialisation de leurs produits de santé destinés à lutter contre la COVID-19 et ses variants. Ont par exemple été financés en 2021 :

- au sein de l'action n° 3 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition », les volets « Territoires d'innovation » 6 ( * ) (pour 85 millions d'euros) et « Démonstrateurs » 7 ( * ) (pour 160 millions d'euros) ;

- au sein de l'action n° 5 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants » (pour 300 millions d'euros), le volet « Accélération des SATT » afin de permettre aux sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) de poursuivre leur autonomisation financière progressive et de mener à bien leur mission de valorisation des inventions issues des laboratoires de recherche (maturation, transfert, prestations, etc .), le volet « recherche hospitalo-universitaire 2 » et le volet numérique (technologies numériques et plan Nano 2017).

Enfin, la sur-exécution du programme 423 à hauteur de 92 millions d'euros s'explique en particulier par la forte mobilisation de ses actions dans le contexte de la crise sanitaire ; elle s'est opérée au profit des actions 2 « Accompagnement et transformation des filières (ATF) », en particulier au titre de l'AMI « Capacity Building » liée à lutte contre la COVID-19 qui permet de sélectionner des projets d'investissements et éventuellement de recherche et développement de nature à renforcer les capacités nationales et européenne de lutte contre la COVID-19, 4 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre » et 5 « Concours d'innovation ».

Exécution des crédits des programmes « PIA 3 » en 2021
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2020

Crédits votés LFI 2021

Crédits exécutés 2021

Écart exécution 2021 / exécution 2020

Écart exécution 2021 / LFI 2021

421

Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche

AE

67

0

-318

-574,63%

/

CP

302

380

182

-39,74%

-52,11%

422

Valorisation de la recherche

AE

0

0

-80

/

/

CP

620

660

610

-1,66%

-7,58%

423

Accélération de la modernisation des entreprises

AE

135

0

242

79,26%

/

CP

1 105

874

966

-12,58%

10,53%

Total « PIA 3 »

AE

202

0

-156

-177,23%

/

CP

2 027

1 914

1 758

-13,28%

-8,15%

2. Le PIA 4, qui s'inscrit dans un cadre budgétaire et de gouvernance inspiré du PIA 3, connaît des débuts d'exécution très rapides en comparaison du PIA 3

Le PIA 4, créé par la LFI pour 2021, s'inscrit dans un cadre budgétaire identique à beaucoup de points de vue à celui qui avait été mis en place pour le PIA 3 .

En premier lieu, la mise en oeuvre des actions du PIA 3 et du PIA 4, et en conséquence, la gestion des crédits, n'est pas confiée aux ministères mais à des opérateurs, au nombre de quatre : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les relations entre l'État et chaque opérateur sont formalisées par voie conventionnelle , tant pour les modalités de gestion que d'utilisation des fonds.

En deuxième lieu, les instruments de financement mobilisables - à savoir les prises de participations, subventions, dotations décennales et avances remboursables - sont identiques.

En troisième lieu, les PIA échappent à certaines règles budgétaires. Leurs crédits sont exemptés des mécanismes de limitation des reports, de régulation annuelle (réserve de précaution) et bénéficient d'une plus grande souplesse en gestion (redéploiements de crédits entre actions et programmes, voire entre PIA). En outre, l'instrument des prises de participation a la particularité de ne pas peser sur le déficit au sens des critères dits de Maastricht. Enfin, les modalités d'information restent largement inchangées 8 ( * ) .

La création du PIA 4 a toutefois fait évoluer utilement le cadre applicable aux PIA 3 et 4 sur certains points. Premièrement, une doctrine d'investissement, désormais également applicable au PIA 3, a ainsi été adoptée au niveau législatif 9 ( * ) , ce qui constitue un progrès même si, ainsi que le souligne la Cour des comptes 10 ( * ) , « elle constitue avant tout la réaffirmation de certains principes ». Cette doctrine prévoit en particulier que :

- les projets financés doivent être innovants et destinés à augmenter le potentiel de croissance de l'économie, accélérer la transition écologique et augmenter la résilience de l'organisation socio-économique du pays ;

- les procédures de sélection des projets sont ouvertes et objectives, favorisent la concurrence entre ceux-ci et font appel à des experts indépendants ou à des jurys comprenant, le cas échéant, des personnalités étrangères ;

- les décisions d'investissement sont prises en considération d'un retour sur investissement, financier ou extrafinancier ;

- les projets sont cofinancés ;

- les décisions d'investissement ainsi que les éléments ayant contribué à leur sélection sont rendus publics, dans le respect des dispositions relatives au secret des affaires.

Deuxièmement, une nouvelle architecture de gouvernance a été mise en place . Une nouvelle gouvernance interministérielle de haut niveau, le Conseil interministériel de l'innovation (C2i), a ainsi été créée pour décider des orientations et des priorités de la politique d'innovation applicable aux PIA. Le Comité de surveillance des investissements d'avenir, composé notamment de huit parlementaires et prévu depuis l'origine, se voit confier la mission de donner un avis consultatif sur les priorités fixées par le C2i.

Troisièmement, le schéma de conventionnement a été renouvelé . Un nouveau mode de conventionnement permet l'engagement des autorisations d'engagement dès la décision de notification du Premier ministre. Par ailleurs, le nombre de conventions qui doivent être conclues a été réduit pour accélérer la mise en oeuvre des projets : désormais, chaque action du PIA 4 repose sur une convention commune (qui peut concerner plusieurs opérateurs) et non plus une convention par opérateur comme pour le PIA 3.

Le PIA 4, qui s'appuie sur les nouveaux programmes 424 et 425 (cf. supra ), est doté d'une enveloppe de 20 milliards d'euros sur 5 ans , dont 16,56 milliards d'euros sont inscrits au sein de la mission « Investissements d'avenir », le reliquat, constitué des intérêts des dotations non consommables (3 milliards d'euros) et de revenus annuels du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII, 0,44 milliard d'euros), relevant de la mission « Engagements financiers de l'État ». Le programme 424 , qui porte le volet dit « dirigé » du PIA 4 , a pour objectif de soutenir les investissements stratégiques, à hauteur de 12,50 milliards d'euros d'AE sur 5 ans ; il s'appuie sur la mise en place de stratégies d'accélération portant sur des domaines variés tels que la santé, le nucléaire, les technologies vertes ou le numérique. Le second volet, dit «structurel », qui est porté par le programme 425, a pour objectif de soutenir de manière pérenne et prévisible les financements des écosystèmes de recherche, d'enseignement supérieur et d'innovation et les centres d'excellence, à hauteur de 4,06 milliards d'euros d'AE sur 5 ans .

La LFI pour 2021 a ouvert, au sein des programmes 424 et 425, l'ensemble des AE prévues pour le PIA 4 dès 2021, à savoir 16,56 milliards d'euros (12,5 milliards d'euros pour le programme 424 et 4,06 milliards d'euros pour le programme 425) , tandis que 2,06 milliards d'euros ont été ouverts en CP , soit 1,5 milliard d'euros pour le programme 424 et 562,5 millions d'euros pour le programme 425.

En exécution, en 2021, l'intégralité des AE n'a pas été consommée ; néanmoins, 86,04 % l'ont été (soit un écart de 2,31 milliards d'euros) , ce qui témoigne d'une rapidité d'engagement des crédits , bénéfique sur le principe à la mise en oeuvre opérationnelle des crédits de la mission. Les nouvelles modalités de gouvernance et de conventionnement ont probablement contribué à cette rapidité, en comparaison de ce qui avait été réalisé en exécution pour le PIA 3 en 2017 (cf. supra ). Les AE du programme 424 ont été exécutés à 84 %, l'écart de 2 milliards d'euros en exécution provenant intégralement de l'action 5 « Accélération de la croissance (fonds propres) ». Celles du programme 425 l'ont été à 92,31 %, l'écart de 312,5 millions d'euros provenant de l'action 2 « Aides à l'innovation « bottom-up » ». En conséquence, 2,27 milliards d'euros ont fait l'objet d'un report en 2022 par un arrêté de février 2022.

S'agissant des crédits de paiement des programmes 424 et 425, ils ont été sur-exécutés, à 100,11 % 11 ( * ) en 2021 . Les CP du programme 424 ont été exécutés à exactement 100 %, les quelques mouvements de crédits ayant eu un effet neutre à l'échelle du programme. L'ensemble des cinq actions ont fait l'objet d'une consommation de crédits de paiement allant de 105 millions d'euros (action n° 2 « Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche ») à 500 millions d'euros (action n° 5 « Accélération de la croissance (fonds propres) »). 300 millions d'euros ont par exemple été consacrés au volet « Fonds écotechnologies 2 », qui a vocation à s'inscrire dans la continuité de l'action des fonds professionnels de capital investissement (FPCI) « Écotechnologies » et « Ville de demain» gérés par Bpifrance Investissement, respectivement depuis 2012 et 2015, dans le cadre des PIA.

Les CP du programme 425 ont été exécutés à 100,4 %, l'action 2 « Aides à l'innovation « bottom-up » » ayant bénéficié d'un mouvement de crédits d'un montant de 2,26 millions d'euros. Ont notamment été financées en 2021 pour ce programme, au sein de l'action n° 2, les aides nationales dans le cadre des concours d'innovation à destination des start-ups et PME et du soutien aux projets structurants de R&D, pour un montant d'environ 300 millions d'euros en 2021.

Exécution des crédits des programmes « PIA 4 » en 2021
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits votés LFI 2021

Crédits exécutés 2021

Écart exécution 2021 / LFI 2021

424

Financement des investissements stratégiques

AE

12 500

10 500

- 16%

CP

1 500

1 500

0%

425

Financement structurel des écosystèmes d'innovation

AE

4 062,5

3 750

- 7,7 %

CP

562,5

564,8

0,4%

Total PIA 4

AE

16 562,5

14 250

-13,96%

CP

2 062,5

2 064,8

0,11%

3. Les PIA à l'épreuve de la crise sanitaire : des crédits toujours fortement mobilisés

Le SGPI estime à 1,5 milliard d'euros le montant total des financements consacrés à la crise sanitaire tous PIA confondus.

Ce montant a pu être mobilisé sans ouverture de crédits supplémentaires. À cet égard, il convient de relever que la souplesse caractérisant la gestion des PIA se prêtait particulièrement à l'adaptation et la réorientation en urgence de plusieurs actions , qu'il s'agisse du renforcement et de la diversification des moyens dévolus à la recherche dans le secteur de la santé ou du lancement de dispositifs destinés à soutenir les entreprises en difficulté et à accompagner la reprise.

Ces crédits ont notamment été mobilisés à partir du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ». En 2020 comme en 2021, ses crédits de paiement ont été sur-exécutés, à hauteur de 108,33 % et 110,53 % respectivement.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Malgré la poursuite de l'accélération des décaissements des crédits du PIA 3 en 2021, ceux-ci sont loin d'être achevés

La consommation des crédits du PIA 3 fait ainsi intervenir trois phases successives :

- l'engagement , matérialisé par la décision du Premier ministre, qui désigne une enveloppe par projet financé et confie à l'opérateur le soin de négocier un contrat entre l'État et le bénéficiaire ;

- la contractualisation , correspondant à la signature d'un contrat entre l'État et chaque bénéficiaire d'un financement ;

- le décaissement , c'est-à-dire le paiement effectif des sommes aux bénéficiaires, qui s'étale sur plusieurs années.

Dans le cadre du PIA 3, la consommation des CP correspond en réalité à la mise à disposition des quatre opérateurs des crédits afférents, sur un compte à leur nom détenu au Trésor. Les crédits sont ensuite décaissés en faveur des bénéficiaires finaux sous quatre formes : subventions et dotations décennales, avances remboursables ou prises de participations. Dans le cas de prises de participations, les crédits transitent par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Dans ce cadre, la mission « Investissements d'avenir » se caractérise par la persistance structurelle d'un important décalage temporel entre la consommation budgétaire des crédits du PIA 3 et le versement effectif des dotations aux projets soutenus .

Au troisième trimestre 2021, selon la Cour des comptes 12 ( * ) , 1,9 milliard d'euros avait été décaissé au troisième trimestre 2021, depuis le lancement du PIA 3. Pour mémoire, le montant des décaissements s'élevait à 1,2 milliard d'euros en 2020 et à 482 millions d'euros en 2019.

L'exécution 2021 témoigne donc d'une relative montée en puissance bienvenue dans les décaissements, avec une progression de 0,7 milliard d'euros sur trois trimestres en 2021, contre 0,7 milliard d'euros sur l'année en 2020 et 0,4 milliard d'euros en 2019. Le rapporteur note cependant que le montant des restes à payer reste important et doit être résorbé .

Si le décaissement progressif des fonds en loi de finances initiale permet de préserver le pouvoir de contrôle de la représentation nationale , il n'est par ailleurs pas sans impact sur la gestion de leur trésorerie par les quatre opérateurs de la mission . En effet, ces derniers élaborent des échéanciers de versements des fonds aux porteurs de projets, sans maitriser le rythme des décaissements budgétaires qui leur sont alloués.

Il importe donc, pour garantir la soutenabilité des engagements pris et éviter une mise sous tension trop importante de la trésorerie des opérateurs, que le décaissement des fonds s'intensifie dans les mois à venir .

2. Un déficit toujours très substantiel de lisibilité et d'évaluation des investissements d'avenir, qui nuit à la possibilité pour le Parlement d'exercer un contrôle éclairé, alors que la mission intègre à compter de 2021 un nouveau PIA et à partir de 2022 les crédits de « France 2030 »
a) Un lourd déficit de lisibilité, aggravé depuis 2021 par la coexistence de deux PIA

Depuis le lancement des investissements d'avenir, le suivi des montants alloués aux politiques publiques de la recherche et de l'innovation se révèle particulièrement difficile.

Ces difficultés s'expliquent en premier lieu par les règles budgétaires applicables aux PIA 3 et 4, qui dérogent largement aux grands principes des finances publiques (voir supra ). D'une part, les dépenses de l'État vers les opérateurs sont suivies dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle , tandis que les dépenses des opérateurs vers les bénéficiaires finaux sont suivies par le biais d'une comptabilité ad hoc , faisant l'objet d'un compte-rendu trimestriel adressé au Parlement. D'autre part, les PIA se caractérisent également par des règles particulièrement souples en matière de reports et de redéploiements des crédits (voir supra ).

Or, ces difficultés ont été aggravées par le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir , alors même que l'intégralité des crédits de paiement du PIA 3 n'a pas encore été versée aux opérateurs. En effet, le chevauchement de deux programmes d'investissement d'avenir donne lieu à des financements croisés, rendant malaisé le traçage des crédits et l'identification des dispositifs existants.

Pour le rapporteur spécial, non seulement cette situation obère ainsi considérablement la capacité de la représentation nationale à suivre et contrôler effectivement l'emploi des crédits, mais en plus elle peut se révéler préjudiciable pour les acteurs économiques.

b) En dépit de légères améliorations, l'évaluation des investissements consentis demeure très insuffisante, au détriment du rôle du Parlement

Dans un bilan dressé par la Cour des comptes dans son rapport sur « La mise en oeuvre du programme d'investissement d'avenir » de 2021, celle-ci estimait, plus de dix ans après le lancement des investissements d'avenir, que si les travaux disponibles font ressortir un impact réel du PIA sur la mobilisation des écosystèmes de recherche et d'innovation, ce dernier demeure difficile à quantifier . Elle remarquait par ailleurs une disparité de culture et de pratiques de l'évaluation au sein des opérateurs des PIA , qui produisent des données disparates.

Quelques progrès récents allant dans le sens d'une meilleure évaluation doivent être soulignés. Tout d'abord, l'article 187 de la loi de finances initiale pour 2022 a modifié l'article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 pour préciser la nature de l'évaluation requise dans les PIA : « a priori, en cours de déploiement et a posteriori ». Par ailleurs, depuis 2020, une programmation triennale, telle qu'elle avait été demandée par le conseil de surveillance, a ainsi été mise en place sur quatre thèmes : territoire, enseignement supérieur et éducation, recherche et innovation des entreprises. L'objectif est de pouvoir évaluer les PIA 1 et 2 a posteriori et en cours de déploiement et a posteriori les PIA 3 et 4. Selon le SGPI, la stratégie d'évaluation mise en oeuvre vise à éclairer le déploiement des actions, voire les réorienter, et à renforcer la robustesse des évaluations à toutes les étapes en adoptant des standards méthodologiques. Selon la Cour des comptes 13 ( * ) , une démarche d'évaluation a été lancée pour plusieurs stratégies en 2021.

Le rapporteur spécial partage l'avis de la Cour des comptes qui souligne « l'intérêt de poursuivre l'évaluation ex post de l'ensemble des actions du PIA et de préparer l'évaluation systématique in itinere des actions en cours de déploiement ». Il ajoute que, alors que le lancement d'un quatrième PIA semble augurer d'une pérennisation de ces outils d'investissement originellement conçus pour demeurer exceptionnels, il est impératif que la représentation nationale dispose d'éléments d'appréciation plus consolidés et étayés pour se prononcer sur l'opportunité de prolonger, ou non, ou de modifier ces programmes dans les années à venir.

c) La mise en place, par la LFI pour 2022, de la mission « Investir pour la France de 2030 » intégrant les crédits de « France 2030 » rend les enjeux de lisibilité et d'évaluation d'autant plus aigus

La LFI pour 2022 a prévu, sur la base d'un amendement du Gouvernement au texte initial, la transformation de la mission « Investissements d'avenir », qui devient la mission « Investir pour la France 2030 », qui unifie, au sein des 5 mêmes programmes 421 à 425, les crédits des PIA 3 et 4 et ceux du plan France 2030.

La mission Investir pour la France de 2030 est dotée en LFI 2022 de 34 milliards d'euros d'AE (en surplus des 20 milliards d'euros d'AE déjà ouverts en LFI 2021 pour le PIA 4) et de 7 milliards d'euros de CP, soit environ le double - en ordre de grandeur - de ce que prévoyait la LFI pour 2021 pour la mission « Investissements d'avenir ».

Le rapporteur spécial estime que cette évolution implique de renforcer d'autant plus vite et efficacement la lisibilité et l'évaluation des stratégies d'investissement, tandis qu'une redéfinition de la trajectoire pluriannuelle doit par ailleurs être opérée.


* 1 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 2 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 3 2,06 milliards d'euros de CP étant par ailleurs prévus pour le PIA 4 en 2021.

* 4 Selon les chiffres de la Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission Investissements d'avenir, 2021.

* 5 Plus largement, l'enveloppe globale d'AE pour le PIA 3, initialement fixée à 10 milliards d'euros est aujourd'hui de 10,461 milliards d'euros selon les calculs de la Cour des comptes du fait des redéploiements effectués via les rétablissements de crédits issus des PIA 1 et 2, des transferts ou annulations en faveur de la mission Culture, du compte de concours financiers (CCF) « Prêts et avances à des organismes privés ou à des particuliers » (programme 876 « Prêts octroyés dans le cadre des programmes des investissements d'avenir ») et de la mission interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur (MIRES).

* 6 Le volet « Territoires d'innovation », a pour objectif de sélectionner et accompagner un nombre limité de projets portant la stratégie de transformation de territoires, de leurs acteurs publics et privés, et de leur population afin de répondre concrètement et, dans un souci de développement économique, aux enjeux des transitions énergétique et écologique, numérique, démographique et sociale.

* 7 Ce volet vise à financer des projets de démonstration de solutions et technologies innovantes dans le domaine de la transition écologique et énergétique : énergies renouvelables, réseaux intelligents et stockage de l'énergie, efficacité énergétique (bâtiment, industrie, agriculture), économie circulaire, écosystèmes et biodiversité.

* 8 Outre les PAP et les RAP, un compte-rendu trimestriel établi par le SGPI et un jaune budgétaire incluant désormais un bilan de la crise sanitaire sur les crédits des PIA.

* 9 Article 233 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, modifiant le B du I de l'article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 10 Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission Investissements d'avenir, 2021.

* 11 Les calculs de la Cour des comptes indiquent quant à eux 96,0 % : Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission Investissements d'avenir, 2021.

* 12 Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission Investissements d'avenir, 2021.

* 13 Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission Investissements d'avenir, 2021.

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