II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Malgré la poursuite de l'accélération des décaissements des crédits du PIA 3 en 2021, ceux-ci sont loin d'être achevés

La consommation des crédits du PIA 3 fait ainsi intervenir trois phases successives :

- l'engagement , matérialisé par la décision du Premier ministre, qui désigne une enveloppe par projet financé et confie à l'opérateur le soin de négocier un contrat entre l'État et le bénéficiaire ;

- la contractualisation , correspondant à la signature d'un contrat entre l'État et chaque bénéficiaire d'un financement ;

- le décaissement , c'est-à-dire le paiement effectif des sommes aux bénéficiaires, qui s'étale sur plusieurs années.

Dans le cadre du PIA 3, la consommation des CP correspond en réalité à la mise à disposition des quatre opérateurs des crédits afférents, sur un compte à leur nom détenu au Trésor. Les crédits sont ensuite décaissés en faveur des bénéficiaires finaux sous quatre formes : subventions et dotations décennales, avances remboursables ou prises de participations. Dans le cas de prises de participations, les crédits transitent par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Dans ce cadre, la mission « Investissements d'avenir » se caractérise par la persistance structurelle d'un important décalage temporel entre la consommation budgétaire des crédits du PIA 3 et le versement effectif des dotations aux projets soutenus .

Au troisième trimestre 2021, selon la Cour des comptes 12 ( * ) , 1,9 milliard d'euros avait été décaissé au troisième trimestre 2021, depuis le lancement du PIA 3. Pour mémoire, le montant des décaissements s'élevait à 1,2 milliard d'euros en 2020 et à 482 millions d'euros en 2019.

L'exécution 2021 témoigne donc d'une relative montée en puissance bienvenue dans les décaissements, avec une progression de 0,7 milliard d'euros sur trois trimestres en 2021, contre 0,7 milliard d'euros sur l'année en 2020 et 0,4 milliard d'euros en 2019. Le rapporteur note cependant que le montant des restes à payer reste important et doit être résorbé .

Si le décaissement progressif des fonds en loi de finances initiale permet de préserver le pouvoir de contrôle de la représentation nationale , il n'est par ailleurs pas sans impact sur la gestion de leur trésorerie par les quatre opérateurs de la mission . En effet, ces derniers élaborent des échéanciers de versements des fonds aux porteurs de projets, sans maitriser le rythme des décaissements budgétaires qui leur sont alloués.

Il importe donc, pour garantir la soutenabilité des engagements pris et éviter une mise sous tension trop importante de la trésorerie des opérateurs, que le décaissement des fonds s'intensifie dans les mois à venir .

2. Un déficit toujours très substantiel de lisibilité et d'évaluation des investissements d'avenir, qui nuit à la possibilité pour le Parlement d'exercer un contrôle éclairé, alors que la mission intègre à compter de 2021 un nouveau PIA et à partir de 2022 les crédits de « France 2030 »
a) Un lourd déficit de lisibilité, aggravé depuis 2021 par la coexistence de deux PIA

Depuis le lancement des investissements d'avenir, le suivi des montants alloués aux politiques publiques de la recherche et de l'innovation se révèle particulièrement difficile.

Ces difficultés s'expliquent en premier lieu par les règles budgétaires applicables aux PIA 3 et 4, qui dérogent largement aux grands principes des finances publiques (voir supra ). D'une part, les dépenses de l'État vers les opérateurs sont suivies dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle , tandis que les dépenses des opérateurs vers les bénéficiaires finaux sont suivies par le biais d'une comptabilité ad hoc , faisant l'objet d'un compte-rendu trimestriel adressé au Parlement. D'autre part, les PIA se caractérisent également par des règles particulièrement souples en matière de reports et de redéploiements des crédits (voir supra ).

Or, ces difficultés ont été aggravées par le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir , alors même que l'intégralité des crédits de paiement du PIA 3 n'a pas encore été versée aux opérateurs. En effet, le chevauchement de deux programmes d'investissement d'avenir donne lieu à des financements croisés, rendant malaisé le traçage des crédits et l'identification des dispositifs existants.

Pour le rapporteur spécial, non seulement cette situation obère ainsi considérablement la capacité de la représentation nationale à suivre et contrôler effectivement l'emploi des crédits, mais en plus elle peut se révéler préjudiciable pour les acteurs économiques.

b) En dépit de légères améliorations, l'évaluation des investissements consentis demeure très insuffisante, au détriment du rôle du Parlement

Dans un bilan dressé par la Cour des comptes dans son rapport sur « La mise en oeuvre du programme d'investissement d'avenir » de 2021, celle-ci estimait, plus de dix ans après le lancement des investissements d'avenir, que si les travaux disponibles font ressortir un impact réel du PIA sur la mobilisation des écosystèmes de recherche et d'innovation, ce dernier demeure difficile à quantifier . Elle remarquait par ailleurs une disparité de culture et de pratiques de l'évaluation au sein des opérateurs des PIA , qui produisent des données disparates.

Quelques progrès récents allant dans le sens d'une meilleure évaluation doivent être soulignés. Tout d'abord, l'article 187 de la loi de finances initiale pour 2022 a modifié l'article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 pour préciser la nature de l'évaluation requise dans les PIA : « a priori, en cours de déploiement et a posteriori ». Par ailleurs, depuis 2020, une programmation triennale, telle qu'elle avait été demandée par le conseil de surveillance, a ainsi été mise en place sur quatre thèmes : territoire, enseignement supérieur et éducation, recherche et innovation des entreprises. L'objectif est de pouvoir évaluer les PIA 1 et 2 a posteriori et en cours de déploiement et a posteriori les PIA 3 et 4. Selon le SGPI, la stratégie d'évaluation mise en oeuvre vise à éclairer le déploiement des actions, voire les réorienter, et à renforcer la robustesse des évaluations à toutes les étapes en adoptant des standards méthodologiques. Selon la Cour des comptes 13 ( * ) , une démarche d'évaluation a été lancée pour plusieurs stratégies en 2021.

Le rapporteur spécial partage l'avis de la Cour des comptes qui souligne « l'intérêt de poursuivre l'évaluation ex post de l'ensemble des actions du PIA et de préparer l'évaluation systématique in itinere des actions en cours de déploiement ». Il ajoute que, alors que le lancement d'un quatrième PIA semble augurer d'une pérennisation de ces outils d'investissement originellement conçus pour demeurer exceptionnels, il est impératif que la représentation nationale dispose d'éléments d'appréciation plus consolidés et étayés pour se prononcer sur l'opportunité de prolonger, ou non, ou de modifier ces programmes dans les années à venir.

c) La mise en place, par la LFI pour 2022, de la mission « Investir pour la France de 2030 » intégrant les crédits de « France 2030 » rend les enjeux de lisibilité et d'évaluation d'autant plus aigus

La LFI pour 2022 a prévu, sur la base d'un amendement du Gouvernement au texte initial, la transformation de la mission « Investissements d'avenir », qui devient la mission « Investir pour la France 2030 », qui unifie, au sein des 5 mêmes programmes 421 à 425, les crédits des PIA 3 et 4 et ceux du plan France 2030.

La mission Investir pour la France de 2030 est dotée en LFI 2022 de 34 milliards d'euros d'AE (en surplus des 20 milliards d'euros d'AE déjà ouverts en LFI 2021 pour le PIA 4) et de 7 milliards d'euros de CP, soit environ le double - en ordre de grandeur - de ce que prévoyait la LFI pour 2021 pour la mission « Investissements d'avenir ».

Le rapporteur spécial estime que cette évolution implique de renforcer d'autant plus vite et efficacement la lisibilité et l'évaluation des stratégies d'investissement, tandis qu'une redéfinition de la trajectoire pluriannuelle doit par ailleurs être opérée.


* 12 Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission Investissements d'avenir, 2021.

* 13 Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission Investissements d'avenir, 2021.

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