II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les dépenses de personnel en hausse du fait de plusieurs mesures de revalorisation
a) Une sous-consommation constante du schéma d'emplois amenée à être accentuée par les difficultés de recrutement du ministère

La mission « enseignement scolaire » se caractérise par l'ampleur des dépenses de personnel. Le montant des dépenses de personnel (titre 2) représente 69 milliards d'euros, soit 92,9 % des dépenses totales de la mission. 1,15 million de personnes ont été rémunérées par le ministère de l'Éducation nationale au titre de l'enseignement scolaire, dont 900 000 enseignants.

Les plafonds d'emplois fixés à la mission « Enseignement scolaire » sont structurellement légèrement sous-consommés . La sous-consommation des plafonds d'emplois s'élève à 1,1 % en 2021, soit un chiffre presque équivalent à 2020 (1 %) après avoir atteint 1,3 % en 2018.

Évolution de la consommation des emplois par rapport aux plafonds
fixés en loi de finances initiale et rectificatives

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

L'écart entre les prévisions et la réalisation du schéma d'emplois 2021 est de 11 466 ETPT . La sous-exécution concerne surtout les premier et second degrés publics, environ 4 000 ETP n'ayant pas été consommés par le ministère de l'Education nationale.

Le schéma d'emplois était pourtant stable en 2021 par rapport à 2020. Si 1 273 ETP supplémentaires (soit 973 ETP supplémentaires une fois déduite la suppression de 300 ETP pour les enseignants stagiaires) étaient demandés pour renforcer les effectifs des enseignants du premier degré, ils devaient être compensés par la suppression de 893 ETP dans le secondaire public et de 282 ETP dans le secondaire privé.

Le ministère explique cette sous-consommation en 2021 par les difficultés de recrutements en cours d'année découlant de la promesse de non fermeture de classes dans le premier degré en milieu rural et du besoin de personnels contractuels pour remplacer les enseignants absents en raison de la crise sanitaire. Étant donné que la sous-consommation d'emplois est constante, le rapporteur spécial considère que les explications conjoncturelles ne peuvent cependant suffire .

La gestion des ressources humaines du ministère est rendue chaque année plus complexe par le manque d'attractivité du métier d'enseignant qui entraîne une chute structurelle du nombre de candidats . Le nombre d'inscrits aux concours de l'enseignement du second degré a diminué de plus de 30 % en quinze ans, passant de 50 000 candidats présents aux épreuves en 2008 à 30 000 en 2020. Le rapporteur spécial renvoie à son récent rapport sur le sujet 1 ( * ) .

Il est à craindre que les grandes difficultés de recrutement auxquelles se heurte le ministère de l'Education nationale à l'heure actuelle n'accentuent cet état de fait.

b) Des dépenses de personnel en hausse du fait de plusieurs mesures de revalorisation salariale

Les dépenses de personnel représentent l'essentiel de la mission et constituent le principal facteur explicatif de la hausse des dépenses. Les crédits de titre 2 se sont élevés à 49,04 milliards d'euros hors contribution au compte d'affectation spécial (CAS) « Pensions » en 2021, contre 47,86 milliards d'euros en 2020 . Cela représente une hausse de 1,18 milliard d'euros et de 2,5 % .

Fait inédit, cette hausse résulte davantage de mesures de revalorisation salariale catégorielles, qui s'élèvent à 420 millions d'euros sur le total de la mission, que de mouvements structurels. Le solde du glissement vieillesse technicité (GVT) s'élève quant à lui à 317,7 millions d'euros .

La poursuite de la mise en oeuvre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) prévoit, outre une revalorisation indiciaire, des mesures d'accompagnement et de nouvelles modalités d'évaluation. 300 millions d'euros supplémentaires auront été accordés jusqu'à présent au total au titre de la revalorisation des carrières, dont 26 millions au titre de 2021.

Les effets des mesures de revalorisation se poursuivront sur l'année 2022 pour 144 millions d'euros , soit une augmentation totale de 564 millions d'euros au titre de l'année 2021.

Comparaison de l'impact des mouvements structurels
et des revalorisations catégorielles en 2021 par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les questionnaires budgétaires

Ces mesures de revalorisation s'inscrivent partiellement dans la continuité des années précédentes. C'est par exemple le cas de la revalorisation du dispositif indemnitaire de l'éducation prioritaire mise en oeuvre depuis la rentrée scolaire 2018 2 ( * ) qui représente 29 millions d'euros supplémentaires en 2021, soit 48,6 millions d'euros au total en année pleine. La revalorisation actuelle, qui concerne les personnels exerçant dans les écoles et établissements de réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+) a été précédée à deux reprises, en 2018 et 2019, d'une hausse de 1 000 euros nets par an et par personne.

Diverses autres mesures ont été annoncées par le Gouvernement dans le cadre du Grenelle de l'éducation ayant eu lieu en 2020. Ces mesures « Grenelle » recouvrent :

- 178 millions d'euros de prime d'équipement informatique , soit 150 euros par an net par enseignant ;

- 260 millions d'euros sous forme de prime d'attractivité visant à accélérer l'augmentation du traitement en début de carrière ;

- 50 millions d'euros d'augmentations catégorielles, notamment à destination des chefs d'établissement et directeurs d'école . Ils complètent l'indemnité exceptionnelle d'un montant de 450 euros bruts versée aux directeurs d'école en 2019-2020.

Coût des mesures de revalorisation salariales en 2021
dans l'enseignement public

(en ETP et en euros)

Second degré

Premier degré

ETP concernés

Coût 2021

Coût 2021

ETP concernés

Coût 2021

Coût 2021

Mise en oeuvre du protocole Parcours carrière et rémunération (PPCR)

31 400

10 26 815

10 262 815

10 000

11 696 798

11 696 798

Relèvement du taux de promotion des enseignants (18 %)

907

1 023 649

3 070 947

1 075

1 307 889

3 923 667

Accompagnement des mesures issues de l'agenda social et effet du relèvement du taux d'accès à la hors classe des professeurs des écoles à 17 % en 2020

- 10 994 165

- 16 491 247

5 023 753

7 535 630

Total mesures statutaires

292 299

- 3 157 485

18 028 440

23 156 095

Prime Grenelle d'attractivité

120 884

65 244 931

97 867 397

102 961

56 433 829

84 650 744

Prime d'équipement informatique

386 619

74 849 488

74 849 488

335 597

62 018 244

62 018 244

Requalification de la filière administrative

525

1 002 375

3 007 125

Prime de fidélisation Seine-Saint-Denis

699

1 537 200

1 537 200

381

808 500

808 500

Éducation prioritaire

15 319

2 628 674

7 886 022

32 770

5 367 724

16 103 172

Autres mesures Grenelle

8 343 545

8 343 545

119 362

1 432 344

Total mesures indemnitaires

153 606 213

193 490 777

124 747 659

165 013 004

Total revalorisations

153 898 512

190 333 292

142 776 099

188 169 099

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La revalorisation des débuts de carrière amorcée en LFI pour 2021 est un préalable indispensable, dont la poursuite a été annoncée lors de la présentation des conclusions du Grenelle de l'éducation.

Au total, 726 millions d'euros de revalorisation sont prévus en 2022 , dont 600 millions d'euros de mesures nouvelles. La prime d'attractivité mise en place en 2021 doit être poursuivie à hauteur de 245 millions d'euros et 178,95 millions d'euros sont dédiés à la protection sociale complémentaire visant à une prise en charge à partir du 1 er janvier 2022, à hauteur de 15 euros par mois et par agent.

Le ministre de l'éducation nationale a indiqué le déploiement à partir de 2023 d'une troisième tranche de revalorisation salariale à destination des enseignants débutants. L'objectif est que les enseignants débutants puissent bénéficier d'un traitement minimum de 2 000 euros nets , alors que la rémunération d'un enseignant stagiaire est (hors primes) de 1 451 euros nets et celle d'un enseignant après sa titularisation de 1 640 euros nets. Le ministre a annoncé que cette future revalorisation serait scindée entre une part générale et une part à destination des professeurs exerçant des missions supplémentaires, sans qu'il n'y ait à ce stade davantage d'informations. Des discussions devraient être menées au cours de l'été avec les partenaires sociaux.

Le rapporteur spécial l'a indiqué à de nombreuses reprises : il considère que la poursuite attendue des revalorisations est indispensable pour restaurer l'attractivité du métier d'enseignant , en particulier dans les disciplines les plus en tension. Le ciblage de ces revalorisations sur les débuts de carrière doit permettre de combler les écarts de revenus entre les enseignants français et les enseignants européens. Il se félicite donc des avancées des trois dernières années sur ce point .

2. Une attention particulière à porter sur les personnels accompagnant les élèves en situation de handicap

Les crédits consacrés à « l'école inclusive », c'est-à-dire la scolarisation des élèves en situation de handicap, sont en très nette hausse sur l'ensemble des dernières années. Au cours du dernier quinquennat, ces crédits ont augmenté de 116 %.

Évolution de la consommation des crédits de l'action 03 - scolarisation des élèves en situation de handicap du programme 230

(en euros)

Source : commission des finances d'après Chorus

Cette hausse découle essentiellement du recrutement de nombreux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et d'assistants d'éducation (AED). L'effectif total d'AESH s'élève à 125 000 pour 73 705 ETPT, soit une augmentation de 35 % en cinq ans . 4 000 ETP supplémentaires ont été créés à la rentrée 2021. Cette hausse est appelée à se poursuivre en 2022, où 4 000 ETP devraient de nouveau être créés. Les AESH interviennent désormais auprès de l'ensemble des élèves bénéficiant d'une prescription d'aide humaine, notamment dans le cadre des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

En dépit de ces recrutements et de cette hausse des moyens, l'exécution 2021 présente une sous-consommation du plafond d'emplois de - 1 446 ETPT, soit 2,3 % du plafond du programme . Les crédits de l'action 03 sont sous-exécutés de 28,6 millions d'euros en AE et en CP. Ils avaient à l'inverse été légèrement sur-exécutés l'année précédente du fait de la crise sanitaire.

Cette sous-consommation globale du plafond s'explique essentiellement par une budgétisation prudente de la politique de dé-précarisation et de professionnalisation des AESH . Celle-ci est mise en oeuvre au travers de la généralisation du recrutement de ces personnels en contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois, avant signature d'un contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 6 ans d'ancienneté. Cette situation est regrettable car elle limite la portée de l'autorisation budgétaire accordée en loi de finances et ne contribue pas à la lisibilité de la dépense.

Comme le souligne chaque année la Cour des comptes, un grand nombre d'emplois permanents d'AED et d'AESH demeurent non comptabilisés dans les plafonds d'emplois de la mission. Ne sont pas pris en compte dans les plafonds d'emplois 52 529 ETPT pour les AED et 38 439 ETPT pour les AESH (dont seuls 35 266 ETPT sont pris en charge sur le titre 2).

Les personnels du programme 230 ont également bénéficié de mesures catégorielles au cours des deux dernières années. La principale est la revalorisation des AESH avec une grille indiciaire permettant une progression automatique tous les trois ans. Cela représente 20,7 millions d'euros au total sur les 28 millions d'euros de revalorisations catégorielles prévues sur le programme 230 (le reste finançant la prime Grenelle d'attractivité pour les conseillers principaux d'éducation pour 2,1 millions d'euros et la revalorisation des personnels de santé scolaire).

En 2022, 24 millions supplémentaires sont prévus pour la poursuite de la revalorisation des AESH et la transformation des contrats à durée déterminée en CDI pour les AESH ayant atteint 6 années d'ancienneté.

3. Les dépenses de formation des enseignants restent insuffisantes au regard des enjeux

Le rapporteur spécial a pu souligner à plusieurs reprises l'insuffisance du cadre de la formation continue des enseignants français, qui se situe bien en-deçà de plusieurs exemples étrangers. Les crédits budgétaires relatifs à la formation continue des enseignants sont de faible ampleur, compte tenu des besoins importants et du poids accordé à la formation initiale.

Le temps passé en formation par les enseignants français reste très bas et est en réalité inférieur à 3 jours par an, en agrégeant la formation pédagogique et la formation disciplinaire. Le rapporteur spécial a souligné par le passé que, si le budget dans le premier degré a augmenté de plus de 30 % du fait des plans mathématiques et français entre 2020 et 2021, et de 7 % en 2022, il restait largement en deçà des enjeux . En effet, rapporté aux 350 000 professeurs des écoles, le budget de formation continue moyen par enseignant est de 87 euros annuels, ce qui ne permettra pas de rattraper le déficit accumulé par la France dans ce domaine par rapport aux autres pays européens.

Moyens dédiés à la formation continue en loi de finances initiale

(crédits hors titre 2 en millions d'euros)

Programme

Loi de finances pour 2020

Loi de finances pour 2021

Loi de finances pour 2022

Variation 2020-2021

Variation 2021-2022 (en %)

Programme 139 - Enseignement privé des premier et second degrés

36,3

37,9

38,4

+ 0,5

+ 2,9 %

Programme 140 « enseignement scolaire public du premier degré »

12,9

17

18,2

+ 4,1

+ 7 %

Programme 141 « enseignement scolaire public du second degré »

23

27

27,65

+ 4

+ 2,4 %

Total

72,2

81,9

84,25

+ 2,85

+ 2,8 %

Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaires budgétaires

Les crédits dédiés à la formation continue des enseignants ont été largement sous-consommés sur l'ensemble des programmes.

Consommation des crédits dédiés à la formation des enseignants
en 2020 et 2021

(en euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le rapport annuel de performance indique que cette sous-consommation « s'explique essentiellement par le contexte de la crise sanitaire : choix du maintien de professeurs devant élèves (les remplacements pour formation n'ayant pas pu avoir lieu, certaines formations ont donc été reportées) et diminution des frais de déplacement du fait de l'organisation de formations en distanciel ».

En réalité, la sous-consommation des crédits de formation des enseignants est un phénomène récurrent qui ne peut être relié uniquement à la crise financière. Ainsi, en 2019, plus d'un quart des crédits de formation du programme 140 n'avaient pas été consommés (12 millions d'euros en CP sur 16,9 millions d'euros prévus initialement), et un tiers des crédits du programme 141 (21,8 millions d'euros sur 31,2 millions).

En outre, si la justification de la sous-consommation du fait de la crise sanitaire était pertinente en 2020, la sous-exécution en 2021 par rapport à 2020, alors même que les conséquences de la crise sanitaire ont été bien moindres, ne peut qu'interroger . Les limites du système français de formation continue ont été exposées à de nombreuses reprises par le rapporteur spécial. Le peu d'attractivité des formations continues proposées aux enseignants et son absence de valorisation dans leur carrière expliquent sans doute également en partie la faiblesse de la consommation des crédits.

L'amélioration de la formation continue des enseignants doit être un facteur clé de la revalorisation du métier , et ses lacunes expliquent en partie le déficit d'attractivité dont témoigne l'attrition du vivier de candidats aux concours de l'enseignement dans certaines disciplines. En outre, l'insuffisance du niveau des élèves, soulevée année après année dans les différentes études nationales et internationales, est également liée à une insuffisante formation continue.

4. Un impact budgétaire limité de la crise sanitaire

Tout comme l'année précédente, la crise sanitaire a dans l'ensemble eu un impact très limité sur les dépenses de la mission. Les dépenses liées à la crise en 2021 ont représenté 85,2 millions d'euros.

L'essentiel de ces dépenses (42,6 millions d'euros) a permis de recruter 3 041 assistants d'éducation dédiés à des fonctions d'encadrement des élèves en cas d'absence de leurs enseignants sur le premier semestre 2021.

Le dispositif « Vacances apprenantes » , dont le rapporteur spécial avait souligné l'utilité lors de sa création en 2020, a été reconduit en 2021 pour 13,62 millions d'euros . Les enseignants participant à ces semaines de travail pendant les vacances sont volontaires et rémunérés en heures supplémentaires. S'y ajoutent 17,7 millions d'euros pour l'organisation des stages de réussite (c'est-à-dire des stages de remise à niveau proposés durant les vacances aux élèves en difficulté).


* 1 Comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants ; Rapport d'information de M. Gérard LONGUET, fait au nom de la commission des finances n° 649 (2021-2022) - juin 2022.

* 2 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page