II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Multiplié par quatre depuis 2020, l'encours de dette du BACEA s'apprête à dépasser les 3 milliards d'euros

Après une phase de désendettement, le BACEA, confronté à l'effondrement de ses recettes a eu à recourir massivement à l'emprunt, pour 1 250 millions d'euros, au cours de l'année 2020. Toujours confronté à des recettes en berne, malgré l'amorce de leur rétablissement dans le sillage de la reprise du trafic aérien, le BACEA s'est à nouveau endetté en 2021, à hauteur de 1 100,6 millions d'euros . La LFI prévoyait un droit de recours à l'emprunt plafonné à 1 060,6 millions d'euros. Ce plafond avait été rehaussé de 200 millions d'euros par le Parlement suite au vote de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021. Au 31 décembre 2021, l'encours de dette du BACEA a ainsi été porté à 2 688,3 millions d'euros , un niveau 4 fois plus élevé que le montant constaté en fin d'année 2019. En 2022 , l'encours de dette du BACEA pourrait avoisiner les 3,3 milliards d'euros.

Évolution de l'encours de dette du budget annexe de 2008 à 2021
et prévisions pour 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Du fait du recours à l'emprunt massif réalisé à compter de l'année 2020, les dépenses relatives aux remboursements d'emprunts ont sensiblement augmenté en 2021, passant en une année de 106,3 millions d'euros à 115,6 millions d'euros (+ 8,7 %).

Le rapporteur spécial veut croire en la possibilité, pour le BACEA, d'amorcer son désendettement dès 2023 , néanmoins, cette perspective, tout comme celle de la soutenabilité budgétaire de long terme du budget annexe, reste conditionnée à des réformes ambitieuses dont certaines des pistes ont pu être tracées dans des rapports récents , notamment le rapport confidentiel de la mission commune confiée à l'inspection générale des finances (IGF) et au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), remis au Gouvernement en juillet 2021, ainsi que le rapport de la Cour des comptes d'avril 2021 sur la politique des ressources humaines de la DGAC.

2. Avec - 4 ETP, le BACEA a légèrement sur-exécuté un schéma d'emploi dont il est nécessaire d'affiner la programmation

Concentrées sur le programme 613 « soutien aux prestations de l'aviation civile », les dépenses de personnel de la DGAC représentent 53,5 % des dépenses du BACEA, soit un léger recul par rapport à 2020. En un an, elles ont très légèrement diminué (- 0,3 %) pour s'établir à 1 185 millions d'euros. Comme en 2020, les dépenses de personnel ont été sous-exécutées de 2,4 % et 29 millions d'euros par rapport à la prévision déterminée en LFI 1 ( * ) . Hors CAS pensions, les dépenses de personnel de la DGAC ont diminué de 0,7 %, pour s'établir à 907 millions d'euros.

Alors que le schéma d'emploi prévu pour le BACEA en LFI était égal à 0, il a été sur-exécuté à - 4 ETP. Cette situation s'explique par un volume de départs plus important que la prévision initiale et un report de certaines entrées lié au décalage des opérations de concours en 2021.

Comme au cours des gestions précédentes, des écarts significatifs entre les entrées et les sorties programmées et celles effectivement constatées ont été observés sur la gestion 2021. Ainsi, 338 sorties et 334 entrées ont eu lieu en 2020, alors que seules 229 entrées et sorties avaient été programmées. Bien que la crise sanitaire et le décalage des concours puissent expliquer une part de ces écarts, le rapporteur spécial note que cette situation illustre la nécessité d'améliorer la qualité de la programmation du schéma d'emploi , notamment car des écarts de cette nature sont constatés chaque année (écart de 42 ETP en 2020, de 101 ETP en 2019 et en 2018, de 161 ETP en 2017, de 84 ETP en 2016, etc.).

En 2021, pour tenir compte de la baisse du trafic aérien généré par la crise, l'entrée à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) par voie de concours a été délibérément restreinte par la DGAC. Seules deux promotions de nouveaux élèves ont été intégrées en 2021 contre quatre en 2020.

Dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe », publié le 13 juin 2018 2 ( * ) , le rapporteur spécial avait souligné le besoin d'augmenter de façon mesuré le nombre de recrutements d'élèves contrôleurs aériens à l'ENAC pour faire face au déficit de capacités des services de la navigation aérienne. Certes la crise a conduit à relativiser dans l'immédiat ce déficit de capacités, néanmoins, le rapporteur spécial tient à rappeler que cinq années sont nécessaires pour former un contrôleur aérien. Il convient absolument de tenir compte de ce paramètre à l'heure de programmer les recrutements des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) dont il convient de maintenir un effectif suffisant de nature à absorber la reprise du trafic. Le tempo des décisions de recrutement est complexe et porte un risque élevé de se traduire par des évolutions d'effectifs à contretemps par rapport à celles du trafic.

Comme en 2020, en 2021, les mesures indemnitaires et statutaires se sont élevées à 2 millions d'euros.

L'année 2021 a notamment été marquée par des avancées concernant le programme de réorganisation des fonctions support de la DGAC. Cette réorganisation a pris la forme d'une mutualisation des moyens à travers la mise en place de huit secrétariats interrégionaux (SIR) et de quatre pôles nationaux achats. Cette nouvelle organisation est devenue effective à compter du 1 er janvier 2022.

3. Face à l'obsolescence des outils de contrôle de la navigation aérienne, la DGAC a augmenté ses dépenses d'investissement

Les dépenses d'investissement de la DGAC sont déterminantes dans la perspective de concrétiser l'ambition de « Ciel unique européen », nécessaire pour moderniser la gestion de l'espace aérien européen. Sur ce plan, comme il a pu le souligner dans son rapport d'information précité, le rapporteur spécial rappelle que la DGAC a accumulé un retard considérable dans la réalisation de son programme de modernisation du contrôle de la navigation aérienne .

Pour parvenir à refaire son retard, la DGAC avait amorcé une hausse de ses dépenses d'investissement à compter de 2013. Cette trajectoire s'était interrompue en 2019 avant de repartir à compter de 2020. En 2021, la tendance à la progression des dépenses d'investissement s'est confirmée avec une légère hausse de 3 % les portant au-delà de la barre des 200 millions d'euros (204,2 millions d'euros).

L'évolution des dépenses d'investissement entre 2013 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La très grande majorité de ces dépenses d'investissements (190,3 millions d'euros) est retracée sur le programme 612 « Navigation aérienne » et sert à financer les grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne (4 Flight, Coflight, Sysat, etc.). Le rapporteur spécial note qu'en 2021, la DGAC a initié une expérimentation en réalisant une budgétisation distincte entre AE et CP pour quelques opérations d'investissement portées par le budget opérationnel de programme (BOP) n° 1 du programme 612.

Le coût des programmes de modernisation du contrôle aérien est significatif : un peu plus de 2 100 millions d'euros au total, dont plus de la moitié a déjà été dépensée effectivement.

Coût des programmes techniques de modernisation
du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total fin 2021 (en CP)

Coût total programme après 2021
(en CP)

Coût total programme

4-Flight

2011-2025

642,5

207,7

850,2

Coflight

2003-2027

234,8

124,9

359,7

Sysat

2012-2032

82,0

348,0

430,0

Data Link

2006-2022

32,3

1,0

33,3

Erato

2002-2015

127,2

-

127,2

Autres programmes

-

145,8

166,5

312,3

Total

-

1 264,6

848,1

2 112,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces programmes ont pris un retard considérable et généré d'importants surcoûts. Le coût estimé de 4-Flight est ainsi passé de 450 millions d'euros en 2011 à 850 millions d'euros tandis que celui du système Coflight a évolué de 153 millions d'euros en 2003 à 360 millions d'euros.

Dans son rapport d'information précité, le rapporteur spécial avait fait part de sa préoccupation quant à ces retards et à ces surcoûts . Il s'était interrogé sur la qualité de la programmation financière de la DSNA et sur la conduite globale de la modernisation de ses systèmes, menée par sa direction de la technique et de l'innovation (DTI). Un rapport d'inspection du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) était allé dans le même sens. Pour mettre en oeuvre les recommandations de ces rapports, la DSNA avait décidé de réformer la gouvernance et la gestion de ses grands programmes .

L'année 2021 a notamment été marquée par la mise en oeuvre, en octobre, des services Data Link . Le rapporteur spécial se félicite que cette évolution très attendue ait permis de clôturer 3 ( * ) la procédure d'infraction de la Commission européenne qui visait la France. Pour rappel, ladite procédure avait été initiée contre la France en janvier 2020 et avait atteint le stade de l'avis motivé en juillet 2021, dernière étape avant l'amorce d'une éventuelle phase contentieuse se traduisant par la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne par la Commission.

En 2021, la DSNA a décidé « d'accélérer » le déploiement du programme 4 Flight , qui avait d'ores et déjà pris beaucoup de retard, pour viser la mise à disposition d'une première version cible dite « de convergence » dans les cinq centres en route de la navigation aérienne (CRNA) d'ici 2026 . Le nouveau système 4 Flight a été installé au printemps 2022 dans le CRNA de Reims . Il est prévu qu'il soit ensuite déployé dans le centre d'Aix-en-Provence avant la fin de l'année 2022 puis à Athis-Mons en 2023.

S'agissant du programme SYSAT G1, la DSNA a décidé en 2021 de se concentrer sur l'aéroport d'Orly et de ne déployer le programme à Roissy-CDG que dans une seconde phase . Une nouvelle feuille de route dudit programme est ainsi en phase d'élaboration et son budget prévisionnel 2022 doit être actualisé.

Le rapporteur spécial se félicite que , depuis 2020, et contrairement à la période 2008-2013, les dépenses d'investissement du BACEA ne soient pas utilisées comme une variable d'ajustement budgétaire. Il reste néanmoins très préoccupé par le retard considérable pris par la modernisation des outils de contrôle de la navigation aérienne et restera très vigilant pour s'assurer de l'avancée concrète des programmes .

Le rapporteur spécial note avec intérêt qu'une révision des stratégies sectorielles de la DSNA a été initiée en 2021 par le nouveau directeur. Cette révision utile passe par un réexamen systématique de l'ensemble des projets d'investissement de la direction. Elle doit aboutir dans le courant de l'année 2022 à travers l'actualisation de la stratégie de la DSNA, et concerne en premier lieu les systèmes ATM 4 ( * ) , de gestion du trafic aérien, qui incluent notamment les grands programmes de modernisation des outils de contrôle de la navigation aérienne. Le rapporteur spécial sera attentif aux résultats de cette démarche qu'il considère opportune dans une perspective d'efficacité de la modernisation de ces outils qui doit enfin primer .


* 1 18 millions d'euros de crédits de titre 2 ont ainsi été annulés en cours d'année tandis que 0,7 million d'euros ont fait l'objet d'une fongibilité asymétrique.

* 2 Retards du contrôle aérien, la France décroche en Europe, rapport d'information n° 568 (2017-2018) réalisé au nom de la commission des finances du Sénat par Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

* 3 En date du 9 février 2022.

* 4 Air traffic management.

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