II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LES ACTIONS DU PROGRAMME 174 SONT DE PLUS EN PLUS DIVERSIFIÉES, ET LE SUIVI DE L'EXÉCUTION DE SES CRÉDITS, PARTAGÉS EN PARTIE AVEC LE PLAN DE RELANCE, SE COMPLEXIFIE

Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » a enregistré une nouvelle fois d'importantes mesures de périmètre en loi de finances initiale pour 2021. Ainsi, dans le cadre de la disparition du CAS « Transition énergétique » , le programme 174 s'est-il vu attribuer certains des crédits auparavant portés par ce CAS mais aussi par le programme 345, le tout pour environ 12 millions d'euros en CP. Il s'agit des crédits relatifs aux études relatives aux énergies renouvelables, à l'organisation des consultations publiques, au développement des interconnexions, au médiateur de l'énergie ainsi qu'aux coûts d'ingénierie et de traitement des dossiers contentieux liés à l'ancien mécanisme de contribution au service public de l'énergie.

Comme pour d'autres programmes de la mission, l'articulation des crédits du programme 174 avec les crédits du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » pose question : les crédits de la prime de rénovation énergétique sont par exemple portés à la fois par le présent programme et par le programme 362, alors qu'il s'agit du même dispositif ; il en va de même pour le financement des aides au nouvellement du parc automobile. Ce double portage budgétaire complexifie le suivi de l'exécution des crédits et l'évaluation de l'efficacité des dispositifs .

Les dépenses du programme passent de 2,8 milliards d'euros en CP en 2020 à 2,7 milliards d'euros (- 3,4 %, - 96 ,4 millions d'euros). Toutefois, alors que les prévisions s'élevaient en 2021 à 2,5 milliards d'euros de CP, l'exécution dépasse de 11 % ces prévisions, pour atteindre 2,7 milliards d'euros.

Cette diminution des crédits par rapport à 2020 découle principalement d'une baisse importante des crédits dédiés à l'acquisition de véhicules propres (- 752 millions d'euros), qui apparaît supérieure à la hausse des crédits consacrés au chèque énergie , qui a bénéficié d'un abondement de crédits en LFR (+ 435 millions d'euros), et de la prime de rénovation énergétique (+ 255 millions d'euros par rapport à 2020).

1. Une exécution des crédits alloués à la prime de rénovation énergétique inférieure aux prévisions : un pilotage du dispositif à revoir

L'article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la prime de transition énergétique en remplacement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et des aides « Habiter mieux agilité » de l'Agence nationale de l'Habitat (ANAH).

En 2020, cette prime, dénommée « MaPrimeRénov' » s'est adressée aux ménages les plus modestes. En 2021, les ménages aux revenus « intermédiaires » qui continuaient en 2020 à bénéficier du CITE ont été éligibles à la prime de rénovation. La loi de finances initiales pour 2021 prévoyait donc 740 millions d'euros de crédits budgétaires (en AE et CP) en 2021 pour la prime de rénovation énergétique sur le programme 174.

De nouveaux bénéficiaires de la prime ont été inclus dans le dispositif, avec un élargissement aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés, ainsi qu'aux ménages aux revenus élevés. Ces crédits ont donc été complétés par d'autres crédits alloués sur la mission « Plan de relance » : 2 milliards d'euros d'AE sur deux ans sont ainsi prévus sur l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme n° 362 et 915 millions d'euros de crédits de paiement pour 2021.

En outre, 200 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts en CP par la première loi de finances rectificative 5 ( * ) pour 2021, afin de financer l'accélération des décaissements du dispositif.

Au total, ce sont donc 740 millions d'euros sur le programme 174 et 1 115 millions d'euros sur le programme 362 en CP qui ont été ouverts au bénéfice de la prime de rénovation énergétique en 2021.

Sur ces 1 855 millions d'euros de CP ouverts, seuls 1 298 millions d'euros ont été consommés, soit un taux de consommation des crédits ouverts de 70 %.

Crédits ouverts et consommés en 2021 sur le dispositif de la prime
de rénovation énergétique (en CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La sous-consommation est manifeste s'agissant des crédits portés par le programme 362 de la mission « Plan de relance » et témoigne à la fois d'un manque d'articulation entre les deux vecteurs budgétaires de la prime et de cohérence du pilotage de l'aide.

D'après la Cour des comptes, la convention de gestion entre l'État et l'ANAH signée le 20 avril 2021 prévoyait que l'élargissement du public bénéficiaire serait financée par les crédits prévus sur le programme 362 de la mission « Plan de relance », tandis que le programme 174 continuait de financer les dépenses du périmètre 2020 de la prime (à savoir les ménages modestes). Les crédits du plan de relance pouvaient être destinés aux anciens bénéficiaires en dernier recours.

Or, « fin 2021, il est apparu que cette clé de répartition pouvait ne pas avoir été respectée. Les crédits inscrits sur le programme 174 n'ont pas suffi à satisfaire le besoin des premiers bénéficiaires, nécessitant un appel insuffisamment retracé aux crédits du programme 362 » 6 ( * ) .

La Cour indique que 83 % des crédits consommés en 2021 ont été destinés aux publics bénéficiaires en 2020, les ménages modestes et très modestes, soit l'intégralité des crédits du programme 174 et la moitié des crédits du programme 362.

De surcroît, les crédits prévus sur le programme 362 pour les « nouveaux » bénéficiaires de la prime en 2021 ont été moins consommés qu'initialement prévu.

Ainsi, compte tenu de la sous-exécution des crédits de la prime de rénovation énergétique, qui contraste avec les besoins importants en la matière pour atteindre nos objectifs en matière de transition énergétique, le rapporteur spécial souhaite que les objectifs assignés à la prime soient rapidement redéfinis, tant en termes de publics bénéficiaires qu'en termes de moyens alloués.

Il importe enfin qu'une évaluation de l'efficience du dispositif puisse être fournie régulièrement au Parlement, et qu'un meilleur suivi de l'exécution des crédits puisse être proposé dans les documents budgétaires.

2. Répartis entre les missions « Écologie » et « Plan de relance », les crédits dédiés aux dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres ont diminué de 4 % en 2021

Les crédits consacrés au financement des aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs ou d'occasion émettant peu de CO 2 (bonus) ainsi qu'à la mise au rebut de véhicules fortement émetteurs de CO 2 (prime à la conversion) sont retracés à l'action 03 « Aides à l'acquisition de véhicules propres » du programme 174. En 2021 et en 2022, une partie des crédits ouverts à l'action 07 « Infrastructures de mobilités vertes » de la mission « Plan de relance » est également consacrée au financement de ces aides.

a) L'évolution des crédits consacrés au bonus écologique et à la prime à la conversion présente des tendances marquées et inversées

En 2021, les crédits consommés sur le programme 174 en faveur des aides à l'acquisition de véhicules propres se sont élevés à 506 millions d'euros en AE et 505 millions d'euros en CP. À ces dépenses, il convient d'ajouter les crédits, plus conséquents, consacrés aux mêmes dispositifs, portés par le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».

L'évolution des dépenses (CP) consacrées aux aides
à l'acquisition de véhicules propres entre 2017 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi, au total, les crédits consacrés aux aides à l'acquisition de véhicules propres en 2021 se sont élevés à 1,2 milliard d'euros , en recul de 4 % par rapport à 2020.

Répartition des dépenses consommées (CP) en 2021
entre les programmes 174 et 362

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dynamiques du bonus, en forte hausse (+ 66,2 %) et de la prime, en baisse significative (- 70,2 %), sont inversées .

Le rapporteur spécial note que les crédits consacrés aux aides à l'acquisition de véhicules propres demeurent élevés néanmoins, compte-tenu des enjeux de transition écologique du parc de véhicules et de la conjoncture très délicate du secteur automobile, il estime que les soutiens pourraient être encore accentués . À ce titre, il se félicite que le Gouvernement ait décidé très récemment 7 ( * ) de reporter la diminution des barèmes du bonus qui était prévue au 1 er juillet 2022. Une ouverture de 400 millions d'euros de crédits complémentaires est ainsi proposée par le Gouvernement en 2022 dans le cadre du projet de loi de finances rectificative actuellement en discussion au Parlement. Le rapporteur spécial note cependant que 55 millions d'euros de crédits avaient été annulés sur le programme 174 à l'occasion du décret d'avance n° 2022-512 du 7 avril 2022.

L'article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, prévoit l'expérimentation d'un prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un véhicule électrique ou hybride. Cette expérimentation doit démarrer à compter du 1 er janvier 2023 et pour une durée de deux ans. Le décret n° 2022-615 du 22 avril 2022 8 ( * ) encadrera le dispositif.

b) Malgré la baisse de son montant, le nombre de bonus délivrés et les crédits consacrés au dispositif ont fortement augmenté en 2021

Le 1 er juillet 2021, le montant du bonus a été réduit de  1 000 euros . Malgré cette décision, l'engouement pour le dispositif ne s'est pas démenti et le nombre de bonus délivré n'a cessé de croître (+ 131 % en un an). En 2021, 1 021 millions d'euros d'AE et 1 020 millions de CP ont été consommés pour financer la délivrance de bonus, soit des hausses de 67,1 % et 66,1 % par rapport à 2020 .

Le rapporteur spécial a noté qu'en 2021, le bonus a été étendu aux vélos cargo et renforcé pour les véhicules utilitaires légers (VUL). Il constate néanmoins l'échec manifeste du bonus destiné à l'acquisition de véhicules lourds à propulsion électrique ou hydrogène . En dépit de son engagement à le faire, le Gouvernement n'a toujours pas ajusté ce dispositif actuellement inopérant .

Nombre de véhicules ayant fait l'objet d'un bonus
entre 2017 et 2021

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

c) Le dispositif ayant été rendu plus restrictif, le nombre de primes délivrées et les crédits qui lui ont été consacrés en 2021 ont considérablement baissé

Le 1 er juillet 2021, les critères d'attribution de la prime à la conversion ont été rendus plus restrictifs . En effet, depuis cette date, les véhicules Crit'Air 2 sont exclus du dispositif de la prime et le plafond d'émissions de CO2 applicable à un véhicule neuf a été abaissé à 132 g/km. Ainsi, en 2021, le nombre de primes délivrées a-t-il poursuivi sa décrue pour s'établir à 117 000. Les crédits consacrés au dispositif se sont élevés à 192 millions d'euros, soit un montant plus de trois fois moins important qu'en 2020 . Le rapporteur spécial a noté qu'en 2021 la prime a été étendue aux vélos électriques et renforcée pour les VUL.

L'évolution du nombre de primes à la conversion
distribuées entre 2015 et 2021

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Du 1 er janvier 2018 au 31 décembre 2020, un peu plus de 910 000 primes ont été versées.

3. Toujours marqué par un taux d'usage réel plus faible que les prévisions, le chèque énergie a été complété par un dispositif exceptionnel en réponse à la hausse des prix de l'énergie

En LFI pour 2021, les crédits prévus au titre du dispositif du chèque énergie s'élevaient à 812,2 millions d'euros en AE 9 ( * ) et 714,6 millions d'euros en CP. Cependant, la hausse des prix de l'énergie qui est intervenue au cours du second semestre 2021, en particulier s'agissant du gaz, a conduit le Gouvernement à prévoir une campagne exceptionnelle additionnelle visant à octroyer une aide complémentaire de 100 euros à l'ensemble des 5,8 millions de ménages concernés par le dispositif du chèque énergie. Cette campagne exceptionnelle a conduit à engager 560 millions d'euros d'AE supplémentaires en fin d'année 2021.

Ainsi, au total, en 2021, 1 425 millions d'euros d'AE et 1 123 millions d'euros de CP ont été exécutés pour financer le dispositif, soit des hausses respectives de 72,3 % et de 63,5 %.

Évolution des crédits consacrés au chèque énergie entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La prévision du taux d'usage global de la campagne 2021 avait été fixée à 87,5 %. En réalité, comme ce fut le cas en 2020, ce taux s'est révélé bien plus bas : 81,8 % . Dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances initiale pour 2021, le rapporteur spécial avait souligné que la prévision de taux d'usage affichée lui paraissait résolument optimiste en comparaison des résultats constatés au cours des années passées. Il considère néanmoins que l'administration doit développer les mécanismes susceptibles d'accroître ce taux , au premier rang desquels le dispositif dit de pré-affectation du chèque énergie.

Les dépenses au titre du chèque énergie en 2020 ont permis de rembourser des titres de la campagne 2020 pour 680 millions d'euros et des titres de la campagne 2020 pour 52 millions d'euros. Ils ont également permis d'accompagner 55 000 logements au titre de l'aide spécifique aux résidences sociales pour 6,3 millions d'euros, contre 9,7 millions d'euros en 2020.


* 5 Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 6 Note d'exécution budgétaire relative à la présente mission.

* 7 Par le décret n° 2022-960 du 29 juin 2022 relatif aux aides à l'acquisition ou à la location de véhicules peu polluants.

* 8 Relatif à l'expérimentation d'un prêt ne portant pas intérêt pour financer l'acquisition d'un véhicule dont les émissions de dioxyde de carbone sont inférieures ou égales à 50 grammes par kilomètre.

* 9 Finalement, 831 millions d'euros d'AE ont été consommés en 2021 pour la campagne classique du chèque énergie.

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