Rapport n° 792 (2021-2022) de M. Jean-François HUSSON , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022

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N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME I

Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

10 , 16 et T.A. 2

Sénat :

787 (2021-2022)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2021 ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE
ET FINANCIER UNE NOUVELLE FOIS EXCEPTIONNEL

I. 2021, UNE ANNÉE DE RELANCE ÉCONOMIQUE TOUTEFOIS MARQUÉE PAR LA POURSUITE DE LA CRISE SANITAIRE, LE RETOUR DE L'INFLATION ET LA REMONTÉE DES TAUX D'INTÉRÊT

A. UNE REPRISE ÉCONOMIQUE AU RENDEZ-VOUS, SANS ÊTRE NÉCESSAIREMENT À LA HAUTEUR DE CELLE DE NOS PARTENAIRES EUROPÉENS

Malgré la persistance de la crise sanitaire, le maintien des mesures de restrictions puis l'accélération de l'inflation en fin d'année, l'année 2021 est marquée par un rebond important de l'activité économique (+ 6,8 % de croissance en volume).

Facilitée par la mise en oeuvre des mesures de soutien et de relance proposées par le Gouvernement et autorisées par le Parlement tout au long de la crise, cette performance économique doit être autant saluée que nuancée.

Certes l'activité est repartie à la hausse mais elle n'a pas retrouvé en 2021 son niveau d'avant-crise tandis que la comparaison avec nos partenaires européens montre que la France a moins bien réussi à préserver son niveau de production sur l'ensemble de la période 2020-2021.

En outre, lors de l'examen des textes financiers à la fin de l'année 2021, le Gouvernement a sous-estimé, en dépit des informations disponibles à date, le niveau de croissance attendu pour 2021 ce qui lui permet, aujourd'hui, de revendiquer des recettes publiques plus importantes que prévues.

1. Une reprise économique soutenue par la consommation

En 2021, le PIB s'établit à 2 500,9 milliards d'euros ce qui représente une croissance en valeur de 8,2 % par rapport à 2020 tandis qu'en volume - c'est-à-dire corrigé de la variation des prix - le PIB augmente de 6,8 % en 2021 après une contraction de 7,8 % en 2020 par rapport à 2019 en raison de la survenue de la crise sanitaire.

La croissance en volume en 2021 a principalement été portée par la consommation (4,5 points de PIB) dont le niveau n'avait toutefois pas encore rattrapé celui atteint avant la crise (- 0,5 point de PIB d'écart par rapport à 2019).

À l'inverse, si l'investissement contribue moins à la croissance en volume en 2021 (2,7 points de PIB) que la consommation, son niveau a dépassé celui observé avant la crise (+ 0,5 point des PIB par rapport à 2019).

Décomposition des facteurs de contributions
à la croissance en volume

(en pourcentage pour le taux d'évolution - en point
de pourcentage pour les contributions)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

2. Des performances à nuancer en comparaison de nos partenaires

Comme l'indique le Gouvernement, au troisième trimestre 2021, le PIB est effectivement revenu au niveau constaté au quatrième trimestre 2019 .

Néanmoins, les performances économiques de la France sont moins satisfaisantes en 2021 lorsqu'on les compare au niveau européen, qu'on les analyse en tendance annuelle et que l'on s'intéresse à l'activité des branches.

En premier lieu, au troisième trimestre 2021, le PIB de la plupart des pays de l'Union européenne était revenu au-dessus du niveau constaté au quatrième trimestre 2019.

Certains États, à l'instar des Pays-Bas, de la Pologne, de la Roumanie ou de l'Irlande avaient même retrouvé leur niveau d'activité d'avant-crise dès le deuxième trimestre 2021.

Évolution du PIB trimestriel
dans l'Union européenne

(PIB en volume - base 100 au
quatrième trimestre 2019)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux trimestriels d'Eurostat

En deuxième lieu, si le PIB trimestriel s'est redressé au quatrième trimestre, le PIB de l'ensemble de l'année 2021 est resté en-dessous de celui constaté en 2019, ce qui signifie que l'économie française n'a pas rattrapé son niveau d'avant crise en 2021.

Évolution du PIB de la France

(PIB en volume - en milliards d'euros 2014)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

En troisième lieu, en comparaison des autres économies de l'Union européenne, les performances de l'économie française sur la période 2020-2021 sont moins fortes.

Ainsi, les pertes de PIB en volume constatées par rapport à
l'année 2019 ont été plus importantes en France en 2020 et 2021 qu'en moyenne dans l'Union européenne
, ce qui la situe sur ce point dans le même groupe de pays que l'Italie, le Portugal ou la Grèce.

Répartition des pays de l'Union européenne selon l'ampleur des pertes de PIB en volume en 2020 et 2021 par rapport à 2019

(Écarts en pourcentage au PIB en volume de l'année 2019)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux trimestriels d'Eurostat

Enfin, le niveau d'activité des branches est resté très hétérogène
en 2021, certains secteurs continuant d'évoluer très en-deçà de leur niveau constatés en 2019.

Tel est notamment le cas des secteurs de l'industrie et de l'agriculture (- 7 % par rapport à 2019) ou de l'hébergement et de la restauration (- 17 % par rapport à 2019).

En sens inverse, certains secteurs économiques sont revenus (commerce) ou ont largement dépassé leur niveau d'activité d'avant-crise au cours de l'année 2021 (information et communication et activités financières et d'assurance, notamment).

Valeur ajoutée des branches de l'économie française

(Valeur ajoutée en volume - base 100 en 2019)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

3. Une prévision de croissance victime de nombreux aléas mais également sous-estimée en fin d'année

La prévision de croissance pour 2021 a fait l'objet de nombreuses révisions qu'expliquent aisément l'importance des aléas survenus au cours des deux dernières années. Il faut toutefois noter qu'au regard des informations dont il disposait à date, le Gouvernement l'a sous-estimée lors de l'examen des textes financiers à la fin de l'année 2021.

Au final, le PIB en volume constaté en 2021 est plus important que celui qui avait été envisagé par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances initiale (PLF) pour 2021.

Pour commencer, le PLF pour 2021 reposait sur une hypothèse de croissance de 8 % en 2021 mais, à cette période, le niveau du PIB pour 2020 demeurait incertain. En pratique, le PIB finalement constaté en 2020 se sera révélé plus important que celui estimé par le Gouvernement à l'occasion du PLF pour 2021.

Lors de la présentation du programme de stabilité pour les
années 2021 à 2027 et de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 en avril 2021, le Gouvernement a révisé son hypothèse de croissance pour 2021 de 8 % à 5 % ainsi que son estimation du PIB pour 2020.

Tenant compte de la persistance de la crise sanitaire et des mesures de restrictions de nouveaux décidées à la fin de l'année 2020, le Gouvernement anticipait ainsi un recul de la consommation et de l'investissement par rapport à sa prévision initiale.

La bonne tenue de l'activité au troisième et quatrième
trimestre 2021 a conduit le Gouvernement a révisé à la hausse sa prévision de croissance pour 2021
au cours de l'examen du PLF pour 2022 et du second PLFR pour 2021 de 5 % à 6,25 %. Le scénario retenu par le Gouvernement reposait notamment sur une anticipation plus favorable du niveau des investissements des entreprises.

Compte tenu du PIB observé au troisième trimestre 2021, cette prévision apparaissait excessivement prudente, comme le rapporteur général l'avait noté dans son rapport général, dans le tome I consacré au budget 2022 et son contexte économique et financier 1 ( * ) : « même si l'activité n'accélérait pas au quatrième trimestre, la croissance du PIB en volume en 2021 atteindrait 6,6 % ».

En raison des effets d'une croissance plus favorable qu'anticipée sur la prévision de recettes publiques, le rapporteur général avait invité le Gouvernement à réviser son scénario macroéconomique et à amender l'article liminaire du PLF pour 2022 et du second PLFR pour 2021.

Dans ce contexte et comme cela sera développé plus amplement infra ainsi qu'à l'occasion de son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, le rapporteur général observe que le surcroît de recettes publiques enregistré en 2021 et attendu pour 2022 s'explique en bonne partie par la sous-estimation manifeste de la croissance, en fin d'année 2021 .

Décomposition des évolutions entre les différentes prévisions
de croissance pour 2020 et 2021

(en point de PIB, en volume constaté en 2020)

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires et les comptes nationaux de l'INSEE pour les années 2020 et 2021

B. UNE ACCÉLÉRATION DU NIVEAU DES PRIX QUI A PRÉFIGURÉ LA SITUATION DÉSORMAIS OBSERVÉE EN 2022

1. Une progression du revenu des agents soutenue par les administrations publiques

En 2021, le revenu disponible brut (RDB) 2 ( * ) de l'ensemble des agents économiques a progressé de près de 240 milliards d'euros par rapport à l'année 2020. Il s'établit ainsi à 2 654,4 milliards d'euros c'est-à-dire un niveau sensiblement identique en valeur à celui observé en 2019.

Évolution du revenu disponible brut de l'économie française

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

Au total, néanmoins, les agents économiques auront cumulé dans leur ensemble près de 60 milliards d'euros de pertes de revenu disponible brut par rapport à 2019.

Comme cela avait été montré par le rapporteur général à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2020 3 ( * ) , l'essentiel de ces pertes ont été absorbées par les administrations publiques grâce à la mise en oeuvre de diverses mesures de soutien de l'économie et des ménages (activité partielle, fonds de solidarité, report de cotisation et d'imposition etc.) et par le jeu des stabilisateurs automatiques (diminution spontanée des impôts, par exemple).

En cumulé par rapport à l'année 2019, les administrations publiques ont à cet égard absorbé près de 140 milliards de pertes de revenu disponible brut. Cet effort public a contribué à préserver le revenu des ménages et des entreprises.

Ainsi, les ménages et entrepreneurs individuels ont cumulé plus
de 91 milliards d'euros de revenus supplémentaires par rapport à 2019
et,
en 2021, le pouvoir d'achat des ménages (c'est-à-dire le revenu disponible brut des ménages exprimé en volume) a progressé de 2,3 % dépassant même son niveau tendanciel (+ 1,5 % par an en moyenne sur la
période 2014-2019).

Évolution du revenu disponible brut des ménages

(en volume, en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

Les entreprises auraient, quant à elles, accumulé environ 16 milliards d'euros de pertes de revenu disponible brut en 2020 et 2021 par rapport à l'année 2019.

Toutefois, dans la mesure où un certain nombre de mesures de soutien ont été comptabilisées par l'INSEE en « autres transferts en capital à recevoir » (en particulier des annulations d'impôts ou de cotisations sociales) et n'apparaissent pas, de ce fait, dans le RDB, la perte de revenu réel des entreprises pourrait être moins importante.

Ainsi, en cumulé, le montant des autres transferts en capital à percevoir par les entreprises ont progressé de 13 milliards d'euros en 2020 et 2021 par rapport à l'année 2019.

Dès lors, le montant des pertes cumulées enregistrées sur la période par les entreprises pourrait être limité à environ 3 milliards d'euros.

2. Un retour de l'inflation qui ne présente plus désormais un caractère temporaire

Depuis la fin de l'année 2020, l'économie française connait une accélération progressive du niveau de l'inflation - c'est-à-dire une hausse des prix à la production et à la consommation.

Si le phénomène est demeuré modéré au cours de l'année 2021, il s'est amplifié en fin d'année et constitue une source de préoccupation majeure en 2022.

Évolution des prix à la production et à la consommation

(base 100 au quatrième trimestre 2019)

Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux trimestriels de l'INSEE au premier semestre 2022 et les séries relatives à l'évolution de l'indice des prix à la consommation

Au cours de l'année 2021, le phénomène d'accélération de l'inflation peut être divisé en deux principaux facteurs explicatifs :

- la réouverture inégale et « en dent de scie » des économies tout au long de l'année qui a entrainé une hausse sensible des prix à la production ;

- la survenue de tensions d'approvisionnement visant plus spécifiquement l'énergie, qui a contribué à accroitre les prix à la consommation dès le milieu de l'année et plus amplement encore à partir de l'automne.

L'ampleur de l'évolution des prix à la production et les raisons de ce phénomène sont différentes selon les secteurs d'activité concernés.

Modérée dans les services (+ 2,2 % sur un an), l'augmentation des prix de production est particulièrement importante dans le secteur
agricole (+ 8,9 %) et industriel (+ 8,7 %)
et sensible dans le secteur de la construction (+ 4,8 %).

Évolution des prix à la production en France

(base 100 au quatrième trimestre 2019)

Source : commission des finances du Sénat d'après les séries de l'INSEE relatives à l'évolution de l'indice des prix à la production

Dans le secteur agricole , selon le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation 4 ( * ) , les prix - sensibles au cours mondiaux - auraient principalement été tirés à la hausse en raison de récoltes moins importantes que prévues au Canada, en Russie et aux États-Unis, alors même que la demande était particulièrement dynamique.

Dans les secteurs industriels et de la construction , l'évolution des prix de production a été soutenue par la hausse progressive du coût des matières premières , en particulier de l'énergie.

L'augmentation des prix à la production n'a pas été entièrement répercutée sur les prix acquittés par les consommateurs ce qui a contribué à modérer l'inflation des prix à la consommation en 2021.

Toutefois, cette situation a eu pour contrepartie une contraction substantielle du taux de marges des entreprises dans les secteurs les plus exposés à la hausse des prix.

Évolution du taux de marge des entreprises

(en pourcentage de la valeur ajoutée brute des branches)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les comptes trimestriels de l'INSEE pour le premier trimestre 2022

Ainsi, dans le secteur manufacturier, au quatrième trimestre 2021, le taux de marge se situait 5,6 points en dessous de sa moyenne sur la période 2012-2019 . Dans le secteur de la construction, cet écart était d'environ 4,4 %.

La hausse des prix à la consommation (+ 1,6 % en moyenne sur l'année 2021) résulte principalement de l'évolution des coûts de l'énergie à partir du mois de mars 2021. Les causes de cette accélération ont été présentées en détail par le rapporteur général à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2022 précité.

Évolution et décomposition de l'évolution
de l'indice des prix à la consommation des ménages

(taux d'évolution en pourcentage
et en glissement annuel - contribution en point de pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les séries chronologiques relatives à l'évolution des prix à la consommation et la pondération des différents biens et services

Concernant le gaz naturel, la hausse des prix en Europe découlait de plusieurs facteurs :

- d'abord, la demande s'est accrue au cours de l'année 2021 , en particulier en Asie, en raison de la reprise économique au niveau mondial et d'un hiver très rigoureux, ce qui a limité les quantités livrées sur les marchés européens ;

- ensuite , l'offre s'est trouvée de plus en plus contrainte en raison de la saturation des capacités de production en Algérie et en Norvège et d'une baisse tendancielle de la production de gaz en Europe ainsi que des exportations russes ;

- enfin, en raison des effets décrits ci-avant, le niveau des stocks était particulièrement faible en Europe.

L'accélération du prix de l'électricité s'explique quant à elle par sa corrélation avec celle des cours du gaz en raison du fonctionnement du marché européen de l'énergie. En effet, la formation du prix de gros de l'électricité est déterminée par le coût de production de la dernière centrale mobilisée pour satisfaire la demande, la centrale dite « marginale », qui est généralement une centrale à gaz.

L'accélération de l'inflation en 2021 s'est ainsi révélé être un « prélude » au phénomène bien plus massif observé actuellement , l'INSEE anticipant environ + 5,6 % d'inflation en moyenne pour 2022.

À la fin de l'année 2021; le Gouvernement a mis en oeuvre plusieurs dispositifs visant à limiter l'impact de l'inflation sur le revenu des ménages , notamment :

- un gel temporaire de l'évolution des prix du gaz ;

- un chèque-énergie de 100 euros par ménage ;

- une indemnité-inflation défiscalisée de 100 euros pour les personnes ayant des revenus de moins de 2000 euros ;

- la possibilité pour les employeurs de verser une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA) défiscalisée et désocialisée ;

- le versement d'une prime de Noël au profit des bénéficiaires des minimas sociaux.

Dans le seul cas du chèque énergie et de l'indemnité-inflation, le coût prévu pour les finances publiques en 2021 s'élevait à 4,4 milliards d'euros.

C. 2021 MARQUE LE DÉBUT DE LA REMONTÉE DES TAUX D'INTÉRÊT NOMINAUX

En 2021, les taux d'intérêt nominaux des obligations françaises à 10 ans ont évolué par deux fois en terrain positif . Cette situation s'explique par la conjonction de deux facteurs :

- le relèvement progressif des anticipations d'inflation par les investisseurs ;

- l'accentuation du niveau d'incertitudes qui conduit les investisseurs à exiger une prime de risque (prime de terme) plus importante qu'auparavant.

Décomposition des variations de taux nominal à 10 ans de l' overnight index swap 5 ( * ) entre les anticipations d'inflation et la prime de terme

(en pourcentage)

Source : Banque centrale européenne - traduction des services de la commission des finances

Lors de l'examen du premier PLFR pour 2021 6 ( * ) , le rapporteur général avait d'ailleurs indiqué en s'appuyant sur les travaux de la Banque centrale européenne que le renchérissement de la prime de risque expliquait, jusqu'au milieu de l'année 2021, l'essentiel de la hausse des taux d'intérêt nominaux en zone euro.

Malgré l'augmentation du taux nominal au cours de l'année 2021, le taux d'intérêt réel des obligations françaises à 10 ans - c'est-à-dire neutralisé de l'inflation anticipée - est demeuré négatif voire baissier.

Évolution du taux des obligations souveraines françaises à 10 ans

(en pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après la synthèse des taux nominaux publiée par la Banque de France et le niveau du point-mort d'inflation publié par l'Agence France Trésor

Désormais, toutefois, la hausse des taux d'intérêt nominaux ne peut plus être regardée comme un phénomène temporaire et sans conséquences sur le coût de financement des États et doit être plus que jamais prise en considération.

D'une part, depuis le début de l'année 2022, les taux d'intérêt nominaux et réels se sont redressés et tandis que la Banque centrale européenne resserre sa politique monétaire, le risque d'un retour des taux réels en territoire positif ne peut plus être d'emblée écarté.

D'autre part, en raison de l'émission par la France d'obligations indexées sur l'inflation, le montant de la charge de la dette en 2021 a déjà été affecté à la hausse d'environ 2 milliards d'euros.

Cette augmentation de la charge de la dette en 2021 ne constitue, là-aussi, qu'un « prélude » à celle attendue pour 2022 (+ 17,8 milliards d'euros pour les seules obligations indexées par rapport à la loi de finances initiales d'après le Haut Conseil des Finances Publiques 7 ( * ) ) et dans les années à venir sous l'effet de la hausse des taux.

II. DES FINANCES PUBLIQUES QUI RESTENT FORTEMENT DÉGRADÉES

A. DES RECETTES PUBLIQUES SOUS-ÉVALUÉES EN PRÉVISION ET DES DÉPENSES EXÉCUTÉES À UN NIVEAU MOINS IMPORTANT QU'ANTICIPÉ

1. La prévision des prélèvements obligatoires était particulièrement pessimiste, conduisant à présenter un surcroît de recettes plus important en fin d'année
a) Des recettes publiques en hausse en 2021 mais dont le niveau aurait pu être mieux anticipé

En 2021, les recettes publiques progressent de 8,4 % pour s'établir
à 1 314,9 milliards d'euros soit 52,6 % du PIB
en hausse de 0,1 point par rapport à 2020 et de 0,3 point par rapport à 2019.

Les prélèvements obligatoires, hors ceux prélevés au profit de l'Union européenne, s'élèvent à 1 102 milliards d'euros soit 44,1 % du PIB, en hausse de 90 milliards d'euros par rapport à 2020 et de 38 milliards d'euros par rapport à 2019.

Le rendement des prélèvements obligatoires est supérieur en 2021 aux prévisions fournies par le Gouvernement à l'occasion de toutes les lois de finances et du programme de stabilité 2021 : projet de loi de finances initiale pour 2021 (+ 24 milliards d'euros), du programme de stabilité pour les années 2021 à 2027 (+ 58 milliards d'euros), du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 ( idem ), du projet de loi de finances pour 2022 (+ 27 milliards d'euros) et du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021 ( idem ).

L'écart à la plus récente prévision s'explique par trois facteurs qui sont par ordre d'importance :

- une sous-estimation de l'évolution du déflateur du PIB (qui mesure la variation des prix à la production) évalué à + 0,5 % contre + 1,3 % réalisé ;

- une sous-estimation de la croissance du PIB en volume en 2021 évalué à + 6,25 % contre + 6,8 % réalisé ;

- une sous-estimation du niveau de l'élasticité 8 ( * ) du rendement des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB évalué à l'unité
contre 1,1 réalisé.

Une prévision de recettes plus proche de l'exécution aurait pu être réalisée par le Gouvernement à l'occasion de la révision du scénario macro-économique sous-jacent au projet de loi de finances pour 2022, comme le rapporteur général l'avait d'ailleurs indiqué lors de l'examen de ce texte 9 ( * ) .

D'une part, il avait été démontré dans le tome I du rapport général sur le projet de loi de finances pour 2022 10 ( * ) que le taux de croissance du PIB en volume de + 6,25 % retenu alors par le Gouvernement apparaissait « excessivement prudent » : en effet, si l'activité n'avait pas évolué au quatrième trimestre, le PIB aurait a minima augmenté de 6,6 %.

D'autre part, le niveau du déflateur du PIB retenu (+ 0,5 %) apparaissait également très prudent puisque, là-encore, si l'activité s'était maintenue aux niveaux constatés au troisième trimestre par l'INSEE, le déflateur aurait atteint au moins + 0,6 %.

En outre, les projections les plus récentes réalisées après la publication des comptes trimestriels par l'INSEE et avant la révision du scénario macroéconomique permettaient d'anticiper des niveaux de croissance et de déflateur du PIB plus proches de ceux finalement constatés que ceux retenus par le Gouvernement. À cet égard, à la date de révision du scénario macroéconomique du PLF pour 2022, l'institut Oxford Economics évaluait la croissance 2021 à + 6,8 % et le déflateur du
PIB à + 0,8 %.

Comparaison des prévisions et de la réalisation de rendement
des prélèvements obligatoires en 2021

(en milliards d'euros)

* Dans ce scénario, la croissance en volume est estimée à + 6,6 % et le déflateur du PIB à + 0,6 % ce qui correspondait, au regard des informations disponibles fin novembre 2021, au niveau qui aurait été atteint si l'activité avait stagné au quatrième trimestre.

** Dans ce scénario, la croissance en volume est estimée à + 6,8 % et le déflateur du PIB à + 0,8 % ce qui correspond à la prévision de l'institut Oxford Economics après la publication par l'INSEE des comptes du troisième trimestre 2021. Cette prévision est, concernant le niveau de croissance, cohérente avec l'orientation de l'activité à date et, concernant le déflateur, cohérente avec l'accélération de la hausse du niveau des prix observés sur la période.

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires, les comptes nationaux de l'INSEE au troisième trimestre 2021, les comptes nationaux annuel de l'INSEE pour l'année 2021 et les publications d'Oxford Economics

Ainsi, le niveau des prélèvements obligatoires évalués pour 2021 lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022 et du second projet de loi de finances rectificative pour 2021 aurait pu s'élever au plus bas à 1 090 milliards d'euros et au plus à 1 095 milliards d'euros.

Dans ce contexte , l'écart avec la réalisation se situerait plutôt entre 12 et 17 milliards d'euros , soit moitié moins que les 30 milliards d'euros que le Gouvernement affiche en tenant compte d'une prévision sous-évaluée, afin de vanter la pertinence de sa politique économique au cours du quinquennat.

Cette présentation est d'autant plus contestable qu'en réalité ce surcroît de recettes s'explique d'abord et avant tout par l'augmentation plus rapide qu'anticipé du niveau des prix .

b) Une baisse du rendement des impôts de production

Au sein des prélèvements obligatoires - parmi lesquels les cotisations sociales représentent plus du tiers de l'ensemble - on peut noter, en 2021, la contraction du rendement des impôts divers sur la production sous l'effet de la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la réforme de la cotisation foncière des entreprises prévues en loi de finances initiale pour 2021. À l'inverse, le rendement de l'impôt sur les sociétés augmente substantiellement (+ 13,4 milliards d'euros par rapport à l'année 2019).

Évolution du rendement des prélèvements obligatoires

(en milliards d'euros)

Source : calculs de la commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

Outre les prélèvements obligatoires, les recettes publiques augmentent de 25 milliards d'euros en 2021 par rapport à 2020, soit une variation favorable de 15 %. Plus de la moitié de ces recettes nouvelles hors prélèvements obligatoires s'explique toutefois par le versement par l'Union européenne des crédits afférents au financement du plan de relance, pour 14,4 milliards d'euros en comptabilité nationale

Ainsi, en dehors de ce versement, les recettes hors prélèvements obligatoires augmentent de 6,3 % soit moins que la croissance du PIB en valeur.

Au total, près de la moitié des recettes publiques (47,1 %) reviennent, après transferts éventuels, aux administrations de sécurité sociales.

Répartition des recettes publiques entre les différentes catégories d'administrations publiques en 2021

(en pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

2. Les opérateurs et les collectivités locales ont moins dépensé que ce qui était anticipé

Les dépenses publiques progressent de 4 % en 2021 pour s'établir
à 1 460 milliards d'euros
hors crédits d'impôts, soit environ 10 milliards d'euros de moins que les montants évalués pour 2021 lors de l'examen
du PLF pour 2022.

Parmi les dépenses publiques, environ 58,2 milliards d'euros correspondent à des mesures de soutien engagés pour réduire les effets de la crise sanitaire sur le revenu des ménages et des entreprises.

Synthèse des mesures de soutien et de relance
mises en oeuvre face à la crise sanitaire

(en milliards d'euros)

Coût des mesures en dépenses de soutien face à la crise sanitaire

2020

2021

Activité partielle (AP) y compris congés payés (hors part AP longue durée du plan de relance)

25,8

8,5

Fonds de solidarité et aides annexes, y compris sport montagne culture

15,9

23,9

Dépenses de santé

14,0

18,0

Trésorerie de l'Agence de services et de paiement (ASP) et de Santé publique France (SPF)

-0,9

0,0

Prolongation des revenus de remplacement et décalage de l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance-chômage

3,9

5,3

Autres mesures de soutien spécifiques (masques, permittents, etc.)

6,4

1,9

Sinistralité des prêts garantis par l'Etat (PGE), nette des primes

-0,2

-0,4

Autres dépenses sous norme pilotable

0,0

1,0

Total

64,9

58,2

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire du rapporteur général

En outre, les administrations publiques ont mobilisé 32,9 milliards d'euros de crédits dans le cadre du plan de relance en 2021 sur lesquels 14,4 milliards d'euros sont couverts par des financements européens.

Dans ce contexte, le coût net des financements européens des dépenses de soutien et de relance s'élève, en 2021, à 76,7 milliards d'euros ce qui est cohérent avec l'évaluation d'environ 80 milliards d'euros (nets des financements européens) sous-jacente au scénario de finances publiques du PLF pour 2022.

En définitive, le montant des dépenses publiques retraitées de la charge des intérêts de la dette (34,7 milliards d'euros) et des dépenses de soutien et de relance s'élève à 1 334,2 milliards d'euros, hors crédits d'impôts.

Les dépenses primaires « hors crise sanitaire » progressent ainsi
de + 0,8 % en 2021 contre + 1,9 % attendu
selon la prévision inscrite au PLF pour 2022.

Si ce résultat meilleur que prévu peut être salué, il procède toutefois de deux effets qui échappent au Gouvernement :

- d'une part, les opérateurs publics et les collectivités locales ont moins dépensé qu'attendu , en particulier pour réaliser des investissements dans le cas de ces dernières ;

- d'autre part , l'inflation hors tabac a été un peu plus forte
qu'anticipé
(+ 1,6 % contre + 1,4 % inscrit au scénario sous-jacent au PLF pour 2022) ce qui a mécaniquement pour effet de réduire le niveau de la dépense en volume.

Ainsi, l'on ne peut que constater, pour cette année encore, que les gouvernements qui se sont succédés sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron ont totalement relâché leurs efforts de maîtrise de la dépense publique passé la première année . Ainsi, alors qu'au cours des deux premières années du précédent quinquennat, la dépense primaire avait évolué en volume de 0,7 % par an en moyenne, elle a par la suite augmenté d'environ 1,4 % par an.

Évolution de la dépense primaire hors mesures de soutien
et de relance liées à la crise sanitaire en euros constants

(en milliards d'euros 2014)

Source : calculs de la commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire et les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

B. UN SOLDE ET UN ENDETTEMENT PUBLICS PARTICULIÈREMENT PRÉOCCUPANTS MÊME S'ILS SONT FINALEMENT MOINS DÉGRADÉS QUE PRÉVU

1. Le solde public s'améliore par rapport à 2020 mais demeure à un niveau très élevé en comparaison européenne

En 2021, le déficit public s'établit à 6,4 % du PIB, soit 160,7 milliards d'euros, après 8,9 % atteint en 2020 . Ce résultat est « meilleur » d'environ 0,5 point de PIB par rapport à l'estimation de déficit actualisée inscrite au deuxième PLFR pour 2021. Corrigé des dépenses de soutien et de relance, le déficit public s'établirait à 2,8 % du PIB soit environ 69,6 milliards d'euros.

L'essentiel du déficit est porté par l'État tandis que les administrations locales parviennent quasiment à l'équilibre et que le déficit des administrations de sécurité sociale s'est réduit de près de 30 milliards d'euros.

Ventilation du solde public
entre les différentes catégories d'administrations publiques

(en points de PIB)

Source : commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

Le solde public demeure à un niveau particulièrement élevé notamment en comparaison de nos partenaires européens. Il se situe 1,7 point de PIB au-dessus de la moyenne de la zone euro et 2,7 points au-dessus de celui de l'Allemagne.

Comparaison des soldes publics au sein
de l'Union européenne en 2021

(en points de PIB)

Source : commission des finances d'après Eurostat

Comme cela est développé infra , ce niveau de déficit s'accompagne d'un fort taux d'endettement, ce qui ne manque pas d'interroger sur la stratégie à venir du gouvernement pour consolider nos comptes publics.

Par ailleurs, la décomposition du solde public entre ses composantes structurelles et non structurelles laisse apparaître une dégradation très sensible du solde structurel (-3,3 point de PIB potentiel) qui s'établirait
à - 4,4 % du PIB potentiel en 2021.

Pour mémoire, le solde structurel permet d'estimer le niveau du déficit qui n'est pas lié aux effets de la conjoncture économique. Son évolution d'une année sur l'autre constitue l'ajustement structurel.

Décomposition du solde public
entre ses différentes composantes

(en points de PIB pour le solde conjoncturel - en point
de PIB potentiel pour les autres composantes)

Source : commission des finances d'après l'article liminaire du projet de loi de règlement pour 2021

En 2021, l'intérêt d'analyser le solde structurel présente toutefois un certain nombre de limites rappelé dès l'examen du premier PLFR pour 2021 par le rapporteur général.

D'une part, le solde structurel tel qu'il est présenté à l'article liminaire du projet de loi de règlement est calculé en référence au PIB potentiel inscrit en loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022.

Or ce dernier est désormais obsolète dans la mesure où la survenue de la crise sanitaire a réduit la croissance potentielle par rapport à sa trajectoire initialement prévue.

Cette situation avantage le Gouvernement, tout du moins au plan de la présentation comptable . En effet, quoique le Gouvernement n'a pas fourni d'estimation actualisée sur ce point depuis l'examen du PLF pour 2022, le PIB potentiel en 2021 se trouve - selon toute vraisemblance - inférieur à celui inscrit pour 2021 en loi de programmation des finances publiques.

Il en découle que l'écart de production 11 ( * ) - qui intervient dans le calcul du solde conjoncturel - est probablement moins important à celui qui se déduit de l'application de la trajectoire de PIB potentiel
inscrite en LPFP.

Le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) note, ainsi, dans son avis sur le projet de loi de règlement pour 2021 12 ( * ) qu'en tenant compte du scénario de croissance potentielle sous-jacent à la loi de finances initiale pour 2022, le solde structurel serait égal à 5,4 points de PIB soit un point de plus que celui inscrit à l'article liminaire.

Le débat reste toutefois ouvert puisque le niveau « correct » du PIB potentiel en 2021 et en 2022 continue de demeurer l'objet d'interrogations.

D'autre part, la comparaison entre les soldes structurels des
années 2020 et 2021 est rendue difficile voire inopérante en raison du choix du Gouvernement de classer en mesures temporaires et exceptionnelles celles prises pour soutenir les ménages et les entreprises en 2020 dans le cadre de la crise sanitaire (71,5 milliards d'euros).

Le coût de ces mesures a ainsi été écarté du calcul des composantes structurelles et conjoncturelles en 2020, mais pas en 2021 puisque, étant appelées à se maintenir, elles ne disposaient plus d'un caractère exceptionnel et temporaire.

2. L'endettement public français supérieur de plus de 40 points de PIB à celui de l'Allemagne

Après avoir augmenté de 17,2 points de PIB en 2020 pour s'établir
à 114,6 % du PIB, la dette publique diminue de 2,1 points de PIB et s'élève,
en 2021, à 2 813,1 milliards d'euros.

La réduction du niveau de l'endettement comparativement au PIB a bénéficié d'un effet « boule de neige » particulièrement favorable (- 7,3 %) en raison du faible niveau du taux apparent de la dette publique (1,3 %) et du haut niveau de la croissance en valeur (8,2 %).

Qu'est-ce que l'effet « boule de neige » ?

D'une année sur l'autre, la variation du taux d'endettement peut être décomposée comme la somme de trois facteurs.

Premièrement, le solde primaire, qui correspond au solde public hors charge de la dette.

Deuxièmement, l'ajustement stock-flux, qui correspond à la partie de la variation de l'endettement qui n'est pas reflétée dans le déficit (par exemple, les recettes tirées des privatisations n'ont pas d'effet sur le déficit car elles constituent une opération financière au sens de la comptabilité nationale mais permettent de diminuer la dette).

Troisièmement, le différentiel entre le taux d'intérêt moyen que les administrations publiques paient sur leur dette (dit taux d'intérêt « apparent ») et le taux de croissance nominal de l'économie, multiplié par le taux d'endettement initial.

Ce dernier facteur est communément désigné sous le terme d'effet « boule de neige ». En effet, lorsque le taux d'intérêt apparent est supérieur au taux de croissance nominal, il implique que l'endettement continue d'« augmenter tout seul » même si l'équilibre primaire est atteint - et ce dans des proportions d'autant plus importantes que le stock de dette initial est élevé.

À titre d'exemple, si le solde public primaire est nul et que la dette publique atteint 100 % du PIB, le numérateur du ratio d'endettement va s'accroître du montant de la charge de la dette, tandis que le dénominateur évolue au même rythme que le taux de croissance nominal. Si le taux d'intérêt est supérieur au taux de croissance nominal, le numérateur augmente plus vite que le dénominateur. Par conséquent, le ratio d'endettement augmente, alors même que l'équilibre primaire est atteint. On parle alors d'effet « boule de neige » défavorable. Ce phénomène est susceptible de s'auto-entretenir, si bien que stabiliser l'endettement requiert de dégager un excédent primaire toujours plus élevé.

À l'inverse, si le taux d'intérêt moyen payé sur la dette est inférieur au taux de croissance nominal, un solde primaire à l'équilibre - ou même légèrement négatif - suffit pour diminuer l'endettement. On parle alors d'effet « boule de neige » favorable.

Source : rapport n° 406 (2019-2020) d'Albéric de Montgolfier relatif au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, fait au nom de la commission des finances et déposé le 21 avril 2020, p. 38

À l'inverse, la dégradation du solde primaire - sous l'effet notamment du coût des mesures de soutien et de relance face à la crise sanitaire - tire à la hausse l'endettement public de près de 5 points de PIB.

Décomposition des facteurs d'évolution de l'endettement public

(en points de PIB)

Lecture : en 2021, le rapport entre le montant de la dette publique et le PIB diminue de 2,1 points par rapport à 2020. L'effet « boule de neige » contribue à réduire ce niveau de 7,3 points mais ce résultat est compensé en partie par le déficit primaire qui lui tire à la hausse le niveau de l'endettement de 5 points de PIB. La somme de ces deux contributions ainsi que celle de l'ajustement stock-flux correspond à la variation de l'endettement public.

Source : calculs de la commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

L 'année 2021 constitue sans doute le premier exercice d'une période marquée par une hausse durable du taux apparent de la dette publique et de la charge de la dette.

En effet, le taux apparent de la dette publique - qui désigne le rapport en pourcentage entre la charge de la dette d'un exercice et le stock de dette de l'année précédente - augmente en 2021 pour la première fois depuis 2011.

Cette situation résulte de l'augmentation de la charge de la dette publique qui s'élève à 34,7 milliards d'euros en 2021 en hausse de 5 milliards d'euros par rapport à 2020 et dépasse de près de 2 milliards d'euros la prévision inscrite pour 2021 à loi de finances initiale pour 2022.

Évolution de la charge de la dette
et du taux apparent de la dette publique

(en points de PIB)

Source : calculs de la commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021

Le relèvement de la charge de la dette publique s'explique par l'accélération de l'inflation qui entraine une augmentation du coût des intérêts versés sur les obligations assimilables du Trésor indexées (OATi).

Comme l'examen à venir du projet de loi de finances rectificative pour 2022 le confirmera, il est désormais clair que la donne a changé en matière de maîtrise du coût de refinancement de la dette publique.

Enfin, le rapporteur général rappelle qu'en comparaison européenne, la France se caractérise - même si elle n'est pas la seule - par un niveau d'endettement particulièrement important. Celui-ci dépasse ainsi de près de 25 points de PIB le niveau d'endettement moyen au sein de l'Union européenne et de près de 44 points de PIB l'endettement public allemand.

Comparaison des ratios d'endettement public au sein
de l'Union européenne en 2021

(en points de PIB)

Source : commission des finances d'après Eurostat

III. MALGRÉ UN SURCROÎT IMPORTANT DE RECETTES, LE BUDGET DE L'ÉTAT RESTE TRÈS DÉSÉQUILIBRÉ EN 2021

A. LA SITUATION BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE AFFAIBLIT LES MARGES DE MANoeUVRE POUR L'AVENIR

1. Le déficit budgétaire demeure en 2021 à un niveau exceptionnel et proche de celui atteint en 2020

Le déficit budgétaire s'établit en 2021 à un niveau de 170,8 milliards d'euros , soit une amélioration de 7,3 milliards d'euros par rapport au déficit budgétaire de 178,1 milliards d'euros enregistré en 2020.

Évolution du solde budgétaire entre 2020 et 2021

(en milliards d'euros)

BG : budget général. PSR : prélèvements sur recettes. BA : budgets annexes.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2021

En 2020 , l'exécution budgétaire avait été marquée aussi bien par une augmentation historique des dépenses , tout particulièrement dans le cadre de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » qui avait mobilisé 40,9 milliards d'euros de crédits de paiement, que par un effondrement des recettes de 28,3 milliards d'euros.

En 2021 , au contraire, les recettes du budget général progressent de 38,2 milliards d'euros , en lien avec la reprise de l'économie.

Les dépenses , elles, continuent à augmenter . Celles relevant du plan d'urgence ne diminuent que de 7,5 milliards d'euros, alors que celles de la mission « Plan de relance », pour leur première année d'exécution, atteignent 18,8 milliards d'euros.

La forte baisse des remboursements et dégrèvements, supérieure à 20 milliards d'euros, résulte, pour près des trois quarts, de la réforme de la fiscalité locale, qui a eu pour effet collatéral de mettre fin aux dégrèvements de taxe d'habitation à destination des collectivités territoriales, ainsi que du dégrèvement barémique de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises reversé aux collectivités.

Au-delà de ces dépenses présentées comme temporaires, celles mesurées sur la norme de dépenses pilotables elles-mêmes progressent de 7,5 milliards d'euros .

Les principaux déterminants de l'évolution des recettes et des dépenses seront présentés infra .

2. L'accroissement du déficit résulte principalement d'une hausse des dépenses d'intervention

L'examen de la présentation du budget en section de fonctionnement et en section d'investissement, telle qu'elle est annexée au projet de loi de règlement, permet de porter un regard sur les encaissements et décaissements en fonction de leur nature et indépendamment de leur rattachement budgétaire (budget général, budgets annexes, comptes spéciaux). Ces informations peuvent être complétées par celles de la comptabilité générale pour mieux comprendre l'évolution des charges de l'État.

Les sections de fonctionnement et d'investissement du budget de l'État en 2021

(en milliards d'euros)

Section de fonctionnement

Section d'investissement

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2021

Sur quatre ans, entre 2017 et 2021, le déficit de la section de fonctionnement est passé de 49,3 milliards d'euros à 144,2 milliards d'euros . Il convient de rappeler toutefois que la notion de section de fonctionnement et de section d'investissement présente des limites pour l'État. Par exemple, le produit des impôts et taxes est classé entièrement en section de fonctionnement, alors qu'ils peuvent financer in fine des investissements, et son action en matière économique passe moins par les dépenses d'investissement proprement dites que par les dépenses d'intervention et de transfert à l'égard des autres acteurs (entreprises, collectivités, ménages) qui sont classées parmi les dépenses de fonctionnement.

S'agissant des ressources de la section de fonctionnement, le produit des impôts et taxes , était quasiment identique en 2021 et en 2017 (respectivement 295,7 milliards d'euros et 295,6 milliards d'euros), après une chute temporaire pendant la crise sanitaire en 2020 (256,0 milliards d'euros). L'effet de la croissance économique a en effet été contrecarré par des mesures de diminution des impôts et de transfert vers les autres administrations.

La croissance du déficit de la section de fonctionnement provient donc des dépenses.

a) Les dépenses d'intervention et de transfert connaissent une hausse historique

Si les dépenses de personnel ont connu une augmentation modérée de 7,1 milliards d'euros en quatre ans, les dépenses d'intervention, elles, ont augmenté de près de 90 %, passant de 90,0 milliards d'euros en 2017 à 168,4 milliards d'euros en 2021, ce qui explique la plus grande partie de l'évolution des autres charges de gestion courante.

En comptabilité générale, les transferts aux entreprises ont été en 2021 de 68,8 milliards d'euros , soit une hausse de 11,0 milliards d'euros. Ces transferts étaient de 17,0 milliards d'euros seulement en 2019, soit une multiplication par plus de quatre en deux ans . Cet accroissement exceptionnel illustre l'importance du soutien à l'activité économique en réponse à la crise sanitaire, à travers notamment les mesures portées par les missions « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et « Plan de relance ».

Les transferts aux collectivités territoriales atteignent 63,8 milliards d'euros en 2021, correspondant à une diminution de 12,3 milliards d'euros par rapport à 2020. Cette évolution résulte principalement de la réforme de la fiscalité locale, qui a fortement réduit les remboursements et dégrèvements sur créances d'impôts locaux. Les prélèvements sur recettes connaissent une hausse de 1,4 milliard d'euros.

Enfin, les transferts aux ménages atteignent 60,0 milliards d'euros, en hausse de 1,8 milliard d'euros. Les principaux déterminants sont la diminution des dépenses relatives à certaines aides, telles que les aides au logement (baisse liée notamment au recalcul de ces aides en temps réel), qui sont plus que compensées par la création ou l'extension de dispositifs d'aides tels que l'indemnité inflation (2,9 milliards d'euros), la prime exceptionnelle aux « permittents » (1,3 milliard d'euros), la prime de rénovation énergétique MaPrimeRénov' (1,3 milliard d'euros) ou encore l'aide à l'achat de véhicules propres (1,4 milliard d'euros).

b) Même en progression, les dépenses d'investissement de l'État, restent systématiquement sous-exécutées

Les dépenses d'investissement sont faibles pour l'État, car l'essentiel de son action en matière économique passe par des dépenses de transfert vers les autres acteurs (collectivités, entreprises, ménages), déjà présentées supra et non par des investissements directs. Elles ont toutefois connu une croissance notable en proportion, passant de 16,1 milliards d'euros à 22,8 milliards d'euros.

Il faut cependant souligner, comme le fait la Cour des comptes dans le rapport sur le budget de l'État en 2021, que les dépenses d'investissement sont systématiquement inférieures en exécution au niveau prévu en loi de finances rectificative. L'écart est de 17,3 % en 2021 et de 15,2 % en moyenne sur les six dernières années . Il s'explique notamment par des retards sur des chantiers immobiliers de l'administration ou dans les processus de sélection de projets pour le ministère de la transition écologique, mais aussi par la consommation en dépense de fonctionnement de certaines dépenses prévues en dépenses d'investissement. Dans tous les cas, cette sous-exécution réduit la portée de l'autorisation parlementaire .

3. La situation patrimoniale continue à se dégrader

Définie comme la différence entre les actifs (biens immatériels, immobiliers, mobiliers, participations financières, stocks, créances, trésorerie active) et les passifs (dette financière, dettes non financières, provisions pour risques et charges, trésorerie passive) du bilan de l'État, la situation nette reflète l'enrichissement ou l'appauvrissement .

La situation nette de l'État se dégrade ainsi de 119,8 milliards d'euros en 2021, après une dégradation encore plus importante de 165,0 milliards d'euros en 2020.

Elle résulte d'une augmentation du passif de 175,5 milliards d'euros (voir notamment infra pour l'accroissement des dettes financières), partiellement compensée par une hausse de l'actif de 55,7 milliards d'euros.

Les immobilisations financières , dont la valeur est de 391,3 milliards d'euros à la fin 2021, soit 32 % de l'actif de l'État, sont ainsi en hausse de 12,2 milliards d'euros , soit 3,2 %. Cette hausse s'explique principalement par celle des participations de l'État dans les entreprises qu'il contrôle (+ 10,0 milliards d'euros). L'État contrôle 638 entités, dont la valeur d'équivalence 13 ( * ) est de 191,3 milliards d'euros, soit 16,0 % de son actif. L'État possède en outre des participations dans 903 entités, sans exercer de contrôle sur elles (valeur d'équivalence de 125,3 milliards d'euros, soit 10 % de l'actif de l'État).

La société EDF parmi les immobilisations financières de l'État

Ainsi, alors que la Première ministre vient d'annoncer la nationalisation complète d'EDF, cette société est déjà la plus importante des entités contrôlées par l'État, avec une valeur d'équivalence de 36,7 milliards d'euros 14 ( * ) , devant Bpifrance (26,1 milliards d'euros ») et SNCF SA (14,6 milliards d'euros).

La valeur d'EDF dans le bilan de l'État a augmenté l'an passé de 3,4 milliards d'euros en 2021, dont 1,2 milliard d'euros sous la forme de dividendes payés en actions et 2,3 milliards d'euros par l'accroissement de la valeur d'équivalence, résultant de la hausse de ses capitaux propres et de ses résultats bénéficiaires.

En 2022, l'État a décidé de souscrire à une opération de recapitalisation de l'entreprise, dont les comptes sont menacés par les mesures de maîtrise du coût de l'énergie. Les disponibilités du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ont été mobilisées au mois de mars 2022 pour acquérir des actions pour un prix total de 120 millions d'euros.

La Cour des comptes, dans son rapport sur la certification des comptes de l'État en 2021, considère que la valeur de la participation de l'État dans EDF figurant dans les comptes de l'État, soit 36,7 milliards d'euros, est surestimée de 9 milliards d'euros environ . En effet, elle est calculée par rapport à la quote-part de détention directe (73,3 %) des capitaux propres consolidés, mais il conviendrait de soustraire de ces derniers des titres subordonnées à durée indéterminée (TSDI), c'est-à-dire des obligations offrant des options de remboursement et de rémunération sous le seul contrôle d'EDF, qui ont été souscrits, pour un montant de 12,3 milliards d'euros, par des tiers et non par l'État.

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État et du rapport sur le budget de l'État de la Cour des comptes

Parmi les entités non contrôlées , les participations les plus importantes concernent la Caisse des dépôts et consignations ou CDC (31,6 milliards d'euros, dont 7,6 milliards d'euros pour le fonds d'épargne), la Banque de France (26,3 milliards d'euros) et deux institutions internationales : le FMI (18,5 milliards d'euros) et le Mécanisme européen de stabilité ou MES (16,3 milliards d'euros).

La Cour des comptes critique toutefois le classement de la CDC en entité non contrôlée , notant par exemple que l'État, même s'il ne dispose pas de la majorité des droits de vote, peut s'opposer aux décisions d'investissement et rejeter le budget : la valorisation de la CDC en entité contrôlée représenterait une valeur d'équivalence de 48,2 milliards d'euros. En outre, elle fait valoir que le fonds d'épargne ne dispose pas de la personnalité juridique et ne devrait donc pas être classé parmi les participations financières de l'État.

4. La gestion budgétaire des années passées limite les marges de manoeuvre pour faire face aux chocs futurs

L'État dispose de certaines ressources pour financer les dépenses nouvelles, par exemple le niveau élevé de trésorerie qu'il a accumulé en 2020 en conduisant un programme d'émission de dette très supérieur aux besoins de financement du déficit. Cette ressource est mobilisée, aux côtés du surcroît de recettes fiscales, pour financer les nouvelles crises survenues en 2022, comme le propose le premier projet de loi de finances rectificative, déposé le 7 juillet 2022.

Toutefois, les décisions prises ces dernières années ont engagé l'avenir de manière marquée .

Comme le rapporteur général l'avait déjà observé en examinant le projet de loi de finances pour 2022 15 ( * ) , sur l'ensemble du budget général, les restes à payer, c'est-à-dire les dépenses qui devront être effectuées dans les années à venir pour répondre aux engagements déjà pris, ont augmenté de plus de moitié depuis 2017. Sur la seule année 2021, ils enregistrent une progression de 51,5 milliards d'euros, soit + 38,7 %.

Évolution des restes à payer depuis 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement

Les trois principales missions concernées sont les missions « Défense » (+ 59,4 % en quatre ans), mission « Écologie, mobilité et développement durables » (+ 26,6 %) et « Justice » (+ 17,8 %).

En outre certaines mesures nouvelles, prises depuis la crise sanitaire, ont vocation à être pérennisées et renouvelées, telles que les revalorisations de salaires, la prime de rénovation énergétique ou le fonds friches.

Dans le même temps, la charge de la dette a vocation à augmenter avec la reprise de l'inflation et la hausse des taux (voir infra ).

C'est d'une manière générale les marges de manoeuvre budgétaires qui seront limitées dans les années à venir , rendant particulièrement difficiles la réalisation de l'objectif fixé par le Gouvernement de réduction à 3 % du déficit public en 2027 . Seule une action déterminée sur le périmètre du budget de l'État pourra y parvenir.

B. LES RECETTES FISCALES NETTES AUGMENTENT DE 15,5 % PAR RAPPORT À 2020

Les recettes fiscales nettes sont de 295,7 milliards d'euros en 2021, en hausse de 39,8 milliards d'euros par rapport à 2020 , soit un fort rebond (+ 15,5 %) en un an.

Elles rejoignent le niveau atteint en 2017 et 2018, alors même que d'importants transferts de parts de TVA, ainsi que certaines réductions d'impôt, ont réduit les recettes fiscales de l'État depuis 2018.

Évolution des recettes fiscales nettes de 2012 à 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois et projets de loi de règlement

Cette hausse résulte de l'évolution spontanée du produit des impôts, c'est-à-dire l'effet de la conjoncture économique, qui correspond à 46,5 milliards d'euros, en particulier sur la TVA (+ 16,4 milliards d'euros) et l'impôt sur les sociétés (+ 13,6 milliards d'euros).

Cet effet est partiellement contrebalancé par celui des mesures de transfert entre l'État et les collectivités territoriales (part de TVA à la suite de la réforme de la fiscalité locale et la suppression de la taxe d'habitation) et de la poursuite de la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés. La rebudgétisation de la part de TICPE affectée au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » accroît, elle, les recettes affectées au budget général.

Les résultats pour chaque grand impôt en 2021 sont présentés plus en détail infra .

L'évolution à moyen terme illustre, une nouvelle fois, les changements importants qui, surtout depuis 2018, ont affecté la décomposition des recettes fiscales nettes de l'État selon les quatre grands impôts . Le produit de la TVA revenant à l'État, qui était naguère plus du double de celui de l'impôt sur le revenu, a chuté de près de 40 % en trois ans, tandis que ce dernier, qui n'a pas fait l'objet de réformes aussi importantes, a progressé de manière régulière. Le produit de l'impôt sur les sociétés a suivi les fluctuations de la conjoncture économique, souvent en les amplifiant car il est assis sur les bénéfices et non sur la totalité de la production.

Évolution des principales recettes fiscales nettes de l'État
de 2012 à 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois et projets de loi de règlement

1. Les recettes d'impôt sur le revenu ont été peu affectées par la crise sanitaire

Les recettes d' impôt net sur le revenu correspondent en 2021 à 78,7 milliards d'euros , contre 74,0 milliards d'euros en 2020, soit une hausse de 4,7 milliards d'euros ou de 6,4 %, et 71,7 milliards d'euros en 2019. Le produit de cet impôt n'a pas été affecté de manière importante par la crise sanitaire, notamment en raison des mesures de soutien aux entreprises et aux ménages.

La hausse en 2021 correspond pour l'essentiel à la croissance spontanée (+ 4,3 milliards d'euros), c'est-à-dire à l'augmentation du produit résultant de la variation des revenus et des crédits d'impôts, hors effet des mesures nouvelles. La croissance de la masse salariale soumise à cotisations sociales a en effet été de 8,9 % en 2021, les emplois salariés ayant augmenté de 3,7 % sur un an 16 ( * ) .

2. Les recettes d'impôt sur les sociétés reprennent bien au-delà des prévisions, en lien avec la reprise économique

Les recettes d' impôt net sur les sociétés sont de 46,3 milliards d'euros , contre 36,3 milliards d'euros en 2020, soit une augmentation de 10,0 milliards d'euros ou 27,5 % .

Plusieurs mesures nouvelles ont eu un effet à la baisse sur le produit d'impôt net sur les sociétés, en premier lieu desquelles la poursuite de la trajectoire de baisse du taux d'imposition de 33 % à 25 % (- 3,7 milliards d'euros).

L' augmentation spontanée est toutefois à un niveau encore plus élevé, avec 13,1 milliards d'euros, soit + 36,1 %. Cette évolution est très différente de celle prévue par la loi de finances initiale, qui anticipait une quasi-stabilité de l'impôt comme de ses composantes.

Décomposition de l'évolution du produit d'impôt net sur les sociétés
(prévision et réalisation)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Les facteurs de cette augmentation, identifiés par la Cour des comptes 17 ( * ) , sont multiples. Ainsi, les prévisions de recettes faites en loi de finances initiale pour 2021 puis dans la première loi de finances rectificative étaient sans doute trop pessimistes . Elles ont prévu que la chute du bénéfice fiscal en 2020, résultant des fermetures d'activité, aurait un impact important sur 2021 ; or il a surtout affecté l'exécution 2020.

En outre, le montant du dernier acompte versé en 2021 a été exceptionnellement élevé , avec un niveau de 10,1 milliards d'euros 18 ( * ) . Selon l'analyse de la Cour, il est possible que les entreprises aient versé un cinquième acompte d'un niveau plus élevé qu'anticipé par l'administration fiscale, ce qui conduirait à un versement de solde beaucoup plus faible courant 2022 19 ( * ) .

Enfin, les exonérations portant sur les aides versées par le fonds de solidarité pour les entreprises, en réponse aux effets de la crise du covid-19, ont diminué de 2,5 milliards d'euros les recettes fiscales d'impôt sur les sociétés en 2021.

3. Les recettes de TICPE revenant à l'État sont accrues par la reprise des déplacements et plus encore par des effets de périmètre

Les recettes de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) nette revenant à l'État sont de 18,3 milliards d'euros en 2021 , contre 6,9 milliards d'euros en 2020, soit une hausse de 11,4 milliards d'euros ou 165,2 %.

Cette augmentation est bien sûr liée à la reprise de l'activité et à l'absence de mesure stricte de limitation des déplacements automobiles. L'effet de cette croissance spontanée (c'est-à-dire non liée directement à des mesures portant sur les modalités de l'impôt) est de + 2,6 milliards d'euros.

Toutefois, la croissance du produit de TICPE revenant à l'État est principalement dû à un effet de périmètre. La rebudgétisation du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » a conduit à la réaffectation au budget général de la part de TICPE qui lui était affectée, soit un surcroît de recettes de 6,8 milliards d'euros. Un ajustement de la part de TICPE affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et aux collectivités locales accroît également de 1,7 milliard d'euros supplémentaires les recettes revenant à l'État.

4. La TVA est désormais un impôt pleinement partagé entre les trois catégories d'administrations publiques

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) nette perçue par l'État s'établit en 2021 à 95,5 milliards d'euros , contre 113,8 milliards d'euros en 2020.

Cette diminution résulte du transfert de parts de TVA à destination, d'une part, des régions pour compenser la baisse du produit de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) résultant de la réforme des impôts de production (- 9,8 milliards d'euros) et, d'autre part, des départements et intercommunalités pour financer la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (- 23,0 milliards d'euros).

En outre des ajustements des transferts de TVA à la Sécurité sociale par la seconde loi de finances rectificative du 1 er décembre 2021, tendant à financer des mesures relatives à la crise sanitaire, conduisent à un transfert supplémentaire de 1,4 milliard d'euros.

Mesures nouvelles et des transferts relatives à la TVA en 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données du ministère de l'économie, des finances et de la relance et de la Cour des comptes

Ces transferts ont pour effet, une nouvelle fois, de réduire la part de la TVA revenant à l'État par rapport à celle revenant à la Sécurité sociale et aux collectivités territoriales. Alors qu'elle était très faible jusqu'en 2020, cette part est désormais supérieure à un tiers de celle revenant à l'État.

Évolution depuis 2017 de la répartition des recettes de TVA nette
entre les différentes catégories d'administrations

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données de la Cour des comptes

En sens inverse, l'évolution spontanée est de + 14,4 % pour la part État, très supérieure à l'augmentation du PIB. Il en est de même pour l'ensemble des administrations publiques (croissance spontanée de + 14,4 % et élasticité au PIB de 1,9 %). Cette croissance plus élevée que celle du PIB s'explique par plusieurs phénomènes , selon la Cour des comptes.

D'une part, les productions soumises à TVA ont augmenté à un rythme de 9,1 %, supérieur à la croissance du PIB.

D'autre part, après l'année 2020 qui avait vu augmenter la part des produits de première nécessité, faiblement taxés, l'année 2021 a connu une croissance de la consommation de produits ne bénéficiant des taux réduits, ce qui augmente mécaniquement le produit de la TVA au-delà du taux de croissance de l'économie : ces effets de structure représenteraient une hausse de 1,6 %.

D'autres facteurs pourraient avoir été insuffisamment pris en compte lors de la prévision, selon la Cour des comptes, tels que les reports de crédits de TVA en 2021 par rapport à 2020 (qui influe sur la baisse des remboursements et dégrèvements) ou les exonérations de TVA sur les importations de produits phytosanitaires (moins mobilisées en 2021 qu'en 2020).

5. Les autres recettes fiscales nettes augmentent à la suite d'une baisse historique en 2020, ainsi que par des effets liés à la réforme de la fiscalité locale

Les autres recettes fiscales nettes s'établissent à un niveau de 56,9 milliards d'euros en 2021 , contre 25,0 milliards d'euros en 2020.

Cette très forte hausse fait d'abord suite à une diminution exceptionnelle en 2020 , liée notamment à la baisse des dividendes.

Surtout, des effets de périmètre importants ont eu lieu en 2021. La suppression progressive de la taxe d'habitation a entraîné une diminution de 13,7 milliards d'euros des remboursements et dégrèvements, ce qui augmente d'autant le niveau des recettes fiscales nettes. En outre, dans l'attente de sa suppression complète en 2023, le produit résiduel de taxe d'habitation a été affecté au budget de l'État en 2021, pour un montant de 4,9 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter un gain de 0,4 milliard d'euros sur les frais de recouvrement.

6. Les recettes non fiscales sont amplifiées par les paiements européens au titre du plan de relance

Les recettes non fiscales sont en hausse de 43,2 % en 2021, atteignant un niveau de 21,2 milliards d'euros .

Cette évolution résulte d'abord de la recette exceptionnelle que constitue le premier paiement au titre de la facilité pour la reprise et la résilience , pour un montant de 5,1 milliards d'euros. Cet effet devrait se répéter au cours des années suivantes : un paiement de 7,4 milliards d'euros a depuis été perçu en mars 2022.

La montée en charge du dispositif des prêts garantis par l'État accroit également les recettes non fiscales en raison de la perception par l'État de primes au titre de la rémunération de cette garantie, dont le montant est de 1,8 milliard d'euros en 2021.

En sens inverse, le montant des amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite perçus par l'État est de 2,8 milliards d'euros, contre 5,0 milliards d'euros en 2020. Cette année-là, des sanctions importantes prononcées à l'encontre de plusieurs entreprises avait entraînée l'encaissement par l'État d'amendes d'un montant exceptionnel 20 ( * ) .

C. LES DÉPENSES DU BUDGET GÉNÉRAL AUGMENTENT DE 9,5 % EN UNE SEULE ANNÉE, LES DÉPENSES DE RELANCE SE RAJOUTANT AUX DÉPENSES D'URGENCE

Les dépenses nettes du budget général , y compris les fonds de concours, s'établissent à un niveau de 426,7 milliards d'euros , en hausse de 37,1 milliards d'euros, soit + 9,5 %.

L'évolution des dépenses en 2022 est marquée par deux pôles opposés.

D'une part, la mission « Plan de relance » a connu sa première année d'exécution, avec 34,9 milliards d'euros consommés en autorisations d'engagement et 18,9 milliards d'euros en crédits de paiement.

D'autre part, les dépenses de la mission « Plan d'urgence » , qui regroupent les principaux dispositifs créés en 2020 au plus fort de la crise sanitaire pour soutenir les entreprises et les ménages 21 ( * ) , ont diminué de 7,5 milliards d'euros. Elles sont toutefois restées à un niveau très élevé de 34,4 milliards d'euros .

En outre, les remboursements et dégrèvements ont diminué de plus de 20 milliards d'euros, principalement par l'effet de la réforme de la fiscalité locale comme indiqué supra , mais aussi en raison de la diminution des coûts de contentieux ainsi que de celle des crédits d'impôts, avec la disparition progressive des créances de crédits d'impôt compétitivité entreprises (CICE).

Évolution des dépenses des missions du budget général entre 2020 et 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement. Dépenses brutes

Les dépenses de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » augmentent de 11,3 milliards d'euros par rapport à 2020, soit près de 50 %, mais il s'agit d'un effet de périmètre car les charges de trois dispositifs gérés dans des comptes spéciaux ont été reportées sur cette mission : les mesures de soutien à la transition énergétique et notamment aux tarifs de rachat de l'électricité (compte d'affectation spéciale « Transition énergétique »), la subvention aux lignes de trains d'équilibre du territoire (compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ») et le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier.

Au total, l'année 2021 confirme et amplifie la hausse des dépenses entamée en 2020 , que le premier projet de loi de finances rectificative pour 2022, déposé le 7 juillet 2022, accroît encore. La réponse à la crise sanitaire a d'ores et déjà été près de trois fois supérieure , en termes de dépense publique, à celle qui avait été apportée à la crise financière de 2008-2010 .

Sur deux ans, la hausse des dépenses nettes du budget général est de 90,6 milliards d'euros, soit + 27,0 %, correspondant à un coût plus élevé que toutes les missions du budget général 22 ( * ) , supérieur par exemple au produit de l'impôt net sur le revenu (soit 78,7 milliards d'euros).

Évolution des dépenses nettes du budget général

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir des lois de règlement et du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022. Dépenses du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, y compris fonds de concours

Plus encore, cette augmentation considérable des dépenses, loin d'être temporaire, semble avoir posé un « plancher » pour les dépenses futures , le Gouvernement actuel n'ayant fait aucune annonce permettant de prévoir une diminution de certains postes de dépenses dans les années à venir.

D. LA DETTE DE L'ÉTAT POURSUIT UNE HAUSSE HISTORIQUE ALORS QUE LA REMONTÉE DES TAUX ET LA REPRISE DE L'INFLATION COMMENCENT À PESER SUR SON COÛT

1. La dette financière poursuit son augmentation rapide, tandis que la charge de la dette entame une hausse probablement durable

La dette financière de l'État, mesurée en comptabilité générale, est de 2 189,4 milliards d'euros à la fin 2021, en hausse de 142,3 milliards d'euros, soit + 7,0 %, après une hausse de 200,9 milliards d'euros en 2020 : en deux ans, la dette financière de l'État a donc progressé de 18,6 % .

La composition de la dette financière de l'État

L'encours des bons du Trésor à taux fixe (BTF), qui constituent la dette à court terme, est de 155,7 milliards d'euros, en diminution de 6,3 milliards d'euros. Il s'agit toutefois d'un niveau élevé, le recours au BTF ayant considérablement augmenté pour financer la dette résultant de la crise sanitaire : l'encours de BTF était de 107,2 milliards d'euros à la fin 2019 et il avait augmenté de près de 50 % en 2020.

La plus grande partie de l'encours de dette financière correspond aux obligations assimilables du Trésor (OAT) : la valeur de la dette négociable à moyen et long terme était à la fin 2021 de 2 005,6 milliards d'euros. L'augmentation est de 150,0 milliards d'euros en 2021, après une hausse de 123,4 milliards d'euros en 2020.

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

La dette financière poursuit son mouvement constant d'augmentation, qui atteint + 55,0 % en 10 ans , entre 2012 et 2021.

Le fait nouveau, en 2021 est que la charge d'intérêt , elle, connaît une véritable inflexion et repart à la hausse après des années de baisse continue. Cette hausse est due en particulier à l'augmentation, pourtant encore mesurée, de l'inflation en 2021, qui pèse sur le stock de dette indexée.

Évolution de la dette financière de l'État et de la charge
de la dette entre 2012 et 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données du compte général de l'État et des documents budgétaires. Charge de la dette hors SCNF Réseau

Compte tenu de l'évolution beaucoup plus importante de l'inflation en 2022, ainsi que de la hausse des taux qui renchérit les nouvelles émissions de dettes, toujours très nombreuses, cette inflexion risque de se transformer en véritable choc dans les années à venir .

2. Les primes à l'émission diminuent et pourraient disparaître dans les années à venir

L'Agence France Trésor émet régulièrement des titres de dette sur une souche ancienne afin de tirer parti de la liquidité d'un titre déjà présent sur le marché. Elle sert alors le même taux nominal, lequel était le taux de marché lors du lancement de la souche mais peut être supérieur ou inférieur au taux de marché actuel. Si le taux servi est supérieur au taux de marché actuel, l'acheteur du titre, qui reçoit ces coupons surévalués, doit verser en contrepartie une prime à l'État, lors de l'émission du titre, afin de pouvoir bénéficier de ce taux. C'est également le cas lorsque les taux de marché sont négatifs, car le coupon, lui, n'est jamais inférieur à zéro 23 ( * ) . Si au contraire les taux ont augmenté entre la création de la souche et une nouvelle émission d'un titre sur cette souche, l'acheteur bénéficie d'une décote sur le prix d'achat.

La première situation, c'est-à-dire la réception par l'État de primes à l'émission, a été très courante au cours des années récentes , en raison du mouvement continu de baisse des taux. Les décotes sont beaucoup moins nombreuses.

Ce mouvement s'est toutefois inversé en 2021 , de sorte que les primes, nettes des décotes 24 ( * ) , ont diminué pour la première fois depuis 2017, de manière très substantielle.

Montant des primes, nettes des décotes,
à l'émission depuis 2012

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

Les primes et décotes sont imputées, comptablement, sur les ressources de trésorerie et non sur les recettes ou dépenses budgétaires, car elles ont vocation à être réparties par la suite sur l'ensemble de la durée de vie du titre.

Le recours à ces techniques facilite la gestion de la dette par le recours à des lignes plus liquides et peut donc contribuer à en diminuer le coût global. Il n'en reste pas moins qu'il a pour conséquence, comme le fait observer la Cour des comptes 25 ( * ) , de réduire, de manière temporaire, le ratio de la dette publique rapportée au PIB : l'écart était d'environ 4,3 points à la fin 2020.

Elles ont également un effet sur la charge de la dette en comptabilité budgétaire .

Celle-ci, telle que mesurée par les décaissements effectués chaque année à ce titre sur la mission « Engagements financiers de l'État », a diminué au cours des années récentes , passant de 45,2 milliards d'euros en 2012 à 34,2 milliards d'euros en 2020, pour remonter légèrement à 36,2 milliards d'euros en 2021. Cette diminution est toutefois moindre que la charge de la dette maastrichtienne qui, comme le montre le schéma supra , est passée de 43,6 milliards d'euros en 2012 à 23,3 milliards d'euros en 2020. L'existence des primes à l'émission conduisait en effet , ces dernières années, l'État à verser des coupons supérieurs aux taux de marché , lesquels sont comptabilisés dans la charge budgétaire de la dette, compensant partiellement l'effet de la baisse des taux. Sans l'utilisation du mécanisme des primes à l'émission, la diminution de la charge budgétaire de la dette aurait été bien plus importante 26 ( * ) .

La remontée des taux d'intérêt qui a commencé depuis la fin de 2021, si elle se poursuit, devrait en toute logique réduire, voire inverser l'écart entre les primes et les décotes . Il peut donc être prévu que l'écart entre la charge de la dette maastrichtienne et la charge de la dette budgétaire se réduise progressivement au cours des années à venir.

E. LES DÉPENSES DE PERSONNEL CONTINUENT D'AUGMENTER INLASSABLEMENT DEPUIS 2017

1. Les dépenses de personnel sont en hausse de 1,2 % en 2021

Les dépenses de personnel du budget général de l'État sont de 134,2 milliards d'euros en 2021, contre 132,6 milliards d'euros en 2020, soit une hausse de 1,2 %.

Cette hausse fait suite à une progression de 1,0 % en 2020, 1,6 % en 2019, de 1,6 % également en 2018 et de 3,6 % en 2017.

En soustrayant les contributions au CAS « Pensions », la masse salariale représente 91,1 milliards d'euros , en hausse de 1,5 milliard d'euros ou 1,7 % entre 2020 et 2021.

Évolution de la masse salariale entre 2020 et 2021

(en millions d'euros, hors CAS « Pensions »)

GVT : glissement vieillesse-technicité.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement

L'augmentation de la masse salariale provient principalement, comme en 2019 et en 2020, des mesures catégorielles (+ 727 millions d'euros). Les effets du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) sont désormais limités à moins de 100 millions d'euros. Les mesures ont plutôt été ciblées en 2021 sur certains ministères tels que celui de l'Éducation nationale et celui des Armées.

Le glissement vieillesse-technicité , qui traduit l'effet sur la masse salariale du remplacement d'agents partis à la retraite par des agents jeunes et de la progression de carrière des agents en place, a un effet global positif de 396 millions d'euros, légèrement supérieur à celui des années précédentes.

Le schéma d'emploi , c'est-à-dire le solde des créations et des suppressions d'emplois sur une année civile, ne produit qu'un effet limité à la hausse depuis 2020, alors que cet effet avait été très élevé au cours des premières années du quinquennat précédent, notamment en 2017 (+ 471,7 millions d'euros). L'une des raisons est la crise sanitaire, qui a décalé certains recrutements, de sorte qu'ils ont peu pesé sur la masse salariale de l'année.

Si les mesures générales ont un impact très faible, il devrait en être autrement en 2022 compte tenu du relèvement du point d'indice prévu par le projet de loi de finances rectificative.

2. Après une forte augmentation en 2020, les emplois diminuent de manière temporaire en 2021

En 2020, les effectifs avaient augmenté de 2 803 équivalents temps plein (ETP), ce qui n'avait été annoncé qu'en fin d'année lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

En 2021 , au contraire, les effectifs diminuent de 3 941 ETP .

Cette réduction, qui n'était pas prévue en loi de finances initiale 27 ( * ) , n'est pas due à un effort de réduction de l'emploi, tel que celui qui avait été annoncé en 2017 et qui n'a finalement pas été réalisé. Il s'agit au contraire de difficultés rencontrées par le ministère de l'éducation qui, faisant face à un départ de titulaires plus importants que prévu et à des difficultés de recrutement de non-titulaires à la rentrée 2021, a connu une diminution de 4 000 ETP de ses effectifs. Cette sous-consommation, selon l'exposé général du projet de loi de règlement, est transitoire et sera compensée au cours de l'année 2022.

DEUXIÈME PARTIE
LE RESPECT DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE
EN 2021

La loi de règlement a pour objet principal de constater le montant définitif des recettes et des dépenses au cours de l'exercice auquel elle se rapporte. Elle permet donc de dresser un bilan définitif de l'exécution budgétaire.

I. LES REPORTS DE CRÉDITS CONSIDÉRABLES RENDENT DIFFICILE LA COMPARAISON ENTRE LA LOI DE FINANCES INITIALE ET L'EXÉCUTION DES CRÉDITS

Les reports de crédits non consommés en 2020 vers 2021 ont atteint un niveau exceptionnel de 36,6 milliards d'euros en crédits de paiement , dont 28,8 milliards d'euros sur la seule mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».

Un tel niveau de reports porte atteinte au principe selon lequel l'autorisation parlementaire porte sur un exercice donné . Ces montants n'ont pas été soumis de manière explicite à autorisation parlementaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, sauf dans le cadre de l'article 102 de la loi de finances pour 2021 qui autorisait de manière générale le Gouvernement à déroger, pour 51 programmes budgétaires, à la limite des reports à 3 % des crédits ouverts posée par l'article 15 de la LOLF, lequel était de ce fait largement vidé de sa substance.

Ces reports portent également atteinte au principe de spécialité sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » : des crédits ouverts à l'origine sur le programme 356 qui finance le dispositif d'activité partielle d'urgence (à hauteur de 2,3 milliards d'euros) et sur le programme 360 qui compense à la Sécurité sociale le coût d'exonérations de charges (à hauteur 4,3 milliards d'euros) ont été reportés sur le programme 357 qui finance une mesure différente, à savoir le fonds de solidarité pour les entreprises affectées par les conséquences de la crise sanitaire.

Or la pratique s'est poursuivie pour les reports vers 2022 de crédits non consommés en 2021 . Sur le périmètre du budget général, le Gouvernement a pris 27 arrêtés de reports entre le 6 janvier et le 29 mars 2022, pour un montant total de 56,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 23,2 milliards d'euros en crédits de paiement.

Contrairement à l'année précédente où la plus grande partie des reports concernaient la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », les reports se répartissent en 2022 sur un grand nombre de missions : « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » (6,6 milliards d'euros), « Plan de relance » (6,2 milliards d'euros), « Écologie, développement et mobilité durables » (3,2 milliards d'euros), « Économie » (2,3 milliards d'euros), « Travail et emploi » (1,8 milliard d'euros)...

Principaux reports de 2020 vers 2021 et de 2021 vers 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des arrêtés de report

Comme le rapporteur général le montre dans son rapport sur l'exécution de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », une partie importante des crédits ouverts en avril 2020 sur le programme 358, destinés alors à d'éventuelles prises de participation financière de l'État, non consommés et reportés successivement en 2021 et en 2022, n'ont été finalement annulés que dans deux décrets d'avance pris en mai 2021 et en avril 2022. Ces décrets devant être équilibrés en ouvertures et en annulations de crédit, ce programme a ainsi servi de réserve de budgétisation pour permettre le financement, jusqu'à deux années plus tard, de mesures sans lien avec l'objectif pour lequel ils avaient été ouverts .

Au-delà de la question des reports, le Gouvernement a eu recours à des pratiques très contestables en utilisant des crédits du plan de relance pour financer une action du plan d'urgence.

En effet, alors que la prolongation de la crise sanitaire en début d'année 2021 rendait nécessaire la poursuite du financement du dispositif d'activité partielle d'urgence défini en 2020 sur le programme 356 de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », ce programme ne disposait pas de crédits suffisants 28 ( * ) . Le Gouvernement a fait le choix d'utiliser, pour un montant finalement exécuté de 3,7 milliards d'euros, des crédits ouverts pour un dispositif distinct, à savoir le régime d'activité partielle de longue durée porté en 2021 par le programme 364 « Cohésion » du plan de relance.

Le rapporteur général regrette le recours à de telles pratiques, alors qu'il semble devenir une habitude de s'affranchir du respect de la rigueur des principes budgétaires .

De manière générale, les crédits non consommés n'ont pas vocation , sauf exception, à être reportés, mais à être annulés .

Les crédits nécessaires à l'exécution des différentes politiques publiques, pour des raisons de transparence comme de bonne gestion des deniers publics, doivent être ouverts dans la loi de finances et, si la nécessité s'en fait sentir, dans des lois de finances rectificatives voire, en cas d'urgence, dans des décrets d'avance.

La réforme de la LOLF promulguée à la fin 2021 29 ( * ) a prévu, sur la proposition du Sénat, que le montant total des crédits de paiement ainsi reportés ne pourra désormais excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année, sauf en cas de nécessité impérieuse d'intérêt national. Cette disposition, qui s'appliquera à compter du budget 2023, permettra de clarifier la gestion budgétaire sans s'opposer à la conduite de la politique budgétaire, puisqu'il aurait été possible, et souhaitable, d'ouvrir les crédits nécessaires dans la loi de finances initiale pour 2021 plutôt que de reporter des montants aussi massifs de crédits non consommés.

II. L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE A ÉTÉ MARQUÉE PAR PLUSIEURS ÉVOLUTIONS MAJEURES DES DÉPENSES COMME DES RECETTES

A. LES FLUCTUATIONS DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE EN COURS D'ANNÉE S'EXPLIQUENT AUSSI BIEN PAR LES VARIATIONS DES PRÉVISIONS DE RECETTES QUE PAR LES OUVERTURES DE CRÉDIT EN COURS D'ANNÉE

Si le niveau du déficit budgétaire constaté en 2021 , qui est de 170,7 milliards d'euros, est proche de celui de 173,3 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale , les fluctuations des prévisions ont été considérables en cours d'année .

Tandis que la prévision de déficit budgétaire avait été aggravée de plus de 20 milliards d'euros au cours des débats budgétaires de la loi initiale, en raison de la reprise de la crise sanitaire à l'automne 2020, les nouvelles « vagues » de la crise du covid, tout au long de l'année 2021, ont conduit à rehausser ce déficit jusqu'à un niveau très élevé de 220,1 milliards d'euros par la première loi de finances rectificative du 19 juillet 2021.

Cette aggravation résultait non seulement des effets de la crise sanitaire sur les perspectives de recettes de l'État et sur le coût prévisionnel des mesures d'aide d'urgence, mais aussi de la sous-estimation du déficit en loi de finances initiale liée à la non prise en compte des reports de crédits : ceux-ci, intégrés au déficit budgétaire à financer à partir de la première loi de finances rectificative, ont accru le déficit prévisionnel de 28,0 milliards d'euros.

En fin d'année, l'amélioration des perspectives économiques, ainsi qu'une estimation de moindre consommation des reports de crédits, ont permis de réduire quelque peu la prévision de déficit à 205,1 milliards d'euros dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative du 1 er décembre 2021, mais cette prévision a encore été supérieure de près de 35 milliards d'euros au déficit finalement constaté .

Évolution des prévisions de déficit budgétaire en 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets de loi et lois de finances de l'exercice 2021

De tels écarts, sans équivalent récent, s'expliquent par des effets à la fois en recettes et en dépenses.

B. LES RECETTES ONT ÉTÉ TRÈS NETTEMENT SUPÉRIEURES À LA PRÉVISION, MÊME RÉVISÉE EN COURS D'ANNÉE

Prévues à 257,9 milliards d'euros seulement en loi de finances initiale , les recettes fiscales nettes constatées en 2021 ont finalement été de 295,7 milliards d'euros , soit 37,9 milliards d'euros de plus que la prévision.

En cours d'année, cette prévision a été réévaluée successivement par la première loi de finances du 19 juillet 2021, puis par la seconde loi de finances rectificative du 1 er décembre 2021. Toutefois ces réévaluations n'ont conduit à rehausser la prévision que de 19,7 milliards d'euros. L'écart entre la prévision de fin d'année et la réalisation est donc encore de 18,2 milliards d'euros .

Évolution des prévisions de recettes fiscales nettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois et projets de lois de finances et de règlement de l'exercice 2021

En particulier, le produit de l'impôt sur les sociétés a été supérieur de 15,4 milliards d'euros à la prévision en loi de finances initiale.

Cet écart est dû principalement à l'évolution spontanée, c'est-à-dire à la situation économique générale, hors mesures nouvelles. D'une part, l'hypothèse d'élasticité retenue dans la première loi de finances rectificative du 19 juillet 2021 était de 0,7 seulement, hypothèse que la Cour juge « sous-évaluée ». D'autre part, le dernier acompte d'impôt sur les sociétés a été particulièrement élevé (10,1 milliards d'euros).

C. LES DÉPENSES ONT ÉTÉ RÉÉVALUÉES DANS DES PROPORTIONS IMPORTANTES AU COURS DE L'EXERCICE 2021

Les dépenses nettes du budget général s'établissent à 418,8 milliards d'euros en 2021 , contre 384,9 milliards d'euros seulement en loi de finances initiale, soit un surcroît de dépenses de 33,9 milliards d'euros .

Comme pour les recettes, les prévisions de dépense ont connu des réévaluations importantes dans la première loi de finances rectificative du 19 juillet 2021 (+ 20,1 milliards d'euros), puis dans la seconde loi de finances rectificative du 1 er décembre 2021 (+ 1,8 milliard d'euros). Toutefois cette dernière prévision est encore restée en-dessous de la réalisation finale pour près de 12 milliards d'euros .

Évolution des prévisions
des dépenses nettes du budget général

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois et projets de lois de finances et de règlement de l'exercice 2021. Montant des dépenses du budget général, hors remboursements et dégrèvements et hors fonds de concours

En premier lieu, le surcroît des dépenses en exécution, par rapport à l'autorisation donnée dans la seconde loi de finances rectificative, est rendu possible par l'utilisation de crédits reportés . Ces crédits, dans la mesure où ils sont effectivement consommés, sont en effet comptabilisés parmi les dépenses nettes en loi de règlement, mais pas dans les prévisions de dépenses nettes des tableaux d'équilibre des lois de finances initiale et rectificatives 30 ( * ) .

Le surcroît de dépenses par rapport à la loi de finances initiale s'explique à titre principal par les dépenses de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », qui ont été de 34,4 milliards d'euros alors que la loi de finances initiale n'avait ouvert que 6,0 milliards d'euros de crédits (voir supra ).

Les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Travail et emploi » ont également connu des dépenses, fonds de concours compris, supérieures de plus de 4 milliards d'euros à la prévision, ce qui s'explique notamment par des mesures de soutien au pouvoir d'achat tels que le rehaussement du montant du chèque énergie à hauteur de 100 euros.

La charge de la dette a enfin eu un coût supérieur de 1,7 milliard d'euros au niveau prévu en loi de finances initiale.

Comparaison des crédits exécutés et des crédits prévus
(écarts supérieurs à 100 millions d'euros)

(en milliards d'euros)

Note : Les chiffres correspondent à la différence entre le montant des crédits de paiement exécutés (projet de loi de règlement) et des crédits de paiement prévus en loi de finances initiale, y compris fonds de concours et attributions de produits. Le périmètre est celui du budget général et les missions pour lesquelles l'écart est inférieur à 100 millions d'euros ne sont pas représentées.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

TROISIÈME PARTIE
LA MESURE DE LA PERFORMANCE

Depuis la loi organique relative aux lois de finances 31 ( * ) (LOLF), le budget de l'État est organisé autour d'une logique de résultats à atteindre et est structuré, pour chaque mission et programme budgétaire, par une stratégie, des objectifs et des indicateurs de performance. À cet égard, l' article premier de la LOLF dispose d'ailleurs que les lois de finances déterminent « la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État » en tenant compte « d'un équilibre économique défini, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent » .

Ces éléments figurent dans les projets annuels de performance (PAP) de chaque programme qui accompagnent les annexes par mission au projet de loi de finances. Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances, les responsables de programme s'engagent, devant le Parlement, sur des objectifs chiffrés pour l'année à venir. Ils rendent compte des résultats obtenus et expliquent les écarts par rapport aux prévisions dans les rapports annuels de performances, documents joints au projet de loi de règlement.

L'atteinte des objectifs fixés par mission et par programme est mesurée par des sous-indicateurs 32 ( * ) de performance pour lesquels sont indiquées les réalisations passées, une prévision pour l'année à venir et une valeur cible pour la dernière année du budget pluriannuel en cours.

Cependant, dans les faits, la lecture de ces sous-indicateurs ne permet pas pleinement de mesurer l'atteinte des objectifs en raison de situations récurrentes :

- données nécessaires pour alimenter les sous-indicateurs non disponibles au moment de l'élaboration des rapports annuels de performances ;

- prévisions et/ou cibles non renseignées ;

- sous-indicateurs sans objet.

Ainsi, les résultats enregistrés en 2021 ne permettent pas la pleine exploitation de ces outils.

Malgré les limites évoquées, l'examen de la loi d'approbation et d'exécution des comptes publics pour l'année 2021 est l'occasion pour le rapporteur général d'analyser le suivi, l'évolution et l'intérêt de ces sous-indicateurs.

En 2021, l'analyse du dispositif de performance laisse apparaitre un trop faible nombre de sous-indicateurs exploitables et des résultats mitigés.

I. UNE ABSENCE DE PRÉCISIONS SUR LES PÉRIMÈTRES ET DES DONNÉES MANQUANTES QUI RENDENT L'ANALYSE DES SOUS-INDICATEURS DE PERFORMANCE DÉLICATE

A. ÉTAT DES LIEUX DES SOUS-INDICATEURS : DES PÉRIMÈTRES À PRÉCISER

À titre liminaire, le présent rapport opère une analyse sur un périmètre différent de celui des années précédentes. Après avoir, jusqu'en 2020, étudié les sous-indicateurs rattachés au niveau stratégique de la mission, soit environ 400 sous-indicateurs pour le budget de l'État (budget général et hors budget général), il est proposé, à compter de 2021, de regarder la totalité des sous-indicateurs, c'est-à-dire ceux rattachés au niveau de la mission et ceux rattachés au niveau des programmes.

En 2021, le nombre de sous-indicateurs, tout budget confondu (budget général, budgets annexes, comptes de concours financiers et comptes d'affectation spéciale) s'élève ainsi à 1873 dont 144 nouveaux sous-indicateurs par rapport à 2020 33 ( * ) .

1698 sont rattachés à des programmes du budget général et 175 à des budgets et comptes hors budget général.

En moyenne un programme comporte 12,6 sous-indicateurs dont 2 sont rattachés au niveau stratégique de la mission.

Les variations d'une mission à l'autre sont cependant importantes, le nombre de sous-indicateurs allant de 2 (pour les missions « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ou « Prêts à des États étrangers ») à 246 (pour la mission « Enseignement scolaire »).

Synthèse du nombre de sous-indicateurs du budget de l'État en 2021

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

Ces chiffres sont cependant à utiliser avec précaution dans la mesure où les données différent d'un tableau à l'autre sans que les questions de périmètre expliquent l'intégralité de ces écarts.

À cet égard, il serait utile que les sources de données (site de la direction du budget : tableaux de synthèse (pour les sous-indicateurs mission ou pour le total des sous-indicateurs), infographie ou rapport annuels 34 ( * ) , tableaux transmis à la demande de la commission des finances...) précisent spécifiquement le périmètre traité tant en termes de budget de référence, de missions et programmes concernés que des unités analysées (indicateurs ou sous-indicateurs, niveau de rattachement des sous-indicateurs...). La présente analyse est donc réalisée sous réserve de cette observation.

B. DES SOUS-INDICATEURS PEU EXPLOITABLES EN RAISON D'UNE ABSENCE DE PRÉVISION ET/OU DE CIBLE

En 2021, 71,9 % des sous-indicateurs des programmes et missions du budget de l'État, soit 1347 sous-indicateurs sur 1873, sont théoriquement pleinement exploitables car une cible et une prévision (2021 en PAP 2022) ont été renseignées .

À l'inverse, pour 359 sous-indicateurs, aucune prévision 2021 n'a été renseignée ou l'a été de manière peu précise, rendant impossible de juger si la prévision est atteinte.

Libellés des absences de prévisions en 2021

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

De même, pour 452 sous-indicateurs, aucune cible 2021 n'a été complétée ou l'a été de manière trop imprécise pour apprécier son atteinte.

Libellés des absences de cibles en 2021

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

Un effort doit donc être réalisé afin de compléter les prévisions et les cibles des sous-indicateurs d'autant que les rapports annuels de performance ne détaillent pas les raisons de cette absence de prévisions et de cibles.

Synthèse de l'exploitabilité des sous-indicateurs en 2021

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

Pour certaines missions, le niveau d'exploitabilité des données est particulièrement faible . Ainsi, les missions suivantes présentent des taux d'exploitabilité inférieurs à 50 % : « Participations financières de l'Etat », « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », « Avances à l'audiovisuel public », « Sécurités », « Plan de relance » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

II. DES RÉSULTATS GLOBALEMENT DÉCEVANTS

A. LES RÉSULTATS PAR RAPPORT AUX PRÉVISIONS ÉTABLIES EN PAP 2022 POUR 2021

Sur les 1514 sous-indicateurs comportant une prévision, 125 d'entre eux, soit 8,3 % du total, n'enregistrent aucune exécution en 2021.

Sur les 1389 sous-indicateurs enregistrant une exécution 2021 :

- 762 ont atteint la prévision ou l'ont dépassée (50,3% des sous-indicateurs présentant une prévision) ;

- 617 n'ont pas atteint la prévision fixée en PAP 2022 pour 2021 (40,75 % des sous-indicateurs présentant une prévision) ;

- 10 enregistrent une exécution différente de la prévision sans qu'il soit possible, faute de connaître le sens d'évolution de l'indicateur, de savoir si le résultat enregistré est meilleur que la prévision.

Dans ce dernier cas, il s'agit essentiellement de sous-indicateurs fournis « pour information » ou de sous-indicateurs de contexte (à titre d'exemple, le nombre de postes bureautiques, la moyenne du nombre de prévenus, le nombre de contrôles judiciaires...). Cependant, l'administration doit être en capacité de dire quelle évolution est souhaitable et représentative d'une amélioration. À défaut, ces sous-indicateurs mentionnés pour seule information et non afin de mesurer la performance d'une politique devraient être supprimés dans la mesure où il n'est pas possible d'en tirer une conclusion sur les actions à mener ou sur les résultats d'une politique publique.

Synthèse des résultats des sous-indicateurs au regard des prévisions en 2021

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

B. LES RÉSULTATS PAR RAPPORT À LA CIBLE

Sur les 1 421 sous-indicateurs comportant une cible, 110 n'enregistrent aucune exécution en 2021, soit 7,7 %.

Sur les 1 311 sous-indicateurs enregistrant une exécution 2021 :

- 529 ont atteint la cible ou l'ont dépassée (37,2 % de sous-indicateurs présentant une cible) ;

- 782 n'ont pas atteint la prévision fixée en PAP 2022 pour 2021 (55 % des sous-indicateurs présentant une cible).

Au-delà de ces résultats déjà très mitigés concernant l'atteinte de la cible, il convient de souligner que sur les 529 sous-indicateurs qui ont atteint leur cible en 2021, 347, soit 65,6 %, l'avaient déjà atteinte en 2020 ce qui dénote un niveau d'exigence assez peu élevé des cibles.

À titre d'exemple, le sous-indicateur « ratio d'efficience bureautique » de la mission « Action extérieure de l'État » présente une cible de 1 866 euros (sous-indicateur qui doit enregistrer une tendance baissière) par poste alors même que l'exécution 2019 s'établissait à 1 563 euros et celle de 2020 à 1595 euros. De même, le taux de féminisation dans les primo-nominations (mission « Administration générale et territoriale de l'État ») présente une cible de 40 % (sous-indicateur qui doit présenter une tendance à la hausse) pour une réalisation qui atteignait déjà 40,63 % en 2019 et 43,4 % en 2020.

Synthèse des résultats des sous-indicateurs au regard des cibles en 2021

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

Synthèse des efforts pour atteindre la cible en 2021

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

III. AU-DELÀ DE L'ATTEINTE DE LA PRÉVISION ET DE LA CIBLE, DES SOUS-INDICATEURS TROP NOMBREUX QUI MANQUENT PARFOIS DE SENS

A. DE TROP NOMBREUX SOUS-INDICATEURS « NON CALCULABLES »

D'après les données transmises par la direction du budget, 98 des 1 873 sous-indicateurs sont « non calculables » en 2021 pour plusieurs raisons :

- Soit les sous-indicateurs étaient sans objet en 2021 : c'est le cas notamment des sous-indicateurs de coût de la campagne électorale par électeur inscrit (mission « Administration générale et territoriale de l'État »). À défaut d'élections en 2021, ces sous-indicateurs n'ont pu être renseignés ;

- Soit les données nécessaires pour renseigner les sous-indicateurs ne sont pas disponibles à la date de réalisation des rapports annuels de performances. À titre d'exemple, le secrétariat général des ministères économiques et financiers (MEFR) fait état d'une difficulté récurrente concernant les données relatives au renseignement des sous-indicateurs actuels portant sur les économies d'achats (programme « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » de la mission « Gestion des finances publiques »), qui ne peuvent être produites dans les délais impartis. Les résultats définitifs pour l'année 2021 seront, au mieux, communiqués dans le projet annuel de performances pour le projet de loi de finances pour 2023. Les quatre sous-indicateurs liés à la fonction achat ne sont donc pas renseignés.

B. DES SOUS-INDICATEURS QUI MANQUENT PARFOIS DE PERTINENCE, DE SENS ET NE SONT PAS TOUJOURS ADAPTÉS AUX ÉVOLUTIONS DES MISSIONS

Certains sous-indicateurs apportent peu d'informations sur une action mise en oeuvre ou des projets suivis . Ainsi, la Cour des comptes tout comme le rapporteur spécial de la mission « Transformation et fonction publiques » soulignent depuis plusieurs années que les sous-indicateurs des programmes 348, 349 et 351 (désormais fusionnés dans le programme 148 à compter de 2022) manquent de pertinence et sont peu utiles afin de mesurer l'efficacité du suivi de l'avancement des projets financés par ces programmes. À cet égard, il peut être souligné spécifiquement sur les sous-indicateurs du programme 348 « Rénovation des cités administratives », que les cibles sont définies à partir des données transmises dans les dossiers présentés par les préfets de département et les résultats ne seront constatés qu'une fois les travaux achevés, ce qui ne permet aucune mesure en cours de projets.

D'autre part, certains sous-indicateurs n'ont pas évolué malgré des évolutions concernant les missions dévolues aux responsables de programme. Ainsi, les sous-indicateurs de performance n'ont pas été adaptés aux nouvelles missions du conseil économique social et environnemental (CESE) sur le volet de la participation citoyenne. Une révision était envisagée pour 2021 mais n'a pas abouti.

Enfin, certains sous-indicateurs paraissent manquer de sens comme celui relatif à la concentration moyenne en nitrates des cours d'eau des baies du plan algues vertes alors que le réel enjeu est celui de la lutte contre les algues vertes.

C. DES SOUS-INDICATEURS INEXPLOITABLES POUR MESURER LA PERFORMANCE D'UNE ADMINISTRATION

Certains sous-indicateurs, alors même qu'ils présentent une prévision, une cible et une exécution ne sont pas exploitables pour plusieurs raisons :

- ils se bornent à fournir une information sans possibilité d'avoir une analyse conclusive sur la performance d'une mission ou d'un programme. Il s'agit notamment des sous-indicateurs mentionnant le nombre d'effectifs gérés, de postes bureautiques, la proportion de filles en terminal S ou de garçons en terminal L... ;

- les données permettant leur calcul ne sont pas assez fiables, notamment celles relatives aux dépenses fiscales.

IV. UNE NÉCESSAIRE RÉFORME DU DISPOSITIF DE PERFORMANCE

Il ressort de ce qui précède que les sous-indicateurs sont très nombreux et parfois inexploitables, faute de pouvoir renseigner les prévisions, les cibles ou les niveaux d'exécution.

De surcroit, nombre d'entre eux sont peu fiables ou peu utiles pour éclairer pleinement les parlementaires sur la performance d'un programme et l'efficacité des politiques mises en oeuvre.

Cet exercice de mesure de la performance vient par ailleurs se juxtaposer aux contrats signés par les administrations qu'il s'agisse de contrats d'objectifs et de moyens (COM) pour la DGFIP et la DGDDI ou des contrats d'objectifs et de performance (COP) pour Météo-France. Ces contrats définissent de nouveaux objectifs et indicateurs qui viennent s'ajouter à ceux des rapports annuels de performances.

La démarche de performance doit donc être rationalisée afin d'avoir des indicateurs fiables et utiles aux parlementaires dans leur rôle de contrôle de l'action du Gouvernement, mais aussi harmonisée avec les démarches contractuelles qui se développent de plus en plus.

Enfin, dans un contexte où les parlementaires pourront, dès le projet de loi de finances pour 2023, amender les indicateurs de mission, un travail de simplification et d'amélioration de l'information transmise est indispensable. Cette nouvelle compétence pourrait également redonner de l'intérêt et du sens au dispositif de performance, dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE

Solde structurel et solde effectif de l'ensemble
des administrations publiques de l'année 2021

. Le présent article retrace l'exécution de solde structurel et de solde effectif des administrations publiques pour 2021.

L'article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 35 ( * ) prévoit que la loi de règlement comprend un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année à laquelle elle se rapporte ».

Article liminaire du projet de loi de règlement pour 2021

(en point de PIB)

Exécution 2021

LFI 2021 (prévision)

LPFP 2018-2022 (prévision)

Solde structurel (1)

- 4,4

- 3,8

- 1,2

Solde conjoncturel (2)

- 2,0

- 4,5

0,3

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

- 0,1

- 0,2

0,0

Solde effectif (1 + 2 + 3)

- 6,4

- 8,5

- 0,9

Note de lecture : l'écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s'explique par l'arrondi au dixième des différentes valeurs.

Source : commission des finances du sénat (d'après le projet de loi de règlement pour 2021)

Les données figurant au présent article font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport , à laquelle le lecteur est invité à se reporter.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE PREMIER

Résultats du budget de l'année 2021

. Cet article arrête les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2021.

Conformément au I de l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, le présent article « arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ».

Le I arrête le résultat budgétaire de l'État , hors opérations avec le Fonds monétaire international 36 ( * ) , à la somme de - 170 739 441 421,20 euros.

Le II détaille le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général , des budgets annexes et des comptes spéciaux .

Le solde budgétaire résulte presque entièrement du montant des recettes fiscales, des recettes non fiscales et des dépenses du budget général.

Recettes et dépenses du budget général

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement. FDC : fonds de concours. R&D : remboursements et dégrèvements. PSR : prélèvements sur recettes

L'analyse des principaux déterminants du solde budgétaire figure dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 2

Tableau de financement de l'année 2021

. Cet article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2021.

Le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier.

Le tableau de financement qui y figure arrête à 285,2 milliards d'euros le besoin de financement de l'État et décrit les ressources mobilisées pour y répondre.

Le besoin de financement résulte à titre principal, pour 118,3 milliards d'euros, de la nécessité de rembourser les titres de dette arrivant à échéance et, pour 170,7 milliards d'euros, du déficit de l'année.

La principale ressource mobilisée pour satisfaire le besoin de financement est l'émission de nouvelle dette à moyen et long terme , pour un montant de 260 milliards d'euros en 2021, identique au montant émis en 2020. L'encours des titres d'État à court terme diminue pour sa part de 6,2 milliards d'euros, alors qu'il avait augmenté de 54,7 milliards d'euros en 2020. Le complément du besoin de financement est donc comblé par la variation des dépôts des correspondants (+ 18,7 milliards d'euros) et les autres ressources de trésorerie (17,2 milliards d'euros), c'est-à-dire principalement les primes à l'émission .

L'exposé général du présent rapport comprend des éléments détaillés d'analyse du financement de l'État.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 3

Résultat de l'exercice 2021 - Affectation au bilan
et approbation du bilan et de l'annexe

. Cet article approuve le compte de résultat de l'exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées selon les règles de la comptabilité générale, affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes.

Conformément au III de l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances, la loi de règlement approuve le compte de résultat de l'exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées selon les règles de la comptabilité générale, affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation, ainsi que son annexe. Le contenu de chacun de ces états et documents est précisé par la norme n° 1 « Les états financiers » du Recueil des normes comptables de l'État.

Le I approuve le résultat comptable de l'État , qui est arrêté à - 142,1 milliards d'euros, soit la différence entre les produits régaliens nets, qui s'élèvent à 290,4 milliards d'euros, et les charges nettes, d'un montant de 432,5 milliards d'euros.

Le II affecte le résultat comptable de l'exercice 2020 au bilan à la ligne « Report des exercices antérieurs ».

Le III établit le bilan , qui se compose d'un actif net total de 1 223,7 milliards d'euros et d'un passif, hors situation nette, de 2 881,4 milliards d'euros. La situation nette s'établit donc à - 1 657,6 milliards d'euros.

La ligne « report des exercices antérieurs » vaut - 1 916,3 milliards d'euros dans le compte général de l'État. Par affectation du résultat comptable, soit - 142,1 milliards d'euros, elle prend la valeur de - 2 058,4 milliards d'euros en application du présent III.

Le IV approuve l'annexe du compte général de l'État de l'exercice, qui consiste en un commentaire détaillé de chacun des postes du bilan et du compte de résultat, ainsi qu'une présentation des engagements hors bilan et des règles et méthodes d'évaluation comptables 37 ( * ) .

L'exposé général du présent rapport contient des développements détaillés sur les comptes de l'État présentés en comptabilité générale.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 4

Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

. Cet article ajuste et arrête, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et des dépenses réalisées au titre de l'année 2021.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit, au 2° du IV de son article 37, que la loi de règlement ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

Le I du présent article arrête le montant des autorisations d'engagement consommées sur le budget général à un montant de 608,4 milliards d'euros, ouvre des autorisations d'engagement complémentaires à hauteur de 0,6 milliard d'euros et annule 6,4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement non consommées et non reportées.

Le II du présent article arrête le montant des dépenses relatives au budget général à un montant de 540,7 milliards d'euros, ouvre des crédits de paiement complémentaires à hauteur de 0,6 milliard d'euros et annule 2,4 milliards d'euros de crédits de paiement non consommés et non reportés.

Les autorisations d'engagement et crédits de paiement complémentaires ouverts sont uniquement imputés sur des programmes dotés de crédits évaluatifs, à savoir les programmes 355 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » (+ 272,4 millions d'euros) et 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » (+ 328,1 millions d'euros).

Les dépenses exécutées sur les missions du budget général sont analysées dans le tome I du présent rapport et dans les contributions des rapporteurs spéciaux.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 5

Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

. Cet article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et les résultats de ces budgets au titre de l'année 2021.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées , soit 2 230,8 millions d'euros pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 135,5 millions d'euros pour le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Le montant des annulations d'autorisations d'engagement non engagées et non reportées est de 11,9 millions d'euros pour le premier budget annexe et de 14,1 millions d'euros pour le second.

Le II ajuste et arrête les dépenses et les recettes des deux budgets annexes, soit :

- 2 213,6 millions d'euros de dépenses et 2 140,6 millions d'euros de recettes pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », 12,7 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés ;

- 138,6 millions d'euros de dépenses et 204,1 millions d'euros de recettes pour le budget « Publications officielles et information administrative », 10,6 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 6

Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés.
Affectation des soldes

. Cet article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits de l'exercice 2021, s'agissant des comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2021 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2022.

Le I et le II du présent article ajustent et arrêtent respectivement le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consommés sur les comptes spéciaux.

Les comptes d'affectation spéciale ont consommé 67,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 68,3 milliards d'euros en crédits de paiement, pour des recettes de 67,9 milliards d'euros, tandis que sont annulés des crédits non consommés et non reportés de 4,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Les comptes de concours financiers ont consommé 124,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 123,9 milliards d'euros en crédits de paiement, pour des recettes de 124,6 milliards d'euros, tandis que sont annulés des crédits non consommés et non reportés à hauteur de 4,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 4,2 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les comptes de commerce ont des dépenses de 44,7 milliards d'euros et des recettes de 45,1 milliards d'euros. Les comptes d'opérations monétaires ont des dépenses de 1,6 milliard d'euros et des recettes de 3,2 milliards d'euros. Cette ligne supporte en outre une majoration du découvert de 17,3 milliards d'euros correspondant, comme chaque année, à la quote-part de la France au capital du Fonds monétaire international (FMI) et des prêts effectués dans le cadre de cet organisme.

Le III arrête les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2022 , à la date du 31 décembre 2021, qui sont reportés à la gestion 2022 par le IV , à l'exception :

- d'un solde débiteur de 356,9 millions d'euros concernant les comptes de concours financiers « Prêts à des États étrangers », en raison notamment de remises de dette à des pays étrangers ;

- d'un solde créditeur de 46,6 millions d'euros concernant le compte de commerce « Opérations commerciales des domaines » ;

- d'un solde créditeur de 107,6 millions d'euros concernant le compte d'opérations monétaires « Émission des monnaies métalliques », solde jugé sans signification parce qu'il mêle des opérations budgétaires classiques et des opérations de bilan ;

- d'un solde débiteur de 14,1 millions d'euros concernant le compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change », soldé chaque année en application de la loi du 8 mars 1949 relative aux comptes spéciaux du Trésor.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 7

Abandon de créances détenues sur la République fédérale de Somalie au titre de l'aide publique au développement

. Le présent article constate un abandon de créances de 23,8 millions d'euros par la France au profit de la Somalie.

Il tire ainsi les conséquences de la mise en oeuvre des dispositions de l'accord du 26 novembre 2020 signé entre la France et la République fédérale de Somalie relatif à la restructuration de la dette somalienne dans le cadre de la politique d'aide publique au développement.

Au titre des dispositions de l'accord bilatéral
du 26 novembre 2020 signé entre la République française et la République fédérale de Somalie, le ministre chargé de l'Économie et des finances est autorisé à abandonner une partie des créances détenues par l'État sur la Somalie pour un montant de 23,8 millions d'euros.

Cette opération s'inscrit dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) lancée par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) en 1996. Cette initiative se décompose en deux étapes :

- d'une part, un « point de décision » permettant d'établir l'éligibilité d'un État au bénéfice de l'initiative et de lui accorder un allégement du service de sa dette ;

- d'autre part, un « point d'achèvement » correspondant à la réception par l'État de la réduction intégrale et irrévocable de sa dette.

Le 31 mars 2020, la Somalie et ses créanciers membres du Club de Paris se sont accordés sur la décision de restructurer 2,625 milliards de dollars de la dette publique extérieure somalienne, avec 1,266 milliard au travers d'un rééchelonnement et le reste par annulation.

Pour la partie française, aux termes de l'accord bilatéral du 26 novembre 2020, l'engagement des membres du Club de Paris envers la Somalie se traduit :

- par un rééchelonnement d'une part de la dette somalienne de long terme détenue par la France et le report ainsi que l'étalement de paiement d'une partie de la dette de court terme ;

- par l'annulation d'une autre part de la dette somalienne à hauteur
de 23,8 millions d'euros.

Tirant les conséquences de cet accord, le présent article constate l'abandon de créances détenues par la France sur la République fédérale de Somalie d'un montant de 23,8 millions d'euros en application de l'accord bilatéral du 26 novembre 2020.

Il a été adopté par l'Assemblée nationale sans modification.

L'abandon de créances constaté au titre du présent article ne fait que traduire comptablement les engagements internationaux de la France et n'appelle pas d'autre remarque.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 8 (nouveau)

Rapport sur l'exécution du programme « Plan de relance »

. Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit la remise d'un rapport sur les mouvements de crédits intervenus en cours de gestion et le niveau d'exécution des crédits de la mission « Plan de relance ».

Cet article a été inséré lors de l'examen en séance publique du projet de loi de règlement par l'Assemblée nationale, sur un amendement de Philippe Brun et plusieurs de ses collègues, sous-amendé sur la proposition du rapporteur général Jean-René Cazeneuve.

Il prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1 er mai 2023 38 ( * ) , un rapport présentant un tableau qui retrace sur la période 2020-2022, pour chaque action et sous-action des trois programmes de la mission « Plan de relance » , les crédits initialement ouverts en 2020, en 2021 et en 2022, les mouvements de crédits intervenus en cours de gestion et le niveau d'exécution des crédits , en indiquant les programmes d'origine des crédits lorsqu'ils ont été ouverts en 2020 et les programmes de destination des crédits lorsque ceux-ci ont été transférés.

Selon l'exposé des motifs de l'amendement, l'objectif de ce rapport serait de permettre d'opérer un suivi sur le coût complet de chaque action et sous-action des trois programmes de la mission « Plan de relance » ouverts en 2020, en 2021 et en 2022, dans la mesure où certains crédits ont été ouverts dès 2020, soit avant la création de la mission « Plan de relance », puis transférés sur cette mission.

Le dispositif de l'amendement paraît toutefois plus large , puisqu'il inclut la totalité des mouvements de crédits intervenus en cours de gestion, ce qui devrait donc concerner notamment l'ensemble des reports de crédits non consommés d'une année vers l'autre, transferts ou virements à destination ou en provenance d'un autre programme budgétaire.

Un certain nombre de ces informations sont déjà présentes, mais souvent de manière fragmentaire et dispersée.

Certains décrets de reports de crédits indiquent ainsi sur quels programmes des crédits non consommés une année sont reportés l'année suivante : par exemple, un arrêté du 12 mars 2021 a reporté 156,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ouverts en 2020 du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » vers le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».

Toutefois, d'autres arrêtés sont beaucoup moins précis. Un arrêté du 23 février 2021 annule par exemple des crédits non consommés en 2020 sur dix-sept programmes et les reporte en 2021 vers seize programmes différents, dont les trois programmes de la mission « Plan de relance ». La même observation pourrait être faite sur les arrêtés de report réalisés en 2022.

Il est donc impossible de déterminer, au vu de ces informations, quels sont les programmes, et à plus forte raison les actions du budget général, sur lesquelles des crédits ont été ouverts en 2020 et sur quels programmes et actions de la mission « Plan de relance » ces crédits ont été utilisés en 2021.

Par-delà la question des reports de crédits, il serait utile de disposer d'une présentation d'ensemble des transferts de crédits effectués entre les programmes de la mission « Plan de relance » et des programmes relevant d'autres missions. Ces transferts font l'objet de décrets publiés au Journal officiel et sont présentés, de manière synthétique, par le rapporteur général dans le rapport qu'il présente, en tant que rapporteur spécial de la mission « Plan de relance », dans le rapport relatif à cette mission, annexé au présent rapport général. Il en ressort ainsi qu'en 2021, trois décrets ont transféré des crédits de la mission « Plan de relance » vers d'autres ministères 39 ( * ) , pour un montant total de 3,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,0 milliards d'euros en crédits de paiement.

Toutefois le Gouvernement fait le choix, depuis quelques années, de limiter le nombre de décrets de transferts effectués chaque année, ce qui a pour effet de regrouper dans chacun de ces décrets un très grand nombre de transferts entre de nombreux programmes du budget général. Si ces programmes, source et cible de ces transferts, sont explicités sous forme littéraire, et non dans un tableau, dans le rapport accompagnant le décret, qui est publié au Journal officiel en application des articles 12 et 56 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), cette information est difficilement exploitable 40 ( * ) .

Une présentation des transferts et des virements effectués figure également, en application de l'article 12 précité de la LOLF, dans le rapport annuel de performances. Une liste complète des transferts, avec indication du programme source, est effectivement donnée pour le programme 362 « Écologie », mais seul le montant global de ces transferts est indiqué pour les programmes 363 « Compétitivité » et 364 « Cohésion », sans indication des programmes sources, même si des informations sur certains de ces transferts sont disséminées dans la présentation, dite « justification au premier euro » des actions de ces programmes 41 ( * ) .

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MM. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE, ET GABRIEL ATTAL, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS (8 JUILLET 2022)

Réunie le vendredi 8 juillet 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, puis de Mme Christine Lavarde, vice-présidente, la commission a entendu MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics, sur le projet de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 et sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022.

M. Claude Raynal , président . - Nous recevons ce matin M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics, pour évoquer devant nous - oserais-je dire : enfin ! - le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 et, surtout, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, présenté hier après-midi en conseil des ministres. Je félicite M. Le Maire pour sa reconduction dans des fonctions étendues et souhaite la bienvenue à M. Gabriel Attal, qui s'exprimera pour la première fois devant nous dans ses nouvelles fonctions. Je forme le voeu que cette audition soit le début d'échanges utiles et fructueux entre notre commission et le Gouvernement.

Comme vous le savez, notre commission regrette que le Gouvernement n'ait pas présenté le projet de loi de règlement dans les délais prescrits par la loi organique, c'est-à-dire avant le 1 er juin. Ce n'est certes pas la première fois que cela arrive en période pré-électorale, mais nous aurions pu espérer qu'il en soit autrement d'un gouvernement en continuation. Il aurait été pourtant nécessaire de faire dès le mois de mai un bilan de l'exécution budgétaire avec l'appui de la Cour des comptes.

Alors que le Gouvernement n'a cessé, à juste titre et encore tout récemment lors du toilettage de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), d'inviter les parlementaires à se pencher davantage sur les résultats de la gestion publique, et que le Sénat y était prêt, nous serons contraints de réaliser cette année un examen des comptes particulièrement expéditif.

Cela est d'autant plus regrettable que nous devons examiner, également dans des délais très contraints, un important projet de loi de finances rectificative, qui bouleverse les équilibres du budget de l'État en 2022. Il acte en effet une forte révision à la baisse de nos prévisions de croissance, de 4 % à 2,5 %, et prévoit une augmentation de dépenses à hauteur de 44,2 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros de mesures nouvelles pour le pouvoir d'achat afin de contrecarrer les effets de l'inflation. Les estimations de recettes sont certes en hausse, mais pas suffisamment pour compenser ces dépenses nouvelles, ajoutées à des reports de crédits de 2021 qui viendront aggraver le déficit.

Vous avez estimé dans la presse que ces recettes supplémentaires sont « la démonstration qu'une politique tournée vers les baisses d'impôts et le travail produit de la richesse et du financement pour la protection des Français ». Selon moi, il s'agit surtout d'un effet de rattrapage qui n'est pas durable. Aussi, pensez-vous que l'approfondissement des baisses d'impôts, que j'ai pu qualifier de « désarmement fiscal », reste soutenable à l'heure où les conséquences de la guerre en Ukraine et les impératifs de transition énergétique et de soutien au pouvoir d'achat nécessitent un important soutien public ?

Ensuite, concernant l'articulation de vos propositions avec le redressement des finances publiques, alors que la crise sanitaire a marqué l'avènement du « quoi qu'il en coûte », vous avez annoncé récemment que la France avait atteint sa « cote d'alerte » sur les finances publiques. Cependant, ce PLFR sera encore pour l'essentiel financé par la dette : comment résoudre cette contradiction ? Quels leviers comptez-vous utiliser, au moment où la croissance pour les années 2023 et 2024 n'apparaît pas assurée ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Je tiens à vous dire le plaisir que j'ai à retrouver votre commission des finances. Nous vous devons une excuse sur le retard de la présentation du projet de loi, lié aux évènements politiques actuels.

Nous sommes au coeur du pic inflationniste, qui a commencé à l'automne dernier dans la vigueur de la reprise post-covid. Nous avons été les premiers en Europe à y répondre, avec le plafonnement de la hausse du prix de l'électricité à 4 % et le gel du prix du gaz, qui représentent une dépense de 20 milliards d'euros à ce jour. Nous avons de ce fait l'inflation la plus faible de la zone euro, car nous l'avons anticipée et avons protégé nos compatriotes avec ce dispositif unique en Europe. Sans cette action, les Français auraient vu leur facture de gaz augmenter de 50 %, et celle d'électricité de 35 %.

Cette inflation s'accélère désormais, pour des raisons conjoncturelles, dont la guerre en Ukraine, mais aussi structurelles avec les difficultés d'approvisionnement des chaînes de production, la fermeture du marché chinois et l'accélération de la transition écologique. Ce pic inflationniste devrait durer jusqu'à la fin l'année 2022 au moins, et nous anticipons une décrue durant l'année 2023, à la fin de laquelle nous reviendrons à un niveau d'inflation plus bas qu'aujourd'hui mais structurellement plus élevé que celui auquel nous étions habitués. Soyons modestes dans nos prévisions : il ne s'agit que de notre scénario central, mais les évènements géopolitiques, dont la situation en Ukraine et les conditions d'approvisionnement en hydrocarbures, pourraient largement changer nos prévisions.

Dès lors que l'inflation s'accroît, il est légitime et juste de protéger encore mieux nos compatriotes, ce que nous entendons faire avec les mesures contenues dans les textes qui seront soumis à votre examen. Nous suivons trois principes politiques.

Le premier est l'efficacité : le bouclier énergétique a permis de maîtriser l'inflation, nous le maintiendrons intégralement jusqu'à la fin de l'année 2022. Le plafonnement de l'augmentation des tarifs de l'électricité à 4 %, promis par le Président de la République, sera également maintenu jusqu'à la fin de l'année. Il en va de même pour le gel des prix du gaz. Je le redis : il n'y aura pas de rattrapage. Toute nouvelle augmentation des prix en 2022 sera bien sûr prise en compte dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, mais elle ne figurera pas sur la facture du consommateur. L'effet du bouclier énergétique est vertueux : il nous permet de ne pas atteindre les 10 ou 11 % d'inflation observés dans la zone euro, voire les 20 % parfois constatés hors zone euro. Nous avons pris cette décision en responsabilité : elle s'est avérée coûteuse, mais efficace.

Le deuxième principe est celui de la justice : il faut protéger ceux qui en ont le plus besoin, par exemple un retraité qui ne peut plus augmenter ses revenus. La revalorisation et l'indexation sur l'inflation des retraites, la revalorisation du point d'indice et celle des minima sociaux sont donc légitimes, tout comme celle des allocations familiales, car les familles supportent une grande partie du coût de l'inflation, notamment avec les dépenses d'alimentation.

Enfin, le troisième point est pour moi une ligne rouge forte : il s'agit des finances publiques. Ce paquet n'est pas financé par la dette : j'en veux pour preuve que nous avions prévu d'émettre 260 milliards d'euros de dette en 2022, et que nous n'irons pas au-delà. Nous le financerons avec les recettes fiscales exceptionnelles liées à la vigueur de la reprise et aux créations d'emplois, fruit de notre politique, avec, par exemple, un rendement plus élevé que prévu de l'impôt sur les sociétés. Les recettes sociales et celles qui proviennent de l'impôt sur le revenu représentent 20 milliards d'euros supplémentaires. Ces recettes, vous l'avez dit, sont exceptionnelles : nous les utilisons pour un financement exceptionnel lui aussi, et non des dépenses ou pertes de recettes durables comme une baisse de la TVA.

Il y a à cela deux exceptions, que nous revendiquons avec Gabriel Attal...

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - C'est tout et son contraire !

M. Bruno Le Maire, ministre . - Pas du tout ! Les Républicains proposent à la fois de rétablir les finances publiques et de dépenser 50 milliards d'euros sur l'essence : voilà un exemple de tout et son contraire. Je ne parle bien sûr pas des sénateurs : j'ai ainsi repris à mon compte, hier à l'Assemblée nationale et ce matin sur France Info, les propos responsables de Mme Christine Lavarde.

Ces exceptions sont la contribution à l'audiovisuel public et, j'y tiens, les impôts de production. En effet, il faut accélérer notre réindustrialisation, et la baisse de ces impôts est réclamée par tous les industriels, de l'automobile aux semi-conducteurs. Je préfère des usines qui ouvrent en France qu'en Allemagne, et on ne pourra pas le faire alors que nos impôts de production sont sept fois plus élevés. Une baisse d'impôt est d'ailleurs plus rentable, y compris en matière de finances publiques, si elle aboutit à un investissement dans l'industrie.

Nous proposons 20 milliards d'euros de mesures supplémentaires dans le paquet pouvoir d'achat, dont la revalorisation des retraites, du point d'indice et des allocations. Trois mesures visent en outre les dépenses contraintes les plus importantes de nos compatriotes. La première concerne les loyers : nous sommes parvenus à un compromis avec les acteurs du logement social, les bailleurs privés, les locataires et les propriétaires : ni gel des loyers empêchant la construction ni hausse correspondant à l'inflation, qui aurait abouti à une appréciation de 6 % insupportable pour les plus modestes, mais une augmentation plafonnée à 3,5 % sur un an, entre le 1 er octobre 2022 et le 1 er octobre 2023.

La deuxième est l'indemnité carburant. Nous souhaitons passer d'un dispositif général et coûteux à un autre plus ciblé, plus économe et plus juste. Je revendique le choix politique d'aider en priorité ceux qui travaillent, y compris les alternants et ceux qui sont en recherche d'emploi via Pôle emploi. La compensation de 18 centimes passera à 12 centimes en octobre, 6 centimes en novembre et disparaîtra en décembre 2022. Tous les utilisateurs pourront déclarer l'utilisation de leur véhicule pour travailler sur le site de la direction générale des finances publiques (DGFiP), avec des contrôles aléatoires, et les personnes concernées toucheront de 100 à 300 euros selon leur revenu. Cela devra concerner toutes les personnes travaillant jusqu'au cinquième décile, soit un revenu de 1 260 euros nets par mois pour une personne seule. On peut débattre des seuils.

Ensuite, le troisième poste de dépense le plus important étant l'alimentation, nous allons mettre en place à la rentrée un chèque alimentaire de 100 euros, plus 50 euros par enfant.

Enfin, nous revaloriserons la prime activité de 4 % et baisserons les cotisations sociales des indépendants, en application d'une promesse formulée par le Président de la République à l'Union des entreprises de proximité (U2P) il y a quelques mois. Nous mettrons aussi en place une prime allant jusqu'à 6 000 euros pour les entreprises disposant d'un accord d'intéressement, dont la création sera simplifiée.

Je conclus sur deux éléments. Le premier porte sur les finances publiques : tout n'est pas financièrement possible. Nous pouvons échanger sur des mesures et réorienter des crédits, mais ajouter des milliards aux milliards ne fera que plomber nos comptes publics. Je suis garant d'une trajectoire : déficit public de 6,5 % du PIB en 2021, 5 % en 2022 et 3 % en 2027. Tout dérapage en 2022 rendrait cet objectif final inatteignable et je m'y refuse.

Second élément, le fardeau doit être équitablement partagé. L'État a beaucoup contribué, certaines entreprises comme celles des secteurs de l'hôtellerie et de la restauration, ont aussi commencé à le faire. Cependant, toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les rémunérations des salariés par tous les moyens dont elles disposent, que ce soit par des primes, l'intéressement ou la participation.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics . - Cette audition porte sur le PLFR, mais aussi sur le projet de loi de règlement du budget 2021, que je vais vous présenter.

L'exécution budgétaire 2021 est celle de la protection des agents économiques, de la relance de l'activité et de la maîtrise des comptes, qui ont été nos priorités dans un contexte particulier de reprise et de surchauffe : avec 6,8 % de croissance, nous faisons mieux que la moyenne de la zone euro avec 1,4 point de plus.

Cela témoigne des moyens mis en oeuvre pour protéger entreprises et ménages, notamment les plus fragiles. Nous avons tout fait pour ne pas ajouter la vulnérabilité financière à la vulnérabilité sanitaire. Je pense aux 3,8 milliards d'euros mobilisés pour verser l'indemnité inflation de 100 euros à 38 millions de Français, ou encore aux 600 millions d'euros ayant permis de verser un chèque énergie à 5,6 millions de foyers modestes avant les fêtes de fin d'année.

Durant ces mois de stop and go pandémique, nous avons constamment adapté les dispositifs de protection des entreprises, comme l'activité partielle, dont ont bénéficié 3,5 millions de salariés. Ainsi, 34 milliards d'euros ont été déployés en 2021 dans le cadre de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », pour permettre aux entreprises de tenir le choc, d'investir et d'embaucher. Avec 72 milliards d'euros déjà engagés sur les 100 prévus au titre du plan de relance, nous avons aussi agi vite et fort en faveur de la transition énergétique, de l'industrie et de l'insertion professionnelle. Ainsi, 4 millions de jeunes se sont engagés dans le dispositif « 1 jeune 1 solution » en 2021.

Le déficit est passé de 8,9 % du PIB en 2020 à 6,4 % en 2021, et nous visons 5 % pour 2022. La dette s'établit à 112,5 % du PIB fin décembre, soit deux points de moins en un an. Le solde budgétaire de l'État s'est amélioré de 7,3 milliards d'euros pour s'établir à 170,7 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, avec 37 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires grâce à la dynamique de l'impôt sur les sociétés, de la TVA et de l'impôt sur le revenu.

L'année 2021 est donc l'an I de la remise en ordre des comptes publics post-covid. Nous continuerons en 2022. Je rappelle que le PLFR s'inscrit dans un paquet global : il s'articule avec le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, mais aussi avec des mesures réglementaires, comme le décret adopté hier en conseil des ministres augmentant le point d'indice des fonctionnaires.

Au-delà, ce PLFR tient aussi compte du marché de l'énergie. Ainsi, le texte entérine le déplafonnement de certains contrats de fourniture d'énergie renouvelable passés entre 2016 et 2019 pour tenir compte de la hausse récente des prix de l'électricité et donc permettre à l'État de percevoir la totalité des sommes dues par les fournisseurs, soit un gain de 2,4 milliards d'euros sur l'année 2022.

Ce texte remet aussi sur les rails la généralisation de la facturation électronique, qui devrait permettre un gain annuel de 4,5 milliards d'euros pour les entreprises grâce à la simplification administrative, mais aussi générer des rentrées fiscales car cela facilitera la lutte contre la fraude à la TVA.

Enfin ce PLFR prolonge les prêts garantis par l'État (PGE) accordés en soutien à la trésorerie des acteurs économiques affectés par le conflit en Ukraine. Il prévoit aussi 1,5 milliard d'euros de soutien aux entreprises énergo-intensives, c'est-à-dire celles dont plus de 3 % du chiffre d'affaires est consacré à des dépenses d'électricité ou de gaz. En effet, leur facture a été doublée par rapport à 2021 et elles s'en trouvent fragilisées. Les demandes sur le site de la DGFiP sont ouvertes depuis le début de la semaine.

En outre, 315 millions d'euros permettront à l'Agence française de développement (AFD) d'aider l'Ukraine, à hauteur de 300 millions d'euros, et la Moldavie, à hauteur de 15 millions d'euros. Cela s'ajoute au décret d'avance du 7 avril 2022, ratifié par ce PLFR et qui avait déjà ouvert 400 millions d'euros d'aides pour financer l'accueil des réfugiés ukrainiens, avec l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et l'ouverture de centres d'hébergement.

Par ailleurs, ce PLFR ouvre des crédits pour l'apprentissage, avec 1,8 milliard d'euros pour France compétences et 750 millions d'euros pour les primes d'apprentissage. Cette politique publique de l'apprentissage est d'ailleurs une réussite, puisque nous sommes passés de 300 000 à 700 000 apprentis entre 2017 et 2022.

De plus, 2 milliards d'euros sont aussi prévus au titre de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles au vu des incertitudes économiques, rappelées par Bruno Le Maire, liées à la situation internationale.

Enfin, 500 millions d'euros sont consacrés à l'agriculture, pour soutenir les forces vives qui nourrissent la France et qui ont subi divers aléas.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je m'associe aux propos du président vous souhaitant la bienvenue, aussi bien au ministre Bruno Le Maire, dans la continuité de son action, qu'à Gabriel Attal. Vous savez que notre assemblée a pour habitude de travailler avec sérieux et de faire preuve d'une grande vigilance.

Comme vous, nous allons nous mettre rapidement au travail, dès lors que nous disposons - enfin ! - des éléments que nous attendions depuis un long moment. Je comprends à cet égard que la Première ministre veillera à améliorer les habitudes d'hier - vous serez toujours les bienvenus dans cette maison, messieurs les ministres !

Vous avez retenu dans votre scénario central une hypothèse d'inflation de 5 % pour l'année 2022, alors que l'Insee prévoit 5,6 %. Qu'est-ce qui motive ce choix ? À quel coût pour nos finances publiques ce différentiel correspond-il ? Je me réjouis d'entendre votre attachement au redressement des comptes, monsieur le ministre Bruno Le Maire, mais avec les effets sur les obligations indexées ou les mesures de soutien aux ménages, ce chiffre n'est pas neutre.

Vous répétez à l'envi depuis quelque temps - un peu comme un aveu - que la cote d'alerte est atteinte pour les finances publiques. Si je comprends bien, lorsqu'elle est atteinte, elle est dépassée... Vous avez affirmé hier devant la commission des finances de l'Assemblée nationale la nécessité, dans l'état actuel, de compter chaque euro, rappelant qu'il fallait tenir compte du fait que les conditions de financement ont changé. Mais je n'ai pas le sentiment que ce PLFR reflète ces propos ! Il ouvre en effet des crédits nouveaux sur une centaine de programmes du budget général, pour un total de plus de 47 milliards d'euros en montant brut, et il n'en annule que sur un seul programme, celui correspondant à la charge d'intérêt de SNCF Réseau - pour 9 millions d'euros. Certes, il s'agit en partie de rétablir les crédits annulés dans le cadre du décret d'avance pour financer la remise de 18 centimes en avril dernier. Mais cela signifie-t-il aussi que vous n'avez pas pu identifier un seul programme du budget général, en dehors de celui que je viens de mentionner, sur lequel des crédits auraient pu être annulés, de manière à compenser au moins partiellement les ouvertures de crédits nécessaires sur d'autres dispositifs ?

Quelque 12 milliards d'euros sont prévus pour les participations financières de l'État. La Première ministre, dans sa déclaration de politique générale, a annoncé son intention que l'État détienne 100 % du capital d'EDF. Vous avez indiqué hier devant nos collègues députés que les 12 milliards d'euros correspondaient à l'acquisition des actions manquantes d'EDF, ainsi qu'à d'autres opérations éventuelles. Quel est le montant exact prévu pour l'opération liée à EDF ? Selon quels critères des participations financières pourront-elles être envisagées pour d'autres opérations ?

Je voudrais évoquer également la suppression, confirmée dès 2022, de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), que vous présentez comme une mesure de pouvoir d'achat, ce qu'il convient de relativiser si l'on regarde le gain réel pour les ménages concernés et si l'on pense que près de 5 millions de foyers sont d'ores et déjà exonérés du paiement de cette contribution.

Cette suppression était largement anticipée, mais s'effectue dans un certain manque de transparence : le Gouvernement s'était engagé en 2019 à présenter un rapport au Parlement sur l'avenir de ce prélèvement, mais ce document n'a jamais été publié. En octobre dernier, une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires culturelles devait rendre des conclusions : nous n'avons pas davantage été informés. Vous parlez de transparence : il est toujours mieux, en effet, de travailler en bonne intelligence et en portant les chiffres à la connaissance de nos assemblées. Nous avons le sentiment, sur ce sujet, d'une politique du fait accompli. Je vous reconnais le courage de vous attaquer à la modernisation du secteur de l'audiovisuel public ; mais comment allez-vous procéder pour 2023 ? Plutôt que de supprimer des ressources sans donner de choix alternatif, il eût été préférable d'agir progressivement, en concertation avec les deux assemblées.

Enfin, 4,6 milliards d'euros sont prévus dans ce texte pour la mise en place d'un dispositif de soutien aux travailleurs qui disposent d'un véhicule, à hauteur de 2 milliards d'euros, et la prolongation de la remise sur le prix des carburants à la pompe, pour 2,6 milliards d'euros. Le dossier de presse comporte des précisions sur le ciblage du dispositif, notamment en faveur des actifs, et de ceux qui font les plus longs trajets, pour remplacer la remise actuelle. Pouvez-vous nous donner des précisions supplémentaires sur ce ciblage ? Vous avez évoqué un certain nombre de catégories, l'on pourrait aussi penser aux retraités qui, dans certains territoires ruraux, ne disposent pas d'alternative à la voiture. Vous indiquez depuis hier que les parlementaires pourront faire part de leurs volontés pour déplacer, si besoin, le curseur entre les catégories de bénéficiaires. Dans quelle mesure ? Le texte ne prévoit que des crédits budgétaires, et vous savez bien que nous sommes contraints par la recevabilité financière de nos amendements ! Si nous ne disposons pas de vraies marges de manoeuvre, ce ne sera que du bavardage - cela me conduit à m'interroger sur la sincérité de votre volonté de dialogue et d'ouverture.

M. Claude Raynal , président . - Pour les questions suivantes, chacun disposera d'un temps de parole d'une minute et demie.

M. Vincent Delahaye . - Ce temps ne fait que se réduire !

M. Claude Raynal , président . - J'essaie de respecter les contraintes de chacun.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Merci pour vos questions, monsieur le rapporteur général ; je suis moi aussi très heureux de continuer avec vous pour les années qui viennent.

Nous avons retenu une hypothèse d'inflation de 5 %, quand l'Insee parle de 5,6 %. C'est tout simplement parce que nous avons une évaluation différente de l'évolution du prix du baril : l'Insee prend pour hypothèse un baril à 120 dollars, et nous à 114. Aujourd'hui, le baril est à 108 dollars.

Nous continuerons évidemment à suivre ces questions de près, mais je pense que notre hypothèse est raisonnable et correspond à la situation du marché.

La charge de la dette est la raison principale pour laquelle j'ai dit que nous avions atteint la cote d'alerte. Je revendique le « quoi qu'il en coûte », qui nous a permis d'éviter un dérapage de la dette, car il eût été plus coûteux d'indemniser des chômeurs qu'il ne l'a été de protéger les entreprises. Mais nous l'avons mis en place avec des taux d'intérêt nuls, voire négatifs. Cette situation a radicalement changé, et une partie de la dette française est indexée sur l'inflation. Nous ne pouvons donc plus continuer comme cela : ce n'est pas possible, et cela ne serait pas responsable. Je rappelle qu'un point d'inflation supplémentaire entraîne 5 milliards d'euros de charges en plus pour l'État, puisque 10 % de notre dette est indexée sur l'inflation. Je rappelle aussi que, sur cette partie de la dette qui est indexée sur l'inflation, les deux tiers sont indexés sur le niveau d'inflation moyen de la zone euro, qui est très supérieur au niveau d'inflation en France. C'est ce qui nous conduit à inscrire 12 milliards d'euros supplémentaires de charges de la dette. Et c'est ce qui doit nous conduire à faire preuve d'un grand sens des responsabilités et à faire des économies.

La première méthode, de loin la plus efficace, pour rétablir les finances publiques est d'atteindre le plein emploi, ce qui suppose de prendre des décisions structurelles, comme la réforme des retraites et de l'assurance chômage, mais aussi une réduction de certaines dépenses - pour cela, je vous donne rendez-vous au moment du débat sur le projet de loi de finances pour 2023. Selon la méthode qu'a définie la Première ministre, il est important que nous puissions travailler tous ensemble à identifier les gisements de dépenses publiques qui pourraient être réduites dans les années qui viennent, pour nous permettre de tenir notre engagement de réduire le déficit à moins de 3 % du PIB. Cette trajectoire doit être tenue, pour notre indépendance nationale. Elle ne peut l'être que s'il n'y a pas de dérapage en 2022 et que nous arrivons à créer le plein emploi dans notre pays, à engager des réformes de structure et à identifier un certain nombre de dépenses à réduire.

Sur les participations de l'État, j'ai peur de vous décevoir : comme il s'agit d'une opération en cours, je ne peux pas vous préciser le montant qui sera consacré à la nationalisation d'EDF. Il pourra y avoir d'autres opérations sur les titres de l'État si nécessaire, en fonction de l'évolution de la situation économique des entreprises que nous n'avons pas laissé tomber depuis le début de la crise, et que nous ne laisserons jamais tomber.

Sur le soutien aux travailleurs, je redis que les paramètres peuvent être discutés dès aujourd'hui pour améliorer le dispositif. Pour l'instant, il est réservé aux personnes qui travaillent : indépendants, salariés, fonctionnaires, alternants... Pour les trois premiers déciles, l'aide sera de 200 euros ; pour les deux suivants, de 100 euros, avec une majoration de 50 % si le lieu de travail est particulièrement éloigné du domicile. Faut-il aller plus loin, ou concentrer davantage cet effort ? Ce débat sera particulièrement utile pour que nous puissions améliorer ensemble ce dispositif.

Enfin, nous avons fait un choix politique, celui d'indexer les retraites : nous les augmentons de 4 %, et nous concentrons l'effort concernant les déplacements sur les personnes qui travaillent. Cette politique peut être discutée, mais c'est le choix que nous proposons aux parlementaires.

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Le rapporteur général a évoqué les annulations de crédits : ce texte a principalement pour objet d'ouvrir des crédits, pour répondre à l'inflation. Compte tenu des aléas majeurs que fait toujours peser la situation géopolitique et économique internationale, c'est principalement dans le PLFR de fin de gestion que des annulations de crédit pourront éventuellement être effectuées.

Sur la CAP, il y aura un vrai débat parlementaire, qui devra porter sur la manière de compenser et d'apporter aux sociétés de l'audiovisuel public les garanties attendues. Quant aux rapports que vous évoquez, je vais me renseigner sur les raisons pour lesquelles ils ne vous ont pas été communiqués. En fait, il y a eu énormément de travaux sur le sujet, et notamment un très bon rapport de MM. Karoutchi et Hugonet.

M. Roger Karoutchi . - Merci !

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Nous avons pris l'engagement, dans le cadre de la campagne présidentielle, de supprimer cet impôt, parce qu'il n'est pas très juste : tout le monde paye la même chose. Et, quand on prend des mesures, les Français nous demandent souvent ce qu'ils en verront, eux-mêmes, concrètement. Pour le coup, c'est très clair : si le Parlement adopte cette mesure, ils ne payeront pas leur CAP à l'automne.

Dans le projet de loi figurent deux garanties importantes : la création d'une mission budgétaire spécifique, et le fait que la subvention aux sociétés de l'audiovisuel public sera versée intégralement dans un délai d'un mois à compter de l'ouverture de la gestion, et non plus mensualisée.

Dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, nous serons capables de donner aux sociétés de l'audiovisuel public de la visibilité sur leur budget pour le quinquennat, et les contrats d'objectifs et de moyens devront être pleinement déployés.

M. Jérôme Bascher . - Rexecode dit dans un rapport publié le 5 juillet que, pour endiguer le déficit public, il faut commencer par retenir des hypothèses économiques prudentes. Monsieur le ministre de l'Économie, ici, à la commission des finances, c'est dès le printemps 2021 que nous avons dit que l'inflation augmentait. D'ailleurs, si vous regardez la courbe en glissement, vous verrez que sa pente est restée la même. Il fallait écouter le Sénat !

M. le ministre du budget nous dit que, pour le rebond de croissance en 2021, nous avons fait mieux que les autres. Certes, mais nous avons fait pire en 2020 ! Finalement, c'est fin 2021, comme l'ensemble des pays européens, que nous avons retrouvé le niveau de PIB de la fin 2019. Pas de cocorico, donc.

Nous devons nous focaliser sur l'accroissement de la croissance potentielle, par des mesures structurelles visant à mobiliser davantage de force de travail, car c'est de cela que toutes les entreprises que nous visitons nous parlent : elles cherchent à peu près 10 % de salariés en plus, ce qui n'est pas rien ! Nous devons prendre des mesures sur les heures supplémentaires, et augmenter légèrement ce qu'on appelle le point salarial. Or vous augmentez le revenu de solidarité active (RSA) de 4 %, mais le point d'indice de la fonction publique de 3,5 % : c'est l'inverse d'une bonne politique de croissance potentielle pour l'emploi !

Comment comptez-vous juguler l'inflation avec des mesures de demande ? Je ne comprends pas votre politique, monsieur le ministre de l'Économie.

Monsieur le ministre des comptes publics, en 2021, comme en 2020, il n'y avait pas de suppressions d'emplois dans le budget. Or nous avons eu, à chaque fois, des suppressions d'emplois dites de constatation, avec, par exemple, 3 500 emplois supprimés sur l'exercice 2021. Ne croyez-vous pas que ce serait au Parlement de décider de supprimer des emplois, dans le cadre d'une politique transparente, dès le vote du projet de loi de finances ? Au lieu de cela, nous avons là une sorte de politique à bas bruit pour réduire la masse salariale.

Pouvez-vous me confirmer qu'avec ce PLFR la deuxième mission de l'État sera de rembourser la dette, avant la défense nationale, au moment où l'Europe est en guerre ?

M. Roger Karoutchi . - Monsieur le ministre de l'économie, quand vous êtes au Sénat, vous débattez avec les sénateurs, et pas avec les députés, et ce qui a pu être dit à l'Assemblée nationale n'est pas ce qui se dit ici. J'ai cru comprendre que la Première ministre souhaitait débattre davantage avec les sénateurs - ayant sans doute compris que c'était ici que les choses se passeraient sur le fond.

Je rêverais d'accepter votre scénario central, mais permettez-moi de vous rappeler qu'il y a de nombreux aléas... En 2017, vous nous avez dit que le scénario central était d'atteindre l'équilibre complet en 2022. Nous avions espéré avec vous. Mais il y a eu la covid-19, la crise énergétique... De même, le scénario le plus optimiste est-il le plus crédible ? Non, parce que la guerre en Ukraine continue, que la pandémie de covid-19 n'est pas finie, tant s'en faut, parce que la situation internationale reste très troublée - en tout état de cause, vous avez accepté de tenir à partir de septembre des concertations avec les syndicats, avec les organisations agricoles, qui vont naturellement vous demander davantage de dépenses, davantage de salaire, davantage de traitement, sans que vous puissiez refuser. Bref, les dépenses prévues sont nettement supérieures à vos rentrées fiscales cette année, ce qui nous laisse quelque peu sceptique quant au déficit de 5 % que vous annoncez.

Il semble que les agences de notation soient inquiètes et envisagent d'abaisser la note de la France à l'automne. Avez-vous des informations en ce sens ? Ce matin a d'ailleurs été annoncé, pour le mois de mai, un niveau record de déficit commercial, à hauteur de 13 milliards d'euros.

M. le ministre des comptes publics a cité à juste titre le rapport que j'ai rédigé avec M. Hugonet, mais nous prenions acte dans celui-ci de la suppression de la CAP à contrecoeur ! Nous déplorions qu'une fois de plus, on ne parle pas d'abord du périmètre et des missions, mais du financement, ce qui n'est pas acceptable. Voilà des années que nous réclamons un vrai débat sur l'audiovisuel, et voilà des années qu'on ne parle que de financement, et pas des missions.

Le Sénat a proposé la création d'un organisme indépendant de contrôle de ce financement public. Je ne vois cela nulle part dans ce texte, où ces sommes deviennent une simple mission budgétaire, avec tous les aléas correspondants : je comprendrais qu'il y ait des inquiétudes dans l'audiovisuel public. Êtes-vous prêts à avancer sur ce sujet ?

M. Vincent Delahaye . - Je regrette qu'on ne nous laisse qu'un si court temps de parole. Je déplore de surcroît qu'on mélange dans une même audition la loi de règlement et le PLFR.

M. le ministre des comptes publics a parlé pendant à peine cinq minutes de la loi de règlement. Pourtant, analyser le passé éclaire l'avenir. Il serait bon qu'on passe beaucoup plus de temps sur les lois de règlement. Je regrette que nous ne disposions pas d'un document synthétique, d'autant plus qu'arrivés en fin de quinquennat, nous aurions pu dresser un bilan de cinq ans de la politique financière et budgétaire de la France.

J'aimerais disposer de plus d'indications sur la manière dont les prévisions ont été construites, monsieur le ministre de l'économie, notamment sur la charge de la dette et l'impact de l'inflation. Avec une inflation de 1,6 % en 2021, et une dette indexée à hauteur de 10 %, je suis surpris de la hausse de 5 milliards d'euros de la charge d'intérêts. En 2022, avec un niveau de 55 milliards d'euros, nous allons commencer à sentir vraiment le coût de l'endettement, que nous dénonçons depuis des années.

Vous expliquez les bonnes recettes fiscales par un rebond de l'activité. Je ne crois pas à cette explication, et j'y vois plutôt le résultat d'une sous-évaluation des recettes dans la loi de finances initiale. Pourriez-vous nous fournir une note synthétique décrivant les prévisions et la réalisation pour l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la TVA ? J'avais dit dès le vote de la loi de finances initiale que les recettes de TVA y étaient largement sous-évaluées. Comme la croissance réalisée n'est pas très différente de celle qui avait été prévue, je ne comprends pas le résultat.

Quand arriverons-nous à maîtriser le déficit de France compétences ? En termes d'annualité budgétaire, tout ce qui devait être pris en 2021 l'a-t-il été ?

Combien avons-nous dépensé en 2021 en dépenses protocolaires ? Il est toujours difficile d'obtenir les chiffres. Il s'agit des dépenses de communication, des frais de déplacement, de relations publiques... Quelle est la variation par rapport à 2020 ?

Enfin, quel est le montant de l'épargne supplémentaire que les Français ont mise de côté en 2020 et 2021 ? Pensez-vous qu'il y ait un vrai problème de pouvoir d'achat pour tous les Français ? Pour ma part, je ne le pense pas : ce problème est concentré sur un certain nombre de Français.

Encourager la consommation, au détriment de l'investissement, est-ce compatible avec ce qu'on essaye de faire passer comme objectif de sobriété auprès de nos compatriotes ?

M. Pascal Savoldelli . - Messieurs les ministres, vous nous avez parlé bilan, pouvoir d'achat, loi de règlement, PLFR... Sur le bilan, vous avez un petit problème d'écoute. Il y a un problème de sincérité sur le projet de loi de règlement, et même de surdité : vous ne pouvez pas ne pas voir que ce bilan a suscité peu d'engouement, et qu'il a même été en partie sanctionné.

Le Président de la République a annoncé que les collectivités territoriales devaient faire 10 milliards d'euros d'économies nécessaires sur le quinquennat - vous êtes sous tutelle. Les résultats que vous nous présentez montrent que 6,2 milliards d'euros de crédits n'ont pas été utilisés pour le plan de relance. Arrêtez donc de penser qu'il faut prendre 10 milliards aux collectivités territoriales !

Ou bien est-ce à dire que la croissance économique, pour vous, ne vient que de l'entreprise ? Bien sûr que l'entreprise contribue. Mais le capital des entreprises a-t-il contribué autant que les ménages et les administrations publiques ? En 2021, les ménages ont trois fois plus contribué à la croissance qu'en 2019, et cinq fois plus qu'en 2018. Quant aux administrations publiques, elles ont multiplié par six leur contribution à la croissance par rapport à 2018.

Les recettes ont augmenté de 10,2 milliards d'euros entre le dépôt du projet de loi de finances, le 3 novembre 2021, et le 21 décembre 2021. Cela interroge sur la sincérité de ce document.

Vous avez dit, monsieur Le Maire, qu'il ne fallait pas mettre de dépenses durables en face de recettes exceptionnelles. Cela signifie qu'il y a une face cachée. Jouons plutôt cartes sur table, et dites-nous dès maintenant ce qu'il en est, afin que nous puissions préparer bien en amont la loi de finances. Quelles sont des dépenses de politiques publiques qui ne pourront pas être pérennes ?

M. Didier Rambaud . - Nous connaissons, hélas, un regain de l'épidémie de covid-19. D'autres aléas pèsent sur la croissance économique. Comment entendez-vous faire face à ces aléas ?

Les collectivités locales seront dans une impasse financière au second semestre, parce qu'elles n'ont pas pu prévoir, lorsqu'elles ont voté leur budget en début d'année, l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires et la hausse très importante du coût de l'énergie. Quelles réponses entendez-vous apporter à cette situation inattendue pour les collectivités ?

Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire 2021 évoque des atteintes aux principes d'annualité et de spécialité budgétaires et un manque de pilotage des dépenses, notamment des dépenses fiscales. Partagez-vous le point de vue de la Cour des comptes ?

Mme Christine Lavarde . - Je ne suis pas certaine que votre enthousiasme, monsieur le ministre de l'Économie et des finances, soit pleinement partagé : nous avons chuté plus fort en 2020, il est donc assez logique que nous remontions plus fort...

De manière plus générale, où sont les mesures d'économies structurelles qui permettraient d'atteindre les objectifs de réduction du déficit public ? J'ajoute que, dans son rapport sur le programme national de réforme de la France, la Commission européenne a mis en avant des risques élevés sur la soutenabilité de la dette à moyen terme.

Par ailleurs, lorsque le 30 mars nous avons auditionné Olivier Dussopt, alors ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de décret d'avance, j'avais relevé que le Gouvernement prévoyait des annulations de crédits assez fortes dans le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », qui finance les primes à la conversion et le dispositif MaPrimeRénov'. Or, dans le projet de loi de finances rectificative qui a été déposé, il est prévu d'augmenter les crédits de ce programme...

Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, que ce soit l'obligation d'achat ou le complément de rémunération, représentent un budget important - 8,5 milliards d'euros. Vous avez évoqué votre volonté de « caper » certains de ces contrats. Mais qu'en est-il des contrats signés dans le cadre de l'ancien régime ? Attendez-vous la délibération de la Commission de régulation de l'énergie qui doit intervenir en juillet ? Comptez-vous présenter un amendement en séance publique pour tirer, le cas échéant, les conséquences de cette délibération ?

M. Michel Canévet . - Tout d'abord, le groupe Union Centriste souhaite vous féliciter pour vos nominations. Votre tâche est ardue, car la situation est préoccupante.

Sur le fond, je regrette que nous passions si peu de temps sur le projet de loi de règlement, parce que nous terminons tout de même l'exercice 2021 avec un déficit de 170,7 milliards d'euros et un niveau d'émission de dette également considérable.

Nous sommes évidemment favorables aux baisses d'impôts, mais nous devons aussi faire attention à assurer l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales et le retour à l'équilibre des finances publiques.

Nous partageons l'essentiel des orientations du projet de loi de finances rectificative, mais je voudrais à ce stade évoquer deux sujets. D'une part, je rejoins les interrogations de Vincent Delahaye quant au déficit et à la dette de France compétences. D'autre part, je rejoins l'idée que chaque euro compte et qu'il faut aider ceux qui travaillent ou se forment ; dans cette logique, il faut arrêter le plus rapidement possible l'aide généralisée pour privilégier des dispositifs ciblés.

M. Philippe Dominati . - Nous retrouvons, à chaque début de quinquennat, la même situation : nous prenons acte du fait que les engagements pris cinq ans avant n'ont pas été respectés ! Vous pratiquez donc aujourd'hui un exercice difficile qui suscite peu d'emballement. Pour autant, cette année est un peu originale, puisque nous retrouvons le même ministre de l'économie et des finances, ce qui est rare... Il est vrai qu'il y a toujours des aléas, mais chacun sait bien que, de toute façon, vous ne tiendrez pas vos objectifs.

Vous avez évoqué la revalorisation de certains barèmes, en particulier ceux de l'impôt sur le revenu. Allez-vous également revaloriser les barèmes liés aux dispositifs de défiscalisation ?

Vous aviez un objectif de suppression d'emplois publics lors du précédent quinquennat, moitié sur l'État, moitié sur les collectivités locales. Il n'a pas été respecté et nous constatons simplement une légère réduction. Vous communiquez maintenant très peu sur ce sujet. Qu'en est-il pour les années à venir ?

Mme Isabelle Briquet . - Le Gouvernement s'accorde un certain satisfecit dans le cadre du projet de loi de règlement pour 2021. Or les comparaisons entre 2020, année tout à fait particulière du fait de la pandémie, et 2021 sont hasardeuses : de nombreux indicateurs s'améliorent sans que cela corresponde à une véritable amélioration des politiques menées. D'ailleurs, la Cour des comptes ne partage pas vraiment l'enthousiasme affiché par le Gouvernement.

Dans le projet de loi de finances rectificative, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public est présentée comme une mesure de pouvoir d'achat, mais comment entendez-vous financer ce service public et garantir l'accès à une information de qualité et indépendante ?

Enfin, je souhaite vous alerter sur la situation financière des collectivités locales qui s'est nettement dégradée du fait de l'augmentation des coûts de l'énergie et des matières premières. Quels mécanismes de soutien comptez-vous mettre en place ?

M. Daniel Breuiller . - On peut lire, dans le projet de loi de règlement, que le budget « vert » ne représente que 7 % des dépenses. Je souhaite que nous allions bien au-delà ; c'est essentiel si nous voulons être cohérents avec l'ambition affichée par Mme la Première ministre en termes de transition écologique et si nous voulons que notre pays respecte ses engagements internationaux. Nous devons aussi mettre en place les outils de pilotage nécessaires à cette volonté politique.

Comme le dit Michel-Édouard Leclerc, y a-t-il des « profiteurs de crise » ? Selon l'Insee, les taux de marge sont passés de 61 % à 74 % dans les domaines de l'énergie, de l'eau et des déchets et de 39 % à 47 % pour les transports, des secteurs qui se situent en amont des chaînes de valeur et qui contribuent largement à amplifier l'inflation.

Par ailleurs, ce n'est pas l'accélération de la transition écologique qui favorise l'inflation ; c'est plutôt l'accélération de la crise climatique ! Et la transition écologique est indispensable pour répondre à cet enjeu.

Nous soutenons bien évidemment la revalorisation anticipée des pensions : elle est insuffisante, mais indispensable. Pour les travailleurs, les mesures ponctuelles ne sont pas non plus suffisantes, c'est d'abord le salaire qui doit être augmenté. De ce point de vue, je voudrais savoir combien de salariés n'ont pas bénéficié de la prime dite Macron. Ce chiffre est plus intéressant que celui des salariés qui en ont bénéficié... Le versement de cette prime crée une profonde inégalité entre les salariés.

Je voudrais faire, pour conclure, une proposition qui j'imagine ne pourra être que consensuelle, notamment au sein de notre commission... Je suggère que l'enveloppe de 12 milliards d'euros prévue pour renationaliser et recapitaliser EDF soit affectée au développement des énergies renouvelables. Cet argent sera alors mieux utilisé en faveur de notre indépendance, de la résilience des territoires et du respect de nos engagements internationaux.

Mme Sylvie Vermeillet . - Certaines entreprises dégagent actuellement des profits exceptionnels. Réfléchissez-vous à une taxation temporaire de ces super-profits ? Je pense naturellement à TotalEnergies, mais d'autres entreprises sont concernées. Plusieurs pays européens, notamment l'Italie et le Royaume-Uni, avancent dans cette voie. N'est-ce pas une piste à creuser dans un souci d'équité et de justice ?

Par ailleurs, quelle est la déclinaison concrète de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires dans les collectivités locales ?

M. Vincent Segouin . - Chacun sait qu'il y a beaucoup d'emplois vacants dans notre pays et que leur nombre s'est plutôt accru ces derniers temps. Néanmoins, notre taux de chômage reste largement supérieur à celui de la plupart des pays de la zone euro.

Vous l'avez dit, la croissance actuelle crée des recettes exceptionnelles pour le budget de l'État. La solution réside donc bien dans le travail et l'emploi. Pourtant, si certaines mesures sont favorables aux travailleurs, ce qui est positif, vous augmentez dans le même temps - toujours le « en même temps » ! - les minima sociaux et je ne vois pas, dans votre politique, de mesures d'incitation à l'emploi et visant à diminuer le chômage. Comment entendez-vous résoudre ce problème ?

M. Bruno Le Maire, ministre . - Tout d'abord, il n'est aucunement question de cocorico ! La France a beaucoup souffert en 2020 de la crise liée au covid-19, mais elle s'est redressée plus vite que ses voisins : nous sommes le premier pays à avoir retrouvé son niveau de PIB d'avant la crise. C'est d'abord la preuve du dynamisme des Français et des entreprises et cela devrait être une fierté nationale. Je ne dis pas cela en faveur du Gouvernement, mais en pensant à tous ces salariés, par exemple les caissières de supermarché, qui sont allés travailler durant la crise, à toutes ces entreprises qui ont refusé de fermer, qui se sont adaptées, etc. Ce sont ces salariés et ces entreprises qui nous ont permis de rebondir si vite.

Ensuite, le fait est que nous maîtrisons mieux l'inflation que les autres pays : elle est la plus basse de la zone euro. Nous avons tenu compte des alertes qui nous ont été adressées, en particulier en provenance du Sénat, et nous avons pris des mesures depuis plusieurs mois.

Notre politique économique reste une politique de l'offre - prime d'activité, baisse des impôts de production, défiscalisation des heures supplémentaires, réforme de l'assurance chômage, etc. Chacun sait qu'aujourd'hui le premier problème des entreprises est la pénurie de main-d'oeuvre - c'est le cas dans les secteurs de la distribution, de l'industrie agroalimentaire ou du BTP. En déplacement en Vendée récemment, je voyais partout des appels pour pourvoir des emplois. Nous devons vraiment nous concentrer sur ce problème ; la réponse passe par une politique de l'offre pour inciter au retour à l'emploi.

M. Pascal Savoldelli . - Et par les salaires !

M. Bruno Le Maire, ministre . - Absolument, cela passe également par les salaires. D'ailleurs, la plupart des secteurs prennent en compte cette dimension, par exemple l'hôtellerie-restauration. Ce secteur nous montre aussi que le salaire n'est pas la seule variable à actionner ; il faut dans le même temps améliorer les conditions de travail, notamment en termes d'aménagement des horaires. Nous devons répondre aux nouvelles attentes qui se font jour, en particulier de la part des plus jeunes, qui ne veulent peut-être plus travailler comme cela se faisait auparavant - ils ont d'ailleurs raison !

Je partage naturellement la prudence de Roger Karoutchi : je vous présente un scénario central sur lequel pèsent plusieurs incertitudes - la guerre en Ukraine, l'attitude de Vladimir Poutine, les approvisionnements énergétiques, etc. Vous savez, le précédent quinquennat m'a appris la prudence et l'humilité... Ce scénario central est raisonnable, il est cohérent avec le consensus actuel des prévisionnistes, mais je ne peux pas en exclure d'autres. Cela rend d'autant plus nécessaire de tenir une ligne claire sur les fondamentaux : rétablissement des finances publiques, politique de l'offre, poursuite des réformes structurelles, notamment la réforme des retraites et celle de l'assurance chômage. Nous devons savoir où nous allons quelles que soient les circonstances.

Il est vrai que les chiffres du commerce extérieur ne sont pas bons, mais il faut aussi avoir en tête que l'Allemagne connaît elle-même, pour la première fois depuis fort longtemps, un déficit commercial, ce qui montre bien l'ampleur des défis à relever.

Nous devons être attentifs à la situation financière de France compétences et à la manière dont les crédits sont dépensés.

Je suis également d'accord avec vous, monsieur Delahaye, sur le fait que la question du pouvoir d'achat et l'impact de l'inflation sont très différents selon les niveaux de revenus des Français. Les chiffres globaux montrent que nous protégeons bien les Français, mais ils constituent évidemment des moyennes qui ne doivent pas masquer les grandes disparités qui existent en la matière. C'est pourquoi nous devons cibler les dispositifs...

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Ce n'est pas faute de vous l'avoir proposé !

M. Bruno Le Maire, ministre . - ... et c'est pourquoi je revendique le choix que nous faisons sur les carburants. Plutôt que de dépenser près de 1 milliard d'euros par mois au bénéfice de tous les Français, je préfère que nous basculions sur un dispositif plus ciblé en faveur de ceux qui en ont réellement besoin - ce dispositif sera mis en oeuvre à compter du 1 er octobre.

Monsieur Savoldelli, je vous rassure, je ne suis pas sous tutelle, comme vous le dites. Je travaille sous l'autorité du Président de la République pour appliquer le projet sur lequel il a été réélu : 40 milliards d'euros d'économies, dont 20 milliards pour l'État, 10 milliards sur les retraites et 10 milliards pour les collectivités locales.

En ce qui concerne les collectivités locales, certaines ont plutôt de bonnes surprises ces derniers temps, mais la situation est plus difficile pour d'autres, en particulier pour les plus petites et pour les communes rurales. Je vous propose de travailler ensemble sur ce sujet.

De manière générale, je crois que le Gouvernement et le Parlement doivent travailler ensemble et en amont pour trouver les pistes d'économies structurelles qui sont nécessaires au respect de nos objectifs.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - C'est la révolution !

M. Bruno Le Maire, ministre . - C'est peut-être révolutionnaire, monsieur le rapporteur général, mais c'est indispensable dans les circonstances actuelles !

Madame Lavarde, nous atteindrons l'objectif de 3 % de déficit d'abord par le plein emploi. On sous-estime complètement les vertus du plein emploi - il est vrai que nous ne l'avons pas atteint depuis un demi-siècle ! - ; ce sont des vertus d'ordre économique bien sûr, mais aussi d'ordre politique et social et en termes de confiance en soi pour notre société. Au-delà, nous devons réaliser des réformes structurelles et le Président de la République a été très clair sur le fait que la réforme des retraites devait s'appliquer à compter de 2023.

La revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu est indispensable, ne serait-ce que pour éviter que des ménages non imposables le deviennent. Elle sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2023, mais elle s'appliquera à compter des revenus de 2022.

La prime dite Macron a été perçue par 5 millions de salariés pour un montant moyen de 500 euros. Il reste donc environ 15 millions de salariés qui ne l'ont pas touchée et je ne saurais trop inciter les entreprises à utiliser cet outil qui est mis à leur disposition. Les entreprises sont dans des situations très différentes selon leur secteur d'activité et leur taille. Dans les secteurs profitables ou qui bénéficient de la période actuelle, comme les transports, je souhaite que les entreprises augmentent les salaires quand elles le peuvent - beaucoup le font et je les en remercie. Dans des secteurs moins favorables ou dans les entreprises qui craignent un retournement de conjoncture, je peux comprendre qu'on n'augmente pas les salaires, mais ces entreprises peuvent alors verser une prime - cela ne menace pas la survie de l'entreprise en cas de retournement de conjoncture.

Les entreprises doivent aussi se saisir des procédures d'intéressement et de participation qui permettent de récompenser les salariés. Nous avons simplifié les dispositifs et le nombre de salariés concernés a augmenté, mais il faut aller plus loin.

En ce qui concerne les éventuels profiteurs de crise, nous voulons contrôler et sanctionner. Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) vont être renforcés et nous lançons une mission de l'inspection générale des finances (IGF) sur la question du seuil de revente à perte - je propose d'ailleurs aux représentants du monde agricole et aux parlementaires qui le souhaitent de participer à cette mission. Vous le savez, je suis très attaché à ce que les producteurs agricoles soient correctement rémunérés pour leur travail.

Il me semble préférable que les entreprises qui font des profits particuliers en cette période de pic inflationniste les redistribuent directement aux Français, par exemple par des remises à la pompe, plutôt que de les taxer spécifiquement. Une taxe va dans le budget général de l'État, pas dans la poche des Français ! Nous ferons les comptes à la fin de l'année, car il faut que cette redistribution soit suffisante. Je pense aux entreprises du secteur de l'énergie, mais aussi à celles des secteurs bancaires, des assurances ou du transport maritime - CMA-CGM a déjà fait un effort que je salue.

- Présidence de Mme Christine Lavarde, vice-présidente -

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - En ce qui concerne les reports de crédits, nous avions fait d'importants efforts depuis 2017 pour les limiter, mais le contexte des deux dernières années et les aléas - situation sanitaire, crise ukrainienne, etc. - expliquent qu'ils sont plus élevés d'une année sur l'autre entre 2020 et 2021 et entre 2021 et 2022.

Je vous donne deux exemples. Les crédits non consommés se sont élevés à 37,5 milliards d'euros en 2020, dont 28,8 milliards sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Vous aviez pris de la marge...

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - C'est vrai, mais c'était une crise historique ! Dans de telles circonstances, il vaut mieux prévoir large plutôt que de ne pas pouvoir payer telle ou telle dépense urgente - je pense aux tests, aux différents dispositifs de soutien à l'économie, etc.

En 2021, les crédits non consommés - 24,6 milliards d'euros - étaient moins élevés et largement dus au plan de relance dont la mise en oeuvre devait s'étaler sur deux ans.

En ce qui concerne la charge de la dette, nous proposons d'ouvrir, dans ce projet de loi de finances rectificative, 11,886 milliards d'euros sur la mission « Engagements financiers de l'État ». Cette inscription nouvelle résulte à la fois de la hausse des taux et de celle de l'inflation, une partie de notre dette étant indexée sur cette dernière. Je précise que l'indice pris en compte est européen ; la hausse est donc plus élevée que si nous prenions en compte l'indice français. La charge d'intérêts liée à la dette indexée s'élèverait à 15,6 milliards d'euros en 2022, soit 30 % du total de la charge de la dette et 10,8 milliards d'euros de plus que le sous-jacent de la loi de finances initiale - 4,8 milliards d'euros. On peut ainsi estimer que plus de 90 % de l'augmentation de la charge de la dette par rapport à la loi de finances initiale provient de l'inflation.

Dans la loi de finances initiale, la charge de la dette s'élevait à 38,7 milliards d'euros ; avec l'augmentation dont je viens de parler, nous atteignons 51 milliards. Ce poste de dépenses dépasse donc effectivement les crédits de la mission « Défense ». Cela montre la nécessité, d'une part, de réduire le déficit public, d'autre part, de faire progresser le budget de la défense ; c'est ce que nous ferons.

En ce qui concerne les collectivités locales, deux grandes questions ont été abordées : l'impact de la hausse de 3,5 % du point d'indice des fonctionnaires sur les budgets locaux et la participation des collectivités à notre objectif de maîtrise de la progression des dépenses publiques.

Sur le premier sujet, il me semble que chacun conviendra qu'il était nécessaire d'augmenter le point d'indice des fonctionnaires dans le contexte actuel d'inflation. Cette augmentation représente un coût de 1 milliard d'euros en 2022 pour les collectivités locales et de 2,1 milliards d'euros en année pleine.

Mais le contexte actuel, qui justifie cette augmentation du point d'indice, a aussi un impact sur les recettes des collectivités locales : sur les cinq premiers mois de l'année 2022, leurs recettes réelles de fonctionnement progressent de 4,8 milliards d'euros par rapport à la même période de 2021. Nous pourrons refaire le point au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2023.

Sur le second sujet, je rappelle que, dans le cadre de la campagne électorale, le Président de la République a mis en avant un objectif de maîtrise de la progression des dépenses publiques et qu'il a estimé que les collectivités locales pouvaient participer à cet effort à hauteur de 10 milliards d'euros. Il ne s'agit pas, comme cela a été fait entre 2014 et 2017, de baisser les recettes des collectivités. J'insiste, les recettes comme les dépenses des collectivités locales vont continuer de progresser durant ce quinquennat. Avant la crise épidémique, nous avions mis en place un outil pour maîtriser l'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités - les contrats dits de Cahors. Nous débattrons ensemble et sans tabou, en particulier dans le cadre des prochains débats budgétaires, sur la manière de remplir cet objectif.

Je n'ai pas de tabou non plus sur les voies et moyens pour remplacer la contribution à l'audiovisuel public. L'indépendance des sociétés de l'audiovisuel public me semble d'ores et déjà garantie par la loi. Devons-nous mettre en place une nouvelle commission pour cela ? C'est souvent un réflexe en France de créer une nouvelle commission à chaque fois que se pose une question ; ce n'est pas toujours nécessaire.

Je note simplement que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), une autorité indépendante, a déjà un certain nombre de compétences en la matière, par exemple grâce aux contrats d'objectifs et de moyens qui lient l'État à chacune de ces sociétés.

M. Roger Karoutchi . - Les responsables de l'Arcom estiment qu'elle n'est pas compétente en la matière.

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Peut-être pas directement, mais elle n'est quand même pas complètement étrangère à cette question.

Il faut aussi prendre en compte le travail réalisé par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat et par le Parlement dans son ensemble qui vote les crédits de l'audiovisuel public.

Nous aurons naturellement ce débat lors de l'examen des prochains textes budgétaires.

En ce qui concerne les frais protocolaires, il me semble que de nombreuses informations sont disponibles dans les annexes aux projets de loi de finances, en particulier dans le « jaune » budgétaire sur les personnels affectés dans les cabinets ministériels. S'il faut aller plus loin dans l'information du Parlement, nous sommes à votre disposition pour avancer dans le sens d'une plus grande transparence.

Sur France compétences, le chiffre de 5 milliards d'euros de déficit en 2022 est surestimé, nous tablons plutôt sur 4,6 milliards d'euros dont 2,6 financés par l'emprunt et 2 par une subvention exceptionnelle de l'État, ouverte dans le PLFR. Ce déficit est lié à la hausse des dépenses d'apprentissage, qui prouve la dynamique de notre politique dans ce domaine. Cela ne nous empêche pas de rechercher des pistes d'économies. Nous avons ainsi demandé aux centres de formation d'apprentis (CFA) de rationaliser leurs coûts de fonctionnement, avec un objectif de -10 % d'ici à 2023 pour entre 0,7 et 0,8 milliard d'euros d'économies à terme. Nous réfléchissons à d'autres mesures de maîtrise des dépenses : nous pourrons en débattre à l'occasion du PLF pour 2023.

M. Rambaud a mentionné les dépenses fiscales : sur le précédent quinquennat, nous en avons supprimé une soixantaine, en ayant mené d'importants chantiers comme celui sur le dispositif Pinel. Nous avons aussi amélioré la documentation budgétaire avec le budget vert. Les obligations déclaratives ne suffisent pas cependant pour avoir un chiffre, il faut une évaluation qualitative des dispositifs. Nous aurons ce débat dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. Notre volonté constante reste de « faire le ménage » dans ces dépenses fiscales inefficientes.

Sur le déplafonnement des contrats, l'État soutient les énergies renouvelables via un complément de rémunération des risques pris par les producteurs pour compenser l'écart entre le tarif de rachat et les prix du marché. Dans le contexte inflationniste actuel, on a le risque d'un effet d'aubaine pour des énergéticiens : l'écart entre prix garanti et de marché se résorbe voire s'inverse dès l'automne 2021, ce qui implique la restitution d'un différentiel à l'État. Toutefois, certains contrats signés entre 2016 et 2019 plafonnaient ce montant restitué à hauteur des sommes déjà versés, avec un manque à gagner pour l'État. C'est pourquoi nous proposons un déplafonnement pour l'ensemble de l'année 2022 soit un gain pour l'État de 2,4 milliards d'euros.

Pour finir, monsieur Bascher, nous mesurons toujours le solde des suppressions d'équivalents temps plein (ETP), qui atteint 3 951 sur le projet de loi de règlement pour 2021, surtout du fait du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en raison d'un plus grand nombre de départs à la retraite que prévu et de difficultés de recrutement et d'attractivité. C'est pourquoi, sous la responsabilité de mon collègue ministre de l'éducation nationale, nous ouvrons un chantier majeur du quinquennat qui est celui du choc d'attractivité du métier d'enseignant : hausse des rémunérations, annoncée par le Président de la République, et transformation du métier.

Certaines suppressions sont aussi liées à des transformations : le ministère de l'économie et des finances est ainsi l'un des principaux contributeurs, le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d'habitation et de la CAP lui permettent de dégager les ETP consacrés à leur recouvrement. La trajectoire fera l'objet des débats autour du programme de stabilité. Le mandat qui m'est donné par la Première ministre est la stabilité des effectifs publics sur le quinquennat, ce qui n'empêche pas des évolutions : le Président de la République s'est ainsi engagé sur la création de 8 500 postes au ministère de la justice et sur le doublement de la présence des forces de l'ordre sur la voie publique, objectif du Beauvau de la sécurité. Cette dernière ne dépend d'ailleurs pas seulement d'une hausse des effectifs, mais aussi, par exemple, de la transformation des cycles horaires et du transfert de détenus en milieu hospitalier. Le ministère des armées est aussi concerné, avec une hausse de moyens prévus par la loi de programmation militaire.

M. Philippe Dominati . - Sur le dernier quinquennat, le Président de la République, que vous citez souvent, avait annoncé la suppression de 50 000 emplois dans la fonction publique d'État et autant dans la fonction publique territoriale. Qu'est-ce qui a changé entre les deux mandats pour parler de stabilité désormais ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Nous aurons ce débat dans le cadre de l'examen de la loi de programmation des finances publiques. En effet, en 2017, le Président de la République, candidat à l'époque, s'était engagé sur une réduction chiffrée. La crise des « gilets jaunes » a acté un renforcement des services publics sur le territoire, avec un engagement de déconcentration et de relocalisation qui nous a conduits à abandonner un objectif chiffré.

Ensuite, il y a eu la campagne présidentielle elle-même, au cours de laquelle le Président de la République a indiqué ne plus considérer un objectif chiffré mais avant tout des réformes structurelles qui conduisent à des économies. Je reprends l'exemple du prélèvement à la source.

Je constate que les autres candidats, dont une qui prévoyait une baisse de 150 000 ETP, n'ont jamais pu préciser où ces fonctionnaires devaient être retirés.

M. Daniel Breuiller . - M. Dominati nous le dira !

Mme Christine Lavarde , présidente . - Vous nous avez donné des rendez-vous pour l'avenir, monsieur le ministre ! Discuter et disposer des documents le plus en amont possible nous permettra de débattre dans les meilleures conditions dans l'hémicycle.

II. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 19 juillet 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021. En conséquence, elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

Le compte rendu de la réunion peut être consulté sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/finances.html

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl21-787.html


* 1 Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

* 2 Le revenu disponible brut correspond à l'ensemble des revenus primaires d'un agent économique et du solde des transferts qu'il perçoit ou dont il s'acquitte (impôts et cotisations, prestations sociales etc.).

* 3 Rapport n° 743 (2020-2021) de M. Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021, relatif au projet de loi de règlement et d'exécution des comptes pour 2020.

* 4 Agreste Infos rapides n°2021-164, novembre 2021.

* 5 Les contrats overnight index swap (OIS) sont des instruments dérivés liés à un taux d'intérêt interbancaire de référence au jour le jour. En raison de l'absence de prime de risque souverain et de liquidité sur ces titres, les OIS à long terme sont utilisés en analyse économique et financière afin d'estimer les prévisions des marchés concernant des taux moyens sans risque à court terme (source : « Les mesures de politique monétaire pendant la première phase de la crise de la Covid-19 », Banque de France, mars-avril 2021).

* 6 Rapport n° 705 (2020-2021) de M. Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 juin 2021

* 7 Avis n° HCFP-2022-2 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2022.

* 8 L'élasticité des prélèvements obligatoire correspond au rapport entre le taux de croissance spontanée des prélèvements obligatoires (hors mesures nouvelles) et la croissance du PIB. En moyenne sur longue période, l'élasticité des prélèvements obligatoire est proche de l'unité, ce qui signifie qu'une augmentation de 1 % du PIB en valeur se traduit pas une augmentation de 1 % du rendement des prélèvements obligatoires l'année suivante. Pour 2021, une élasticité de 1,1 signifie que le rendement des prélèvements obligatoires a été plus dynamique que la croissance du PIB.

* 9 Intervention en discussion générale à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances
pour 2022 de M. Bruno Le Maire, lundi 11 octobre 2021.

* 10 Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021 sur le projet de loi de finances pour 2022.

* 11 L'écart de production constitue le rapport entre le PIB constaté et le PIB potentiel. Lorsqu'il est positif, l'économie fonction au-delà de ses capacités et inversement. Un écart de production négatif tend à accroitre le déficit conjoncturel : il est en effet considéré que si l'économie avait été à son potentiel les recettes publiques auraient été plus importantes. Inversement, un écart de production positif réduit le déficit conjoncturel puisque les recettes publiques sont regardées comme au-delà de leur niveau potentiel.

* 12 Avis n° HCFP-2022-1 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2021

* 13 La valeur d'équivalence correspond à la quote-part des capitaux propres détenue par l'État, sur la base des derniers comptes disponibles de chaque entité.

* 14 Une partie de ces titres est toutefois affectée au fonds pour l'innovation et l'industrie.

* 15 Rapport général n° 163 (2021-2022) de Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2022, déposé le 18 novembre 2021.

* 16 ACOSS Stat' / Stat ur n° 340 , mars 2022.

* 17 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire sur les recettes fiscales nettes en 2021.

* 18 À titre de comparaison, le montant moyen était de 2 milliards d'euros entre 2008 et 2019.

* 19 Le montant total de l'impôt sur les sociétés au titre de 2021 dépend du bénéfice fiscal, qui ne sera connu avec fiabilité qu'à l'été 2022.

* 20 Notamment dans le cadre de la convention judiciaire d'intérêt public Airbus (2,1 milliards d'euros).

* 21 Fonds de solidarité pour les entreprises, financement du régime d'activité partielle d'urgence, prises de participations dans des entreprises affectées par la crise, compensation d'exonération de cotisations sociales.

* 22 Hors mission « Remboursements et dégrèvements ».

* 23 Des primes ou décotes existent même lors de l'émission de nouveaux titres en période de taux positifs, car les coupons servis ont des taux arrondis, selon les cas, à 0,25 % ou 0,1 % et donc non strictement égaux aux taux de marché (voir le rapport annuel de performances sur la mission « Engagements financiers de l'État », annexé au projet de loi de règlement pour 2021).

* 24 Le montant des décotes est de 1,9 milliard d'euros en 2021, pour 18,8 milliards d'euros de primes.

* 25 Rapport sur le budget de l'État en 2021, p. 53.

* 26 Voir notamment Olivier Rouseau, Primes d'émission et décotes dans le compte général de l'État , Gestion et finances publiques , 2018, n° 1, p. 85 à 88.

* 27 Le projet de loi de finances pour 2021 prévoyait une diminution de 11 ETP seulement dans les ministères et de 146 ETP chez les opérateurs de l'État.

* 28 Comme indiqué supra , une partie des crédits avait été reportés vers le programme 357 et la loi de finances initiale n'avait pas ouvert de crédits nouveaux pour le dispositif d'activité partielle d'urgence.

* 29 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 30 Dans les lois de finances rectificative, les prévisions de consommation des reports de crédits figuraient dans le déficit à financer, tel qu'indiqué dans le tableau de financement, mais pas dans les prévisions de dépenses figurant dans le tableau d'équilibre du budget.

* 31 Loi organique n°2001-692 du 1 er aout 2001 relative aux lois de finances.

* 32 Le présent rapport s'attache à analyser la seule notion de sous-indicateurs. En effet, l'indicateur se caractérise par un libellé et une catégorie (du point de vue du citoyen, de l'usager ou du contribuable) alors que le sous-indicateur se caractérise par : un libellé, une unité de mesure ainsi que les données de réalisation (N-1 et N-2), les prévisions (prévision initiale PAP N et prévision actualisée, prévision N+1) et la valeur-cible pour la dernière de la période triennale considérée. Il est donc l'outil de référence de la mesure de la performance.

* 33 Les chiffres mentionnés dans la présente partie sont extraits du tableau des sous-indicateurs du budget de l'État transmis par la direction du budget au rapporteur général.

* 34 Rapports annuels « Les données de la performance ».

* 35 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 36 Les ressources mises à disposition du Fonds et retracées, à titre d'information uniquement, dans le compte de commerce « Opérations avec le Fonds monétaire international » sont assimilées à un prêt, dont la créance est rachetée par la Banque de France. En conséquence, le solde de ce compte de commerce n'est pas inclus dans le solde budgétaire et il n'a pas non plus d'effet sur la trésorerie de l'État.

* 37 Les états financiers et l'annexe sont publiés dans un même document, intitulé « Compte général de l'État » et accompagné de présentations plus synthétiques, sur : https://www.budget.gouv.fr/documentation/comptes-de-letat.

* 38 L'amendement initial prévoyait une remise du rapport au 1 er avril 2023, que le rapporteur général a proposé de décaler au 1 er mai, qui sera la date limite de dépôt du projet de loi de règlement à compter de 2023, en application de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 39 Décrets n° 2021-84 du 28 janvier 2021, n° 2021-831 du 28 juin 2021 et n° 2021-1509 du 19 novembre 2021.

* 40 Voir à titre d'exemple le décret n° 2021-1509 du 19 novembre 2021 portant transfert de crédits (NOR : CCPB2131089D) et le rapport relatif à ce décret (NOR : CCPB2131089P), tous deux publiés au Journal officiel n° 0270 du 20 novembre 2021.

* 41 Voir le rapport annuel de performances de la mission « Plan de relance » annexé au projet de loi de règlement, pages 31, 34, 82 et 132.

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