DEUXIÈME PARTIE
LE RESPECT DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE
EN 2021

La loi de règlement a pour objet principal de constater le montant définitif des recettes et des dépenses au cours de l'exercice auquel elle se rapporte. Elle permet donc de dresser un bilan définitif de l'exécution budgétaire.

I. LES REPORTS DE CRÉDITS CONSIDÉRABLES RENDENT DIFFICILE LA COMPARAISON ENTRE LA LOI DE FINANCES INITIALE ET L'EXÉCUTION DES CRÉDITS

Les reports de crédits non consommés en 2020 vers 2021 ont atteint un niveau exceptionnel de 36,6 milliards d'euros en crédits de paiement , dont 28,8 milliards d'euros sur la seule mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».

Un tel niveau de reports porte atteinte au principe selon lequel l'autorisation parlementaire porte sur un exercice donné . Ces montants n'ont pas été soumis de manière explicite à autorisation parlementaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, sauf dans le cadre de l'article 102 de la loi de finances pour 2021 qui autorisait de manière générale le Gouvernement à déroger, pour 51 programmes budgétaires, à la limite des reports à 3 % des crédits ouverts posée par l'article 15 de la LOLF, lequel était de ce fait largement vidé de sa substance.

Ces reports portent également atteinte au principe de spécialité sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » : des crédits ouverts à l'origine sur le programme 356 qui finance le dispositif d'activité partielle d'urgence (à hauteur de 2,3 milliards d'euros) et sur le programme 360 qui compense à la Sécurité sociale le coût d'exonérations de charges (à hauteur 4,3 milliards d'euros) ont été reportés sur le programme 357 qui finance une mesure différente, à savoir le fonds de solidarité pour les entreprises affectées par les conséquences de la crise sanitaire.

Or la pratique s'est poursuivie pour les reports vers 2022 de crédits non consommés en 2021 . Sur le périmètre du budget général, le Gouvernement a pris 27 arrêtés de reports entre le 6 janvier et le 29 mars 2022, pour un montant total de 56,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 23,2 milliards d'euros en crédits de paiement.

Contrairement à l'année précédente où la plus grande partie des reports concernaient la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », les reports se répartissent en 2022 sur un grand nombre de missions : « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » (6,6 milliards d'euros), « Plan de relance » (6,2 milliards d'euros), « Écologie, développement et mobilité durables » (3,2 milliards d'euros), « Économie » (2,3 milliards d'euros), « Travail et emploi » (1,8 milliard d'euros)...

Principaux reports de 2020 vers 2021 et de 2021 vers 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des arrêtés de report

Comme le rapporteur général le montre dans son rapport sur l'exécution de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », une partie importante des crédits ouverts en avril 2020 sur le programme 358, destinés alors à d'éventuelles prises de participation financière de l'État, non consommés et reportés successivement en 2021 et en 2022, n'ont été finalement annulés que dans deux décrets d'avance pris en mai 2021 et en avril 2022. Ces décrets devant être équilibrés en ouvertures et en annulations de crédit, ce programme a ainsi servi de réserve de budgétisation pour permettre le financement, jusqu'à deux années plus tard, de mesures sans lien avec l'objectif pour lequel ils avaient été ouverts .

Au-delà de la question des reports, le Gouvernement a eu recours à des pratiques très contestables en utilisant des crédits du plan de relance pour financer une action du plan d'urgence.

En effet, alors que la prolongation de la crise sanitaire en début d'année 2021 rendait nécessaire la poursuite du financement du dispositif d'activité partielle d'urgence défini en 2020 sur le programme 356 de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », ce programme ne disposait pas de crédits suffisants 28 ( * ) . Le Gouvernement a fait le choix d'utiliser, pour un montant finalement exécuté de 3,7 milliards d'euros, des crédits ouverts pour un dispositif distinct, à savoir le régime d'activité partielle de longue durée porté en 2021 par le programme 364 « Cohésion » du plan de relance.

Le rapporteur général regrette le recours à de telles pratiques, alors qu'il semble devenir une habitude de s'affranchir du respect de la rigueur des principes budgétaires .

De manière générale, les crédits non consommés n'ont pas vocation , sauf exception, à être reportés, mais à être annulés .

Les crédits nécessaires à l'exécution des différentes politiques publiques, pour des raisons de transparence comme de bonne gestion des deniers publics, doivent être ouverts dans la loi de finances et, si la nécessité s'en fait sentir, dans des lois de finances rectificatives voire, en cas d'urgence, dans des décrets d'avance.

La réforme de la LOLF promulguée à la fin 2021 29 ( * ) a prévu, sur la proposition du Sénat, que le montant total des crédits de paiement ainsi reportés ne pourra désormais excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année, sauf en cas de nécessité impérieuse d'intérêt national. Cette disposition, qui s'appliquera à compter du budget 2023, permettra de clarifier la gestion budgétaire sans s'opposer à la conduite de la politique budgétaire, puisqu'il aurait été possible, et souhaitable, d'ouvrir les crédits nécessaires dans la loi de finances initiale pour 2021 plutôt que de reporter des montants aussi massifs de crédits non consommés.


* 28 Comme indiqué supra , une partie des crédits avait été reportés vers le programme 357 et la loi de finances initiale n'avait pas ouvert de crédits nouveaux pour le dispositif d'activité partielle d'urgence.

* 29 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

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