N° 774

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de résolution européenne au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur le programme d' action numérique de l' Union européenne à l' horizon 2030 ,

Par M. Patrick CHAIZE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, MM. Jean-Marie Janssens, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Sénat :

664 et 775 (2021-2022)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Conformément aux dispositions prévues par l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission des affaires économiques s'est saisie de la proposition de résolution européenne n° 664 (2021-2022) sur le programme d'action numérique de l'Union européenne à l'horizon 2030 1 ( * ) telle que déposée le 14 juin dernier par Mmes Catherine Morin-Desailly et Florence Blatrix-Contat.

Le programme d'action numérique de l'Union européenne à l'horizon 2030 fait référence à la communication de la Commission européenne du 9 mars 2021 et intitulée « Une boussole numérique pour 2030 : l'Europe balise la décennie numérique » 2 ( * ) .

Sur la base des premiers travaux réalisés, la Commission a proposé, le 15 septembre 2021, une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme d'action à l'horizon 2030 3 ( * ) , dont les négociations se poursuivent à ce jour.

De façon complémentaire, une Déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique 4 ( * ) a été élaborée, constituant ainsi le socle de valeurs sur lequel les efforts des États membres doivent s'appuyer pour mettre en oeuvre ce programme d'action.

Au regard des vulnérabilités et des fragilités de l'Union européenne en matière de souveraineté numérique, de nouveau mises à jour par la crise de la Covid, la concurrence internationale et la guerre en Ukraine, il est aujourd'hui indispensable de renforcer la résilience numérique de la France et des autres États membres et de donner les moyens, à nos entreprises comme à nos concitoyens, de mieux maîtriser leur « avenir numérique ».

Si l'actualité nous amène aujourd'hui à nous questionner davantage sur les enjeux de souveraineté numérique, le Sénat s'est positionné depuis plusieurs années sur ce sujet, en particulier avec le rapport précurseur de Mme Catherine Morin-Desailly de 2013, intitulé « L'Union européenne, colonie du monde numérique » 5 ( * ) , et le rapport de M. Gérard Longuet de 2019, intitulé « Le devoir de souveraineté numérique » 6 ( * ) .

Plus récemment, le rapport d'information de Mmes Sophie Primas, Amel Gacquerre et de M. Franck Montaugé de 2022 et intitulé « Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique » 7 ( * ) formule plusieurs recommandations destinées à nous permettre de mieux maîtriser notre « avenir numérique ».

Ainsi, dans la continuité des travaux menés par le Sénat sur les enjeux et politiques publiques du numérique, la proposition de résolution européenne de Mmes Catherine Morin-Desailly et Florence Blatrix Contat nous permet de bénéficier d'une appréciation globale du programme d'action numérique de l'Union européenne à l'horizon 2030, dont les principaux constats, recommandations, appels au Gouvernement et à la Commission européenne sont pleinement partagés par la commission des affaires économiques du Sénat.

Prenant acte de la fin de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et du début de la présidence tchèque, la commission des affaires économiques a toutefois souhaité compléter les premiers travaux réalisés sur ce sujet afin d'insister, notamment, sur ce qu'elle considère être ses grandes priorités politiques pour garantir la souveraineté numérique de l'Union européenne, de ses États membres et de la France.

I. UN DOCUMENT STRATÉGIQUE PLURIANNUEL BIENVENU MAIS INCOMPLET AFIN DE MIEUX ORIENTER LES EFFORTS DES ÉTATS MEMBRES POUR RÉALISER LEUR TRANSITION NUMÉRIQUE

A. UN CHANGEMENT D'APPROCHE BIENVENU VISANT À COORDONNER LES EFFORTS ET LES INVESTISSEMENTS DES ÉTATS MEMBRES

1. Une nouvelle stratégie numérique qui repose sur la coordination et la coopération des États membres

La commission des affaires économiques salue, au même titre que la commission des affaires européennes, le changement d'approche que constitue l'élaboration du programme d'action numérique de l'Union européenne à l'horizon 2030.

Premièrement, ce programme d'action numérique révèle une stratégie désormais plus offensive , considérant désormais la transition numérique comme une transition économique et industrielle au cours de laquelle l'Union européenne doit se positionner comme un acteur économique de premier plan .

L'objectif n'est pas seulement d'affirmer des valeurs communes et de défendre ses intérêts commerciaux, mais aussi de concurrencer les grandes entreprises étrangères du numérique en proposant des services, des biens et des infrastructures au service des usages numériques des entreprises et des citoyens européens.

Deuxièmement, la mise en oeuvre de ce programme d'action repose en grande partie sur la coopération et les efforts des États membres . Une telle approche est bienvenue et complète utilement les premières grandes initiatives législatives prises par l'Union européenne en matière numérique, en particulier le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA).

Ainsi, un mécanisme de coopération et de suivi est prévu entre la Commission européenne et les États membres , ces derniers devant présenter annuellement leur feuille de route nationale pour atteindre la décennie numérique. Les progrès des États membres seront notamment mesurés grâce à l'indice relatif à l'économie et à la société numériques (DESI) et par des indicateurs clés de performance (ICP) qui seront définis, en concertation avec les États membres, au moyen d'actes d'exécution pris par la Commission européenne.

En l'état actuel du texte, la Commission européenne pourra formuler de façon contraignante des recommandations à l'égard des États membres afin qu'ils prennent les mesures nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés, des dispositions qui suscitent encore de nombreux débats.

Sur ce point, la commission des affaires économiques partage la volonté de la commission des affaires européennes d'alléger le mécanisme de coopération et de suivi entre les États membres et la Commission européenne dont le caractère modestement contraignant des recommandations devrait être précisé.

Troisièmement, l'Union européenne affirme désormais clairement la poursuite d'un objectif de souveraineté numérique , objectif qui était jusqu'à récemment peu présent dans les discours et priorités politiques affichées à l'échelle de l'Union. Ainsi, la commission des affaires économiques soutient pleinement la poursuite d'un objectif de souveraineté numérique à l'échelle européenne et rappelle avoir récemment adopté une série de recommandations sur ce sujet 8 ( * ) .

2. Des objectifs ambitieux fixés dans quatre domaines prioritaires et complémentaires

Afin d'orienter les efforts et les investissements des États membres, la Commission européenne a fixé douze objectifs dans les quatre domaines suivants .

S'agissant des compétences numériques , deux objectifs sont fixés :

- un premier objectif en matière d' éducation au numérique, dans la mesure où 80 % des personnes âgées de 16 à 74 ans devraient posséder des compétences numériques élémentaires ;

- un second objectif en matière de spécialisation dans les compétences numériques, car au moins 20 millions de spécialistes des technologies de l'information et de la communication (TIC) devraient occupés un emploi.

S'agissant des infrastructures numériques , quatre objectifs sont fixés :

- en matière de connectivité car tous les ménages européens devraient être couverts par un réseau en gigabit (1 000 Mbit/seconde) et toutes les zones habitées par la 5G ;

- en matière de production industrielle car la production de semi-conducteurs de l'Union devrait représenter, en valeur, au moins 20 % de la production mondiale ;

- en matière de sécurisation et de durabilité des infrastructures car au moins 10 000 noeuds périphériques hautement sécurisés et neutres pour le climat devraient être déployés dans l'Union d'ici 2030 ;

- un quatrième objectif sectoriel en matière de développement des technologies quantiques , l'Union européenne devant disposer de son premier ordinateur quantique d'ici 2025.

En ce qui concerne la transformation numérique des entreprises , trois objectifs sont fixés :

- l'accélération de la numérisation de toutes les entreprises européennes, dont au moins 75 % devraient avoir adopté, par exemple, les services d'informatique en nuage ( cloud ) ;

- un deuxième objectif spécifique aux petites et moyennes entreprises européennes (PME) dont 90 % devraient atteindre un niveau élémentaire d'intensité numérique ;

- le développement et le financement des entreprises innovantes à forte croissance avec une ambition de doubler le nombre de licornes européennes, c'est-à-dire de start-ups valorisées à plus d'un milliard d'euros, d'ici 2030.

Enfin, en matière de numérisation des services publics , trois objectifs sont fixés :

- la numérisation de 100 % des services publics essentiels à destination des citoyens et des entreprises européennes ;

- la numérisation du dossier médical des citoyens européens qui devrait être intégralement consultable en ligne d'ici 2030 ;

- le développement de solutions d'identification numérique dont 80 % des citoyens européens devraient bénéficier d'ici 2030.


* 1 http://www.senat.fr/leg/ppr21-664.html

* 2 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/ ?uri=CELEX :52021DC0118&from=de

* 3 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/ ?uri=CELEX :52021PC0574

* 4 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_452

* 5 https://www.senat.fr/notice-rapport/2012/r12-443-notice.html

* 6 https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-007-1-notice.html

* 7 http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-755-notice.html

* 8 http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-755-notice.html

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