Rapport n° 752 (2021-2022) de M. André REICHARDT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juillet 2022

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N° 752

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d' adaptation au droit de l' Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ,

Par M. André REICHARDT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4883 rect. , 5024 et T.A. 802

Sénat :

514 et 753 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 6 juillet 2022 sous la présidence de François-Noël Buffet, la commission des lois a adopté avec modifications, sur le rapport d' André Reichardt , la proposition de loi n° 514 (2021-2022) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne , adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

La proposition de loi, déposée par les députés Aude Bono-Vandorme 1 ( * ) , Christophe Castaner, Yaël Braun-Pivet, Guillaume Gouffier-Cha et les membres du groupe La République en Marche et apparentés, vise à adapter la législation française aux dispositions du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, qui est en vigueur depuis le 7 juin 2022 dans toute l'Union européenne.

Élaboré en association avec le ministère de l'intérieur 2 ( * ) et le ministère de la justice 3 ( * ) , ce texte fait le choix d'ajouter les nouveaux dispositifs à ceux déjà existants et de laisser aux autorités compétentes pour les appliquer le soin d'en assurer la coordination . Il est composé d'un article unique qui introduirait quatre articles dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN).

I. UN DROIT FRANÇAIS DÉJÀ OUTILLÉ POUR LUTTER CONTRE LA DIFFUSION DES CONTENUS À CARACTÈRE TERRORISTE EN LIGNE

Au sein de l'Union européenne, la France se distingue par les outils dont elle s'est dotée pour lutter contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne. Cette spécificité s'explique notamment par le fait qu'elle a été régulièrement visée par des attaques terroristes.

A. LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE DE RETRAIT DE L'ARTICLE 6-1 DE LA LCEN

Depuis 2015 4 ( * ) , l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) 5 ( * ) , qui gère la plateforme de signalement Pharos 6 ( * ) , peut, en application de l'article 6-1 de la loi LCEN, demander aux éditeurs et aux hébergeurs de retirer des contenus faisant de la provocation ou de l'apologie du terrorisme au sens de l'article 421-2-5 du code pénal ou des contenus pédopornographiques.

En cas de non retrait de ces contenus sous 24 heures, l'OCLCTIC peut notifier la liste des adresses électroniques permettant l'accès aux contenus illicites aux fournisseurs d'accès internet afin qu'ils les bloquent sans délai. L'Office peut également notifier ces adresses aux moteurs de recherche aux fins de déréférencement. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia », ces obligations de blocage et de déréférencement sont sanctionnées de 250 000 euros d'amende (au lieu de de 75 000 euros précédemment) et d'un an de prison. Pour une personne morale, l'amende encourue est égale au quintuple, soit 1 250 000 euros.

Cette procédure administrative s'exerce sous le contrôle d'une personnalité qualifiée indépendante 7 ( * ) chargée d'en vérifier le bien-fondé. Cette dernière peut saisir le tribunal administratif, en référé ou sur requête, en cas de demande de retrait infondée 8 ( * ) . Le nombre de demandes formulées par l'OCLCTIC en matière de terrorisme est très fluctuant. Il est en augmentation importante depuis 2015, année où 1 286 contenus illicites avaient été repérés.

L'OCLCTIC relève une bonne efficacité de ce dispositif auprès des hébergeurs car sont principalement concernées les grandes plateformes américaines avec lesquelles les objectifs de lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroristes font consensus.

Nombre de demandes et de notifications en matière terroriste
formulées par l'OCLCTIC

2017

2018

2019

2020

2021

Demandes de retrait

32 739

10 091

4 332

3 645

14 888

Notifications de blocage

83

82

15

28

19

Notifications de déréférencement

509

2 994

1 451

1 348

1 651

Source : Réponse au questionnaire de la personnalité qualifiée de la CNIL

B. LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

L'article 706-23 du code de procédure pénale prévoit que le juge des référés peut prononcer l'arrêt d'un service de communication au public en ligne pour les faits prévus à l'article 421-2-5 du code pénal lorsqu'ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

L'article 6 de la LCEN prévoit également la possibilité de saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, pour prescrire toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne.

C. LA SUPERVISION DES GRANDES PLATEFORMES PAR L'ARCOM

Les grandes plateformes se sont mobilisées pour lutter contre les contenus à caractère terroristes et ont pris diverses initiatives (par exemple, le Global Internet Forum for Counter-Terrorism (GIFCT) fondé par Twitter, Facebook, Microsoft et YouTube en 2017 qui permet la mise en commun d'empreintes numériques de contenus à caractère terroriste déjà modérés, l'Appel de Christchurch en 2019 ou l'association Tech Against Terrorism ).

La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République 9 ( * ) leur a imposé 10 ( * ) une obligation de mettre en place des moyens humains et technologiques proportionnés pour la modération des contenus et une obligation de fournir des rapports de transparence sur les actions et moyens de modération mis en oeuvre (article 6-4 de la LCEN). Elle les a placés sous la supervision de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui peut adresser des mises en demeure aux opérateurs, avec essentiellement des sanctions pécuniaires allant jusqu'à 20 millions d'euros ou 6 % du chiffre d'affaires annuel mondial. Depuis le 7 juin 2022, cet article ne s'applique plus « à la lutte contre la diffusion publique des contenus à caractère terroriste, au sens du 2 de l'article 7 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne » 11 ( * ) .

II. LE NOUVEAU MÉCANISME À INTÉGRER : L'INJONCTION NATIONALE OU TRANSFRONTALIÈRE DE RETRAIT EN UNE HEURE

A. LE RÈGLEMENT (UE) 2021/784 DU 29 AVRIL 2021

Le règlement européen s'applique à tous les fournisseurs de services d'hébergement qui proposent des services dans l'Union , quel que soit le lieu de leur établissement principal, dans la mesure où ils diffusent des informations au public .

1. Le retrait de contenus terroristes en ligne dans l'heure (article 3)

Le règlement européen, dont la négociation a débuté en 2018 et qui a été finalisé en avril 2021, a pour principal objet d'imposer aux fournisseurs de services d'hébergement le retrait de contenus terroristes diffusés en ligne dans l'heure qui suit une injonction délivrée, selon un modèle établi, par une autorité compétente qui doit être désignée par chaque État membre.

Il s'agit d'agir au plus vite - pendant ce que certains appellent la golden hour - pour éviter la diffusion des contenus litigieux par viralité sur les réseaux sociaux, à l'instar de ce qu'il s'était passé en mars 2019 en Nouvelle-Zélande, lors de l'attentat de Christchurch diffusé en direct sur Facebook, ou en octobre 2020 en France, à la suite de l'assassinat de Samuel Paty, où des photos postées par le terroriste avaient circulé sur Twitter.

Le règlement européen apporte une définition des « contenus à caractère terroriste » par référence aux infractions terroristes définies par la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme. Il exclut expressément les contenus éducatifs, journalistiques, artistiques, scientifiques ou ceux diffusés à des fins de prévention ou de lutte contre le terrorisme, « y compris le matériel qui représente l'expression d'opinions polémiques ou controversées dans le cadre du débat public » 12 ( * ) .

Il prévoit des cas dans lesquels le fournisseur de services d'hébergement peut légitimement ne pas obéir à l'injonction ou attendre des compléments d'information : force majeure ou impossibilité de fait, erreurs manifestes ou informations insuffisantes 13 ( * ) . Il impose enfin à ces fournisseurs de conserver les données pendant six mois afin de pouvoir rétablir les contenus en cas d'annulation de l'injonction ou de les transmettre aux enquêteurs si une procédure est engagée.

2. La procédure transfrontalière (article 4)

Le règlement européen prévoit la possibilité pour les autorités nationales d'émettre des injonctions transfrontalières pour demander le retrait de contenus à des fournisseurs de services d'hébergement ayant leur établissement principal ou leur représentant légal dans un autre État membre 14 ( * ) . Ces injonctions transfrontalières sont exécutoires immédiatement.

Lorsqu'une telle injonction est émise, l'autorité compétente du pays dans lequel réside le fournisseur de services d'hébergement 15 ( * ) en reçoit la transmission et peut, de sa propre initiative ou sur saisine du fournisseur de contenus ou du service d'hébergement, dans un délai restreint, procéder à un examen approfondi de l'injonction de retrait afin de déterminer si elle viole gravement ou manifestement le règlement européen ou les libertés et droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Si l'autorité compétente dont relève le fournisseur de services d'hébergement concerné estime qu'il y a une violation et rend une décision en ce sens, l'injonction de retrait cesse de produire des effets juridiques et le contenu doit être remis en ligne.

3. Les mesures spécifiques de prévention (article 5)

Enfin, le règlement européen prévoit également que les fournisseurs de services d'hébergement, quelle que soit leur taille, doivent prendre des mesures spécifiques pour protéger leurs services contre la diffusion au public de contenus à caractère terroriste à partir du moment où ils sont qualifiés d'« exposés » en application d'une décision de l'autorité compétente 16 ( * ) qui en assure la supervision et peut, à ce titre, leur enjoindre de prendre des mesures supplémentaires. Ils sont également soumis à des obligations de transparence, notamment la publication d'un rapport annuel.

B. LES MARGES DE MANoeUVRE LAISSÉES AUX ÉTATS MEMBRES

Le règlement (UE) 2021/784 laisse à chaque État membre le soin de :

- désigner les autorités nationales compétentes pour émettre l'injonction de retrait, imposer les sanctions et superviser la mise en oeuvre des mesures spécifiques (article 12) ;

- adopter un régime de sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » applicables en cas de méconnaissance de certaines obligations prévues par le règlement (article 18).

Le règlement européen énonce la liste des obligations imposées aux fournisseurs de services d'hébergement qui doivent faire l'objet de sanctions 17 ( * ) , mais laisse toute liberté pour en décider la nature (pénale ou administrative). Il impose seulement que le « non-respect systématique ou persistant » des obligations de retrait dans l'heure soit passible de sanctions financières pouvant atteindre jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires mondial du fournisseur de services d'hébergement pour l'exercice précédent ;

- mettre en place des « procédures efficaces » pour l'exercice d'un recours par les fournisseurs de services d'hébergement et les fournisseurs de contenus en cas d'injonction de retrait ou de décision relatives aux mesures spécifiques (article 9).

L'entrée en vigueur du règlement (UE) 2021/784 du 29 avril 2021

Le règlement (UE) 2021/784 du 29 avril 2021 est applicable depuis le 7 juin 2022.

Toutefois, sa mise en oeuvre nécessite que tous les États membres aient désigné leurs autorités compétentes et communiqué leur point de contact : à ce jour, seuls neuf pays sur vingt-sept y ont procédé, d'après le registre tenu par la Commission européenne.

Par ailleurs, le règlement européen attribue un rôle de coordination à l'agence Europol pour éviter la multiplication d'injonctions de retrait identiques et s'assurer que l'injonction émise ne porte pas atteinte à une enquête en cours (« déconfliction »). Sa plateforme d'échanges d'informations, la Plateforme européenne de retraits de contenus illégaux sur internet (PERCI), n'est pas encore opérationnelle.

III. LA PROPOSITION DE LOI : RENDRE APPLICABLE LE RÈGLEMENT SANS REMETTRE EN CAUSE L'EXISTANT

La proposition de loi a fait le choix d'intégrer les nouveaux mécanismes du règlement européen en droit français, sans adapter les procédures existantes 18 ( * ) .

A. UNE ADAPTATION DU DROIT CONFORME AUX ATTENTES DU RÈGLEMENT EUROPÉEN...

1. La désignation des autorités compétentes

L'article 6-1-1 introduit dans la LCEN habiliterait l'OCLCTIC pour émettre des injonctions de retrait et désignerait la personnalité qualifiée de l'Arcom comme autorité compétente pour procéder à un examen approfondi des injonctions de retrait transfrontalières, utilisant ainsi les compétences déjà exercées par ces autorités. À l'initiative de la rapporteure de l'Assemblée nationale, il a été prévu la désignation d'un suppléant pour assister la personnalité qualifiée de l'Arcom à assurer sa nouvelle mission 19 ( * ) .

L'Arcom, déjà compétente pour superviser les moyens mis en oeuvre par les plateformes en ligne pour protéger les publics tout en garantissant la liberté d'expression dans le cadre de la lutte contre la manipulation de l'information et la haine en ligne, serait désignée comme autorité compétente pour assurer la supervision des fournisseurs de services d'hébergement qui ont un établissement principal en France ou y ont désigné un représentant légal.

2. La fixation des sanctions

Le nouvel article 6-1-2 de la LCEN fixerait à un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende - soit une amende de 1 250 000 euros pour une personne morale - la sanction pénale encourue par les fournisseurs de services d'hébergement qui ne respecteraient pas les obligations de retrait des contenus à caractère terroriste dans l'heure , comme en matière de non-respect d'une injonction de blocage ou de déréférencement au titre de l'article 6-1 de la LCEN.

Conformément au règlement européen, lorsque cette infraction est commise de manière habituelle par une personne morale, il est prévu que le montant de l'amende puisse être porté à 4 % de son chiffre d'affaires mondial pour l'exercice précédent.

Les fournisseurs de services d'hébergement qui auraient connaissance d'un contenu à caractère terroriste « présentant une menace imminente pour la vie » et n'en informeraient pas immédiatement les autorités compétentes pour les enquêtes et les poursuites en matière d'infractions pénales dans les États membres concernés seraient punis de trois ans d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende 20 ( * ) .

Le nouvel article 6-1-3 mettrait en place des sanctions administratives et pécuniaires prononcées par l'Arcom, après mise en demeure, en cas de non-respect des autres obligations de diligences reposant sur ces fournisseurs : obligations d'informer l'autorité à l'origine de l'injonction de retrait que le contenu a bien été retiré ou bloqué, de rétablir le contenu en cas d'annulation d'une injonction transfrontalière, de conserver pendant 6 mois les contenus et les données connexes, obligation de publier un rapport de transparence... À l'initiative de la rapporteure de l'Assemblée nationale, il a été prévu que l'Arcom puisse recueillir des informations auprès des fournisseurs de services d'hébergement pour assurer sa mission de suivi 21 ( * ) .

La sanction pécuniaire maximale que pourrait imposer l'Arcom a été fixée à 4 % du chiffre d'affaires mondial pour l'exercice précédent , en cohérence avec le montant maximal de l'amende qui pourrait être imposée en application de l'article 6-1-2 22 ( * ) .

Le nombre de fournisseurs de services d'hébergement établis en France est en cours d'évaluation par le Gouvernement. La charge de travail supplémentaire qui reviendrait à l'Arcom est donc pour l'heure indéterminée .

3. Les procédures de recours

L'article 6-1-4 nouveau de la LCEN prévoit la possibilité pour les fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus de saisir sous 48 heures le président du tribunal administratif d'une demande d'annulation de l'injonction de retrait, à charge pour lui de se prononcer dans les 72 heures.

Il prévoit également la possibilité pour les mêmes acteurs de former un recours en réformation dans les mêmes conditions à l'encontre de la décision de la personnalité qualifiée de l'Arcom lorsque celle-ci se prononce sur une injonction transfrontalière.

Enfin, il institue un nouveau recours en réformation devant le Conseil d'État lorsque l'Arcom décide qu'un fournisseur de services d'hébergement est « exposé » au sens du règlement européen ou lui enjoint de prendre des mesures spécifiques pour mieux protéger ses services contre la diffusion au public de contenus à caractère terroriste.

La question de la constitutionnalité du dispositif proposé

L'injonction de retrait créée par le règlement européen et adaptée au droit français par la proposition de loi présente de prime abord les mêmes caractéristiques que le dispositif qui a été censuré par le Conseil constitutionnel lors de son examen de la loi Avia 23 ( * ) . Le Conseil avait relevé que le législateur avait porté à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'était pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi , relevant que l'injonction était délivrée par une autorité administrative qui apprécie seule le caractère illicite du contenu, que le délai d'une heure ne permettait pas à l'hébergeur d'obtenir une décision du juge avant d'être contraint de le retirer et que la sanction de 250 000 euros d'amende était applicable dès la première infraction.

Deux éléments pourraient ici changer l'analyse :

- le règlement (UE) 2021/784, intervenu postérieurement, rend obligatoire l'adaptation du droit national de la procédure de retrait en une heure en application de l'article 88-1 de la Constitution. Le contrôle de constitutionnalité des dispositions d'adaptation du droit national à des règlements européens est en principe limité au contrôle de l'absence d'atteinte à une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, c'est-à-dire une règle ou un principe qui n'est pas déjà protégé par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas de la liberté d'expression et d'information (article 11 de la Charte) ;

- l'intervention de garanties , prévues tant par le règlement européen que par la proposition de loi qui n'existaient pas dans la loi Avia : le délai de préavis de 12 heures avant la première injonction, le délai d'une heure décompté à compter de la réception de l'injonction (et non de la notification), la possibilité de ne pas déférer à l'injonction en cas de motifs de force majeure, d'impossibilité de fait, d'erreurs manifestes ou informations incomplètes, l'obligation de conservation des contenus pour les remettre en ligne en cas d'annulation de l'injonction, l'existence d'une procédure accélérée devant le tribunal administratif ouverte aux fournisseurs de services d'hébergement et de contenus.

B. ... MAIS QUI NE CRÉE PAS UN ENSEMBLE COHÉRENT AVEC LE DROIT EXISTANT

Les quatre nouveaux articles introduits dans la LCEN par le texte en discussion s'appliqueraient aux « fournisseurs de services d'hébergement », selon les termes du règlement (UE) 2021/784, en cas de diffusion de « contenus à caractère terroriste » définis également par ce règlement par référence à la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017.

La procédure de l'article 6-1 de la LCEN s'applique elle aux « hébergeurs » entendus comme les « personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services » et aux contenus relevant de « la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes » incriminées par l'article 421-2-5 du code pénal. Cette notion correspond pour partie aux « contenus à caractère terroriste » du règlement européen 24 ( * ) , dont la définition plus large comprend également la provocation indirecte au terrorisme , les modes d'emploi pour fabriquer des explosifs ou des armes, et les menaces ...

L'article 6-4, relative aux « opérateurs de plateforme en ligne définis à l'article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers » impose, au-delà de certains seuils, des obligations de moyens pour concourir à la lutte contre la diffusion publique de certains contenus illicites, dont la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes . Depuis le 7 juin 2022, cet article n'est plus applicable à la lutte contre la diffusion publique des contenus à caractère terroriste, au sens du règlement européen du 29 avril 2021, pour ne pas faire doublon, mais cela n'apparait pas clairement à la lecture de l'article 6-4 qui vise toujours les actes terroristes ou leur apologie.

Il apparaît, au regard des auditions menées par le rapporteur, que c'est la pratique qui permettra d'articuler ces différents dispositifs, le choix ayant été fait de ne pas « désarmer » l'OCLCTIC et de lui conserver la possibilité d'user de la procédure prévue par l'article 6-1 de la LCEN en matière de terrorisme, en particulier pour les notifications de blocage ou de déréférencement.

Ainsi, selon la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, une injonction de retrait émise en application du règlement européen constituera une demande de retrait au sens du premier alinéa de l'article 6-1 permettant à l'OCLCTIC de s'adresser aux fournisseurs d'accès à internet, en cas de carence dans un délai de 24 heures, pour exiger le blocage d'un site ou un déréférencement d'un moteur de recherche, permettant ainsi de compléter le règlement européen qui ne le prévoit pas .

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION : RENFORCER LE RÔLE DE LA PERSONNALITÉ QUALIFIÉE DE L'ARCOM ET AMÉLIORER LA PROCÉDURE DE RECOURS

Le rapporteur a pris acte du choix opéré de maintenir deux procédures administratives de retrait pour ne pas « bouleverser » un mécanisme existant qui fonctionne de manière satisfaisante. Il estime nécessaire que les articles 6 à 7 de la LCEN, qui semblent être le résultat sans réelle cohérence de couches successives de règlementation, fassent ultérieurement l'objet d'une réécriture - notamment après l'adoption du règlement DSA 25 ( * ) - pour une meilleure intelligibilité de la loi.

Afin d'assurer la compatibilité du système dual ainsi conservé avec le règlement européen - lequel dispose tout de même qu'il vise à « harmoniser la procédure et les obligations découlant d'injonctions de retrait exigeant des fournisseurs de services d'hébergement qu'ils retirent les contenus à caractère terroriste ou bloquent l'accès à de tels contenus, à la suite d'une évaluation effectuée par les autorités compétentes » - il conviendrait de veiller à ce que l'OCLCTIC adopte la même pratique que les autres autorités compétentes européennes et utilise les injonctions de retrait du règlement européen dans les mêmes cas de figure, sans se reporter sur la procédure - moins formaliste - de l'article 6-1 de la LCEN.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-10 qui prévoit une transmission systématique à la personnalité qualifiée de l'Arcom des injonctions de retrait au titre de l'article 3 du règlement européen (injonctions nationales), et ce dans un double but :

- afin que la personnalité qualifiée puisse suivre l'ensemble des demandes relatives aux contenus terroristes , sans être limitée aux demandes de retrait de l'article 6-1 de la LCN et aux injonctions de retrait transfrontalières comme cela est prévu, et veiller à la cohérence globale du traitement des contenus terroristes par l'OCLCTIC ;

- afin qu'elle puisse, en tant que de besoin, saisir le président du tribunal administratif d'une injonction non fondée et suppléer ainsi l'inaction de fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus , qui peuvent être de petits acteurs ne disposant pas des moyens juridiques nécessaires.

La commission a également étendu , par l'adoption de l'amendement COM-5 , la compétence du suppléant de la personnalité qualifiée , afin qu'il puisse également intervenir pour les procédures de l'article 6-1 (y compris relatives aux contenus pédopornographiques), dont le nombre est croissant.

Enfin, elle a précisé quelle était la suite de la procédure prévue par le nouvel article 6-1-4, en prévoyant un appel, dans les mêmes délais contraints, devant le Conseil d'État , assurant ainsi un recours effectif dans un court délai, permettant un rétablissement rapide des contenus supprimés si la suppression avait été demandée de manière infondée (amendement COM-11 ), et préservant ainsi la liberté d'expression.

La commission a également harmonisé les peines encourues par les fournisseurs de services d'hébergement (amendement COM-7 ) et veillé à l'application du futur texte en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna (amendement COM-12 ).

Elle a enfin apporté diverses améliorations rédactionnelles.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 6 JUILLET 2022

M. André Reichardt , rapporteur . - Il me revient de rapporter le premier texte de notre session extraordinaire. Il s'agit d'une proposition de loi déposée en janvier dernier, sur laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et que l'Assemblée nationale a adoptée en février dernier.

Je note que nous avons là un exemple typique d'une pratique que nous dénonçons régulièrement : le texte a été rédigé par les directions centrales des ministères de l'intérieur et de la justice, déposé par les députés du groupe majoritaire, puis discuté au Parlement sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, pourtant bien utiles...

Il vise à adapter la législation française aux dispositions du règlement européen du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, qui est en vigueur depuis le 7 juin 2022 dans toute l'Union européenne.

Ce règlement européen a pour principal objet d'imposer le retrait de « contenus à caractère terroriste » en ligne dans l'heure - c'est un point important - à tous les fournisseurs de services d'hébergement qui proposent des services dans l'Union, quel que soit le lieu de leur établissement principal, dans la mesure où ils diffusent des informations au public.

Il instaure la possibilité pour les autorités nationales d'émettre des injonctions de retrait transfrontalières, exécutoires dans un autre État membre.

Enfin, il prévoit que les fournisseurs de services d'hébergement, quelle que soit leur taille, doivent prendre des « mesures spécifiques » pour protéger leurs services contre la diffusion au public de contenus à caractère terroriste dès lors qu'ils sont classés comme étant « exposés » à ces contenus par l'autorité qui en assure la supervision.

Ces dispositifs ne sont pas totalement nouveaux en droit français, puisque nous disposons déjà, depuis 2015, de la procédure administrative de retrait de l'article 6-1 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, dite LCEN.

Dans ce cadre, l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) - plus communément appelé Pharos, car il gère cette plateforme de signalement - peut demander aux éditeurs et aux hébergeurs de retirer des contenus faisant de la provocation ou de l'apologie du terrorisme ou des contenus pédopornographiques. S'ils ne le font pas sous vingt-quatre heures, Pharos a alors la possibilité de notifier la liste des adresses électroniques permettant l'accès aux contenus illicites aux fournisseurs d'accès internet afin qu'ils les bloquent sans délai et aux moteurs de recherche afin qu'ils les déréférencent.

Cette procédure administrative s'exerce sous le contrôle d'une personnalité qualifiée indépendante placée aujourd'hui auprès de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) - qui a pris la suite du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - qui peut saisir le tribunal administratif, en référé ou sur requête, en cas de demande de retrait infondée. Je souligne que, depuis sa création, cette fonction est exercée par un magistrat judiciaire - un conseiller à la Cour de cassation, membre de l'Arcom. Cette pratique me semble très bienvenue s'agissant d'analyser le bien-fondé d'une mesure sensible au regard de la liberté d'expression.

Parallèlement, l'Arcom dispose d'une compétence de supervision des moyens de lutte contre la diffusion de contenus haineux mis en place par les plateformes au titre de l'article 6-4 de la LCEN.

Voilà en résumé le cadre dans lequel intervient la proposition de loi sur laquelle je vais revenir à présent, après avoir rappelé que notre marge de manoeuvre législative est assez étroite, puisqu'elle est définie par le règlement européen lui-même.

D'après mon analyse, ce ne sont pas tant les dispositions visant à transcrire les options laissées aux États membres en droit français qui posent problème, mais bien le choix qui a été fait de juxtaposer la nouvelle procédure à une procédure existante sans harmoniser ou coordonner les deux.

Pharos qui gère déjà les demandes de retrait de l'article 6-1 serait compétent pour émettre les injonctions de retrait. La personnalité qualifiée de l'Arcom serait compétente pour procéder à un examen approfondi des injonctions de retrait transfrontalières et l'Arcom assurerait la supervision des fournisseurs de services d'hébergement qui ont un établissement principal en France ou y ont désigné un représentant légal.

S'agissant des sanctions, deux obligations des fournisseurs de services d'hébergement seraient pénalement sanctionnées : l'obligation de retrait des contenus à caractère terroriste dans l'heure - un an d'emprisonnement et de 250 000 euros d'amende - et l'obligation de signaler un contenu à caractère terroriste « présentant une menace imminente pour la vie » - trois ans d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende. Je présenterai tout à l'heure un amendement pour harmoniser ces peines. Le reste relèverait du pouvoir de supervision et de sanction de l'Arcom, selon une procédure classique de mise en demeure préalable.

Enfin, la proposition de loi créerait des procédures ad hoc devant le président du tribunal administratif ou le Conseil d'État afin que les fournisseurs de services d'hébergement et les fournisseurs de contenus puissent contester rapidement l'injonction de retrait, la décision de la personnalité qualifiée de l'Arcom ou celle de l'Arcom, ce qui préserve la liberté d'expression.

Sur cet ensemble, je n'ai pas de réserves majeures.

Ce qui me semble plus discutable, je l'ai évoqué, c'est de faire coexister les procédures de l'article 6-1 et du nouvel article 6-1-1 créé par la proposition de loi. Cela ne semble pas tout à fait respecter l'esprit du règlement européen qui vise à harmoniser la procédure et les obligations découlant des injonctions de retrait. Au regard des auditions que j'ai menées, j'ai compris qu'il reviendrait à la pratique - c'est-à-dire principalement à Pharos - d'articuler ces dispositifs différents et potentiellement « concurrents ».

Je comprends tout à fait le choix de ne pas « désarmer » Pharos et de lui conserver la possibilité d'user de la procédure prévue par l'article 6-1 de la LCEN en matière de terrorisme, en particulier pour conserver les notifications de blocage ou de déréférencement. Cette procédure semble, selon les auditions que j'ai menées, fonctionner, mais on aurait pu réfléchir à intégrer ces dispositifs au nouvel article 6-1-1.

Le temps nous manque aujourd'hui et je vous propose de conserver ce choix, tout en prévoyant un mécanisme de supervision de Pharos afin de veiller à ce qu'il adopte la même pratique que les autres autorités compétentes européennes et utilise les injonctions de retrait du règlement européen dans les mêmes cas de figure, sans se reporter sur la procédure - moins formaliste - de l'article 6-1 de la LCEN. Cette supervision marche de manière très fluide et coopérative pour les procédures de l'article 6-1. Je suggère de la maintenir pour les nouvelles procédures d'injonctions de retrait.

Je vous proposerai à cette fin un amendement pour assurer une transmission systématique des injonctions de retrait au titre de l'article 3 du règlement européen à la personnalité qualifiée de l'Arcom, afin de permettre à celle-ci, d'une part, de suivre l'ensemble des demandes relatives aux contenus terroristes et de veiller à la cohérence globale de leur traitement par Pharos ; d'autre part, de saisir le président du tribunal administratif en cas d'injonction non fondée et de suppléer ainsi l'inaction de fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus, qui peuvent être de petits acteurs ne disposant pas des moyens juridiques nécessaires.

Je vous proposerai trois autres modifications : étendre la compétence du suppléant de la personnalité qualifiée, qui a été créé sur l'initiative de la rapporteure de l'Assemblée nationale, pour que ce suppléant puisse également intervenir dans les procédures de l'article 6-1, y compris celles qui sont relatives aux contenus pédopornographiques, et ainsi alléger la charge de travail de la personnalité qualifiée ; fixer la suite de la procédure du nouvel article 6-1-4, en prévoyant un appel, dans les mêmes délais contraints, devant le Conseil d'État, assurant ainsi un recours effectif dans un court délai ; harmoniser les sanctions pénales encourues par les fournisseurs de service d'hébergement et veiller à l'application du futur texte dans les outre-mer.

Sous réserve de ces améliorations et de quelques retouches rédactionnelles, je vous proposerai d'adopter la proposition de loi pour se conformer - avec un peu de retard - au règlement européen du 29 avril 2021 qui est entré en vigueur, je le rappelle, le 7 juin 2022. À ce stade, seuls neuf États membres ont mis en oeuvre ce règlement dans leur droit national ; la France n'est donc pas tant en retard que cela. Pour autant, nous n'avons certainement pas intérêt à perdre du temps.

Mme Nathalie Goulet . - D'importants progrès ont été réalisés ces dernières années en matière de lutte contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.

Pharos aura-t-elle les moyens de répondre à ses nouvelles obligations ? Il est souvent difficile d'évaluer concrètement le travail réalisé par ce type d'organisme et il serait intéressant que notre commission mène un contrôle sur cette question.

Pouvez-vous nous apporter des informations complémentaires sur les injonctions transfrontalières ?

M. Jérôme Durain . - Nous travaillons effectivement dans l'urgence et je salue le travail du rapporteur pour améliorer, dans ces conditions, ce qui peut l'être. Il est évidemment regrettable de « passer » par une proposition de loi pour mettre en oeuvre ce type de dispositions qui requièrent des moyens juridiques nettement plus solides.

Sur le fond, ce dispositif permettra de renforcer la lutte contre la diffusion de contenus terroristes. Néanmoins, nous devrons être attentifs à l'articulation entre les différentes procédures pour éviter tout problème dans la mise en oeuvre concrète. L'efficacité de l'ensemble du dispositif devra donc être évaluée.

M. François Bonhomme . - Le rapporteur nous propose de prévoir que la personnalité qualifiée pourra saisir le président du tribunal administratif dans l'intention de faciliter l'exercice de ce droit par les petits fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus. Est-ce que l'aide juridictionnelle n'est justement pas faite pour cela ?

M. Guy Benarroche . - Le temps dont nous disposons pour examiner ce texte est particulièrement court et je m'étonne que de telles dispositions soient contenues dans une proposition de loi, et pas dans un projet de loi.

Je rappelle que le sujet dont nous débattons a déjà fait l'objet d'une proposition de loi dans la mandature précédente, proposition qui avait été déposée par la députée Laetitia Avia, et que le Conseil constitutionnel avait censuré en juin 2021 de nombreuses mesures contenues dans ce texte. L'un des arguments du Conseil était que la détermination du caractère illicite des contenus en cause ne devait pas être soumise à la seule appréciation de l'administration.

Par ailleurs, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), dont Human Rights Watch , Reporters sans frontières, Amnesty International ou La Quadrature du Net, ont émis des réserves : elles considèrent que la brièveté du délai conduira nécessairement à de nombreuses erreurs techniques et que l'utilisation d'algorithmes entraînera la suppression indue de contenus licites, parfois même avant leur publication - ces filtres sont souvent incapables de faire la distinction entre de l'activisme, de la satire ou du contre-discours et de véritables contenus propagandistes, d'autant que les contextes et le droit varient selon les États membres.

Par ailleurs, donner une telle responsabilité à l'Arcom, alors que nous n'avons pas de réel contrôle sur cette compétence et qu'aucun moyen supplémentaire ne lui est accordé - à ce stade en tout cas -, pose évidemment problème.

Pour ces raisons, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires s'abstiendra en commission sur ce texte.

Mme Marie Mercier . - Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec les contenus pornographiques accessibles aux mineurs en ligne : il ne serait pas possible de les retirer rapidement, alors que cela le serait pour des contenus à caractère terroriste. Je regrette que les acteurs d'internet ne puissent pas être aussi réactifs pour ces contenus pornographiques que pour les contenus terroristes.

Je remercie le rapporteur de nous avoir invités à participer à ses auditions sur ce texte et je retiens, avec une grande inquiétude, un propos que j'ai entendu à cette occasion : « Pharos n'est que le miroir de notre société ! »

M. André Reichardt , rapporteur . - Nous avons entendu les responsables de Pharos et, pour eux, la question des moyens ne se pose pas particulièrement. Ils traitent déjà des volumes importants. En 2017, il y a eu 32 739 demandes de retrait en matière terroriste sur le fondement de l'article 6-1 de la LCEN, 14 888 en 2021. En 2021, ces demandes ont donné lieu à seulement 19 notifications de blocage et 1 651 demandes de déréférencement.

Pour autant, il nous faudra suivre la question des moyens, tant pour Pharos que pour l'Arcom. S'agissant de l'Arcom, sa demande devrait se limiter à un ou deux postes en équivalents temps plein.

Beaucoup de sites sont hébergés en Irlande ou dans d'autres pays de l'Union européenne. Il est donc très important que les autorités nationales compétentes puissent émettre des injonctions transfrontalières et que celles-ci soient exécutoires dans un autre pays de l'Union.

En ce qui concerne la saisine par la personnalité qualifiée du tribunal administratif, l'aide juridictionnelle n'est pas ouverte aux personnes morales, seulement aux personnes physiques.

M. François Bonhomme . - Est-il vraiment opportun de favoriser l'exercice de ce recours, car cela ne peut qu'alourdir la charge des tribunaux ? Et est-il également opportun d'aider les hébergeurs en la matière, même si nous ne parlons que des « petites » structures ?

M. André Reichardt , rapporteur . - En pratique, il y a très peu de recours ; il n'y a eu qu'un jugement ! Le nombre de cas devrait donc être limité.

La question de la constitutionnalité du dispositif est évidemment essentielle.

Contrairement à la proposition de loi de Mme Avia, nous sommes ici dans le cadre de la mise en oeuvre d'un règlement européen, ce qui modifie le champ du contrôle de constitutionnalité - dans ce cas, le Conseil constitutionnel contrôle l'absence d'atteinte à une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France.

Par ailleurs, des garanties sont introduites qui n'existaient pas dans la proposition de loi précédente : un délai de préavis de douze heures est laissé au fournisseur de services d'hébergement avant la première injonction ; le délai d'une heure est décompté à compter de la réception de l'injonction, et non de la notification ; le délai d'une heure est suspendu dans certains cas ; le fournisseur de services d'hébergement a l'obligation de conserver les contenus et de les remettre en ligne en cas d'annulation de l'injonction ...

M. François-Noël Buffet , président . - Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous proposer, avant que nous n'examinions l'article unique de cette proposition de loi, le périmètre de l'article 45 de la Constitution applicable à ce texte ?

M. André Reichardt , rapporteur . - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose d'indiquer que ce périmètre comprend les dispositions visant à adapter la législation au règlement européen du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-1 vise à préciser que l'autorité compétente pour émettre une injonction de retrait au titre du règlement européen est la même que celle qui agit dans le cadre de l'article 6-1 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

L'amendement COM-1 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-2 est destiné à faire apparaître que la personnalité qualifiée mentionnée à l'article 6-1 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique est celle qui est compétente pour examiner de manière approfondie les injonctions de retrait transfrontalières dans le cadre du règlement européen.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-4 permet de faire apparaître l'ensemble des autorités compétentes susceptibles d'échanger des informations. Il s'agit d'une précision.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-5 vise à permettre au suppléant désigné d'assister également la personnalité qualifiée dans le cadre de l'article 6-1 de la LCEN.

M. Alain Richard . - Cet amendement entre-t-il dans le périmètre que nous venons de fixer concernant l'application de l'article 45 de la Constitution ?

M. André Reichardt , rapporteur . - C'est une disposition qui facilitera la mise en oeuvre de l'ensemble du dispositif.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-6 apporte une précision rédactionnelle.

L'amendement COM-6 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-7 vise à aligner les peines encourues en cas de non-respect par un fournisseur de services d'hébergement de l'obligation d'informer les autorités compétentes d'un « contenu à caractère terroriste présentant une menace imminente pour la vie » dont il aurait connaissance sur celles qui sont prévues en cas de non-respect de l'injonction de retrait en une heure. Il s'agit d'assurer une meilleure cohérence de l'échelle des peines.

L'amendement COM-7 est adopté.

Les amendements rédactionnels COM-8 et COM-9 sont adoptés.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-10 vise à assurer la transmission systématique à la personnalité qualifiée de l'Arcom des injonctions de retrait au titre de l'article 3 du règlement européen, c'est-à-dire les injonctions nationales. Il s'agit de lui permettre de superviser la manière dont Pharos fait usage des articles 6-1 et 6-1-1 de la LCEN.

L'amendement COM-10 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-11 vise à préciser la suite de la procédure après la première instance devant le président du tribunal administratif. Il prévoit une procédure d'appel devant le Conseil d'État, comme en matière de référé-liberté, et ce, dans un délai rapide identique à celui de la procédure devant le tribunal administratif.

M. Alain Richard . - Il me semble que nous devons aussi prévoir que, si le tribunal administratif ne s'est pas exprimé dans le délai imparti, le dossier est automatiquement transmis au Conseil d'État, comme en matière électorale. Je déposerai certainement un amendement en ce sens en vue de l'examen du texte en séance publique.

L'amendement COM-11 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-12 vise à assurer l'application de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

M. Alain Richard . - Je ne suis pas certain que cet ajout soit indispensable, parce que nous sommes ici dans le cadre d'un texte lié à la souveraineté nationale, pas dans le cadre du principe de spécialité législative. Un tel texte s'applique à l'ensemble du territoire de la République sans qu'il soit besoin de le préciser.

M. André Reichardt , rapporteur . - Cette précision figure déjà dans la LCEN. Il s'agit d'une simple actualisation.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. REICHARDT, rapporteur

1

Amendement de précision quant à l'autorité administrative désignée.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

2

Amendement de précision quant à la personnalité qualifiée désignée.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

3

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

4

Amendement de précision.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

5

Extension de la mission du suppléant de la personnalité qualifiée.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

6

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

7

Harmonisation des sanctions pénales.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

8

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

9

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

10

Transmission des injonctions de retrait nationales à la personnalité qualifiée et droit de recours.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

11

Procédure d'appel devant le Conseil d'État.

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

12

Application outre-mer.

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 26 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 27 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 28 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 29 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 6 juillet 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 514 (2021-2022) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions visant à adapter la législation au règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Direction centrale de la police judiciaire

M. Nicolas Guidoux, sous-directeur en charge de la lutte contre la cybercriminalité (SDLC) de la direction centrale de la police judiciaire

M. Jean-Baptiste Baldo, chef de Pharos

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)

M. Éric Tison, sous-directeur des libertés publiques

M. Cyriaque Bayle, adjoint au sous-directeur des libertés publiques

Mme Marion Montiel, adjointe au chef du bureau des questions pénales

Personnalités qualifiées au titre de l'article 6-1 de la LCEN

Mme Laurence Pecaut-Rivolier, conseillère à la Cour de cassation, personnalité qualifiée de l'Arcom

M. Alexandre Linden, conseiller honoraire à la Cour de cassation, ancienne personnalité qualifiée de la CNIL

Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)

M. Roch-Olivier Maistre, président

M. Guillaume Blanchot, directeur général

Mme Laurence Pecaut-Rivolier, conseillère à la Cour de cassation, membre du collège

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

M. Manuel Rubio-Gullon, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

M. Thibault Cayssials, chef du bureau de la législation pénale spécialisée

Mme Magali Faussemagne, rédactrice

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Conseil National des Barreaux

Union syndicale des magistrats administratifs (USMA)

Syndicat de la juridiction administrative (SJA)

Numéum

Meta / Facebook

Twitter

Google / Youtube

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-514.html


* 1 Également rapporteure pour la commission des lois de l'Assemblée nationale.

* 2 Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ).

* 3 Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG).

* 4 Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et décret n° 2015-125 du 5 février 2015 relatif au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique.

* 5 L'Office relève de la sous-direction de lutte contre la cybercriminalité de la direction centrale de la police judiciaire.

* 6 Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements, créée par arrêté du 16 juin 2009.

* 7 Initialement placée auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), elle est, depuis le 7 juin 2022, placée auprès de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

* 8 Une décision à ce jour du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 31 janvier 2019.

* 9 Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

* 10 Ceux qui atteignent 10 ou 15 millions de visiteurs uniques par mois, selon les obligations concernées.

* 11 III du B de l'article 42 de la loi n° 2021-1109 du 21 août 2021 précitée.

* 12 3 de l'article 1 er du règlement européen.

* 13 7 et 8 de l'article 3 du règlement européen.

* 14 Tous les fournisseurs de services d'hébergement proposés dans l'Union européenne qui ne sont pas établis dans l'Union européenne devant désigner par écrit un représentant légal afin d'assurer le respect et l'exécution des obligations prévues du règlement européen.

* 15 C'est-à-dire où il a son établissement principal ou son représentant légal.

* 16 Article 5 du règlement européen.

* 17 Article 18 du règlement européen.

* 18 Par exemple, le choix aurait pu être fait de remplacer la procédure de l'article 6-1 en matière de terrorisme par l'article 6-1-1, en maintenant la procédure de l'article 6-1 pour les contenus pédopornographiques.

* 19 Amendement n° CL9 de Mme Bono-Vandorme, rapporteure.

* 20 5 de l'article 14 du règlement européen.

* 21 Amendement n° CL23 de Mme Bono-Vandorme, rapporteure.

* 22 Ce qui en deçà du montant de 6 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent prévu dans le cadre de l'article 62 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, en matière de lutte contre les contenus haineux.

* 23 Décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020 [Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet].

* 24 Au a) du 7 de l'article 2.

* 25 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un marché intérieur des services numériques.

* 26 Voir le commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 27 Voir par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 28 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 29 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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