Rapport n° 505 (2021-2022) de M. Jean-Luc FICHET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 16 février 2022

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N° 505

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 février 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi
visant à créer une
garantie à l' emploi pour les chômeurs de longue durée ,
dans des
activités utiles à la reconstruction écologique
et au
développement du lien social ,

Par M. Jean-Luc FICHET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Daphné Ract-Madoux, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel .

Voir les numéros :

Sénat :

337 et 506 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

La commission des affaires sociales n'a pas adopté la proposition de loi visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.

I. LA CRÉATION D'UNE GARANTIE À L'EMPLOI DANS DES ACTIVITÉS ÉCOLOGIQUES ET FAVORISANT LE LIEN SOCIAL

A. UNE MISE EN oeUVRE DU DROIT À L'EMPLOI POUR LES CHÔMEURS DE LONGUE DURÉE

Le chômage de longue durée est en France un phénomène massif et persistant. Au 3 e trimestre 2021, d'après l'Insee, plus de 700 000 chômeurs déclaraient chercher un emploi depuis au moins un an , soit 2,4 % de la population active, tandis que 2,6 millions de personnes étaient inscrites à Pôle emploi en catégories A, B ou C depuis un an ou plus. Il faut ajouter aux demandeurs d'emploi de longue durée au sens strict les nombreuses personnes durablement privées d'emploi et découragées, qui n'apparaissent pas dans les statistiques du chômage.

Dans leur grande majorité, les demandeurs d'emploi de longue durée n'ont pas ou plus de droits ouverts à l'assurance chômage et dépendent des minima sociaux. 84 % des bénéficiaires de minima sociaux étaient sans emploi fin décembre 2017, selon la Drees. Le chômage de longue durée a ainsi partie liée avec la pauvreté.

Les moins diplômés et les moins qualifiés sont les plus concernés par le chômage de longue durée. Par ailleurs, une part significative des situations de chômage de longue durée est liée à des problèmes de handicap ou de santé. L'embellie sur le marché du travail ne suffit donc pas à enrayer ce phénomène qui repose plus fondamentalement sur l'inadéquation actuelle entre les offres d'emploi et les compétences des personnes.

La privation d'emploi a non seulement un coût pour les personnes concernées mais aussi pour la collectivité . ATD-Quart Monde évalue ce coût à un montant situé au minimum entre 16 000 et 19 000 euros par personne et par an, soit un coût global situé au bas mot entre 43 milliards et 51 milliards d'euros par an . Ces sommes pourraient être dépensées de manière plus vertueuse en faveur de la cohésion sociale et de l'inclusion dans l'emploi des personnes concernées.

Le principe d'une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée vise à donner corps au droit d'obtenir un emploi proclamé par le Préambule de 1946.

Dans cette perspective, un collectif d'acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS), d'élus locaux et d'acteurs de terrain, pointant le sous-investissement de l'État dans la création nette d'emplois, a appelé en décembre 2021 au financement d'un million d'emplois durables d'utilité sociale et territoriale pour un budget estimé à 4 milliards d'euros par an 1 ( * ) .

Toutefois, selon ATD-Quart Monde, rendre effectif le droit à l'emploi nécessite non seulement de créer des emplois mais aussi d'aller à la rencontre des personnes qui en sont privées et de les accompagner afin de les aider à surmonter leurs difficultés et à se maintenir dans l'emploi.

B. LA MOBILISATION D'UN ENSEMBLE D'OUTILS COMPLÉMENTAIRES

des bénéficiaires de l'IAE sont des demandeurs d'emploi de longue durée 2 ( * )

des salariés sont reconnus handicapés
au sein des EBE
3 ( * )

des bénéficiaires
de CUI-CAE sont en emploi non aidé après 3 ans
4 ( * )

Afin de mettre en oeuvre cette garantie à l'emploi, le titre I er de la proposition de loi mobilise plusieurs outils existants qui ont vocation à jouer un rôle complémentaire :

- les contrats aidés , qui concernent des personnes connaissant des difficultés d'accès à l'emploi mais pouvant être orientées directement vers un milieu ordinaire de travail, l'employeur recevant alors une aide pendant une durée limitée. Unifiés depuis 2010 dans le contrat unique d'insertion (CUI), ils ont plus souvent été utilisés comme un outil conjoncturel de réduction du chômage qu'en tant que véritable solution à l'appui des politiques d'insertion. Afin de donner à ces contrats toute leur place dans la mise en oeuvre de la garantie à l'emploi, l'article 3 fixe à compter de 2023 un nombre minimum de 200 000 contrats aidés dans le secteur non marchand et l' article 4 , un minimum de 50 000 contrats aidés dans le secteur marchand ;

- l' insertion par l'activité économique (IAE) , qui vise à faciliter l'insertion professionnelle de personnes éloignées de l'emploi, pendant une durée limitée en principe à 24 mois, au moyen de modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement au sein de structures spécialisées. L'IAE est devenue un instrument central des politiques de l'emploi mais les ambitions quantitatives affichées par le Gouvernement restent encore largement théoriques. Afin de soutenir son développement, l' article 2 impose un nombre minimum de 100 000 contrats à durée déterminée d'insertion au sein des entreprises d'insertion (EI) ;

- enfin, l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) , créée par la loi du 29 février 2016 et prolongée par la loi du 14 décembre 2020, constitue dans les territoires concernés la solution de dernier ressort de la garantie à l'emploi. Entrée dans sa deuxième phase depuis le 1 er juillet 2021, celle-ci permet à des personnes privées durablement d'emploi d'être embauchées en contrat à durée indéterminée à temps choisi au sein d'entreprises à but d'emploi (EBE). En postulant que personne n'est inemployable, elle apparaît aujourd'hui comme l'axe central de développement des politiques de lutte contre le chômage d'exclusion.

L' article 1 er vise à transformer l'expérimentation TZCLD en un dispositif pérenne . De plus, l'extension du dispositif serait accélérée : le nombre de territoires participants serait quintuplé tous les deux ans dans la limite des collectivités volontaires et du nombre de territoires encore non couverts. Sa cible serait également élargie aux personnes âgées de moins de 25 ans privées durablement d'emploi depuis 6 mois et domiciliées depuis au moins 3 mois dans l'un des territoires participant à l'expérimentation.

Pour respecter le caractère de projet expérimental et la démarche de territoire au coeur de TZCLD, le rapporteur estime que ces dispositions pourraient être remplacées par une suppression de la limite de 60 territoires et de la nécessité de prendre un décret en Conseil d'État pour y déroger dans le cadre de la deuxième phase de l'expérimentation.

C. UNE RÉORIENTATION EN FAVEUR DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

La proposition de loi vise également à orienter cet investissement en faveur de l'inclusion des chômeurs de longue durée, vers des activités contribuant à la lutte contre la crise environnementale .

Cette orientation n'apparaît pas contradictoire. L'IAE a depuis longtemps investi des activités liées au développement durable, telles que la gestion des déchets. De même, la transition écologique représente une grande part (38 %) des activités des EBE.

Afin de systématiser cette approche, l' article 3 prévoit que les aides au titre d'un contrat aidé dans le secteur non marchand (CUI-CAE) ne peuvent être accordées que si le contrat porte sur des activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources. Concernant les contrats aidés dans le secteur marchand (CUI-CIE), l'article 4 conditionne l'aide au poste à l'atteinte par l'employeur de la neutralité carbone ou à son engagement dans la décarbonation de ses activités.

Le rapporteur considère que cette orientation est souhaitable mais qu'elle ne doit pas entraver le développement de ces contrats. La conditionnalité concernant les CUI-CAE pourrait ainsi être remplacée par une modulation de l'aide selon la finalité de l'activité, tandis que les entreprises de moins de 250 salariés pourraient être exonérées de la conditionnalité carbone pour conclure un CUI-CIE.

II. DES MODALITÉS DE FINANCEMENT FONDÉES SUR LA SOLIDARITÉ

L'expérimentation TZCLD repose sur un principe d'activation des dépenses passives et une hypothèse de neutralité financière. Aussi la réforme fiscale proposée aux articles 5 à 8 ne devrait-elle pas être nécessaire à long terme pour financer le dispositif prévu à l'article 1 er .

A. L'ANNULATION DE LA BAISSE DES IMPÔTS DE PRODUCTION

L'article 5 permettrait de générer sept milliards d'euros de recettes publiques supplémentaires au travers de l' annulation d'une partie des mesures de baisse des impôts de production intervenue en 2021 , à savoir la suppression de la part régionale de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), soit 50 % du produit de cet impôt, et l'abaissement du plafonnement de la contribution économique territoriale (CET), qui inclut la CVAE et la cotisation foncière des entreprises (CFE), de 3 % à 2 %.

Rappelant que ces dispositions ont bénéficié à toutes les entreprises, qu'elles affrontent des difficultés financières ou non , et que la croissance économique atteint des niveaux inédits, le rapporteur croit nécessaire d'assurer la participation de tous au financement des mesures de solidarité nationale en sortie de crise, dans une logique de partage des fruits de la croissance .

B. L'INSTAURATION D'UN ISF CLIMATIQUE

Supprimé en 2018, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été remplacé par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) , assis sur le seul patrimoine immobilier, dans un objectif de réorientation des investissements de la rente immobilière vers les entreprises françaises.

Or, cette réforme, qui représente un coût budgétaire d'environ trois milliards d'euros , a largement profité aux ménages les plus aisés , sans qu'aucune étude ne permette d'affirmer que ceux-ci se sont détournés de l'immobilier en faveur des titres de capital.

L'article 6 vise donc à créer un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital (I2S2C) . La réduction d'impôt pour investissement dans les PME serait ainsi restreinte aux entreprises socialement et écologiquement responsables agréées par l'État, tandis que le seuil d'entrée serait porté de 1,3 à 1,8 million d'euros, dans le but de ne cibler que les ménages les plus favorisés.

C. LA SUPPRESSION DE LA « FLAT TAX » SUR LES REVENUS DU CAPITAL

Depuis 2013, les revenus du capital étaient imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu, de façon à aligner leur imposition sur celle des revenus du travail . En 2018, le gouvernement Philippe a instauré le prélèvement forfaitaire unique (PFU) , devenu l'option par défaut pour l'imposition des revenus du capital, afin de favoriser l'investissement dans les entreprises.

Cette réforme, dont 72 % du coût budgétaire bénéficient aux 10 % des ménages les plus aisés , a provoqué une forte augmentation des dividendes distribués et renforcé leur concentration en haut de l'échelle des revenus, mais n'a pas eu d'effet évident sur l'orientation des investissements des foyers fiscaux concernés.

La suppression du PFU, prévue par l'article 7 , et le retour à l'imposition systématique au barème permettrait de faire contribuer les ménages profitant le plus de la dynamique économique actuelle au financement d'un dispositif d'intérêt général au profit des chômeurs de longue durée.

D. LA CRÉATION D'UNE TAXE ADDITIONNELLE À LA TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES

Enfin, l'article 8 prévoit l'instauration d'une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières (TTF) , créée en 2012 et dont le taux a été porté de 0,2 à 0,3 % en 2017.

Cette taxe, dont le rendement s'est établi à plus de 1,7 milliard d'euros en 2021 , assure en effet la participation des marchés financiers, en excellente santé depuis le début de la crise sanitaire , aux dépenses publiques, notamment en matière d'aide au développement.

Réunie le mercredi 16 février 2022, la commission n'a pas adopté de texte. La discussion en séance publique portera donc sur le texte déposé.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE 1ER

DISPOSITIF VISANT À CRÉER UNE GARANTIE À L'EMPLOI POUR LES CHÔMEURS DE LONGUE DURÉE

Article premier
Généralisation du dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée »

Cet article propose de pérenniser et d'étendre l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée créée par la loi du 29 février 2016 et prolongée par la loi du 14 décembre 2020.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé : une accélération du déploiement de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée »

A. L'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est entrée dans une deuxième phase en 2021

1. La première phase (2016-2021)

a) Un dispositif expérimenté dans dix territoires

La loi du 29 février 2016 5 ( * ) a permis l'expérimentation avec le soutien financier de l'État, dans dix territoires volontaires, du dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) promu notamment par l'association ATD-Quart Monde.

Les dix premiers territoires expérimentateurs

- Colombelles (Calvados)

- Pays de Colombey et du Sud Toulois (Meurthe-et-Moselle)

- Jouques (Bouches-du-Rhône)

- Mauléon (Deux-Sèvres)

- Métropole de Lille (Nord)

- Entre Nièvre et Forêts (Nièvre)

- Paris 13 e (Paris)

- Pipriac (Ille-et-Vilaine)

- Thiers (Puy-de-Dôme)

- Villeurbanne quartier Saint-Jean (Rhône)

Cette expérimentation repose sur la triple hypothèse :

- que personne n'est inemployable pour peu que l'on parvienne à proposer des modalités de travail adaptées à chacun ;

- que le travail ne manque pas dans la mesure où il existe des activités utiles à la société qui ne sont pas assez rentables pour être effectuées par des entreprises privées ;

- que l'argent ne manque pas car les coûts directs et indirects de la privation durable d'emploi (prestations sociales et externalités en termes de santé, de délinquance, d'échec scolaire, etc .) ne sont pas inférieurs au coût d'un emploi rémunéré au niveau du Smic.

Elle consiste à permettre, dans les territoires expérimentateurs, l'embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) de personnes dites « durablement privées d'emploi » (PPDE) par des structures de l'économie sociale et solidaire appelées « entreprises à but d'emploi » (EBE), pour des activités n'entrant pas en concurrence avec des activités économiques déjà présentes sur le territoire. Ces EBE bénéficient au titre de chaque personne embauchée - et rémunérée au moins au niveau du SMIC - d'une aide au poste intitulée « contribution au développement de l'emploi » , versée par un fonds d'expérimentation géré par l'association Territoires zéro chômeur de longue durée. L'État, les collectivités territoriales et les personnes publiques et privées intéressées participent à son financement.

Au niveau de chaque territoire expérimentateur, des comités locaux pour l'emploi (CLE), constitués par les collectivités territoriales concernées, sont chargés du pilotage de l'expérimentation.

Les territoires candidats à l'expérimentation doivent avoir une population d'approximativement 5 000 à 10 000 habitants, et recenser un maximum de 400 personnes privées durablement d'emploi 6 ( * ) . Ils peuvent couvrir tout ou partie de la superficie d'une ou plusieurs collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

À terme, les promoteurs de cette expérimentation souhaitent généraliser la méthode afin de donner une portée opérationnelle au concept de « droit à l'emploi » dans une logique d'activation des dépenses passives.

Les six principes fondamentaux de l'expérimentation

- L'exhaustivité territoriale : un emploi doit pouvoir être proposé à toutes les PPDE volontaires du territoire ;

- L'embauche non sélective : l'emploi est « produit » en fonction des savoir-faire, des envies, des possibilités des personnes et de leur date de candidature ;

- La qualité de l'emploi : il s'agit à la fois d'apporter d'emblée une sécurité à ceux qui subissent le plus durement la pénurie d'emploi avec le recours au CDI, et de permettre à chacun d'être acteur de l'animation de l'EBE ;

- L'emploi à temps choisi : les personnes embauchées choisissent leur temps de travail ;

- L'emploi-formation : l'emploi proposé aux personnes doit en principe leur permettre d'acquérir de nouvelles compétences ;

- La création nette d'emplois : les EBE doivent s'attacher à proposer des emplois supplémentaires sur le territoire en articulation avec le tissu économique local.

b) Des évaluations encourageantes bien que contrastées

• Un comité scientifique d'évaluation de l'expérimentation, présidé par l'économiste Olivier Bouba-Olga, a été mis en place par le ministère du travail en application de l'article 1 er de la loi du 29 février 2016.

Dans son rapport final en date du 9 avril 2021, le comité constate que les EBE ont vraisemblablement contribué à améliorer la trajectoire en emploi, et plus largement le bien-être, des bénéficiaires de l'expérimentation (santé, insertion sociale, confiance en soi, etc .). Il considère cependant que si la notion de privation durable d'emploi, qui ne se réduit pas à la catégorie administrative des demandeurs d'emploi de longue durée, permet une grande souplesse dans les embauches et, partant, une prise en compte des aspects protéiformes de la précarité professionnelle, une standardisation des pratiques d'embauche impliquant les CLE reste à trouver pour permettre une transparence des modalités de recrutement et une réelle équité sur l'ensemble du territoire. Malgré une politique d'embauche plus ciblée, il subsisterait au sein des EBE « quelques recrutements dont l'éloignement à l'emploi pose question ».

Le comité scientifique relève que les objectifs fixés aux EBE (exhaustivité, non-concurrence, impératif de dégager des résultats financiers) peuvent apparaître en contradiction entre eux et induire « des tensions fortes au sein des structures » qui les ont contraintes à des ajustements, notamment en matière de professionnalisation et de structuration de l'encadrement.

Quant aux retombées du dispositif pour les territoires, le rapport conclut qu'elles apparaissent à ce stade « trop limitées pour avoir un effet réellement significatif ».

• Dans un rapport paru en octobre 2019, une mission conjointe de l'IGF et de l'IGAS avait constaté un gain direct pour les finances publiques (prestations économisées, impôts et taxes complémentaires générés) environ deux fois moindre qu'escompté après trois ans d'expérimentation 7 ( * ) . Un rapport d'analyse du Fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD) avait contesté la méthodologie de cette mission, soulignant qu'elle n'avait pas pris en compte le projet de société en faveur du droit à l'emploi et les gains liés à la création d'emplois supplémentaires sur les territoires engagés dans l'expérimentation 8 ( * ) .

2. Le lancement de la deuxième phase (2021-2026)

a) L'extension à soixante territoires

La loi du 14 décembre 2020 a prolongé l'expérimentation pour cinq années supplémentaires à compter du 1 er juillet 2021 et permis son extension à 50 nouveaux territoires 9 ( * ) .

Neuf nouveaux territoires ont été habilités à ce jour , portant le nombre total de territoires participants à 19 : la commune de Pont-Château (Loire-Atlantique), le Territoire objectif plein emploi des 5 du Châtelleraudais (Vienne), le secteur de Ménimur de la commune de Vannes (Morbihan) 10 ( * ) ; la commune du Teil (Ardèche) et le territoire du Centre Ouest Bretagne (Côtes-d'Armor et Morbihan) 11 ( * ) ; enfin, Échirolles-Ouest (Isère), Saumur Hauts-quartiers / Chemin Vert (Maine-et-Loire), la commune de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) et Paris 19 e - Rosa Parks 12 ( * ) .

Lorsque le nombre de 60 territoires aura été atteint, des territoires supplémentaires pourront être habilités, à titre dérogatoire, par décret en Conseil d'État.

b) Les modifications par rapport à la première phase

Les conditions d'éligibilité prévues par la loi du 14 décembre 2020 diffèrent de celles qui avaient été prévues par la loi de 2016 : la condition d'inscription des bénéficiaires sur la liste des demandeurs d'emploi a en effet été supprimée. Sont désormais éligibles les personnes volontaires, privées durablement d'emploi depuis au moins un an malgré l'accomplissement d'actes positifs de recherche d'emploi et domiciliées depuis au moins six mois dans l'un des territoires participant à l'expérimentation.

La composition et le rôle des comités locaux pour l'emploi ont été précisés par la deuxième loi : il est désormais prévu que les acteurs du service public de l'emploi y sont représentés. Le programme d'actions défini par chaque CLE apprécie notamment l'éligibilité, au regard des conditions fixées par la loi, des personnes dont l'embauche est envisagée par les entreprises conventionnées et détermine les modalités d'information, de mobilisation et d'accompagnement des personnes remplissant ces conditions en lien avec le service public de l'emploi.

Par ailleurs, la loi de 2020 prévoit un concours obligatoire des départements concernés au financement de l'expérimentation . Son montant, fixé par décret, ne peut excéder, pour chaque salarié embauché à temps plein dans le cadre de l'expérimentation, celui du montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA). Il peut être complété par une contribution volontaire du département.

En conséquence, les territoires volontaires doivent recueillir l'accord du conseil départemental pour se porter candidats. En outre, le président du conseil départemental est cosignataire de la convention qui lie le Fonds ETCLD avec chaque EBE.

c) Bilan quantitatif

• Au 31 décembre 2020, selon l'association TZCLD et le Fonds ETCLD, sur 2 391 personnes privées durablement d'emploi (PPDE) volontaires et éligibles, 1 304 étaient sorties de la privation d'emploi , dont 477 (soit 36,6 %) avaient trouvé un emploi avant d'être embauchées dans une EBE grâce à la dynamique territoriale générée par le projet.

• Au 31 décembre 2021, les territoires mettant en oeuvre l'expérimentation emploient 955 salariés en CDI au sein de 17 EBE .

Selon les informations transmises par le Fonds ETCLD au rapporteur, quatre de ces territoires sont aujourd'hui proches de l'exhaustivité.

• Outre les 19 territoires habilités, le Fonds ETCLD recense 152 projets émergents et plus de 150 territoires intéressés.

• Pour 2022, 33,2 millions d'euros de crédits de paiement ont été ouverts en loi de finances au titre de l'expérimentation, permettant de financer la contribution au développement de l'emploi mais aussi la participation de l'État au fonctionnement de l'association TZCLD.

B. La proposition de loi ouvre la voie à une généralisation anticipée du dispositif

a) La pérennisation immédiate du dispositif

Six mois après cette prolongation, l'article 1 er de la proposition de loi vise à transformer l'expérimentation en un dispositif pérenne .

Ainsi, le terme « expérimentation » est remplacé, dans la loi du 14 décembre 2020 précitée, par le terme « dispositif » ( , 2°, d, e et k du 3°, b et c du 4°, d, e, f, g et h du 5° ).

Les références à la durée de cinq ans de l'expérimentation fixée par l'article 9 de cette loi sont supprimées en conséquence ( a du 3° et b du 5° ). De même, le délai de trois ans pour se porter candidat est supprimé à l'article 10 ( d du 4°) .

Le Fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, mentionné aux articles 10 et 11 de la même loi, est renommé : « Fonds de lutte territoriale contre le chômage de longue durée » ( a du 4° et a du 5° ).

Enfin, le bilan devant être dressé par le Fonds au plus tard dix-huit mois avant le terme de l'expérimentation est supprimé ( f du 3° ).

b) Une extension rapide à l'ensemble des territoires volontaires

Le nombre maximum de 60 territoires fixé dans la loi du 14 décembre 2020 deviendrait un minimum ( b du 3°) , et ce dès l'entrée en vigueur de la loi - ce qui suppose de quadrupler le nombre de territoires habilités.

Afin d'étendre rapidement le dispositif à l'ensemble des territoires volontaires, le nombre de territoires participants serait ensuite quintuplé tous les deux ans , « dans la limite des collectivités [...] volontaires ainsi que du nombre de territoires encore non couverts » ( c du 3° ). Le nombre de territoires concernés serait donc potentiellement de 300 au bout de deux ans et de 1 500 au bout de quatre ans.

c) Un élargissement de la cible du dispositif

Alors que sont actuellement concernées les personnes volontaires, privées durablement d'emploi depuis au moins un an malgré l'accomplissement d'actes positifs de recherche d'emploi et domiciliées depuis au moins six mois dans l'un des territoires participant à l'expérimentation, l'article 1 er réduit ces délais pour les personnes âgées de moins de 25 ans à 6 mois de privation d'emploi et à 3 mois de durée minimum de domiciliation ( j du 3° ).

d) Les modifications des conditions de l'évaluation et de ses conséquences

Tous les douze mois, le comité scientifique réaliserait l'évaluation du dispositif afin de déterminer les axes d'amélioration possibles. Cette évaluation proposerait le cas échéant des mesures afin d'adapter la gouvernance du dispositif, les critères d'éligibilité des personnes concernées ou les activités économiques éligibles afin de maximiser le rapport entre, d'une part, les résultats obtenus en termes d'insertion économique et d'externalités positives générées et, d'autre part, le coût induit pour les finances publiques ( g et h du 3° ).

Il est précisé que si, à la suite de cette évaluation, les conditions de mise en oeuvre du dispositif étaient modifiées, les entreprises conventionnées qui deviendraient non éligibles recevraient une notification du Fonds leur signifiant la fin de la contribution au développement de l'emploi ( i du 5° ).

II - La position de la commission : respecter la nature et le rythme de l'expérimentation

L'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée apparaît aujourd'hui, pour le rapporteur, comme l'axe central de développement des politiques de lutte contre le chômage d'exclusion.

Auditionnée par le rapporteur, l'organisation ATD-Quart Monde évalue le coût de la privation durable d'emploi à un montant minimum situé entre 16 000 et 19 000 euros par personne, soit un coût global situé au bas mot entre 43 milliards et 51 milliards d'euros par an . Ces sommes pourraient être dépensées de manière plus vertueuse en faveur de la cohésion sociale et de l'inclusion dans l'emploi des personnes concernées.

À cet égard, il convient de rappeler que l'expérimentation repose sur un principe d'activation des dépenses passives et que la réforme fiscale proposée aux articles 5 à 8 de la proposition de loi ne devrait pas être nécessaire pour la financer, du moins à long terme.

Si elles partagent les constats ayant inspiré la proposition de loi et se reconnaissent dans la philosophie d'une garantie d'emploi, l'ensemble des parties prenantes auditionnées par le rapporteur ont émis des réserves quant à la méthode consistant à généraliser l'expérimentation . De leur point de vue, Territoires zéro chômeur de longue durée n'est pas un « dispositif » national mais un projet expérimental, à gouvernance locale, basé sur la mobilisation des acteurs du territoire. En outre, il reste encore beaucoup à apprendre et à définir dans le cadre de la deuxième phase expérimentale, qui doit s'achever en 2026, avant d'envisager une pérennisation.

Ainsi, ATD-Quart Monde comme l'association TZCLD sont favorables à ce que la deuxième phase expérimentale puisse se dérouler comme prévu par la loi du 14 décembre 2020, en portant une attention particulière aux critères d'habilitation des territoires et notamment à la mobilisation dans les territoires candidats des personnes très éloignées de l'emploi, sans toutefois nécessairement limiter le nombre de territoires autorisés à expérimenter. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) insiste pour sa part sur l'opportunité d'affiner le chiffrage des coûts évités et de stabiliser le modèle économique des EBE à l'occasion de la deuxième phase.

Pour les promoteurs de l'expérimentation, il importe en revanche que son financement ne se limite pas aux subventions versées par poste créé au sein des EBE mais couvre également l'animation territoriale et l'ingénierie nécessaires à une mise en oeuvre effective de la garantie d'emploi. Parmi les enseignements tirés de la première phase expérimentale, il est apparu qu'un minimum de trois ETP auprès des comités locaux pour l'emploi seraient nécessaires. Il s'agit d'une faiblesse que la deuxième loi d'expérimentation n'a pas permis de surmonter.

Reste également à financer les évaluations qualitatives sur chaque territoire ainsi que les recherches au niveau national qui permettront d'analyser le développement de cette deuxième phase et d'en tirer les enseignements méthodologiques.

Compte tenu de ces observations, le rapporteur propose, au lieu de généraliser l'expérimentation de manière anticipée, de supprimer le plafond de 60 territoires pouvant y être admis afin de permettre à tous les projets émergents remplissant les conditions du cahier des charges de s'inscrire dans la deuxième phase, dont le rythme serait ainsi préservé.

Toutefois, la commission n'a pas souhaité modifier à ce stade le cadre fixé par la loi du 14 décembre 2020.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 2
Développement de l'insertion par l'activité économique

Cet article tend à fixer un nombre minimum de cent mille contrats à durée déterminée d'insertion en vigueur au sein d'entreprises d'insertion conventionnées.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé : la fixation permanente d'un nombre élevé de CDD d'insertion

A. Le développement actuel de l'insertion par l'activité économique

1. Des dispositifs en faveur de l'inclusion dans l'emploi

L' insertion par l'activité économique (IAE) s'adresse à des personnes sans emploi qui rencontrent des difficultés professionnelles et sociales particulières ne leur permettant pas d'accéder à l'emploi dans les conditions habituelles du marché du travail.

Elle vise à faciliter leur insertion professionnelle, pendant une durée limitée en principe à 24 mois , au moyen de modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement au sein de structures spécialisées. L'État peut conclure avec ces structures des conventions prévoyant des aides au poste . Le nombre de contrats d'insertion au sein de ces structures est donc déterminé par les crédits ouverts chaque année en loi de finances au titre de l'IAE.

Fin 2019, le secteur de l'IAE employait un peu plus de 134 300 salariés en insertion répartis dans environ 3 843 structures conventionnées , dont 15 000 salariés au sein de 969 entreprises d'insertion 13 ( * ) .

En 2020, selon la Dares, 54 % des bénéficiaires étaient des demandeurs d'emploi de longue durée 14 ( * ) avant leur entrée dans les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) et 45 % des personnes recrutées ou renouvelées en 2020 touchaient des minima sociaux avant leur embauche. 79 % des personnes embauchées n'avaient pas le niveau baccalauréat et 37 % avaient un niveau inférieur au certificat d'aptitude professionnelle (CAP) 15 ( * ) .

Les structures d'insertion par l'activité économique

Les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) pouvant conclure des conventions avec l'État sont :

- les entreprises d'insertion (EI) , régies par les articles L. 5132-5 et L. 5132-5-1 du code du travail. Opérant dans le secteur marchand, elles proposent à des personnes en difficulté une activité productive assortie d'un accompagnement adapté à leurs besoins d'insertion socioprofessionnelle ;

- les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) , encadrées par les articles L. 5132-6 et L. 5132-6-1 du code du travail. Ce sont des entreprises d'intérim qui, tout en étant soumises aux règles du travail temporaire, sont spécialisées dans l'insertion professionnelle des personnes en difficulté et proposent à ces personnes un accompagnement social et professionnel pendant et en dehors des missions accomplies auprès d'entreprises utilisatrices ;

- les associations intermédiaires (AI) , régies par les articles L. 5132-7 à L. 5132-14-1 du code du travail. Associations à but non lucratif, elles assurent la mise à disposition de personnes en insertion auprès de divers utilisateurs (particuliers, associations, collectivités territoriales ou entreprises). La durée totale des mises à disposition d'un même salarié ne peut excéder une durée fixée à 480 heures sur vingt-quatre mois ;

- les ateliers et chantiers d'insertion (ACI) mentionnés aux articles L. 5132-15 et L. 5132-15-1-1 du code du travail. Ces dispositifs peuvent être portés par une structure publique ou privée à but non lucratif figurant dans une liste fixée par décret, la majorité ayant un statut associatif. Ils assurent l'accueil, l'embauche et la mise au travail des personnes en insertion dans des activités développées à cette fin, qui ne doivent pas se substituer à des emplois existants.

Par ailleurs, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel 16 ( * ) a créé, dans le cadre d'une expérimentation de trois ans, les entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI) qui permettent à des personnes en insertion de bénéficier de la mise en relation avec des clients ainsi que d'un accompagnement. Cette expérimentation a été prolongée de deux ans par la loi de finances pour 2022 17 ( * ) .

L'aide par poste de travail occupé à temps plein en contrat d'insertion comprend un montant socle et un montant modulé exprimé en pourcentage de ce dernier. Pour 2021, le montant socle de l'aide, réduit à due proportion de l'occupation du poste de travail, est fixé à 10 751 euros pour les EI, à 4 341 euros pour les ETTI, à 1 397 euros pour les AI et à 20 642 euros pour les ACI, dont 1 044 euros au titre des missions d'accompagnement socioprofessionnel et d'encadrement technique. Le montant maximum de l'aide financière aux EITI par travailleur indépendant est fixé à 5 670 euros 18 ( * ) .

2. Des résultats probants en matière d'insertion

Les données de la Dares tendent à montrer que l'IAE est un instrument efficace en faveur de l'inclusion de personnes éloignées de l'emploi. Elles mettent cependant en évidence des taux d'insertion en emploi variant fortement d'un type de structure à l'autre : dans les mois qui suivent la sortie du parcours d'insertion, les personnes passées par un ACI et, dans une moindre mesure, par une EI, sont moins souvent en emploi que celles qui ont été employées par une AI ou une ETTI. Ainsi, six mois après la sortie, respectivement 30 % et 37 % des sortants d'ACI et d'EI sont en emploi, contre 52 % et 55 % des sortants d'AI et d'ETTI. Ces disparités résultent pour partie de l'hétérogénéité des publics accueillis par les différentes catégories structures de l'IAE : en particulier, les ACI remplissent une mission sociale qui va au-delà du retour à l'emploi 19 ( * ) .

Dans un rapport publié le 15 janvier 2019, la Cour des comptes a salué les résultats encourageants de ces dispositifs et appelé à les conforter par des financements plus adaptés et une gestion plus efficace 20 ( * ) .

3. Un soutien affirmé du Gouvernement

Dans le cadre de sa stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté puis du plan de relance, le Gouvernement a choisi d'accorder un soutien accru aux SIAE. En septembre 2019, le Conseil de l'inclusion dans l'emploi a remis à la ministre du travail un Pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique visant à concrétiser l'engagement du Président de la République d' augmenter de 140 000 à 240 000 le nombre de contrats d'insertion par l'activité économique .

Ces propositions se sont traduites par la création d'une Plateforme de l'inclusion, accompagnée par les assouplissements permis par la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique 21 ( * ) . Celle-ci, en supprimant notamment l'agrément des contrats par Pôle emploi et en permettant l'auto-prescription des parcours par les SIAE, a simplifié les procédures et ouvert la voie à une fluidification des recrutements.

La mise en place en 2018 du Fonds d'inclusion dans l'emploi , qui regroupe les contrats aidés, l'insertion par l'activité économique, les entreprises adaptées (EA) et les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ), a permis d'accompagner la montée en puissance de l'IAE et d'affirmer son rôle central dans la lutte contre le chômage de longue durée.

Fin octobre 2021, 17 700 personnes bénéficiaient d'un contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI) en EI (soit 700 de plus qu'en octobre 2020) et 59 400 personnes d'un CDDI en ACI (soit 4 000 de plus qu'en octobre 2020). Par ailleurs, 50 700 personnes travaillaient dans une AI et 18 400 dans une ETTI 22 ( * ) .

Répartition des salariés en insertion par type de SIAE
(octobre 2021)

Source : Commission des affaires sociales

Même si l'IAE connaît effectivement une montée en puissance, on voit donc que l'objectif visé par le Gouvernement de 240 000 postes en  IAE reste difficile à atteindre. Selon les informations fournies par la DGEFP, cette montée en charge a rencontré plusieurs obstacles :

- des tensions de recrutements créant des difficultés à pourvoir les postes en insertion dans certains secteurs : bâtiment, hôtellerie-restauration, santé ;

- les ralentissements d'activité provoqués par la crise sanitaire en 2020 ;

- les contraintes de développement propres à certaines catégories de SIAE, notamment les AI.

Il convient également de prendre en compte l'effet des flux sortants, la hausse de l'activité pouvant conduire à une augmentation des sorties de l'IAE, ce qui réduit mécaniquement le nombre de bénéficiaires à une date donnée.

B. La proposition d'accélérer la croissance des entreprises d'insertion

L'article 2 de la proposition de loi dispose qu'à compter de 2023, le nombre de CDDI en vigueur au sein des EI ne pourra être inférieur à 100 000 ( I ).

L'État devra conclure avec les structures concernées les conventions nécessaires afin d'atteindre cet objectif ( II ).

À titre indicatif, 208,9 millions d'euros sont prévus en loi de finances pour 2022 pour financer 18 275 postes en entreprises d'insertion 23 ( * ) . Toutes choses égales par ailleurs, le coût d'un passage à 100 000 postes peut donc être évalué à 1,1 milliard d'euros.

II - La position de la commission : la nécessité d'une approche territoriale

L'insertion par l'activité économique est aujourd'hui un instrument central des politiques de l'emploi mais les ambitions quantitatives affichées par le Gouvernement restent encore largement théoriques.

Pour le rapporteur, le soutien au secteur de l'IAE , qui s'adresse majoritairement à des chômeurs de longue durée et qui s'est dès l'origine développé dans les métiers du développement durable, doit constituer un des piliers d'une garantie à l'emploi dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social .

Si la cible de 100 000 contrats en entreprises d'insertion est assez éloignée de la réalité actuelle, elle ne semble pas disproportionnée en comparaison du nombre de demandeurs d'emploi de longue durée.

Il importe toutefois de rappeler qu'il ne suffit pas de fixer des objectifs ambitieux : les moyens pour les atteindre doivent également être prévus. Dans cette perspective, les réseaux de l'IAE recommandent notamment d' améliorer les modalités de pilotage du secteur , notamment au niveau territorial, afin de libérer le potentiel de développement des SIAE, et de mieux penser l'articulation entre les dispositifs en adéquation avec des diagnostics territoriaux.

Par ailleurs, alors que les SIAE accueillent en majorité des personnes non qualifiées, les moyens pour former ces personnes restent insuffisants et précaires . Les réseaux demandent en particulier de la visibilité sur la pérennisation du volet du plan d'investissement dans les compétences dédié aux salariés en insertion par l'activité économique (PIC IAE).

Tout en approuvant la philosophie de l'insertion par l'activité économique et en reconnaissant ses résultats positifs en matière de lutte contre le chômage de longue durée et contre la pauvreté, la commission n'a pas jugé efficace de fixer globalement dans la loi un nombre de contrats trop ambitieux par rapport à la réalité du terrain.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 3
Développement de contrats d'accompagnement dans l'emploi orientés vers la transition écologique

Cet article vise à augmenter le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand avec pour finalité la protection de l'environnement et la gestion des ressources.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé : développer et réorienter les contrats aidés dans le secteur non marchand

A. Du contrat d'accompagnement dans l'emploi au parcours emploi compétences

1. Le CUI-CAE entre 2010 et 2017

Le contrat unique d'insertion (CUI) , créé en 2010 et régi par les articles L. 5134-19-1 et suivants du code du travail, est un contrat de travail de droit privé subventionné par l'État qui a pour objet l'embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Il prend la forme :

- soit d'un contrat initiative-emploi (CUI-CIE) lorsqu'il intervient dans le secteur marchand ;

- soit d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) lorsqu'il est conclu dans le secteur non marchand : collectivités territoriales, personnes morales de droit public, organismes de droit privé à but non lucratif, personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public ou sociétés coopératives d'intérêt collectif 24 ( * ) .

Dans le cadre d'un CUI-CAE, le contrat de travail doit porter sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits 25 ( * ) . Lorsqu'il est à durée déterminée, il doit être conclu pour une durée minimale de six mois. L'attribution de l'aide à l'insertion professionnelle à ce titre ne peut en principe excéder une durée de vingt-quatre mois 26 ( * ) ; des dérogations sont toutefois prévues par décret.

Entre 2010 et 2017, 340 000 personnes en moyenne sont entrées en CUI-CAE selon la Dares.

Les contrats aidés dans le secteur non marchand favorisent-ils le retour à l'emploi ? 27 ( * )

La Dares a mené entre 2014 et 2019 une enquête auprès de personnes inscrites à Pôle emploi au cours du second semestre 2013 afin d'évaluer l'efficacité du CUI-CAE.

Il en ressort que le bénéfice d'un CUI-CAE augmente très légèrement les chances d'être en emploi trois ans après l'entrée en contrat aidé. En revanche, le passage par un contrat aidé non marchand a un effet défavorable sur l'embauche en contrat à durée indéterminée (CDI).

Au-delà de ses effets sur la trajectoire professionnelle, le bénéfice d'un CUI-CAE a des répercussions positives sur le bien-être des personnes : trois ans après l'entrée en contrat aidé, les bénéficiaires se déclarent plus heureux, ont un meilleur état de santé et une meilleure situation financière que les personnes qui ne sont pas passées par ce dispositif.

2. Le parcours emploi compétences

À partir de 2017, le Gouvernement a décidé de diminuer fortement le nombre de contrats aidés, notamment dans le secteur non marchand ( cf . graphique ci-dessous).

Depuis janvier 2018, le parcours emploi compétences (PEC) a succédé aux CUI-CAE afin de recentrer les contrats aidés sur leur objectif premier d'insertion professionnelle en faveur des personnes éloignées du marché du travail. Tout en restant prescrit dans le cadre juridique du CUI-CAE, le PEC est assorti d'une obligation renforcée d'accompagnement et de formation ainsi que d'une baisse de la prise en charge de l'État (de 70 % à 50 % en moyenne), marquant un changement de philosophie de cet instrument.

Nombre de bénéficiaires d'un contrat aidé entre 2010 et 2020

(en milliers)

Source : Dares

Les contrats aidés ont toutefois été remobilisés par le Gouvernement pour faire face aux conséquences sociales de la crise sanitaire . Ainsi, le plan « 1 jeune, 1 solution » a permis en 2021 le financement de nombreux contrats ciblant prioritairement les jeunes de moins de 26 ans, notamment dans le secteur non marchand dans le cadre du PEC. Ce plan a été complété par des actions ciblées sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Selon la Cour des comptes, les PEC-jeunes ont démarré très lentement, non seulement à cause des restrictions dues à la crise sanitaire mais aussi parce que les employeurs et les réseaux d'accompagnement avaient en partie perdu la compétence sur ce type de dispositifs 28 ( * ) .

Fin novembre 2021, 82 200 personnes bénéficiaient néanmoins d'un PEC , contre 64 000 en novembre 2020 mais 83 000 en novembre 2019 ; 94 500 personnes étaient entrées en PEC depuis début janvier 2021 29 ( * ) .

Pour 2022, la loi de finances a prévu le financement de 100 000 nouvelles entrées en PEC sur l'année 30 ( * ) .

B. La proposition de développer des CUI-CAE « verts »

L'article 3 de la proposition de loi tend à modifier l'article L. 5134-21 du code du travail afin que les aides au titre d'un CUI-CAE ne puissent être accordées que si le contrat porte sur des activités produisant des biens ou services ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources .

Cet article fixe en outre dans le code du travail un nombre minimum de 200 000 contrats à partir de 2023.

II - La position de la commission : une conditionnalité potentiellement restrictive

En matière de contrats aidés, la politique conduite depuis des années a trop souvent consisté en un « stop and go » réduisant ces dispositifs à une variable d'ajustement conjoncturelle, à l'image du changement de doctrine opéré au cours du présent quinquennat. Le rapporteur considère que le nombre minimum de contrats instauré par cet article peut permettre de donner toute leur place à ces outils dans l'éventail de solutions en faveur du droit à l'emploi.

La conditionnalité introduite par cet article procède d'une démarche volontariste : selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, l'État, les collectivités locales, les entreprises sociales et solidaires et le champ associatif doivent « s'engager dans une démarche innovante, inclusive et solidaire permettant d'adapter réellement l'emploi à la transition écologique ».

Les auditions menées par le rapporteur ont cependant fait apparaître que limiter les CUI-CAE aux activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources pourrait s'avérer trop restrictif et mettre en péril le fonctionnement de certaines associations accomplissant des actions utiles au lien social.

Le rapporteur a donc proposé d'adopter cet article en remplaçant cette conditionnalité par la possibilité de réduire l'aide au poste si les activités faisant l'objet du contrat n'ont pas pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources .

La commission a toutefois considéré qu'il n'était pas opportun de fixer dans la loi un contingent minimal de contrats aidés, ces dispositifs étant très coûteux et leur efficacité restant mitigée.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 4
Conditionnalité carbone des contrats initiative-emploi

Cet article vise à augmenter le nombre de contrats aidés dans le secteur marchand en conditionnant le soutien de l'État à l'engagement de l'employeur dans la décarbonation de ses activités.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé : une adaptation des contrats aidés dans le secteur marchand

A. Du contrat initiative-emploi au CIE jeunes

Lorsqu'ils sont prescrits dans le secteur marchand , les contrats uniques d'insertion (CUI) 31 ( * ) prennent la forme de contrats initiative-emploi (CUI-CIE) régis par les articles L. 5134-65 à L. 5134-73 du code du travail.

Le CUI-CIE est un contrat de travail assorti d'une aide de l'État qui a pour objet de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi. À cette fin, il doit comporter des actions d'accompagnement professionnel.

Créé en 2010, il a coexisté entre 2012 et 2017 avec les emplois d'avenir, destinés aux jeunes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi du fait de leur faible niveau de diplôme ou de leur lieu d'habitation 32 ( * ) .

L'attribution de l'aide à l'insertion professionnelle dans le cadre d'un CUI-CIE, pour une durée ne pouvant en principe excéder 24 mois, est décidée par le service public de l'emploi ou, lorsqu'elle concerne un bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA), par le président du conseil départemental. Elle est soumise à plusieurs conditions 33 ( * ) :

- l'établissement ne doit pas avoir procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'embauche en CUI-CIE ;

- l'embauche ne doit pas permettre le remplacement d'un salarié licencié pour un motif autre que la faute grave ou lourde ;

- l'employeur doit être à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales.

Les particuliers employeurs sont également exclus du dispositif.

À partir de 2017, le Gouvernement a décidé de diminuer fortement le nombre de contrats aidés afin de les recentrer vers leur objectif premier d'insertion professionnelle. Dans le secteur marchand, la prescription de CUI-CIE n'a plus été autorisée à partir de 2018 que dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) ou par les conseils départementaux qui les financent dans le cadre des conventions annuelles d'objectifs et de moyens (CAOM). Fin 2019, environ 2 400 personnes bénéficiaient d'un contrat aidé dans le secteur marchand contre 89 700 fin 2015 .

Depuis le début de la crise sanitaire en 2020, le Gouvernement a toutefois à nouveau mobilisé cet outil dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » en ciblant prioritairement les jeunes de moins de 26 ans (« CIE jeunes ») . Dans ce cadre, le taux de prise en charge des contrats a augmenté de 50 % à 65 % en moyenne. Le lancement du dispositif s'est avéré difficile : alors que le Gouvernement visait, en septembre 2020, la conclusion de 10 000 CIE jeunes 34 ( * ) , 2 300 jeunes sont finalement entrés dans le dispositif en 2020 selon la Dares 35 ( * ) .

Fin novembre 2021, le nombre de bénéficiaires s'établissait à 55 200 , les jeunes représentant l'essentiel des entrées dans le dispositif 36 ( * ) . Dans ce cadre, la logique des parcours emploi compétences (PEC) a été étendue au CUI-CIE avec des exigences de formation renforcées 37 ( * ) .

Selon la DGEFP, la part des contrats à durée indéterminée (CDI) parmi les CIE est de 63,9 % en 2021.

Pour 2022, la loi de finances a prévu l'ouverture de 152,4 millions d'euros en crédits de paiement pour financer, dans le cadre du Fonds d'inclusion dans l'emploi, 45 000 entrées en CIE jeunes avec un taux de prise en charge de 57 % 38 ( * ) .

B. La proposition de réorienter le contrat initiative-emploi dans une perspective de réduction des émissions de gaz à effet de serre

L'article 4 de la proposition de loi prévoit que les aides au titre d'un CUI-CIE ne pourront être accordées que si l'employeur remplit au moins l'une des quatre conditions suivantes ( ) :

- avoir atteint la neutralité carbone 39 ( * ) au cours de l'exercice comptable précédent ;

- être engagé dans la décarbonation 40 ( * ) de ses activités ;

- appartenir à la catégorie des micro-entreprises ;

- avoir conclu le CUI-CIE moins de deux ans après l'immatriculation de l'établissement.

Pour embaucher un salarié en CUI-CIE, un employeur devra ainsi fournir des informations sur l'empreinte carbone de ses activités.

Ces conditions ne s'appliquent pas aux groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ) ( ). Elles concernent en revanche les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d'activités.

Cet article fixe par ailleurs dans le code du travail un nombre minimum de 50 000 CUI-CIE à compter de 2023.

II - Une proposition rejetée par la commission

Pour le rapporteur, la proposition de faire du CUI-CIE un levier d'incitation à la décarbonation des modes de production est pertinente afin d'accompagner la transition écologique tout en créant de nouvelles opportunités d'emploi. En outre, la fixation d'un seuil minimal de contrats aidés peut permettre d'éviter les effets de « stop and go » qui peuvent expliquer les difficultés rencontrées pour lancer le CIE jeunes à l'automne 2020.

La conditionnalité introduite par cet article pourrait cependant causer des difficultés aux petites et moyennes et entreprises et leur interdire de fait l'accès aux CIE, à défaut d'être en capacité de produire des informations sur leur empreinte carbone. Le rapporteur a donc proposé d'adopter cet article en exonérant de la condition de neutralité carbone les entreprises de moins de 250 salariés.

La commission a toutefois jugé inopportun de figer dans la loi un nombre minimal de contrats aidés.

La commission n'a pas adopté cet article.

TITRE 2

DU FINANCEMENT DU DISPOSITIF VISANT À CRÉER UNE GARANTIE À L'EMPLOI POUR LES CHÔMEURS DE LONGUE DURÉE

Article 5
Annulation de la diminution de la CVAE et du plafonnement de la CET

Cet article vise à annuler l'abaissement du taux de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et du taux de plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) mis en oeuvre en 2021.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé : l'annulation de la diminution du taux de la CVAE et du plafond de la CET

A. En 2021, le taux de la CVAE a été divisé par deux et le plafonnement de la CET abaissé de 3 à 2 %

1. La CVAE est un impôt assis sur la valeur ajoutée produite par les entreprises

En 2010, la taxe professionnelle a été remplacée par la contribution économique territoriale (CET) 41 ( * ) , composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) 42 ( * ) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) 43 ( * ) . Le montant total dû par une entreprise au titre de la CET est plafonné à un pourcentage de la valeur ajoutée produite par l'entreprise 44 ( * ) .

Sont assujetties à la CVAE les entreprises :

- situées dans le champ d'application de la CFE, soit toutes les personnes physiques ou morales, ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale, qui exercent à titre habituel une activité professionnelle ;

- dont le chiffre d'affaires réalisé au cours de la période de référence est supérieur à 152 500 euros hors taxe 45 ( * ) .

L'assiette imposable est calculée à partir du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite , en principe, au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile 46 ( * ) .

Pour la plupart des entreprises, la valeur ajoutée prise en compte pour le calcul de la CVAE ne peut excéder 80 % du chiffre d'affaires lorsque ce dernier est inférieur ou égal à 7,6 millions d'euros et 85 % du chiffre d'affaires lorsqu'il est supérieur à ce montant 47 ( * ) .

Tandis que le produit reversé aux collectivités territoriales est obtenu en appliquant un taux « théorique » à la valeur ajoutée produite au cours de la période de référence par l'ensemble des entreprises assujetties 48 ( * ) , le montant effectivement dû par l'entreprise est déterminé par l'application à cette même base d'un taux effectif d'imposition variant en fonction du chiffre d'affaires réalisé 49 ( * ) .

La différence entre la CVAE calculée selon ces deux formules est prise en charge par l'État, pour un total de 4,9 milliards d'euros en 2019 , soit le quart du montant total de CVAE perçu par les collectivités 50 ( * ) . Le montant de ce dégrèvement barémique est majoré de 1 000 euros pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à deux millions d'euros.

Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 500 000 euros, le montant de la CVAE ne peut être inférieur à un plancher fixé par la loi 51 ( * ) .

Au-delà d'un certain montant de CVAE acquittée l'année précédente, l'entreprise doit procéder, au cours de l'année N, au paiement de deux acomptes versés au 15 juin et au 15 septembre au plus tard et calculés sur la base de la valeur ajoutée produite au cours de l'année N-1, une régularisation étant opérée durant l'année N+1 52 ( * ) . Les autres entreprises acquittent la CVAE en mai de l'année N+1.

Enfin, une taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie (CCI), constituée d'une taxe additionnelle à la CVAE (TA-CVAE) et d'une taxe additionnelle à la CFE (TA-CFE) , est également prélevée auprès des redevables de la CVAE et de la CFE et affectée à CCI France 53 ( * ) .

2. Le taux de la CVAE a été divisé par deux en 2021

a) La diminution des impôts de production visait à accroître la compétitivité des entreprises françaises

En 2020, le Parlement a approuvé plusieurs mesures de diminution des impôts de production pour un total de 10,5 à 11 milliards d'euros , dans un objectif de soutien à l'investissement productif et à la compétitivité des entreprises.

Cet effort s'est notamment traduit par l' abaissement, à compter de 2021, du taux de la CVAE à hauteur de la part affectée aux régions, soit 50 % 54 ( * ) . Ont ainsi été divisés par deux :

- le taux théorique d'imposition, ramené de 1,5 % à 0,75 % ;

- les éléments constitutifs du barème du taux effectif d'imposition ;

Barème du taux effectif d'imposition à la CVAE depuis le 1 er janvier 2021

Chiffre d'affaires

Taux effectif d'imposition

(en %)

inférieur à 500 000 euros

0

égal ou supérieur à 500 000 euros et inférieur à 3 millions d'euros

0,25 % x (montant du chiffre d'affaires - 500 000 €) / 2 500 000 €

supérieur à 3 millions d'euros et inférieur ou égal à 10 millions d'euros

0,25 % + [0,45 % x (montant du chiffre d'affaires
- 3 000 000 €) / 7 000 000 €]

supérieur à 10 millions d'euros et inférieur ou égal à 50 millions d'euros

0,7 % + [0,05 % x (montant du chiffre d'affaires
- 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

supérieur à 50 millions d'euros

0,75

- la majoration du dégrèvement barémique pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à deux millions d'euros, passant de 1 000 à 500 euros ;

- le montant plancher dû par une entreprise dont le chiffre d'affaires excède 500 000 euros, diminuant de 250 à 125 euros ;

- le seuil au-delà duquel les entreprises sont tenues de procéder au versement des deux acomptes annuels de CVAE, reculant de 3 000 à 1 500 euros.

Dans le but de neutraliser l'impact de la diminution de la CVAE sur les ressources des CCI, le taux de la TA-CVAE a, quant à lui, était doublé, passant de 1,73 % à 3,46 %.

En parallèle, le taux de plafonnement de la CET a été ramené de 3 à 2 % .

Au total, dans le cadre des acomptes acquittés par les entreprises en juin et septembre 2021, les redevables ont vu leur cotisation diminuer d'environ sept milliards d'euros . Le solde de la CVAE due au titre de l'année 2021 ne devant être acquitté qu'en mai 2022, à un taux divisé par deux, et l'abaissement du plafonnement de la CET n'ayant pas encore produit ses effets en 2021, des gains supplémentaires seront constatés par les 550 000 entreprises bénéficiaires en 2022, pour un gain moyen par entreprise d'environ 20 000 euros.

Afin d'assurer la compensation de ces mesures, une fraction du produit net de la TVA a été attribuée aux régions 55 ( * ) .

Pertes de recettes de l'État liées à la réduction de moitié de la CVAE

Année

2021

2022

2023

2024

Diminution pérenne des ressources publiques

Coût (en Md€)

- 5,9

- 5,1

- 5,5

- 5,5

- 5,5

Source : Rapport général fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2021 par M. Jean-François Husson, rapporteur général (n° 138, 2020-2021), tome II

D'autres mesures de diminution des impôts de production ont été mises en oeuvre à compter de 2021. Il s'agit notamment :

- de la réduction de moitié de la valeur locative cadastrale des établissements industriels, qui entraîne la réduction de moitié de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) - pour un montant de 2 milliards d'euros environ - et de la CFE - pour un total d'environ 1,9 milliard d'euros - de ces établissements 56 ( * ) .

- et de la possibilité, pour les communes et les EPCI à fiscalité propre, de décider d'exonérer de CFE pour une période de trois ans les créations ou extensions d'établissement 57 ( * ) .

b) Les effets de ces mesures n'ont pas encore pu faire l'objet d'une évaluation

Comme l'a confirmé au rapporteur Cédric Audenis, commissaire général adjoint de France Stratégie, il n'existe pas d'évaluation ex post des effets de la diminution des impôts de production intervenue en 2021 et les premières analyses économétriques ne pourront être menées avant, au mieux, 2023 .

En tout état de cause, la CVAE en elle-même « est susceptible de générer des effets distorsifs, car son taux dépend du chiffre d'affaires de l'entreprise, impliquant qu'elle affecte de manière différenciée non seulement les entreprises appartenant à des secteurs différents, mais aussi les entreprises d'un même secteur et de niveau de valeur ajoutée proche ». De plus, l'assiette de cet impôt n'est que faiblement corrélée à la rentabilité de l'entreprise. Aussi 15 % des entreprises redevables de la CVAE affichaient-elles un excédent d'exploitation négatif ou nul en 2016 58 ( * ) . Au-delà du seul niveau de son taux, c'est donc une réflexion plus globale sur la pertinence de la CVAE qu'il convient désormais de mener .

Le rapporteur note toutefois qu'il n'existe pas, à ce jour, d'étude empirique sur les effets de la CVAE sur la production ou les exportations, tandis que les travaux du Conseil d'analyse économique n'ont pas établi de lien statistique entre la CFE et les exportations 59 ( * ) .

3. L'État consent par ailleurs, depuis 2017, à des efforts de réduction de l'imposition des sociétés

Au-delà de ces mesures d'allègement des impôts de production, la France s'est engagée depuis 2017 dans une démarche de diminution du taux nominal de l'impôt sur les sociétés (IS) , dans le cadre d'une véritable « course au moins-disant fiscal » internationale.

En effet, comme le rappelle France Stratégie, « en 2018, la France faisait ainsi partie des pays ayant le taux nominal d'IS le plus élevé, à 33,3 % contre 21 % aux États-Unis et 19 % au Royaume-Uni » 60 ( * ) .

Ainsi, le taux normal d'IS a été progressivement ramené à 25 % en 2022 , ce qui représente une diminution totale des prélèvements obligatoires des entreprises de près de douze milliards d'euros .

Révisions des trajectoires de baisse des taux d'IS depuis 2017

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

LFI 2017

Taux normal

33,3 %

33,3 %

33,3 %

28 %

28 %

28 %

28 %

LFI 2018

Taux normal

33,3 %

33,3 %

31 %

28 %

26,5 %

25 %

25 %

Loi du 24 juillet 2019

Taux normal 61 ( * )

33,3 %

33,3 %

31 %

28 %

26,5 %

25 %

25 %

Taux grandes entreprises 62 ( * )

33,3 %

33,3 %

33,3 %

28 %

26,5 %

25 %

25 %

LFI 2020

Taux normal

33,3 %

33,3 %

31 %

28 %

26,5 %

25 %

25 %

Taux grandes entreprises

33,3 %

33,3 %

33,3 %

31 %

27,5 %

25 %

25 %

Effet sur les recettes fiscales ( en Md€ )

- 0,3

- 1,5

- 2,3

- 4,7

- 8,4

- 11,3

- 11,7

Source : France Stratégie, comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, troisième rapport, octobre 2021

B. Une partie du coût de la proposition de loi serait financé par la diminution de la CVAE et du plafonnement de la CET

Le présent article tend à annuler l'abaissement du taux de la CVAE et du taux de plafonnement de la CET en rétablissant les articles du code général des impôts modifiés par l'article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 dans leur rédaction antérieure ( I ).

Serait par conséquent supprimée la mention, parmi les recettes de fonctionnement des régions, d'une fraction du produit net de la TVA à titre de compensation , au travers du rétablissement des articles du code général des collectivités territoriales modifiés par le même article 8 de la loi de finances pour 2021 dans leur rédaction antérieure ( II ).

L'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifié par l'article 8 de la loi de finances pour 2021, aux termes duquel la fraction de TVA affectée aux régions à titre de compensation est versée par douzièmes et retracée dans la seconde section du compte d'avances aux collectivités territoriales annexé au projet de loi de finances, serait lui aussi rétabli dans sa rédaction antérieure ( III ).

Enfin, les IV, V et VI de l'article 8 de la loi de finances pour 2021, qui prévoient respectivement les modalités de la compensation des pertes de recettes subies par les régions au travers d'une fraction de TVA, la perception au profit du budget général de l'État de la part régionale de la CVAE acquittée par les entreprises au titre de l'année 2020 en 2020 et 2021 et les exercices auxquels s'appliquent les différentes dispositions de l'article, seraient abrogés .

Selon la DGFiP, ces mesures permettraient de générer des recettes supplémentaires à hauteur de 7 milliards d'euros , diminuées par de moindres recettes d'IS résultant de l'augmentation des charges pour les entreprises.

II - La position de la commission : éviter toute atteinte à l'attractivité de la France et à la reprise économique

Au cours de ses travaux, le rapporteur a constaté que la diminution de la CVAE et l'abaissement du plafonnement de la CET représentaient un coût budgétaire important pour l'État , qui en a garanti la compensation intégrale aux collectivités territoriales, s'établissant entre 5,5 et 7 milliards d'euros.

À ses yeux, bien qu'elles aient permis d'apporter aux entreprises françaises un soutien public salvateur durant la crise sanitaire, ces mesures ne sont plus justifiées à l'heure où la croissance économique atteint des niveaux inédits . Celui-ci croit en effet nécessaire de partager équitablement les fruits de la reprise avec les plus fragiles et ceux que la crise a le plus durement frappés, d'autant que la diminution de la CVAE et du plafond de la CET a produit des effets d'aubaine en ce qu'elle concerne l'ensemble des entreprises assujetties, et pas seulement les entreprises en difficulté.

En tout état de cause, l'annulation de la baisse de la CVAE et du plafonnement de la CET permettraient d' assurer le financement de plus de 40 % du coût du dispositif de garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée prévu par la présente proposition de loi, estimé à 17 milliards d'euros.

Néanmoins, la commission rappelle que les prélèvements obligatoires pesant sur l'industrie sont particulièrement élevés en France , notamment du fait du niveau des impôts de production. Ces derniers auraient en effet nui à l'attractivité de la France pour l'implantation d'activités industrielles , par exemple dans le secteur de l'automobile, tandis que les mesures de diminution mises en oeuvre en 2021 généreraient, pour ce secteur « des gains significatifs en termes de production, d'emploi et d'exportations » 63 ( * ) .

Dès lors, l'annulation de ces dispositions pourrait provoquer, par la charge qu'elle ferait peser sur les entreprises concernées et en raison du signal d'instabilité fiscale qu'elle constituerait, des conséquences négatives en termes d'activité et d'emploi , qui seraient de nature à freiner la reprise économique.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 6
Instauration d'un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital

Cet article vise à restaurer l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sous la forme d'un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital (I2S2C).

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé : remplacer l'impôt sur la fortune immobilière par un impôt de solidarité sur la fortune

A. Un impôt assis sur le seul patrimoine immobilier s'est substitué à l'impôt de solidarité sur la fortune en 2018

1. L'impôt de solidarité sur la fortune permettait de faire contribuer les plus aisés au financement de la solidarité nationale

Créé en 1989 64 ( * ) dans le but de financer l'instauration du revenu minimum d'insertion (RMI), l' impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était un impôt progressif par tranches dû par les personnes physiques dont le patrimoine excédait un seuil fixé, en 2017, à 1,3 million d'euros . Le calcul de l'imposition prenait en compte les revenus dès 800 000 euros .

358 196 contribuables y étaient alors assujettis, pour un rendement budgétaire net de 4,2 milliards d'euros , soit un peu moins de 5 % du total des prélèvements obligatoires sur le capital acquittés par les ménages.

Évolution du rendement de l'ISF entre 2009 et 2017

(en Md€)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

ISF brut

3,6

4,1

4,4

4,5

4,3

4,7

4,9

5,2

5,5

ISF net

3,1

3,4

3,5

4,1

3,5

3,8

3,9

4,0

4,2

Source : Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'évaluation de la transformation de l'ISF en IFI et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) par MM. Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, sénateurs (n° 42, 2019-2020)

Plusieurs réductions d'impôt étaient possibles, dont une au titre des souscriptions au capital des petites et moyennes entreprises (PME) 65 ( * ) .

Le dispositif ISF-PME

Instaurée en 2007 66 ( * ) , une réduction d'ISF plafonnée à 50 000 euros était accordée en cas d'investissement dans les PME, à hauteur de 75 % des versements effectués au titre des souscriptions au capital. En 2011 67 ( * ) , celle-ci a été ramenée à 50 % du montant des sommes investies , avec un plafond de 45 000 euros .

La société bénéficiaire de ces versements devait satisfaire à plusieurs conditions, notamment :

- être une PME au sens du droit de l'Union européenne 68 ( * ) , c'est-à-dire une entreprise dont l'effectif est inférieur à 250 personnes , d'une part, et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros, d'autre part ;

- exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale , à l'exclusion des activités procurant des revenus garantis en raison de l'existence d'un tarif réglementé de rachat de la production ou bénéficiant d'un contrat offrant un complément de rémunération, des activités financières, des activités de gestion de patrimoine mobilier, des activités de construction d'immeubles en vue de leur vente ou de leur location et des activités immobilières ;

- avoir son siège de direction effective dans un État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;

- être soumise à l'impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ou pouvoir y être soumise dans les mêmes conditions si son activité était exercée en France.

En outre, ses titres ne devaient pas être admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation français ou étranger.

2. Dans un souci de soutien à l'investissement dans les entreprises, l'imposition des patrimoines les plus importants a été limitée aux biens et droits immobiliers à compter de 2018

a) L'IFI est assis sur les seuls biens et droits immobiliers de ses redevables

Accusé d'inciter à l'évasion fiscale et de favoriser la fuite des capitaux, l'ISF a été supprimé et remplacé par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) au 1 er janvier 2018 69 ( * ) , dans un objectif affiché de soutien à l'investissement dans l'économie française.

L'impôt sur la fortune immobilière (IFI)

En 2018, le gouvernement d'Édouard Philippe a substitué à l'ISF un nouvel impôt, l'IFI, assis sur la valeur nette au 1 er janvier de l'année :

- de l'ensemble des biens et droits immobiliers appartenant au redevable et à son foyer fiscal, à l'exclusion des valeurs mobilières ;

- et des parts ou actions des sociétés et organismes établis en France ou hors de France appartenant au redevable et à son foyer fiscal, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société ou l'organisme 70 ( * ) .

Toutefois, les biens ou droits immobiliers et les parts ou actions de sociétés et organismes représentatives de ces mêmes biens ou droits sont exonérés d'IFI lorsque ces biens ou droits immobiliers sont affectés à l'activité professionnelle du redevable 71 ( * ) .

L'IFI est dû par les personnes physiques dont les actifs immobiliers imposables ont une valeur supérieure à 1,3 million d'euros 72 ( * ) .

L'imposition des résidents fiscaux français concerne l'ensemble des biens ou droits immobiliers, parts ou actions de sociétés immobilières détenus en France et à l'étranger du foyer. Lorsque le domicile fiscal du redevable est situé à l'étranger, seul est imposable le patrimoine immobilier détenu en France par le foyer.

Comme en matière d'ISF, les redevables peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 75 % du montant des dons effectués au profit d'organismes d'intérêt général , dans la limite de 50 000 euros 73 ( * ) . La réduction d'impôt pour investissement dans les PME a, quant à elle, été supprimée , dès lors que l'IFI ne cible que le patrimoine immobilier.

Le montant cumulé de l'IFI et de l'impôt sur les revenus est plafonné à hauteur de 75 % des revenus perçus par les redevables ayant leur domicile fiscal en France 74 ( * ) .

Barème de l'IFI 75 ( * ) (identique au barème de l'ISF 76 ( * ) )

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

(en €)

Tarif applicable

(en pourcentage)

Moins de 800 000

0

Entre 800 000 et 1,3 million

0,50

Entre 1,3 et 2,57 millions

0,70

Entre 2,57 et 5 millions

1

Entre 5 et 10 millions

1,25

Plus de 10 millions

1,50

En 2018, le rendement net de l'IFI s'est établi à près de 1,3 milliard d'euros , prélevés auprès de 133 000 redevables. La comparaison du rendement de l'ISF en 2017 et de celui de l'IFI en 2018 permet donc d'évaluer le coût budgétaire de la transformation de l'ISF en IFI au titre de la seule année 2018 à près de 2,9 milliards d'euros 77 ( * ) . En simulant le rendement potentiel de l'ISF en 2018 et en le comparant à celui de l'IFI en 2018, l'Insee estime toutefois que ce coût atteindrait 3,33 à 3,45 milliards d'euros 78 ( * ) .

Évolution des recettes de l'IFI de 2018 à 2020

( en Md€ )

2018

2019

2020

IFI « pur »

1,247

1,558

1,585

Contrôle fiscal

0,434

0,471

0,431

Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR)

0,219

0,076

0 79 ( * )

IFI total

1,90

2,105

2,016

Source : France Stratégie, comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, troisième rapport, octobre 2021

b) La suppression de l'ISF a induit un gain fiscal important pour les contribuables les plus aisés

En 2018, le gain fiscal pour les redevables de l'ISF en 2017 s'est élevé à 8 338 euros en moyenne .

Gain moyen pour les redevables assujettis à l'ISF en 2017 et à l'IFI en 2018

Patrimoine net imposable à l'IFI

(en M€)

Nombre de redevables

IFI moyen net


(en €)

ISF moyen net


(en €)

Gain moyen net


(en €)

Entre 1,3 et 2,57

96 642

4 830

12 004

7 174

Entre 2,57 et 5

20 733

16 642

33 744

17 102

Entre 5 et 10

4 297

47 740

80 851

33 111

Supérieur à 10

1 029

150 647

217 891

67 244

Total

120 701

9 630

20 022

10 392

Source : Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'évaluation de la transformation de l'ISF en IFI et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) par MM. Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, sénateurs (n° 42, 2019-2020)

Gain moyen pour les redevables assujettis à l'ISF en 2017 et exonérés d'IFI en 2018

Patrimoine net imposable à l'ISF

(en M€)

Nombre de redevables

Gain moyen net

(en €)

Entre 1,3 et 2,57

190 237

4 495

Entre 2,57 et 5

31 366

14 240

Entre 5 et 10

5 281

37 930

Supérieur à 10

1 317

108 824

Total

228 201

7 251

Source : Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'évaluation de la transformation de l'ISF en IFI et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) par MM. Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, sénateurs (n° 42, 2019-2020)

c) La réforme de l'imposition des hauts patrimoines ne semble pas avoir permis de réorienter significativement les investissements vers les titres de capital

Cédric Audenis, commissaire général adjoint de France Stratégie, a indiqué au rapporteur que les effets cumulés de la réforme de l'imposition des hauts patrimoines et de celle de l'imposition des revenus du capital sur les comportements d'investissement semblent ambivalents .

En effet, si les investissements dans l'immobilier semblent se contracter et les flux de placements financiers des ménages augmenter , la croissance soutenue du marché de l'immobilier en 2019 et en 2020 est indéniable, tandis que les contribuables assujettis à l'IFI n'ont pas cédé leur patrimoine immobilier de façon significative.

Par ailleurs, il est constaté que « les résultats ne mettent pas non plus en évidence d'effet significatif de la transformation de l'ISF en IFI sur l'investissement des entreprises ». Toutefois, comme l'a précisé France Stratégie au rapporteur, ces observations doivent être analysées avec prudence, les méthodes d'estimation ne permettant pas de tenir compte de potentiels effets diffus de la réforme sur l'économie, ni sur la dynamique de créations d'entreprises. Des investigations complémentaires devront donc être menées à l'avenir .

B. Une partie du coût de la proposition de loi serait financé par le rétablissement d'un ISF favorisant les investissements socialement et écologiquement responsables

Le présent article tend à instaurer, à compter du 1 er janvier 2022, un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital (I2S2C) . Aussi procède-t-il :

- au rétablissement du chapitre I bis du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts (alinéas 1 à 3), anciennement consacrée à l'ISF, de façon à créer l'I2S2C sur des bases identiques à celles de l'ISF . Ce chapitre comprendrait sept sections, dédiées :

au champ d'application (section I, alinéas 4 à 17) ;

à l'assiette (section II, alinéas 18 à 32) ;

aux biens exonérés (section III, alinéas 33 à 96) ;

aux biens professionnels (section IV, alinéas 97 à 133) ;

à l'évaluation des biens (section V, alinéas 134 à 139) ;

au calcul de l'impôt (section VI, alinéas 140 à 252) ;

aux obligations des redevables (section VII, alinéas 253 à 263).

- à diverses coordinations d'ordre légistique au sein :

du code général des impôts (alinéas 264 à 331), dont la suppression du chapitre II bis du titre IV de la première partie du livre premier, relatif à l'IFI (alinéa 289) ;

du code de la construction et de l'habitation (alinéa 332) ;

du livre des procédures fiscales (alinéas 333 à 352) ;

du code de la défense (alinéa 353) ;

du code monétaire et financier (alinéas 354 à 366) ;

du code du patrimoine (alinéas 367 et 368) ;

de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (alinéa 369) ;

de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (alinéas 370 à 372) ;

- à l'abrogation de l'article 49 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, qui transpose au dispositif « Dutreil-ISF » 80 ( * ) , abrogé depuis le 1 er janvier 2018, certains assouplissements apportés au « Pacte Dutreil » par ladite loi de finances pour 2019 81 ( * ) (alinéa 373) ;

- à la fixation de l'entrée en vigueur de ces dispositions au 1 er janvier 2022 (alinéas 374 à 378).

Deux différences majeures par rapport à l'ISF sont à noter :

- l'I2S2C serait dû par les personnes physiques dont la valeur des biens excède 1,8 million d'euros , au lieu de 1,3 million (alinéa 7), conformément aux recommandations de l'ancien président de la commission des finances du Sénat, Vincent Éblé 82 ( * ) . Cependant, comme dans le cas de l'ISF, le calcul de l'imposition prendrait en compte les revenus dès 800 000 euros, le barème demeurant inchangé ;

- la réduction d'impôt de 50 % pour investissement dans les PME serait rétablie, mais son bénéfice serait soumis à une condition supplémentaire devant être remplie par les PME bénéficiaires des investissements des redevables. Celles-ci devront en effet être agréées par l'État au titre des entreprises socialement et écologiquement responsables , les modalités d'octroi de cet agrément, accordé pour une période de deux années renouvelable , devant être fixées par décret en Conseil d'État (alinéa 170).

Si aucune estimation du produit d'un tel impôt n'a pu être fournie au rapporteur, il est rappelé que le rendement budgétaire brut de l'ISF s'établissait, en 2017, à 5,5 milliards d'euros et que le différentiel de produit par rapport à l'IFI est évalué à trois milliards d'euros environ .

En 2021, 85 000 foyers fiscaux, soit 56 % des foyers assujettis à l'IFI, disposaient d'un actif net imposable supérieur à 1,8 million d'euros et pourraient donc être assujettis à l'I2S2C.

Évolution du nombre de foyers fiscaux assujettis à l'ISF, puis à l'IFI de 2017 à 2021

ISF 2017

IFI 2018

IFI 2019

IFI 2020

IFI 2021

Nombre de foyers fiscaux assujettis

356 000

133 000

139 000

143 000

153 000

dont foyers fiscaux
dont l'actif net imposable
excède 1,8 million d'euros

217 000

67 000

74 000

78 000

85 000

Source : Direction générale des finances publiques, fichiers des déclarations des revenus 2017 à 2020 à la 6 ème émission pour l'IFI 2018 à 2021 et fichier des déclarations des revenus 2016 et des autoliquidés 2017 pour l'ISF 2017

II - La position de la commission : maintenir les prélèvements obligatoires à leur niveau actuel, déjà particulièrement élevé, pour préserver l'attractivité de la France

Constatant que la croissance économique a fortement accéléré en France en sortie de crise, le rapporteur juge nécessaire que les ménages les plus favorisés partagent les bénéfices de la reprise et contribuent davantage à la solidarité nationale en participant au financement d'un dispositif de garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée.

À ses yeux, la suppression de l'ISF et son remplacement par l'IFI ont essentiellement profité à ces foyers fiscaux, accroissant les inégalités sociales , sans pour autant que les données recueillies permettent d'affirmer que la réforme a contribué à réorienter les investissements de la rente immobilière vers les entreprises, et notamment vers les entreprises françaises.

Or, cette mesure, dont le coût budgétaire est estimé à trois milliards d'euros environ, a lourdement pesé sur les finances publiques . Le rapporteur croit donc nécessaire de rétablir l'ISF , en en relevant toutefois, par souci de pragmatisme, le seuil d'entrée de 1,3 à 1,8 million d'euros de façon à cibler prioritairement les patrimoines les plus importants et à éviter de nuire à la reprise économique et à l'attractivité de la France.

D'autre part, dans le double objectif d'apporter un soutien particulier aux entreprises engagées en faveur de la transition écologique et sociale et de maximiser le rendement de cet I2S2C, il paraît pertinent de limiter les investissements réalisés dans les PME donnant accès à une réduction d'impôt aux souscriptions au capital des entreprises socialement et écologiquement responsables. Un tel impôt contribuerait donc à la fois à une redistribution plus équitable de la richesse produite, à une inclusion sociale plus effective et à la lutte contre le changement climatique .

La commission, quant à elle, estime qu'un relèvement des prélèvements obligatoires serait peu opportun en sortie de crise, en ce qu'il affecterait la consommation des ménages les plus aisés et affaiblirait les perspectives de croissance .

Par ailleurs, l'attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers s'est renforcée depuis la suppression de l'ISF, sans qu'il soit possible d'établir avec certitude un lien de causalité. Si le nombre de retours de foyers taxables à l'ISF était inférieur au nombre de départs avant la réforme (470 retours pour 1 020 départs en 2016), cette situation s'est inversée depuis lors (340 retours pour 280 départs en 2019). Le rétablissement de l'ISF conduirait donc à isoler davantage la France sur le plan fiscal .

Quant aux caractéristiques propres de l'I2S2C proposé, la commission craint que la limitation du bénéfice de la réduction pour investissement dans les PME aux seuls investissements dans les entreprises agréées par l'État ne pénalise la reprise économique . En effet, certaines entreprises pourraient être exclues de la liste des entreprises socialement et écologiquement responsables alors qu' elles opèrent dans des secteurs stratégiques pour l'économie française ou qu'elles sont créatrices d'emplois ou d'une forte valeur ajoutée.

Il ne paraît donc pas pertinent d'instaurer un tel impôt.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 7
Suppression du prélèvement forfaitaire unique

Cet article vise à supprimer le prélèvement forfaitaire unique (PFU) afin de rétablir l'imposition obligatoire des revenus du capital au barème progressif de l'impôt sur le revenu.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé : la suppression du prélèvement forfaitaire unique et le retour à une imposition systématique au barème de l'impôt sur le revenu

A. L'instauration du prélèvement forfaitaire unique visait à orienter les investissements vers les entreprises

1. De 2013 à 2018, l'imposition des revenus du capital relevait du barème progressif de l'impôt sur le revenu

En matière d'imposition des revenus des capitaux mobiliers, les contribuables disposaient de deux options avant 2013 :

- soit l'application à ces revenus d'un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) au taux de 21 % pour les revenus distribués (dividendes et assimilés) et de 24 % pour les revenus fixes (intérêts) ;

- soit leur intégration au revenu global, assujetti à une imposition au barème au taux progressif de 0 % à 45 % .

Les plus-values mobilières, quant à elles, faisaient obligatoirement l'objet d'une imposition forfaitaire.

Le PFL ayant été supprimé en 2013 83 ( * ) afin d'aligner l'imposition des revenus du capital sur celle des revenus du travail, l'imposition au barème, assortie de divers abattements 84 ( * ) , est devenue obligatoire .

2. Depuis 2018, l'application d'un taux de prélèvement forfaitaire est l'option par défaut pour l'imposition des revenus du capital

a) L'option par défaut pour le prélèvement forfaitaire unique a succédé à la barémisation obligatoire

En 2018 85 ( * ) , le prélèvement forfaitaire unique (PFU) , également appelé « flat tax », est devenu l' option par défaut pour l'imposition des revenus du capital dans le but affiché de simplifier les modalités de calcul de cette imposition et d'orienter les investisseurs vers l'acquisition de titres financiers plutôt que vers l'investissement immobilier, de façon à soutenir les entreprises françaises.

Le taux global du PFU s'élève à 30 % , dont un taux forfaitaire d'imposition à l'impôt sur le revenu de 12,8 % 86 ( * ) , significativement inférieur aux taux applicables dans le cadre du PFL, et un taux global de prélèvements sociaux de 17,2 % 87 ( * ) .

Le PFU est applicable à l'ensemble des revenus de capitaux mobiliers et de gains nets, profits, distributions, plus-values et créances, à l'exclusion, notamment, des livrets d'épargne réglementée , exonérés d'impôt.

Toutefois, les contribuables concernés peuvent toujours opter pour l'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu . Ils bénéficient alors :

- d' un abattement de 40 % sur les dividendes distribués par une société française ou une société ayant son siège dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État ayant conclu un accord avec la France en vue d'éviter les doubles impositions 88 ( * ) ;

- et de la déductibilité du revenu global de 6,8 % de la CSG afférente aux revenus des capitaux mobiliers 89 ( * ) .

Répartition des foyers fiscaux
selon le choix du mode d'imposition des revenus du capital

Nombre de foyers

(en millions)

Proportion

Foyers ayant déclaré des revenus dans le champ du PFU

14,1

100 %

Foyers imposés au PFU

12,6

89,4 %

Foyers imposés au barème de l'impôt sur le revenu

1,5

10,6 %

Source : Direction générale des finances publiques, fichiers des déclarations des revenus 2020 à la 6 ème émission

Le Gouvernement a estimé le coût budgétaire de l'instauration du PFU à 1,3 milliard d'euros en 2018 et 1,93 milliard d'euros en 2019 . Il convient de rappeler que les prélèvements sur les revenus du capital des ménages représentaient près de 45 milliards d'euros en 2019 , dont 13 milliards au titre de l'impôt sur le revenu, 21 milliards au titre de la CSG et de la CRDS et 10 milliards au titre du prélèvement de solidarité.

Toutefois, en constatant que l'entrée en vigueur du PFU a entraîné un rebond de la distribution de dividendes , les sénateurs Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier ont démontré que celle-ci se traduisait « non seulement par un surcroît de recettes au titre de l'impôt sur le revenu, mais également au titre des prélèvements sociaux. Il serait donc erroné d'évaluer le coût budgétaire du PFU uniquement sous le seul prisme de la perte de recettes fiscales au titre de l'impôt sur le revenu » 90 ( * ) .

Les dividendes distribués aux ménages ayant progressé de 7,3 milliards d'euros entre 2017 et 2018, le PFU aurait permis de dégager 200 millions d'euros de recettes supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu et 300 millions d'euros au titre des prélèvements sociaux.

Le coût de l'instauration du PFU serait donc inférieur de 500 millions d'euros aux estimations réalisées par le Gouvernement. France Stratégie estime que la réforme pourrait s'être autofinancée si elle expliquait au moins 22 % ou 39 % (selon les hypothèses retenues) de la hausse observée des seuls dividendes versés aux ménages.

b) La réforme de l'imposition des revenus du capital a bénéficié essentiellement aux plus hauts revenus

Comme le souligne France Stratégie 91 ( * ) , le taux de prélèvements sociaux ayant augmenté de 2,7 points depuis 2012, le taux global de prélèvement sur les revenus du capital a donc diminué de 5,5 points pour les dividendes et de 8,5 points pour les produits de placement à revenu fixe à l'occasion de l'instauration du PFU.

D'après les données transmises par le Gouvernement lors de l'examen par le Parlement du projet de loi de finances pour 2018, 72 % du coût budgétaire de la réforme bénéficient aux 10 % des ménages dont le revenu fiscal de référence est le plus élevé et 43 % de ces gains au 1 % des ménages les plus aisés .

Répartition du coût budgétaire de l'instauration du PFU par décile de revenu

Revenu fiscal de référence

(en €)

Répartition du coût budgétaire

0 à 20 423

0,76 %

20 423 à 28 925

1,60 %

28 925 à 33 351

1,67 %

33 351 à 38 323

1,91 %

38 323 à 47 786

2,63 %

47 786 à 60 931

3,03 %

60 931 à 72 950

3,45 %

72 950 à 90 737

4,76 %

90 737 à 130 414

7,88 %

Supérieur à 130 414

72,31 %

Source : Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'évaluation de la transformation de l'ISF en IFI et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) par MM. Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, sénateurs (n° 42, 2019-2020)

De même, l'Insee a estimé que le gain fiscal induit par la mise en oeuvre du PFU est concentré sur les 5 % des personnes les plus aisées , pour lesquelles il s'élevait en moyenne à 490 euros en 2018 92 ( * ) .

À l'inverse, France Stratégie rappelle que « l'imposition des revenus du capital au barème progressif de l'impôt sur le revenu entre 2013 et 2017 avait entraîné une forte augmentation des taux marginaux d'imposition pour les contribuables les plus aisés » malgré l'introduction d'un abattement de 40 % sur les dividendes ayant modéré l'alourdissement de leur charge fiscale 93 ( * ) .

Les taux marginaux sur les revenus financiers dans le cadre de l'imposition au barème progressif de l'impôt
sur le revenu de 2013 à 2017

Taux marginal d'imposition

Taux marginal de prélèvement (y compris social) sur les dividendes et revenus assimilés

Taux marginal de  prélèvement (y compris social) sur les produits de placement à revenu fixe

0 %

15,5 %

15,5 %

14 %

23,2 %

28,8 %

30 %

32 %

44 %

41 %

38 %

54,4 %

45 %

40,2 %

58,2 %

48 %

41,9 %

61,1 %

49 %

42,4 %

62 %

Source : France Stratégie, comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, troisième rapport, octobre 2021, d'après Lefèbvre M. N., Lehmann E., Sicsic M. et Zanoutene E., Évaluation de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique , 2020.

Cédric Audenis, commissaire général adjoint de France Stratégie, a indiqué au rapporteur qu'en toute logique, l'instauration du PFU a principalement profité aux foyers fiscaux dont les revenus postérieurs à 2017 les auraient situés dans les tranches marginales d'imposition supérieures à 30 % en l'absence de réforme .

En outre, le PFU bénéficie particulièrement aux foyers fiscaux dont les revenus sont constitués de dividendes en proportion importante et qui sont en mesure d'influencer les comportements de versement de dividendes des entreprises, notamment les dirigeants d'entreprises.

Or, les versements de dividendes aux ménages ont fortement augmenté à partir de 2018, progressant de 14 milliards d'euros en 2017 à une moyenne de 23 milliards d'euros de 2018 à 2020 . Les équipes de recherche de France Stratégie ont établi l'existence d' un effet causal de l'instauration du PFU sur ces versements , dont l'ampleur reste toutefois incertaine. En effet, « les dividendes ont chuté en 2013 simultanément à la mise en place de la barémisation, puis ont retrouvé leur niveau initial en 2018 simultanément à la mise en place du PFU et se sont maintenus à ce niveau en 2019 et 2020 ». Le surcroît de versement de dividendes est d'ailleurs essentiellement observé chez les entreprises non cotées contrôlées par des personnes physiques, qui sont à même d'adapter le montant des dividendes versés en fonction de leur fiscalité.

Le rapporteur relève que la concentration des dividendes, déjà forte en 2017, s'est légèrement accrue depuis lors : 97 % des 24 milliards d'euros de dividendes distribués ont été perçus par 1,7 % des foyers fiscaux et 31 % de ce montant par 0,01 % des foyers fiscaux.

En parallèle, la part des revenus du capital dans les revenus des foyers les plus aisés ne cesse de croître. Elle représentait ainsi 55 % du revenu fiscal de référence des 0,1 % les plus aisés en 2018 et en 2019, contre 45 % en 2017.

Selon les sénateurs Éblé et de Montgolfier, en entraînant un rebond de la distribution de dividendes, la réforme s'est traduite par une diminution significative des fonds propres des entreprises concernées.

D'après les simulations réalisées par la Banque de France, à long terme, les ménages devraient être encouragés par la réforme à privilégier les placements en actions au détriment des placements en assurance vie, des plans d'épargne logement et des livrets d'épargne populaire 94 ( * ) , ce qui permettrait de compenser les effets du PFU sur les fonds propres des entreprises. Néanmoins, ces placements devraient profiter en partie à des entreprises étrangères .

c) Au regard de son coût budgétaire, la réforme de l'imposition des revenus du capital ne semble pas avoir pleinement atteint ses objectifs

Le rapporteur a souhaité obtenir des éléments d'information permettant d'évaluer l'atteinte par le PFU de l'objectif principal qui lui était assigné, à savoir la réorientation des investissements de la rente immobilière vers les titres de capitaux.

Bien que le comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France Stratégie n'ait pas mené d'évaluation économétrique de l'incidence du PFU sur l'évolution des investissements dans l'immobilier, Cédric Audenis a indiqué que les données disponibles sont ambivalentes .

En effet, l'enquête qualitative menée auprès de gestionnaires de patrimoine a révélé que la grande majorité des répondants faisaient état d' une diminution des investissements dans l'immobilier , au travers, à la fois, d'un recul des investissements et d'une augmentation des cessions. En parallèle, une tendance à la hausse des flux de placements financiers des ménages a été observée , tandis que, parmi les contribuables à haut patrimoine immobilier, le nombre de foyers ayant connu une baisse significative de la valeur de leur actif immobilier a fortement progressé en 2018.

Cependant, France Stratégie constate également que le marché immobilier a connu une forte dynamique en 2019 et en 2020 et qu' « aucun mouvement significatif de vente des biens immobiliers chez les contribuables exposés à l'IFI n'est à ce jour observable en moyenne sur les quartiles des plus hauts patrimoines ». Les ménages assujettis à l'IFI et dont les dividendes ont augmenté en 2018 d'un montant compris entre 100 000 euros et un million d'euros ont, pour leur part, vu leur patrimoine immobilier augmenter concomitamment de 150 000 euros en moyenne .

B. Une partie du coût de la proposition de loi serait financée par le retour à l'imposition systématique des revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu

Le présent article vise à supprimer le PFU de façon à réinstaurer une imposition obligatoire des revenus du capital au barème progressif de l'impôt sur le revenu .

À cet effet, il tend à rétablir dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 :

- les articles du code général des impôts modifiés par les articles 28 et 29 de la loi de finances pour 2018, qui instaurent le PFU (I) ;

- les articles du code monétaire et financier modifiés par l'article 28 de la loi de finances pour 2018 (II) ;

- les articles du code de la construction et de l'habitation modifiés par l'article 28 de la loi de finances pour 2018 (III) ;

- les articles du code de la sécurité sociale modifiés par l'article 28 de la loi de finances pour 2018 (IV) ;

- les articles du livre des procédures fiscales modifiés par l'article 28 de la loi de finances pour 2018 (V) ;

Par conséquent, lesdits articles 28 et 29 de la loi de finances pour 2018 seraient abrogés (VI).

II - La position de la commission : préserver un régime fiscal simple, efficace et nécessaire à l'attractivité de la France

Le rapporteur constate qu'il apparaît clairement que l'instauration du PFU a bénéficié aux ménages les plus favorisés . Comme en ce qui concerne les impôts de production et l'I2S2C, il juge nécessaire d'accroître la contribution ces derniers au financement des mesures de solidarité nationale dans un contexte de sortie de crise, de reprise de la croissance économique et d'accroissement des inégalités.

Dans cette perspective, la suppression du PFU se justifierait d'autant mieux que sa mise en oeuvre ne semble pas avoir permis de réorienter nettement l'investissement vers les entreprises françaises .

Une incertitude subsiste toutefois quant aux recettes supplémentaires qui seraient générées par cette mesure, dès lors que les estimations du coût budgétaire de la réforme divergent et qu'il est même considéré par France Stratégie que celle-ci se serait potentiellement autofinancée du fait de l'augmentation des dividendes distribués et donc du produit fiscal.

La commission rappelle que la barémisation systématique mise en oeuvre de 2013 à 2018 s'est vraisemblablement traduite, d'après les sénateurs Éblé et de Montgolfier, par une contraction de la base fiscale et la diminution de moitié des recettes fiscales perçues au titre des dividendes . Le retour à un tel système devrait donc produire les mêmes effets et constituerait, par ailleurs, un signal d'instabilité fiscale préjudiciable à l'attractivité de la France et à la reprise économique.

D'autre part, les évaluations menées par la commission des finances du Sénat ont confirmé que la mise en oeuvre du PFU a permis de rapprocher le régime fiscal français de celui des autres pays européens et de simplifier l'imposition des revenus du capital .

Eu égard à ces éléments, la commission n'est pas favorable à la suppression du PFU.

La commission n'a pas adopté cet article.

Article 8
Création d'une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières

Cet article vise à créer une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières (TTF) de façon à compléter le financement du dispositif prévu par la proposition de loi.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - Le dispositif proposé : la création d'une taxe additionnelle à la TTF

A. Depuis 2012, les acquéreurs de titres de capital sont redevables de la TTF

1. La TTF s'applique aux acquisitions à titres onéreux de titres de capital

La crise financière mondiale de 2008-2009 a mis en lumière la nécessité à la fois d'opérer une régulation plus stricte des marchés financiers et d'accroître la contribution du monde de la finance au financement des dépenses publiques.

Instaurée en 2012 95 ( * ) , la taxe sur les transactions financières (TTF) s'applique à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital ou d'un titre de capital assimilé, dès lors que ce titre est admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger, que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété et que ce titre est émis par une société dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros au 1 er décembre de l'année précédant celle d'imposition 96 ( * ) .

Cette taxe n'est pas applicable :

- aux opérations d'achat réalisées dans le cadre d'une émission de titres de capital sur le marché primaire ;

- aux opérations réalisées par une chambre de compensation ou un dépositaire central ;

- aux acquisitions réalisées dans le cadre d'activités de tenue de marché 97 ( * ) ;

- aux opérations réalisées pour le compte d'émetteurs en vue de favoriser la liquidité de leurs actions dans le cadre de pratiques de marché admises par l'Autorité des marchés financiers ;

- aux opérations intragroupe ou de restructuration ;

- aux acquisitions de titres de capital par les fonds communs de placement d'entreprise et par les sociétés d'investissement à capital variable d'actionnariat salarié et aux acquisitions de titres de capital de l'entreprise ou d'une entreprise du même groupe directement faites par les salariés ;

- aux rachats de leurs titres de capital par les sociétés lorsque ces titres sont destinés à être cédés aux adhérents d'un plan d'épargne d'entreprise ;

- aux acquisitions d'obligations échangeables ou convertibles en actions.

La TTF est assise sur la valeur d'acquisition du titre et exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s'est produite l'acquisition du titre.

Son taux, initialement fixé à 0,2 %, a été porté à 0,3 % en 2017 98 ( * ) .

En raison de la vigueur des marchés financiers en 2021, les titres de 147 sociétés seront soumis à la TTF en 2022, contre 129 en 2021 99 ( * ) .

2. La TTF permet de faire contribuer les marchés financiers au financement de l'aide au développement

Entre 2019 et 2021, le produit de la TTF a crû de 1,445 à 1,705 milliard d'euros .

30 % de ces recettes sont attribuées au Fonds de solidarité pour le développement , géré par l'Agence française de développement (AFD) et dont l'objet est de contribuer au financement des pays en développement et de tendre à réaliser les « objectifs du millénaire pour le développement », notamment dans le domaine de la santé 100 ( * ) .

Pour autant, comme l'a relevé le sénateur Albéric de Montgolfier, l'instauration de la TTF a contribué à miner sa propre base : « l'ensemble [des] études [réalisées au sujet de la TTF] concluent que la taxe a eu un effet négatif significatif sur les volumes de transactions, estimé à 10 % » 101 ( * ) .

Il convient de rappeler qu'une proposition tendant à créer une taxe sur les transactions financières à l'échelle communautaire est en discussion par les institutions de l'Union européenne depuis plus de dix ans et a récemment été relancée.

Une taxe européenne sur les transactions financières verra-t-elle le jour ?

Les négociations sur la proposition de la Commission européenne du 28 septembre 2011 visant à instaurer une TTF s'appliquant à tous les États membres de l'Union européenne 102 ( * ) n'ont pas pu aboutir en raison de l'opposition de principe de plusieurs des partenaires de la France, notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Luxembourg.

À la suite de cet échec et après accord du Parlement européen, les négociations ont repris sur une nouvelle proposition de la Commission européenne, publiée le 14 février 2013 103 ( * ) et faisant l'objet d'une coopération renforcée entre onze États membres, à savoir l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, l'Estonie, la France, la Grèce, l'Italie, le Portugal, la Slovaquie et la Slovénie.

Les négociations sur le projet initial de la Commission ont abouti à une impasse, confirmée lors de la réunion de Tallinn de septembre 2017, à l'occasion de laquelle les dix États membres parties à la coopération renforcée ont souhaité suspendre les réunions politiques sur ce dossier et lancer une étude visant à évaluer les effets du Brexit sur le projet de coopération renforcée.

En effet, aucune piste de compromis n'a émergé depuis 2013 sur la proposition de la Commission , qui prévoyait la mise en place d'une taxe assise sur une assiette très large, couvrant les transactions sur tous les types d'instruments financiers, qu'elles soient réalisées sur les marchés organisés ou en gré à gré. En particulier, aucun accord n'a pu être envisagé sur certains paramètres structurants de la taxe (inclusion des produits dérivés, territorialité fondée sur le lieu d'établissement des contreparties), compte tenu à la fois des difficultés de mise en oeuvre et des risques pour la compétitivité et le bon fonctionnement des marchés européens.

Constatant le blocage des négociations de la coopération renforcée et l'incapacité des États participants à aboutir à une position commune, le président de la République, lors de son discours pour l'Europe du 26 septembre 2017 à la Sorbonne, a déclaré souhaiter donner un nouvel élan à la création d'une TTF européenne en promouvant un modèle éprouvé, simple et efficace, à savoir le modèle français de TTF .

Cette proposition a depuis été relayée dans le cadre d'une initiative franco-allemande et les discussions techniques ont repris depuis septembre 2018 pour aboutir à une TTF européenne s'inspirant du modèle français.

Ces travaux ont permis d'aboutir, fin 2019, à un projet de compromis sur lequel aucun accord n'a cependant pu être trouvé au niveau politique en raison, notamment, de l'opposition de la Belgique et de l'Autriche, dont la participation est nécessaire pour entériner un accord en coopération renforcée.

Le débat a été relancé lors du Conseil européen du 21 juillet 2020, dans le contexte des discussions sur les nouvelles ressources propres de l'Union européenne, destinées à financer le plan de relance européen. S'il n'est pas parvenu à s'accorder sur la création immédiate de nouvelles ressources propres, le Conseil européen a en revanche arrêté une feuille de route pour la création, à l'avenir, de telles ressources, dont la TTF .

Cette feuille de route a été renforcée par le Parlement européen dans le cadre de l'accord interinstitutionnel de novembre 2020 sur le budget européen, la Commission s'étant engagée à formuler d'ici juin 2024 des propositions législatives sur de nouvelles ressources propres pouvant inclure, notamment, la TTF, avec un objectif d'entrée en vigueur au 1 er janvier 2026 .

Source : Direction générale des finances publiques

B. Le financement de la proposition de loi serait complété par la création d'une taxe additionnelle à la TTF

Le présent article vise à créer une taxe additionnelle à la TTF permettant d'assurer l'équilibre financier de la proposition de loi , dont le coût est estimé à 17 milliards d'euros.

Le taux de cette taxe devrait donc être déterminé en fonction de la part du coût total restant à couvrir. Les mesures fiscales prévues aux articles 5 à 7 devant permettre de générer un produit d'environ dix à onze milliards d'euros, il s'agirait de dégager des recettes supplémentaires à hauteur de six à sept milliards d'euros, soit plus de quatre fois le rendement actuel de la TTF .

II - La position de la commission : privilégier la mise en oeuvre d'une taxe sur les transactions financières au niveau européen

Au terme de ses travaux, le rapporteur considère que la bonne santé financière des marchés financiers depuis le début de la crise sanitaire doit plus que jamais conduire à considérer une contribution plus importante des acheteurs de titres de capitaux au financement des dépenses publiques.

Il regrette néanmoins que la direction générale des finances publiques (DGFiP) n'ait pas été en mesure de fournir une évaluation précise du produit supplémentaire que générerait un relèvement de 0,1 % du taux de la TTF.

La commission, quant à elle, s'oppose à une augmentation des prélèvements obligatoires en sortie de crise , en particulier lorsque ceux-ci sont assis sur des opérations pouvant, certes, relever de la spéculation sur les marchés financiers, mais aussi et surtout affecter l'économie réelle , et rappelle que la plupart des partenaires européens de la France, notamment l'Allemagne, n'ont pas mise en place de TTF. Aussi la mesure proposée pourrait-elle nuire à l'attractivité de la place financière française à l'heure où la compétition entre les places boursières de l'Union européenne est exacerbée par les conséquences du Brexit .

En tout état de cause, il paraît plus judicieux de laisser aux travaux menés en vue de l'instauration d'une TTF au niveau européen le temps de porter leurs fruits , avec le soutien de la France et de l'Allemagne.

La commission n'a pas adopté cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 février 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de M. Jean-Luc Fichet, rapporteur, sur la proposition de loi n° 337 (2021-2022) visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous examinons maintenant la proposition de loi visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.

M. Jean-Luc Fichet , rapporteur . - La proposition de loi déposée par le président Patrick Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à concilier plusieurs ambitions : combattre le chômage de longue durée, agir en faveur de la transition écologique, consolider le lien social. Pour mettre en place une véritable garantie à l'emploi, elle mobilise plusieurs dispositifs d'insertion professionnelle et pose, pour financer leur développement, les bases d'une réforme fiscale fondée sur la solidarité.

Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » ; aux contrats à durée déterminée d'insertion conclus par les structures d'insertion par l'activité économique ; au contrat unique d'insertion ; à l'imposition de la production ; à l'imposition de la fortune mobilière et immobilière ; à l'imposition des revenus du capital ; à la taxation des transactions financières.

En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables, des amendements relatifs à l'indemnisation du chômage, aux minima sociaux et à la sécurité sociale, ainsi qu'à l'imposition des revenus du travail.

J'en viens à mon rapport sur la proposition de loi.

Le chômage de longue durée est en France un phénomène massif et persistant. Au troisième  trimestre 2021, d'après l'Insee, plus de 700 000 chômeurs déclaraient chercher un emploi depuis au moins un an, soit 2,4 % de la population active, tandis que 2,6 millions de personnes étaient inscrites à Pôle emploi en catégories A, B ou C depuis un an ou plus. Il faut ajouter aux demandeurs d'emploi de longue durée au sens strict les nombreuses personnes durablement privées d'emploi et découragées, qui n'apparaissent pas dans les statistiques du chômage.

Souvent, les demandeurs d'emploi de longue durée n'ont pas ou plus de droits ouverts à l'assurance chômage et dépendent des minima sociaux : 84 % des bénéficiaires de minima sociaux étaient sans emploi fin décembre 2017, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Le chômage de longue durée a évidemment partie liée avec la pauvreté.

Les moins diplômés et les moins qualifiés sont les plus concernés par le chômage de longue durée. Par ailleurs, une part significative des situations de chômage de longue durée est liée à des problèmes de handicap ou de santé. L'embellie sur le marché du travail ne suffit donc pas à enrayer ce phénomène qui repose plus fondamentalement sur l'inadéquation actuelle entre les offres d'emploi et les compétences des personnes.

La privation d'emploi a non seulement un coût pour les personnes concernées, mais aussi pour la collectivité. ATD Quart Monde évalue ce coût à un montant situé au minimum entre 16 000 et 19 000 euros par personne, soit un coût global situé au bas mot entre 43 milliards et 51 milliards d'euros par an. Ces sommes pourraient être dépensées de manière plus vertueuse en faveur de la cohésion sociale et de l'inclusion dans l'emploi des personnes concernées.

Le principe d'une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, que ce texte entend mettre en oeuvre, vise à donner une portée concrète au droit d'obtenir un emploi proclamé par le préambule de la Constitution de 1946.

Dans cette perspective, le réseau Coorace, que j'ai auditionné, a pointé le sous-investissement de l'État dans la création nette d'emplois et appelé au financement d'un million d'emplois durables d'utilité sociale et territoriale, pour un budget estimé à 4 milliards d'euros par an.

Toutefois, rendre effectif le droit à l'emploi nécessite non seulement de créer des emplois, mais aussi d'aller à la rencontre des personnes qui en sont privées et de les accompagner afin de les aider à surmonter leurs difficultés et à se maintenir dans l'emploi.

Afin de mettre en oeuvre cette garantie à l'emploi, le titre I er de la proposition de loi mobilise plusieurs outils existants qui ont vocation à jouer un rôle complémentaire.

Premièrement, les contrats aidés concernent des personnes connaissant des difficultés d'accès à l'emploi, mais pouvant être orientées directement vers un milieu ordinaire de travail, l'employeur recevant alors une aide à l'insertion professionnelle pendant une durée limitée. Unifiés depuis 2010 dans le contrat unique d'insertion (CUI), ils prennent la forme du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) dans le secteur non marchand et du contrat initiative emploi (CUI-CIE) dans le secteur marchand.

Ces contrats ont plus souvent été utilisés comme un outil conjoncturel de réduction du chômage qu'en tant que véritable solution à l'appui des politiques d'insertion ; en témoigne le changement de doctrine du Gouvernement qui avait quasiment mis fin aux CUI-CIE avant de les remobiliser, non sans difficultés opérationnelles, pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Quant au parcours emploi compétences, le PEC, censé constituer la nouvelle génération de contrats aidés, il s'agit du nouvel habillage du CUI-CAE.

Afin de donner à ces contrats toute leur place dans la mise en oeuvre de la garantie à l'emploi et d'éviter les effets de stop and go qui compromettent leur mobilisation rapide en période de crise, l'article 3 fixe à compter de 2023 un nombre minimum de 200 000 contrats aidés dans le secteur non marchand et l'article 4, un minimum de 50 000 contrats aidés dans le secteur marchand.

Deuxièmement, l'insertion par l'activité économique (IAE) vise à faciliter l'insertion professionnelle de personnes éloignées de l'emploi, pendant une durée limitée en principe à 24 mois, au moyen de modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement au sein de structures spécialisées, les structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE).

L'IAE est devenue un instrument central des politiques de l'emploi, mais les ambitions quantitatives affichées par le Gouvernement - atteindre 240 000 postes dans l'ensemble des structures à la fin du quinquennat - restent encore largement théoriques, en dépit des assouplissements permis par la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique.

Afin de soutenir le développement du secteur, l'article 2 impose à compter de 2023 un nombre minimum de 100 000 contrats à durée déterminée d'insertion au sein des entreprises d'insertion (EI). Pour y parvenir, les réseaux de l'IAE attendent une amélioration des modalités de pilotage du secteur, notamment au niveau territorial, afin de libérer le potentiel de développement des SIAE. Les moyens dédiés à la formation professionnelle des salariés en insertion devront également être renforcés et sécurisés.

Troisièmement, l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », créée par la loi du 29 février 2016 et prolongée par la loi du 14 décembre 2020, constitue dans les territoires concernés la solution de dernier ressort ou, selon les termes de Louis Gallois, la « voiture-balai » de la garantie à l'emploi. Entrée dans sa deuxième phase depuis le 1 er juillet 2021, cette expérimentation permet à des personnes privées durablement d'emploi d'être embauchées en contrat à durée indéterminée, à temps choisi, au sein de structures spécifiques dénommées entreprises à but d'emploi (EBE). En postulant que personne n'est inemployable et en visant l'exhaustivité, elle apparaît aujourd'hui comme la nouvelle frontière du développement des politiques de lutte contre le chômage d'exclusion.

Prenant acte du succès de cette expérimentation, l'article 1 er vise à la transformer en un dispositif pérenne. De plus, il propose d'accélérer son extension : le nombre de territoires participants serait quintuplé tous les deux ans dans la limite des collectivités volontaires et du nombre de territoires encore non couverts. Sa cible serait également élargie aux personnes âgées de moins de 25 ans privées durablement d'emploi depuis six mois et domiciliées depuis au moins trois mois dans l'un des territoires participants.

Nous avons cependant entendu les réserves des promoteurs de l'expérimentation qui estiment que cette généralisation est prématurée. Pour respecter le caractère de projet expérimental et la démarche de territoire au coeur de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », je vous proposerai, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, de remplacer ces dispositions par une suppression de la limite actuelle de 60 territoires et de la nécessité de prendre un décret en Conseil d'État pour y déroger dans le cadre de la deuxième phase. Ainsi, tous les projets émergents remplissant les conditions du cahier des charges pourront être admis sans plus attendre dans l'expérimentation par arrêté du ministre chargé de l'emploi.

Pour l'avenir, il serait néanmoins souhaitable que le financement de l'expérimentation ne se limite pas aux aides au poste, mais couvre également l'animation territoriale et l'ingénierie nécessaires à une mise en oeuvre effective de la garantie d'emploi.

La proposition de loi vise également à orienter cet investissement en faveur de l'inclusion des chômeurs de longue durée vers des activités contribuant à la lutte contre la crise environnementale.

Cette orientation n'apparaît pas contradictoire. L'IAE a depuis longtemps investi des activités liées au développement durable, telles que la gestion des déchets. De même, dans les « territoires zéro chômeur de longue durée », la transition écologique représente 38 % des activités des EBE.

Afin de systématiser cette approche, l'article 3 prévoit que les aides au titre d'un CUI-CAE ne peuvent être accordées que si le contrat porte sur des activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources. Concernant les contrats aidés dans le secteur marchand, l'article 4 conditionne l'aide au poste à l'atteinte par l'employeur de la neutralité carbone ou à son engagement dans la décarbonation de ses activités.

Je considère que cette orientation est souhaitable, mais qu'elle ne doit pas entraver le développement de ces contrats. La conditionnalité concernant les CUI-CAE pourrait ainsi être remplacée par une modulation de l'aide selon la finalité de l'activité, tandis que les entreprises de moins de 250 salariés pourraient être exonérées de la conditionnalité carbone pour conclure un CUI-CIE. L'auteur de la proposition de loi a approuvé les deux amendements que j'ai déposés en ce sens.

Ces mesures d'intérêt général présentent bien sûr un coût. Si celui-ci a été estimé par l'auteur du texte à 17 milliards d'euros, mes travaux ne m'ont pas permis d'obtenir confirmation de ce chiffrage. En tout état de cause, je tiens à vous rappeler que l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » repose sur un principe d'activation des dépenses passives devant permettre, à terme, d'assurer son autofinancement. En effet, le chômage de longue durée représente une charge de plus de 30 milliards d'euros par an au titre des allocations chômage, à laquelle il convient d'ajouter une contraction de la consommation, de moindres recettes fiscales et sociales et les dépenses liées à la lutte contre la pauvreté. En entraînant son reflux, le dispositif prévu par la proposition de loi générera donc les recettes nécessaires à son propre financement.

Pour autant, dans un esprit de responsabilité, le président Kanner a tenu à proposer au sein de ce texte quatre réformes fiscales d'envergure, qui me semblent associer la justice fiscale à la justice sociale. Ces mesures combinées représenteraient dix à onze milliards d'euros de recettes supplémentaires.

Sept milliards pourraient d'abord être générés par l'annulation d'une partie des mesures de baisse des impôts de production mises en oeuvre par le Gouvernement en 2021, telle que la propose l'article 5. Il s'agit en effet de revenir sur la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), c'est-à-dire de 50 % du produit de cet impôt, ainsi que sur l'abaissement de 3 à 2 % du plafond de la contribution économique territoriale (CET), qui inclut la CVAE et la cotisation foncière des entreprises (CFE). Ces mesures ont été compensées par l'affectation aux régions d'une part de TVA.

Il est incontestable que la baisse des impôts de production a permis de soutenir la trésorerie et la rentabilité des entreprises pendant la crise sanitaire. Il n'est pas moins certain que toutes les entreprises en ont bénéficié, qu'elles doivent faire face à des difficultés financières ou non, et en particulier les grands groupes industriels.

Ces effets d'aubaine ne me paraissent pas justifiés dans un contexte de forte croissance économique. Il serait donc légitime que les entreprises bénéficiant de l'amélioration de la conjoncture économique rendent à la collectivité une partie de l'aide qu'elle leur a apportée durant la crise, en participant au financement d'une mesure de solidarité nationale.

Dans cette même perspective de partage des fruits de la croissance, il est nécessaire de nous interroger sur l'imposition des grandes fortunes en France. Comme vous le savez, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), accusé d'inciter à l'évasion fiscale et de nuire à l'attractivité du pays, a été remplacé en 2018 par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui n'est assis que sur le patrimoine immobilier, à l'exclusion des valeurs mobilières. Il s'agissait, d'après le Gouvernement, de réorienter les investissements de la rente immobilière vers les titres de capital d'entreprises françaises.

Cette réforme, qui représente un coût budgétaire de l'ordre de trois milliards d'euros, a évidemment profité aux plus favorisés. Les redevables de l'ISF en 2017 ont ainsi bénéficié, en 2018, d'un gain fiscal moyen de 8 338 euros. Pour autant, aucune étude ne permet d'affirmer que l'IFI ait atteint l'objectif qui lui a été assigné, dans la mesure où, bien que les flux de placements financiers des ménages aient augmenté, le marché de l'immobilier a connu une forte croissance en 2019 et en 2020, tandis que les contribuables assujettis à l'IFI n'ont pas cédé leur patrimoine immobilier de façon significative.

Par conséquent, l'article 6 vise à rétablir l'ISF sous la forme d'un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital (I2S2C). Dans un souci de pragmatisme, le seuil d'entrée dans l'imposition serait relevé de 1,3 à 1,8 million d'euros afin de ne cibler que les ménages les plus favorisés et d'éviter d'enrayer les rapatriements fiscaux. D'autre part, le dispositif de réduction d'impôt pour investissement dans les petites et moyennes entreprises (PME), qui permettait aux ménages assujettis d'atténuer leur charge d'ISF, serait restreint aux investissements dans les PME figurant sur une liste d'entreprises socialement et écologiquement responsables agréées par l'État pour une durée de deux ans. Il s'agirait donc à la fois de limiter le « mitage » de l'assiette d'imposition et de favoriser les investissements contribuant à la transition écologique et sociale.

La question de l'imposition des revenus du capital mérite également toute notre attention. Auparavant imposés soit au travers d'un prélèvement forfaitaire libératoire, soit au barème progressif de l'impôt sur le revenu, les revenus du capital ont été soumis au même régime fiscal que les revenus du travail à compter de 2013, c'est-à-dire à l'imposition obligatoire au barème. Cette réforme a permis d'accroître sensiblement les taux marginaux d'imposition des redevables les plus aisés, malgré l'introduction d'un abattement de 40 % sur les dividendes ayant eu pour effet d'amoindrir l'alourdissement de la charge fiscale.

Toutefois, en 2018, la barémisation systématique a été remplacée par un système fondé sur une option par défaut, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), et sur une option pour l'imposition au barème de l'impôt sur le revenu. Cette réforme visait à la fois à simplifier les modalités d'imposition des revenus du capital et à favoriser l'investissement dans les titres financiers, donc dans les entreprises.

Il est particulièrement difficile d'évaluer le coût budgétaire de l'instauration du PFU. Le Gouvernement l'a estimé à 1,3 milliard d'euros en 2018 et à 1,9 milliard en 2019, mais France Stratégie croit possible que la réforme se soit autofinancée, dès lors qu'elle a suscité un fort rebond de la distribution de dividendes et donc des recettes fiscales.

Quoi qu'il en soit, le gain fiscal induit par la mise en oeuvre du PFU est concentré sur les 5 % des personnes les plus aisées, pour lesquelles il s'élevait en moyenne à 490 euros en 2018. Il s'agit des foyers fiscaux dont les revenus postérieurs à 2017 les auraient situés dans les tranches marginales d'imposition supérieures à 30 % en l'absence de réforme. Par ailleurs, si l'abolition de la barémisation systématique a accru la distribution de dividendes, leur concentration s'est accrue depuis 2018, 97 % des dividendes distribués ayant été perçus par 1,7 % des foyers fiscaux.

Or, comme dans le cas de l'IFI, rien ne permet d'affirmer à l'heure actuelle que cette mesure a clairement permis de réorienter les investissements vers les entreprises. Au contraire, d'après France Stratégie, les ménages assujettis à l'IFI et dont les dividendes ont augmenté en 2018 d'un montant compris entre 100 000 et 1 million d'euros ont vu leur patrimoine immobilier augmenter concomitamment de 150 000 euros en moyenne.

Aussi me paraît-il judicieux, comme le prévoit l'article 7, de supprimer le PFU et de rétablir une imposition obligatoire au barème afin d'assurer la contribution des plus favorisés au financement du dispositif porté par cette proposition de loi, dans un contexte de forte croissance économique et d'accroissement des inégalités.

Enfin, l'article 8 prévoit l'instauration d'une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières (TTF). Créée en 2012, cette dernière s'applique à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital émis par une société dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros, soit 147 sociétés en 2022 contre 129 en 2021. Son taux, initialement fixé à 0,2 %, a été porté par le Parlement à 0,3 % en 2017, contre l'avis du Gouvernement.

Elle permet de faire participer les marchés financiers au financement des dépenses publiques à hauteur de plus de 1,7 milliard d'euros en 2021 ; 30 % de ces recettes sont actuellement attribuées au Fonds de solidarité pour le développement.

Une augmentation de la contribution des acquéreurs de titres de capital se justifie d'autant mieux que les marchés financiers jouissent d'une excellente santé financière depuis le début de la crise sanitaire.

Pour conclure, je crois que, face à l'urgence sociale et à la crise environnementale, le droit à l'emploi et la transition écologique sont des enjeux que ce texte parvient à articuler sans les opposer. C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette proposition de loi modifiée par les trois amendements que j'ai évoqués.

Mme Frédérique Puissat . -Cette proposition de loi comporte deux titres : si le titre I er relève bien de notre commission, le titre II me semble relever plutôt de la compétence de la commission des finances.

Nous sommes tous soucieux de réduire le chômage, et conscients de la nécessité de simplifier les dispositifs. Les demandeurs d'emploi comme les travailleurs sociaux se perdent parfois dans leur complexité. Le sujet mérite débat, en effet. Mais si les Français reprochent parfois au législateur de ne pas aller assez vite, ce texte est un TGV législatif ! J'étais rapporteur de la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée ». L'encre est à peine sèche.... Nous avons décidé de prolonger l'expérimentation, conformément aux attentes des acteurs. Votre amendement correspond à l'intention initiale du législateur : nous avions limité à 60  le nombre de territoires éligibles à l'expérimentation, mais la ministre avait dit qu'elle ne s'interdisait pas d'aller au-delà de ce chiffre en fonction des résultats et des demandes.

À l'article 2, relatif aux SIAE, vous prévoyez la création de 100 000 postes supplémentaires en plus des 134 000 qui existent aujourd'hui : c'est un bond considérable, et peut-être ambitieux par rapport à la réalité du terrain.

La Cour des comptes a montré que le dispositif des CUI-CAE
- un des derniers dispositifs de contrats aidés à destination du secteur non marchand à exister encore dans les pays européens - est très coûteux, et peut-être pas adapté.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte.

Mme Brigitte Devésa . - Cette proposition de loi, qui vise à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la transition écologique et au développement du lien social, en se fondant sur un principe constitutionnel affirmant le « droit d'obtenir un emploi », a un objectif louable, et porte témoignage d'une volonté compréhensible.

Dans mon discours lors du débat en séance au Sénat sur le thème « Le partage du travail : un outil pour le plein emploi ? », j'ai rappelé, même si je ne suis ni communiste ni marxiste, que les élites de notre pays s'étaient habituées à un chômage structurel établi autour de 7 %, faisant de cette donnée une caractéristique quasi naturelle de notre pays, considérant ce pourcentage non comme une alerte, mais comme un chiffre de référence.

Je rappelais aussi le concept d'« effet d'hystérèse du chômage » défini par l'économiste Ashoka Mody, c'est-à-dire les séquelles que peut provoquer le chômage de masse. J'appelais le Gouvernement à réorienter la formation pour pourvoir des postes qui ne sont pas occupés, pour planifier, organiser la société de demain et donner des perspectives.

Toutefois, je ne partage pas les solutions qui sont apportées dans cette proposition de loi : elles reviennent en effet à mettre en cause des politiques publiques dont nous ne connaissons pas encore le bilan. Cette proposition de loi met fin à des expérimentations - ce qui est par principe une erreur -, à des investissements importants engagés par le Gouvernement, et reprend l'esprit d'une lutte pour le plein emploi par des formes d'emplois aidés, tentative déjà réalisée par François Hollande qui n'a pas porté ses fruits... Orienter les chômeurs de longue durée vers « des activités utiles » à la transition écologique et au développement du lien social apparaît comme une façon de faire passer la pilule : puisque c'est pour l'environnement ou pour le lien social, nous devrions être pour... Mais, vous l'avez compris, le groupe Union Centriste ne croit pas au modèle économique sous-jacent à cette proposition de loi. Nous ne la voterons pas.

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Je confirme à ma collègue qu'elle n'est pas communiste... Le groupe communiste soutient cette proposition de loi qui nous semble intéressante et qui reprend les pistes avancées par l'Institut Rousseau. En revanche, il manque un aspect fondamental, celui de la formation. On ne peut pas, en effet, aborder la question de l'emploi et du chômage de longue durée, qui a un coût élevé, aussi bien financier que social, pour les personnes concernées, sans parler de la formation. Combien de personnes de 30 ou 40 ans se retrouvent-elles, après la fermeture de leur usine, au chômage, sans formation, ou sans autre formation que celle qu'elles ont en interne ? Il reste ainsi encore 400 personnes sans emploi après la fermeture de l'usine Bridgestone... Il faut donc permettre la montée en compétence des salariés. C'est crucial.

M. Philippe Mouiller . - Ce texte ressemble plutôt à un discours de politique générale : son volet financier est une litanie de réformes, dont je ne sais pas d'ailleurs si nous avons, à la commission des affaires sociales, la compétence pour le voter, sans étude d'impact qui plus est. Cela relève plutôt de la commission des finances. Vous proposez de recréer des emplois aidés. Certes, ils peuvent parfois être utiles, mais l'enjeu me semble plutôt être de restructurer l'ensemble de la filière d'insertion : on compte des entreprises d'insertion, des chantiers d'insertions, des entreprises à but d'emploi, des contrats aidés, etc. Il faut donc plutôt évaluer l'existant et voir comment améliorer l'organisation du système, avant d'envisager de créer 100 000 nouveaux emplois, dont je ne sais pas, d'ailleurs, si les structures sur le terrain pourraient les absorber !

Il manque aussi un volet sur la formation et l'accompagnement. Beaucoup d'entreprises ne trouvent pas de salariés.

Ce texte ne me semble pas adapté aux enjeux, mais comme il s'agit d'un discours de politique générale, je ne vous ferai aucun grief...

M. Laurent Burgoa . - Ce texte est bien un discours de politique générale. Nous attendions un texte comportant des mesures sur le chômage et la garantie de l'emploi, mais, finalement, le titre II développe la vision fiscale de la gauche. Je ne la partage pas. Néanmoins, à l'heure où certains regrettent l'abolition du clivage droite-gauche, où certains s'affichent comme n'étant ni de droite ni de gauche, il est sain de rappeler les positions des uns et des autres. Toutefois, n'étant pas communiste, je ne pourrai pas voter ce texte !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Ce texte est ambitieux et généreux. Qui pourrait s'opposer à la volonté de supprimer le chômage ? En tout cas, pas moi. Je crois que nous devons évoluer sur ces questions. En 1995, le rapport intitulé Le travail dans 20 ans , rédigé par Jean Boissonnat au nom du Commissariat général du Plan, formulait des propositions similaires pour faire en sorte que tous les actifs soient en activité, pas forcément dans des emplois marchands. À cet égard, la formation professionnelle est fondamentale et ce volet manque dans le texte. Certaines personnes sont difficilement insérables dans l'emploi marchand, il faut donc trouver des emplois sociaux. Ce n'est pas simple ; c'est d'ailleurs le but de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », aux résultats encore mitigés : les protagonistes semblent dubitatifs sur son coût social et financier. Je ne peux que regretter le manque d'étude d'impact, qui permettrait de chiffrer précisément la réforme proposée. Je serais favorable à un dispositif plus adapté, plus réaliste, mais je ne peux voter ce texte en l'état.

Mme Raymonde Poncet Monge . - Le groupe Écologiste - Solidarités et Territoires votera cette proposition de loi. Voilà un texte qui marque une volonté politique, pour que le droit au travail, qui figure dans nos textes fondamentaux, devienne un droit effectif. C'est aussi un texte d'économie politique : tout le monde prétend viser le plein emploi, mais on peut s'interroger sur la sincérité de ces proclamations. Dans les faits, on se satisfait en France d'un taux de chômage d'équilibre - le NAIRU en anglais -, autour de 7 ou 8 %.

En effet, selon la théorie libérale, si le chômage baisse en dessous de ce seuil, le salaire réel augmente plus vite que la productivité, entraînant une hausse de l'inflation, ce qui affecte la rentabilité des entreprises. L'inspiration de ce texte est très différente. Cela implique des voies différentes. L'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » est celle qui est la plus proche de l'objectif poursuivi : il s'agit de partir des besoins de territoires, tout en répondant à des besoins émergents non couverts, en matière environnementale ou sociale par exemple. Les questions d'accompagnement et de formation sont évidemment essentielles. Dans les « territoires zéro chômeur », on compte plus de 30 % de personnes en situation de handicap ou sans formation. Nul n'est inemployable. Ce texte a le mérite de le rappeler.

Mme Monique Lubin . - Cette proposition de loi rappelle à juste titre que certaines personnes sont non pas inemployables, car chacun doit pouvoir trouver une manière de se réaliser par le travail, mais qu'elles auront beaucoup de difficultés à trouver un emploi dans les conditions du marché du travail actuelles, dans un pays où l'emploi industriel a quasiment disparu. Les besoins existent, les besoins verts notamment, mais ils restent à inventer et leur modèle économique à construire. Nul n'est prêt à financer des emplois verts, pourtant nécessaires pour maintenir notre qualité de vie. Cette proposition de loi a le mérite de soulever la question et de proposer des pistes de financement. Nous la voterons.

M. Jean-Luc Fichet , rapporteur . - Un TGV législatif ? J'accepte cette image. En la matière, il est temps d'accélérer pour trouver des réponses aux personnes sans emploi, même si une loi a été votée en décembre 2020. Le chômage a baissé, c'est heureux, mais il ne faut pas oublier ceux qui restent au bord de la route, et qui sont dans une situation de grande précarité.

Nous supprimons le plafond de 60 territoires fixé dans l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » pour pouvoir répondre, le cas échéant, à toutes les demandes émanant des territoires. L'objectif n'est pas de « mettre fin » à cette expérimentation. Nous voulons pérenniser le projet - je ne parle pas de « dispositif » car les acteurs de l'expérimentation rejettent cette appellation -, tout en l'articulant avec les programmes d'insertion existants pour répondre au défi du chômage de longue durée.

La formation est une obligation dans les contrats aidés et l'IAE. Cette dimension a bien été identifiée comme étant l'un des points à développer dans les « territoires zéro chômeur ». C'est effectivement fondamental pour une bonne insertion.

Nous proposons des pistes de financement. Je regrette de ne pas avoir pu aller plus loin dans l'étude d'impact. La direction générale des finances publiques (DGFiP) ne nous a pas donné les éléments que nous souhaitions pour réaliser une bonne évaluation. Nous continuons à travailler en ce sens.

Certains ont parlé d'un texte de politique générale : peut-être, mais l'essentiel est d'apporter une réponse aux problèmes, tout en avançant dans la transition écologique. En matière d'insertion, 40 % des activités proposées sont déjà dans ce secteur. Il faut accélérer le processus, c'est une urgence écologique et sociale, tout en définissant une conditionnalité souple et non restrictive.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Jean-Luc Fichet , rapporteur . - La loi du 14 décembre 2020 a prolongé l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » pour cinq années supplémentaires et permis son extension de 10 à 60 territoires. Lorsque le nombre de 60 territoires aura été atteint, des territoires supplémentaires pourront être habilités à titre dérogatoire par décret en Conseil d'État. J'ai entendu les réserves des acteurs de l'expérimentation quant à la pérennisation et à la généralisation accélérées proposées par l'article 1 er . Aussi, afin de soutenir cette démarche, qui apparaît aujourd'hui comme l'axe central de développement des politiques de lutte contre le chômage d'exclusion, tout en respectant le rythme de l'expérimentation et son caractère territorial, mon amendement COM-1 tend à réécrire l'article 1 er , afin de supprimer le plafond de 60 territoires pouvant y être admis et de permettre ainsi à tous les projets émergents remplissant les conditions du cahier des charges de s'inscrire dans la deuxième phase.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 1 er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

M. Jean-Luc Fichet , rapporteur . - L'article 3 prévoit que les aides au titre d'un contrat aidé dans le secteur non marchand ne peuvent être accordées que si le contrat porte sur des activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources. Toutefois, limiter les CUI-CAE aux activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources pourrait s'avérer trop restrictif et mettre en péril le fonctionnement de certaines associations accomplissant des actions utiles au lien social. Mon amendement COM-2 tend donc à remplacer cette conditionnalité par la possibilité de réduire l'aide au poste si les activités faisant l'objet du contrat n'ont pas pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

M. Jean-Luc Fichet , rapporteur . - L'article 4 prévoit que les aides au titre d'un contrat aidé dans le secteur marchand ne pourront être accordées que si l'employeur a atteint la neutralité carbone ou s'est engagé dans la décarbonation de ses activités. Cette conditionnalité pourrait cependant causer des difficultés aux PME et leur interdire, de fait, l'accès aux contrats aidés, à défaut d'être en capacité de produire des informations sur leur empreinte carbone. L'amendement COM-3 vise ainsi à exonérer de la condition de neutralité carbone les entreprises de moins de 250 salariés.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 4 n'est pas adopté.

Article 5

Les articles 5 à 8 ne sont pas adoptés.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Généralisation du dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée »

M. FICHET, rapporteur

1

Suppression du nombre maximal de 60 territoires pouvant être habilités

Rejeté

Article 3
Développement de contrats d'accompagnement dans l'emploi orientés vers la transition écologique

M. FICHET, rapporteur

2

Possibilité de moduler l'aide au poste selon la finalité de l'activité

Rejeté

Article 4
Conditionnalité carbone des contrats initiative-emploi

M. FICHET, rapporteur

3

Exonération des entreprises de moins de 250 salariés

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3, DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 104 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 105 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 106 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 107 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 16 février 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » ;

- aux contrats à durée déterminée d'insertion conclus par les structures d'insertion par l'activité économique ;

- au contrat unique d'insertion ;

- à l'imposition de la production ;

- à l'imposition de la fortune mobilière et immobilière ;

- à l'imposition des revenus du capital ;

- à la taxation des transactions financières.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé , des amendements relatifs :

- à l'indemnisation du chômage, aux minima sociaux et à la sécurité sociale ;

- à l'imposition des revenus du travail.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

Bénédicte Legrand-Jung , adjointe au délégué général

Cécile Charbaut , adjointe au sous-directeur en charge des parcours d'accès à l'emploi

Emmanuel Martin-Blondet , chef de la mission insertion professionnelle

Patrice Cabanel , chargé de mission au sein de la mission insertion professionnelle

Mouvement ATD Quart Monde

Emmanuel Altmayer , représentant auprès de l'association TZCLD

Denis Prost, représentant auprès de l'association TZCLD

Greenpeace France

Clément Sénéchal , chargé de campagne climat

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

Bruno Mauchauffée , chef de service, adjoint au directeur de la législation fiscale

France Stratégie - Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital

Cédric Audenis , commissaire général adjoint

Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

Coline Derrey-Favre , chargée de mission

Coorace

Laurent Pinet , président

Adrien Rivière , chargé de plaidoyer

Fédération des entreprises d'insertion

Olivier Dupuis , secrétaire général

Mathilde Ausort , chargée des relations institutionnelles et du plaidoyer

Association Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD)

Laurent Grandguillaume , président

Antonin Gregorio , directeur général

Jeanne Bot , chargée de mission plaidoyer

Fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD)

Louis Gallois , président

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-337.html


* 1 « La privation d'emploi a un coût pour l'État de plus de 30 milliards d'euros par an », collectif, Le Monde , 7 décembre 2021.

* 2 Dares Résultats n° 78 , décembre 2021.

* 3 Source : Fonds d'expérimentation contre le chômage de longue durée.

* 4 Dares Analyses n° 71 , décembre 2021.

* 5 Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

* 6 Cf. cahier des charges de la deuxième phase de l'expérimentation.

* 7 F. Allot (IGAS), A. Perrot et G. Lallemand-Kirche (IGF), Évaluation économique de l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) , octobre 2019.

* 8 Rapport d'analyse ETCLD-TZCLD, 25 novembre 2019.

* 9 Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

* 10 Arrêté du 3 décembre 2021 habilitant les territoires pour mener l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

* 11 Arrêté du 23 décembre 2021 habilitant les territoires pour mener l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

* 12 Arrêté du 10 février 2022 habilitant les territoires pour mener l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

* 13 Dares Résultats n° 11 , mars 2021.

* 14 C'est-à-dire inscrits à Pôle emploi depuis au moins un an.

* 15 Dares Résultats n° 78 , décembre 2021.

* 16 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
- Article 83.

* 17 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 - Article 209.

* 18 Arrêté du 26 avril 2021 fixant les montants des aides financières aux structures de l'insertion par l'activité économique aux dispositifs d'insertion implantés en milieu pénitentiaire et à Mayotte.

* 19 Les salariés en insertion par l'activité économique : quels parcours avant l'entrée ? Quelles perspectives à la sortie ? Document d'études Dares n° 227, janvier 2019.

* 20 L'insertion des chômeurs par l'activité économique , rapport public thématique, Cour des comptes, janvier 2019.

* 21 Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

* 22 Source : tableau de bord des politiques de l'emploi (PoEm) de la Dares.

* 23 Cf. projet annuel de performance de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi finances pour 2022.

* 24 Art. L. 5134-21 du code du travail.

* 25 Art. L. 5134-24 du code du travail.

* 26 Art. L. 5134-23 du code du travail.

* 27 Source : Dares Analyses n° 71 , décembre 2021.

* 28 Le plan #1jeune1solution en faveur de l'emploi des jeunes , Cour des comptes, rapport public annuel 2022.

* 29 Source : tableau de bord des politiques de l'emploi (PoEm) de la Dares.

* 30 Cf. projet annuel de performance de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi finances pour 2022.

* 31 Cf. supra , commentaire de l'article 3.

* 32 Il n'y a plus d'entrées en emploi d'avenir depuis le 1 er janvier 2018, seuls quelques cas de reconduction ayant été autorisés afin de valider un diplôme ou de finir une formation.

* 33 Art. L. 5134-68 du code du travail.

* 34 Circulaire n° DGEFP/MIP/MPP/2020/163 du 28 septembre 2020 relative à la mise en oeuvre des mesures du plan #1jeune1solution concernant les parcours emploi compétences.

* 35 Dares Résultats n° 55 , octobre 2021.

* 36 Source : tableau de bord des politiques de l'emploi (PoEm) de la Dares.

* 37 Pour plus de précisions, le lecteur peut se référer au commentaire de l'article 3.

* 38 Cf. projet annuel de performance de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi finances pour 2022.

* 39 Celle-ci est définie comme « un équilibre entre les émissions par les sources et les absorptions par les puits de gaz à effet de serre résultant de ses activités et de l'usage des biens et services qu'il produit ».

* 40 Celle-ci est définie comme « la diminution de la différence observée, sur le précédent exercice comptable, entre les émissions par les sources et les absorptions par les puits de gaz à effet de serre résultant de ses activités et de l'usage des biens et services qu'il produit par rapport à l'exercice comptable antérieur ».

* 41 Article 1447-0 du code général des impôts.

* 42 Articles 1447 à 1478 bis du code général des impôts.

* 43 Articles 1586 ter à 1586 nonies du code général des impôts.

* 44 Article 1647 sexies B du code général des impôts.

* 45 Article 1586 ter du code général des impôts.

* 46 Article 1586 quinquies du code général des impôts.

* 47 Article 1586 sexies du code général des impôts.

* 48 Article 1586 ter du code général des impôts.

* 49 Article 1586 quater du code général des impôts.

* 50 Rapport général fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2021 par M. Jean-François Husson, rapporteur général (n° 138, 2020-2021), tome II.

* 51 Article 1586 septies du code général des impôts.

* 52 Article 1679 septies du code général des impôts.

* 53 Article 1600 du code général des impôts.

* 54 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, article 8.

* 55 Articles L. 4331-2 et L. 4225-22 du code général des collectivités territoriales.

* 56 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, article 29.

* 57 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, article 120.

* 58 Martin P. et Paris H., « Éclairages complémentaires sur les impôts sur la production », Focus , n° 042--2020, Conseil d'analyse économique, juillet 2020.

* 59 Ibid.

* 60 France Stratégie, comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, troisième rapport, octobre 2021.

* 61 Pour un chiffre d'affaires inférieur à 250 millions d'euros.

* 62 Pour un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros.

* 63 Lachaux A., Aussilloux V. et Frocrain P. (2021), Localisation de la production automobile : enseignements pour l'attractivité et la compétitivité , Note de synthèse, France Stratégie.

* 64 Loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989, article 26.

* 65 Ancien article 885-0 V bis du code général des impôts.

* 66 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, article 16.

* 67 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 38.

* 68 Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, annexe I, article 2.

* 69 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 31.

* 70 Article 965 du code général des impôts.

* 71 Article 975 du code général des impôts.

* 72 Article 964 du code général des impôts.

* 73 Article 978 du code général des impôts.

* 74 Article 979 du code général des impôts.

* 75 Article 977 du code général des impôts.

* 76 Ancien article 885 U du code général des impôts.

* 77 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'évaluation de la transformation de l'ISF en IFI et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) par MM. Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, sénateurs (n° 42, 2019-2020).

* 78 Contribution de l'Insee au premier rapport du comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, annexe 11.

* 79 Le SDTR a été supprimé en 2020.

* 80 L'article 885 I bis du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2017, permettait au contribuable de bénéficier d'une exonération partielle d'ISF, au taux de 75 %, pour les parts ou actions de sociétés opérationnelles faisant l'objet d'un engagement de conservation. Le dispositif « Dutreil-ISF » a été abrogé au 1 er janvier 2018, en même temps que l'ISF, et n'a pas été transposé à l'IFI.

* 81 L'élargissement des possibilités d'apport de titres à une holding et l'assouplissement des obligations déclaratives, qui trouvent à s'appliquer depuis l'abrogation du dispositif lorsque les exonérations d'ISF accordées antérieurement n'ont pas encore été définitivement acquises, c'est-à-dire lorsque le délai global de conservation de six ans auquel celles-ci sont conditionnées n'a pas été atteint.

* 82 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'évaluation de la transformation de l'ISF en IFI et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) par MM. Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, sénateurs (n° 42, 2019-2020).

* 83 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, articles 7, 9, 10 et 11.

* 84 Un abattement de 40 % pour les dividendes, un abattement progressif pour durée de détention pour les plus-values mobilières et un abattement renforcé pour les cessions de titres de PME.

* 85 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, articles 28 et 29.

* 86 Article 200 A du code général des impôts.

* 87 Addition de la contribution sociale généralisée (CSG) au taux de 9,2 %, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 % et du prélèvement de solidarité au taux de 7,5 %.

* 88 Article 158 du code général des impôts.

* 89 Article 154 quinquies du code général des impôts.

* 90 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'évaluation de la transformation de l'ISF en IFI et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) par MM. Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, sénateurs (n° 42, 2019-2020).

* 91 France Stratégie, comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, troisième rapport, octobre 2021.

* 92 France Stratégie, comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, premier rapport, octobre 2019.

* 93 France Stratégie, comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, troisième rapport, octobre 2021.

* 94 Christian Pfister, Fiscalité de l'épargne et choix de portefeuille des ménages français , document de travail de la Banque de France n° 699, novembre 2018, p. 9.

* 95 Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, article 5.

* 96 Article 235 ter ZD du code général des impôts.

* 97 Ces activités sont définies comme les activités d'une entreprise d'investissement ou d'un établissement de crédit ou d'une entité d'un pays étranger ou d'une entreprise local membre d'une plateforme de négociation ou d'un marché d'un pays étranger lorsque l'entreprise, l'établissement ou l'entité concerné procède en tant qu'intermédiaire se portant partie à des opérations sur un instrument financier soit à la communication simultanée de cours acheteurs et vendeurs fermes et compétitifs de taille comparable, avec pour résultat d'apporter de la liquidité au marché sur une base régulière et continue, soit, dans le cadre de son activité habituelle, à l'exécution des ordres donnés par des clients ou en réponse à des demandes d'achat ou de vente de leur part, soit à la couverture des positions associées à la réalisation de ces opérations.

* 98 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 25.

* 99 Bulletin officiel des finances publiques, liste des sociétés françaises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros, 29 décembre 2021.

* 100 Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, article 22.

* 101 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur la compétitivité des places financières par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sénateur (n° 574, 2016-2017).

* 102 Proposition de directive du Conseil du 28 septembre 2011 établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE.

* 103 Proposition de directive du Conseil du 14 février 2013 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières.

* 104 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 105 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 106 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 107 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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