EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 5 JANVIER 2022

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M. Laurent Lafon, président . - Nous allons examiner le rapport de notre collègue Olivier Paccaud et élaborer le texte de la commission sur la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire.

Je suis heureux d'accueillir Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis de la commission des lois, à laquelle nous avons délégué l'examen au fond des dispositions pénales du texte, en l'occurrence les articles 4 à 7. Nous serons évidemment libres de débattre du contenu des amendements déposés sur ces articles, mais c'est la rédaction adoptée par la commission des lois qui, en vertu de cette délégation, constituera le texte de la commission.

Je donne la parole à Olivier Paccaud pour nous faire part de ses conclusions sur le texte, puis Jacqueline Eustache-Brinio présentera celles de la commission des lois sur les dispositions qui lui ont été déléguées.

M. Olivier Paccaud, rapporteur . - Ces trois dernières années, le Sénat s'est penché à deux reprises sur la lutte contre le harcèlement scolaire. Lors du débat du projet de loi pour une école de la confiance, le Parlement a créé dans le code de l'éducation un article consacrant le droit à une scolarité sans harcèlement. Plus récemment, la mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement présidée par notre collègue Sabine Van Heghe, et dont Colette Mélot était rapporteure, a établi un diagnostic précis sur la situation du harcèlement scolaire en France et identifié les points d'amélioration à apporter. Je partage son constat principal : une mobilisation générale est nécessaire pour lutter contre ce fléau, qui touche chaque année entre 800 000 et un million d'élèves. Cela a des conséquences psychologiques très lourdes, allant malheureusement parfois jusqu'à l'irréparable. En 2021, une vingtaine d'enfants et d'adolescents est décédée en France en raison du harcèlement scolaire dont ils ont été les victimes : au moins dix-huit suicides et un meurtre.

Depuis 2011, et la politique nationale de lutte contre le harcèlement scolaire lancée par Luc Chatel, tous les ministres de l'éducation nationale ont pris des initiatives pour endiguer et combattre le phénomène. Le dernier en date est le dispositif pHARe (programme de lutte contre le harcèlement à l'école). Expérimenté à partir de 2019 dans six académies, celui-ci est en voie de généralisation depuis septembre 2021. L'objectif du Gouvernement est qu'il soit présent dans l'ensemble des établissements primaires et des collèges à la rentrée 2022. Ce programme vise à avoir dans chaque établissement des personnes ressources, formées à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire, ainsi que des ambassadeurs. Selon les chiffres qui m'ont été transmis par le ministère, au 15 novembre 2021, 27 % des écoles élémentaires et 43 % des collèges publics sont engagés dans ce programme. Pour ma part, je me suis rendu dans les deux collèges de mon canton : l'un venait juste de le mettre en place ; l'autre n'en avait pas entendu parler.

La proposition de loi comprend deux mesures principales.

La première est la création d'un délit de harcèlement scolaire. Nous avons délégué l'examen au fond du titre II qui porte cette création à la commission des lois. J'ai beaucoup échangé avec Jacqueline Eustache-Brinio, qui nous présentera dans quelques instants les conclusions de sa commission sur les articles concernés. Je la remercie d'ailleurs de m'avoir convié aux auditions qu'elle a organisées. Notons cependant qu'à la différence de l'Assemblée nationale, nos collègues de la commission des lois ont estimé qu'il n'était pas indispensable de créer un délit spécifique de harcèlement scolaire pour lutter contre ce fléau.

La seconde mesure, qui relève quant à elle de la compétence de notre commission, concerne une nouvelle définition du harcèlement scolaire dans le code de l'éducation, avec la création d'un nouvel article et l'abrogation de son récent article L. 511-3-1.

Cette nouvelle définition procède à trois élargissements. Le premier, le plus important, est la qualification du harcèlement d'un adulte de l'établissement sur l'élève, qualification qui ne relèverait ainsi plus du seul harcèlement entre pairs, c'est-à-dire entre élèves. Le deuxième est l'inclusion des étudiants, afin de rappeler que le droit à une scolarité sans harcèlement concerne également l'enseignement supérieur. Le troisième est un élargissement « spatial » : cette nouvelle définition inclut des faits commis « en marge de la vie scolaire » ou universitaire.

Par ailleurs, le nouvel article dédié à la lutte contre le harcèlement scolaire demande aux établissements d'enseignement, publics comme privés, du primaire, du secondaire, comme du supérieur, de prendre les mesures appropriées pour lutter contre le fléau. D'ailleurs, l'article 2 bis du texte donne aux comités d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement une nouvelle mission en ce sens.

Par de nombreux aspects, la portée de ce texte est principalement symbolique. Le droit à une scolarité sans harcèlement est déjà inscrit dans le code. Il s'agit également d'une liberté fondamentale qui peut faire l'objet d'un référé-liberté. Ce droit s'applique à tous les élèves, qu'ils soient scolarisés dans des établissements relevant du public comme du privé.

Les élèves peuvent déjà être sanctionnés pour des faits commis en dehors de l'établissement qui ne sont pas dissociables de la qualité d'élèves. Il en est de même pour un harcèlement sur internet entre élèves. La circulaire du 17 août 2014 le mentionne explicitement. Plusieurs circulaires demandent déjà aux établissements de prendre des mesures face au harcèlement scolaire.

Néanmoins, ce texte peut et doit être porteur d'une dimension pédagogique forte. Il inscrit « noir sur blanc » le fait que des actes commis en dehors du temps et du lieu scolaires relèvent du harcèlement scolaire.

Ces clarifications et explicitations sont importantes pour des situations qui concernent majoritairement des mineurs, qu'ils soient victimes, harceleurs ou témoins.

Les amendements que je vous propose d'adopter portent sur quatre sujets.

Il s'agit d'abord de conserver la définition d'un harcèlement scolaire limité au harcèlement entre pairs. Je tiens à le rappeler : un adulte, qu'il soit enseignant, personnel administratif ou technique de l'éducation nationale ou encore assistant d'éducation, peut déjà être sanctionné administrativement et condamné pénalement pour des faits de harcèlement commis sur un élève. En droit pénal, il existe d'ailleurs des circonstances aggravantes lorsqu'un cas de harcèlement a lieu sur un mineur de moins de quinze ans. Je souhaite également éviter de jeter une suspicion sur l'institution scolaire en légiférant sur un phénomène dont nous ne mesurons pas vraiment l'ampleur. À l'heure où l'autorité des professeurs est de plus en plus souvent remise en question par certains parents, ouvrir le « cadenas de la boîte de Pandore » ne me semble pas judicieux.

Il s'agit ensuite de préserver le rôle et la capacité d'action du réseau des oeuvres universitaires en supprimant la mission de prévention contre le harcèlement en milieu universitaire confiée par l'Assemblée nationale au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous). Nos collègues députés proposent de s'appuyer sur les 1 600 référents étudiants mis en place dans le contexte de pandémie pour accompagner leurs pairs isolés ou en difficulté. Or leur financement n'est pas pérenne, et nul ne sait s'ils seront maintenus à la fin de l'année universitaire. De manière générale, cela pose la question des moyens humains dans l'éducation nationale et le supérieur pour prévenir et traiter le harcèlement scolaire. Je pense aux difficultés récurrentes que connaît la médecine scolaire depuis de nombreuses années.

Il me semble également indispensable d'inclure systématiquement la référence au cyberharcèlement à chaque fois que l'on agit pour prévenir le harcèlement scolaire. Le développement des smartphones et des réseaux sociaux a en effet bouleversé la donne et aggravé le mal. Le calvaire des harcelés ne s'arrête plus aux murs de l'école. Ne connaissant ni frontière temporelle ni frontière spatiale, le cyberharcèlement accable en permanence la jeune victime, jusqu'au coeur de sa sphère privée et familiale. Il n'y a désormais ni abri, ni répit. De manière symbolique, je vous proposerai d'ailleurs de modifier le titre de la proposition de loi afin de mentionner le cyberharcèlement.

Il me semble essentiel de mieux prendre en compte les témoins. La mission d'information sénatoriale l'a montré avec justesse : le harcèlement scolaire se construit très souvent dans une relation triangulaire entre victime, harceleur et témoins passifs. Agir sur les témoins, c'est casser la dynamique de groupe et faire comprendre à tous que les faits subis ne sont ni normaux ni acceptables.

Outre ces quatre sujets, je vous proposerai enfin la suppression de plusieurs dispositions d'ordre réglementaire.

D'un texte à portée symbolique, je vous propose d'en faire un texte à portée pédagogique, permettant une action à 360 degrés face au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis de la commission des lois . - La commission des lois s'est saisie pour avis des articles composant le titre II de cette proposition de loi qui modifie le code pénal, le code de procédure pénale et le code de justice pénale des mineurs.

La commission a souhaité s'inscrire dans la continuité des travaux de la mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement que présidait notre collègue Sabine Van Heghe et dont la rapporteure était Colette Mélot et garantir la cohérence de notre droit pénal.

Le rapport de la mission d'information sénatoriale avait notamment souligné le risque lié à la volonté d'inscrire dans le code pénal un délit spécifique de harcèlement scolaire en affirmant : « Notre mission ne préconise pas de créer un délit spécifique de harcèlement scolaire. Au-delà de réaffirmer un interdit social, ce que nous ferons d'autres façons, cette solution risque de n'être qu'un “tigre de papier” et n'aura pas ou très peu d'effet. Elle risquerait même de créer un sentiment de “bonne conscience” et de nuire à la nécessaire mobilisation générale. »

La commission des lois a donc adopté un amendement de réécriture de l'article 4, qui créait ce délit spécifique. Son périmètre posait en effet question et il était assorti d'un quantum de peine difficilement justifiable au regard de l'objectif de prévention et de réinsertion qui prime en matière de justice des mineurs. Car ce sont principalement des mineurs qui sont auteurs de harcèlement scolaire.

Il a néanmoins semblé à la commission des lois, à la suite de mes échanges avec votre rapporteur, que les députés ont pu souligner à juste titre que les faits de harcèlement survenant dans les établissements d'enseignement doivent être identifiés et faire l'objet d'une sanction renforcée. La nouvelle rédaction adoptée par la commission des lois intègre donc le harcèlement scolaire au sein du délit général de harcèlement dont il constituera une circonstance aggravante, complétant les circonstances aggravantes déjà prévues.

Le fait de caractériser les faits de harcèlement survenus dans les établissements d'enseignement comme une circonstance aggravante permettra d'éviter que soient sanctionnées différemment des situations pourtant similaires, dans lesquelles le harcèlement se produit non pas au sein d'un établissement, mais entre élèves d'établissements différents réunis sur le même site ou dans le bus de ramassage scolaire.

Nous avons également souhaité recentrer la caractérisation du harcèlement scolaire sur les faits impliquant les élèves. En effet, la proposition de loi met sur le même plan les faits de harcèlement entre élèves et ceux dont l'auteur est membre du personnel de l'établissement. Or, si les faits relevant du personnel des établissements d'enseignement doivent être réprimés lorsqu'ils sont constitutifs d'un harcèlement, il m'apparaît qu'ils ne peuvent pas être appréhendés de la même manière.

La solution adoptée par la commission des lois vise donc à assurer la cohérence des infractions et des sanctions tout en renforçant la prise en compte des faits survenant dans les établissements d'enseignement. C'est, nous semble-t-il, une solution équilibrée.

Sur l'article 4 bis , prévoyant la possibilité de saisie et de confiscation des téléphones portables et des ordinateurs utilisés par des personnes pour harceler un élève sur les réseaux sociaux, conformément au droit existant, la commission des lois a souhaité tirer les conséquences de deux décisions du Conseil constitutionnel en matière de confiscation des biens ayant servi à commettre un harcèlement et de réquisition des données de connexion. L'absence de disposition en la matière serait en effet de nature à entraver gravement la conduite des enquêtes. C'est après un échange avec la Chancellerie que nous avons modifié cet article.

L'article 5, qui modifie le code de procédure pénale pour favoriser l'enregistrement de l'audition du mineur victime de harcèlement dans le cadre d'une procédure pénale, déjà recommandé, mais non explicitement prévu par la loi, a fait l'objet d'une coordination.

L'article 6 modifie le code de la justice pénale des mineurs pour préciser que les stages ordonnés par le juge dans le cadre de la mise à l'épreuve éducative peuvent comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. Cela relève du domaine réglementaire. La commission propose donc de le supprimer.

Enfin, l'article 7 renforce les obligations pesant sur les fournisseurs d'accès internet et les hébergeurs en matière de traitement des cas et de signalement aux autorités des faits de harcèlement scolaire. Par coordination avec la réécriture de l'article 4, la commission propose de le supprimer. Les obligations prévues pour tous les cas de harcèlement s'appliqueront donc dans l'attente d'une législation européenne, seule à même d'apporter des solutions efficaces, notamment sur la levée de l'anonymat.

M. Laurent Lafon, président . - Avant d'ouvrir la discussion générale, il nous appartient de définir le champ d'application de l'article 45 de la Constitution sur ce texte.

M. Olivier Paccaud, rapporteur . - Je propose d'inclure les dispositions relatives au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement, ainsi que les mesures visant à prévenir et à lutter contre ceux-ci et le délit de harcèlement. Serait en revanche exclu du périmètre le harcèlement moral dont seraient victimes des personnels de l'éducation nationale ou de l'enseignement supérieur.

Il en est ainsi décidé.

Mme Toine Bourrat . - Je salue le travail de notre rapporteur. Les travaux préparatoires se sont inscrits dans la droite ligne des activités de la mission d'information sénatoriale.

Les modifications substantielles que nous proposons démontrent notre volonté de caractériser précisément le mal à traiter. Je pense d'abord au recentrage de la définition du harcèlement scolaire : la précision sémantique souhaitée par M. le rapporteur est fondamentale. Elle permet de prévenir l'effet pervers qu'aurait engendré la rédaction initiale. Nous ne pouvions laisser courir le risque d'une exposition des adultes et notamment des professeurs qui, dans le cadre de l'exercice de leur autorité, auraient pu faire l'objet de poursuites pour de prétendus cas de harcèlement. Je pense aussi à la prise en compte du volet numérique dans la caractérisation du fléau : il n'est plus possible de dissocier le harcèlement scolaire du cyberharcèlement. C'est un continuum qu'il faut affronter.

Bien que ce texte soit examiné en procédure accélérée, en fin de mandature, et à la veille de la conclusion de nos travaux, nous ne pouvons manquer une telle fenêtre d'opportunités pour agir. Nous le devons à notre jeunesse.

Si la caractérisation du mal par la reconnaissance d'un délit spécifique constitue une avancée substantielle, nous demeurons encore essentiellement dans le curatif, manquant peut-être l'occasion d'être plus entreprenants en amont. Nous croyons à la prévention et à la détection, mais surtout à la responsabilisation : sur ce volet, le texte manque de corps.

Je regrette d'abord que les parents ne soient pas évoqués. À mon sens, la place de l'adulte devrait être spécifiée dans un texte de cette nature. L'autorité parentale implique des droits, mais aussi des devoirs, notamment pour les parents d'élèves harceleurs. Aujourd'hui, les parents s'immiscent dans la vie des établissements, où ils n'ont pas de légitimité, et se délestent paradoxalement de leurs devoirs lorsqu'il faut réparer un tort.

Je regrette également que la responsabilisation des réseaux sociaux ne soit pas plus précisément abordée. La liberté de navigation ne peut pas se déployer dans une telle anarchie normative où se noient des victimes souvent mineures et dépourvues de recours. Nous avons besoin d'un principe de précaution qui engagerait les réseaux sociaux et permettrait d'inverser la charge de la preuve : ce n'est pas au harcelé de s'évertuer à prouver les méfaits qu'il supporte ; c'est à la plateforme qui en relaie le contenu d'en limiter l'expansion.

L'école doit cesser d'être un espace de souffrance et redevenir ce sanctuaire où se forgent la conscience d'autrui, la vie en société et la citoyenneté. Tout ce qui tend vers cet objectif doit être soutenu, accompagné et amplifié. Notre groupe votera en faveur du texte.

Mme Sabine Van Heghe . - Le texte rejoint sur de nombreux points les conclusions de notre mission d'information et propose de réelles avancées, même si l'on peut s'interroger sur les sanctions très sévères qui sont prévues, d'autant que les instruments juridiques existent déjà, mais ne sont pas suffisamment utilisés.

Des dispositions vont dans le bon sens : la nouvelle place donnée à cette lutte dans le code de l'éducation, l'extension de la définition du harcèlement scolaire au harcèlement universitaire et au cyberharcèlement, l'extension aux faits survenus en cité universitaire et la nouvelle mission des Crous, l'application des nouvelles dispositions aux établissements privés en contrat ou hors contrat, le renforcement de l'information et la sensibilisation de l'ensemble du personnel, la saisine du matériel, la mise en oeuvre de stages de responsabilisation à la vie scolaire - également une préoccupation de la mission d'information - et l'obligation pour les prestataires de services de communication en ligne de lutter contre le harcèlement scolaire et universitaire.

D'autres, comme la création d'un délit de harcèlement scolaire et les peines applicables, qui sont particulièrement lourdes, font débat. La mission d'information sénatoriale avait préféré miser sur une meilleure prévention.

Mme Annick Billon . - L'actualité nous obligeait à nous saisir du sujet, même si ce texte ne constitue pas une réponse suffisante.

La proposition de loi ne tient pas assez compte du fait que, dans les affaires de harcèlement - le rapporteur l'a souligné -, il y a le harcelé, le harceleur et les témoins. J'approuve les amendements proposés par le rapporteur permettant une meilleure prise en compte des témoins.

Par ailleurs, et comme l'a souligné le rapporteur, sans financement, la pérennité des mesures adoptées n'est pas assurée.

Ne pas intégrer le cyberharcèlement dans ce texte, c'est méconnaître la réalité contemporaine du harcèlement : aujourd'hui, avec les smartphones , celui-ci a lieu vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Nous approuvons le changement d'intitulé proposé par le rapporteur.

Je suis favorable à ce que le délit spécifique soit cantonné au harcèlement entre pairs.

Nous ne pourrons combattre le harcèlement que grâce à la formation des professeurs. Ce sont eux qui peuvent repérer les cas et accompagner les victimes. Aujourd'hui, seulement 35 % des enseignants se sentent suffisamment armés pour cela. 83 % indiquent n'avoir reçu aucune formation et information sur la détection du harcèlement scolaire et l'accompagnement des victimes.

Il est essentiel d'insister sur les moyens humains et financiers. La médecine scolaire est la grande absente dans les établissements, à tous les niveaux. C'est pourtant grâce aux médecins scolaires et aux psychologues que l'on pourra aider les harceleurs, les harcelés et les témoins à parler.

Ne laissons pas croire que la création d'un nouveau délit suffira à résoudre le problème. Si c'était le cas, nous aurions déjà pu le régler à partir des textes existants.

Le groupe Union Centriste suivra les propositions formulées par les rapporteurs.

Mme Céline Brulin . - Nous souscrivons aux propos de nos collègues sur la nécessité d'une mobilisation générale de la société face à ce fléau qu'est le harcèlement, dont l'existence des réseaux sociaux et des plateformes aggrave les conséquences.

Nous approuvons les observations du rapporteur sur le caractère symbolique de cette loi et celles de la rapporteure pour avis sur l'existence d'instruments juridiques. Il faudrait se pencher sur la manière de mieux les utiliser et appliquer.

La création d'un délit spécifique, qui est au coeur du texte, nous interroge. Comme cela a été souligné, la lutte efficace contre ce phénomène passe par l'action systémique, conjuguée de plusieurs protagonistes, dont les personnels de la santé scolaire.

J'attire votre attention sur le fait qu'à force de confier trop de responsabilités à l'éducation nationale, qu'il s'agisse d'environnement, de laïcité ou de lutte contre le harcèlement, on perd en efficacité. Idem pour les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, dont le champ d'action est toujours plus large. Je salue le travail des rapporteurs pour essayer de resserrer le propos du texte, mais nous nous abstiendrons tout de même.

Enfin, et sans vouloir faire de parallèle douteux, quand le Président de la République affiche comme objectif d'« emmerder » des catégories de citoyens, ce n'est pas forcément le meilleur exemple donné à la jeunesse.

M. Max Brisson . - Au risque d'être taxé de déviationnisme, je suis d'accord avec ce que Céline Brulin a indiqué. Je partage également les propos de Toine Bourrat qui s'est exprimée au nom du groupe Les Républicains et je salue le travail des rapporteurs.

J'en ai assez de ces actes manqués du Gouvernement, qui passe par de fausses propositions de loi. J'en ai également assez de ces lois d'émotion ou d'opportunité électorale. La loi n'est pas faite pour répondre à une émotion ; elle est faite pour s'inscrire dans la durée, afin de résoudre de vrais problèmes. Et, en matière d'école, ce n'est pas cela qui manque.

Avec cette proposition de loi, nous sommes dans la redondance. On n'échappe pas à la volonté de rendre le code de l'éducation obèse ; à force d'être obèse, celui-ci n'aura plus aucune signification. Le Sénat s'honorerait, me semble-t-il, à dire que cela suffit.

En outre, si l'on charge trop la barque sur la formation des professeurs, celle-ci finira par couler ; elle n'en est plus très loin. Disons-le ici une fois pour toutes : l'école ne réglera pas les problèmes de la société ; c'est à la société de le faire.

EXAMEN DES ARTICLES

M. Laurent Lafon, président . - Je vous proposer d'appeler en priorité les amendements déposés sur les articles dont l'examen a été délégué à la commission des lois.

Article 4

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis . - La commission des lois n'a pas adopté l'amendement COM-1, qui vise à supprimer l'article 4.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

La commission des lois a adopté mon amendement COM-4 , qui propose une réécriture globale de l'article, en supprimant le délit spécifique du code et en le remplaçant par une circonstance aggravante dans le droit existant.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4 bis (nouveau)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteure pour avis . - La commission des lois a adopté l'amendement COM-5 . Il prend en compte deux décisions récentes du Conseil constitutionnel qui pourraient fragiliser le texte, en particulier sur la saisie des tablettes et des ordinateurs.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 4 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteure pour avis . - La commission des lois a adopté l'amendement COM-6 de coordination.

L'amendement de coordination est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteure pour avis . - L'amendement COM-7 vise à supprimer l'article 6, dont le contenu relève, selon nous, du domaine réglementaire. Il a été adopté par la commission des lois.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 6 est supprimé.

Article 7

Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteure pour avis . - L'amendement COM-8 , adopté par la commission des lois, vise, par coordination, à supprimer l'article 7. Son adoption fait tomber l'amendement COM-2 .

L'amendement COM-8 est adopté ; l'amendement COM-2 devient sans objet.

L'article 7 est supprimé.

M. Laurent Lafon , président . - Nous passons à l'examen des autres amendements.

Article 1 er

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-9 vise à restreindre la définition au harcèlement entre pairs, c'est-à-dire ipso facto à conserver la définition du harcèlement scolaire qui figure dans le code de l'éducation. Le sujet avait donné lieu à des débats très intéressants entre le ministre Jean-Michel Blanquer et le rapporteur Max Brisson lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance. Il y avait eu un consensus pour estimer que le harcèlement scolaire s'effectue entre élèves. Bien entendu, cela ne signifie pas qu'il n'y aurait pas d'adultes harceleurs. Mais il existe déjà des armes juridiques pour les poursuivre.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-10 est un amendement de coordination avec les modifications votées à l'article 4.

M. Cédric Vial . - La rédaction proposée mentionne l'« établissement d'enseignement ». Peut-être faudrait-il envisager une autre formulation pour les écoles maternelles et primaires.

L'amendement COM-10 est adopté.

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-11 concerne les oeuvres universitaires. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont prévu de charger le Cnous ou les 1 600 référents étudiants d'une mission de lutte contre le harcèlement. Pour nous, les principales missions du réseau des oeuvres universitaires sont le logement et l'aide sociale. En plus, un problème de financement se pose à l'évidence. Nous proposons donc de supprimer cette nouvelle mission donnée au réseau des oeuvres universitaires.

L'amendement COM-11 est adopté.

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-12 vise à préciser que la lutte contre le harcèlement scolaire doit nécessairement inclure celle contre le cyberharcèlement. Le terme est l'un des grands oubliés de la proposition de loi ; à la base, il n'apparaissait qu'une seule fois dans le texte. Pourtant, en matière de harcèlement, tout a changé depuis l'apparition des réseaux sociaux et des smartphones sont apparus. La notion de cyberharcèlement, qui figurait dans le titre de la mission d'information sénatoriale, doit être présente dans le texte.

L'amendement COM-12 est adopté.

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-13 vise à inclure les témoins dans la lutte et la prévention du harcèlement. Ils ne sont pas mentionnés dans le texte. Pourtant, ils ont un rôle à jouer : un témoin peut malheureusement parfois devenir actif. L'objectif est de mobiliser et de responsabiliser tous les élèves concernés, pas seulement les harceleurs et les harcelés. Voilà quelques années, une campagne d'information gouvernementale définissait les élèves, notamment ceux, témoins, qui ne restaient pas passifs face à des cas de harcèlement, comme des « petits héros du quotidien » ; je trouve cette expression particulièrement opportune.

L'amendement COM-13 est adopté.

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'alinéa 5 prévoit une information annuelle des parents d'élèves sur les risques du harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Mais nos collègues députés ont étonnamment oublié d'y faire figurer les élèves. L'amendement COM-14 vise à réparer cet oubli.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1 er bis (nouveau)

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-15 vise, là encore, à introduire une référence au cyberharcèlement.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'article 1 er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-16 vise à inclure la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement parmi les missions des directions des établissements privés hors contrat. L'autorité publique, en l'occurrence le préfet, peut avoir un rôle à jouer.

L'amendement COM-16 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-17 est un amendement de réécriture globale de l'article 3. Cela concerne la formation, initiale et continue, non seulement des enseignants, mais également de toutes les personnes habilitées à intervenir dans le monde de l'éducation. Des modèles de formation existent dans certains rectorats et pas dans d'autres ; je souhaite les rendre obligatoires. Je propose également d'élargir le contenu de la formation à la prise en charge des témoins.

L'amendement COM-17 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 bis (nouveau)

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-18 vise à supprimer l'article 3 bis qui prévoit une référence aux associations de lutte contre le harcèlement dans le document informatif relatif à la vie associative prévu par le code de l'éducation. Je ne souhaite évidemment pas dénigrer l'action de ces associations. Mais une telle mesure relève d'une circulaire. N'alourdissons pas inutilement le code de l'éducation.

L'amendement COM-18 est adopté.

L'article 3 bis est supprimé.

Article 3 ter (nouveau)

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-19 vise, par cohérence, à supprimer l'article 3 ter , qui prévoit, lui aussi, de confier de nouvelles missions au Cnous et aux Crous.

L'amendement COM-19 est adopté.

L'article 3 ter est supprimé.

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - L'amendement COM-20 est le plus symbolique. Il s'agit de modifier l'intitulé de la proposition de loi, afin d'y faire figurer la lutte contre le cyberharcèlement.

L'amendement COM-20 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Sabine Van Heghe . - J'ai l'impression de revivre nos six mois de mission d'information sénatoriale. Nos conclusions n'ont pas du tout été prises en considération par le gouvernement. Si nos recommandations, qui sont simples et pragmatiques, étaient mises en oeuvre, nous avancerions déjà beaucoup dans la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

Comme l'article 4, qui était pour nous le gros point d'achoppement dans ce texte, a été réécrit, notre abstention s'est transformée en vote pour.

M. Olivier Paccaud , rapporteur . - Dans l'élaboration du texte de la commission, j'ai essayé de m'appuyer au maximum sur le travail de votre mission d'information, qui était tout à fait remarquable.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TITRE I ER : DE LA PRÉVENTION DES FAITS DE HARCÈLEMENT SCOLAIRE
ET DE LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. PACCAUD, rapporteur

9

Restriction de la définition de harcèlement scolaire au harcèlement entre pairs

Adopté

M. PACCAUD, rapporteur

10

Amendement de coordination

Adopté

M. PACCAUD, rapporteur

11

Suppression de la nouvelle mission de lutte contre le harcèlement en milieu universitaire pour le réseau des oeuvres universitaires

Adopté

M. PACCAUD, rapporteur

12

Prise en compte du cyberharcèlement dans la lutte contre le harcèlement scolaire

Adopté

M. PACCAUD, rapporteur

13

Prise en charge des témoins de harcèlement scolaire

Adopté

M. PACCAUD, rapporteur

14

Information annuelle des élèves sur la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement

Adopté

Article 1 er bis (nouveau)

M. PACCAUD, rapporteur

15

Extension des missions des comités à l'éducation, à la citoyenneté, à la santé et à l'environnement

Adopté

Article 2

M. PACCAUD, rapporteur

16

Lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement dans les établissements d'enseignement hors contrat

Adopté

Article 3

M. PACCAUD, rapporteur

17

Création d'un chapitre dédié à la prévention et la lutte contre le harcèlement scolaire et renforcement de la formation de l'ensemble des acteurs

Adopté

Article 3 bis (nouveau)

M. PACCAUD, rapporteur

18

Amendement de suppression de l'article

Adopté

Article 3 ter (nouveau)

M. PACCAUD, rapporteur

19

Amendement de suppression d'article

Adopté

TITRE II : AMÉLIORATION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES FAITS DE HARCÈLEMENT SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE

Article 4

Mme VAN HEGHE

1

Suppression d'article

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO, rapporteure pour avis

4

Réintégration du harcèlement scolaire au sein du délit général de harcèlement

Adopté

Article 4 bis (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, rapporteure pour avis

5

Prise en compte de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la peine de confiscation et aux réquisitions

Adopté

Article 5

Mme EUSTACHE-BRINIO, rapporteure pour avis

6

Amendement de coordination

Adopté

Article 6

Mme EUSTACHE-BRINIO, rapporteure pour avis

7

Suppression d'article

Adopté

Article 7

Mme EUSTACHE-BRINIO, rapporteure pour avis

8

Suppression d'article

Adopté

Mme VAN HEGHE

2

Renforcement des contraintes pesant sur les hébergeurs et fournisseurs d'accès à internet

Rejeté

TITRE III : DISPOSITIONS DIVERSES

Proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire

M. PACCAUD, rapporteur

20

Modification du titre de la proposition de loi

Adopté

Proposition de loi n° 254 visant à combattre
le harcèlement scolaire

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