V. DES BESOINS ÉLEVÉS AU REGARD DES INVESTISSEMENTS PRÉVUS NOTAMMENT EN FRANCE

Le rapporteur se félicite de constater, dans le débat public, un « retour en grâce » de l'énergie nucléaire, que le Sénat et sa commission des affaires économiques ont depuis toujours soutenu.

Sur la proposition de son rapporteur Daniel Gremillet, la commission des affaires économiques a reporté de dix ans la réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique, dans loi « Énergie-Climat » 54 ( * ) , du 8 novembre 2019, et conditionné toute fermeture de réacteur nucléaire à une étude d'impact sur le plan de la sûreté nucléaire, de la sécurité d'approvisionnement et des émissions de GES, dans le cadre de la loi « Climat et résilience » 55 ( * ) , du 21 août 2021.

De plus, le Sénat a adopté, le 23 mars 2021, la résolution présentée par le président Bruno Retailleau, la présidente Sophie Primas et le rapporteur Daniel Gremillet 56 ( * ) et cosignée par le président Jean-François Rapin « invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques en cherchant à préserver la prédominance du nucléaire au sein de notre mix énergétique ».

Le rapporteur constate que l'intérêt de l'énergie nucléaire a été reconnu par RTE, qui gère le réseau de transport d'électricité et garantit l'équilibre offre-demande.

Dans son étude Futurs énergétiques 2050 , RTE a ainsi identifié les deux défis auxquels la France est confrontée d'ici à 2050 : l'électrification de 15 à 60 % des usages ; le renouvellement du parc existant avec un «  effet falaise » dès 2040.

Parmi les six scénarii proposé par RTE, ceux les plus « nucléarisés » sont les moins émissifs et les moins coûteux.

Pour atteindre le scénario à 50 % d'énergie nucléaire, RTE estime nécessaires la construction de 14 réacteurs pressurés européens ( European Pressurized Reactors - EPR) et de 4 GW de petits réacteurs modulaires ( Small Modular Reactors - SMR) ainsi qu'un effort R&D en faveur de la « fermeture du cycle de combustible » .

Le rapporteur observe que les annonces récemment faites par le Président de la République, dans le domaine de l'énergie nucléaire, nécessiteront de lourds investissements pour aboutir.

Opérant un complet revirement dans la politique énergétique conduite, le Président de la République a ainsi annoncé l'allocation d'1 Md€ à l'énergie nucléaire, dont 500 M€ pour les SMR, en octobre, ainsi que la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en novembre ; ces annonces doivent encore être précisées, chiffrées et appliquées.

De lourds investissements sont toutefois à prévoir, le MTE ayant évalué le « Grand Carénage » à 45 Md€ et le provisionnement pour démantèlement à 110 Md€, tandis que le groupe EDF a évalué la construction de trois paires d'EPR à 46 Md€.

Or, le rapporteur retient de ses auditions que la taxonomie verte conditionnera le financement de l'énergie nucléaire.

Si la majeure partie de ce financement est de nature publique, la taxonomie aura une incidence sur celui de nature privée. Faute d'être intégrée dans la taxonomie, l'énergie nucléaire pourrait ainsi être pénalisée par le truchement des produits financiers, des obligations d'entreprise ou des crédits export. À plus long terme, elle pourrait également l'être par celui des écolabels voire des obligations vertes ou des aides d'État.

Dans ce contexte, le rapporteur plaide pour l'application d'une totale neutralité technologique à l'énergie et à l'hydrogène nucléaires.

D'une part, le groupe Électricité de France (EDF) estime nécessaire d'intégrer l'énergie nucléaire dans la taxonomie. Auditionné par la commission des affaires économiques, le 10 novembre 2021, le président-directeur général d'EDF, a dénoncé une « situation abracadabrante » , critiquant l'incohérence de l'Union européenne entre son objectif de lutte contre le réchauffement climatique et l'exclusion du nucléaire de la taxonomie.

D'autre part, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n'estime pas souhaitable de distinguer l'hydrogène nucléaire de celui renouvelable. Dans sa délibération n° 2020-231 du 24 septembre 2020 57 ( * ) , l'autorité de régulation a appelé à ne pas distinguer entre ces deux sources, dans les dispositifs de soutien apportés à la filière, estimant « qu'il n'existe aucune raison de distinguer entre l'hydrogène renouvelable et l'hydrogène bas carbone », car « l'objectif principal de décarbonation de l'hydrogène peut tout aussi bien être atteint avec de l'électricité nucléaire, qu'avec de l'électricité produite avec des énergies de source renouvelable »


* 54 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (article 1 er ).

* 55 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (article 86).

* 56 Proposition de résolution n° 348 (2020-2021) en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques.

* 57 Commission de régulation de l'énergie (CRE), délibération n° 2020-231 du 24 septembre 2020 portant avis sur le projet d'ordonnance relative à l'hydrogène.

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