B. LES CRÉDITS DEMANDÉS PROGRESSENT FORTEMENT EN 2022 AFIN D'APPORTER DES RESSOURCES À L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DE DÉVELOPPEMENT MAIS ÉGALEMENT POUR TRADUIRE NOS PRIORITÉS STRATÉGIQUES

Pour 2022, les crédits demandés au titre de la mission Aide publique au développement s'élèvent à 6,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 5,1 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

Évolution des crédits de la mission Aide publique au développement

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

AE

2 759,3

2 771,3

3 217,8

+ 446,5

+ 16,1 %

CP

2 200,0

2 476,3

3 052,9

+ 576,6

+ 23,3 %

365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

AE

0,0

1 453,0

190,0

- 1 263,0

- 86,9 %

CP

0,0

1 453,0

190,0

- 1 263,0

- 86,9 %

110 - Aide économique et financière au développement

AE

3 764,3

1 381,8

3 213,7

+ 1 831,9

+ 132,6 %

CP

1 180,2

1 465,0

1 862,0

+ 397,1

+ 27,1 %

370 - Restitution des « biens mal acquis »

AE

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0 %

CP

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0 %

Total mission

AE

6 523,7

5 606,1

6 621,5

+ 1 015,4

+ 18,1 %

CP

3 380,2

5 394,3

5 105,0

- 289,3

- 5,4 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les crédits progressent sensiblement (+ 18,1 %) en AE et diminuent en CP (- 5,4 %) ce qui s'explique, comme cela sera développé davantage infra :

- à la hausse, par la reconstitution anticipée du fonds de l'Association internationale de développement qui constitue le guichet concessionnel de la Banque mondiale ;

- à la hausse, par le renforcement des moyens en faveur de certaines priorités stratégiques comme la santé ;

- à la baisse, par l'extinction du dispositif de renforcement ponctuel des fonds propres de l'Agence française de développement.

Il convient de noter que la maquette budgétaire évolue à la faveur de la création d'un nouveau programme dédié aux actions de restitution des « biens mal acquis » comme le prévoyait la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales laquelle s'inspirait directement de la proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale adoptée par le Sénat en 2019, à l'initiative de Jean-Pierre Sueur.

1. Les crédits du programme 110 augmentent sous l'effet de la reconstitution des ressources de l'AID et du décaissement des engagements passés de l'AFD

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances et, plus particulièrement, à la direction générale du Trésor pour la mise en oeuvre des actions relevant de l'aide publique au développement.

Le montant des crédits demandés pour 2022 augmente très fortement en AE (+ 1,8 milliard d'euros) et sensiblement en CP (+ 27,1 %) , ce qui s'explique principalement par la reconstitution des moyens de l'AID, d'un côté, et par l'accélération rapide des engagements de l'AFD pris par le passé et qui donnent aujourd'hui lieu à des décaissements.

Évolution des crédits par action du programme 110

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

01 - Aide économique et financière multilatérale

AE

219,1

1 866,2

+ 1 647,1

+ 751,8 %

CP

968,5

1 260,1

+ 291,7

+ 30,1 %

02 - Aide économique et financière bilatérale

AE

1 162,7

1 177,5

+ 14,8

+ 1,3 %

CP

399,2

492,6

+ 93,3

+ 23,4 %

03 - Traitement de la dette des pays pauvres

AE

0,0

170,0

+ 170,0

0,0 %

CP

97,3

109,4

+ 12,1

+ 12,4 %

Total programme 110

AE

1 381,8

3 213,7

+ 1 831,9

+ 132,6 %

CP

1 465,0

1 862,0

+ 397,1

+ 27,1 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) La reconstitution des ressources du fonds de l'Association internationale de développement (AID) génère un ressaut de 1,5 milliards d'euros des autorisations d'engagement demandées pour 2022 au titre de l'aide financière multilatérale

Les crédits demandés pour 2022 au titre de l'aide économique et financière fournis par la France aux organisations internationales sont presque multipliés par huit en autorisations d'engagement (1,9 milliard d'euros) et augmentent d'un tiers en crédits de paiement.

Ce phénomène s'explique par la reconstitution des ressources de l'Association internationale de développement , d'une part, et par une augmentation des moyens accordés aux organisations intervenant dans le domaine de la protection de l'environnement , d'autre part.

En effet, dans le cadre de la 20ème reconstitution des fonds de l'Association internationale de développement (AID) qui constitue le guichet concessionnel de la Banque mondiale, la France devrait être amenée à contribuer aux moyens de l'organisme, pour les années 2023-2025, à hauteur de 1,8 milliard de dollars.

Or, à l'occasion de leur réunion du 8 février 2021, les États membres de l'AID ont décidé d'avancer d'une année son cycle de reconstitution en raison de la crise de la Covid-19.

En conséquence, la France devra faire parvenir son instrument de souscription en 2022 pour un décaissement échelonné entre 2023 et 2025 ce qui justifie, pour l'année à venir, la demande d'ouverture de crédits de 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement.

En parallèle, 325 millions d'euros sont demandés en autorisations d'engagement en 2022 dans le cadre de la reconstitution des ressources du Fonds pour l'environnement mondial (FEM) pour les années 2023-2026.

Le Gouvernement anticipe, à cet égard, la possibilité de renforcer la participation de la France au fonds par rapport au cycle en cours 2019-2022 (300 millions de dollars engagés) dans le souci de permettre à cet instrument de devenir le premier fonds multilatéral dédié à l'environnement.

Toujours dans le domaine de la protection de l'environnement, 419,3 millions d'euros sont demandés en crédits de paiement afin d'honorer la dernière tranche du versement de la contribution française au Fonds vert pour le climat pour la période 2019-2023 (1,5 milliard d'euros).

Pour rappel, le Fonds vert pour le climat constitue l'instrument financier prévu pour la mise en oeuvre des objectifs de l'Accord de Paris dans les pays en développement et dont la France constitue le quatrième contributeur.

Outre les contributions budgétaires versées par la France, le fonds bénéficie du produit de deux prêts présentant des conditions préférentielles et octroyés par l'Agence française de développement en 2017 (285 millions d'euros) et en 2022 (310 millions d'euros).

Afin de compenser l'AFD du coût qu'elle supporte en octroyant des prêts moins rémunérateurs, l'État lui verse une bonification d'un montant de 31 millions d'euros en crédits de paiement pour l'année 2022 . Sur ce montant, la part correspondant à la bonification du prêt qui sera accordée en 2022 au Fonds vert pour le climat est évaluée à 12 millions d'euros.

b) Les crédits de l'aide économique et financière bilatérale augmentent en raison du renforcement des moyens de la coopération technique et des effets budgétaires « à retardement » de la hausse de l'activité de l'AFD au cours des dernières années

Les crédits demandés pour 2022 au titre de l'action 02 - Aide économique et financière bilatérale diminuent faiblement en AE (- 0,4 %) pour s'établir à 1,2 milliard d'euros mais augmentent de 19,5 % en CP pour atteindre 492,6 millions d'euros.

Environ 85 % (un milliard d'euros) des autorisations d'engagement de l'action sont consacrés au financement des bonifications des prêts de l'AFD aux États étrangers ou aux territoires ultra-marins.

Conformément à la décision prise par la tutelle en 2021 de stabiliser la trajectoire d'activité de l'agence , le montant des bonifications - qui sont versées à l'AFD pour lui permettre d'offrir des prêts bilatéraux à conditions préférentielles - reste en-dessous de celui constaté en 2020 (1,1 milliard d'euros).

Néanmoins, l'accélération de l'activité d'octroi de prêts concessionnels par l'AFD constatée entre 2017 et 2019 - que traduit l'augmentation, sur cette période, de l'encours de ces prêts, passé de 4,1 milliards d'euros à 6,2 milliards d'euros - avait entraîné une hausse mécanique du volume des AE ouvertes pour la bonification, par l'État, de ces emprunts.

En 2022, le montant des CP demandés (260 millions d'euros) est ainsi en augmentation de 40 millions d'euros afin de couvrir les engagements pris au cours des précédents exercices.

Hors bonification des prêts de l'AFD aux États étrangers et aux territoires ultra-marins, les crédits de paiement de l'action augmentent
de 27,4 millions d'euros sous l'effet du renforcement des moyens de plusieurs dispositifs en matière de coopération technique , notamment :

- le Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP) géré par la direction générale du Trésor afin de financer des études de faisabilité des projets d'investissement, des prestations d'assistance technique et des dispositifs de soutien au secteur privé, en particulier au Maroc, en Tunisie et dans les Territoires palestiniens ;

- le Fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences (FEXTE) cogéré par la direction du Trésor et par l'AFD, qui met en oeuvre plusieurs programmes de coopération et d'assistance technique dans les domaines de la croissance verte et de la gouvernance économique et financière au profit des pays à revenu intermédiaire et à croissance rapide ;

- l'Initiative Afrique pour la coopération technique avec les pays d'Afrique.

En outre, on peut relever la création au sein du programme, en 2022, d'une dotation de 10 millions d'euros en faveur du dispositif des « experts techniques internationaux » (ETI) détachés par Expertise France dans une logique d'assistance autant que d'influence économique.

Enfin, 10 millions d'euros en AE et en CP sont demandés pour pérenniser le Fonds d'innovation et d'expérimentation en matière de développement créé en 2021 et présidé par l'économiste Esther Duflo afin de soutenir la recherche dans le domaine du développement.

c) Le soutien de la France à l'annulation d'une part des dettes des pays très pauvres envers l'Association internationale de développement se traduit par une augmentation ponctuelle des autorisations d'engagement en 2022

L'action 03 - Traitement de la dette des pays pauvres retrace les versements effectués au profit de l'AFD ou d'institutions multilatérales en contrepartie du coût de l'annulation des créances qu'elles détiennent sur des pays en développement.

La dynamique budgétaire de ce programme est donc corrélée au rythme de mise en oeuvre des accords de consolidation avec les débiteurs et permet d'apprécier, avec celle du programme 852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation des dettes envers la France », l'évolution et l'ampleur de l'effort fourni par la France pour l'allégement de la dette des pays en développement.

Pour mémoire, la France préside et assure le secrétariat du Club de Paris qui réunit 22 pays créanciers afin d'apporter des solutions coordonnées et durables aux problématiques soulevées par l'endettement des pays en voie de développement.

En outre, elle est partie à plusieurs accords bilatéraux ou multilatéraux visant l'annulation de l'endettement concessionnel - c'est-à-dire relatif à des emprunts contractés à des conditions préférentielles dans le cadre de la politique d'aide au développement, notamment :

- les accords de Dakar de 1989 et 1994 ainsi que l'accord faisant suite à la Conférence de Paris de 1990 prévoyant l'annulation de créances de l'AFD sur plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ;

- les conclusions du sommet du G8 de Gleneagles de 2005 prévoyant l'annulation de certaines créances de l'Association internationale de développement (AID) envers des pays pauvres et très endettés.

L'évolution des crédits demandés pour 2022 par rapport à la LFI pour 2021 est essentiellement marquée par l'ouverture de 170 millions d'euros en autorisations d'engagement qui s'explique par le démarrage du cycle de reconstitution des ressources du fonds de l'AID.

En effet, la France doit, dans ce cadre, honorer la part des engagements qui lui reviennent au titre de la compensation de l'annulation d'une partie des créances détenues par l'AID qui a été décidée à l'occasion du G8 de 2005.

2. L'évolution des crédits du programme 209 traduit un renforcement des moyens en faveur de la santé mondiale et des capacités de gestion de crise

Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mise en oeuvre des opérations de coopération bilatérale, multilatérale et communautaire.

En 2022, le montant des crédits demandés augmente de 440,5 millions d'euros en AE et de 570 millions d'euros en CP , notamment pour renforcer les capacités de gestion de crise et soutenir les politiques de santé au niveau mondial.

Évolution des crédits par action du programme 209

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

02 - Coopération bilatérale

AE

1 527,5

1 728,3

+ 200,8

+ 13,1 %

CP

1 227,1

1 557,7

+ 330,6

+ 26,9 %

05 - Coopération multilatérale

AE

367,8

844,5

+ 476,7

+ 129,6 %

CP

373,2

850,2

+ 477,0

+ 127,8 %

07 - Coopération communautaire

AE

713,7

487,3

- 226,4

- 31,7 %

CP

713,7

487,3

- 226,4

- 31,7 %

08 - Dépenses de personnels concourant au programme "Solidarité à l'égard des pays en développement"

AE

162,3

157,7

- 4,6

- 2,9 %

CP

162,3

157,7

- 4,6

- 2,9 %

Total programme 209

AE

2 771,3

3 217,8

+ 446,5

+ 16,1 %

CP

2 476,3

3 052,9

+ 576,6

+ 23,3 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) Supportant essentiellement les subventions versées aux projets dans les pays en développement, les moyens de la coopération bilatérale progressent par ailleurs en 2022 pour renforcer les capacités de gestion de crise et d'aide alimentaire

Les crédits demandés pour 2022 au titre de l'action 02 - Coopération bilatérale augmentent de 201 millions en AE (+ 13,2 %) et de 330,8 millions en crédits de paiement (+ 27 %).

Décomposition de l'évolution des crédits de paiement de l'action 02 - Coopération bilatérale programme 209

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au sein de l'action, les moyens consacrés à l'aide-projet s'élèvent à 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et sont quasi-exclusivement confiés à l'AFD , à l'exception de 70 millions d'euros gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères dans le cadre du Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI).

Le montant de l'aide-projet relevant de l'AFD augmente de 20 millions d'euros en autorisations d'engagement, ce qui traduit la montée en charge du dispositif I-OSC.

Pour mémoire, ce dispositif est doté de 150 millions d'euros et participe, en organisant des appels à manifestation d'intérêt à destination des ONG , à la réalisation de l'objectif de doublement, entre 2017 et 2022, du montant des aides transitant par ces organisations.

En contrepartie de l'augmentation soutenue des crédits ouverts en autorisations d'engagement en faveur de l'aide-projet relevant de l'AFD entre 2017 (202,3 millions d'euros consommés en AE) et 2021 (1,1 milliard d'euros demandés en AE), le montant des crédits de paiement de l'action est tendanciellement poussé à la hausse et devrait, ainsi, augmenter de 125,9 millions d'euros en 2022.

En parallèle, les crédits demandés pour la gestion et l'accompagnement de sortie de crise ainsi que pour l'aide alimentaire (319,5 millions d'euros en AE comme en CP) augmentent, respectivement, de 59,2 millions d'euros et de 64,6 millions d'euros.

En effet, et d'une part, les moyens demandés en faveur du Centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) qui relève du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères augmentent de 59,2 millions d'euros pour s'établir à 169,5 millions d'euros.

L'objet du COHS est de constituer, lors de la survenue d'une crise à l'étranger, l'instrument d'une réponse française coordonnée au niveau interministériel et avec les acteurs impliqués, en particulier les ONG.

Pour l'année 2022, le COHS prévoit de mobiliser près de 80 % de ses crédits dans la zone Afrique du Nord-Moyen-Orient (72 millions d'euros) et en Afrique (61 millions d'euros). Par ailleurs, 3,5 millions d'euros sont programmés pour la réalisation d'actions de suivi et d'audit des interventions du centre.

D'autre part, l'effort d'augmentation des moyens consacrés à l'aide alimentaire programmée (AAP), engagé en 2021, serait confirmé en 2022 avec l'ouverture de 42 millions d'euros de crédits supplémentaires portant les ressources mobilisables en faveur des organisations multilatérales à 118,3 millions d'euros auxquels s'ajouteraient, par ailleurs, 22,6 millions d'euros mis à la discrétion des directions et des services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

En outre, 39,5 millions d'euros de crédits supplémentaires sont demandés en faveur de l'opérateur Expertise France qui assure la promotion de l'assistance technique et de l'expertise publique française à l'étranger.

Cette évolution s'explique notamment par la rebudgétisation d'une partie des moyens de l'opérateur qui était jusqu'alors assis sur les ressources du Fonds de Solidarité pour le Développement (FSD).

b) L'augmentation sensible des moyens dédiés à la coopération multilatérale s'explique, pour plus de moitié, par un renforcement du soutien aux initiatives en matière de santé mondiale

Le montant des crédits en faveur de la coopération multilatérale serait plus que doublé en 2022 pour s'établir à 844,5 millions d'euros en AE et 850,2 millions d'euros en CP.

Décomposition de l'évolution des crédits de paiement de l'action 05 - Coopération multilatérale programme 209

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Toutefois, sur les 476,7 millions d'euros supplémentaires demandés en autorisations d'engagement, 160 millions d'euros correspondent, en réalité, à la rebudgétisation d'une fraction de la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (FMSTP) supportée exclusivement, jusqu'en 2021, par le fonds de solidarité pour le développement (FSD).

La destination des crédits supplémentaires restants (316,7 millions d'euros) traduit un engagement en faveur de la lutte contre la Covid-19 , dans la mesure où 125 millions d'euros seraient affectés à l'initiative ACTA qui favorise la production et la distribution d'un vaccin au niveau mondial.

En outre, dans le domaine de la prévention des maladies infectieuses, 55,3 millions d'euros sont demandés en crédits de paiement pour la reconstitution des fonds de l'alliance GAVI - Global Alliance for Vaccines qui promeut et favorise la vaccination.

Dès lors, sur les moyens supplémentaires demandés au titre de la coopération multilatérale pour 2022, il convient de relever que plus de 56 % d'entre eux concernent le champ de la protection de la santé au niveau mondial.

En parallèle, les moyens en faveur de la coopération multilatérale seraient accrus dans les secteurs de l'éducation (70,4 millions d'euros supplémentaires demandés au profit du Partenariat Mondial pour l'Éducation) et de l'aide humanitaire (+ 56 millions d'euros).

c) Les crédits dédiés à la coopération communautaire se réduisent progressivement

Les crédits demandés au titre de la coopération communautaire - qui correspondent à la participation de la France au Fonds européen de développement (FED) - se réduisent de 226,4 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2021.

Cette contraction était attendue dans la mesure où, dans le cadre du nouveau cadre financier pluriannuel de l'Union européenne 2021-2027, le FED a été remplacé par un nouvel instrument - le NDICI 1 ( * ) /L'Europe dans le monde - doté de 79,5 milliards d'euros pour la période du CFP.

Les financements dédiés à ce nouvel instrument seront supportés par le prélèvement sur recettes versé au profit de l'Union européenne (PSR-UE) et ne seront donc pas retracés par la présente mission.

Toutefois, du fait de la pluriannualité de la programmation du FED, des versements devront être opérés par la France au moins jusqu'en 2028 , date à partir de laquelle l'ensemble des restes à payer auront été apurés.

3. Une opération de conversion de ressources particulières de l'AFD en fonds propres est prévue cette année encore

En 2021, la maquette de la mission Aide publique au développement a été revue de sorte à intégrer un nouveau programme dédié au renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement doté de 1,4 milliard d'euros en AE.

Comme les rapporteurs spéciaux l'avaient indiqué lors de l'examen des crédits de la mission pour 2021, cette opération s'imposait pour deux raisons :

- d'abord car sous l'effet de la croissance soutenue de son activité, le niveau des ratios prudentiels imposés à l'AFD en tant qu'établissement de financement était historiquement « en tension » ;

- ensuite, parce que l'évolution récente du cadre réglementaire européen avait conduit à exclure du périmètre des ressources prises en compte pour le calcul des ratios prudentiels les « ressources à conditions spéciales » (RCS) qui sont des prêts accordés annuellement par le Trésor à l'AFD à des conditions très préférentielles.

Dans ce contexte, et comme l'a rappelé l'agence aux rapporteurs spéciaux, le renforcement des fonds propres prévu en loi de finances pour 2021 et réalisé effectivement en juin 2021, a pris la forme d'une augmentation de capital de 500 millions d'euros, comptabilisée directement dans les fonds propres réglementaires, et d'une conversion du stock de RCS souscrite par l'Agence auprès du Trésor français pour un montant de 920 millions d'euros.

En 2022, 190 millions d'euros sont demandés en CP pour réitérer cette opération de conversion d'une RCS en prise de participation de l'État . Celle-ci se déroulerait selon les mêmes modalités que l'année précédente, à savoir :

- l'AFD remboursera de façon anticipée le prêt préférentiel du Trésor de 190 millions d'euros qui lui est versé cette année et qui est retracé au programme 853 du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » ;

- le programme 365 versera 190 millions d'euros au compte d'affection spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) ;

- celui-ci versera une dotation en capital à l'AFD d'un montant
de 190 millions d'euros.

En comptabilité budgétaire, cette opération se traduit par une suite d'opérations se compensant partiellement pour aboutir à un décaissement net pour l'État de 190 millions d'euros en 2022 .

En comptabilité nationale, cette opération est neutre pour le budget de l'État, dans la mesure où elle constitue une prise de participation et n'est donc pas comptabilisée comme une dépense.

4. Si un programme dédié à la restitution des « biens mal acquis » a été créé, il n'est doté d'aucun crédit

En 2022, la maquette budgétaire de la mission Aide publique au développement intègre un nouveau programme consacré à la restitution des « biens mal acquis ».

La création de ce nouveau programme découle des dispositions du XI de l'article 2 de la loi de programmation précitée qui prévoit que « dans le cadre de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales (...) sont restituées, au plus près de la population de l'État étranger concerné, les recettes provenant de la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour le blanchiment, le recel, le recel de blanchiment ou le blanchiment de (...) lorsque la décision judiciaire concernée établit que l'infraction d'origine a été commise par une personne dépositaire de l'autorité publique d'un État étranger, chargée d'un mandat électif public dans un État étranger ou d'une mission de service public d'un État étranger, dans l'exercice de ses (...) ».

Pour 2022, aucun crédit n'est demandé pour ce programme . En effet, d'après les échanges qu'ont eus les rapporteurs avec la direction du Trésor, les ressources tirées de la cession, par le ministère de la Justice, des « biens mal acquis » seront versées au profit du programme au fur et à mesure , probablement à l'occasion des lois de finances rectificatives de l'année.

Les rapporteurs spéciaux estiment que cette approche ne favorise pas la lisibilité du programme et posera vraisemblablement des difficultés dans la conception et la mise en oeuvre des actions de restitution.

En tout état de cause, ils considèrent qu'un premier bilan devra rapidement être dressé au terme de l'exercice 2022 pour constater la pertinence de la solution proposée par l'exécutif.

5. L'évolution des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers »

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les prêts consentis à des États dans une logique d'aide publique au développement , à l'exception du compte 854 relatif à la participation de la France au désendettement de la Grèce et qui ne supporte plus aucune dépense.

Présentation des crédits du compte de concours financiers en 2022

(en millions d'euros)

Recettes du programme

AE

CP

Solde

851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

265,4

1 500,0

811,3

-545,9

852 - Prêts résultant de l'exécution d'accords conclus avec les gouvernements étrangers et portant consolidation des dettes de leur pays envers la France

70,4

224,0

224,0

-153,6

853 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

211,5

0,0

190,0

21,5

854 - Soutien financier aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro

570,2

0,0

0,0

570,2

Comptes de concours financiers

1 117,6

1 724,0

1 225,3

-107,8

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) Le programme 851

Les crédits du programme 851 correspondent au montant des prêts qui peuvent présenter un caractère concessionnel consenti ou à consentir par l'État à d'autres États pour la réalisation d'opérations qui participent au développement du commerce extérieur français.

Les autorisations d'engagement du programme représentent les montants que l'État envisage d'octroyer sous forme de prêts l'année suivante tandis que les crédits de paiement, sont constitués des décaissements effectifs des prêts passés ou futurs. En miroir, les recettes du programme sont formées des versements d'intérêts ou de remboursements de capital par les États débiteurs.

En tenant compte de l'amendement n°1558 adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, les crédits demandés pour 2022 au titre du programme 851 s'élèvent à 1,5 milliard d'euros en AE et 811,3 millions d'euros en CP.

Les principaux décaissements attendus pour 2022 concernent les projets de ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca, de réhabilitation et d'extension de la ligne 4 du réseau de transport ferroviaire de Nairobi et de travaux d'interconnexion entre des capacités de production d'électricité au Kenya.

Alors que ses recettes diminueraient par ailleurs, le déficit du programme s'alourdirait fortement en 2022 pour s'établir à - 545,9 millions d'euros.

b) Le programme 852

Les crédits du programme 852 correspondent aux prêts octroyés pour la mise en oeuvre d'accords d'annulation ou de consolidation des créances détenues par l'État et ses opérateurs (AFD et l'ancienne Banque française du développement, aujourd'hui Natixis) envers des pays en développement.

Les montants demandés en AE et en CP (224 millions d'euros pour 2022) résultent des hypothèses faites par le Gouvernement quant au volume de traitement de dettes susceptible d'être conclu au cours de l'année à venir. En l'espèce, les estimations pour 2022 sont plus faibles de 330,7 millions d'euros par rapport à celles retenues à l'occasion du PLF pour 2021.

En miroir, les recettes du programme sont constituées du versement des intérêts et du remboursement du capital des prêts . Depuis 2020, le niveau des recettes du programme est impacté par la mise en oeuvre de l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD) initiée pour soutenir les pays en développement dans le contexte de la crise sanitaire.

Cette opération sera neutre à long terme au plan budgétaire pour l'État mais le report du versement des intérêts dus entraine une contraction temporaire des recettes du programme.

c) Le programme 853

Les crédits du programme 853 correspondent aux prêts octroyés par l'État à l'AFD à des conditions très préférentielles pour permettre à l'agence, par la suite, d'offrir des financements concessionnels à des États étrangers ou des organisations internationales.

Les recettes du programme sont constituées des remboursements par l'AFD de ces « ressources à conditions spéciales » (RCS) perçues auparavant.

En 2022, les crédits demandés s'élèvent à 190 millions d'euros en crédits de paiement et correspondent au décaissement de prêts concédés les années précédentes.

Pour mémoire, cette dépense s'inscrit dans le cadre de l'opération de renforcement des fonds propres de l'AFD portée par le programme 365 et décrite supra.


* 1 Pour Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument .

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