B. L'ÉLABORATION DE NORMES PAR L'UNION EUROPÉENNE SE HEURTE À DES DIFFICULTÉS D'ORDRE JURIDIQUE

Face à cette impasse politique, la Commission a proposé en mars 2020 une nouvelle stratégie pour l'égalité des genres et annoncé une initiative législative pour atteindre les mêmes objectifs que la Convention . La proposition devrait ajouter la violence faite aux femmes 4 ( * ) dans les « Eurocrimes » . Elle devrait également reprendre les éléments essentiels de la Convention 5 ( * ) . Le 15 septembre dernier, dans son discours sur l'état de l'Union, Mme von der Leyen a confirmé la publication de ce texte avant la fin de l'année. La date prévue est le 8 décembre prochain . L'objectif est clairement de le présenter avant la Présidence française de l'Union européenne, laquelle pourrait faire avancer les négociations.

Ce texte a néanmoins pris du retard. Le délai d'un an initialement annoncé n'a pas été respecté, en raison de quelques difficultés juridiques liées à la base légale dudit texte. En effet, l'article 83 paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) autorise l'adoption de directives pénales dans les « domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière » .

En ce qui concerne leur assimilation aux « Eurocrimes » , les féminicides et violences de genre ne remplissent pas les deux critères indispensables de l'article 83 paragraphe 1 du TFUE précité : s'ils sont effectivement d'une particulière gravité, ils ne présentent pas de caractère transfrontalier. Ne relèverait donc de cette catégorie dans le futur texte que le harcèlement en ligne si l'on reste à base légale constante.

Le Parlement européen a de son côté adopté le 16 septembre dernier une résolution contenant des recommandations à la Commission pour modifier cet article 83 §1 du TFUE et y intégrer la violence fondée sur le genre dans la liste des domaines de criminalité qu'il vise expressément, qui pourrait dès lors servir de base juridique pour une directive axée sur les victimes, visant à prévenir et à combattre toutes les formes de violence fondée sur le genre, en ligne et hors ligne.

En ce qui concerne les autres bases juridiques 6 ( * ) possibles de la directive, celles-ci ne permettent pas d'harmonisation globale, seulement la détermination de règles minimales, en particulier en matière pénale.

Tout ceci n'est cependant que conjecture puisque le texte ne sera présenté que début décembre. Les rapporteures craignent cependant que la directive annoncée soit avant tout un patchwork de mesures pour pallier ces difficultés.

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En conséquence, les rapporteures proposent d'amender la proposition de résolution européenne, déposée par Mmes Nathalie Goulet et Annick Billon, en tenant compte des éléments précités , en vue de son renvoi à la commission des lois.


* 4 Il s'agissait d'introduire dans l'article 83 § 1 du TFUE des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre des formes spécifiques de violence sexiste, dont le harcèlement sexuel, la maltraitance des femmes et les mutilations génitales féminines.

* 5 Elle devrait comprendre une définition commune des violences et des sanctions pénales minimales. Des mesures devaient être prises pour combattre les violences sexistes, le harcèlement, la maltraitance, les mutilations génitales, les mariages forcés, les avortements et les stérilisations forcées. Devrait être également ajoutée une recommandation sur la prévention des pratiques préjudiciables, portant notamment sur la nécessité de mesures préventives efficaces et reconnaissant l'importance de l'éducation. La recommandation devrait aussi aborder le renforcement des services publics, les mesures de prévention et de soutien, le renforcement des capacités des professionnels et l'accès à la justice centré sur les victimes.

* 6 Article 78§2 sur l'asile, article 82§2 sur la coopération judiciaire et policière, article 84 sur la prévention et article 336 sur le statut des fonctionnaires de l'Union. Aux termes du paragraphe 2 de l'avis de la CJUE du 6 octobre 2021 : « la base juridique matérielle appropriée pour l'adoption de l'acte du Conseil portant conclusion par l'Union de la partie de la convention d'Istanbul faisant l'objet de l'accord envisagé, au sens de l'article 218, paragraphe 11, TFUE, est composée de l'article 78, paragraphe 2, de l'article 82, paragraphe 2, ainsi que des articles 84 et 336 TFUE ».

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