TITRE VI

MIEUX PROTÉGER LES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS

Article 14
Révision de la répartition territoriale des mineurs non accompagnés

Cet article propose de modifier la clef de répartition des mineurs non accompagnés en y intégrant les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans. Parmi les critères de répartition territoriale serait ajouté un paramètre tenant aux conditions socio-économiques du département.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. La clef répartissant les mineurs non accompagnés entre les départements

Issu d'un protocole d'accord du 31 mai 2013 entre le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France (ADF), un mécanisme de répartition territoriale des MNA sur l'ensemble du territoire a été garanti par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant .

L'article L. 221-2-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que le ministre de la justice fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements « en fonction de critères démographiques et d'éloignement géographique ».

Afin de calculer la clef de répartition, les départements doivent transmettre à la cellule MNA du ministère de la justice les informations relatives au nombre de mineurs pris en charge au 31 décembre de l'année précédente, au plus tard le 31 mars de l'année en cours. À défaut de transmission dans les délais, le nombre retenu est fixé à zéro 105 ( * ) .

Avant 2019, la clef de répartition se fondait sur la population âgée de 19 ans et moins du département et l'écart observé, au 31 décembre de l'année précédente, entre le nombre de mineurs effectivement confiés au département et le nombre qui aurait résulté d'une répartition proportionnelle à la population des moins de 19 ans.

Cette clef de répartition a été modifiée par un décret du 19 décembre 2019 106 ( * ) afin de ne plus pénaliser les départements à la démographie la plus jeune. Le critère démographique retenu concerne désormais la population générale du département (voir encadré ci-dessous).

La décomposition du calcul de la clef de répartition des MNA

Fixée par l'article R. 221-13 du code de l'action sociale et des familles, la clef fixant la proportion de MNA devant être accueillis dans chaque département est égale à la somme :

1° de la population totale du département rapportée à la population totale de l'ensemble des départements concernés ;

2° d'un cinquième du rapport entre :

a) la différence entre :

- le nombre de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille que le département aurait dû accueillir au 31 décembre de l'année précédente en appliquant la valeur du 1° au nombre de mineurs accueillis dans l'ensemble des départements à cette date ;

- et le nombre de mineurs effectivement pris en charge par le département à cette date ;

b) le nombre de mineurs accueillis dans l'ensemble des départements concernés au 31 décembre de l'année précédente.

Lorsqu'une personne se déclarant MNA est évaluée mineure par le département, le président du conseil départemental signale sa situation à l'autorité judiciaire. En application de l'article 375-5 du code civil, le procureur de la République ou le juge des enfants demande alors au ministère de la justice de lui communiquer « les informations permettant l'orientation du mineur concerné » à savoir le nombre de MNA accueillis dans chaque département au regard du nombre fixé par la clef de répartition.

B. Le dispositif proposé : intégrer de nouveaux critères dans la clef de répartition des MNA

Le présent article (au a) et b) du ) propose de modifier l'article L. 221-2-2 du code de l'action sociale et des familles afin de prévoir que le président du conseil départemental transmet au ministère de la justice, outre le nombre de MNA accueillis dans le département, le nombre de jeunes majeurs de moins de 21 ans, ex-MNA, pris en charge par l'ASE.

Le dispositif proposé au a) du vise à prendre en compte dans la péréquation territoriale le nombre d'anciens MNA de moins de 21 ans pris en charge à l'ASE dans chaque département. Le b) propose d'intégrer aux critères de la clef de répartition la situation socio-économique des départements.

Le propose de supprimer la mention des conditions d'évaluation de la situation des mineurs se présentant comme MNA au sein des éléments que le décret d'application en Conseil d'État doit notamment fixer dans la mesure où l'article L. 221-2-4 du code de l'action sociale et des familles, que l'article 15 du présent projet de loi entend créer, concernerait ces conditions d'évaluation et renverrait lui-même à un décret.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure Bénédicte Pételle.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Le rapporteur approuve les dispositions proposées par cet article qui permettront de garantir une plus grande équité entre les départements dans l'accueil des MNA.

D'une part, l'intégration dans le mécanisme de répartition des anciens MNA désormais majeurs de moins 21 ans pris en charge par l'aide sociale à l'enfance permettra de ne pas pénaliser les départements qui accordent plus aisément des contrats jeunes majeurs à ce public . La mission d'information sur les MNA de septembre 2021 avait recommandé d'incorporer ce nouveau critère afin d'inciter à cette pratique vertueuse.

Tenir compte des MNA accompagnés jusqu'à 21 ans apparaît d'autant plus nécessaire que l'article 3 bis D du projet de loi vise à garantir une prise en charge temporaire aux jeunes sortant de l'ASE en difficulté d'insertion sociale. Or, ainsi que la mission d'information l'a montré, les anciens MNA constituent un public particulièrement fragile susceptible de satisfaire les conditions fixées par cet article.

D'autre part, l'ajout d'un critère lié à la situation socio-économique des départements permettra une meilleure solidarité interdépartementale en soulageant les territoires les plus pauvres . Interrogée sur l'indicateur que le décret d'application pourrait retenir, la DGCS a indiqué au rapporteur que le critère n'était pas encore figé et serait déterminé lors des travaux concertés avec les départements. Toutefois, le taux de bénéficiaires des minimas sociaux avait été évoqué dans les réflexions engagées en 2019 sur la modification de la clef de répartition.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 14 bis
Interdiction de la réévaluation d'un mineur non accompagné
orienté par décision judiciaire

Cet article propose de prohiber les réexamens de la minorité et de l'isolement des mineurs non accompagnés orientés dans un département après avoir été évalués mineurs dans un premier département.

La commission a adopté cet article en étendant cette interdiction à tous les mineurs non accompagnés confiés à l'aide sociale à l'enfance par le juge des enfants.

I - Le dispositif proposé : interdire les réexamens de la minorité

A. La réévaluation des situations des MNA : un phénomène marginal mais particulièrement délétère

1. Le phénomène marginal des réévaluations

La plupart des départements entendus en audition ont précisé au rapporteur ne pas conduire de réévaluation de la minorité d'un MNA orienté vers leur département par le parquet ou un juge des enfants sur le fondement de l'article 375-5 du code civil 107 ( * ) . Toutefois, ce phénomène existe comme le confirme le rapport d'activité annuel pour 2019 de la mission mineurs non accompagnés du ministère de la justice :

« De nombreux conseils départementaux ont avisé la MMNA des résistances rencontrées avec d'autres départements : absence de prise en charge de mineurs pourtant confiés par décision judiciaire, absence de mise à l'abri dans certains départements entraînant un déplacement des flux d'arrivées sur le territoire voisin, réévaluations ou expertises complémentaires suivies d'un refus de prise en charge » 108 ( * ) .

Ainsi que l'a indiqué la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) au rapporteur, aucune disposition juridique ne permet ces réévaluations. En outre, « procéder à une réévaluation pour un individu déjà évalué mineur et reconnu comme tel par le procureur de la République et le juge des enfants dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative revient à remettre en cause, de façon détournée, une décision judiciaire ».

2. Des conséquences délétères pour les jeunes réévalués

La mission d'information sur les MNA a pointé le caractère délétère de cette pratique qui rallonge la phase d'évaluation et de mise à l'abri au détriment de l'accueil en protection de l'enfance . Ce prolongement, sans fondement juridique, de la phase d'évaluation emporte des conséquences néfastes pour les jeunes : retard dans leur scolarisation, dans leur accompagnement par des éducateurs, dans leur insertion sociale, etc.

B. Le dispositif proposé : interdire la réévaluation des MNA orientés dans le cadre de la répartition territoriale

Le présent article, introduit en commission à l'Assemblée nationale, à l'initiative de deux amendements identiques de la rapporteure Bénédicte Pételle ainsi que de Mme Florence Provendier (La République en Marche), vise à insérer un nouvel article L. 221-2-5 au sein du code de l'action sociale et des familles qui prévoit que la reconnaissance de la minorité et de l'isolement d'une personne se déclarant comme MNA par un président de conseil départemental s'applique à l'ensemble des départements. Il propose dès lors d'interdire à un président du conseil départemental la réévaluation d'un MNA lorsqu'il est reconnu comme tel et orienté dans le département par décision de l'autorité judiciaire en application de l'article 375-5 du code civil.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements rédactionnels de la rapporteure.

II - La position de la commission

Le rapporteur approuve l'initiative de l'Assemblée nationale d'inscrire dans la loi l'interdiction de pratiquer des réévaluations qui, comme indiqué supra , ne sont pas conformes au droit. Les réexamens de la situation des MNA ne sont pas souhaitables pour les jeunes et démontrent une défiance du département envers la qualité de l'évaluation menée par ses pairs. L'interdiction est une mesure équilibrée compte tenu de la généralisation du recours au fichier d'appui à l'évaluation de la minorité, prévu à l'article 15, qui renforcera l'efficacité des investigations.

Le rapporteur a souhaité proposer un amendement COM-91 adopté par la commission. Cet amendement clarifie la rédaction de cet article mais permet aussi de couvrir tous les cas de figure en intégrant au bénéfice de l'interdiction les MNA confiés par le juge des enfants au département par une mesure d'assistance éducative sans recourir au mécanisme d'orientation. En effet, la mission MNA du ministère de la justice met en exergue que les juges des enfants sont minoritaires à faire application du troisième alinéa de l'article 375-5 109 ( * ) .

Les juges des enfants sont pourtant de plus en plus en nombreux à être saisis directement par des jeunes se présentant comme MNA, directement ou à la suite d'une décision d'un département les identifiant comme majeurs, afin de se voir reconnaitre la qualité de MNA. Une fois confiés à l'ASE sur ce fondement, les départements ne peuvent les réévaluer et refuser de les prendre en charge sans remettre en cause une décision ayant autorité de la chose jugée. Le département peut toutefois, si de nouveaux éléments laissent suggérer que le jeune est en réalité majeur, saisir le juge des enfants pour que, le cas échéant, celui-ci prononce la mainlevée de la mesure d'assistance éducative.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15
Généralisation de la saisine du préfet afin d'appuyer l'évaluation
de la situation de la personne se déclarant mineur non accompagné

Cet article propose de rendre obligatoire le recours au traitement automatisé d'appui à l'évaluation de la minorité et les échanges d'information entre les services départementaux et préfectoraux.

La commission a adopté cet article en précisant que le département déléguant sa compétence d'évaluation à une structure doit assurer un contrôle régulier des conditions de sa mise en oeuvre par cette dernière.

I - Le dispositif proposé

A. Les départements sont incités à recourir à l'appui des services préfectoraux dans le cadre de l'évaluation de la situation des personnes se déclarant MNA

Les deuxième et quatrième alinéa de l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles prévoient qu'en cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service de l'ASE lequel, à l'expiration d'un délai de cinq jours si ce mineur n'a pas pu être remis à sa famille, doit saisir l'autorité judiciaire pour que celle-ci oriente le mineur en application de l'article 375-5 du code civil 110 ( * ) .

Cet article sert de fondement légal à l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles qui fixe les modalités d'évaluation de la minorité et de l'isolement des personnes se déclarant MNA 111 ( * ) . Aux termes de cet article, le président du conseil départemental est tenu de procéder aux investigations nécessaires à l'examen de la situation de la personne lors de la mise à l'abri provisoire de cinq jours .

Pour cela, il dispose de la faculté de solliciter le concours des services préfectoraux afin d'aider à l'identification du jeune et, le cas échéant, à l'authentification des documents d'état civil qu'il possède. Le jeune est alors présenté en préfecture où ses données biométriques sont relevées. Les services préfectoraux font alors usage du traitement automatisé d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM). Le président du conseil départemental, lorsqu'il choisit de saisir le préfet, doit ensuite lui notifier la date et le résultat des évaluations qu'il a menées afin d'alimenter le fichier AEM.

Le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité

L'article L. 142-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile 112 ( * ) prévoit qu'afin de mieux garantir la protection de l'enfance, « les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé » .

Les articles R. 221-15-1 du code de l'action sociale et des familles et suivants issus du décret du 30 janvier 2019 déterminent les modalités précises d'utilisation du fichier AEM. Les données plus précises pouvant être collectées concernent, entre autres, la nationalité, la langue, la date et les conditions d'entrée en France de la personne se déclarant MNA. Ces informations sont effacées du fichier au terme d'un délai maximal d'un an.

Les données du fichier AEM peuvent être transférées vers le fichier d'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF2) lorsque la personne a été évaluée majeure.

Selon la DPJJ, depuis sa mise en oeuvre effective au 1 er mars 2019, la présentation en préfecture des personnes se présentant comme MNA aux fins d'enregistrement dans le traitement AEM a été mise en place dans 80 collectivités. Le nombre de dossiers traités dans AEM augmente continuellement avec 22 012 enregistrements au 9 septembre 2021 dont 11 655 dossiers en cours. Sur les 10 357 dossiers clos, 40,6 % des jeunes présentés en préfecture ont été évalués mineurs non accompagnés, 2,1 % des jeunes ont été évalués mineurs accompagnés et 53,4 % comme majeurs .

L'article R. 221-12 du code de l'action sociale et des familles prévoit une contribution forfaitaire de l'État au financement des missions d'évaluation des personnes se déclarant MNA 113 ( * ) . Le décret du 23 juin 2020 114 ( * ) a décidé que cette contribution serait modulée pour les évaluations réalisées à compter du 1 er janvier 2021 selon que le président du conseil départemental a conclu ou non avec le préfet la convention visant à organiser l'appui des préfectures à l'évaluation de la situation des jeunes. La contribution s'élève désormais à 500 euros par personne évaluée ; elle s'établit à 100 euros dans le cas où le département refuse cette convention et, avec elle, le recours au fichier AEM.

B. Le recours obligatoire au concours du préfet par le moyen du fichier AEM

L'article 15 propose de créer un nouvel article L. 221-2-2 du code de l'action sociale et des familles lequel déterminera les modalités d'évaluation des personnes se présentant comme MNA par les conseils départementaux et l'appui des préfectures à cette évaluation.

En cela, le présent article rehausse au niveau législatif certaines dispositions règlementaires notamment codifiées à l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles comme la possibilité du président du conseil départemental de solliciter le concours du préfet en vue d'authentifier les documents d'état civil du jeune et de demander à l'autorité judiciaire de procéder à un examen de tests osseux.

? Le dispositif proposé entend rendre obligatoire la présentation auprès des services préfectoraux de la personne se présentant comme MNA afin qu'ils apportent une aide à l'identification et à l'évaluation de la minorité par la consultation du fichier AEM . Le président du conseil départemental n'est pas tenu à cette présentation lorsque la minorité de la personne est manifeste.

? Il oblige ensuite le président du conseil départemental à transmettre mensuellement au préfet la date et le sens des évaluations individuelles réalisées par le département afin d'alimenter ce fichier AEM.

? Afin de rendre effectives ces deux obligations, le présent article prévoit également de conditionner à leur respect le versement de la contribution forfaitaire de l'État aux départements. Il renvoie à un décret d'application en Conseil d'État les modalités du versement de cette contribution.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. Les modifications apportées en commission

En commission, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Jean-Michel Clément (Libertés et Territoires) visant à préciser que la majorité d'un jeune se présentant comme MNA ne peut être déduite du seul fait de son refus de voir ses empreintes biométriques recueillies ou de son enregistrement dans le fichier AEM. Cette disposition reprend les garanties procédurales fixées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 juillet 2019 115 ( * ) .

Deux amendements de la rapporteur Bénédicte Pételle ont respectivement précisé que la contribution forfaitaire était versée au titre de l'évaluation mais aussi de la mise à l'abri et que le décret en Conseil d'État devra préciser la durée de l'accueil d'urgence provisoire. La commission a en outre adopté quatre amendements rédactionnels de la rapporteure.

Enfin, a été adopté un amendement de M. Didier Martin (La République en Marche) visant à prévoir que le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan de la généralisation du recours au fichier AEM dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi.

B. Les modifications apportées en séance publique

En séance publique, sur proposition d'un amendement de M. Jean-Michel Clément, l'Assemblée nationale a complété la garantie procédurale adoptée en commission en l'étendant aux enregistrements dans les fichiers VISABIO 116 ( * ) ou AGDREF2.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Le rapporteur constate que ce dispositif a déjà été adopté le 21 juillet 2021 par le Sénat au sein du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dit « 3 DS »).

Le recours au traitement AEM permet au département de vérifier si la personne qui se déclare mineure a déjà fait l'objet d'une évaluation dans un autre département et quels en ont été les résultats. Un tel fichier national permet donc d'éviter le phénomène de nomadisme de la part de majeurs qui tentent leurs chances dans différents départements et engorgent les dispositifs d'accueil.

Le rapporteur estime que la généralisation du fichier AEM au niveau national apparaît nécessaire pour accroître son efficacité et améliorer la qualité des évaluations dans tous les départements. En effet, selon la DPJJ entendue en audition, du fait de seize départements qui refusent aujourd'hui de présenter des jeunes en préfecture, environ 40 % des personnes se présentant comme MNA ne sont pas enregistrés dans le traitement automatisé.

La commission a adopté un amendement COM-92 du rapporteur visant à supprimer la demande de rapport au Gouvernement sur la généralisation du fichier AEM.

À l'initiative de M. Laurent Burgoa, la commission a également adopté un amendement COM-1 rect. quinquies visant à préciser que lorsque l'évaluation de la situation des personnes se déclarant MNA est déléguée à une structure, souvent associative, le département doit assurer un contrôle régulier des conditions dans lesquelles la compétence est exercée par la structure délégataire . Cet amendement traduit une recommandation de la mission d'information sur les MNA qui avait constaté la qualité inégale des évaluations selon les départements notamment lorsque la compétence est mise en oeuvre par délégation.

Le rapporteur estime que le renforcement du contrôle des personnes délégataires contribuera à harmoniser les conditions d'évaluation à l'échelle du territoire et à promouvoir la confiance des départements dans les évaluations menées par leurs pairs.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15 bis (nouveau)
Clarifier les conditions d'accès au séjour des mineurs non accompagnés confiés à des tiers dignes de confiance

La commission a inséré cet article additionnel qui prévoit que les mineurs non accompagnés confiés à des tiers dignes de confiance bénéficient des mêmes conditions d'obtention d'un titre de séjour que les mineurs confiés à l'ASE.

I - Les régimes d'obtention d'un titre de séjour pour les mineurs non accompagnés confiés à l'aide sociale à l'enfance

Avant dix-huit ans, la question de la régularité du séjour des mineurs non accompagnés pris en charge au titre de l'ASE ne se pose pas . Ces derniers ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une fois devenu majeurs, les anciens MNA doivent obtenir la régularisation de leur séjour conformément à l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'âge d'arrivée du MNA sur le territoire français détermine le régime juridique qui s'applique. Néanmoins, la carte de séjour est, quelle que puisse être la situation du jeune, délivrée « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens (...) avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ».

Pour un jeune confié aux services de l'ASE avant ses 16 ans, l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », d'une durée d'un an, lui est délivrée.

Pour un mineur non accompagné confié aux services de l'ASE entre ses 16 ans et ses 18 ans, l'article L. 435-3 du même code prévoit une procédure de régularisation exceptionnelle . Le préfet peut délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » si le MNA justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle .

II - Une absence de précision s'agissant du régime d'obtention des titres de séjour pour ces jeunes confiés à des tiers dignes de confiance

Lors des auditions, plusieurs personnes entendues ont attiré l'attention du rapporteur sur le fait que les MNA confiés à un tiers digne de confiance ne bénéficiaient pas d'un accès au séjour selon les régimes prévus aux articles L. 423-22 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Ces articles concernent en effet « l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ». Ces dispositions peuvent donc être comprises comme excluant les MNA confiés à un tiers digne de confiance dans la mesure où l'article 375-3 du code civil distingue au sein des mesures d'assistance éducative le cas dans lequel l'enfant est confié à un tiers digne de confiance (2°) du cas où il est confié à un service départemental de l'ASE (3°).

Cette rédaction est d'autant plus problématique qu'elle semble être un frein au développement de l'accueil des MNA chez des tiers dignes de confiance. Les personnes volontaires pour accueillir ces jeunes, conseillés par des associations, peuvent finalement se trouver réticentes à se voir confier le jeune par crainte de remettre en cause son accès à un titre de séjour à ses 18 ans.

Le guide de bonnes pratiques en matière d'évaluation de la minorité et de l'isolement publié en décembre 2019 recommande pourtant, lors de l'examen de la situation d'une personne se déclarant MNA, que l'évaluateur détermine « si le jeune est isolé, ou si dans son environnement un adulte a manifesté ou est susceptible de manifester le souhait d'en assumer la charge ». Le rapporteur estime qu'il est dommage que l'accueil chez cette personne ne puisse se faire alors que ce dispositif apparaît comme pertinent pour des jeunes sans famille.

Pour ces raisons, la commission a adopté deux amendements identiques portant article additionnel COM-93 et COM-17, respectivement du rapporteur et de Mme Michelle Meunier, afin de préciser que les articles L. 423-22 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'appliquent également à la situation des MNA confiés à des tiers dignes de confiance.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.


* 105 Article R. 221-14 du code de l'action sociale et des familles.

* 106 Décret n° 2019-1410 du 19 décembre 2019 relatif au calcul de la clef de répartition entre les départements des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

* 107 Cf. article 14.

* 108 DPJJ, Rapport annuel d'activité 2019 de la mission MNA , mai 2020.

* 109 Parmi les placements de MNA prononcés par les juges des enfants, 81 % ont été pris sans sollicitation de la cellule nationale d'orientation en 2019.

* 110 Cf. Article 14 et 14 bis .

* 111 Ou se présentant comme mineure privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille selon les termes du code de l'action sociale et des familles et du code civil.

* 112 Anciennement article L. 611-6-1 CESEDA créé par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 113 L'arrêté du 28 juin 2019 relatif à la participation forfaitaire de l'État à la phase de mise à l'abri et d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille modifié par l'arrêté du 23 octobre 2020 fixe les modalités de calcul de cette contribution forfaitaire.

* 114 Décret n° 2020-768 du 23 juin 2020 modifiant les modalités de la contribution forfaitaire de l'État à la mise à l'abri et à l'évaluation de la situation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille.

* 115 Conseil Constitutionnel, décision QPC n° 2019-797 du 26 juillet 2019.

* 116 Traitement automatisé des informations relatives aux ressortissants étrangers sollicitant un visa (article L. 142-1 CESEDA).

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